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Paul Painlevé

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Anne-Laure Anizan

Chapitre IV. Les débuts prometteurs d’un « jeune » député

Texte intégral

  • 1 Le Béguec G., « L’entrée au Palais Bourbon. Les filières privilégiées d’accès à la fonction parlem (...)
  • 2 Marnot B., Les ingénieurs au Parlement sous la Troisième République, Paris, Éditions du CNRS, 2000 (...)
  • 3 Estèbe J., « Prosopographie des militaires ministres sous la IIIe République », Berstein S., « Les (...)

1Dès son entrée au Parlement, le parcours original de Painlevé le démarque de la majeure partie des parlementaires1. Alors que pour deux tiers des représentants de la nation la première étape du cursus honorum demeure l’exercice d’une fonction élective au niveau local, le savant est élu directement député. Ceux qui, comme lui, ont pu se dispenser d’attaches locales pour briguer un mandat national pouvaient, à son image, profiter d’une forte notoriété, acquise notamment à l’Université. Mais les facultés de droit et de médecine, proches par leur recrutement des catégories professionnelles qui dominent la Chambre, fournissent le plus d’universitaires détenteurs de mandats nationaux. De fait, dans l’hémicycle, rares sont les diplômés de facultés des sciences (0,9 % des députés siégeant entre 1898 et 1940) et plus encore leurs professeurs (19 députés sur les 24 précédemment cités). À la tête des ministères, ils sont aussi peu représentés – 9 diplômés en sciences, soit 1,4 % des ministres entre 1870 et 1940. Les scientifiques du Parlement sont donc plus souvent des ingénieurs – 6 % des députés2. Ces derniers, souvent cantonnés dans un rôle de technicien, sont sur-représentés dans les commissions spécialisées sur les chemins de fer, les ports, l’électricité ou le pétrole. Seules les personnalités exceptionnelles et ambitieuses réussissent à s’extirper de cette forme de prédestination. Par ailleurs, à une époque où le nombre de parlementaires issu de l’Armée diminue, peu de députés disposent d’une culture militaire, encore moins stratégique3.

  • 4 JO, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 8 novembre 1910, p. 2 685-2 689.
  • 5 Machelon J.-P., « L’organisation du travail parlementaire », in Mayeur J.-M., Chaline J.-P. et Cor (...)

2Painlevé a très tôt affirmé son ambition de compter parmi ceux qui faisaient et défaisaient les ministères, ou tout moins influaient sur les projets portés par les chefs de gouvernement. Ainsi et contrairement à nombre de nouveaux élus attendant plusieurs mois, voire plusieurs années, pour prendre la parole en séance publique, Painlevé intervient pour la première fois alors qu’il siège depuis moins de cinq mois. Qui plus est pour interpeller le président du Conseil, Aristide Briand – « braconnier devenu garde-chasse4 » –, lors de la séance d’investiture de son gouvernement, en novembre 1910. Le jeune député prend position contre les mesures prises par le précédent gouvernement Briand pour restaurer l’ordre dans le pays. Celui qui se pose en défenseur du droit de grève et des « libertés ouvrières » s’insurge contre la mobilisation/réquisition des cheminots grévistes. Ensuite, il clame haut et fort son opposition à la constitution d’un nouveau gouvernement dirigé par Briand : son « maintien au pouvoir serait considéré par toute la classe ouvrière comme une provocation » et constituerait un obstacle à l’« apaisement moral » comme à l’« apaisement social ». Très virulent et formulé tout à la fois avec aisance et humour (il provoque de nombreux sourires et rires), son discours, largement applaudi par l’extrême gauche, contribue à sa rapide notoriété dans l’hémicycle. Dans le cadre parlementaire, « règne de la parole5 » où il advient plus d’une fois qu’un discours fasse basculer un vote, l’éloquence manifestée par Painlevé constitue un atout de poids. Le soutien de sa famille politique permet de transformer l’essai. Dès la constitution des commissions parlementaires, les républicains socialistes le choisissent pour les représenter dans les discussions des grands dossiers. Dès lors, régulièrement soutenu par une partie de la gauche, Painlevé n’hésite pas à adopter la posture du ténor tout en se spécialisant sur les questions militaires.

Ambitions nationales et spécialisation militaire

3Au-delà de ses prises de position en séance publique, notamment sur deux grands dossiers politiques de la législature, représentation proportionnelle et loi des trois ans, son émergence au sein du monde parlementaire tient aussi à son activité en commission où s’effectue, cachée, une grande partie du travail parlementaire. Aucun projet, aucune proposition, ne peut être soumis directement aux députés ; les commissions filtrent systématiquement et ce sont les synthèses, produits des différents textes qu’elles ont examinés et des amendements communiqués, qui sont pris pour base de discussion en séance plénière. Cependant, toutes les commissions n’étant pas aussi prestigieuses, la désignation au sein de telle ou telle révèle le statut que le groupe accorde à son député, en même temps que les chances de promotion dont il est prêt à lui faire profiter. De fait, l’appartenance à certaines grandes commissions est considérée comme un honneur et leur présidence constitue un tremplin, en particulier pour accéder à un poste ministériel. Or, alors qu’il est d’usage qu’un nouvel élu fasse ses armes dans des commissions dont l’objet est plus technique que politiquement important, Painlevé est choisi par le groupe républicain socialiste pour siéger au sein de commissions – Suffrage universel, Mines, Armée et Budget – dont le rôle est pour trois d’entre elles primordial. Dans le contexte de montée des tensions des années 1910, être rapporteur du Budget de la Marine et membre de la commission de l’Armée prend une importance toute particulière. Comme le débat sur la représentation proportionnelle (RP) est au début de la législature considéré comme prioritaire, la présence à la commission du Suffrage universel est aussi une opportunité pour celui qui souhaite jouer un rôle de premier plan dans les discussions de ce dossier éminemment politique.

L’erpéiste

  • 6 Pour une mise en perspective historique de la RP, cf. Huard R., Le suffrage universel en France, o (...)

4Lorsque Painlevé débute sa carrière, le débat sur la représentation proportionnelle est déjà ancien6. Initialement considérée comme une utopie, la RP avait, entre 1870 et 1899, renforcé sa crédibilité et, désormais appliquée à l’étranger (à partir de 1892 en Suisse, de 1899 en Belgique), elle obtenait l’appui de groupes politiques notables. Entre 1899 et 1909, les premières organisations visant à la faire triompher étaient créées, et les partis appelés à prendre position quant à son adoption.

5La discussion de la réforme électorale – précisément de la proposition de loi préparée par la commission du Suffrage universel en faveur de la représentation proportionnelle – ouverte à la Chambre le 21 octobre 1909, n’était pas close avant le scrutin législatif du printemps 1910. Le choix du futur mode de scrutin était dès lors objet de débat durant la campagne. Comme une majorité de 318 élus, Painlevé avait défendu la RP. L’engagement n’était pas contradictoire avec les soutiens reçus. Les candidats du parti radical comme ceux de l’ARD se partageaient entre erpéistes – partisans de l’adoption de la RP – et antierpéistes, aussi appelés arrondissementiers – favorables au maintien du scrutin majoritaire uninominal à deux tours. La SFIO étant le seul parti à s’être unanimement prononcé en faveur de la RP, le choix du savant favorisait le ralliement des socialistes unifiés à sa candidature. À l’issue des élections, Painlevé fait partie de ceux qui, au sein de la commission du Suffrage universel, sont plutôt partisans du système proposé par le projet de loi que le président du Conseil, Aristide Briand, vient de déposer : un scrutin de liste mis en œuvre dans le cadre départemental et assurant la représentation des minorités. Chaque département forme une circonscription, à moins que le nombre des députés à élire dépasse le chiffre de quinze (plusieurs circonscriptions sont alors créées) ou qu’il soit inférieur à quatre (deux départements limitrophes sont dans ce cas réunis). Chaque électeur dispose d’autant de suffrages qu’il y a de députés à élire, mais ne peut attribuer plus d’un suffrage à chaque candidat. Le quotient électoral est déterminé en divisant le nombre des suffrages exprimés par celui des députés à élire. Une liste obtient autant de sièges que sa moyenne contient de fois le quotient électoral. Si après cette première répartition d’autres sièges restent à pourvoir, ils sont attribués aux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. Les adversaires se partagent en deux groupes, les uns favorables au scrutin d’arrondissement, les autres pour le scrutin de liste pur et simple. Le clivage erpéistes/antierpéistes ne reflète donc pas une situation devenue rapidement plus complexe. Une fois que les erpéistes se sont accordés sur l’hypothèse d’un scrutin de liste proportionnel dont le cadre serait départemental, à la rigueur régional, reste à décider comment doit être calculé le quotient et s’il faut adopter des listes bloquées ou accepter des listes incomplètes et la possibilité du panachage.

  • 7 Billard Y., « Le parti républicain socialiste », thèse citée, p. 156-159.

6Parallèlement à l’étude du projet gouvernemental en commission puis à sa discussion en séance publique, le débat se poursuit dans le cadre extra-parlementaire, à l’intérieur des partis politiques et dans la presse. En 1910, l’idée d’une réforme du mode de scrutin est inscrite dans la déclaration du groupe parlementaire républicain socialiste, sans cependant qu’en soit précisée la teneur. En 1911, le projet ne figure ni dans la déclaration des membres de la direction politique de La Bataille, ni dans celle du parti. Cette absence de ligne politique est le fruit de la division des républicains socialistes. Le groupe parlementaire et le parti sont divisés en quatre tendances7. Les adeptes de la RP intégrale, les proportionnalistes ou erpéistes, sont menés au Parlement par Briand, Millerand et Viviani, soutenus par la majorité des membres de la commission administrative du parti. Breton et Borrel sont à la tête de ceux qui souhaitent le maintien du scrutin majoritaire uninominal à deux tours dans le cadre de l’arrondissement. Le scrutin départemental est défendu par Augagneur. Painlevé appartient au quatrième groupe formé par ceux qui sont partisans de solutions mixtes, type RP avec prime à la majorité, mais représentation des minorités. Les désaccords entre les leaders républicains socialistes s’étalent au grand jour dans les colonnes de La Bataille. Painlevé y défend les propositions qu’il a faites au Parlement.

7Quelque temps avant que la discussion de la réforme électorale ne commence, le député du 5e a en effet saisi la commission du Suffrage universel d’une proposition tendant à pourvoir à l’attribution des restes : il suggère l’apparentement des listes et l’introduction d’une prime à la majorité absolue. Une fois les sièges répartis suivant le système du quotient, autrement dit à la proportionnelle, les listes apparentées recevraient autant de sièges que la somme des restes de leur moyenne contiendrait de fois le quotient électoral. Après cette opération, s’il y avait encore des députés à élire, ils seraient choisis dans la liste ou le groupement de listes dont la moyenne ou la somme des moyennes atteindraient la majorité absolue des suffrages. Si aucune liste ou aucun groupement de listes n’avait obtenu la majorité absolue des suffrages, la moyenne de chaque liste ou groupement de listes était divisée par le nombre de députés que lui donnerait l’attribution d’un siège supplémentaire et la liste ou groupement de listes accusant le plus fort quotient aurait droit à un député de plus. La même opération devait se poursuivre jusqu’à complète attribution des sièges disponibles.

8L’apparentement et la prime à la majorité absolue représentent une solution transactionnelle visant à rallier un maximum de députés à la réforme électorale. Les sièges étant d’abord attribués au quotient, les partisans de la RP peuvent s’estimer satisfaits. L’apparentement et la prime à la majorité absolue constituent une concession susceptible d’emporter l’adhésion des arrondissementiers. La proposition Painlevé peut aussi séduire parce qu’elle offre la possibilité de préserver des situations électorales acquises. Dans ce contexte, elle passe aux yeux de beaucoup pour une tentative consistant à rallier ceux, en particulier radicaux ou modérés, qui craignent que l’application de la représentation proportionnelle pure ne leur fasse perdre leur siège.

  • 8 La Bataille, 20 février 1912.
  • 9 JO, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 6 juillet 1912, p. 2 057.
  • 10 Ibid., p. 2 060.
  • 11 Ibid., p. 2 062.

9Dans la séance du 6 juillet, les députés acceptent le principe de la répartition proportionnelle, mais le débat sur l’attribution des sièges restants n’est pas tranché. La discussion reprend en janvier 1912. L’amendement Painlevé est à nouveau largement discuté. Le ministre de l’Intérieur du cabinet Poincaré, Steeg, voulant faciliter le vote de la loi auprès de la majorité radicale, se prononce pour l’apparentement demandé par Painlevé. Les députés socialistes Sembat et Jaurès le combattent, comme la plupart des proportionnalistes. Ils veulent, affirment-ils, mettre un terme à la politique des coalitions du second tour. La solution proposée par Painlevé est repoussée par 497 voix contre 91. Dans La Bataille, Painlevé dénonce l’attitude des socialistes unifiés qui, selon lui, rendent impossible l’émergence d’une solution. Il les accuse d’oublier les intérêts du parti républicain pour ne penser qu’à ceux de la SFIO8. L’apparentement et la prime à la majorité absolue sont à nouveau discutés en juillet 1912. Il revient désormais au président du Conseil, Raymond Poincaré, de faire aboutir la réforme électorale. Le principe de l’apparentement est adopté dans la séance du 5 juillet. Painlevé dépose alors un amendement – « Lorsqu’une liste ou un groupement de listes atteint la majorité absolue, tous les sièges restants lui sont attribués » – pour qu’il s’accompagne de la prime à la majorité absolue9. Lors de sa discussion, le savant se heurte à une vigoureuse opposition. Jaurès estime que l’introduction de la prime à la majorité absolue « fait entrer dans une sphère nouvelle, dans la sphère de l’iniquité qui viendra corriger la justice10 ». Le chef du gouvernement, soutenu par le président de la commission du Suffrage universel, Ferdinand Buisson, s’oppose également à l’adoption de l’amendement Painlevé, finalement repoussé par 328 voix (257 députés ont voté pour)11.

10Le 10 juillet, la Chambre achève la discussion de la réforme électorale et adopte l’ensemble de la loi. Le département est choisi comme unique circonscription électorale. Les sièges sont d’abord répartis au quotient entre les listes apparentées ou non. Un seul des sièges non pourvus est attribué à la liste ou au groupement de listes ayant obtenu la majorité absolue des voix, et encore à condition qu’elle ou qu’il n’ait pas déjà la majorité des sièges. Les autres sièges restants sont répartis à la plus forte moyenne. Comme la dernière version du texte n’a pas retenu, pour le premier tour de l’attribution des restes, l’idée de prime à la majorité absolue, Painlevé s’abstient. Le projet de loi voté à la Chambre est transmis au Sénat qui ne se presse pas de l’examiner. Finalement, la Chambre haute modifie le texte adopté par la Chambre basse. Briand hostile au texte sénatorial choisit de démissionner. La Chambre des députés revote son texte avec quelques modifications. Le Sénat, intraitable, lui renvoie son propre projet. Les élections de 1914 se déroulent selon les dispositions prévues par la loi de 1889. La guerre interrompt la discussion sur la RP.

11Parallèlement à ses prises de position dans ce grand débat politique de la législature, Painlevé devient rapidement un spécialiste des questions militaires, qu’il aborde déjà par leurs aspects scientifiques et techniques. La Chambre a de fait su rapidement exploiter les compétences rares du savant.

Le rapporteur du budget de la Marine

  • 12 AN C 7426 comptes rendus des séances de la commission du Budget 1912-1913.
  • 13 Pour la préparation des rapports, cf. les documents conservés en AN 313 AP 43.
  • 14 Les rapports de Painlevé figurent dans JO, annexe no 1 244 au procès-verbal de la deuxième séance (...)

12Considérée comme la plus prestigieuse et la plus recherchée des commissions parlementaires, la commission du Budget continue de faire l’objet d’un renouvellement annuel. Celle nommée pour l’exercice 1912 a été prorogée pour 191312 et Painlevé est, par conséquent, à deux reprises rapporteur du Budget de la Marine. L’exercice de cette fonction constitue une expérience importante dans sa vie de parlementaire débutant. La préparation de ses rapports, travail conséquent nécessitant de réunir une information écrite éparse, donne lieu en outre à des contacts avec des représentants de la Marine13. Les auditions du ministre ou d’autres responsables ministériels au cours des séances de la commission lui permettent d’affirmer son sérieux et sa pugnacité à exercer son rôle de rapporteur chargé de donner un avis quant à l’affectation des dépenses prévues par le gouvernement. La présentation des principales conclusions devant la commission ou en séance publique de la Chambre lui permet de s’imposer comme spécialiste des questions militaires14.

  • 15 Cf. Le chapitre « La modernisation de la marine de 1879 à 1914 » in Serman W. et Bertaud J.-P., No (...)

13En enseignant conscient des contraintes techniques auxquelles sont désormais confrontés les officiers à bord des navires de guerre, Painlevé soutient la réforme de leur recrutement. Les élèves sont sélectionnés sur un programme de mathématiques spéciales ; l’enseignement à l’École navale peut, dès lors, être axé sur les aspects techniques. Le savant prend en outre parti en faveur d’une modernisation de la flotte française15. Il soutient le choix d’introduire les trois premiers « superdreadnoughts » et de les équiper de dix canons de 340. Il demande également que de grands efforts de recherche soient entrepris pour mettre au point des torpilles de cuirassés. Il adhère à l’idée de maîtrise de la Méditerranée par la flotte française, d’autant qu’il se dit persuadé de son abandon progressif par les Britanniques au profit de la concentration de leurs navires dans l’Océan. Pour garantir la défense des côtes atlantiques et celles de la Mer du Nord, plus globalement pour renforcer le potentiel naval hexagonal, Painlevé prend position en faveur du rapide développement du sous-marin. Il demande que des efforts importants soient consentis pour permettre la modernisation des moteurs et l’intensification des recherches portant sur leurs équipements offensifs. Alors que l’aviation navale n’en est qu’à ses balbutiements, le mathématicien fait enfin un plaidoyer pour un rapide équipement aéronautique.

14Il rappelle que la modernisation de la Marine ne peut se faire indépendamment d’un important effort de recherche et de sa collaboration avec les pôles d’innovation privés. Il plaide donc en faveur d’une sorte de révolution culturelle, permettant une utilisation plus rationnelle des finances publiques par la mise en œuvre de nouvelles relations entre l’administration de la Marine, ses fournisseurs et plus globalement l’environnement industriel français. Dans son rôle de rapporteur du Budget de la Marine, Painlevé réagit en scientifique très sensible aux conditions de l’innovation technique. Sa formation et son expérience des sciences appliquées via l’aviation le conduisent également à une approche rationnelle des questions de fabrication. Painlevé déplore ainsi le monopole détenu par l’État sur la fabrication des poudres. À ses yeux, la situation monopolistique, source de lenteur, de dissolution des responsabilités et frein à l’innovation, est à l’origine du retard pris par la France.

  • 16 JO, Chambre des députés, Débats parlementaires, séance du 3 février 1913, p. 165.

« Le monopole avec une organisation bureaucratique et centralisée, avec des comités comme directeurs techniques d’usines, c’est la stagnation, c’est l’inertie, c’est le retard indéfini sur l’étranger16. »

15Il la rend aussi responsable des explosions des soutes à poudres des cuirassés Iéna et Liberté qui avaient, en 1907 et 1911, provoqué une centaine de morts dans le premier cas, deux cents dans l’autre, et la destruction des bâtiments. Painlevé demande donc que les poudreries d’État soient mises en concurrence avec des fabriques privées. En très peu de temps, cette ouverture à la concurrence dynamisera le secteur étatisé de la fabrication et permettra à la France d’avoir une industrie des poudres performante. Ses propositions ne sont pas suivies d’effets et l’État conserve son monopole.

  • 17 Ibid., p. 159.
  • 18 Le Républicain Socialiste, no 28, 9 février 1913

16À l’occasion du débat parlementaire, comme il l’avait soutenu dans sa profession de foi en 1910, Painlevé affirme que tous les monopoles de fabrication doivent être supprimés. Il estime que la concurrence est indispensable pour qu’il y ait qualité et progrès technique. Painlevé n’est pas en porte-à-faux avec ses prises de positions libérales antérieures. À l’époque de ses premiers combats pour l’aviation, il avait plaidé en faveur d’une implication publique dans la recherche ; il avait aussi insisté sur la nécessité d’ouverture permettant mise en concurrence du plus grand nombre de projets et large diffusion des résultats de la recherche. Le point de vue exprimé par le savant est violemment stigmatisé à la Chambre par des députés de gauche17. Goude s’insurge : « C’est une abdication de principe ! Alors livrez les chemins de fer, livrez les postes à l’industrie privée. » Candace lui lance : « On ne dirait pas que vous êtes socialiste. » Dans l’article « Respectons la doctrine » publié en une du Républicain socialiste, Albert Orry juge inadmissibles ses déclarations contradictoires avec la doctrine du parti18. Bien que les propos du savant lui soient aussi vivement reprochés dans sa famille politique, son affranchissement se révèle sans réelles conséquences.

17Painlevé agit une fois encore en pragmatique qui s’efforce d’étudier les questions politiques sous l’angle de ce qu’il considère comme la raison. Et si la théorie politique lui paraît entrer en contradiction avec l’analyse rationnelle d’une situation, il choisit de défendre l’opinion que l’étude objective des faits lui dicte. L’homme de science, ici, l’emporte.

L’antitroisanniste

  • 19 Becker J.-J., « Les “trois ans” et les débuts de la Première Guerre mondiale », Guerres mondiales (...)

18Painlevé est aussi remarqué pour son intervention dans le second grand débat de la législature, la discussion de la loi des trois ans19. Contrairement à celui sur la RP qui a des racines anciennes et s’est éternisé sans aboutir à une réforme, celui des trois ans fait brutalement irruption dans la vie politique française et conduit, en peu de temps, au vote d’une loi donnant satisfaction au gouvernement. L’une et l’autre discussions ont en revanche pour point commun de profondément diviser le monde politique : à l’opposition entre erpéistes et antierpéistes s’ajoute celle des troisanistes et des antitroisanistes.

  • 20 Cf. notamment Goya M., La chair et l’acier. L’invention de la guerre moderne (1914-1918), Paris, T (...)

19La loi militaire du 21 mars 1905 avait eu pour double objectif de réduire la durée du service militaire (passé de trois à deux ans) et de réaliser l’égalité devant la loi (les exemptions avaient été supprimées). Le temps de séjour dans la réserve puis la territoriale ayant augmenté, les réserves devaient être mieux instruites et mieux organisées. La diffusion de la théorie de l’offensive dans les milieux militaires contribue à stimuler les critiques contre une loi accusée de ne pas fournir à la France des capacités d’attaque suffisantes20. En janvier 1913, l’annonce d’une nouvelle loi militaire portant immédiatement Outre-Rhin le nombre de soldats à 761 000 hommes pour atteindre, en octobre 1914, 820 000 soldats, encourage également à modifier la législation française. En mars, est déposé un projet de loi rétablissant le service militaire de trois ans. En avril, l’adoption par le Conseil supérieur de guerre du plan 17, reposant sur l’idée d’une guerre courte où le sort du conflit se jouerait dès la première bataille, constitue un nouveau pas vers la remise en cause des deux ans. Pour que l’exécution du plan 17 soit possible, des forces actives nombreuses doivent être disponibles ; dès lors, il est inenvisageable d’attendre les réserves, plus âgées et par conséquent incapables de suivre le rythme des jeunes soldats. Le ministère Barthou qui succède au cabinet Briand – le général Étienne demeure ministre de la Guerre – se charge de défendre la conscription de trois ans.

  • 21 La Petite Revue, 15 mars 1913.

20Dès le dépôt du projet de loi, Painlevé s’affirme comme un antitroisanniste21. Son opposition à la loi des trois ans repose sur une définition extensive de la notion de puissance nationale : elle ne dépend pas uniquement du potentiel militaire, mais aussi des capacités économiques et des alliances nouées. Le savant met en garde contre le risque d’affaiblissement du tout par l’adoption de mesures envisagées uniquement du strict point de vue militaire. Il estime en outre que la décision de modifier la durée du service militaire ne doit pas être le fruit de pressions exercées par le lobby militaire, mais bien d’une véritable délibération parlementaire. Enfin, son opposition à l’adoption de la loi des trois ans repose sur une perception du danger différente de celles des partisans de ladite loi : même en 1913, il ne veut pas croire la guerre imminente.

21Le 15 mai, la Chambre approuve la décision du gouvernement de conserver la classe de 1910, au 1er octobre, comme l’y autorise la loi de 1905 en cas de circonstances exceptionnelles. Les socialistes se sont unanimement opposés ; Painlevé fait partie des républicains socialistes qui, avec une partie des radicaux, se sont joints à eux. Le 2 juin, commence la discussion du projet de loi portant le service à trois ans. La période d’assujettissement dans l’armée active passe de vingt-cinq à vingt-huit ans. Dans l’armée territoriale, les hommes restent astreints une année de plus aux obligations du service. À partir de dix-huit ans, il est possible de s’engager par devancement d’appel. Des mesures sont aussi prévues pour favoriser les engagements volontaires. Sur les quatorze contre-projets déposés, cinq ont fait l’objet de réelles discussions.

  • 22 JO, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 30 juin 1913, texte du contre-projet, p.  (...)

22Le texte du savant prévoit le maintien d’un service militaire de deux ans mais, afin d’augmenter dans l’immédiat les effectifs du contingent, abaisse l’âge de l’incorporation à vingt ans (au lieu de vingt et un)22. Painlevé pense son texte susceptible de satisfaire les antitroisanistes parce qu’il n’augmente pas la durée du service militaire et qu’il n’exige pas le maintien de la classe de 1910 sous les drapeaux au 1er octobre 1913. Il le croit aussi adoptable par les partisans de la loi des trois ans parce qu’il assure au territoire national la sécurité qu’ils réclament. Avec les arguments couramment utilisés par les antitroisannistes, il s’oppose à une augmentation de la durée du service militaire qui risque d’avoir « des conséquences accablantes pour la vie normale du pays » : « Les campagnes désertées plus encore qu’aujourd’hui, l’âge du mariage retardé, les naissances raréfiées, la main-d’œuvre et l’activité étrangères favorisées sur notre sol. » Évoquant les violentes réactions qu’avait provoquées en mai l’annonce du maintien sous les drapeaux de la classe libérable à l’automne, il se refuse également à maintenir cette disposition. L’incorporation systématique à vingt ans conduirait à disposer de plus d’effectifs que la France n’en a besoin dans l’immédiat. Son contre-projet au projet de loi prévoit donc de l’appliquer de manière graduelle :

  • 23 Ibid., p. 2 303. Citations suivantes, p. 2 305, 2 308 et 2 307.

« Par mesure transitoire sera incorporée en 1913, avec la classe dénommée actuellement 1912, une moitié seulement de la classe 1913. L’autre moitié sera incorporée en octobre 1914 en même temps que la classe actuellement dénommée classe 191423. »

23De ce fait, l’armée active comprendra comme contingents appelés : « Deux classes et demie d’octobre 1913 à octobre 1914, trois classes d’octobre 1914 à octobre 1915, deux classes et demi d’octobre 1915 à octobre 1916 ». Painlevé définit en outre l’ensemble des périodes auxquelles tout Français ayant été reconnu apte au service militaire est astreint : à l’issue des deux années passées dans l’armée d’active, il appartient durant treize ans à la réserve de cette armée, puis pendant sept ans à l’armée territoriale et enfin pendant six ans à la réserve de l’armée territoriale. L’abaissement de l’âge du service militaire n’ayant un effet sur les effectifs que jusqu’en 1916, la loi sur le service militaire s’applique également aux habitants français ou naturalisés français de l’Afrique du Nord qui constituent l’armée d’Algérie. Il prévoit par ailleurs d’organiser définitivement la conscription indigène en Algérie et en Tunisie, ainsi que le recrutement des troupes sénégalaises. Selon ses estimations, ce double recrutement devrait donner à partir d’octobre 1916 « un accroissement d’effectifs de 80 000 hommes, qui s’ajoutera aux accroissements prévus par le gouvernement et la commission en dehors de toute prolongation du service militaire ».

24La question des soldats à prélever hors du sol français donne lieu à discussion. À ceux qui lui reprochent, par exemple Gustave Rouanet, de vouloir assurer la défense de la France par des mercenaires, le député de Paris oppose sa confiance en la valeur et la motivation des troupes indigènes. Aux autres qui, à l’extrême gauche, tel Édouard Vaillant, manifestent leurs craintes d’emploi de ces troupes contre les Français, notamment en cas de grève, Painlevé suggère : « On pourrait spécifier que sous aucun prétexte les troupes berbères ou arabes ne pourront être employées dans les conflits entre Français. »

25Aux députés, notamment Lagrosillière, qui lui font remarquer qu’en échange des nouveaux devoirs qui leur sont imposés, il paraît légitime que les indigènes réclament des droits, le savant rétorque que les revendications autochtones lui semblent légitimes. Il sort alors du cadre étroit de la défense de son contre-projet et propose de leur accorder la justice fiscale et les libertés municipales. Faisant appel au sens civique des populations françaises résidant dans les territoires colonisés, il leur demande « d’élargir encore leur conception de leur devoir envers la France en lui assurant, par une politique généreuse, l’affection des indigènes arabes et kabyles, en lui gagnant ces cœurs, qui ne nous sont pas fermés [...] mais qui sont profondément sensibles à la justice ».

26Henry Paté, rapporteur de la commission de l’Armée, reconnaît que Painlevé a étudié avec beaucoup de soin son contre-projet. Il annonce par ailleurs que l’idée de l’incorporation à vingt ans, dans un premier temps repoussée, sera réétudiée. Mais il fait savoir que ni le gouvernement, ni la commission, n’estiment le contre-projet viable au motif qu’il ne fournit pas des effectifs jugés suffisants. Bien que les députés le rejettent (par 323 contre 233 voix), l’idée d’incorporation plus précoce est bel et bien introduite dans la loi adoptée par la Chambre le 19 juillet 1913, par le Sénat le 7 août. Painlevé avait voté en faveur de l’amendement présenté par le député progressiste Paul Escudier prévoyant l’incorporation à vingt ans. Il fait en revanche partie des vingt-deux députés républicains socialistes qui votent, avec les députés socialistes et une partie des radicaux, contre l’ensemble du projet de loi instaurant un service militaire de trois ans, avec incorporation à vingt ans.

La réélection ou l’ancrage au centre gauche

  • 24 14 octobre 1913.

27À l’effervescence qui entourait les discussions sur la loi des trois ans, succèdent bien vite les prologues de la campagne pour les élections législatives de 1914. Dès l’automne, les contours des alliances sont ébauchés. En octobre 1913, Painlevé déclare à La Lanterne : « Toutes mes réponses [...] aspirent à l’union de toutes les forces de gauche24. » Il suggère en outre « que chaque parti de gauche reste lui-même, s’il le juge utile avant le premier tour du scrutin ». Pour l’élection du 26 avril 1914, il estime donc que la SFIO, le parti républicain socialiste et le parti radical peuvent présenter leurs propres candidats, sur leur propre programme. La réforme électorale n’ayant pas abouti et le scrutin uninominal majoritaire à deux tours ayant été maintenu, il est en effet envisageable que plusieurs candidats de gauche s’affrontent au premier tour. Painlevé estime en revanche souhaitable « qu’au second tour l’entente se fasse dans l’intérêt supérieur de la République », autrement dit que, pour l’élection du 10 mai, les candidats de gauche les moins bien placés se désistent en faveur de celui qui semblerait le plus favorisé. Painlevé a donc précocement pris position en faveur d’une stratégie de Bloc des Gauches, en tout cas avant le congrès de Grenoble du parti républicain socialiste et avant que le groupe parlementaire augagneuriste auquel il appartient adopte sa nouvelle déclaration. Quelle est la traduction locale de ce choix politique ?

Candidat de la « concentration républicaine »

28Painlevé se présente à nouveau en candidat de la « concentration républicaine ». En 1910, homme nouveau n’appartenant à aucun parti, il avait adopté cette étiquette parce qu’elle lui permettait de se présenter en candidat d’union du camp républicain bénéficiant du soutien officiel tout à la fois du parti radical et de l’Alliance républicaine démocratique. En 1914, son identité politique étant désormais clairement établie, la vocation de cette appellation est moins multiforme : elle vise à définir les contours d’une entente électorale. De fait, Painlevé se présente dans la première circonscription du 5e arrondissement de Paris non pas comme le candidat de son parti – il n’évoque d’ailleurs pratiquement jamais dans sa propagande son ancrage partisan – mais comme le représentant d’un cartel électoral.

29En 1912, pour les élections municipales, les comités républicains socialistes et radicaux de la circonscription s’étaient associés pour désigner un unique candidat capable d’affronter le conseiller municipal sortant, Louis Rollin. En 1914, l’alliance est d’autant plus facilement réactivée que les députés républicains socialistes augagneuristes se trouvent au diapason des radicaux. À l’automne 1913, à l’issue de son congrès de Pau, le parti radical, qui affichait une unité retrouvée, s’est en effet montré déterminé à obtenir une révision de la loi des trois ans, l’adoption d’un impôt progressif sur le revenu et la défense de la laïcité. La cohérence entre les programmes allait de pair avec une stratégie politique conduisant le parti de Painlevé à se concevoir comme la charnière du Bloc des gauches que le parti dirigé par Joseph Caillaux entendait reconstituer pour les élections législatives de 1914. Au même moment, l’Alliance républicaine démocratique effectuait un glissement droitier. Elle s’engageait dans la stratégie prônée par la fédération des gauches qui souhaitait réunir les partisans de la loi des trois ans. L’ARD, qui s’opposait en outre à un impôt sur le revenu et défendait la liberté de l’enseignement privé, ne soutient logiquement plus la candidature Painlevé. En outre, la SFIO, qui a rejeté la stratégie de Bloc des gauches, s’est exclue de la coalition incarnée par Painlevé. Au premier tour des élections législatives de 1914, le savant doit à nouveau affronter un candidat socialiste unifié (Albertin remplace Poli). En cas de ballottage et afin de faire échec à la « réaction militariste », la SFIO cependant n’exclut pas, au niveau national, de retirer ses candidats au profit du représentant de gauche le mieux placé.

  • 25 Brochure pour les élections législatives du 26 avril 1914 signée par les membres du comité de sout (...)
  • 26 AN 313 AP 49.
  • 27 Lettre de J. Perrin lue à une réunion électorale en 1914. AN 313 AP 60.

30Dès lors, Painlevé, dès le premier tour, soigne son image d’homme de gauche, par le programme qu’il présente (dont il sera question ultérieurement), en se référant à la tradition républicaine ou encore en insistant sur les valeurs qu’il est, intrinsèquement, censé incarner – l’ascension par le mérite, la laïcité, la solidarité. Les membres de son comité de soutien le présentent ainsi comme un « enfant du peuple, arrivé à une situation enviée, par ses seuls moyens, c’est à dire par son talent, sa puissante intelligence et un courage à toute épreuve25 ». Ils estiment qu’il « n’est pas et ne sera jamais un politicien », mais « un homme politique qui reste fidèle aux saines traditions des grands républicains d’autrefois » et qu’il défend « une conception d’une République orientée résolument dans la voie du Progrès, d’une République chaque jour plus hospitalière et plus généreuse pour les travailleurs, une République foncièrement laïque et sociale et en même temps largement tolérante ». De fait, la candidature Painlevé bénéficie de l’appui de diverses associations ou personnalités associées au camp républicain. Le cercle populaire d’enseignement laïque prend ainsi officiellement parti en sa faveur26. Jean Perrin, éminent savant, dreyfusard connu pour ses idées socialisantes, appuie la candidature de son collègue et ami27.

31À l’homme de la « concentration républicaine » et au représentant du parti socialiste unifié, les partisans de la loi des trois ans opposent un unique candidat. Parlementaire aguerri, président de la commission de l’Armée étroitement associé à la confection de la loi des trois ans, Adrien Lannes de Montebello avait alors pris parti en faveur d’une armée forte.

Une campagne axée sur la question militaire

  • 28 AN 313 AP 6, 42 et 49.

32Compte tenu du contexte national et de l’engagement des deux principaux candidats de la circonscription, la question militaire s’impose comme le thème de prédilection des compétiteurs. La profession de foi du savant, où la question « défense nationale » n’occupe que quelques lignes, se révèle donc trompeuse quant à la place que la réforme militaire occupe dans sa campagne. De fait, Painlevé a aussi fait parvenir aux électeurs une brochure conséquente, La défense nationale. Les propositions que j’ai présentées, les propositions que j’ai fait adopter28. Enjeu politique du scrutin au niveau national, la question militaire est aussi privilégiée par le député sortant parce qu’à ses yeux elle est, au printemps 1914, devenue cruciale pour la nation.

33Alors que de nombreux députés prennent position sur la loi des trois ans avec des arguments essentiellement politiques, Painlevé expose lui le point de vue du technicien : « Ce dont je suis sûr [...] c’est de m’être décidé après les études les plus approfondies sur des données solides et non sur des mots. » Pour autant, il ne se limite pas aux aspects purement militaires et met en valeur les implications nationales de la politique de défense. La brochure La défense nationale..., de multiples interventions dans ses réunions de campagne, mais aussi des articles de presse sont consacrés au type de guerre susceptible d’être engagée et aux mesures qu’il estime nécessaire d’adopter pour assurer la défense nationale.

  • 29 Le Monde Illustré, 24 février 1912.

34Il reste fidèle à la vision générale du conflit qu’il avait brossée à grands traits dans un article paru en 191229. Il ne croyait pas la guerre imminente, mais il avait insisté sur le danger de conflagration générale auquel les tensions internationales pouvaient conduire. Il n’avait pas nié le rôle du nationalisme comme facteur de déclenchement des hostilités armées ou sa propension à galvaniser les populations durant un conflit. Mais il avait montré que les rivalités et les potentiels économiques pouvaient avoir une part de responsabilité, autant dans l’embrasement initial que comme déterminant du type d’affrontement armé. Il avait en outre perçu que ce conflit d’un genre nouveau reposerait sur un équilibre des forces dans deux camps. Il pronostiquait par conséquent une mobilisation d’une ampleur inconnue jusqu’alors. Il estimait enfin que les ravages seraient tels qu’à l’issue de la guerre les populations n’aspireraient plus qu’à la déclarer hors la loi.

35Durant la campagne pour les élections législatives de 1914, il exprime en outre un point de vue précis sur la stratégie et la tactique à mettre en œuvre pour assurer la protection du territoire. Il estime que la défense des frontières orientales et septentrionales de l’Hexagone est prioritaire et qu’il faut pouvoir faire confluer vers cette zone le potentiel défensif français. Pour permettre tout à la fois de transporter des troupes en provenance de l’Empire, assurer le ravitaillement et préserver ses territoires colonisés, l’Hexagone se doit de conserver la maîtrise de la Méditerranée et d’y poursuivre ce qu’il n’a cessé de préconiser depuis le début de la législature, à savoir la concentration de la flotte française. Il insiste à nouveau, comme il l’avait fait dans son contre-projet au projet de la loi des trois ans, sur la nécessité de mieux utiliser le potentiel militaire de l’Empire pour assurer tout à la fois la défense des frontières hexagonales et celle des territoires colonisés.

  • 30 Becker J.-J., 1914, comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de Sciences Po (...)

36Il critique la décision gouvernementale d’incorporer, à l’automne 1913, non seulement la classe 1912 à vingt et un ans et suivant l’habitude, mais encore toute la classe 1913 à vingt ans. Il déplore les effets désastreux de cette mesure sur les jeunes conscrits subitement trop nombreux pour être correctement instruits, entassés dans des casernes sous-dimensionnées et dont l’état sanitaire s’est globalement dégradé. Il rejoint beaucoup d’antitroisannistes qui, depuis le début de l’hiver, dénoncent dans les médias les effets néfastes de l’incorporation à vingt ans30. Jaurès avait consacré à ce thème les articles publiés dans L’Humanité les 13 et 15 février 1914 ; dans sa rubrique quotidienne « Les casernes de la mort », La Bataille Syndicaliste publiait depuis le 10 février le bilan des soldats décédés de la rougeole, de la scarlatine, de méningite cérébro-spinale, etc. Encouragé par cette fronde, Painlevé défend à nouveau pendant la campagne son contre-projet de service de deux ans associé à une progressive incorporation à vingt ans. Il rappelle qu’il aurait tout à la fois permis de répondre à l’augmentation des effectifs allemands jusqu’en 1916, tout en assurant une meilleure instruction des jeunes conscrits, mieux pris en charge puisque moins nombreux à affluer au même moment dans les casernes, qui plus est à une époque de l’année où l’entraînement est très ralenti. Par ailleurs, bien que le rôle de l’armée d’active reste à ses yeux important pour répondre à une attaque brusquée, il déplore que l’emploi des réserves – notamment celles qui peuvent être rapidement opérationnelles à l’issue de leur mobilisation, à savoir les hommes vivant dans les zones frontalières – soit aussi peu valorisé par l’armée. Il s’oppose ici au point de vue défendu par les autorités militaires dont les plans sont axés essentiellement sur la mobilisation de l’armée d’active jugée plus performante pour répondre à une attaque brusquée.

37Painlevé estime peu probable que l’issue du conflit soit déterminée par l’utilisation traditionnelle des fantassins. Il souligne le rôle qu’est appelée à jouer l’artillerie de gros calibre. Il insiste sur la nécessité de développer les services automobiles, rappelle l’utilité de l’aviation, sur terre comme sur mer, ainsi que le rôle essentiel des sous-marins. Enfin, il insiste sur l’importance d’une mobilisation totale qui devrait se traduire par un vaste mouvement visant à rationaliser l’utilisation des hommes et du matériel, afin d’assurer tout à la fois rapidité et efficacité de l’envoi des soldats sur le front, puis de leur ravitaillement. Il pense donc également le déclenchement du conflit en termes de logistique.

  • 31 Les propositions que j’ai présentées...

« Quel réveil, si à l’heure de l’épreuve le million d’hommes qui constitue notre armée de premier choc, cette migration d’un peuple en armes apparaissait comme ralenti, paralysé par une organisation et un outillage surannés31. »

38Il appelle par conséquent à une industrialisation de l’armée, à la mise en œuvre de procédures permettant d’assurer le maximum d’efficacité avec la meilleure affectation possible des moyens.

Une identité politique confirmée

39Durant la campagne électorale, Painlevé ne peut se dispenser de prendre position aussi sur d’autres questions correspondant aux préoccupations du temps. Il se félicite de l’adoption d’un certain nombre de mesures sociales – en particulier de l’abaissement de l’âge de la retraite de soixante-cinq à soixante ans – et s’engage à en faire aboutir d’autres. Comme beaucoup d’électeurs sont soucieux de la question du logement dans la capitale, il annonce vouloir, au cours de la prochaine législature, reprendre le projet, voté par la Chambre mais repoussé par le Sénat, d’obligation pour les propriétaires de versement aux locataires d’un intérêt de 3 % sur les loyers versés par avance. Il affirme aussi considérer qu’un effort doit rapidement être fait pour favoriser la construction d’habitations à bon marché. Conformément à l’engagement du groupe républicain socialiste, il se prononce enfin en faveur de l’impôt sur le revenu. Cette dernière prise de position, sur l’un des deux sujets les plus polémiques de la campagne électorale de 1914, le classe incontestablement à gauche. Elle favorise le soutien des radicaux à sa candidature pour le premier tour, et rend possible celui des socialistes unifiés au second.

  • 32 La Liberté, 1er mai 1914.

40Le taux de participation dans la circonscription, 80 %, demeure important. Painlevé fait mieux encore qu’en 1910 : il recueille 4 539 voix, soit 45 % des suffrages exprimés. Son principal adversaire, Adrien Lannes de Montebello, le talonne de peu cependant : 4 361 électeurs ont voté pour lui (43 % des suffrages exprimés). Les socialistes connaissent un important recul ; Albertin ne récolte que 969 voix (9 % des suffrages exprimés). Le désistement d’Adrien Lannes de Montebello en faveur du conseiller municipal Louis Rollin, membre de la fédération républicaine dont Painlevé avait combattu la réélection en 1912, provoque la surprise. La presse favorable au candidat de droite justifie son retrait au motif qu’il a subi une « campagne de diffamations et d’injures », « une campagne très dure » et qu’il est « écœuré de ces procédés et fatigué32. » Lui-même incrimine la déloyauté de son principal adversaire. Le désistement de Lannes de Montebello – sans aucun doute las, il se retire de la vie politique – peut a priori paraître une aubaine pour Painlevé. Le remplacement du candidat de droite par un personnage de bien moindre envergure – le premier parlementaire au long cours ; le second simple conseiller municipal de treize ans le cadet de Painlevé – est susceptible de déstabiliser les électeurs.

  • 33 Programmes, professions de foi et engagements électoraux, op. cit., 1914, p. 1 009.

41Conformément à la stratégie de Bloc des gauches mise en œuvre au niveau national, la fédération socialiste unifiée de la Seine retire son candidat. Contrairement à 1910, elle appelle officiellement les électeurs socialistes à voter en faveur de Painlevé et ceci au motif de son engagement antitroisanniste. L’ensemble des électeurs socialistes unifiés n’a cependant pas appliqué la consigne de vote. Au lieu des 5 508 voix qu’il aurait dû remporter en cas de parfait report, Painlevé est élu avec 5 032 voix, soit 50,6 % de suffrages exprimés, un score un peu moins favorable qu’en 1910. Malgré sa participation à la campagne seulement au second tour, son rival réalise un résultat honorable. Quoi qu’il en soit, le savant s’enracine dans le quartier des Écoles auquel il avait à ses électeurs rappelé qu’il était « attaché par des liens si étroits33 ».

  • 34 Becker J.-J., « Les “trois ans”... », art. cité, p. 19 et 1914, comment les Français sont entrés d (...)

42Le scrutin de 1914 entérine, au niveau de la première circonscription du 5e arrondissement de Paris comme au niveau national, une victoire de la gauche. L’impression de défaite des partisans de la loi des trois ans tient surtout au succès électoral de ses adversaires les plus résolus, les socialistes – avec un gain de trente-neuf sièges, ils représentent désormais un groupe de cent deux députés. Pourtant, en termes de voix, l’écart entre partisans – 55 % des votants – et opposants à la loi des trois ans – 44 % – est relatif ; il l’est encore plus en termes d’élus : les uns et les autres obtiennent pratiquement le même nombre de sièges34. Certes, la gauche dispose d’une majorité suffisante pour gouverner. Mais une partie de ses députés, surtout des radicaux, sont des partisans de la loi. Dès lors, son abrogation apparaît peu probable. La nomination du gouvernement dirigé par Viviani reflète ces ambiguïtés. Le républicain socialiste a voté contre la loi des trois ans ainsi que quatre autres ministres de son cabinet, mais deux se sont abstenus et, surtout, dix ont voté pour.

43En raison de ses positions antitroisannistes, Painlevé appartient donc à un camp victorieux, dont la marge de manœuvre à la Chambre s’avère pourtant très relative. Le groupe parlementaire républicain socialiste augagneuriste auquel il se réinscrit est le reflet de cette situation en demi-teinte. Avant les élections, il comprenait vingt-cinq députés. À l’issue du scrutin, il n’en compte que vingt-trois : un ne s’est pas représenté, sept ont été battus, dix-sept réélus et six députés, élus sans le soutien du parti, rejoignent le groupe. Il n’en reste pas moins que la position affirmée par Painlevé durant la campagne, les soutiens de gauche dont il a bénéficié, l’unité affichée par le groupe républicain socialiste augagneuriste, contribuent à ancrer le député du 5e arrondissement à gauche et dans une dynamique de succès.

Une opportune spécialisation militaire

44Au cours de la dixième législature, Painlevé revendiqua sa greffe non seulement au socialisme indépendant, mais encore à la gauche. Moins attaché à une tradition que certains républicains socialistes, le député du 5e appartenait bien à l’aile gauche de son parti. En témoignèrent ses prises de position sur la loi des trois ans ou le fait qu’il dût ses élections, aussi bien en 1910 qu’en 1914, au soutien des socialistes unifiés. La division du groupe parlementaire puis du parti et son adhésion à la tendance augagneuriste contribuèrent aussi à clarifier son positionnement sur l’échiquier politique, à mi-chemin entre les socialistes unifiés et les radicaux.

45Mais Painlevé n’était pas un homme de parti et, beaucoup plus que les intérêts de celui-ci, l’union du camp républicain lui importait. Dans ses discours, il construisait déjà une rhétorique d’union des forces de gauche autour des grandes valeurs qu’elle partageait. Dès lors, le programme républicain socialiste n’était conçu que comme un cadre général dont il était possible de s’affranchir. Il convenait en effet de s’en extraire quand il entrait en contradiction avec l’observation scientifique, ainsi pour les monopoles de fabrication. Encore quand l’intérêt du camp républicain le réclamait. C’est pourquoi il proposait en matière de réforme électorale une solution médiane susceptible de rallier l’ensemble dudit camp. C’est aussi l’argument au nom duquel il ne défendit ni le statu quo dans les débats sur la réforme militaire, ni un projet alternatif réalisable seulement à long terme, mais tenta de faire admettre une solution visant à assurer rapidement la défense nationale tout en maintenant le service de deux ans. Par son souhait de favoriser le compromis entre les fractions de l’Assemblée, il s’enracinait comme un homme de la gauche non extrême et rendait possible la reprise de ses propositions. De même que son idée d’apparentement des listes était introduite dans le projet de loi finalement adopté par l’Assemblée en 1912 (le déclenchement de la guerre ne permit pas d’aboutir sur la réforme du mode de scrutin encore discutée au Sénat), sa suggestion d’abaisser l’âge du service militaire à vingt ans figurait dans la loi des trois ans votée par le Parlement en 1913.

46Durant ses quatre premières années de vie parlementaire, bien qu’il n’hésitât pas à prendre position dans des débats relevant de domaines différents, et certains purement politiques, bien qu’il prît à cette occasion durant quelques minutes la posture du ténor de gauche, il s’imposait parallèlement comme spécialiste des questions militaires. Ses contacts avec le monde politique lorsqu’il avait défendu entre 1908 et 1910 l’aviation naissante et ses applications pour la défense nationale avaient sans doute facilité son accès à des commissions parlementaires où il put élargir ses compétences. Sa motivation à s’investir sur les questions de défense et la culture militaire acquise en quelques années – contrairement à la majorité des hommes politiques qui en étaient dénués – lui permirent de ne pas décevoir la confiance qui lui avait initialement été accordée. Bien qu’il ne fût pas issu du sérail militaire et malgré son passé de dreyfusard, il sut donc s’imposer à la Chambre et auprès des responsables militaires comme un spécialiste des questions martiales. C’est d’ailleurs sur le bilan de son action parlementaire en matière de défense nationale qu’il choisit de faire campagne en 1914. Sa spécialisation était entérinée à l’issue du scrutin par une seconde nomination à la commission de l’Armée, également par son entrée à la commission de la Marine.

47À la Chambre, dans la presse ou devant ses électeurs, il exprimait à plusieurs reprises sa capacité à ne pas se limiter à l’un des dossiers de la défense nationale. Il montrait qu’il savait conjuguer spécialisation technique et point de vue plus général. Il s’était prononcé quant au type de mobilisations humaine, économique et sociale qu’un conflit rendrait nécessaire. Il prenait position quant à la stratégie et la tactique à mettre en œuvre. Il avait tenu compte de la répartition des forces et des méthodes de combat modernes qu’aussi bien les alliés de la France que ses potentiels adversaires semblaient prêts à mobiliser. Bien qu’il fût pacifiste, il n’idéalisait pas les relations européennes au point de s’aveugler quant à la montée des périls. Par conséquent, conscient des risques de conflagration générale à laquelle l’entrée en guerre conduirait et de l’équilibre des forces qui en résulterait, il n’envisageait certainement pas le conflit déclenché durant l’été 1914 comme susceptible de mettre fin, en quelques grandes batailles et grâce aux moyens de combat traditionnels, aux rivalités franco-allemandes.

  • 35 Becker J.-J., « Les “trois ans”... », art. cité, p. 26.

48Trois mois après sa réélection, l’Europe était précipitée dans la guerre. À l’épreuve des combats, la position défendue par Painlevé à l’occasion du débat des Trois ans se révélait au moins en partie légitime35. De fait, l’incorporation de deux classes à l’automne 1913 n’eut pas l’effet attendu par les troisannistes. Les jeunes conscrits, qui avaient été entraînés en partie l’hiver, période peu favorable aux exercices, ne se révélaient pas meilleurs soldats que les réservistes qui avaient fait deux ans et qui avaient été libérés en octobre précédent. Ceux qui attribuaient des vertus « mystiques » à l’offensive et ne souhaitaient pas exploiter massivement les réserves pour parer à une attaque brusquée allemande avaient bien failli provoquer la défaite de la France en 1914.

49Au fil des semaines, alors que la conscience d’un enlisement du conflit se répandait, que l’idée d’une guerre scientifique, à l’épreuve des faits, gagnait du terrain, les compétences du savant et sa connaissance du dossier de la défense nationale conduisaient à lui confier des responsabilités de premier ordre.

Notes

1 Le Béguec G., « L’entrée au Palais Bourbon. Les filières privilégiées d’accès à la fonction parlementaire (1919-1939) », thèse de doctorat d’État, Université Paris 10 Nanterre, 1989, 1 827 p. Pour une mise en perspective à l’échelle de la IIIe République, du même auteur, « Les circuits de formation du personnel politique », in Berstein S. et Milza P. (dir.), Axes et méthodes de l’histoire politique, Paris, PUF, 1998, p. 303-318, Anceau É., « Les écoles du Parlement. Les types de formation des parlementaires » et Dogan M., « Longévité des carrières politiques. Une biographie collective », in Mayeur J.-M., Chaline J.-P. et Corbin A. (dir.), Les parlementaires de la Troisième République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 167-189 et p. 295-321 ; enfin, Dogan M., « Les filières de la carrière politique en France », Revue Française de Sociologie, 8, 1967, p. 468-492.

2 Marnot B., Les ingénieurs au Parlement sous la Troisième République, Paris, Éditions du CNRS, 2000, 322 p.

3 Estèbe J., « Prosopographie des militaires ministres sous la IIIe République », Berstein S., « Les militaires ministres de la guerre » et Le Béguec G., « Amiraux et généraux au parlement (1899-1940) », in Forcade O., Duhamel É. et Vial P. (dir.), Militaires en République (1870-1962), Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, respectivement p. 199-210, 211-215 et 325-336. Cf. également Becker J.-J., « Culture militaire et imaginaire stratégique des décideurs politiques ? », in « 1904-1914, de la guerre pensée à la guerre sur le terrain. Techniques, tactiques, pratiques », Cahiers d’Études et de Recherche du Musée de l’Armée, Année 2004, no 5, p. 225-233.

4 JO, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 8 novembre 1910, p. 2 685-2 689.

5 Machelon J.-P., « L’organisation du travail parlementaire », in Mayeur J.-M., Chaline J.-P. et Corbin A. (dir.), Les parlementaires de la Troisième République, op. cit., p. 337. Cf. également Roussellier N., Le Parlement de l’éloquence..., op. cit.

6 Pour une mise en perspective historique de la RP, cf. Huard R., Le suffrage universel en France, op. cit., p. 161-185 et Le Béguec G., « La représentation proportionnelle, cent ans de controverses », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, janvier-mars 1986, p. 67-80. Pour une présentation détaillée des débats parlementaires sur la RP entre 1910 à 1913, Bonnefous É., Histoire politique de la Troisième République, t. 1, Paris, PUF, 1956, p. 189-335.

7 Billard Y., « Le parti républicain socialiste », thèse citée, p. 156-159.

8 La Bataille, 20 février 1912.

9 JO, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 6 juillet 1912, p. 2 057.

10 Ibid., p. 2 060.

11 Ibid., p. 2 062.

12 AN C 7426 comptes rendus des séances de la commission du Budget 1912-1913.

13 Pour la préparation des rapports, cf. les documents conservés en AN 313 AP 43.

14 Les rapports de Painlevé figurent dans JO, annexe no 1 244 au procès-verbal de la deuxième séance du 12 juillet 1911, 63 p. et annexe no 1 880 au procès verbal de la deuxième séance du 30 mars 1912, 340 p.

15 Cf. Le chapitre « La modernisation de la marine de 1879 à 1914 » in Serman W. et Bertaud J.-P., Nouvelle histoire militaire de la France, t. 1, Paris, Fayard, 1998, p. 609-630.

16 JO, Chambre des députés, Débats parlementaires, séance du 3 février 1913, p. 165.

17 Ibid., p. 159.

18 Le Républicain Socialiste, no 28, 9 février 1913

19 Becker J.-J., « Les “trois ans” et les débuts de la Première Guerre mondiale », Guerres mondiales et conflits contemporains, janvier 1987, p. 7-26 ; Boulanger P., La France devant la conscription. Géographie historique d’une institution républicaine, Paris, Economica, 2001, p. 39-73 ; Bonnefous É., Histoire politique de la Troisième République, t. 1, op. cit., p. 343-352.

20 Cf. notamment Goya M., La chair et l’acier. L’invention de la guerre moderne (1914-1918), Paris, Tallandier, 2004, p. 19-112 et Lagrange F., « Le culte de l’offensive : logique et paradoxes des penseurs militaires français d’avant 1914 », Cahiers d’Études et de Recherche du Musée de l’Armée, Dossier « 1904-1914, de la guerre pensée à la guerre sur le terrain. Techniques, tactiques, pratiques », no 5, année 2004, p. 75-119.

21 La Petite Revue, 15 mars 1913.

22 JO, Débats parlementaires, Chambre des députés, séance du 30 juin 1913, texte du contre-projet, p. 2 303-2 304, discussion et résultat du scrutin sur ce contre-projet, p. 2 304-2 312.

23 Ibid., p. 2 303. Citations suivantes, p. 2 305, 2 308 et 2 307.

24 14 octobre 1913.

25 Brochure pour les élections législatives du 26 avril 1914 signée par les membres du comité de soutien à la candidature Painlevé. AN 313 AP 6. Les autres citations de ce paragraphe sont extraites de la même source.

26 AN 313 AP 49.

27 Lettre de J. Perrin lue à une réunion électorale en 1914. AN 313 AP 60.

28 AN 313 AP 6, 42 et 49.

29 Le Monde Illustré, 24 février 1912.

30 Becker J.-J., 1914, comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses de Sciences Po, 1977, p. 64.

31 Les propositions que j’ai présentées...

32 La Liberté, 1er mai 1914.

33 Programmes, professions de foi et engagements électoraux, op. cit., 1914, p. 1 009.

34 Becker J.-J., « Les “trois ans”... », art. cité, p. 19 et 1914, comment les Français sont entrés dans la guerre, op. cit., p. 69-80.

35 Becker J.-J., « Les “trois ans”... », art. cité, p. 26.

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