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Gladiateurs et chasseurs en Gaule

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Kevin Alexandre Kazek

Première partie. De la confrontation des sources à l’élaboration d’une typologie circonstanciée des protagonistes de l’arène

Chapitre IV. Un autre regard sur la « gladiature » par le biais de nos supports

Texte intégral

Introduction. La céramique sigillée, les lampes en terre cuite et la mosaïque : trois siècles de munera par l’image

  • 1 Une proto-gladiature existe chez les osco-samnites vers 370-340 av. J.-C. Plusieurs peintures mura (...)
  • 2 Sur la datation du pavement d’Augst et sur les rénovations qui apportent peut-être des modificatio (...)
  • 3 Même si certaines armaturae sont absentes de ce matériau diffusé en partie au Ier siècle apr. J.-C (...)

1Dans cet ensemble complexe que constituent les jeux de l’amphithéâtre, la gladiature bénéficie d’une place particulière. Emblème suprême de la civilisation romaine, c’est sans aucun doute la discipline de l’arène la mieux documentée, mais aussi la plus difficile à appréhender. Un tel phénomène culturel, qui s’étend sur près de huit siècles1, doit s’envisager sur la durée. Et cette longévité exceptionnelle signifie également qu’il faut mesurer les modifications et les évolutions apportées à ce spectacle. Les sources iconographiques que nous avons réunies embrassent approximativement un tiers de la période. Des premiers ateliers de céramique implantés dans le sud de la Gaule début du Ier siècle apr. J.-C., au déclin de la sigillée enclenché vers la fin du IIe siècle, jusqu’au moment où l’on rénove le pavement d’Augst vers 230-280 apr. J.-C. au maximum2, ce sont environ trois siècles de gladiature qui peuvent être étudiés grâce à nos supports. Ils exposent une discipline à son apogée, telle qu’elle est pratiquée à l’époque du Haut-Empire, période qui offre le plus de documents, qu’ils soient littéraires, archéologiques ou iconographiques. Et si habituellement ce sont les images figurées sur les mosaïques, les bas-reliefs, et les médaillons d’applique qui attirent le plus l’attention des chercheurs, il ne faudrait pas sous-estimer l’apport considérable des lampes en terre cuite3, et surtout des fragments de sigillée, dans cette étude.

  • 4 Nous le verrons, plusieurs catégories de combattants sont absentes de nos supports, notamment les (...)
  • 5 Et surtout les arbitres, qui permettent d’aborder les règles et le respect dans cette discipline, (...)

2Car les médaillons de lampes et les tessons de céramiques offrent une grande diversité iconographique, qui permet de mieux envisager le type d’opposition et l’attitude des gladiateurs pendant le déroulement du combat, comme le détail et la variété de leurs équipements. Recoupés avec les mosaïques mises au jour en Gaule, ces matériaux permettent d’esquisser les mutations subies par certaines armaturae4 et présentent d’autres protagonistes de l’arène comme les auxiliaires5.

Approche de l’évolution des différentes armaturae et de leur panoplie

  • 6 Tite Live, IX, 40, relate la défaite de l’armée samnite en 310 av. J.-C., dont les vaincus abandon (...)
  • 7 D’après P. J. Meier, De Gladiatura, 1882, p. 35-36, l’origine de cette armatura remonte à 184 av. (...)
  • 8 Le gladiateur thraex apparaît sans doute à Rome à l’époque de Sylla, vers 86 av. J.-C., lorsque le (...)
  • 9 Il s’agit des Celtes de Bretagne combattus déjà par César (G, Livre V), puis par Claude lors de sa (...)
  • 10 Les écrivains postérieurs à Auguste ne relatent plus cette armatura qui aurait donné naissance à l (...)
  • 11 Voir, à ce sujet, DAGR, s.u. clipeus.
  • 12 Ovid. Nux, 171 ; Hérodien, I, 15 ; CIL IX, 466.
  • 13 Une seule inscription funéraire trouvée à Lyon près des portes de Trion (CIL, XIII, 1997), permet (...)
  • 14 À notre connaissance, deux représentations du sagittarius sont attestées. L’une provient d’un reli (...)
  • 15 Il est connu grâce à une inscription de Vesona en Apulie (CIL, IX, 466) qui renseigne sur un certa (...)

3À l’inverse du ludus meridianus et de la uenatio dans une moindre mesure, nous entrons avec le munus dans un univers d’extrême diversité panoplitique. Originellement, cette variété est compréhensible, si l’on considère que les catégories de gladiateurs qui apparaissent dans l’amphithéâtre résultent des conquêtes romaines. Et comme les armées conquièrent de nombreux territoires, l’on retrouve l’armement des peuples soumis, exhibé dans l’amphithéâtre lors des munera, comme témoignage de la grandeur de Rome et de sa puissance. Pour cette raison, les premiers gladiateurs connus sont samnites6, galli7, puis thraeces8. En combattant avec un équipement et des techniques propres à leur pays, ces peuples instituent naturellement une tradition gladiatorienne de la diversité. L’essedarius constitue sans doute le dernier exemple de gladiateur imaginé après un conflit, puisqu’il s’agit d’un combattant luttant du haut d’un char à la manière des guerriers celtes9. Au tout début du Ier siècle apr. J.-C., les armaturae samnites10 et galli disparaissent, mais bien d’autres catégories de gladiateurs sont créées. Elles favorisent l’essor d’une gladiature ethnique toujours plus professionnelle, et donnent naissance à cette dichotomie panoplitique instaurée par l’usage du grand ou du petit bouclier. On parle des scutati (les murmillones et les secutores) armés du scutum11, et des parmati (comme le thraex) maniant la parma. Toutefois, notons que plusieurs combattants luttent sans bouclier. Il est donc impossible de les intégrer dans ces classements. C’est le cas du sagittarius12 armé d’un arc et du dimachaerus13 muni de gladii (?), deux armaturae très rarement figurés14. Le scissor est un peu plus fréquent15 avec son manchon conique terminé par une demi-lune. Mais c’est surtout son adversaire, le retiarius, qui illustre le mieux cette originalité. Si des différences notables peuvent s’établir entre les protagonistes de l’arène, par l’analyse des armes offensives, plusieurs éléments de la panoplie « défensive » sont identiques chez toutes les catégories :

  • La manica : brassard de protection porté au bras droit16 constitué de lamelles de cuir ou de fer articulées et dont la taille peut varier.
  • Le subligaculum ou subligar : pagne qui cache les parties génitales et les fesses17, et qui vient se rattacher au balteus, le ceinturon.
  • Les fasciae : bandes d’étoffe ou de cuir qui maintiennent la cheville18 et entourent le tibia.
  • 19 Satire, VI, 255-263.
  • 20 Quale decus, rerum si coniugis auctio fiat, balteus et manicae et cristae crurisque sinistri dimid (...)
  • 21 Notamment le casque à petite crête caractéristique du secutor.
  • 22 Le bouclier, qui sert normalement à se protéger des coups, doit être considéré comme une arme offe (...)
  • 23 Nous utilisons le mot murus, pour évoquer ce bouclier qui forme un véritable rempart face au gladi (...)
  • 24 On parle parfois de la fuscina.
  • 25 Juv. Satire VIII, 199-203.

4Juvénal19 donne d’ailleurs une description détaillée et précise de l’ensemble de ces pièces, lorsqu’il disserte sur des gladiatrices au ludus : « Comme il serait glorieux pour toi, les affaires de ta femme étant mises aux enchères, qu’on exhibât un baudrier, un brassard, une aigrette, une demi-jambière pour la jambe gauche […] ; vois avec quelle ardeur émue elle assène les coups qu’on lui enseigne, de quel poids son casque pèse sur elle, comme elle reste ferme sur ses jarrets, de quelle solide écorce ses bandes sont faites20. » Plus que les éléments défensifs, dont certains ont une importance capitale pour l’identification d’un combattant21, c’est l’équipement offensif22 qui permet d’établir des distinctions les plus nettes entre les différents types de gladiateurs. Si nos supports ne permettent pas d’appréhender la totalité des armaturae connues au Haut-Empire, plusieurs attributs comme la sica du thraex, le scutum « murus23 » du murmillo ou le tridens24 du retiarius figurés en nombre sur nos matériaux, renvoient à des catégories bien attestées et très populaires au Ier siècle apr. J.-C.25.

5Nous présenterons en premier lieu le retiarius et ses adversaires, puis le thraex et l’eques, deux armaturae qui, à l’image du combattant au trident, sont facilement identifiables. Enfin, d’autres catégories plus difficiles à discerner comme l’oplomachus et le prouocator seront appréhendées.

Le retiarius

Une physionomie unique et incomparable ?

  • 26 D’après D. Battaglia (Battaglia 2002, p. 20) : « Il retiarius, a differenza di tutte le altri clas (...)
  • 27 En tout cas à l’époque qui nous interesse, puisque au tout début de l’Empire, ce combattant semble (...)
  • 28 À notre connaissance et concernant cet attribut, il semble bien qu’il n’ait jamais été utilisé par (...)
  • 29 Satire, VIII, 203-208.
  • 30 nec galea faciem abscondit ; mouet ecce tridentem, postquam uibrata pendentia retia dextra nequi (...)
  • 31 Mentionné également par Martial, Épigrammes, V, 24 ; Suétone, Calig. 30, et dans le CIL II, 499 ; (...)

6Ce gladiateur apparaît dans le courant du Ier siècle av. J.-C. et, à l’inverse de bien d’autres armaturae, il n’a pas été imaginé à la suite d’un conflit, puisque ses armes évoquent plutôt l’univers aquatique26. De tous les combattants qui prennent part au munus, c’est sans aucun doute le plus souvent représenté, et le plus original, puisqu’il ne porte ni casque27, ni bouclier28. Juvénal29 donne d’ailleurs une bonne description de ce gladiateur : « Il ne cache point son visage sous un casque : voici qu’il manœuvre le trident et, après avoir lancé sans résultat, en balançant la main, son filet flottant, il dresse vers les spectateurs son visage découvert et fuit à travers l’arène entière, reconnaissable pour tous. Il faut en croire nos yeux : il est en tunique et de son cou, se déroule un cordon doré qui ballotte à son épaulière allongée30. » Il nous renseigne de façon exhaustive sur ses armes de prédilection : l’épaulière de protection ou galerus qui lui donne cette silhouette caractéristique, le trident31 ou tridens avec lequel il harponne ses adversaires, et surtout le filet, le célèbre rete qui lui donne son nom.

  • 32 E. Bouley, dont l’étude porte sur les jeux dans les provinces balkano-danubiennes, reconnaît elle- (...)
  • 33 Auguet 1970, p. 87.
  • 34 Voir également les réflexions intéressantes de L. Balsan et A. Vernhet au sujet de l’absence du fi (...)

7Équipé de cette manière, ce combattant qui rappelle le pécheur est tout à fait atypique au sein des armaturae gladiatoriennes. Sa physionomie vraiment incomparable doit se reconnaître aisément. C’est donc avec beaucoup d’étonnement, que nous découvrons que, sur la majorité des représentations de ce combattant, le filet n’apparaît pas32, modifiant ainsi l’« image d’Épinal », que nous avions du personnage. R. Auguet33 a même suggéré qu’à une certaine époque le retiarius luttait sans cet attribut34. Nos supports semblent donner raison à l’auteur puisque, sur la totalité des retiarii que nous avons répertoriés, seul un poinçon de céramique sigillée issu de l’atelier de Banassac (P112), daté du dernier tiers du Ier siècle apr. J.-C., témoigne assurément de l’utilisation de cette arme. Celui-ci présente un combattant vêtu d’un subligaculum et muni d’un trident dont les pointes sont inversées. Quatre fines stries s’échappent de son bras gauche qui n’apparaît plus, évoquant ainsi les mailles du filet. Une autre représentation issue du second atelier de Trèves (P115), datée sans doute de la deuxième moitié du IIe siècle apr. J.-C., permet de découvrir un retiarius bénéficiant d’un équipement plus complet. Il utilise, en plus du trident, un galerus, une manica et un pugio, mais c’est surtout la marque filiforme située près de sa main droite qui semble intéressante à analyser.

  • 35 Nous renvoyons pour cette question à notre étude intitulée « Le retiarius et ses adversaires des s (...)
  • 36 DAGR, s.u. gladiator, p. 1586.
  • 37 Avec Festus. Dans son ouvrage intitulé De uerborum significatu (cf. Festus, édition Teubner, 1913, (...)
  • 38 D’ailleurs, sur la scène issue du même atelier (S75), la marque qui évoque la spira n’apparaît plu (...)
  • 39 H. Lavagne (Lavagne 2000, p. 218) a bien montré que, concernant la mosaïque d’Aix-en-Provence sur (...)
  • 40 L’utilisation du gladius est attestée dans un paragraphe de Valère Maxime (Faits et dits mémorable (...)
  • 41 Il peut simplement s’agir d’une ombre, comme c’est le cas sur les autres panneaux. Toutefois, la p (...)
  • 42 De plus, la connexion des panneaux no 2 et no 3 n’est qu’une simple hypothèse.

8En effet, il pourrait s’agir d’une spira35, cette petite corde reliée au balteus du retiarius et qui, selon G. Lafaye36, « lui permettait, en cas d’insuccès [d’une attaque], de tirer le filet jusqu’à lui pour recommencer sa manœuvre ». Cet élément de récupération permet ainsi d’envisager la présence d’un rets, mais Juvénal, qui est l’un des rares auteurs37 à témoigner sur la spira, ne dit en aucun cas qu’elle facilite son maniement. Il explique simplement que, depuis le cou du retiarius, se déroule un cordon doré qui ballotte à son épaulière allongée. Il est donc bien difficile de prendre en considération ce poinçon, et cette empreinte dans l’argile qui correspond sans doute à une marque accidentelle n’ayant aucun rapport avec un quelconque élément du filet38 ! La mosaïque quant à elle n’offre aucune mention plus probante de cet attribut, puisque, sur sept représentations assurées du retiarius, une seule39 pourrait prêter à confusion en suggérant un élément susceptible de rappeller un filet. Il s’agit d’un panneau de la mosaïque de Metz (3), sur lequel un retiarius affaissé sur le sol brandit un gladius40 ou un pugio dans sa main droite. Il a perdu son trident et ne semble pas utiliser son rets. L’objet placé sous ses fesses ne doit pas faire illusion. La surface qu’il accapare est moindre et sa forme ne semble pas évoquer l’attribut replié. Cependant, l’attitude du gladiateur au visage tourné vers la gauche offre peut-être une seconde piste. Il semble fixer le personnage du second panneau (2) qui pourrait avancer dans sa direction. Ce dernier piétine un élément longiligne et ondulé qui évoque le filet de son adversaire41, même si rien ne permet d’en être sûr42.

9Cet exemple cité et l’argument de la spira remis en cause, nous sommes contraint d’admettre qu’excepté le poinçon de Banassac qui témoigne en faveur de l’existence du filet et de son emploi, les matériaux que nous avons répertoriés ne donnent pas une image du retiarius en parfaite adéquation avec la description « officielle » établie par Juvénal. L’auteur affabule-t-il lorsqu’il renseigne sur ce filet perdu par Gracchus qui, ainsi démuni, est obligé de fuir ? Évidemment non, et le passage qu’il cite permet surtout de mieux expliquer l’absence du filet chez nos modèles.

  • 43 Voir Lopez-Teyssier 2005, p. 60.

10En effet, l’image du retiarius sur la céramique sigillée et la mosaïque est celle d’un combattant qui vient de perdre son arme de prédilection, et doit fuir sous la menace de son adversaire (S77). Mais c’est surtout le moment qui suit cette débâcle que les ciseleurs privilégient. Lorsqu’après avoir fatigué son poursuivant par sa course et son endurance43, le retiarius, trident en main, peut enfin reprendre l’affrontement dans de meilleures conditions (S72). Le filet et le trident constituent bien les deux armes emblématiques de la panoplie de ce gladiateur, mais l’absence de filet, sur un support aussi délicat à étudier que la céramique sigillée, peut entraîner des imprécisions et des problèmes d’identification du personnage. Car, si sa physionomie est incomparable, elle l’est surtout lorsque tous ses éléments panoplitiques sont réunis et clairement discernables. Lorsque le support sur lequel il est figuré est assez lisible et de bonne qualité, ou lorsqu’il apparaît en couple avec un gladiateur bien connu comme le secutor, dont le casque est très caractéristique. Sans quoi des erreurs d’appréciations peuvent être commises.

  • 44 DAGR, s.u. uenatio, p. 685.
  • 45 Calig. XXX : Retiari tunicati quinque numero gregatim dimicantes sine certamine ullo toti dem secu (...)
  • 46 D’ailleurs, une mosaïque datée du IIIe siècle apr. J.-C., mise au jour en Grande-Bretagne à Bignor (...)

11L’exemple du uenator au trident : selon notre terminologie, le uenator est un chasseur d’amphithéâtre qui affronte des animaux sauvages à l’aide d’un uenabulum, cet épieu dont les formes sont très variables. À la suite de G. Lafaye44, nous savons qu’une arme particulière peut également être employée par ce combattant pour chasser le lièvre ou le sanglier. Il s’agit d’un javelot à trois pointes conjuguées qui entre dans la catégorie des tridents. Trois poinçons issus de trois ateliers différents, Lavoye (P27), Trèves (P39) et Rheinzabern (P43), témoignent parfaitement de son utilisation à la chasse. Mais comment distinguer, dans cette situation, le uenator au trident qui participe à une uenatio du retiarius ? Malgré la silhouette singulière du retiarius, il est tout à fait possible de commettre des erreurs et de confondre les deux individus. Si les modèles P43 et P39 peuvent d’emblée être écartés pour des raisons vestimentaires évidentes, qui ne permettent pas de les comparer au retiarius, l’un porte sans doute des braies, tandis que le second est complètement nu, le modèle P27 est déjà plus difficilement identifiable. Il est vêtu d’une tunique – dont Suétone45 dit qu’elle peut aussi être l’attribut des retiarii qu’il appelle pour cette raison tunicati – protégé par une manica également utilisée par le retiarius et armé surtout d’un trident, l’un de ses attributs emblématiques : l’équipement que porte cet individu est tout à fait compatible avec celui du gladiateur46.

  • 47 Ville 1981, p. 413.
  • 48 Val. Max. I, 7, 8. Il peut s’agir également d’un gladius.

12Il faut donc posséder une bonne connaissance technique de l’armement du retiarius pour deviner qu’il ne s’agit pas de ce protagoniste. En approfondissant notre description, nous nous apercevons que le galerus, cette épaulière en métal caractéristique qui sert à protéger la tête, est absente, ce qui chez un retiarius est très improbable à l’époque où ce poinçon est diffusé, vers le milieu du IIe siècle apr. J.-C. De plus, la manica qui couvre le bras est disposée au mauvais endroit, et devrait plutôt se situer sur le bras gauche. Celui qui, comme l’indique très justement G. Ville47 lorsqu’il s’intéresse à la demande de missio chez les retiarii, est « protégé par la manica et l’épaulière », afin de mieux préserver le membre du combattant lorsque celui-ci frappe avec son trident. D’ailleurs, la grande majorité de nos modèles, excepté le poinçon sur lequel le filet apparaît, donne l’image du retiarius armé du trident, mais surtout protégé par son galerus. C’est le cas à Montans (S61), à La Graufesenque (P110, S62, S63, S64, S65, S66, etc.), à Lezoux (S70), dans le premier atelier de Trèves (P113), ainsi que sur plusieurs mosaïques (Nennig : 4, Bad Kreuznach : 3, Reims : 29, et Augst : 3 et 5). Enfin, l’usage du pugio48 qui n’est pas employé par ce personnage de Banassac, pousse à évacuer l’hypothèse du retiarius. Il s’agit plutôt, comme nous le pensons d’une armatura vénatorienne.

  • 49 DAGR, s.u. gladiator, p. 1585.
  • 50 Battaglia 2002, p. 70-72.
  • 51 Knorr 1919, Oswald 1936-1937 et Hermet 1941.

13L’apport du pugio, un attribut méconnu par certains spécialistes de la céramique sigillée : G. Lafaye49 est l’un des premiers auteurs à avoir signalé l’usage d’une arme tranchante chez le retiarius. Il parle de l’utilisation du poignard ou du gladius. Ces attributs, et surtout le pugio dont la lame est plus petite, servent à blesser l’adversaire prisonnier du filet. Le poignard peut également en dernier recours, c’est-à-dire au moment où le filet et le trident ne peuvent plus être employés, permettre de poursuivre le combat au corps à corps50, comme en témoigne cette scène de la mosaïque d’Augst, sur laquelle un retiarius frappe un secutor au cou (5). Le pugio est surtout figuré sur la céramique de la Gaule du Sud (P110, S61, S62, etc.). Il semble trop souvent confondu avec le galerus (?) par certains chercheurs qui reproduisent machinalement les motifs qu’ils aperçoivent sur les tessons de sigillée. F. Oswald, mais également R. Knorr et F. Hermet51, ont commis de graves erreurs d’appréciation lorsqu’ils ont reproduit certains attributs du rétiaire, dénaturant ainsi sa physionomie. Ces fautes, liées sans doute à une mauvaise connaissance de l’équipement, ont contribué à créer une pièce d’armement tout à fait illusoire, d’un seul tenant, réalisée par la réunion de la base du galerus et de la pointe du pugio. La forme étonnante ainsi obtenue laisse perplexe et devient réellement « incomparable » puisqu’elle n’a jamais existé. En analysant les photographies des tessons originels (S66, S67 et S68 par exemple), on discerne bien deux éléments distincts : d’un côté, l’épaulière qui protège la tête du retiarius et lui donne cette silhouette singulière ; de l’autre, le poignard serré par la main gauche avec laquelle il maintient également son trident.

  • 52 Un exemple frappant concerne un manche de couteau mis au jour dans le Loir-et-Cher, représentant l (...)

14Ces exemples prouvent que, même si l’on croit bien connaître le retiarius et ses attributs, certains problèmes liés à la perception des armes peuvent complexifier l’identification de cet individu et sa dénomination52.

  • 53 Un huitième modèle est peut-être figuré sur le premier panneau de la mosaïque de Metz (1). Pourtan (...)

15 Quelle image du retiarius privilégier alors ? Si un matériau comme la mosaïque permet de visualiser des personnages de grande taille, souvent bien représentés, des supports comme la céramique sigillée, parfois moins précis, sont plus difficiles à analyser. De plus, lorsque la mosaïque ne propose que sept retiarii53, qui de surcroît sont bien identifiés, la sigillée offre de multiples modèles armés du trident ou bénéficiant d’un équipement proche de celui du retiarius. Cette complémentarité d’attributs peut alors, comme nous l’avons illustré, engendrer des difficultés. Sachant qu’un retiarius peut également utiliser un gladius et porter une tunique, comment appréhender ce modèle issu de l’atelier de La Graufesenque (P47) daté de 70-80 apr. J.-C., qui privilégie ces deux éléments en plus d’une sorte de filet maintenu dans sa main droite ? Ne peut-il pas s’agir d’un autre type de retiarius qui, abandonnant son trident ou l’ayant perdu, décide de poursuivre la lutte avec son glaive et son filet ? Il est difficile de répondre, même si cet individu renvoie plutôt à l’univers des bestiarii. Et puis ce rets pourrait être une simple étoffe avec laquelle ce chasseur exciterait les animaux nonchalants.

16Ces exemples montrent que même si la physionomie du retiarius peut difficilement être confondue avec d’autres protagonistes du munus, des erreurs d’appréciation lors de l’analyse d’une céramique sigillée peuvent entraîner des méprises. Certains attributs du retiarius peuvent ne pas être bien compris, même s’il s’agit d’un gladiateur unique et « facilement identifiable » lorsqu’il affronte le secutor son adversaire traditionnel, et qu’il manie le trident, son arme la plus caractéristique. Comme nous l’avons souligné, même si l’existence du filet est attestée tout au long de la période et constitue indéniablement un attribut emblématique, sa non-représentation peut déconcerter. Elle peut engendrer des questionnements sur les transformations susceptibles d’avoir été apportées à l’armement de ce gladiateur à un moment donné de son histoire. D’ailleurs, comme toutes les autres catégories qui participent au munus, le retiarius lui-aussi semble avoir subi des modifications notables de son équipement. Celles-ci s’expliquent si l’on considère les besoins d’adaptations que demande sa lutte, surtout lorsque l’on sait que ce combattant est celui qui, dans la gladiature, s’oppose au plus grand nombre d’armatura.

Une évolution de son équipement ?

17Les modèles répertoriés dans nos catalogues permettent d’appréhender la physionomie du retiarius du Ier siècle apr. J.-C. (atelier de La Graufesenque surtout, mosaïque d’Aix-en-Provence) jusque vers 200-250 apr. J.-C. (mosaïque de Bad Kreuznach, de Metz (?), de Reims et d’Augst).

  • 54 Gallia, 53, 1996, p. 86 et pl. 45 et 49.
  • 55 Pour connaître l’image du gladiateur au trident au IVe siècle apr. J.-C., et suivre son évolution, (...)

18Pourtant, la première représentation de ce gladiateur apparaît dès la fin du Ier siècle av. J.-C. en Gaule, sur un gobelet de Chrysippus découvert dans l’atelier de La Muette à Lyon54. Malheureusement, après la seconde moitié du IIIe siècle apr. J.-C., l’iconographie gladiatorienne se raréfie en Gaule. Nous ne possédons aucune représentation du retiarius au-delà de cette période, bien que cette catégorie - avec celle du secutor - son adversaire, caractérise les deux armaturae les plus courantes du Bas-Empire55.

  • 56 Comme sur un gobelet en céramique à paroi fine de Chrysippus, mais aussi un graffito de Ruscino, d (...)
  • 57 La meilleure attestation pour cette période figure sûrement sur un vase ovoïde en bronze découvert (...)
  • 58 Gose 1950, p. 15, pl. 11, d’après Ludowici III, 273 Kma, vase excisé et décoré à la barbotine, dat (...)
  • 59 Conservée au Musée archéologique de Madrid.

19 Le rete : comme nous l’avons vu, il paraît bien difficile d’envisager le retiarius sans cet attribut. Pour la Gaule, plusieurs représentations témoignent de son utilisation dès la fin du Ier siècle av. J.-C.56 Cela jusqu’au IIIe siècle de notre ère57. Concernant le Ier siècle apr. J.-C., c’est surtout ce poinçon de Banassac (P112), déjà mentionné, qui permet d’affirmer que le rets est encore employé sous les Flaviens. Pour le IIe siècle, s’il est difficile d’accorder du crédit au modèle de Trèves (P115) pour les raisons évoquées, nous bénéficions d’un vase très bien conservé58 fabriqué dans l’atelier de Rheinzabern sur lequel un retiarius en pleine course s’apprête à projeter son filet. Malgré ces quelques exemples, il est délicat de cerner les évolutions subies par le filet sur une si longue période. Nous possédons trop peu d’informations pour saisir les modifications apportées à cet attribut, dont le rôle est d’envelopper l’adversaire. Nous ne savons pas par exemple si sa surface varie au cours du temps, ou s’il conserve une taille identique. Il faudrait pour cela pouvoir comparer plusieurs scènes figurant des rets pour une même époque : lorsque le filet est simplement maintenu par le retiarius (comme à Rheinzabern), lorsqu’il est projeté sur l’adversaire (comme sur un graffito de Ruscino), et au moment où il atteint sa cible (comme sur une mosaïque de la Via Appia à Rome59).

20Malheureusement, les sources iconographiques privilégient rarement cet attribut et, sans modèles de comparaison, nous sommes bien embarrassé pour comprendre ses transformations. La céramique sigillée va absolument dans ce sens, alors que pour d’autres attributs comme l’épieu, elle fournit des renseignements majeurs. Quoi qu’il en soit, il semble très improbable que le filet conserve toujours les mêmes caractéristiques.

  • 60 Mais le filet est sans doute beaucoup plus long, puisqu’il semble être enroulé autour du bras droi (...)
  • 61 Voir les séquences de combat retiarius/secutor proposées par ACTA Expérimentation (Lopez-Teyssier (...)

21Si l’on admet que les adversaires du retiarius sont toujours plus performants, et qu’ils se servent d’armes tranchantes toujours plus efficaces, cette hypothèse de l’immobilisme technique du filet paraît caduque. Enfin, même si cet attribut est reproduit sur certains supports, sa représentation plus ou moins réaliste résulte peut-être de la qualité du matériau sur lequel il figure, voire des aptitudes artistiques et techniques de la personne qui réalise le motif. Car le filet apparaît, sans aucun doute, comme l’attribut le plus difficile à représenter. À Banassac pour contourner cette contrainte, de simples stries sont préférées au maillage complexe de l’arme, alors qu’à Lyon un quadrillage basique apparaît60. Tandis qu’à Rheinzabern, replié sur lui-même, il adopte la forme d’une goutte qui témoigne sans doute de la surface plus conséquente de textile utilisé, comme de la manière dont il faut le maintenir avant de le projeter61 !

  • 62 DAGR, s.u. gladiator, p. 1585, fig. 3578.

22• Le tridens : dans l’iconographie, le trident, plus que le filet dont nous avons soulevé les problèmes, semble être véritablement l’attribut emblématique du retiarius. Les nombreuses représentations de cette arme renseignent-elles sur son évolution ? Existe-t-il comme pour l’épieu du uenator plusieurs formes de trident ? Subit-il des modifications ? G. Lafaye62, par exemple, dit de celui-ci qu’il est « remplacé exceptionnellement par une lance dans une fresque de l’amphithéâtre de Pompéi ». Il doit s’agir alors d’une originalité locale, à moins que la lance ne soit une arme également employée par le retiarius au Ier siècle apr. J.-C ?

23Le poinçon issu de l’atelier de Banassac (P112), déjà décrit pour son originalité, donne peut-être un indice capital sur l’utilisation de cette lance. Certes, le retiarius utilise bien un trident, mais ses pointes sont inversées, orientées vers la gauche, alors qu’il frappe en direction de la droite. Faut-il conclure à une simple erreur de reproduction ou s’agit-il plutôt d’une indication précieuse concernant le double emploi de la hampe, qui renverrait à la présence d’une pointe de lance à l’autre extrémité de l’arme ?

24Une lampe en terre cuite permet peut-être de répondre. Datée du Ier siècle apr. J.-C. et conservée au Palais du Roure à Avignon, elle porte sur le médaillon un retiarius protégé par un galerus, qui tient dans ses mains un trident. La hampe de cette arme est munie d’un talon, qui adopte la forme d’une pointe de lance. À l’image du uenator de l’atelier de Chémery-Faulquemont (S16), qui affronte un lion armé d’une hampe à double pointe, ce retiarius peut lui aussi frapper son adversaire de deux manières. Cette lampe est donc susceptible d’expliquer l’orientation de l’arme du gladiateur de Banassac, dont l’attitude laisse sous-entendre qu’il possède lui aussi un trident dont la hampe se termine par un talon. À la suite de ces exemples, il semble probable qu’au Ier siècle apr. J.-C., à l’instar du gladiateur de Pompéi, le retiarius utilise d’autres attributs pour combattre son adversaire. Et même si le trident reste majoritairement employé, comme en témoigne l’iconographie de nos catalogues, son remplacement par une simple lance ou son amélioration par l’ajout d’un talon muni d’une pointe paraît tout à fait plausible.

25Qu’en est-il du trident lui-même ? Est-il possible d’envisager l’évolution de la hampe et des pointes du point de vue morphologique et dimensionnel grâce à nos modèles ?

26La hampe

27Nous avons montré que cette hampe pouvait, dans de rares cas, être surmontée d’une pointe de lance ou muni d’un talon adoptant la forme d’une pointe. Mais le bois peut-il subir des variations morphologiques ? L’image traditionnelle du trident ou du uenabulum est celle d’une arme droite, filiforme. La grande majorité de nos modèles de retiarii se sert d’un trident tout à fait commun.

  • 63 Bronze d’une hauteur de 25,3 cm, conservé à la Bibliothèque nationale, Cabinet des médailles, Babe (...)

28Pourtant, une grande figurine mise au jour à Esbarres en 184063, datée du IIe siècle apr. J.-C., permet de découvrir l’existence d’un trident dont la hampe est tout à fait inhabituelle puisqu’elle possède une double courbure. La première se situe à l’extrémité inférieure de la hampe et fait office de garde pour la main droite du gladiateur, tandis que la seconde apparaît au milieu de la hampe, à quelques centimètres de l’endroit où le retiarius place sa main gauche. Les pointes du trident sont ainsi dirigées vers le bas, au niveau des genoux du combattant. Il s’agit d’une innovation extrêmement intéressante, un trident « anatomique » qui doit permettre au retiarius d’atteindre plus facilement son adversaire. Deux fragments de céramique sigillée méritent d’être confrontés à cette statuette.

29Un poinçon issu du premier atelier de Trèves (P113), daté du milieu du IIe siècle apr. J.-C., montre un retiarius qui tient un trident dont la hampe n’est pas tout à fait rectiligne. L’extrémité inférieure semble plus large, conçue peut-être pour faciliter le placement de sa main droite, même s’il convient de garder à l’esprit une possible erreur d’impression. Une autre scène, figurée sur la frise d’un vase de La Graufesenque (S67), permet de découvrir un retiarius dont le trident adopte une forme atypique. Au centre de la hampe, une courbure dévie la trajectoire de son arme et dirige les pointes vers le haut, en direction du visage de son adversaire. S’agit-il d’un autre type de trident anatomique ou d’un poinçon de mauvaise qualité sur lequel le trident a tout simplement été mal ciselé ? Bien qu’il soit difficile d’envisager le maniement de cette arme très étrange, sa représentation soulève un certain nombre de questions. Une scène issue de l’atelier de Lavoye (S22), mais figurant cette fois un uenator, permet de découvrir un uenabulum dont la hampe subit une double courbure. Est-ce la preuve que certains ciseleurs de poinçons ont souhaité reproduire simplement ce qu’ils ont observé lors d’un spectacle ?

  • 64 Battaglia 2002, p. 32-33.
  • 65 « La globalité des représentations iconographiques de gladiateurs montrent d’ailleurs clairement q (...)

30Concernant la taille du trident, c’est-à-dire la hampe surmontée de la partie métallique constituée de pointes, il faut savoir qu’elle peut approximativement être comprise entre une longueur de 1,65 à 1,80 mètre. À ce sujet, D. Battaglia64 écrit : « La globalità delle immagini iconografiche gladiatorie mostra d’altronde chiaramente la fuscina essere di lunghezza inferiore all’altezza del Retiarius stesso65 », et nous nous apercevons que, si d’une manière générale, cette affirmation fonctionne pour la mosaïque, ce n’est plus le cas pour la céramique sigillée. Sur les pavements de Nennig, de Bad Kreuznach et de Reims, le retiarius possède une taille plus importante ou pratiquement égale au trident, alors qu’à Augst, et surtout à Aix-en-Provence, mosaïque datée du Ier siècle apr. J.-C., sur laquelle pose Beryllus, son trident à la main, l’arme dépasse le gladiateur. Mais, à la même époque, c’est surtout la céramique sigillée qui est intéressante à analyser, puisque plusieurs modèles issus de l’atelier de Montans (S61) et de La Graufesenque (P110, S62, S64, S69) montrent à la fois des retiarii dont le trident est plus petit que leur taille, et d’autres gladiateurs qui ont une taille égale à celle de leur arme.

31À la suite de ces exemples, il faut peut-être conclure que, selon sa taille, le retiarius choisit une arme plus ou moins longue avec laquelle il se sent à l’aise pour combattre. Ainsi, la longueur de l’arme ne résulte sans doute pas d’une évolution de la technique de combat au trident, qui amènerait à trop réduire ou à trop augmenter ses dimensions. Il semble probable que la céramique sigillée et la mosaïque donnent une image du trident assez proche de la réalité, celle d’une arme légère et maniable, qui n’est ni trop longue, ni trop courte, et qui doit permettre surtout des mouvements rapides et efficaces. Il faut pouvoir, notamment, tenir le trident à une main au moment de la projection du filet et bénéficier d’une arme efficace.

32Les pointes

  • 66 La pointe centrale de ce trident a une forme triangulaire très nette. Elle évoque une pointe retro (...)
  • 67 Voir la proposition de D. Battaglia pour qui la base de la partie métallique du trident doit mesur (...)

33S’intéresser à la forme et la taille des pointes du trident du retiarius relève de la gageure, sur un matériau comme la céramique sigillée. Comment cerner, en effet, sur un support dont les modèles sont si petits, les modifications, voire les évolutions subies par l’extrémité de l’arme ? La comparaison de plusieurs poinçons a permis toutefois de montrer qu’il existe des différences de morphologie importantes concernant ces pointes. En visualisant les tridents utilisés par deux uenatores, nous avons remarqué que la forme et la taille de leurs pointes étaient inhabituelles. Le modèle P27 qui, par inadvertance, pourrait être pris pour un retiarius, utilise un trident singulier, puisque ses pointes ne sont pas longilignes et découpées distinctement. Ainsi, cet attribut possède un aspect « dents de scie » tout à fait étonnant66. D’autre part, si la forme des pointes du trident employé par le uenator (P43) de l’atelier de Rheinzabern est similaire à celle de l’attribut du retiarius, c’est au niveau de la dimension globale de la pièce qu’il y a une différence. La base de la partie métallique est beaucoup trop longue et reçoit des pointes dont la hauteur est bien trop importante67. Cependant, les modifications morphologiques ou dimensionnelles des pointes du trident utilisé par ces uenatores peuvent s’expliquer puisque, à l’inverse du retiarius, ces chasseurs luttent contre des animaux sauvages, notamment le sanglier, une bête massive et puissante qu’il faut pouvoir contenir. Ces transformations du trident du uenator peuvent-elles ainsi permettre de saisir certaines particularités qui concernent le trident du retiarius ?

34Il semble tout à fait possible de proposer une étude sérieuse de la partie métallique située au sommet de la hampe de cette arme. Sur la céramique sigillée par exemple, les pointes du trident employé par le retiarius ne sont pas démesurées. Le rapport taille de la base/hauteur des pointes semble être assez bien respecté chez plusieurs modèles (P110, P111, P113, P116, S65, S69). La précision des ciseleurs sur ce point technique très précis est d’ailleurs assez remarquable. Par contre, sur mosaïque, on s’aperçoit que cette partie du trident est parfois très mal reproduite. À Nennig (4), la hampe du trident est extrêmement longue, alors que la base et les pointes de la partie métallique sont minuscules, même si le sommet des dents semble incrusté dans le scutum de l’adversaire. D’ailleurs, la main gauche du retiarius placée à quelques centimètres seulement de l’extrémité supérieure de la hampe est plus imposante que l’ensemble offensif constitué par la base et les pointes ! Ce qui n’est pas du tout le cas sur la sigillée.

35Concernant désormais l’évolution possible de ces pointes de trident, est-il envisageable que leur forme varie de façon importante, alors que leur taille semble rester approximativement la même tout au long de la période qui nous intéresse ?

  • 68 Signalons que sur le gobelet de Chrysippus daté vers 15-5 av. J.-C., la base du trident utilisé pa (...)

36Au premier abord, il semble que ce sont moins les pointes que la base qui change. Cette dernière est plus souvent droite, comme à Trèves (P113), mais un modèle issu de l’atelier de Montans (S61) permet de découvrir une base plus arrondie. Chronologiquement, si l’on se fonde sur ces deux exemples, la base arrondie est antérieure à la base droite. Il pourrait donc s’agir d’une évolution structurelle de la partie métallique pour des raisons techniques, mais rien ne permet d’affirmer que les deux formes ne coexistent pas68.

37Enfin, les transformations de certaines pointes de trident, beaucoup plus courtes dans le premier atelier de Trèves (P114) vers le milieu du IIe siècle apr. J.-C., reliées entre elles par leur sommet dans le second atelier de Trèves (P115, P117, etc.), remplacées même par une sorte de protubérance plus ou moins arrondie comme à Lezoux (S70), voire complètement absentes sur un autre modèle du second atelier de Trèves (S74), ne résultent aucunement d’une quelconque évolution technique de l’arme. Il s’agit, dans ces cas précis, de toute une série d’erreurs commises soit par le ciseleur qui a réalisé les motifs, soit par le potier qui a fabriqué le vase, soit par le dessinateur qui a relevé les illustrations. En aucun cas les trois pointes du trident ont pu raccourcir exagérément ou disparaître pour constituer une sorte d’extrémité pleine, située au sommet d’une hampe faisant office de perche, avec laquelle le retiarius aurait simplement repoussé son adversaire comme dans une joute. À chaque époque, il est manifeste que le retiarius a utilisé une arme d’hast munie de trois pointes, excepté peut-être au Ier siècle de notre ère, où il a pu parfois remplacer son trident par une lance, voire compléter la hampe d’un talon. Ainsi, avec le rete, le tridens est sans doute l’arme offensive qui a subi l’évolution la moins importante dans la panoplie de ce gladiateur, alors que le galerus et la manica semblent avoir beaucoup évolué.

38 Le galerus et la manica : ce sont deux protections complémentaires et solidaires. La première doit faire écran entre le visage et le cou du retiarius et l’arme de son adversaire, tandis que la manica protège le bras le plus avancé sur la hampe du trident. Lorsque le retiarius porte un casque, ce qui semble tout à fait probable si l’on considère à juste titre le fameux gobelet de Chrysippus, l’importance du galerus est moindre. D’ailleurs, le gladiateur figuré sur cette céramique ne possède pas une épaulière très développée. Elle épouse bien l’épaule, mais ne la dépasse pas excessivement. La manica quant à elle s’arrête bien avant le poignet. Les premières représentations de retiarii, qu’offre la céramique sigillée au Ier siècle apr. J.-C., donnent l’image de combattants qui dénotent complètement avec celle du retiarius du gobelet de Chrysippus. En effet, ces gladiateurs ne portent plus de casque et sont moins bien protégés au niveau du torse. L’épaulière par ailleurs, lorsqu’elle est bien visible, semble plus développée. Dans l’atelier de La Graufesenque (S66, S67, S68) notamment, le galerus dépasse l’épaule, même s’il ne donne pas l’impression d’assurer une protection optimale de la tête. Quant aux manicae, elles sont indiscernables sur certains modèles. Parfois même, comme chez ce retiarius de la scène S69, seule la partie supérieure de la manica est visible, tandis qu’un court galerus protège l’épaule. Si l’on se réfère à la céramique sigillée diffusée au Ier siècle apr. J.-C., l’image du galerus est celle d’une protection petite, qui n’atteint jamais la tête pour assurer pleinement sa fonction.

  • 69 La mosaïque d’Aix-en-Provence, datée du Ier siècle apr. J.-C., sur laquelle figure le retiarius(...)
  • 70 P. Garrucci, « Dell’arma gladiatoria detta galerus », dans Bull. arch. Napol., N.S., I, 1852-53, p (...)
  • 71 Ces dimensions apparaissent encore plus considérables pour ce galerus daté peut-être de la fin du (...)

39Est-ce la preuve qu’à cette époque cet attribut est encore peu développé, au stade primitif ? Ou est-ce dû à une méconnaissance des ciseleurs, concernant les dimensions de l’épaulière et ses caractéristiques69 ? Les découvertes faites dans la caserne des gladiateurs de Pompéi70, dans laquelle plusieurs galerii ont été retrouvés, prouvent pourtant que leurs dimensions et leur élévation au Ier siècle apr. J.-C. étaient déjà conséquentes71. Ainsi, ils devaient parfaitement remplir leur rôle protecteur. Il convient donc peut-être d’imputer cette faible élévation de l’épaulière sur la sigillée à une méconnaissance des premiers ciseleurs, qui progressivement prennent conscience de l’importance de cet attribut. En effet, dès le milieu du IIe siècle apr. J.-C. dans les ateliers trévires, celui-ci bénéficie enfin d’une représentation beaucoup plus proche de la réalité. C’est ce qu’illustrent notamment les modèles P113, P114, P115, P116, P117, sur lesquels le galerus est élevé et recourbé au sommet. Il recouvre également, et de façon importante, toute la partie supérieure du bras. Parfois même, chez certains retiarii (P113, P114, P116), une manica bien visible complète parfaitement la protection et recouvre l’avant-bras. Mais ces exemples, quoique très intéressants, ne suffisent pas à esquisser les évolutions majeures subies par l’épaulière et la manica sur le long terme.

40Quelles précisions les mosaïques peuvent-elles alors apporter concernant ces éléments ?

  • 72 Nous avons insisté notamment sur la représentation du trident à Nennig qui n’était pas du tout pro (...)
  • 73 Le retiarius à la lance de Pompéi au Ier siècle apr. J.-C. possède un galerus qui recouvre à la fo (...)

41Excepté le pavement inutilisable d’Aix-en-Provence, les autres modèles de retiarii qui apparaissent à Nennig (4), Bad Kreuznach (3), Reims (29), Augst (3 et 5) et Metz (3), donnent, d’une certaine manière72, des informations précieuses sur l’ensemble défensif constitué par le galerus et la manica après le milieu du IIe siècle apr. J.-C. Le pavement de Nennig réalisé vers 175 apr. J.-C., quelques années seulement après les modèles de Trèves, montre un retiarius dont le galerus est recourbé au sommet, très large, protégeant ainsi parfaitement la tête. Le système qui reçoit l’épaulière est bien figuré et semble moulé sur l’épaule, alors qu’une longue manica descend sur le bras depuis la base du galerus jusqu’au poignet. La succession de lamelles qui constituent cette manica dite segmentata apparaît distinctement et facilite le mouvement du bras. En comparant ainsi l’ensemble galerus/ manica du retiarius de Trèves (P113) avec celui du gladiateur de Nennig, on s’aperçoit que chez ce dernier la manica gagne en surface, permet une meilleure maniabilité et protège complètement le bras depuis l’épaule jusqu’au poignet. Auparavant seul l’avant-bras était recouvert, tandis que toute la partie haute était cachée par le galerus rigide73. S’il semble évident, au regard de ces exemples, que le galerus et la manica ont subi une évolution considérable, il est toutefois difficile de savoir à quel moment ces changements ont été enclenchés. Le modèle sigillé de Trèves fournit peut-être l’image de ces éléments défensifs, comme ils apparaissaient déjà au Ier siècle apr. J.-C.

  • 74 Une fresque de Périgueux, datée du début du IIe siècle apr. J.-C., montre notamment un retiarius m (...)
  • 75 Barbet 1999, p. 8.
  • 76 Puisque les lanières sont croisées et sont identiques à celles qui maintiennent la manica d’un ret (...)

42Ensuite, du simple petit brassard d’avant-bras à la manica articulée depuis la base du galerus, permettant ainsi une grande motricité, d’autres innovations ont pu intervenir74. La mosaïque de Reims, exécutée peu de temps après celle de Nennig, permet de découvrir un retiarius dont le galerus et la manica restent très proches des éléments défensifs utilisés par le gladiateur du pavement trévire. Peu après pourtant, à Metz, si le galerus conserve sa hauteur et sa forme recourbée, la manica quant à elle ne semble plus articulée. Elle ressemble plus à ce brassard matelassé tenu par des lanières, employé par le retiarius de Périgueux au début du IIe siècle de notre ère75, qu’à la manica des gladiateurs de Nennig et de Reims, même si le système de laçage des courroies semble nouveau à Metz76. Cet exemple témoigne-t-il alors de l’utilisation sur une période plus ou moins longue de plusieurs sortes de manicae conçues avec des matériaux différents ?

  • 77 Ce système de fixation du galerus est encore visible sur un médaillon d’applique daté de la fin du (...)

43C’est une éventualité, puisque cette manica matelassée, nouée par des lanières, semble encore employée par un retiarius figuré de dos sur le pavement de Bad Kreuznach (3). Sa position, d’autre part, permet de découvrir le système de fixation du galerus, maintenu à l’aide d’une courroie qui passe sous le bras droit du combattant77. Sur cette représentation, l’épaulière reste très haute et recourbée, mais c’est surtout son placement qui est intéressant. Elle est simplement posée sur l’épaule, tandis que la partie supérieure de la manica - et le morceau de cuir relié à la courroie de fixation qui immobilise le galerus - assurent la protection du haut du bras et de l’épaule elle-même.

44Enfin, concernant les deux dernières représentations de retiarii qui apparaissent sur la mosaïque d’Augst datée approximativement de 230 apr. J.-C., et qui constituent une des toutes dernières images que nous possédons de ce gladiateur en Gaule, il semblerait que les manicae utilisées correspondent à des modèles proches de ceux de Nennig et de Reims. Par ailleurs, le galerus anatomique qui, à l’inverse de celui figuré à Bad Kreuznach, recouvre l’ensemble de l’articulation de l’épaule d’un second retiarius (5), rappelle précisément le rôle protecteur originel très complet qui incombe à cet attribut, qui pouvait couvrir, comme à Trèves, une grande partie du bras. Son élévation et sa courbure (mieux visible chez le retiarius 3) restent également importantes. Il semble bien que, depuis la fin du Ier siècle av. J.-C. (gobelet de Chrysippus) jusqu’au milieu du IIIe siècle apr. J.-C., le galerus et la manica n’ont cessé d’évoluer. On passe ainsi d’une épaulière, dont la taille est insignifiante, à un galerus parfois surdimensionné comme à Bad Kreuznach. Cette volonté de protéger la tête et le cou du retiarius répond bien sûr à des critères techniques indéniables. En modifiant également la manica, d’un point de vue matériel et structurel, on cherche à optimiser à la fois le système de protection et la motricité du bras avec lequel le retiarius va s’opposer le plus souvent à son adversaire, en maniant le tridens, mais également le pugio. Toute la partie gauche du corps de ce gladiateur, qui ne possède pas de bouclier, doit en effet être mieux protégée.

  • 78 Rome, Villa Borghèse.
  • 79 On suppose qu’une partie du dos d’Alumnus est aussi protégée, puisque son collègue Astacius figuré (...)

45Pour cette raison, la mosaïque Borghèse78 datée du IVe siècle apr. J.-C. – qui fournit sans doute l’une des toutes dernières représentations de la gladiature – est très instructive, puisqu’elle permet de découvrir l’image du gladiateur Alumnus, un retiarius qui bénéficie d’un très haut galerus, véritable rempart face à son adversaire. De même, une manica segmentata très développée, semblable à une armure, protège à la fois l’épaule, une partie du dos79, le côté gauche de la poitrine et toute la partie supérieure de la main du combattant !

46Cette mosaïque corrobore ainsi la constante évolution de ces pièces défensives jusqu’à la disparition de la gladiature.

47• D’autres éléments de protection : gantelet, subligaculum, fasciae Si le galerus et la manica constituent un armement essentiel, il ne faudrait pas sous-estimer d’autres attributs défensifs dont les fonctions sont importantes : gantelet, pagne/subligaculum et bandelettes de protection/ fasciae dont le but est de compléter la panoplie du retiarius en protégeant certaines parties du corps qui restent fragiles.

48Le gantelet

49Il s’agit d’une protection de cuir (?) ou de tissu matelassé. Elle recouvre la main gauche du retiarius qui se trouve la plus avancée sur la hampe du trident et qui tient le pugio. S’il est difficile de déceler cet élément sur le support céramique, le pavement de Nennig (4) propose sûrement le meilleur exemplaire. Avec l’épaulière et la longue manica articulée, l’usage de cette moufle, muffula, permet de compléter la protection du bras et recouvre totalement le poing du combattant. On retrouve peut-être un gantelet similaire chez le retiarius du pavement de Bad Kreuznach (3). En raison de la rareté de sa représentation, et comme nous l’observons pour la première fois à Nennig, nous serions tenté de dire qu’il se développe au moment où la manica subit une évolution majeure, pour devenir segmentata. Rien n’indique néanmoins qu’il n’ait pas été employé plus tôt, malgré la rareté de son iconographie.

50Le subligaculum

51Ce n’est pas à proprement parler un attribut emblématique du retiarius, au même titre d’ailleurs que la manica, puisque toutes les autres catégories de gladiateurs se servent de ces équipements. Toutefois, chez un combattant peu protégé comme le retiarius, n’ayant pas la possibilité de dissimuler son corps derrière un bouclier, ce subligaculum revêt-il une plus grande importance ?

  • 80 En effet, rien n’indique que le pugio soit inséré dans un fourreau attaché au baudrier.

52Si sa forme évolue au cours du temps, il convient de se demander s’il diffère notablement du pagne porté par le murmillo ou le secutor. La céramique sigillée permet de découvrir plusieurs sortes de pagne. À La Graufesenque (P110) sa forme est simple, mais il est parfois décoré de franges (S62) dont le rôle n’est peut-être pas défensif. Dans le 1er atelier de Trèves, il subit une évolution manifeste. Ainsi, le modèle P113 semble utiliser un subligaculum orné d’ocelles identiques à celles qui apparaissent sur sa manica, alors qu’une large ceinture, cingulum, qui n’est pas un véritable baudrier80, balteus, entoure sa taille.

53En comparant le subligaculum utilisé par le retiarius de l’atelier de Montans (S61) avec celui de son adversaire murmillo, force est de reconnaître que les deux pagnes sont en tous points identiques. C’est la même constatation à Lezoux (S70), ainsi qu’à Trèves (S76) où un secutor porte des vêtements comparables à ceux de son adversaire.

54La mosaïque permet-elle alors de déceler des améliorations ou des adaptations du subligaculum du retiarius en fonction du type de lutte qu’il mène ?

55À Nennig, le retiarius et le secutor portent chacun un pagne qui monte au-dessus du nombril, tandis qu’une ceinture maintient leur vêtement. À Bad Kreuznach, c’est exactement le même subligaculum qui habille les deux combattants, ainsi qu’à Reims, mais cette fois le pagne adopte une forme différente puisqu’un triangle de cuir (?) le renforce et fait office de protège-sexe. Enfin, les deux panneaux de la mosaïque d’Augst sur lesquels apparaissent un retiarius et un secutor vont absolument dans ce sens : l’un comme l’autre montrent des gladiateurs habillés d’un pagne et d’une ceinture (?) rouge et blanche identique. Si l’on se réfère à l’ensemble de ces représentations, on constate que le subligaculum porté par le retiarius est le même que celui de son adversaire à toutes les époques. Alors que l’absence de casque est comblée par la présence d’un haut galerus, l’absence de bouclier n’est pas atténuée par une protection renforcée au niveau du bas-ventre, des parties génitales, et du haut des cuisses.

56Les fasciae

  • 81 Les modèles de retiarii figurés sur la céramique sigillée comme sur la mosaïque, pour la grande ma (...)

57Ce sont des bandelettes constituées de tissus avec lesquelles on entoure les articulations pour les consolider. Le retiarius les utilise surtout pour maintenir ses chevilles. En effet, en tant que gladiateur léger, il fonde sa technique de combat sur la fuite et la vélocité. Si ces fasciae ont moins un rôle protecteur contre les armes de son adversaire, elles lui permettent surtout d’assurer ses appuis au sol et d’éviter une foulure. Elles apparaissent distinctement sur une scène de l’atelier de La Graufesenque (S69), ainsi que sur plusieurs mosaïques. À Bad Kreuznach, chevilles et genoux du retiarius sont bien protégés (3), alors qu’à Reims (29) on distingue parfaitement la succession de bandelettes qui entourent les chevilles. On retrouve des protections similaires chez les retiarii de Metz, d’Aix-en-Provence et de Nennig, même si elles s’apparentent davantage à des gouttières qui, sur le dernier pavement, sont bien éloignées des fasciae traditionnelles. Ces protections d’un seul tenant semblent solidaires d’une seconde protection qui recouvre la partie supérieure du pied, alors que la plante est laissée à nu81.

58L’étude de la panoplie du retiarius permet de mettre en lumière l’originalité de l’agencement de ses attributs, notamment le renforcement de son bras gauche, partie du corps la plus exposée au gladius de son adversaire. À l’exception du galerus et de la manica, on s’aperçoit que les autres armes qu’il utilise ne subissent pas de transformations importantes, même si les lacunes iconographiques concernant le rete et les problèmes liés à la lisibilité de nos supports ne permettent pas de mesurer avec tout le recul nécessaire les évolutions réalisées.

59À partir de la fin du Ier siècle apr. J.-C. et jusqu’aux dernières représentations que nous connaissons, l’image qui se dégage de l’étude du retiarius est celle d’un gladiateur léger qui affronte des adversaires toujours plus perfectionnés. En analysant ces combattants et en cernant l’évolution de leur propre panoplie, nous tâcherons de mieux saisir les techniques de combat développées par le retiarius.

Ses adversaires : murmillo, secutor, scissor…

  • 82 Toutefois, certains gladiateurs à l’instar du retiarius s’opposent eux aussi à d’autres armaturae (...)
  • 83 Le couple retiarius/secutor va devenir très vite la coqueluche des amateurs de spectacles (IIe-III(...)
  • 84 Festus 285 : non te peto, piscem peto ; quid me fugis Galle ? « Ce n’est pas toi que je poursuis c (...)

60De tous les protagonistes du munus, le retiarius est l’un des gladiateurs qui affronte le plus d’armaturae82. Sa singularité et sa popularité résultent d’ailleurs de la variété de ses adversaires83. Car si originellement, il est associé au murmillo pour former un couple symbolique de la gladiature, popularisé par la célèbre « chanson de Festus84 », d’autres rivaux comme le secutor ou le scissor peuvent se mesurer à lui. Ainsi, jusqu’au Ve siècle apr. J.-C., le retiarius va s’opposer à des adversaires toujours plus originaux, dont les armes ne cessent d’évoluer pour mieux répondre aux performances de la trilogie trident/filet/galerus.

Le murmillo85 : un gladiateur adapté à la lutte contre le retiarius ?

  • 85 Cette orthographe du nom est la plus commune. CIL, IV, 2387, 2508 ; V, 1907 ; VI, 631, 10169, 1017 (...)
  • 86 DAGR, s.u. gladiator, p. 1587-1588.
  • 87 Lattes 1987, p. 37-38.
  • 88 Il se fonde pour cela sur un second texte de Festus (285 M) : Retiario pugnanti aduersus myrmillon (...)
  • 89 É. Teyssier écarte cette hypothèse et rattache plutôt le murmillo à l’armatura des samnites. B. Lo (...)
  • 90 Id., p. 24.
  • 91 DAGR, s.u. gladiator, p. 1587.
  • 92 Si les attributs prêtés par Gérôme au murmillo sont tout à fait illusoires, les armes prises sépar (...)

61C’est sans doute l’une des catégories les plus difficiles à appréhender, car son origine même est obscure. Certains auteurs comme G. Lafaye86 ou R. Sablayrolles87 pensent qu’il descend du gladiateur gaulois88, et qu’il porte tout naturellement l’« armatura gallica89 », constituée d’un scutum murmillonicum (sur lequel nous reviendrons), d’un petit casque, et d’un gladius. Il combat torse nu à l’image de son terrible ancêtre et ne porte ni manica ni ocreae. Mais C. Landes90 ressuscite le mythe du poisson lorsqu’il écrit : « Il se peut que l’origine des myrmillons, dont on ne connaît d’ailleurs pas la nature exacte de l’armement, soit des gladiateurs gaulois dont le casque était surmonté d’un poisson. » Et ce poisson, le fameux morme, μορμύρος qui aurait donné son nom au murmillo, accréditerait la thèse de l’opposition retiarius/murmillo. En entonnant la célèbre chanson rapportée par Festus, le rétiaire/pécheur muni du filet focaliserait son attention sur la décoration pisciforme située sur le casque de son adversaire. Une proie protubérante facile à capturer, qui assurerait au retiarius une supériorité technique indéniable. G. Lafaye affirme même qu’on peut observer des images de poissons sur certains casques de gladiateurs retrouvés dans la caserne de Pompéi91. Mais il reconnaît, sans l’expliquer, qu’il ne s’agit pas d’attributs appartenant aux murmillones. L’un de ces casques dont parle l’historien a probablement été reproduit sur une toile de J.-L. Gérôme92 datée de 1872 et intitulée Pollice uerso. On imagine difficilement comment un murmillo affublé d’un casque aussi proéminent pourrait affronter un retiarius armé du filet. D’ailleurs, si l’on analyse l’image du murmillo, on s’aperçoit que celui-ci n’est jamais représenté coiffé d’un tel attribut. Quel gladiateur serait assez bête pour porter un casque qui le condamnerait à une défaite certaine ?

  • 93 C. Sayget et A. Desarnod, Album d’un voyage en Turquie fait par ordre de l’Empereur Nicolas 1er en (...)
  • 94 Faits et dits mémorables, I, 7-8.
  • 95 Incidit deinde ut proximo ab equite loco retiarius cum murmillone introduceretur.
  • 96 Si l’on écarte l’hypothèse qui proposerait de voir dans ces combattants affrontés par le retiarius(...)

62• Quel type de galea ? La seule représentation du murmillo, accompagnée de son titre, provient d’un bas-relief conservé au Musée de l’Ermitage93, sur lequel le gladiateur debout porte un équipement très dépouillé. Si le subligaculum est bien visible, le torse et les jambes sont nus, alors que la tête est coiffée d’une sorte de bonnet (?). Deux autres attributs apparaissent encore : un objet très long que le murmillo tient dans sa main droite (un gladius ?), mais surtout l’image d’une forme plus ou moins arrondie surmontée d’un cimier (?). Posée sur une colonne brisée, elle pourrait évoquer la galea du murmillo. S’il s’agit réellement d’un casque, celui-ci ne possède aucune décoration rappelant le morme. Le cimier toutefois, par sa hauteur, ne laisse pas davantage de chances au murmillo face au filet du retiarius ! Par contre, la panoplie très sommaire semble donner raison à Festus qui voit dans le murmillo le descendant direct du gaulois. Si l’on se fonde sur cette caractéristique vestimentaire et sur l’existence du couple retiarius/murmillo au Ier siècle de notre ère, dont Valère Maxime94 donne une preuve irréfutable lorsqu’il raconte l’anecdote d’Aterius Rufus : « Puis, il arriva que tout près de ce chevalier on fit s’affronter un rétiaire et un mirmillon95 », notre meilleure source pour analyser la galea, ainsi que le reste de l’équipement du murmillo, semble être la sigillée. Nous avons répertorié plusieurs représentations de retiarii (S62, S65, S66, S67) opposés à des gladiateurs qu’il est impossible de confondre avec des secutores ou des scissores : deux armaturae qui utilisent un casque conçu pour offrir peu de prise au filet du retiarius96.

  • 97 Un modèle presque identique figure sur une lampe (L2) de l’atelier de La Muette à Lyon. La seule d (...)
  • 98 Pourtant, si l’on considère la datation assez large (10 av. J.-C.-70 apr. J.-C.) de la lampe (L62) (...)

63Ainsi, les combattants opposés au retiarius sur ces céramiques du Ier siècle apr. J.-C. semblent appartenir à l’armatura des murmillones. Le modèle S67 de La Graufesenque97, qui n’est pas une illustration de seconde main mais une photographie du vase original, permet de découvrir un retiarius qui se heurte à un murmillo reproduit jusqu’à trois fois. Peu protégé, sans ocreae et torse nu, son visage est découvert et il porte un casque très simple à calotte ronde sans poisson. Un scutum, des fasciae et un subligaculum complètent sa panoplie. Ce modèle a été reproduit par F. Oswald (S62) à partir d’un vase Drag. 29 issu du même atelier. À quelques différences près (subligaculum composé de stries, casque orné d’une petite élévation qui n’est pas un poisson) et malgré les dessins de F. Oswald qui, reconnaissons-le, ne sont pas toujours pertinents, les attributs restent identiques. Cette image est très proche d’un bas-relief du musée de l’Ermitage, pour l’aspect dépouillé de l’équipement du murmillo entre 40 et 80 apr. J.-C.98.

64À La Graufesenque, le gladiateur porte une panoplie légère, son visage est visible, et son casque n’est pas orné d’un poisson. Il pourrait s’agir de notre meilleure représentation du murmillo pour la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C., alors que pour la fin du siècle, c’est sûrement l’atelier de Lezoux qui fournit l’image la plus acceptable (S70). Elle figure un murmillo similaire, avec une galea sans morme. Ce qui est frappant en analysant ces trois murmillones sur céramique sigillée, c’est l’aspect simplifié de leur armement lorsqu’ils affrontent le retiarius et la faible élévation de leur casque.

  • 99 Voir sur cette question Teyssier-Lopez 2005, p. 82.

65Toutes ces représentations ne sont pas simples à confronter et la pertinence iconographique va une nouvelle fois au support céramique. La sigillée donne d’ailleurs une image du casque bien éloignée de la description de Festus99. Sur ce matériau, il semble mieux conçu et plus adapté à la lutte contre le retiarius. Toutefois, lorsque le murmillo s’oppose au thraex, comme sur une scène de l’atelier de La Graufesenque (S81) ou sur une lampe (L6) de l’atelier de La Butte à Lyon, le casque peut devenir beaucoup plus imposant pour marquer sans doute le changement d’appariement. Peut-être est-ce l’image d’un murmillo prévu pour affronter un thraex qui figure sur le bas-relief du Musée de l’Ermitage ?

66Quoi qu’il en soit, concernant l’opposition retiarius/ murmillo, les maîtres d’arme ont compris très tôt qu’un casque surdimensionné face à ce gladiateur agile et polyvalent était une erreur et constituait un lourd handicap dans la lutte. Il est donc primordial de confronter les écrits de Festus avec d’autres sources. Au Ier siècle apr. J.-C., c’est donc un murmillo à la panoplie plutôt légère qui évolue dans l’arène. Un équipement sans fioritures qui ne manque pas de rappeler le Gaulois auquel on le compare très souvent.

  • 100 DAGR, s.u. gladiator, p. 1588.

67• Un scutum murmillonicum comme attribut ? Si, comme nous l’avons vu, la galea constitue un problème majeur dans l’identification du murmillo, une autre difficulté vient du bouclier. S’agit-il d’un scutum rectangulaire proche de celui des Samnites ou bien d’un scutum hexagonal100 ? Quelle conséquence cette différence de forme peut-elle éventuellement avoir dans une lutte contre un gladiateur comme le retiarius ? Si l’on reprend l’étude de certains modèles qui ont permis de mieux saisir la morphologie du casque au Ier siècle apr. J.-C. (S62 et S67), il ne fait aucun doute que le scutum employé par ces gladiateurs est rectangulaire. On pourrait ajouter d’autres scènes (S63, S64, S66) dans lesquelles les murmillones manient le scutum samnes pour lutter contre le retiarius. Même si la taille de ce bouclier ne semble pas démesurée, c’est bien de cette arme caractéristique dont il s’agit. En tout cas, c’est un attribut proche de ce scutum que les ciseleurs ont cherché à reproduire. Et paradoxalement on se demande comment cette arme défensive peut être efficace face au trident du retiarius. Chacune des représentations montre en effet un trident qui passe facilement au-dessus du bouclier du murmillo comme pour mieux percuter sa tête. La seule scène sur laquelle le murmillo semble être en position de supériorité, bien que le bouclier ne soit pas plus volumineux, provient de Lezoux (S70). Il s’agit de ce gladiateur dont le casque se modifie vers 95-115 apr. J.-C. (?) et on pourrait croire qu’à la même période son scutum subit une évolution notable, puisque sa forme devient plus incurvée, mieux adaptée sans doute au trident de son adversaire (?). Quant au scutum murmillonicum, a-t-il été employé par le murmillo ?

  • 101 Une autre scène (S78) antérieure à 70 apr. J.-C., sur laquelle un murmillo s’oppose peut-être à un(...)

68Une scène de l’atelier de La Graufesenque (S65) datée de l’époque flavienne, décorant à l’origine un vase Drag. 29 (pour cette raison cette image est peut-être plus ancienne101), montre un retiarius peu armé aux prises avec un murmillo qui utilise un scutum murmillonicum.

  • 102 Teyssier-Lopez 2005, p. 42-43. Selon nous, il est possible d’envisager que le murmillo utilise son (...)

69Malgré sa forme hexagonale très différente de celle des scuta samnites, les dimensions de ces boucliers restent très proches. Malheureusement, la sigillée ne permet pas de saisir réellement les avantages qu’il y a à manier l’une ou l’autre de ces armes. Il est donc bien difficile de dire lequel de ces deux scuta était le mieux adapté à la lutte contre le retiarius. Ces modèles permettent surtout d’illustrer la différence d’armement. Bien qu’elle résulte d’une évolution liée au maniement du bouclier, il est impossible d’en esquisser les modalités. Le rôle dynamique du bouclier doit pourtant peser dans ce choix, mais les mises en situation de l’arme sur sigillée sont inexistantes102. Sa position face au trident est toujours présentée verticalement.

70L’image d’un murmillo utilisant un scutum hexagonal tend à prouver qu’il existe, à l’origine, un véritable bouclier prévu pour cette armatura. Notons qu’un poinçon du second atelier de Trèves (P134), daté peut-être du milieu du IIe siècle apr. J.-C., présente un murmillo qui semble équipé d’un dérivé du scutum murmillonicum bien qu’à cette date c’est l’arme défensive d’origine samnite qui reste privilégiée.

  • 103 Voir Lattes 1987, p. 153-156, pour une description du gobelet de type ACO.

71La piste du gallus ? L’image du scutum murmillonicum hexagonal, employé par un murmillo apparié à un retiarius sur la céramique sigillée fabriquée dans l’un des tout premiers ateliers du sud de la Gaule, retient notre attention. Ce deuxième indice contribue à conforter l’existence d’une panoplie légère d’origine ou d’inspiration gauloise employée par le murmillo dans ses combats avec le retiarius. Le gobelet de Chrysippus103 réalisé peu après les grandes réformes qui touchent les armaturae, permet sans doute d’expliquer ces rapprochements gaulois-murmillo. En effet, deux appariements sont très intéressants à analyser :

  • Le premier met en scène deux galli, dont la panoplie est rigoureusement identique : galea à paragnathides, gladius court, fasciae aux chevilles et au poignet droit, subligaculum et bouclier oval104 typiquement gaulois avec spina et umbo.
  • Le second permet de découvrir un retiarius très lourdement équipé que nous avons déjà décrit, opposé à un gladiateur dont l’attitude est identique à celle d’un des galli. Situé très haut derrière la tête, son gladius plus long s’apprête à frapper. On remarque encore plusieurs éléments de protections identiques. Les fasciae qui protègent les mêmes parties du corps que chez les galli de la première scène (alors que les autres combattants représentés, notamment le retiarius, portent des ocreae aux jambes), le subligaculum au traitement similaire et le casque à paragnathides qui, bien qu’utilisé par l’ensemble des autres catégories105, est typiquement gaulois106.
  • 107 Dont plusieurs représentations décorent l’Arc d’Orange. Mais c’est surtout au bras d’une statue re (...)

72Si les similitudes entre ce gladiateur et les galli affrontés sont évidentes, le bouclier qu’il utilise semble bien différent, puisqu’il s’agit du fameux scutum hexagonal107 évoqué par G. Lafaye.

  • 108 Un gallus apparaît peut-être sur une lampe (L4) de l’atelier de la butte à Lyon, malgré sa datatio (...)
  • 109 Le bouclier ovale semble être antérieur au bouclier hexagonal. En tout cas, à notre connaissance, (...)

73Il semble tout à fait probable que nous soyons en présence, sur ce gobelet réalisé autour de 15 av. J.-C., de deux armaturae identiques à l’origine, mais qui commencent à se différencier par l’utilisation d’armes propres. De cette façon, si les gladiateurs au bouclier oval sont bien des galli, le gladiateur au bouclier hexagonal opposé de surcroît à un retiarius, est un murmillo. Unis par leur équipement très dépouillé108, ces deux combattants s’opposent désormais par leur bouclier109. L’existence d’une telle arme de forme atypique est d’ailleurs corroborée à de nombreuses reprises par des poinçons qui décorent des céramiques sigillées, même si une seule scène (S65) illustrant un combat entre un retiarius et un murmillo au bouclier hexagonal est répertoriée. Par contre, de nombreuses scènes (S78, S79a et b, S81, S84) montrent le murmillo armé d’un scutum hexagonal, luttant contre un gladiateur de la catégorie des thraeces jusqu’à l’époque d’Hadrien. C’est une preuve de plus pour affirmer que cette arme est peut-être mieux adaptée à la lutte contre un thraex, et que le scutum rectangulaire du samnes est employé plutôt contre un adversaire muni d’un trident. C’est notamment le cas dans les mouvements de blocage de la hampe, que nous avons évoqués précédemment, difficilement réalisables avec un bouclier plat et hexagonal aux contours irréguliers. Toutefois, le murmillo qui affronte un thraex, tend à alourdir sa panoplie à mesure que le couple évolue, alors qu’à l’origine celle-ci était très simple. Son casque lui-aussi se modifie pour devenir beaucoup plus élevé (cimier, panache, crête/crista), comme sur la scène S81bis.

74 Un gladiateur lourd ou léger face au retiarius ? Si la panoplie lourde du murmillo a bien existé, celle-ci n’a pas lieu d’être entre approximativement 30 av. J.-C. et 50-70 (?) apr. J.-C. Ce n’est que progressivement que son équipement se complète pour devenir plus imposant à partir de la fin du Ier siècle de notre ère. C’est ce qu’illustre une scène issue de l’atelier de Lezoux (S89) datée de l’époque flavienne, sur laquelle un murmillo n’a plus rien à voir avec ce gladiateur au scutum murmillonicum en train d’affronter un retiarius à La Graufesenque (S65) vers le milieu du Ier siècle. Les mosaïques de Bad Kreuznach (2), de Reims (33), et d’Augst (2 et 4) fournissent d’ailleurs une image du murmillo muni d’un équipement encore plus impressionnant dans la première moitié du IIIe siècle apr. J.-C. C’est avec cet accoutrement qu’il affronte un thraex, mais aussi un oplomachus sur le dernier pavement. Toutefois, lorsque le murmillo affronte le thraex au début du Ier siècle apr. J.-C., lui et son adversaire possèdent une panoplie légère, comme le montre très clairement une scène de l’atelier de La Graufesenque (S78). Le couple murmillo/retiarius constitue donc une opposition originale entre gladiateurs légers, et le murmillo ne semble pas du tout inadapté pour cet appariement. L’iconographie permet-elle alors de considérer le murmillo comme le tout premier contra-retiarius ?

75• Le murmillo : un véritable contra-retiarius ? Les quelques scènes que nous possédons ne permettent pas de dire si le murmillo est un poursuivant efficace. Sur la majorité des représentations, ce gladiateur est plutôt en mauvaise posture face au trident du retiarius (S65), même lorsqu’il utilise le scutum samnes censé lui donner un avantage technique (S62, S63, S64, S67). Ainsi, le modèle S69 issu de l’atelier de La Graufesenque est particulièrement symbolique, puisqu’il permet de découvrir un retiarius victorieux, dans une attitude tout à fait inhabituelle.

76En effet, debout, le trident à l’horizontale, il tient en respect son adversaire murmillo qui demande grâce. Le pied gauche posé sur un élément rectangulaire, le bras droit baissé en signe de défaite, le gladiateur lève un doigt de sa main gauche – l’annulaire – et demande sans doute à l’editor de lui laisser la vie. Cette situation, et surtout la position dominante du retiarius, sont très rares dans l’iconographie gladiatorienne qui diffuse le plus souvent l’image d’un retiarius vaincu.

  • 110 De Institutione oratoria, VI, 3, 61.
  • 111 Et Pedo de mirmillone qui retiarium consequebatur nec feriebat : uiuum, inquit, capere uult.
  • 112 L’aspect physiologique de la lutte a été bien observé par les membres de l’association ACTA. En ef (...)

77Pourtant, même si ce décor témoigne de la domination du retiarius sur son adversaire, elle ne signifie pas pour autant que le murmillo n’est pas apte à combattre le gladiateur au trident. Un texte très important de Quintilien110 donne d’ailleurs une information capitale sur cette opposition : « Un mirmillon poursuivait un rétiaire et ne le frappait pas : il veut le prendre vivant, dit Pedo111. » L’auteur, dans cette phrase, utilise le verbe « poursuivre » pour traduire une phase de combat. Cela signifie, sans doute, que le retiarius qui vient de perdre son filet est obligé de fuir pour se soustraire à la charge de son adversaire. Ce dernier ne frappe pas le fuyard et cherche probablement à l’acculer pour mieux le maîtriser. Si le murmillo possédait une panoplie trop lourde, il ne pourrait pas maintenir son rythme et s’essoufflerait très vite, alors que dans cette situation on comprend qu’il n’est pas gêné par un équipement trop pesant et qu’il possède surtout une bonne endurance. Lorsque le secutor part à la poursuite de son adversaire, on sait qu’il ne peut pas maintenir sa course plus de quelques minutes. Cela est dû à son équipement encombrant et surtout à son casque enveloppant qui ne favorise pas une bonne oxygénation112. Certes, un murmillo moins bien protégé risque davantage, mais il pourra courir plus longtemps grâce à son casque ouvert qui ne couvre ni les yeux, ni le nez, ni la bouche. De cette manière, sa respiration sera facilitée et sa vision optimisée.

78Il est fondamental de reconsidérer l’image du murmillo qui ne doit plus être relégué au rang de simple proie pour un retiarius qui utiliserait un armement plus perfectionné. Il est donc tout à fait acceptable de voir dans le murmillo un véritable poursuivant, dont les capacités sont décuplées grâce à la faiblesse de son équipement et à la simplicité de sa galea comme l’illustre l’iconographie de la céramique sigillée. On comprend mieux pourquoi un retiarius armé d’un trident face à un murmillo au visage découvert cherche à frapper la tête (S62). C’est paradoxalement une faiblesse du murmillo qui peut être fatale au retiarius, alors qu’avec le secutor cela est différent. Dans cette nouvelle opposition, le retiarius cherchera par tous les moyens à entraîner dans sa course son adversaire engoncé dans son casque. Cette protection, certes étouffante, qui obstrue la vision du secutor, reste pourtant très efficace face aux coups de trident. De même, la petite crête qui surmonte la calotte évitera l’enveloppement du rete.

Le secutor : le second poursuivant

  • 113 Une analyse proposée par E. Bouley mérite toutefois d’être signalée : « La stèle inscrite du secut (...)
  • 114 E. Bouley (Bouley 2001, p. 239) utilise le terme « contre-rétiaire » pour définir ce gladiateur mu (...)
  • 115 CIL. VI, 631, 10180. Toutefois, un troisième terme – pulsator « celui qui frappe » – apparaît sur (...)
  • 116 Calig. XXX.
  • 117 Voir au sujet de cette anecdote l’analyse de G. Ville qui réfute l’hypothèse de la traîtrise du re (...)
  • 118 Retiari tunicati quinque numero gregatim dimicantes sine certamine ullo toti dem secutoribus succu (...)

79C’est à partir du milieu du Ier siècle apr. J.-C. que le secutor devient l’adversaire du retiarius113. Son nom signifie le « poursuivant » et il est parfois désigné sous le nom de contraretiarius114, « contre-rétiaire » dans les inscriptions. Cette mention est exprimée notamment par le sigle > RET.115. Suétone116 témoigne sur l’existence de ce gladiateur lorsqu’il évoque la manœuvre d’un retiarius récupérant son trident pour tuer ses adversaires secutores victorieux117 : « Une troupe de cinq rétiaires, vêtus d’une simple tunique, s’était laissé battre sans aucune résistance par un nombre égal d’adversaires ; la foule donnant l’ordre de les égorger ; l’un d’eux reprit son trident et tua tous les vainqueurs118 … » C’est l’un des rares auteurs qui évoque ce combattant très fréquemment figuré dans l’iconographie. Sa panoplie est heureusement bien connue grâce à un monument à l’effigie d’Urbicus, accompagné de la mention « Secutori ». Il porte un scutum rectangulaire incurvé, un gladius court, une ocrea au tibia gauche, un subligaculum maintenu par une large ceinture, ainsi qu’une galea enveloppante sans rebord à ouvertures oculaires, surmontée d’une petite crista.

80C’est paré de cette panoplie que ce gladiateur est observable dans notre catalogue des mosaïques. Sur sigillée, une galea un peu différente protège sa tête, mais sur une lampe en terre cuite (L36) du Ier siècle apr. J.-C. trouvée à Vindonissa, sa représentation est tout à fait conforme à cette description. Le casque à crête enveloppant est reconnaissable, comme le long bouclier et le glaive. Il s’agit donc d’un protagoniste de l’arène bien connu qui semble simple à identifier, même si, comme le murmillo, il appartient aux scutatii ce qui peut entraîner des problèmes d’identification.

81 Un problème d’identification sur la céramique sigillée Si la lampe L36 de Vindonissa montre un secutor facilement identifiable, au même titre que plusieurs mosaïques du IIIe siècle apr. J.-C., les représentations de ce gladiateur sur céramique sigillée sont plus difficiles à appréhender.

82En effet, pour bien différencier le murmillo lourdement armé du secutor, c’est surtout la galea qu’il faut observer. Or, lorsque celle-ci n’est pas clairement figurée, des erreurs de définitions peuvent survenir.

  • 119 L’absence de représentation de ce gladiateur à La Graufesenque correspond sans doute au développem (...)

83À Lezoux119 (P118), un poinçon, daté de l’extrême fin du Ier siècle apr. J.-C.- début du IIe siècle apr. J.-C., permet de découvrir un gladiateur figuré de dos, muni d’un petit bouclier au bras gauche. Sa tête est recouverte par une galea enveloppante, une ocrea protège son tibia gauche et il porte un subligaculum. Si la présence du casque intégral pousse à voir dans cette représentation un secutor, la petite taille du bouclier et surtout l’absence de crête laisse place au doute. C’est donc la date de circulation de ce poinçon et la forme allongée de la calotte qui permettront de proposer la piste du secutor.

84Mais il est déjà bien plus difficile de définir comme secutores deux autres gladiateurs du même atelier (P128 et P129). L’un, bien qu’il possède toute la panoplie de cette catégorie, ne porte pas une galea très convaincante, tandis que le second par l’absence même d’ocrea, et surtout par la présence d’un casque qui laisse le visage entièrement découvert, renvoie indubitablement au murmillo, malgré la crête qui surmonte sa calotte. Comme nous l’avons dit, dès les origines, le casque du secutor adopte cette forme tout à fait caractéristique que nous connaissons bien et le visage n’est jamais visible.

85En Gaule de l’Est, si certains combattants portent une galea inhabituelle, les scènes qu’ils forment avec le retiarius permettent de les définir comme de véritables secutores, plutôt que comme des murmillones. Ici, la date d’émission du poinçon qui sert à les représenter joue également. Le modèle P119 du premier atelier de Trèves montre un secutor coiffé d’une galea qui, loin d’être identique au casque figuré sur la scène (S44), rappelle la calotte traditionnelle du secutor. En effet, le rond assombri qui semble représenter un œil peut très bien évoquer l’ouverture oculaire du casque. On fera la même constatation concernant la crête qui n’est pas complètement solidaire de la calotte, mais qui reste néanmoins bien discernable. Les autres attributs renvoient parfaitement à la panoplie du secutor (scutum rectangulaire, manica, subligaculum et gladius), malgré l’inversion de l’ocrea qui couvre la jambe droite au lieu de la jambe gauche. De toute évidence, ce gladiateur appartient au groupe des scutati auquel se rattache le secutor mais, malgré tout, son armement reste proche de celui du murmillo. Sa galea, de surcroît, n’est malheureusement pas assez caractéristique pour que nous puissions placer cet individu dans la catégorie des secutores. En outre, aucune scène ne montre ce combattant luttant contre un retiarius. Pour cette raison, ce pourrait être un poinçon de murmillo employé pour constituer un appariement avec le thraex ou l’oplomachus.

  • 120 Mais I. Huld-Zetsche qui a décrit puis identifié ce modèle (M108 selon la classification de l’aute (...)

86Mais, des gladiateurs proches du modèle P119, issu du second atelier de Trèves, utilisent une panoplie comparable à la sienne et luttent surtout contre le retiarius à une époque où le couple murmillo/retiarius n’existe plus depuis longtemps. Il s’agit des poinçons P120, P121, P122, P123, qui s’opposent au gladiateur au trident sur les scènes S73, S74, S75, et S76 et qui, pour cette raison, peuvent être considérés comme de véritables secutores. De plus, deux de ces protagonistes (P120 et P122) protègent la totalité de leur visage avec un casque enveloppant qui évoque indiscutablement la galea du secutor. Mais, à l’image du modèle du premier atelier de Trèves (P119), l’ocrea de ces gladiateurs est inversée et la crête qui surmonte leur casque n’est pas très distincte. Et comme s’il fallait compliquer un peu plus l’analyse, le modèle P123 du second atelier trévire semble très proche du modèle P119 : l’ornementation de ses éléments défensifs décorés d’ocelles (galea, scutum et ocrea) est similaire à ceux de son congénère du 1er atelier de Trèves affublé d’un casque surmonté d’une sorte de cimier pisciforme120 !

87Cette étude des adversaires du retiarius ne laisse pas de poser des problèmes, même si les modèles de Trèves fournissent assurément l’image d’un seul et même gladiateur : le secutor. Quant à l’ocrea inversée, il doit simplement s’agir d’un choix de représentation et moins d’une méprise, car la logique défensive dans cette inversion est toujours respectée : scutum et ocrea sont situés du même côté, à droite, même si habituellement ces éléments défensifs protègent plutôt le flanc gauche. Une autre scène issue de l’atelier des Allieux (S72), sur laquelle un secutor très proche du modèle P119 s’oppose à un retiarius, renseigne d’ailleurs sur le bon agencement de ces attributs. La majorité des modèles de secutores que nous possédons sur la céramique sigillée provient de Trèves et date approximativement de la seconde moitié du IIe siècle apr. J.-C. Ces représentations donnent l’image d’un gladiateur qui, loin d’être considéré comme un murmillo, partage malgré tout, plusieurs points communs avec lui. Mais l’étude plus approfondie de la galea, grâce à la comparaison des modèles du premier et du second atelier, ainsi que l’importance des scènes d’affrontement avec le retiarius, sont deux éléments majeurs qui contribuent indiscutablement à désigner ces scutati comme des gladiateurs appartenant à la catégorie des secutores.

  • 121 Découvert à Cailly en 1858, conservé au musée départemental des Antiquités de Rouen, no inv. CA 76 (...)

88Néanmoins, et c’est une constatation assez intéressante, la galea du secutor ne semble jamais convenablement figurée sur le support céramique au IIe siècle apr. J.-C., en tout cas lorsqu’elle protège la tête du gladiateur (le casque peut parfois servir de simple décor). Il va sans dire que cette lacune ne résulte pas d’une impossibilité technique, car l’iconographie d’un vase sigillé de forme globulaire daté du IIIe siècle apr. J.-C., fabriqué à Lezoux121, montre très distinctement un secutor muni d’un casque enveloppant à ouvertures oculaires surmonté d’une crête. Au IIe siècle apr. J.-C., les potiers, et plus particulièrement les potiers trévires d’où sont issus la majorité de nos modèles, connaissent parfaitement l’existence du couple retiarius/secutor. Ils décorent tout naturellement leurs vases avec l’image de cette nouvelle opposition. De cette façon, la galea du secutor qui, dans ces ateliers, ne possède pas encore sa forme si particulière, peut s’expliquer et ne doit pas nous induire en erreur.

89En effet, un casque représenté seul sur une scène issue de l’atelier des Allieux (S44), daté approximativement de 135-200 apr. J.-C., adopte la forme caractéristique que nous connaissons bien et qui est sans doute la plus répandue. Ainsi, s’il est permis de considérer les poinçons P121 et P123 du second atelier de Trèves comme des ratés, les modèles P120 et P122 figurent peut-être des secutores qui possèdent une galea plus rare, qui reste toutefois très proche du casque des Allieux. En tout cas, la forme de la calotte qui ceint la tête de ces combattants, et c’est là l’élément essentiel, n’a rien de comparable avec la forme du casque du murmillo, puisqu’elle couvre la totalité du visage.

90• Une panoplie efficace, qui perdure contre le retiarius ? Sur la céramique sigillée au IIe siècle de notre ère, si la valeur informative de l’iconographie du secutor devient plus complexe pour des raisons inhérentes à la reproduction de la galea, ce support reste toutefois utilisable et tout à fait important pour saisir les modifications apportées à la panoplie de cette catégorie.

  • 122 D. Mouchot, Les Lampes antiques en terre cuite du Musée de Vienne, catalogue, mémoire pour le dipl (...)
  • 123 K. Goethert, Römische Lampen und Leuchter, Auswahlkatalog des Rheinischen Landesmuseums Trier, Trè (...)
  • 124 Un problème d’identification résulte de la mosaïque de Metz. Sur le panneau 2, le gladiateur qui a (...)

91D’ailleurs, les informations fournies par la céramique sigillée s’étoffent grâce à l’apport archéologique considérable de deux lampes-casque de secutores datées du IIe siècle apr. J.-C. : l’une provenant de Vienne122 (L76a), l’autre de Trèves123 (L18). Cette seconde lampe qui figure une galea de secutor tout à fait emblématique, permet de reconsidérer ces ratés qui caractérisent le second atelier de céramique sigillée de Trèves, ainsi que ces deux autres casques à la forme plus rare (?) que nous avons mentionnés. D’autre part, nous possédons pour le Ier siècle apr. J.-C., une lampe en terre cuite de Vindonissa (L36) très instructive, sur laquelle s’affrontent un retiarius et un secutor. Enfin pour le IIIe siècle apr. J.-C., ce ne sont pas moins de huit124 secutores qui décorent plusieurs pavements mis au jour en Gaule qui peuvent être utilisés. Leur image, ajoutée aux autres modèles que nous avons répertoriés, apporte de précieux enseignements sur l’évolution de la panoplie de ce combattant.

92La galea, stagnation ou évolution ?

  • 125 Toutefois, si l’on se réfère à l’étude très détaillée de D. Battaglia sur les différentes formes d (...)

93Ce serait une erreur de croire qu’au moment de sa création, vers le milieu du Ier siècle apr. J.-C., le secutor possède un casque sans crête. Son originalité résulte de cette innovation technique majeure, qui est censée lui donner un avantage sur le murmillo125. D’ailleurs, nous l’avons déjà signalé, une galea de secutor retrouvée dans la caserne des gladiateurs de Pompéi donne l’image sans équivoque d’une protection enveloppante surmontée d’une petite crête. Une sorte de spina centrale partage la visière en deux parties, chacune étant renforcée par une plaque de fer rivetée, percée d’une ouverture oculaire. Enfin, un rebord termine la base du casque.

94Si la protection du visage est maximale, la perception est amoindrie. En outre, la diffusion de ce modèle de casque n’exclut pas l’usage d’autres formes. Au Ier siècle apr. J.-C., sur nos céramiques, l’iconographie du secutor est rare : la sigillée offre des exemples pour l’extrême fin de la période, alors que sur lampe, un seul médaillon permet de découvrir un affrontement entre un retiarius et un secutor. C’est d’ailleurs cette image bien isolée qui, pour le Ier siècle apr. J.-C., permet de saisir l’aspect général de la panoplie du secutor.

95En effet, la galea est relativement bien figurée et adopte une forme très proche de celle du casque de Pompéi. On devine également la petite crête typique sur le sommet de la calotte, un petit rond incrusté sur une plaque (?) qui évoque sans doute l’ouverture oculaire gauche, ainsi que le rebord de protection de la nuque, qui entoure la base du casque. Il semble bien que ce type de casque perdure sur nos supports au IIe siècle de notre ère. La lampe-casque de Trèves permet de retrouver l’ensemble de ces éléments qui caractérisent le médaillon de Vindonissa, même si la crête paraît plus élevée. Nous avons montré que cette élévation n’était pas liée à une modification technique, mais qu’elle résultait sans doute d’une adaptation usuelle. La seconde lampe que nous possédons, celle de Vienne, est à quelques détails près identique à celle de Trèves. Un trou plus petit encore perce la crête, la calotte semble plus bombée, et les ouvertures oculaires paraissent plus petites, mais il est réellement difficile de saisir des différences fondamentales entre ces deux casques. Ces deux objets ayant avant tout pour vocation d’éclairer, la forme des éléments qui les constituent doit faciliter leur utilisation et leur maniement.

  • 126 Ces casques sont d’ailleurs pratiquement similaires à cette galea à visière amovible qui ceint la (...)

96Ainsi, la fonction artistique et la fonction informative de ces lampes sont secondaires. Mais cela ne veut pas dire qu’elles sont inutilisables pour notre étude, ou qu’elles donnent une fausse image de la réalité. Quoi qu’il en soit, on retrouve bien, grâce à ces deux lampes datées du IIe siècle apr. J.-C., les particularités du casque du secutor : la crête et les ouvertures oculaires, dont les caractéristiques restent très proches des modèles du Ier siècle apr. J.-C126. D’ailleurs, il semble bien que ce modèle de casque continue à être employé jusqu’à la fin du IIe siècle apr. J.-C. et durant une bonne partie du IIIe siècle apr. J.-C., comme en témoigne l’iconographie du secutor sur les mosaïques que nous avons répertoriées. Toutefois, l’une d’entre elle donne peut-être une indication très précieuse sur l’existence d’un autre type de casque de secutor employé au IIe siècle apr. J.-C.

97La mosaïque de Flacé-lès-Mâcon, datée approximativement de l’extrême fin du Ier siècle apr. J.-C.-début du IIe siècle apr. J.-C., fournit l’image d’un gladiateur au ludus s’entraînant au palus, ce pieu de bois fiché en terre qui évoque la quintaine. Équipé avec la panoplie du scutatus, il porte le scutum et l’ocrea du côté gauche, la manica et le gladius au bras droit, et surtout une galea enveloppante surmontée d’une crête, dont la visière n’est plus percée par deux ouvertures oculaires, mais par de nombreux trous. À notre connaissance, il existe au moins deux autres catégories de gladiateurs qui utilisent un casque identique : le thraex et le murmillo, lorsque sa panoplie évolue au cours du IIe siècle apr. J.-C. S’il s’agissait d’un thraex, l’arme maintenue dans la main droite par ce combattant serait plutôt une sica, une dague recourbée ; s’il était question d’un murmillo, la forme du casque serait toute différente, constituée à notre avis d’un rebord beaucoup plus développé et d’un cimier plus massif et rectangulaire. Or, une scène de Lezoux (S88) datée approximativement de 117-138 apr. J.-C. dévoile une opposition commune au IIe siècle apr. J.-C., entre un thraex et un murmillo. Ce dernier utilise un casque pratiquement similaire à celui du gladiateur de la mosaïque de Flacé-lès-Mâcon que nous venons de définir comme secutor !

98On peut toutefois supposer une erreur dans la réunion des poinçons de Lezoux. Le thraex en effet fond sur son adversaire, la tête tournée vers la droite, sans s’apercevoir de sa présence. Une seconde scène, issue de l’atelier de Blickweiler (S105) montre ce même murmillo affronté à un thraex bien campé sur ses jambes. Cette fois, l’hypothèse de l’erreur s’amenuise, mais le casque du murmillo est légèrement différent de celui qui apparaît à Lezoux et ne semble plus orné d’une visière percée de trous. Ces deux exemples montrent bien que la moindre modification du casque du secutor peut engendrer un problème d’identification : l’ombre du murmillo n’est jamais très loin.

99Ils témoignent enfin de la difficulté à utiliser parfois le support céramique, surtout lorsque les images étudiées sont des dessins et non les modèles originaux ou des photographies de ces modèles. Concernant un attribut aussi important que le casque dans la découverte d’une catégorie, et lorsqu’il convient de savoir si une visière est percée ou non des trous, force est de reconnaître les limites d’une telle analyse.

100Dans l’opposition secutor/retiarius, on peut se demander quel est l’apport positif d’une grille parsemée de trous ? Deux avantages résultent de cet usage :

  • Une meilleure ventilation va apporter plus d’oxygène au secutor qui pourra lutter plus longtemps.
  • Une meilleure vision du terrain et des gestes de son adversaire facilitera sa compréhension du combat127.

101Mais le diamètre de ces ouvertures doit rester inférieur au diamètre des pointes du trident, sans quoi ce type de casque n’aurait plus d’utilité défensive. Cette innovation technique, si elle a bien eu lieu, reste isolée sur nos supports. Tout au long du IIIe siècle apr. J.-C., c’est l’image du casque caractéristique à ouvertures oculaires que l’on retrouve, alors que la galea à visière parsemée de trous semble avoir disparu. À Nennig, au dernier quart du IIe siècle apr. J.-C, un retiarius affronte un secutor (4). Celui-ci est représenté de dos, et toute la partie avant de son casque n’est pas visible. Néanmoins, on aperçoit la petite crête caractéristique qui lui permet de se défaire du rets et, malgré l’absence d’ouvertures oculaires, la forme de cette crête et de la calotte enveloppante ne ressemble pas du tout au casque porté par le gladiateur de Flacé-lès-Mâcon. Cette calotte évoque plutôt la galea traditionnelle mise au jour à Pompéi.

102Sur le pavement de Reims, un peu plus tardif que celui de Nennig, deux secutores (21-27) utilisent une calotte percée d’ouvertures oculaires. De même, un trophée (26) au pied duquel repose un troisième casque de poursuivant, est lui aussi muni d’ouvertures. Par contre, si la crête du premier combattant et celle du casque posé sur le sol apparaissent très distinctement, le second gladiateur n’en semble pas muni : sa calotte arrondie s’allonge simplement vers l’arrière. Notons que les crêtes figurées donnent l’impression d’être plus élevées. Elles rappellent étrangement les formes qui surmontaient les lampes-casque.

103Enfin, si la conception du casque du premier gladiateur en armes (21) conserve cette forme arrondie caractéristique du Ier siècle apr. J.-C., la calotte située près du trophée est quelque peu différente, puisqu’elle ressemble davantage au heaume à ventail des hommes d’armes du Moyen Âge.

104Ces indications correspondent-elles à une évolution de la forme du casque traditionnel du secutor au début du IIIe siècle apr. J.-C., ou s’agit-il d’un simple problème de reproduction de la galea ?

  • 128 Le second secutor utilise un casque dont la crête possède également cette particularité.
  • 129 Au Moyen Âge, le développement exagéré de certain heaume à ventail – qui donne cette apparence de (...)

105Il est peu probable que les pauimentarii qui ont travaillé sur ce pavement ne se soient pas concertés pour réaliser ces attributs. Ces trois calottes représentées, qui possèdent chacune une particularité, témoignent sans doute de la diversité des galeae à cette époque. Ou plutôt, elles renseignent sur les évolutions subies par cette galea originelle à ouvertures oculaires et à petite crête que l’on cherche à perfectionner. La crête plus élevée du premier secutor permet peut-être de mieux évacuer le filet du retiarius128 ; la visière à ouvertures oculaires plus pointue du casque situé près du trophée a peut-être pour vocation de mieux supporter les frappes répétées du trident129 ; le dernier casque enfin, qui ne semble plus posséder de crête, et dont la calotte s’allonge vers l’arrière, donnant à cette galea une apparence ovoïdale, sert peut-être également à favoriser le dégagement de la tête, lorsque le filet atteint sa cible.

  • 130 Loriquet 1862.
  • 131 Voir l’article de D.-J. Smith sur la datation des mosaïques anglaises (CMGR II 1975, p. 269-290).

106Toutefois, cette dernière représentation du casque laisse songeur. Ce pourrait-il que la ligne noire de tesselles délimitant la calotte de la crête ne soit plus distinctement figurée ? Si l’on s’attarde sur le dessin d’origine réalisé par M.-E. Deperthes130, on s’aperçoit que la partie supérieure du panneau, dans lequel se trouve ce secutor a subi justement une détérioration au niveau du casque. Cet indice pousse à voir dans cette absence de crête une simple disparition causée par une dégradation. La forme ovoïde adoptée par cette calotte atypique serait alors accidentelle. Pourtant, une mosaïque du tout début du IIe siècle apr. J.-C.131, mise au jour dans la uilla d’Eccles (Kent, Angleterre) en 1964, montre un gladiateur qui possède exactement le même type de casque. Son équipement est en tout point identique à celui du secutor de Reims, bien que son adversaire ne soit pas un retiarius mais un secutor muni d’un casque à ouvertures oculaires surmonté d’une crête. Cette modification du casque peut se comprendre, si l’on cherche à différencier deux secutores luttant entre eux. Mais à Reims, la présence d’un retiarius auprès du secutor protégé par ce casque à forme ovoïde pousse à voir une possible évolution technique de la galea.

107Comme pour le casque à visière percée de trous, cette galea ovoïde n’apparaît plus sur d’autres mosaïques répertoriées dans notre corpus. Et sur les pavements de Metz, de Bad Kreuznach et d’Augst, datés approximativement de la première moitié du IIIe siècle apr. J.-C., c’est une nouvelle fois le casque traditionnel à ouvertures oculaires qui est privilégié : il alterne petite crête (Bad Kreuznach, 3) et crête plus ou moins haute (Metz, 4 et Augst, 3).

108Cette étude de la galea du secutor (Ier siècle apr. J.-C.-milieu du IIIe siècle apr. J.-C) semble donner l’image d’un casque qui n’a pas vraiment évolué, même si la crête a peut-être tendance à légèrement augmenter au cours du IIe siècle, comme la visière qui s’allonge sans doute pour mieux protéger le visage à l’image du modèle de Reims.

109Malgré tout, dans sa forme traditionnelle avec crête et ouvertures oculaires, une certaine stagnation technique est à noter. Pourtant, si cette forme caractéristique est la plus répandue, il semblerait qu’au moins deux autres formes aient pu être créées :

  • La première consiste à remplacer la visière à ouvertures oculaires par une visière parsemée de trous, qui facilite l’oxygénation et la vision. La crête semble plus et peut-être plus offensive132.
  • La seconde a pour but de supprimer la crête pour obtenir une forme de casque ovoïde favorisant éventuellement le dégagement de la tête lors de l’attaque au filet.

110Ces deux innovations, rarement représentées sur nos supports, trouvent pourtant écho dans l’iconographie de la mosaïque Borghèse datée du IVe siècle apr. J.-C. Dernière mise en scène magistrale de la gladiature, il s’agit d’un pavement sur lequel se heurtent plus d’une dizaine de paires de gladiateurs exclusivement constituées de secutores et de retiarii. Ici, les galeae de secutores sont d’une grande diversité : l’une est surmontée d’une haute crête pointue et complétée par une visière bombée parsemée de multiples trous qui se termine en vaste gorgerin ; l’autre, celle du secutor Astiuus, possède une crête beaucoup plus petite et une visière à trous plus espacés, tandis qu’une troisième, celle de Mazicinus ne semble pas vraiment munie d’une crête et bénéficie d’une visière pleine. Enfin, l’on rencontre toujours le casque traditionnel à ouvertures oculaires, sans doute le plus emblématique de cette armatura.

111Cet exemple tout à fait exceptionnel prouve qu’il ne faut peut-être pas seulement aborder l’étude du casque du secutor en termes de stagnation et d’évolution, mais qu’il faut plutôt s’interroger sur l’importante diversité de galeae utilisées à toutes les époques.

112Le scutum, un attribut inchangé ?

113Il est bien difficile d’accorder du crédit au petit bouclier maintenu par ce secutor de Lezoux (P118) qui évoque plutôt une parma de thraex. En effet, la lampe 36 de Vindonissa donne déjà – pour le Ier siècle apr. J.-C. – l’image du scutum rectangulaire qui joue le rôle d’un véritable mur de protection face au trident du retiarius. Pour cette raison, il serait suicidaire de faire combattre l’adversaire du retiarius avec un petit bouclier. Le murmillo lui-même possède un bouclier long qui permet une bonne couverture du corps.

114Ainsi, sur sigillée, ce sont surtout les ateliers trévires qui renseignent le mieux sur le bouclier utilisé par le secutor au début du IIe siècle de notre ère. Qu’il s’agisse du modèle P119 du 1er atelier où des poinçons P120 et P123 du second atelier, le scutum adopte toujours la même forme, rectangulaire, avec un umbo central, excepté sur le dernier modèle où l’umbo est absent. Quelquefois, des décorations ou des protections (?) semblent renforcer le bouclier. À la même époque approximativement, la mosaïque de Flacé-lès-Mâcon – sur laquelle apparaît le secutor au casque atypique – permet de découvrir un scutum très proche de celui utilisé par le gladiateur P123. Mais à l’inverse du modèle trévire, on devine mieux la courbe formée par la bordure supérieure du bouclier. Ici, cette arme est incurvée de manière à assurer une protection optimale au corps du gladiateur. C’est ce qui apparaît sur l’ensemble des mosaïques de la fin du IIe siècle apr. J.-C. et de la première moitié du IIIe siècle apr. J.-C. À Nennig par exemple, la forme rectangulaire du bouclier est bien visible, mais la courbe formée par la bordure supérieure est, elle aussi, bien marquée. Elle enveloppe parfaitement le corps du combattant. On retrouve une forme tout à fait identique à Reims, au pied du trophée sur lequel repose un bouclier de secutor (26). À Bad Kreuznach (3), le scutum placé sur le flanc droit du gladiateur permet de mieux saisir l’importance de la courbure supérieure que l’on retrouve naturellement à la base de l’arme sur l’ensemble des modèles cités.

115Cependant, sur les deux panneaux de la mosaïque d’Augst (3 et 5) qui montrent un secutor en action face à un retiarius, il semble que les scuta employés soient quelque peu différents : si la partie supérieure est courbe et rectangulaire à l’image des autres modèles, la base semble plutôt ovale.

116C’est le premier changement structurel que nous percevons sur nos matériaux. Néanmoins, il est difficile de dire à quoi peut servir cette modification morphologique qui, à notre avis, ne contribue pas à favoriser le blocage du trident. S’agit-il d’une volonté de mieux répartir le poids de l’arme, de donner au bouclier une forme mieux adaptée à la percussion frontale ?

  • 133 Par contre, la bordure supérieure ovale est assez répandue dans l’iconographie du bouclier entre l (...)

117C’est une éventualité, et ce changement de forme – malgré sa rareté – s’explique sans doute par des raisons techniques133. Le scutum rectangulaire traditionnel, muni très souvent d’un umbo de renfort, reste donc l’arme privilégiée face au retiarius. Elle semble en tout cas mieux indiquée face aux coups répétés du trident qui fragilise l’ensemble de la structure du bouclier.

118L’ocrea

  • 134 Ce système de fixation avec gouttière matelassée, puis ocrea maintenue par des courroies, apparaît (...)

119Après la galea et le scutum, c’est l’ocrea qui complète naturellement la panoplie du secutor. C’est la troisième pièce défensive caractéristique qui permet une couverture totale du flanc gauche du gladiateur. Elle est visible sur la céramique sigillée, dans les ateliers trévires et sur l’ensemble des mosaïques répertoriées (excepté Metz, où toute la partie inférieure du panneau sur lequel figure le secutor est détruite). Les modèles P119, P120, P121, P122 et P123 montrent une vaste ocrea qui semble très solide, solidaire d’une caliga (?), et qui protège bien le tibia. On retrouve cet ensemble ocrea/ caliga sur la mosaïque de Flacé-lès-Mâcon sur le tibia du secutor qui s’entraîne au palus. Sa position genou gauche légèrement plié et garde basse donne un bon aperçu de la ligne de protection continue qui descend depuis la tête jusqu’au pied. Équipé de la sorte, le flanc gauche du secutor est impénétrable et ne craint aucune blessure. À Nennig (4), la protection est toujours aussi imposante, mais on remarque en plus le système de fixation d’un autre élément qui renforce l’ensemble. Une première jambière matelassée de couleur blanche couvre le bas de la jambe, le talon et le dessus du pied, tandis qu’une petite ocrea fonçée, fixée par des courroies bien visibles, est placée sur le tibia. En analysant ce renfort particulier, il est difficile de dire si les secutores de Trèves utilisaient une véritable ocrea ou si leur vaste jambière n’était qu’une sorte de gouttière rembourrée. À Reims, quelques années plus tard vers le début du IIIe siècle de notre ère, il semble que le système de Nennig se modifie quelque peu. Le premier secutor (21) au casque à crête porte une ocrea fixée de la même manière que sur ce pavement, mais les courroies en revanche semblent plus nombreuses. Disposées parallèlement, elles ne paraissent pas entourer directement la jambe, mais il est difficile d’en être vraiment certain. L’autre secutor au casque ovoïde (27) utilise exactement le même système de fixation que l’on retrouve peu après à Bad Kreuznach (3). Cette fois, c’est encore cette gouttière matelassée qui est figurée. Elle est entourée par des courroies qui maintiennent peut-être une ocrea si l’on considère la position du secutor placé de trois-quarts134. À Augst enfin (3-5) ce système semble être abandonné, et l’on retrouve une ocrea imposante en métal qui rappelle l’attribut employé par le secutor de Flacé : posé simplement sur la jambe aucun support n’est prévu pour la recevoir.

120S’il est plus délicat de cerner les évolutions subies par l’ocrea, celle-ci semble assurer une bonne protection de la partie basse de la jambe. C’est surtout visible sur nos supports à la fin du IIe siècle apr. J.-C. et au début du IIIe siècle, lorsque le tibia est doublement protégé par une gouttière matelassée sur laquelle repose une ocrea fixée par de solides courroies.

121La manica et le gladius

  • 135 Conservée au Musée romain d’Avenches, cf. C. Bron, Bulletin Pro Aventico 29, 1985, 34.

122Si le flanc gauche est très bien protégé comme nous venons de le voir, le bras droit quant à lui porte une manica, alors que la main du gladiateur serre le gladius. Il semble que, comme pour l’ocrea, il existe différents types de manicae. Dans le 1er atelier de Trèves déjà (P119), la manica semble constituée d’une succession de segments. Mais l’on retrouve cette manica segmentata articulée à Flacé-lès-Mâcon, à Nennig (4), à Reims (21), ainsi qu’à Augst (3). Mais les pavements de Bad Kreuznach (3) et de Metz (4) donnent une vision différente de cette manica qui semble bien éloignée du brassard à segments articulés : à Metz, le secutor utilise une sorte de gouttière maintenue par des courroies. Ces courroies sont également visibles à Bad Kreuznach. Quoique rare, ce type de manica est aussi employé par un secutor figuré sur un manche de couteau retrouvé à Avenches135, daté du IIIe siècle apr. J.-C. Il n’est pas du tout certain qu’une telle protection simplement fixée sur le bras à l’aide de courroies soit meilleure que la manica segmentata. Cette dernière, constituée de métal ou de cuir, couvre la moindre parcelle de peau et confère au bras une parfaite maniabilité.

123Si ce sont exclusivement ces deux types de manicae qui illustrent nos catalogues, un troisième modèle est utilisé au IVe siècle apr. J.-C. par le secutor. Cette fois, le choix de remplacer la manica segmentata, mais surtout le brassard maintenu par des courroies par une manica composée d’écailles, est tout à fait compréhensible. Cette manica squamata apparaît à plusieurs reprises sur la mosaïque Borghèse, au bras du secutor Astiuus notamment. Cette amélioration des protections sur ce pavement, aussi bien chez le secutor que chez le retiarius, correspond à l’orientation beaucoup plus meurtrière que prend la gladiature à partir du IVe siècle apr. J.-C.

124Concernant enfin le gladius, il convient peut-être de reconsidérer la taille de la lame de cette arme. Celle-ci ne semble pas soumise à une évolution exponentielle plus on avance dans le temps, bien au contraire puisque, dans les ateliers trévires, elle est à la fois très longue (P121) et très courte (P120) à une même époque. À Flacé-lès-Mâcon, sa taille reste importante, mais le lieu – un ludus – dans lequel s’entraîne le gladiateur explique peut-être cette originalité. Des lames légèrement plus petites sont brandies par les combattants de Reims (21-27) et d’Augst (3-5). Elles sont néanmoins deux fois plus longues que celle maintenue par l’un des secutores figuré sur la mosaïque Borghèse au IVe siècle.

125L’étude détaillée de la panoplie du secutor montre que ce gladiateur utilise un armement défensif très développé, dont le casque constitue la clef de voûte. Celui-ci d’ailleurs, par la forme qu’il adopte (ouvertures oculaires et crête ou visière parsemée de trous), va notablement modifier l’allure de ce combattant, sans que les autres attributs ne changent. Mais il est primordial de parler de modification de la galea plutôt que d’évolution, car les deux formes coexistent au moins à partir du IIe siècle apr. J.-C. et jusqu’au IVe siècle de notre ère. Ce choix de changer de casque résulte sans doute du type de lutte que le secutor souhaite entreprendre contre le retiarius : plus de contact et moins de poursuite ou l’inverse.

126Quant aux autres éléments défensifs, ils ne subissent pas non plus de réelles évolutions, excepté peut-être le scutum dont la forme peut varier afin de faciliter la percussion (?).

127Les innovations que semblent apporter ces modifications restent néanmoins occasionnelles ou localisées, puisque les nouvelles formes de scuta sont très rares dans l’iconographie. Ainsi, si l’évolution du secutor reste limitée ou plutôt « contrôlée », celle du contra-retiarius s’accélère, puisque d’un murmillo combattant à visage découvert, sans ocrea et sans manica au Ier siècle apr. J.-C., nous passons au secutor – combattant lourdement équipé et bien protégé – pour aboutir au scissor. Étymologiquement, c’est « celui qui découpe », un véritable « homo ferra », sans aucun doute l’adversaire le plus dangereux pour le retiarius.

Le scissor : un combattant d’excellence ?

  • 136 CIL, IX, 466.
  • 137 Cette région correspond aux Pouilles actuelles situées à moins de trois cents kilomètres de Split (...)
  • 138 À ce sujet, M. Junkelmann fait un parallèle intéressant entre le gladiateur scissor et l’« écuyer (...)

128La mention de ce gladiateur n’est jamais accompagnée d’une description de ses armes. D’ailleurs, si les sources littéraires sont muettes concernant ce protagoniste de l’arène, les inscriptions relatives à cette armatura sont, elles aussi, extrêmement rares. Celle de Vesona136 en Apulie137, par exemple, établit la liste d’une dizaine de gladiateurs et cite le scissor avec l’oplomachus, le murmillo, le samnes, le gallus, l’eques, le thraex, le retiarius, etc. Il s’agit du débutant C (aius) Clodius II/Scisso (r) appartenant au lanista C (aius) Saluius Capito, mais ce sont les seules indications concernant ce combattant. Seul son nom apporte donc une information importante sur sa spécialité, puisqu’il signifie « celui qui découpe138 » ou « celui qui tranche ».

  • 139 Robert 1940, no 46, p. 106, et pl. XIII ; no 299, p. 235-236 et pl. XIV.
  • 140 Junkelmann conclu sur ce combattant en ces termes : « Der scissor ist mit einem Ausrüstungsgewicht (...)
  • 141 Nous connaissons environ cinq représentations : la lutte d’un scissor et d’un retiarius sur un rel (...)

129Si l’on se fonde sur cette définition, il faut que ce gladiateur se munisse d’un attribut caractéristique susceptible de déchirer ou de lacérer. Pour cette raison, le rapprochement établi entre la catégorie décrite par L. Robert139 et le scissor semble tout à fait pertinent. L’auteur décrit une armatura suréquipée140 bénéficiant d’une galea à ouvertures oculaires semblable à celle du secutor, d’une lorica hamata ou cotte de maille qui descend jusqu’à mi-cuisses, d’une manica à chaque bras, de deux ocreae, d’un pugio et surtout d’un manchon conique qui se termine par une demi-lune. Si les représentations que nous possédons de ce gladiateur sont très peu nombreuses141, l’une d’entre elles permet heureusement de découvrir son adversaire, le retiarius, sur un relief trouvé à Tomis près de Bucarest. De cette façon, le manchon dont parle L. Robert pourrait très bien être l’arme emblématique du scissor, un attribut original qui lui permettrait facilement de déchirer, ou plutôt de découper le rete de son ennemi. Une fois ce gladiateur identifié, nous pourrions nous attendre à le retrouver sur l’un de nos supports. Pourtant, la mosaïque et les lampes ne laissent échapper aucun indice qui permettrait de le reconnaître. Quant à la céramique sigillée, elle offre seulement trois pistes d’identification, si l’on s’attarde sur deux poinçons, l’un issu de l’atelier de Lezoux (P146), l’autre du second atelier de Trèves (P147) et sur une scène du premier atelier trévire (S77).

130• Le gladiateur de Lezoux aux manicae et aux ocreae. Ce combattant est sans doute celui qui évoque le mieux le scissor, malgré l’absence de manchon conique caractéristique. En effet, il porte un casque enveloppant à ouvertures oculaires qui semble surmonté d’une crête (?), ses bras sont protégés chacun par une manica, et il utilise également deux ocreae. Il tient encore un gladius dans sa main droite, et son vêtement ressemble à une tunique qui rappelle la cotte de maille. Même si, sur les représentations que nous connaissons du scissor, la manica placée sur le bras gauche semble solidaire du manchon conique, nous pouvons nous demander si cet attribut à demi-lune ne s’emboîte pas sur un brassard métallique recouvrant la totalité du bras (?). De cette manière, la manica du gladiateur de Lezoux pourrait s’envisager. En tout cas, l’usage des deux jambières est extrêmement rare dans la gladiature, et seules trois catégories peuvent les utiliser : le thraex, l’oplomachus et le scissor. Ainsi, par déduction, les armes dont se couvre ce gladiateur rappellent davantage les éléments de la panoplie d’un scissor qui aurait perdu ou abandonné son manchon conique au cours de la lutte, comme c’est le cas d’ailleurs sur le relief de Tomis sur lequel le contra-retiarius bloque le trident de son adversaire à main nue.

131• Le gladiateur de Trèves au manchon ? Ce combattant est figuré deux fois : seul et opposé à un retiarius. Le modèle P147 permet de découvrir un gladiateur armé d’un gladius qu’il serre dans sa main droite. Il porte encore deux ocreae, une manica au bras droit, une tunique (?), une galea très étrange, mal appropriée pour la lutte contre le retiarius nous semble-t-il, ainsi qu’un bouclier au bras gauche ! Malgré cet accoutrement atypique, cet individu possède quelques similitudes avec le scissor puisque, comme lui il privilégie deux jambières, une sorte de tunique renforcée et tient son gladius dans la main droite. De plus, comme nous l’avons précisé, il s’oppose au retiarius sur une scène du premier atelier de Trèves (S77), dont la période de production se situe autour de 130-150 apr. J.-C. Ce combattant affronté au gladiateur au trident est donc antérieur au poinçon du second atelier. Son armement est d’ailleurs quelque peu différent, puisqu’il utilise une seule ocrea, et surtout une arme très étrange au bras droit. Celle-ci semble solidaire de la manica et se prolonge jusqu’à l’extrémité du poing qu’elle englobe. Elle rappelle par sa longueur et surtout par sa forme le manchon du scissor. S’agit-il pour cette raison de cette armatura figurée avec des éléments de la panoplie en pleine mutation ? C’est peu probable, car la galea reste bien trop atypique pour qu’il soit question de cette catégorie. Néanmoins, il s’agit bien d’un contra-retiarius, certes mal représenté ou mal recopié, qui a servi de modèle pour la réalisation de cette scène. De ces deux exemples, c’est bien sûr le gladiateur de Lezoux qui s’apparente le plus au scissor, mais le combattant de Trèves luttant contre un retiarius par son équipement étonnant évoque sans aucun doute un autre type de contra-retiarius qui s’éloigne notablement du murmillo et du secutor.

132Pour conclure et malgré ces trois exemples, nous pouvons dire que l’étude du scissor par le biais de la céramique sigillée semble impossible. D’une manière générale, cette catégorie est extrêmement rare dans l’iconographie des jeux de l’amphithéâtre en Gaule. Mais nous pourrions étendre cette affirmation à l’ensemble des provinces situées le plus à l’ouest de l’Empire car, à notre connaissance, les représentations assurées de scissores proviennent toutes des régions balkano-danubiennes : Tomis (Dacie), Split (Dalmatie), Beroia (Macédoine). Est-ce un indice qui pousserait à considérer le scissor comme un gladiateur caractéristique de la gladiature dite « orientale » ? Celle dernière connaît d’ailleurs un engouement sans précédent aux IIe-IIIe siècles apr. J.-C., au moment même où les combats de gladiateurs deviennent de plus en plus violents en Occident. De cette façon, s’il convient de parler de permanence de la catégorie du scissor dans ces provinces, peut-être qu’en Occident il n’apparaît que pour expérimenter un nouveau type d’affrontement contre le retiarius.

133Pour cette raison, l’opposition retiarius/scissor est-elle plus rare, proposée peut-être comme une lutte d’excellence entre un gladiateur au trident dont la panoplie n’évolue guère et un contra-retiarius ultra-perfectionné. Enfin, si cet appariement a pu se dérouler fréquemment à Rome, ce n’est sans doute pas le cas en Gaule, où le scissor est pratiquement inconnu.

Analyse des phases de combat entre le retiarius et ses adversaires

  • 142 Elles s’établissent de la même manière pour l’ensemble des autres appariements avec quelques nuanc (...)

134Comme nous venons de le montrer, une étude précise du scissor n’est pas réalisable sur sigillée. En effet, nous ne sommes pas du tout certains que la scène issue du 1er atelier de Trèves – sur laquelle un retiarius fuit devant son poursuivant – permette de découvrir ce combattant. Néanmoins, la position du corps du retiarius est révélatrice d’un moment précis du combat. En analysant minutieusement les oppositions murmillo/retiarius et surtout secutor/retiarius, nous pouvons mieux comprendre certaines phases de l’affrontement. Celles-ci peuvent être classées en cinq catégories : l’engagement, la poursuite du face-à-face, le repli, le corps à corps et l’issue du combat142.

L’engagement

  • 143 Il est plus difficile de reproduire un filet sur un médaillon de lampe.

135C’est le début du combat, le moment où les gladiateurs sont face-à-face prêts à s’affronter. Dans une lutte opposant le retiarius à ses adversaires, celui-ci devrait normalement figurer avec son rete face à son ennemi. Pourtant, sur l’ensemble de nos matériaux, cette première situation n’apparaît jamais. Cela est d’autant plus étrange que la représentation du filet ne résulte pas d’un problème technique sur la céramique sigillée comme sur la mosaïque143. Cette volonté de focaliser l’attention du public sur le moment qui suit la projection du filet résulte tout simplement d’un choix iconographique. Il est impensable d’opposer un retiarius sans filet à un murmillo ou à un secutor au début de la lutte. La majorité des scènes répertoriées privilégient donc l’image d’un retiarius qui maintient simplement son trident face à son adversaire. Il n’est donc pas question d’un engagement, mais de la poursuite du face-à-face, une fois que le filet projeté a manqué sa cible.

La poursuite du face-à-face

136Lorsque le rete est perdu, deux choix s’imposent au retiarius : combattre, ou fuir (S77), pour éventuellement tenter de récupérer le filet avec ses mains, et non pas avec la spira comme on l’a trop souvent écrit. Si la deuxième solution correspond à un abandon du face-à-face pour un certain laps de temps et à un repli du retiarius, la première solution caractérise la poursuite du combat à l’aide du pugio et surtout du trident. Il faut, pour continuer à lutter, que les appuis du retiarius soient solides, sinon ce gladiateur s’expose à la charge puissante de son adversaire. Certaines scènes montrent peut-être un combattant en mauvaise posture face à un opposant bien campé sur ses jambes. C’est le cas à Lezoux (S70) où le retiarius est en déséquilibre, la jambe gauche repliée comme s’il allait chuter. Son adversaire, un murmillo jambe gauche avancée, la garde basse, prend l’initiative et se prépare à asséner un coup ou à repousser avec son bouclier l’arme adverse. La différence de taille entre les deux individus contribue à établir la primauté technique du murmillo sur le retiarius, mal engagé dans le combat. Cette mauvaise posture du gladiateur au trident résulte peut-être d’un jugement tactique mal adapté : ayant manqué le murmillo avec le filet, il aurait dû privilégier la fuite pour affaiblir son vis-à-vis, avant de reprendre la lutte dans de meilleures conditions.

137À La Graufesenque (S62, S63, S64, S65, S66, S67) par contre, le retiarius est toujours en position offensive face au murmillo. Il prend l’initiative et son trident s’apprête à percuter la tête de son ennemi impassible, dont le gladius est presque toujours baissé. Aux Allieux (S72) et dans les ateliers trévires (S73, S74, S76), le retiarius est plus éloigné du secutor. Les deux combattants s’observent peut-être avant une nouvelle charge. En tout cas, sur la céramique sigillée, le contact des armes n’est jamais franc, comme si l’on cherchait à contenir la violence des coups. C’est différent sur la mosaïque de Nennig (4), où le trident du retiarius s’encastre dans le scutum du secutor. C’est peut-être une situation similaire qui est figurée sur le pavement de Bad Kreuznach (3) sur lequel les gladiateurs apparaissent de dos. Quoi qu’il en soit, la grande majorité de ces représentations de face-à-face privilégie le retiarius : ses gestes et le mouvement du trident, qui atteint sa cible sur mosaïque, établissent la primauté de ce gladiateur sur son adversaire. Néanmoins, certaines phases de combat sont différentes et illustrent la seconde solution, c’est-à-dire la fuite du retiarius qui subit la charge de son ennemi. Dans ce cas précis, la technique employée par le fuyard est particulièrement intéressante.

Le repli

138Lorsque le retiarius a projeté son rets et manqué sa cible ou au moment où il sent que son adversaire avance vers lui bien décidé à en découdre, il fuit. C’est une sorte de repli obligé mais maîtrisé, puisque dans cette phase de recul le retiarius entraîne dans sa retraite son poursuivant (secutor ou scissor lourdement équipé) qui, de cette façon, s’essouffle et se fatigue plus vite. La scène S77 du premier atelier de Trèves donne une bonne idée de ce repli.

  • 144 Car il pourrait s’agir aussi d’un oplomachus utilisant une technique similaire à celle du retiariu (...)
  • 145 Un fragment de bas-relief provenant de Rome daté du IIIe siècle apr. J.-C., conservé à New York au (...)

139En effet, le contra-retiarius avance en direction de son adversaire tandis que celui-ci, le corps tourné vers la droite, fixe la progression de son assaillant en gardant la tête dirigée vers la gauche. Le positionnement du trident placé vers l’arrière en direction du poursuivant indique qu’au moment de fuir le retiarius pourra suivre les mouvements de son ennemi, tout en frappant le scutum de celui-ci avec sa fuscina. La préparation qui précède ce repli est peut-être visible à Reims, où la partie supérieure du corps du retiarius est tournée vers la droite, c’est-à-dire vers le secutor qui avance dans sa direction, alors que sa jambe droite surtout indique qu’il va très bientôt changer de trajectoire. On retrouve peut-être144 une véritable situation de repli sur un panneau de la mosaïque de Metz, sur lequel le personnage les jambes tournées vers la droite semble frapper avec les pointes invisibles de son trident, un assaillant situé dans la partie gauche qui n’apparaît plus145. Ce repli maîtrisé permet au retiarius de se dégager de la charge de son adversaire et de se repositionner face à lui pour reprendre la lutte. Pourtant, le corps à corps est quelquefois inévitable.

Le corps à corps

  • 146 C’est peut-être une situation très proche qui est évoquée sur le manche en os d’un couteau daté du (...)

140Il intervient surtout lorsque la distance de sécurité établie entre le retiarius et son adversaire grâce à la longueur du trident est annulée pour cause de perte ou de destruction de l’arme. Le retiarius doit alors poursuivre la lutte au pugio ou abandonner le combat. La céramique sigillée privilégie toujours, semble-t-il, l’image du retiarius armé du trident. Comme si cet attribut, plus que le rete d’ailleurs, était le symbole puissant de ce gladiateur et que les moments les plus difficiles de la lutte étaient exclus de l’iconographie. Le corps à corps correspond donc au moment qui précède l’issue tragique ou heureuse du combat. Une scène figurée sur la mosaïque d’Augst fournit des indications claires sur ce contact. En effet, elle permet d’illustrer cette nouvelle phase de combat dans laquelle le retiarius avance vers son adversaire qu’il frappe au cou (5)146. L’écartement des jambes du retiarius – qui a perdu son trident qui repose sur le sol – indique qu’il accélère sa marche dans le but de surprendre son vis-à-vis. Ce dernier bénéficie de toute sa panoplie et son gladius frôle la jambe gauche du retiarius. Ce rapprochement insolite demande beaucoup de sang-froid au retiarius qui préfère combattre jusqu’au bout plutôt que d’abandonner. C’est une scène qui met en valeur la bravoure d’un gladiateur démuni face à un adversaire plus expérimenté. Il est rare qu’avec un armement aussi réduit le retiarius puisse remporter la victoire et il lui faudra beaucoup de chance pour blesser son ennemi. Généralement, malgré ce dernier coup d’éclat et cette charge au pugio sur un adversaire encore entièrement bardé de fer, le retiarius doit abandonner le combat.

L’issue du combat147

  • 147 Nous approfondirons cet aspect ultérieurement. Au moment de savoir quel doigt de la main tend le g (...)

141Il faut distinguer plusieurs cas dans le résultat final :

  • L’un des deux adversaires frappé à mort trépasse. C’est peut-être ce qui va arriver au secutor d’Augst touché au cou. Cette issue reste toutefois extrêmement rare, car la mort doit être ordonnée par l’editor.
  • L’un des deux adversaires, mis en état d’infériorité, doit s’avouer vaincu. Il demande le droit de grâce, la missio148. Mais quelquefois, comme l’illustre peut-être le retiarius d’Augst, un combattant refuse cette issue et poursuit la lutte inexorablement.
  • Les deux adversaires de force égale sont graciés tous les deux149. Ils sont stantes missi, c’est-à-dire qu’au moment où ils obtiennent la vie, ils sont encore debout dans une posture de combat : stantes in gradu, avec leurs armes en main.
  • 150 C’est Martial (Spect. XXIX), qui décrit ce moment précis de l’affrontement : Cum traheret Priscus, (...)

142C’est peut-être le sort qui sera réservé aux deux gladiateurs d’Augst, à plus forte raison au retiarius qui a vaillamment combattu150. Mais, dans nos catalogues, c’est plutôt la seconde issue qui est préférée, en tout cas dans la lutte du retiarius contre son adversaire.

143En effet, un second panneau de la mosaïque d’Augst (3) montre clairement un retiarius qui cherche à demander sa missio sous la menace d’un gladius que son adversaire secutor – placé juste derrière lui – se prépare à abattre. Dans cette situation, le retiarius n’a plus vraiment le choix. S’il se sent incapable de poursuivre la lutte, il doit déposer ses armes sur le sol : arma submittere, ce qu’il ne fait pas encore puisqu’il tient son pugio dans sa main gauche. Il doit également se coucher à terre : decumbere, ce qu’il fait peut-être, mais il a pu être projeté par son adversaire d’un coup de bouclier.

144Enfin, il doit lever en signe de soumission la main ou un doigt de cette main : manum tollere, demandant par ce geste qu’on lui accorde la vie. Mais le retiarius d’Augst ne fait aucun geste bien visible, même s’il se prépare peut-être à brandir sa main droite. Cette scène n’évoque pas clairement la demande de missio, mais les instants qui précèdent sans doute cette demande. La position du retiarius Senilianus, figuré sur le troisième panneau de la mosaïque de Metz, est encore plus ambiguë. Le gladiateur est à terre, la tête tournée vers la gauche (peut-être vers le second panneau, sur lequel apparaît un secutor qui avance dans sa direction [?]), et il brandit sa main droite qui tient son pugio. S’agit-il d’une autre manière de demander la missio spécifique aux retiarii ou faut-il voir plutôt dans cette scène un combattant qui désire lutter jusqu’à la fin, jetant ses dernières forces dans la « bataille » ? La première possibilité doit être écartée, mais la seconde est plus probable, à moins qu’il ne soit question d’une simple évocation de la détresse d’un gladiateur à bout de force. Mais il arrive qu’un retiarius puisse aussi se trouver en position de supériorité face à son adversaire qui, à son tour, doit demander la missio pour espérer survivre. C’est ce qu’illustre une scène de La Graufesenque (S69) magnifiant le rôle du retiarius qui, dans cet atelier, bénéficie presque toujours d’une certaine prédominance.

  • 151 C’est une variante qui s’explique par le déroulement du combat. En effet, lorsque le combattant es (...)

145En effet, situé à gauche, le retiarius est debout et pointe son trident à l’horizontale en direction de son adversaire qu’il tient en respect. Ce dernier – un murmillo – tourne le dos au vainqueur et adopte la position caractéristique du vaincu qui choisit de demander sa grâce : il ne possède plus aucune arme, sa main droite est placée derrière son dos comme pour prouver à son rival victorieux qu’il ne tentera plus rien et son genou gauche est plié en signe de soumission151. Par sa position caractéristique, il est inférieur au combattant debout et, surtout, il lève un doigt de sa main gauche pour signaler à l’editor qu’il remet son sort entre ses mains. Cette scène est inédite, puisque le gladiateur ne soumet pas son adversaire avec un pugio ou un gladius comme la grande majorité des autres armaturae. C’est bien le trident qui, ici, tient en respect le perdant. Cela peut sembler tout à fait normal puisqu’il s’agit de son arme de prédilection. Néanmoins, est-ce que pour remporter le combat, le retiarius doit obligatoirement finir sa lutte avec cet attribut ? Ne peut-il pas tenir en respect son adversaire avec un simple poignard ?

146Si aucune scène figurée dans notre catalogue n’illustre cette possibilité, la mosaïque Borghèse fournit l’image de plusieurs retiarii victorieux qui sont venus à bout de leurs adversaires simplement armés du pugio. D’ailleurs, deux d’entre eux (Licentiosus et Astacius) s’apprêtent à mettre à mort leur vis-à-vis avec cette arme. Cela signifierait alors que, finissant la lutte, armé du trident comme à La Graufesenque, le retiarius, si on lui en donne l’ordre, tue son adversaire avec son pugio, une arme plus appropriée à la mise à mort.

147L’exemple de l’opposition retiarius/contra-retiarius permet de bien saisir les différentes phases d’un combat. Selon la situation dans laquelle il se trouve, offensive ou de repli, armé du trident ou du simple pugio, le retiarius devra adapter sa lutte et utiliser au mieux les armes qu’il possède encore pour parer les attaques éventuelles de son opposant. La céramique sigillée, en tout cas, donne une image conquérante de ce gladiateur et ne le présente jamais dans une situation désespérée. La mosaïque accentue même cet acharnement du retiarius à lutter et dévoile un combattant persévérant, qui ne rechigne pas à aller au corps à corps pour arriver à ses fins. C’est la preuve qu’il mérite bien l’appellation de gladiateur lors de cet exercice, puisqu’il doit maîtriser une arme courte, le pugio, très différente du trident mais très proche du gladius dans ce genre de situation.

148Cette étude du retiarius et de ses adversaires s’est donc avérée moins simple que ce que nous imaginions. Le problème de l’identification du gladiateur au trident s’explique avant tout par l’absence du rete qui, liée à d’autres lacunes panoplitiques, peut entraîner des erreurs de définition. Pourtant, cette absence si souvent répétée ne révèle pas une réalité immuable, mais une situation précise de combat. Quant aux adversaires du retiarius, la céramique sigillée établit clairement qu’au Ier siècle de notre ère c’est bien le murmillo muni d’un équipement léger qui est l’opposant privilégié du retiarius. Puis, le secutor prend une importance croissante à partir de la fin du Ier siècle apr. J.-C., pour devenir à son tour l’adversaire attitré du retiarius jusqu’à la fin de la gladiature, alors que le scissor si l’on en croit nos supports sur lesquels il est quasi absent, semble plutôt relégué au rang d’intervenant exceptionnel.

149Enfin, concernant le pugio, cette arme très souvent figurée, il donne une autre vocation au retiarius et le place d’emblée comme une armatura polyvalente pouvant manier deux attributs très différents : une arme longue de percussion, et une arme courte tranchante avec laquelle il va obligatoirement changer de technique, puis conclure le combat.

Les autres catégories de gladiateurs

150Après avoir étudié le retiarius et ses adversaires, et soulevé le problème de l’identification de ces combattants, nous voudrions présenter d’autres armaturae : celles du thraex, de l’oplomachus, de l’eques et du prouocator. Notons que les deux premières se caractérisent par un armement et une technique de lutte assez similaires.

Le thraex : un gladiateur à l’armement original

  • 152 Phil. VII, 6 : quia Mylasis myrmillo thraecem iugulauit. Également Petr. Satyricon. 45.
  • 153 Satires, VIII, 201.
  • 154 Et illic dedecus urbis habes, nec murmillonis in armis nec clipeo Gracchum pugnantem aut falce sup (...)
  • 155 Martial (Apophoreta. XXXIV) dit de cet ustensile : Pax me certa ducis placidos curuauit in usus. A (...)
  • 156 Valère Maxime, III, 2, 12.
  • 157 CIL, VI. 10194.

151Si Cicéron152 le premier, témoigne sur ce combattant « ethnique » qui perdure jusqu’au IVe siècle apr. J.-C, c’est Juvénal153 qui donne l’indication la plus intéressante sur le gladius caractéristique qu’il emploie, lorsqu’il parle de Gracchus : « Et, ici, tu trouves le déshonneur de Rome, Gracchus, qui ne combat ni avec l’armure du mirmillon, ni avec le bouclier circulaire ou le coutelas recourbé154. » Le terme falx supina, que l’on peut traduire par « faucille155 tournée vers le haut », donne une bonne idée de la forme de la lame de ce glaive que l’on peut également appeler sica156. Le bas-relief funéraire157 du gladiateur M. Antonius Exochus permet de visualiser cette arme figurée au-dessus d’une inscription mentionnant la catégorie à laquelle appartient le combattant suivi de son nom : THR MANTONIVS EXOCHVS […]. Il s’agit d’un glaive recourbé, une arme emblématique qui apparaît à plusieurs reprises dans nos catalogues et qui est très facilement identifiable. Le modèle P136 issu de l’atelier de La Graufesenque, daté de 70-100 apr. J.-C., donne d’ailleurs une image assez fidèle de ce gladiateur et des autres attributs qu’il utilise : les deux ocreae, les cuissards à segments de cuir, la manica au bras droit, et la galea à visière.

  • 158 Mart. Apophoreta, CCXIII.

152Néanmoins, le bouclier ressemble davantage à un scutum qu’à une parma ; l’arme indiquée par Martial158, la sica, est plus proche de la faucille, alors que le bas-relief d’Exochus donne l’image d’une lame dont la brisure est beaucoup plus nette. Quant au casque, il ne porte pas de cimier zoomorphe représentant un griffon, cet animal fabuleux mi-aigle/mi-lion, mais une imposante aigrette.

153Si la présence du gladius recourbé renvoie obligatoirement à l’armatura du thraex, seule catégorie à employer cet attribut inhabituel, il semble bien que la lame de cette arme adopte une grande diversité de formes. Comme d’ailleurs le bouclier et la galea dont les caractéristiques morphologiques changent au fil de l’iconographie.

154La sica, une dague aux formes variées : l’exemple des céramiques

155Le thraex apparaît de nombreuses fois dans l’iconographie de la céramique sigillée, mais également sur celle des lampes. Si l’on peut dégager deux types généraux de sica, l’une à lame courbe (P136), l’autre à lame brisée formant un angle obtus (P140) ou droit (S100), il semble qu’il existe encore des formes de lame dont la courbure est plus ou moins marquée. Parfois même, la longueur et la largeur de la lame varient sensiblement.

  • 159 Une sica issue de La Graufesenque (S133) est très ressemblante. Muni d’un pommeau, elle est aussi (...)

156• La lame courbe : la longueur de la sica à pommeau, utilisée par le thraex de l’atelier de La Graufesenque (P136) ne semble pas vraiment démesurée. Son allongement résulte surtout de l’absence de délimitation entre la poignée et le départ de la lame qui donne cet aspect interminable à l’attribut159. Malgré tout, la courbure est plus prononcée et s’éloigne sensiblement de l’arme employée par le thraex (P142) figuré sur un poinçon de Rheinzabern daté du règne d’Antonin. Mais ces deux sicae courbes restent assez proches et appartiennent au même groupe (voir également les modèles S81, S84, S85, S88, S93, S106, S107). Elles sont employées dès le début du Ier siècle apr. J.-C. et tout au long du IIe siècle.

  • 160 La reproduction de l’arme est peut-être aléatoire.

157Dans ce groupe des sicae à lame courbe, quatre thraeces méritent toute notre attention, car ils se servent de dagues aux formes très variées : un thraex de La Graufesenque (P138) figuré sur Drag. 29 tient une sica moyenne à double courbure. Un autre, figuré sur un poinçon de Lezoux (P139) daté de la fin du Ier siècle apr. J.-C., utilise plutôt une sorte de machette. Un troisième (S105) opposé à un murmillo dans l’atelier de Blickweiler au début du IIe siècle apr. J.-C. privilégie une faucille (?) très courte. Tandis qu’un dernier exemple pris à Lezoux (S124) vers 117-138 apr. J.-C. maintient une petite sica dont la lame va en s’élargissant sans manquer d’évoquer un cimeterre160.

158Ces différents exemples traduisent-ils une évolution de l’arme, depuis le milieu du Ier siècle apr. J.-C. jusqu’au milieu du IIe siècle apr. J.-C., ou faut-il plutôt conclure à une importante diversité de sicae à l’usage du thraex à toutes les époques ?

  • 161 Et pour cause, puisque bon nombre de modèles représentés sur sigillée proviennent des médaillons d (...)

159Les lampes du Ier siècle apr. J.-C. sur lesquelles figurent des thraeces montrent essentiellement des sicae à lames courbes (L6, L23) mais certaines adoptent une forme qui rappelle certaines dagues qui apparaissent sur sigillée161. C’est le cas de la lampe L32.

160À Vindonissa, les différences de tailles entre les lames des sicae sont assez importantes : le thraex qui apparaît sur la lampe L35 utilise une épée courbe très petite, alors que l’arme privilégiée par le thraex de la lampe L32 est munie d’une lame plus large et plus longue. Mais si l’on compare deux médaillons de lampe découverts à Narbonne (L57 et L58), datés approximativement du milieu du Ier siècle apr. J.-C., sur lesquels figurent des équipements de thraeces, on s’aperçoit une nouvelle fois que les sicae représentées sont bien différentes. La première est pratiquement droite bien qu’on devine une légère courbure, tandis que la seconde, plus longue est beaucoup plus recourbée. Ces différents exemples pris sur la céramique sigillée et sur les lampes montrent que la sica à lame courbe est employée durant tout le Ier siècle apr. J.-C. et durant la première moitié du IIe siècle de notre ère. Si la forme courbe évolue peut-être (il est toutefois bien difficile de préciser ces évolutions), nous pouvons affirmer que, pour une même époque, plusieurs variétés de sicae à lame courbe coexistent. Sans doute possèdent-elles chacune des particularités qui répondent à des critères techniques spécifiques.

161• La lame brisée formant un angle : concernant la lame brisée qui forme un angle, la céramique sigillée propose quelques représentations tout à fait pertinentes de son existence. Ce type de sica apparaît pour la première fois, semble-t-il, dans l’atelier des Martres-de-Veyre (S100) à la main d’un thraex opposé à un murmillo. Il s’agit d’une lame brisée à angle droit, qui donne à la sica une forme tout à fait particulière. Dans le même atelier, on retrouve cette fois une lame brisée à angle obtus (S119). Ce type figure encore en Gaule de l’Est à Mittelbronn (P140 et S101) et dans l’atelier de La Madeleine (S104). Cette nouvelle lame qui diffère sensiblement de la sica à lame courbe a sans doute été créé vers la fin du Ier siècle et se développe au cours du IIe siècle. Un médaillon de lampe témoigne probablement de cette évolution. Il s’agit d’un modèle découvert à Vindonissa (L22) qui pourrait avoir été réalisée dans la première moitié du IIe siècle apr. J.-C.

162L’analyse des sigillées et des lampes montre qu’il existe deux grands types de sicae : celle à lame courbe et celle à lame brisée formant un angle. Concernant le premier groupe, les formes de la courbe peuvent être très variées au cours d’une même époque, alors que le second groupe est constitué de lames à angle droit ou à angle obtus. Si le passage de la lame courbe à la lame brisée résulte bien d’une évolution (désormais les deux côtés de la lame sont tranchants), il reste plus difficile de dire à quelle date survient cette amélioration.

163Une autre question mérite alors d’être posée. Au moment où la sica à lame brisée formant un angle apparaît, le premier type est-il progressivement abandonné ?

164Les céramiques sigillées et les lampes ne permettent pas de résoudre cette interrogation, mais certaines mosaïques offrent des possibilités de réponse. Il s’agit des pavements de Bad Kreuznach, de Reims no 1 et d’Augst.

165➤ Bad Kreuznach (2)

166Sur ce pavement, le thraex est en mauvaise posture. Opposé à un murmillo, il tient sa sica dans la main gauche et subit l’offensive de son adversaire. Son glaive n’est pas recourbé, mais la lame très fine est brisée et forme un angle obtus. L’évolution enclenchée à la fin du Ier siècle apr. J.-C.-début du IIe siècle apr. J.-C. s’est poursuivie. Si l’on se réfère à cette image, il semble bien que la sica à lame courbe ait été abandonnée. Pourtant, l’analyse des deux autres pavements datés approximativement entre 180 et 250 prouve que cette sica à lame recourbée continue d’être employée.

167➤ Reims (32)

168Sur ce pavement, la sica utilisée par le thraex rappelle beaucoup l’attribut du gladiateur de l’atelier de La Graufesenque (P138) muni d’une double courbure. Mais ce qui est également très intéressant, ce sont les reproductions de sicae proposées par C. Loriquet en plus de cette image.

169En effet, l’auteur établit un corpus de quatre dagues : une à lame recourbée, une à lame brisée formant un angle droit et deux à lame brisée formant un angle obtus. Cela de manière à pouvoir comparer les sicae qu’il a répertoriées avec l’arme du thraex représenté. Malheureusement, nous ne connaissons pas la chronologie des modèles dessinés et nous ne savons pas sur quelles sources l’auteur s’appuie.

170➤ Augst (4)

171Sur ce dernier pavement, la sica possède une lame recourbée. Elle semble très petite, mais il est difficile de dire si la pointe ne se confond pas avec le filet de tesselles qui souligne les plis du subligaculum. Ce qui ressort de cette illustration, c’est surtout la courbure bien marquée de l’attribut, puisqu’elle témoigne encore de l’utilisation de ce type de sica au tout début du IIIe siècle apr. J.-C.

172L’étude de la sica du thraex sur le support céramique – et surtout sur sigillée – permet de découvrir une extrême variété de formes de dagues. C’est sûrement l’attribut offensif qui possède le plus grand nombre de modèles dans la gladiature. D’un point de vue technique, ces modifications parfois poussées de la forme de la lame correspondent sans doute à une volonté de mieux « couper » l’adversaire.

173En effet, l’arme qui ressemble le plus à la sica du thraex est sans aucun doute le cimeterre, ce sabre oriental dont la courbure favorise la « taille ». Certes, le thraex manie différemment sa sica, mais la courbure favorise l’enroulement de l’arme autour du cou ou au niveau des articulations de l’adversaire. Ainsi genou, coude et épaule deviennent plus vulnérables.

174Le bouclier : rectangulaire, rond, triangulaire ou carré ?

  • 162 DAGR, s.u. gladiator, p. 1587.
  • 163 Junkelmann 2000, p. 119.

175Après la sica, l’attribut essentiel du thraex est son bouclier. Selon G. Lafaye162 : « Le gladiateur appelé thrace porte un petit bouclier (parma, parmula), quelquefois rond, mais le plus souvent carré ; sur certains monuments il a la forme triangulaire. » Ajoutons à cette définition le poinçon P136 issu de l’atelier de La Graufesenque, sur lequel le thraex porte un scutum pratiquement rectangulaire, et nous voici avec un combattant qui, au sein de la gladiature, est probablement celui qui utilise la plus grande variété de boucliers ! Quel attribut défensif lui reconnaître alors ? Selon les époques, a-t-il privilégié différentes formes de boucliers ou, comme pour la sica, se pare-t-il de l’ensemble de ces modèles ? Est-ce que, comme le préconise très simplement M. Junkelmann163, en nous interessant au thraex : « Wir verlassen nun die mit großen oder mittelgroßen Schilden kämpfenden Gladiatorengattungen und wenden uns den Kleinschildnern zu. » Il semblerait que ce soit moins évident lorsque l’on s’attache à l’image de ce combattant sur la céramique sigillée. En effet, dans l’atelier de La Graufesenque par exemple, le modèle P136 semble utiliser un bouclier qui se rapproche davantage du scutum rectangulaire que de la parma carrée. Un second poinçon issu du même atelier (P137) montre également un gladiateur à la sica recourbée dont le bouclier est triangulaire, alors qu’à Lezoux, si le thraex P139 couvre son flanc gauche avec une parma, ce n’est pas du tout le cas du modèle P143, qui protégé par deux ocreae et par une galea à visière grillagée, privilégie un clipeus rond !

176Quel attribut choisir alors ? Une étude plus approfondie de chaque personnage permettra peut-être de mieux comprendre cette variété de bouclier qui apparaît sur le support céramique.

177• Le thraex au scutum de la Graufesenque (P136) : bien que le bouclier ne soit pas extrêmement volumineux, les côtés semblent inégaux et la présence de l’umbo central rappelle le scutum. Pourtant, on remarque en visualisant la partie supérieure de l’arme que celle-ci est incurvée. L’ensemble d’ailleurs évoque une voûte en berceau caractéristique de la morphologie de la parma. Par ailleurs, si l’on compare cette image à certaines scènes sur lesquelles le thraex affronte un murmillo, la différence de taille entre les boucliers des adversaires est déjà plus marquée parce que les armes se font face.

178Dans l’atelier de La Graufesenque (S81), le bouclier du murmillo est hexagonal, différent de celui du thraex qui, malgré sa forme plutôt rectangulaire, est bien une parma. De même à Lavoye (S102) où, si le thraex figuré à droite avait été seul, son bouclier n’aurait pas manqué d’évoquer le scutum plutôt que la parma. Néanmoins, et même en multipliant les exemples qui ne manquent pas sur la céramique sigillée, il arrive qu’une représentation sur laquelle un thraex affronte un murmillo montre ces deux gladiateurs armés du même bouclier. C’est le cas dans l’atelier de Rheinzabern (S106), où les deux boucliers sont exactement identiques. Parfois, ils le sont parce que deux thraeces s’opposent. Il peut alors y avoir méprise, et l’on peut confondre un thraex avec un murmillo si le gladius de l’un des combattants n’apparaît pas distinctement. La scène S91 issue de l’atelier des Martres-de-Veyre illustre parfaitement ce problème : les deux adversaires possèdent le même casque, chacun une manica, deux ocreae, le même bouclier qui ressemble plus à un scutum qu’à une parma, et surtout des gladii qu’on a bien du mal à différencier.

179Or, il est impératif d’exclure l’usage du scutum par le thraex. Ce combattant est bien un parmatus, un gladiateur qui utilise un petit bouclier. D’ailleurs, la présence des deux hautes ocreae qui protègent les tibias, les genoux et une partie des cuisses du thraex est étroitement liée à l’usage dynamique de ce bouclier. Ces deux éléments de la panoplie sont connexes et peuvent agir de manière synchrone pour former une protection continue et impénétrable du flanc gauche du thraex. Ce dont témoignent plusieurs scènes sur lesquelles le thraex est en position de garde face à son adversaire. À Rheinzabern (S107), le dispositif défensif mis en place par le gladiateur est très clair. Le casque protège la tête, la parma vient se bloquer contre la calotte pour couvrir le torse et la haute ocrea complète l’ensemble par sa couverture de la jambe. Ainsi, de la base de la galea à la cheville, le thraex qui adopte cette posture semble indestructible.

180En augmentant la taille des ocreae, le thraex peut utiliser un bouclier plus petit, donc moins lourd. Il bénéficie ainsi d’une maniabilité et d’une rapidité d’action optimale face à son adversaire murmillo « handicapé » par le poids et la dimension de son scutum. C’est ce qu’illustre parfaitement la scène S105 de l’atelier de Blickweiler sur laquelle l’opposition lourd/léger est très bien mise en valeur. À droite, le thraex équipé d’une haute galea à rebord, d’une manica au bras droit, d’un subligaculum, d’un cuissard et de hautes ocreae, privilégie une parma carrée très petite. Face à lui, le murmillo au scutum très long est certes bien protégé, mais son bouclier massif limite sa vivacité et ses déplacements.

  • 164 Mais le ciseleur voulant représenter un bouclier rond concave utilisé par l’oplomachus a peut-être (...)
  • 165 Notamment Virg., En. I, 490.

181• Le thraex au bouclier triangulaire de La Graufesenque (P137). Comment appréhender alors le bouclier triangulaire ? Il convient tout d’abord, de signaler que l’exemple de La Graufesenque n’est pas un unicum, puisque cet attribut figure au bras d’autres gladiateurs. Dans le second atelier de Trèves (P141), celui-ci adopte une forme encore différente, ainsi que sur la lampe L13 découverte dans le quartier du Rougé à Montans, au bras d’un thraex utilisant un gladius à lame droite (?)164. La dernière représentation de ce bouclier ou d’un de ses dérivés provient de la mosaïque de Reims (32). Pour cette raison, l’hypothèse d’une mauvaise reproduction de cet attribut sur le support céramique doit être exclue, puisque le thraex armée de cette sica à double courbure, opposé à un murmillo sur ce pavement, protège son flanc gauche avec un bouclier dont la forme est clairement triangulaire. Et cet attribut inhabituel ne manque pas d’éveiller chez nous le souvenir du bouclier traditionnel caractéristique du peuple thrace appelé pelta. Un petit bouclier léger dont la forme ordinaire est celle d’un croissant. Pour cette raison on le compare souvent au croissant de lune, d’où l’épithète lunata parfois préférée par les poètes165 pour le décrire. C’est d’ailleurs une forme très proche qui caractérise le bouclier du thraex de La Graufesenque (P137). On peut donc supposer que le bouclier tenu par le gladiateur de Reims, au début du IIIe siècle apr. J.-C., dérive de l’arme triangulaire proche de la pelta employée par le thraex de La Graufesenque au Ier siècle apr. J.-C. En tout cas, il semble tout à fait probable que cette forme de bouclier ait pu être privilégiée par le thraex lors d’un combat, même si elle demeure extrêmement rare.

182• Le thraex à la parma de Lezoux (P139). L’image récurrente du thraex dans nos catalogues est celle d’un gladiateur armé de la parma carrée. La majorité des modèles bénéficie d’ailleurs d’un bouclier proche de celui qui apparaît sur le poinçon P139. Même dans l’opposition thraex/thraex, c’est cette arme qui est principalement utilisée par les deux combattants (S109, S110a et b, L64) et il est rare qu’on cherche à les différencier par une adaptation morphologique du bouclier. À Montans, la scène figurée sur le médaillon de la lampe L13, où deux gladiateurs très proches sont en train de s’affronter ne doit pas faire illusion. En effet, si le personnage de gauche est peut-être un thraex muni de deux ocreae, celui de droite est bien un murmillo (il porte une seule ocrea et un scutum). L’usage du bouclier triangulaire, et surtout du gladius du protagoniste de gauche, ne s’explique pas par la volonté de différencier, au moment de l’affrontement, deux thraeces.

183Nous venons d’évoquer la relation pelta /bouclier triangulaire en insistant sur le possible emploi de cet attribut rare par le thraex. Concernant le gladius droit, c’est probablement sous cet angle qu’il convient d’envisager sa possible utilisation. Mais pour quelle raison ? Peut-être pour équilibrer un peu plus l’opposition thraex/murmillo : si un bouclier triangulaire protège moins bien, un gladius droit est lui aussi moins efficace devant un murmillo protégé par un imposant scutum. Le contournement du bouclier devient dès lors plus difficile.

  • 166 Une autre scène pratiquement identique apparaît dans l’atelier de La Graufesenque (S111bis). Le re (...)

184Enfin, nous voudrions signaler qu’une autre armatura utilise deux ocreae. Il s’agit de l’oplomachus. On sait d’autre part que, lorsque ce gladiateur perd son hasta, il poursuit la lutte avec un gladius droit ! Par contre, ce n’est pas un bouclier triangulaire qui lui sert de protection, mais un clipeus rond. Se pourrait-il que la lampe L13 de Montans, sur laquelle nous voyons l’opposition d’un thraex au bouclier triangulaire contre un murmillo, évoque plutôt l’affrontement d’un oplomachus (à gauche) contre un thraex (à droite) ? De cette manière, le bouclier triangulaire serait un clipeus rond mal représenté (comme il apparaît sur la scène S111 de l’atelier La Graufesenque au bras d’un véritable oplomachus debout, luttant contre un thraex166) et le scutum du murmillo, une parma de thraex un peu plus vaste ! C’est peu probable car, à la différence du thraex de La Graufesenque qui porte deux ocreae, le personnage de droite figuré sur cette lampe ne possède qu’une seule jambière (d’ailleurs l’autre jambe ne semble pas avoir été mal reproduite). Il est donc plus raisonnable de voir sur ce médaillon de lampe, un affrontement entre un oplomachus à gauche et un murmillo à droite.

185• Le thraex au clipeus rond de Lezoux (P143) ? Le fameux clipeus rond dont parle G. Lafaye peut-il, au même titre que le bouclier triangulaire maintenu par le thraex de La Graufesenque (P137) et de Reims (32), devenir l’apanage du thraex ?

186Il faut, pour répondre à cette question, différencier deux types de gladiateurs qui peuvent être confondus à cause de leurs attributs défensifs similaires. Le thraex comme l’oplomachus utilisent tous deux une paire de hautes ocreae, une manica au bras droit et des cuissards. Par contre, comme nous le verrons ultérieurement, leurs armes offensives permettent de bien les différencier, à condition qu’elles apparaissent clairement dans l’iconographie.

187Malheureusement, lorsqu’un gladiateur comme ce combattant de Lezoux a perdu son épée ou l’arme avec laquelle il frappe son adversaire et qu’il ne reste que les deux ocreae, une erreur d’appréciation peut très vite être commise, surtout s’il conserve en main un clipeus rond comme c’est le cas ici. En effet, on peut le prendre pour un thraex armé d’un bouclier rond qui vient tout juste de perdre sa sica ! Pourtant, dans cette situation, c’est un oplomachus qui a perdu sa lance et son poignard. D’autre part, c’est le seul gladiateur avec l’eques qui utilise un clipeus rond. Il apparaît avec ses attributs principaux sur le médaillon de la lampe L47 de Clermont-Ferrand, mais sur la céramique sigillée, il est pratiquement toujours représenté sans sa lance, brandissant simplement son gladius ou son pugio, ainsi que son clipeus rond (S128, ici les ocreae manquent).

188Cette présentation des différents boucliers officiels et non officiels du thraex a permis d’insister sur l’importance de la comparaison des modèles et sur la valeur qu’il convient de donner à leur mise en scène. Ainsi, un poinçon réuni à un autre poinçon pour constituer une scène, devient plus lisible et plus compréhensible que s’il était analysé seul. Il en va de même du moment privilégié du combat figuré dans l’iconographie de la céramique sigillée. Nous l’avions déjà souligné avec le retiarius mis en scène sans son filet, parce qu’il s’agissait du moment qui suivait la projection de l’attribut. Mais, comme nous venons de le voir, cet aspect prend également toute son importance au moment de différencier deux armaturae dont les attributs sont très proches. S’il est impératif de bien déceler le moment du combat représenté sur nos matériaux, il faut avoir à l’esprit que l’« image d’Épinal » que l’on possède d’une armatura n’est pas figé. Un gladiateur comme le thraex par exemple est beaucoup plus difficilement reconnaissable sans sa sica qu’avec sa dague recourbée. Et, lorsque celle-ci vient à manquer, les ocreae ne suffisent pas toujours à l’identifier. Cette remarque vaut aussi pour la galea qui, à notre avis, à l’exception des gladiateurs secutor et scissor, est un attribut difficilement utilisable pour identifier une armatura.

189La galea du thraex : un véritable casse-tête

  • 167 Golvin, Landes 1990, p. 161.

190Comme pour la sica, les formes de casque utilisées par le thraex sont nombreuses. Mais résultent-elles d’une véritable évolution comme le proposent J.-C. Golvin et C. Landes167 lorsqu’ils écrivent : « Le casque de l’époque républicaine laissait le visage sans protection, puis, sous l’Empire, il fut muni d’une visière. Dans la seconde moitié du premier siècle, la bordure s’élargit et sa courbure s’accentua. Les œilletons disparurent, pour faire place à une grille, qui ne couvrit d’abord que la moitié supérieure, puis la totalité de la visière. Aux IIe et IIIe siècles, le casque devint plus étroit » ou le choix d’une calotte ne répond-il qu’à une volonté pratique, voire esthétique ?

  • 168 Comme celle qui figure sur la visière d’un casque de thraex surmonté d’un cimier en forme de griff (...)

191Les poinçons de thraex que nous possédons pour la fin du Ier siècle apr. J.-C., devraient, selon la proposition de ces auteurs, montrer des gladiateurs dont la galea possède une grille protectrice ou, tout au moins, une visière dont la partie supérieure est constituée d’une grille168.

192 Une grille protectrice ? Le modèle P136 issu de l’atelier de La Graufesenque ne semble pas utiliser un casque à visière grillagée. Il continue, semble-t-il, à employer une visière à œilletons vers la fin du Ier siècle apr. J.-C. Le thraex P138 quant à lui, figuré sur Drag. 29, avant 70 apr. J.-C., garde le visage découvert comme à l’époque républicaine. Toutefois, une scène du même atelier (S109), datée probablement de la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C. (vers 50-80 apr. J.-C.), montre une opposition entre deux thraeces coiffés de casques très différents. L’un porte une galea à visière grillagée, l’autre une galea à visière à œilletons. C’est la seule représentation qui donne un bon aperçu de la transition d’un modèle vers l’autre dans la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C., car le thraex muni d’un casque à visière grillagée apparaît à Lezoux en Gaule du Centre (P139) au tout début du IIe siècle de notre ère. Cette grille qui couvre toute la visière est encore bien représentée dans l’atelier de La Madeleine, sur le visage d’un thraex qui affronte un murmillo (S104) pratiquement à la même époque. Il semble bien que, chronologiquement, les modifications apportées au casque s’échelonnent dans la logique des auteurs : avant 70, le modèle P138 conserve le visage découvert, après cette date ce sont les œilletons qui sont utilisés, mais la visière grillagée fait progressivement son apparition pour se développer de façon plus importante au début du IIe siècle apr. J.-C. La galea subit bien une évolution morphologique tout au long du Ier siècle apr. J.-C.

193Or, la grille reste très peu représentée sur la céramique sigillée, puisque trois occurrences seulement sont signalées (poinçons et scènes confondus). Ce faible pourcentage résulte à la fois de la non-exhaustivité de notre catalogue, d’une mauvaise reproduction de certains modèles qui ne mettent pas en valeur ce nouvel attribut, voire de l’utilisation prolongée de poinçons anciens !

194Néanmoins, si à la suite de l’analyse de la céramique sigillée nous pouvons affirmer que la visière grillagée apparaît dans la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C., nous pensons que celle-ci se développe considérablement à partir du début du IIe siècle de notre ère.

195L’étude des lampes permettra sans doute d’appuyer notre hypothèse.

196• L’apport des lampes. Les lampes devraient constituer notre meilleur indicateur pour cerner les changements subis par le casque du thraex au Ier siècle. Allons-nous découvrir quelques thraeces à visage découvert, une majorité de thraeces munis d’une galea à œilletons et quelques casques à visières grillagées ? Dans les premiers ateliers lyonnais (L2 et L5), le visage du thraex ne semble pas protégé (mais la reproduction des médaillons n’est pas très fiable). Par contre, à Vindonissa (L22, L23, L33), c’est la visière à œilletons qui est privilégiée. Et à Nîmes, c’est assurément ce type de casque qu’utilise le thraex affaissé sur le sol (L51), comme à Arles (L64) d’ailleurs où deux thraeces affrontés s’en munissent. Mais ce sont surtout trois médaillons de lampe sur lesquels figurent des galeae de thraeces à Orange (L53) et à Narbonne (L58, L59), qui donnent la meilleure illustration de ce modèle de casque à visière munie d’œilletons.

197Ces différents exemples pris sur la céramique sigillée et sur les lampes en terre cuite montrent que, dans la première moitié du Ier siècle apr. J.-C., le thraex continue à utiliser un casque sans protection du visage, mais que la visière à œilletons est déjà connue et diffusée au cours du Ier siècle. Quant à la visière grillagée, s’il est indéniable qu’elle fait son apparition dans la seconde moitié du siècle, nous pensons que sa diffusion la plus importante a lieu dans la première moitié du IIe siècle de notre ère. Concernant d’autre part la forme générale du casque, l’image traditionnelle de cet attribut est celle d’une calotte à large bord surmontée d’un haut cimier, souvent décoré d’un griffon. S’agit-il des mêmes caractéristiques sur nos supports ?

198• Forme et décorations. Ce qui est frappant, lorsque l’on analyse le casque du thraex figuré sur la céramique sigillée et sur les lampes, c’est sa grande diversité de formes et de décorations. Le modèle P136 issu de l’atelier de La Graufesenque est un casque à visière à œilletons, dont la calotte ronde, peu développée, n’est pas surmontée d’un cimier mais d’une haute aigrette. Toutefois, d’autres modèles de casque à visière à œilletons sur les médaillons de lampes d’Orange (L53) et de Narbonne (L58) privilégient le fameux cimier en forme de griffon très stylisé, bien que celui de la lampe L59 de Narbonne semble beaucoup plus travaillé. On retrouve également le type de calotte surmonté d’une crista à Vindonissa (L22, L23), mais quelquefois de simples pinnae centrales ornent la calotte (L32, L6), quand il ne s’agit pas d’un cimier arrondi comme sur cette lampe-casque de Trèves (L21). Parfois, des casques aux formes encore plus atypiques sont représentés. À Vindonissa (L24) un thraex est coiffé d’une galea conique (?) décorée d’un cimier sortant, même si les casques les plus originaux proviennent de l’iconographie de la céramique sigillée. Dans l’atelier de Mittelbronn (P140), si la calotte reste arrondie, le bord est beaucoup plus large et en plus d’une crista, une haute pinna décore le sommet. Un casque à visière à œilletons sur une scène de La Graufesenque datée de la fin du Ier siècle apr. J.-C. (S81) est quant à lui très étrange, puisqu’il rappelle un heaume surmonté d’une aigrette avec une pièce d’étoffe gigantesque qui flotte dans le dos du combattant (?). Une scène encore plus tardive de Lezoux (S84) montre cette fois un thraex au visage découvert dont la tête est ceinte d’une couronne de laurier (?). Il doit sans doute s’agir d’une représentation symbolique car, à cette époque, le visage de ce gladiateur devrait normalement être bien protégé. C’est par ailleurs un étagement de cimiers qui surmonte la calotte d’un thraex à Lezoux dans la seconde moitié du IIe siècle apr. J.-C. (S85). Plusieurs pinnae décorent encore le casque d’un thraex à la tunique affrontant son semblable au casque surmonté d’un cimier à protomé de griffon très simplifié, dans l’atelier de La Graufesenque dans la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C. (S109). Signalons, pour finir, une petite calotte ronde tout à fait originale munie d’interminables pinnae fixées à un petit cimier sur une scène de l’atelier de La Graufesenque (S81bis).

  • 169 Concernant ces aigrettes, plusieurs figurines en bronze de thraeces permettent de découvrir des ga (...)

199Ces nombreux exemples témoignent d’une galea dont la variété de forme et surtout de décorations est très importante. Le griffon qui surplombe le casque est moins fréquent qu’on ne le pense et des cimiers plus simples, voire des plumes, peuvent orner la calotte169. Si un rôle symbolique peut expliquer ces modifications, ne faut-il pas conclure plutôt à une volonté pratique, voire esthétique, dans ces méthodes d’ornementation parfois très poussées ?

200En effet, lorsque deux thraeces s’affrontent, il faut pouvoir les différencier car leur sica et leur parma sont identiques. C’est peut-être la galea qui va permettre alors d’établir ces distinctions. La seule scène intéressante qui évoque cette lutte fratricide sur le support céramique provient de l’atelier de La Graufesenque (S109). Elle montre des casques très différents : l’un est muni d’une visière grillagée, l’autre d’une visière à œilletons, mais c’est surtout le vêtement qui accentue l’opposition ici. Le combattant de gauche porte un subligaculum, tandis que celui de droite utilise une tunique. Notons que cette opposition panoplitique dans la lutte de deux gladiateurs appartenant à la même armatura n’est peut-être pas aussi marquée qu’on le pense, puisqu’un médaillon de lampe découvert à Arles (L64) montre deux thraeces armés de la parma et de la sica utilisant des vêtements tout à fait identiques, et surtout la même galea surmontée d’un cimier.

  • 170 Le fait de masquer le visage contribue aussi à rendre le gladiateur plus étrange, plus redouté. C’ (...)

201Ce n’est peut-être pas d’un point de vue pratique qu’il faut alors envisager ces décorations, mais plutôt d’un simple point de vue esthétique. Cristae, pinnae et cimiers ont un rôle visuel important, comme la visière170 d’ailleurs, puisqu’ils contribuent par leur aspect étrange ou leurs couleurs chatoyantes au caractère exotique du spectacle. La forme du cimier peut évoquer ainsi, d’une certaine manière, la provenance géographique du thraex, puisque le griffon est un animal fabuleux à corps de lion et à tête d’aigle qui rappelle l’Orient. Et cette région est encore signalée peut-être par la galea tout entière du thraex qui, sur certaines représentations, adopte la forme d’un casque phrygien (S110a et b, S89). Si la forme et les décorations du casque utilisé par le thraex sont nombreuses, il est possible de se demander si l’évolution de la galea au début du IIe siècle de notre ère – avec le développement de la visière grillagée – a atteint son apogée.

202En effet, connaît-elle une certaine stabilité morphologique ? D’autres modifications interviennent-elles après le début du IIe siècle apr. J.-C. ? Ou voit-on une utilisation de toutes les formes connues ?

  • 171 Bad Kreuznach est peut-être plus tardive encore (250 apr. J.-C.).

203 Stagnation ou évolution morphologique ? La céramique sigillée fournit quelques indications qui ne vont pas dans le sens d’une nouvelle évolution puisque, dans l’atelier de Rheinzabern par exemple, un poinçon (P142) daté du règne d’Antonin montre un thraex qui porte soit un casque à visière à œilletons, soit le visage découvert. En tout cas, il ne s’agit absolument pas d’une grille. À Blickweiler (S105) vers 100-150 apr. J.-C., c’est encore autre chose qu’une grille. Sommes-nous avec ces exemples face à des mauvaises reproductions ou la céramique sigillée renseigne-t-elle sur une pratique que nous avons déjà rencontrée avec la galea du secutor ? On aurait affaire à l’emploi, à une même époque, de plusieurs types de casque, sans qu’aient été prises en considération les évolutions morphologiques apportées, qui sont pourtant censées protéger davantage le gladiateur ou lui fournir un meilleur confort dans le combat. L’iconographie de la mosaïque permettra peut-être de répondre, puisque sur les sept pavements qui évoquent le munus, trois mettent en scène le thraex : Reims, Augst et Bad Kreuznach. Leur datation se situe vers la fin du IIe siècle apr. J.-C., début du IIIe siècle de notre ère171.

204➤ Reims (32)

205Sur ce pavement le thraex porte une galea surmontée d’un cimier orné d’un griffon. La visière ne semble pas grillagée, mais plutôt munie d’œilletons. Le bord est imposant et protubérant.

206➤ Augst (4)

207Ici le casque est complètement différent. La calotte est ronde munie d’un bord beaucoup moins conséquent, et les décorations sont excessives. Un cimier surmonte la galea, il n’est pas orné d’un griffon mais de pinnae latérales noires. L’adversaire murmillo de ce thraex utilise exactement le même casque. Sur les deux modèles la visière n’apparaît pas.

208➤ Bad Kreuznach (2)

209Le thraex qui figure sur ce pavement possède le casque le mieux identifiable, mais il diffère notablement des deux autres modèles. Sa forme évoque le casque phrygien, et la visière est cette fois munie d’une grille protectrice. Comme à Augst, aucun griffon n’est visible.

  • 172 Mais, il y a peut-être dans cette volonté de réutiliser un casque plus ancien, une raison commémor (...)

210Ces trois exemples pris sur la mosaïque prouvent que, sur une courte période, on trouve trois types de galea bien différents avec chacun une particularité propre. Si la céramique sigillée témoigne remarquablement de l’évolution de la calotte du thraex au Ier siècle jusqu’au début du IIe siècle apr. J.-C., les indications qu’elle fournit sur l’utilisation de plusieurs types de casque dès le premier tiers du IIe siècle apr. J.-C. semblent corroborées quelques décennies plus tard grâce au support mosaïque. Tout indique que la galea du thraex a subi une évolution morphologique importante de la fin de la république jusqu’à la fin du Ier siècle apr. J.-C. En cela, l’analyse de J.-C. Golvin et de C. Landes est remarquable. Néanmoins, l’étude de la céramique sigillée montre qu’une fois la dernière évolution fixée vers le début du IIe siècle de notre ère, le thraex continue d’utiliser la visière à œilletons. Les décorations quant à elles ne répondent à aucune règle et le cimier orné d’un protomé de griffon est plus rare qu’on ne le pense. Il convient donc de parler plutôt de la stagnation morphologique de la galea du thraex aux IIe et IIIe siècles apr. J.-C., avec la réutilisation, selon les goûts du combattant peut-être, de modèles de casque plus anciens, pour faciliter sa lutte contre un type précis d’adversaire172.

Les adversaires du thraex

211Le thraex peut combattre contre son semblable, soit contre l’oplomachus ou le murmillo. Ces deux dernières catégories utilisent d’ailleurs un armement antagoniste, et surtout une technique de lutte bien adaptée à leurs caractéristiques panoplitiques. Ainsi, c’est peut-être en adaptant sa propre technique de lutte face à chacun de ces adversaires que le thraex peut se mesurer à des opposants si différents.

212Son semblable

  • 173 Une troisième (S87) aurait pu être envisageable, mais le dessin d’Oswald n’est pas sûr et nous pré (...)

213Les sources littéraires sont muettes concernant ce premier type d’affrontement fratricide, et c’est grâce aux supports archéologiques que nous connaissons ce duel. Nous avons référencé deux occurrences sur la céramique sigillée dans l’atelier de La Graufesenque (S109 et S110a173) et une représentation assurée sur un médaillon de lampe trouvé à Arles (L64). Un second couple est peut-être à envisager sur une lampe mise au jour à Orange (L55), mais les attributs offensifs sont peu visibles. En tout cas, toutes ces scènes datent du Ier siècle apr. J.-C. et, à notre connaissance, il n’existe plus aucune allusion de l’affrontement thraex/thraex au IIe siècle de notre ère. La mosaïque n’offre d’ailleurs aucune scène de ce combat, qui s’est sans doute modifié à partir de la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C. pour évoluer plutôt vers une lutte thraex/oplomachus. Les deux représentations de l’atelier de La Graufesenque sur Drag 29 ont continué à être employées sur Drag. 30 et Drag. 37. Mais les premières images de cet affrontement se placent dans la première moitié du Ier siècle apr. J.-C. Quant aux médaillons sur lesquels apparaît ce couple de gladiateurs, il convient peut-être de reculer leur datation. Il s’agit bien de thraeces qui utilisent le même armement offensif sur l’ensemble de nos modèles : c’est-à-dire une sica recourbée et une parma carrée, mais l’armement défensif diffère sensiblement sur la céramique sigillée, puisque, comme nous l’avons déjà mentionné, la scène S109 oppose un thraex muni d’une galea à visière grillagée portant un subligaculum à un thraex à visière à œilletons vêtu d’une tunique. La seconde scène (S110) restituée à la fois par F. Oswald et F. Hermet figure bien cette même lutte, même s’il convient de recouper les dessins de chaque auteur pour obtenir une image pertinente.

  • 174 DAGR, s.u. gladiator p. 1587.
  • 175 Une seconde scène restituée par F. Oswald montre un thraex armé d’un gladius (S79a), mais le dessi (...)

214En effet, sur le modèle de F. Oswald (S110b), si la sica du gladiateur de gauche est remplacée par un gladius, en revanche les deux ocreae apparaissent distinctement comme d’ailleurs la manica placée sur le bras droit, le casque phrygien et la parma. F. Hermet (S110a) quant à lui omet une ocrea, mais insiste sur la forme recourbée de la lame. Pour le second combattant, les deux auteurs s’accordent sur la parma, le gladius (?), la manica au bras gauche, la galea surmontée d’une crista, mais F. Oswald ajoute les deux ocreae et son dessin du vêtement évoque plutôt le drapé d’une tunique. Ce second protagoniste correspond bien, malgré la présence du gladius et l’omission des ocreae par F. Hermet, à un thraex. La parma et les ocreae renvoient indiscutablement à cette catégorie, malgré la présence d’un gladius à lame droite. Nous avons dit à plusieurs reprises que la sica était l’arme emblématique du thraex. Pourquoi représenter alors ce gladiateur avec un gladius sur cette scène ? S’agit-il d’une erreur ou le combattant représenté à droite appartient-il à une autre catégorie de gladiateur ? G. Lafaye174 est l’un des rares auteurs à mentionner l’usage de l’épée droite par les thraeces : « Enfin notons qu’on voit des Thraeces tenir, au lieu de la sica, une épée droite semblable à celle du Samnite », même s’il conclut en disant qu’il ne s’agit là que d’une exception. D’ailleurs, la rareté de cet usage semble attestée par nos sources iconographiques. Aucun thraex excepté celui qui figure les scènes S110 de l’atelier de La Graufesenque n’utilise cet attribut175. Il faut voir peut-être dans la présence de ce gladius, à la main d’un thraex affrontant un thraex à la sica au début du Ier siècle apr. J.-C., une volonté de déséquilibrer le duel, car, malgré de maigres antagonismes concernant l’armement défensif, ces deux combattants sont en tout point semblables. Ainsi, armé d’une épée droite, le thraex à la tunique devrait manier différemment son arme et développer peut-être une autre technique de lutte. C’est une éventualité, bien qu’il soit difficile de comprendre pourquoi l’autre scène du même atelier (S109), datée approximativement de la même époque, montre deux thraeces munis chacun d’une sica !

  • 176 Voir sur l’analyse détaillée de ce médaillon de lampe Teyssier-Lopez 2005, p. 40.

215Enfin, la lampe d’Arles (L64) fournit l’image de deux thraeces équipés exactement de la même manière, comme peut-être l’iconographie de la lampe d’Orange (L55). Sur la première, très bien conservée, on aperçoit deux gladiateurs identiques dont l’attitude est toutefois très différente. Celui de gauche semble immobile et a perdu sa parma : son bras gauche est replié vers sa poitrine pour protéger sa tête (?) et il maintient sa sica dans sa main droite tendue vers son vis-à-vis. Ce dernier, en appui sur ses jambes, esquisse un mouvement vif et menaçant avec sa parma qu’il projette en direction de son adversaire dont il cherche à atteindre la tête : sa main gauche armée de la sica reste en retrait, mais elle est prête à asséner un coup tout aussi rapide et violent176. Cette opposition thraex/thraex caractérise une lutte énergique, où la vivacité des gestes est importante. Le rôle de la parma dans ce type précis d’affrontement est sans doute accentué, car les deux gladiateurs bénéficiant d’une même panoplie possèdent également les mêmes faiblesses. Ainsi, la percussion au bouclier est favorisée. C’est moins le cas dans la lutte qui oppose le thraex à l’oplomachus. En effet, ce dernier se sert d’une arme longue avec laquelle il peut combattre à distance, et de cette façon, remporter le duel sans aller obligatoirement jusqu’au corps à corps.

  • 177 C’est l’orthographe la plus fréquente dans les inscriptions : CIL, II, 1739 ; IV, 2508 ; VI, 631 ; (...)

216L’oplomachus177

  • 178 Spect. V, 24.
  • 179 Calig. 35.

217• Une question d’origine. Les sources littéraires évoquent peu ce gladiateur, que nous connaissons essentiellement grâce à Martial178 et à Suétone179. Ce dernier dit simplement en parlant d’un certain Aesius Proculus qu’il fut enlevé de sa place par Caligula, puis traîné dans l’arène où il dut combattre d’abord un thraex, puis un gladiateur armé de toutes pièces qu’il nomme hoplomaque. Mais ce que signifie « armé de toutes pièces » dans la bouche de Suétone, nous ne le savons pas.

  • 180 DAGR, s.u. gladiator, p. 1585.
  • 181 Ville 1981, p. 376.

218Ainsi, les théories s’affrontent depuis plus d’un siècle pour tâcher d’identifier ce gladiateur. Selon G. Lafaye180 : « L’oplomachus doit son nom au bouclier long dont il se couvre ; ses armes étant celles du Samnite, il ressemble au secutor », mais G. Ville181 reconnaît qu’il est bien difficile de savoir à quoi il ressemble.

  • 182 Robert 1940, p. 307.
  • 183 Golvin, Landes 1990, p. 234.
  • 184 C’est également ce que pense R. Sablayrolles (Lattes 1987, p. 37) : « L’oplomachus (δπλόμάκος en g (...)
  • 185 Junkelmann 2002, p. 121.
  • 186 Teyssier-Lopez 2005, p. 75.
  • 187 Et peut-être même aux héros de l’Iliade. Un affrontement entre deux combattants figurés sur cérami (...)
  • 188 Selon Polybe (XVIII, 29), elle mesure seize coudées (7,25 m), mais Élien (XIV, 2) parle de quatorz (...)
  • 189 En effet, les Grecs connaissent des boucliers ronds plus petits comme le laiséion. Un exemplaire a (...)

219Néanmoins, il reprend l’hypothèse de L. Robert182 pour qui ce combattant est un « gladiateur à la lance », et ajoute qu’il utilise également la parma. J.-C. Golvin183 le définit comme un gladiateur lourdement armé184, mais M. Junkelmann185 précise sa parenté avec la panoplie du thraex, comme d’ailleurs E. Teyssier186 qui voit dans ce combattant : « une évolution progressive du Thrace avec lequel il partage plusieurs éléments de son équipement » et notamment les deux ocreae. Il y a donc d’un côté ceux qui pensent que l’oplomachus est un scutatus (Lafaye, Golvin) et de l’autre ceux qui identifient ce gladiateur comme un parmatus (Ville, Junkelmann, Teyssier). Le mot hoplomachus pourrait en effet définir un gladiateur qui combat avec un hoplon ou qui attaque avec un hoplon, et être considéré comme une armatura « ethnique » lourde qui renvoie aux guerriers prestigieux de la Grèce classique187, voire aux Macédoniens. Proche du thraex, il évoquerait également cet Orient fabuleux, et sa panoplie s’inspirerait de celle des hoplites. Son armement se compose de deux ocreae (les cnémides), d’une lance qu’il ne projette pas (comme la sarissa qui toutefois est beaucoup plus longue188), d’un pugio (qui rappelle le parazonium, cette épée courte qui se porte à droite sur la ceinture), d’un clipeus rond (l’hoplon mais avec un diamètre proche du laiséion189) et d’une galea qui est parfois surmontée d’une aigrette. C’est équipé exactement de cette manière (sans le pugio toutefois), qu’il figure sur un médaillon de lampe (L47) découvert à Clermont-Ferrand. Mais généralement, comme à Vindonissa (L30), c’est le pugio qui apparaît le plus souvent alors que la lance n’est pas représentée. Ainsi, le poignard est un attribut qui semble essentiel et l’oplomachus doit savoir le manier au moins aussi bien que la lance, puisqu’une lampe découverte à Vaison-la-Romaine (L52) montre un oplomachus muni d’un pugio s’entraînant au palus. Néanmoins, dans la lutte qui oppose l’oplomachus au thraex ou au murmillo, la lance lui confère un certain avantage technique. D’ailleurs, le thraex, muni d’un petit bouclier, face à l’arme d’hast d’un gladiateur bénéficiant des mêmes attributs défensifs que lui, semble être un opposant plus vulnérable, alors que le murmillo armé d’un long bouclier possède un atout offensif considérable pour remporter la lutte.

  • 190 CIL, IV, 2508.
  • 191 Nous avons déjà soulevé l’ambiguïté du médaillon L13 sur lequel la profondeur du bouclier du gladi (...)

220• L’oplomachus contre le thraex : une lutte « fratricide » inéquitable ? L’existence de cette lutte est connue grâce à une inscription retrouvée à Pompéi190, où deux abréviations O (plomachus) et T (hraex) désignent ces catégories. Les lampes en terre cuite et surtout l’iconographie de la céramique sigillée fournissent un certain nombre de représentations qui mettent en scène ces gladiateurs. Ils apparaissent en situation de combat dans l’atelier des Martres-de-Veyre, où un oplomachus protégé par deux ocreae et armé d’un clipeus poursuit un thraex (S112, S113, S114, S115, S116). On les retrouve encore face-à-face, prêts à combattre ou en plein affrontement (?), à Lezoux (S124), mais les scènes les plus originales proviennent sans aucun doute de La Graufesenque. Elles privilégient l’issue du combat, au moment où le vainqueur debout brandit son clipeus en direction du vaincu agenouillé (S111, S111bis). Une scène identique figure sur un médaillon de lampe mis au jour à Lyon (L8)191 sur lequel le personnage au sol pourrait être un thraex. L’iconographie d’une deuxième lampe (L35) découverte à Vindonissa montre peut-être un oplomachus à la lance face à un thraex genou gauche fiché en terre.

  • 192 Comme sur une scène qui oppose un retiarius à un murmillo dans l’atelier de La Graufesenque (S69). (...)

221Sur l’ensemble de ces représentations, la situation du thraex à la sica n’est pas enviable. Aux Martres-de-Veyre par exemple, malgré les lacunes de l’armement de son adversaire, il ne fait que fuir le visage tourné en direction de son poursuivant. Il ne semble pas mettre en œuvre une technique de lutte particulière, qui aurait pour but d’affaiblir son vis-à-vis grâce à cette débâcle, puisque les combattants utilisent chacun deux ocreae qui ne favorisent pas vraiment leurs déplacements. Lorsqu’ils sont face-à-face comme à Lezoux (S124), il est intéressant de constater que la stature de l’oplomachus est beaucoup plus imposante que celle du thraex. Ce dernier pourtant bien protégé par son casque, sa parma et ses ocreae paraît minuscule face à son adversaire qui, bien déterminé, tend son bras gauche armé du clipeus dans sa direction. On peut d’ailleurs se demander si ce geste constitue une attaque au bouclier (comme sur la lampe L64 opposant deux thraeces) ou un signe particulier signifiant autre chose. Les scènes d’issue du combat sont, elles aussi, très intéressantes à analyser, puisque sur l’ensemble de ces modèles le thraex est toujours vaincu. Un genou fiché dans le sol, il fixe son adversaire victorieux, qui tend vers lui son bras gauche armé du clipeus (S111, L8). Parfois, il lui tourne le dos (S111bis), la main gauche levée pour demander grâce, alors que son pied gauche repose sur une sorte de piédestal192 et que l’attitude du vainqueur reste identique.

222Sur toutes ces représentations, l’attribut avec lequel l’oplomachus termine le combat est le pugio. Est-ce l’arme avec laquelle il a mené toute la lutte ou possédait-il également la lance pour affronter le thraex ? La situation de ce gladiateur, toujours perdant sur ces exemples, pourrait traduire la supériorité panoplitique et technique de l’oplomachus à la lance. Le pugio serait simplement employé pour conclure le combat.

223En effet, si la mise à mort au gladius est naturelle pour des armaturae utilisant cet attribut comme arme principale, nous pensons qu’il est peu probable qu’un oplomachus tue son adversaire avec sa lance, comme il paraissait inconcevable qu’un retiarius frappe à mort le perdant avec son trident. Ainsi, si l’usage par ces deux catégories d’un pugio est compréhensible d’un point de vue technique, celui-ci doit également servir à la mise à mort du vaincu. Mais revenons à l’utilisation de la lance par l’oplomachus. Deux scènes permettent peut-être de découvrir cet attribut dans un duel thraex/oplomachus. Il s’agit de la lampe L35 de Vindonissa et de la scène S125 issue de l’atelier de Heilligenberg, deux représentations difficiles à interpréter :

224➤ La lampe L35

225Elle figure bien un thraex situé dans la partie droite du médaillon. Est-il agenouillé ou en pleine course prêt à jaillir sur son adversaire ? Ce dernier d’ailleurs correspond-il à la catégorie des thraeces, des murmillones ou des oplomachii ? La main droite semble maintenir une hampe, et un bouclier figure peut-être au bras gauche. Quant à sa taille, elle ne paraît pas disproportionnée. D’autre part, l’attitude du thraex rappelle ce modèle issu de la céramique sigillée (S111) sur lequel le vaincu genou fiché dans le sol fixe l’oplomachus victorieux.

226➤ La scène S125

227Sur cette représentation, l’oplomachus est parfaitement représenté. Coiffé d’un casque à aigrette, il protège ses jambes avec des ocreae, porte un clipeus rond au bras gauche et tient une lance courte dans sa main droite. Face à lui toutefois, le gladiateur qui lui tourne le dos en adoptant l’attitude du penseur est difficilement identifiable. Appartient-il à la catégorie des murmillones ou des thraeces ? Cette reproduction de F. Oswald (nous avons souligné à maintes reprises le problème d’interprétation de ses dessins) présente un gladiateur qui utilise, semble-t-il, deux ocreae, qui porte également une manica au bras droit, ainsi qu’une galea dont le cimier ou l’aigrette manque. Il pourrait évoquer le thraex, mais sa main droite repose sur un bouclier long qui n’est pas une parma. Cet attribut renvoie d’emblée au murmillo, et l’absence de gladius rend plus difficile encore l’identification de cette catégorie. Cependant, l’attitude du personnage rappelle indiscutablement la situation de fin de combat des autres thraeces issus de l’atelier de La Graufesenque ou de ceux figurés sur les médaillons de lampe de Lyon ou de Montans. Mais, surtout, la présence de la lance accentue encore cette impression de supériorité de l’oplomachus qui, sur l’ensemble des autres modèles, se sert d’un pugio pour venir à bout du thraex.

228Cette opposition fratricide semble peu équitable, car en plus de posséder pratiquement le même équipement défensif que le thraex, à l’exception du bouclier, l’oplomachus bénéficie d’une arme longue qui établit un « glacis défensif » entre les deux adversaires. C’est un avantage considérable contre un combattant bénéficiant d’un petit bouclier, protection mal adaptée pour contenir les coups de la lance. En effet, qu’il s’agisse du secutor face au retiarius armé du trident, ou du murmillo face à l’oplomachus, tous deux bénéficient d’un imposant bouclier avec lequel ils peuvent contrer les frappes répétées de l’arme d’hast. Il leur est d’ailleurs possible, grâce à la dimension de leur scutum, de briser la hampe de leur vis-à-vis lorsque celle-ci est dirigée vers le sol. Mais cette technique ne peut en aucun cas être appliquée par le thraex, qui subit plus violemment les attaques à la lance.

  • 193 Conservé au Musée de la civilisation romaine, Rome (A. Hönle, A. Henze, Römische Amphitheater und (...)

229Néanmoins, on peut se demander si le thraex ne connaît pas parfaitement les astuces de combat développées par l’oplomachus, et si lui-même ne combat pas dans cette armatura à d’autres occasions ! Il n’en demeure pas moins que cette opposition fratricide oplomachus-thraex, dont la céramique sigillée donne de remarquables exemples, nous semble inéquitable. De surcroît, la fonction défensive du clipeus rond de l’oplomachus paraît secondaire sur ces représentations, et une seconde fonction « percussive » prédomine. Très souvent en effet, le bouclier adopte une position déterminante dans la construction de l’image : il est brandi à La Graufesenque (S111bis) et attire l’attention par sa position pratiquement centrale. On voit distinctement la profondeur de l’attribut et sa forme semi-sphérique. Elle ne manque pas de rappeler ce bas-relief du Ier siècle av. J.-C. trouvé à Rome193, sur lequel un oplomachus jaillit vers un thraex pour percuter son visage avec son clipeus. À Lezoux (S124 et S128), le clipeus rond est beaucoup plus volumineux, et sa position centrale est encore plus marquée. Il est bien mis en valeur dans la construction iconographique de la scène, et son importance est d’ailleurs accentuée par la haute taille de l’oplomachus qui le brandit.

230Malgré la suprématie de ce dernier sur le thraex, une certaine reconnaissance est peut-être accordée au vaincu sur une représentation issue de l’atelier de La Graufesenque. L’attitude du perdant vis-à-vis du clipeus brandi par l’oplomachus victorieux mérite une précision. Sur la scène S111bis notamment, le thraex tourne le dos au gagnant et son pied gauche repose sur un objet quadrangulaire défini comme un piédestal. Cet élément permet peut-être de louer la bravoure du vaincu et son opiniâtreté. Il mérite ainsi qu’on lui accorde sa grâce ! Nous y reviendrons. Mais la hardiesse du thraex au combat n’est pas suffisante, et l’oplomachus demeure techniquement supérieur à son adversaire. Cette supériorité se traduit par l’usage de la lance, mais aussi du clipeus rond – un élément de frappe déterminant dans cette opposition entre petits boucliers – une arme mieux adaptée à la percussion que la parma. De cette manière, contre le murmillo – un véritable scutatus bien protégé derrière son bouclier long et cintré, véritable rempart défensif – l’oplomachus éprouve sans doute plus de difficulté à remporter la victoire.

  • 194 CIL, IV, 2508.
  • 195 Mais le gladiateur de la scène S128 qui demande grâce sous la menace d’un oplomachus est peut-être (...)
  • 196 Ville 1981, p. 410-411.
  • 197 C’est d’ailleurs étrange pour un murmillo qui porte généralement une seule ocrea à la jambe gauche
  • 198 Le bouclier rond que nous avons choisi d’appeler clipeus, pour mieux le différencier de la parma c (...)

231• Un rééquilibrage des forces : l’affrontement oplomachus-murmillo. Cette opposition, connue également grâce à l’inscription de Pompéi194 sur laquelle on découvre le couple O (plomachus) M (urmillo), est pourtant peu représentée sur la céramique. Une scène seulement figure sur la sigillée195 (S126, mais elle se répète plusieurs fois, cf. 126a, 126b, 126c, 127), tandis qu’une autre scène, très connue pour avoir été étudiée par G. Ville196, décore un médaillon de lampe (L70) conservé au Cabinet des médailles à Paris. La mosaïque offre toutefois deux représentations de cet appariement, à Bad Kreuznach (4) ainsi qu’à Augst (2). Les modèles des céramiques datent de la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C., alors que l’iconographie des mosaïques se situe plutôt fin IIe, début du IIIe siècle apr. J.-C., une période qui constitue peut-être l’apogée de ce duel. Sur la céramique sigillée comme sur le médaillon de lampe, l’oplomachus privilégie son pugio, car il a peut-être dû abandonner sa lance brisée ou projetée par le scutum de son adversaire. Sur les scènes S126, les deux gladiateurs sont face-à-face (comme à Bad Kreuznach) et la différence de taille des boucliers est révélatrice. Le murmillo s’abrite derrière un long scutum, tandis que l’oplomachus tient un petit clipeus rond dans sa main gauche. Chacun porte une manica, un casque et des ocreae197. Il s’agit bien, dans cette situation, d’une opposition parmatus198/scutatus mais rien ne permet de dire quel combattant va remporter la lutte, malgré l’absence de lance. La lampe L70 fournit peut-être un élément de réponse. Le murmillo situé dans la partie droite du médaillon brandit son gladius, alors que son scutum couvre toujours son flanc gauche. Il vient, bien sûr, de remporter la victoire sur son adversaire épuisé placé à gauche. Celui-ci, aidé par deux ministri, manque d’air et l’un des personnages s’apprête à lui ôter sa galea. Il a probablement lutté jusqu’à ses dernières forces et, malgré son acharnement, le murmillo a remporté la victoire. Cette scène témoigne magistralement du rééquilibrage des forces dans un affrontement murmillo/oplomachus. Mais elle ne montre pas non plus un oplomachus fuyant son vis-à-vis ou se jetant sur le sol pour demander grâce. Bien au contraire, quoique soutenu et très affaibli, il conserve toujours ses armes en main. D’autre part, si l’on analyse certaines représentations sur lesquelles l’oplomachus est armé de la lance, on s’aperçoit que le murmillo n’est plus aussi fringant. C’est le cas à Bad Kreuznach et à Augst.

232➤ Bad Kreuznach (4)

  • 199 Deux représentations témoignent de cette technique de lutte. L’une figure sur la mosaïque de Zlite (...)

233Les deux gladiateurs sont face-à-face en train de lutter. L’oplomachus n’a plus son bouclier, mais il projette sa lance vers son adversaire. Comme lorsqu’il affrontait le thraex sur la céramique sigillée, il paraît plus imposant. Mais c’est surtout le positionnement de la pointe de sa lance qui est primordial, puisqu’il indique qu’il cherche à toucher le visage. C’est, en effet, une faiblesse chez le murmillo, une zone fragilisée que l’oplomachus va essayer d’atteindre par tous les moyens en multipliant les frappes en direction de la tête199.

234➤ Augst (2)

  • 200 Une peinture murale datée du IIe siècle apr. J.-C., retrouvée dans la villa de Mechern bei Merzig (...)

235Sur ce panneau, l’oplomachus possède toutes ses armes, et il projette sa lance vers un murmillo. Celui-ci a abandonné son scutum qui gît derrière son adversaire, et s’enfuit en direction de la gauche tout en fixant la trajectoire de l’arme qui a bien failli le meurtrir. Il préfère abandonner la lutte plutôt que d’avoir à craindre une blessure grave. Le rôle de l’hast est bien mis en valeur, notamment son « amplitude offensive » qui s’adapte selon la proximité ou l’éloignement de l’opposant200. Avec la lance, l’oplomachus assène des coups réguliers en direction de la tête qui peuvent être très violents. Ainsi, pour contrer ces attaques, le murmillo doit manier le plus habilement possible son scutum, mais il a tout intérêt à briser la lance au plus vite ou à obliger son rival à abandonner son arme. Car, si l’oplomachus s’épuise peu en maniant cet attribut, les mouvements répétés par le lourd bouclier du murmillo pour faire écran aux coups de pointes l’affaiblissent considérablement. De cette manière, ses déplacements deviennent plus difficiles, son épuisement s’accélère, et sa protection devient un fardeau plus qu’un avantage. En conservant sa lance, nous pensons que l’oplomachus vient donc à bout de son adversaire dans la majeure partie des cas. Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’en l’absence de cette arme il est voué à l’échec, comme en témoigne la lampe conservée à Paris. Il devra simplement lutter avec son pugio et son clipeus comme sur la scène S126a de l’atelier de La Graufesenque. Avec cette panoplie réduite, il semble moins probable qu’il cherche à percuter la tête de son rival avec sa rondache, car le scutum de ce dernier forme un véritable rempart de protection.

  • 201 Voir à ce sujet la reconstitution très intéressante d’un combat entre un thraex et un murmillo pro (...)

236L’étude de la lutte du thraex contre le murmillo apportera peut-être des éléments de réponse. La technique utilisée par le thraex est semble-t-il basée sur la rapidité d’exécution des mouvements et le contournement du scutum pour mieux atteindre le cou de l’adversaire201 et les parties du corps les plus exposées. Si le combat de l’oplomachus contre le murmillo semble déjà plus équitable, l’emploi de la lance reste un atout majeur pour remporter la victoire. Cependant comme le prouve l’iconographie qui offre de nombreuses représentations de l’affrontement thraex/murmillo, cet appariement reste sûrement le meilleur compromis dans une opposition scutatus/parmatus.

237Le murmillo

  • 202 Calig. XXXII.
  • 203 Certaines inscriptions témoignent également de cette opposition. Cf. CIL, IV, 2508 : T (hraex). M (...)
  • 204 Murmillonem e ludo rudibus secum battuentem et sponte prostratum confodit ferrea sica ac more uict (...)
  • 205 DAGR, s.u. gladiator, p. 1588, fig. 3585.

238À l’origine, le murmillo lutte contre le retiarius. Dans cette opposition, il privilégie une panoplie légère et combat généralement à visage découvert. Mais, à la lecture de Suétone202, on apprend qu’il peut également affronter le thraex203, qui dans ce passage n’est autre que l’empereur Caligula : « Un mirmillon d’une école de gladiateurs, qui s’exerçait à la baguette avec lui, s’étant laissé tomber volontairement, il le perça d’un poignard de fer et se mit à courir en tous sens avec une palme, à la façon des vainqueurs204 … » Ainsi, dans ce duel scutatus/parmatus, le murmillo se heurte à un adversaire très différent du gladiateur au trident, tout aussi vivace et agile, mais mieux protégé puisqu’il bénéficie d’un bouclier. Pourtant, si l’on s’intéresse à la genèse de cet appariement, dans un premier temps en tout cas (peut-être jusque vers 50 apr. J.-C.) le murmillo conserve contre le thraex un armement dépouillé, pratiquement similaire à celui qu’il emploie contre le retiarius. C’est ce qui apparaît sur un médaillon de lampe205 sur lequel ce combattant ne porte aucune protection et lutte simplement armé d’un gladius, d’un casque qui ne couvre pas le visage et d’un scutum hexagonal face à un thraex muni d’ocreae et de fasciae au coude.

  • 206 Calig. LV.
  • 207 Myrmillonum armaturas recidit.

239Est-ce à la suite de la réforme de Caligula qui, selon Suétone206, « réduisit l’armure des mirmillons207 » ? Il est difficile de le dire et même d’interpréter cette information, car la panoplie du murmillo semble déjà très dépouillée avant même cette nouvelle modification de l’empereur, qui ne semble avoir été appliquée qu’à Rome. Progressivement donc, murmillones et thraeces vont améliorer leur équipement défensif. Le thraex va privilégier des ocreae plus imposantes, couvrir ses cuisses de cuissards, et renforcer son bras qui brandit la sica avec une manica comme sur la scène S81bis de l’atelier de La Graufesenque datée de la seconde moitié du Ier siècle apr. J.-C. Mais il semble que la faiblesse défensive du thraex s’atténue déjà à partir du deuxième quart du Ier siècle apr. J.-C. Quant au murmillo, s’il continue d’affronter cet adversaire avec un scutum hexagonal (S79a et b, S81, S81bis) jusqu’au début du IIe siècle apr. J.-C. (S84), c’est sans doute l’avènement du scutum rectangulaire, qui supplante ce premier modèle de bouclier dès la fin du Ier siècle apr. J.-C., qui permettra d’enclencher une véritable mutation panoplitique.

  • 208 Historia. XXIII, 6, 83.
  • 209 Pedites enim, in speciem myrmillonicum contecti, iussa faciunt ut calones ; sequiturque semper hae (...)

240• Une mutation panoplitique. En effet, la forme enveloppante du scutum rectangulaire (S89, L31, L70) protège davantage le murmillo. Sa haute taille permet surtout de coller au rebord du casque, et l’ajout d’une ocrea à la jambe gauche complète le processus de verrouillage du corps. Si les lampes donnent déjà un bon aperçu de cette amélioration défensive pour la fin du Ier siècle apr. J.-C., ce sont surtout les céramiques sigillées de la première moitié du IIe siècle apr. J.-C. qui permettent de saisir cette évolution panoplitique capitale. Il est donc possible de suivre l’alourdissement de l’équipement de ce gladiateur tout au long du IIe siècle apr. J.-C. À Lezoux (S85) vers 100-150 apr. J.-C, le scutum est plaqué contre le corps du murmillo et le protège parfaitement des coups de sica du thraex. Mais c’est en Gaule de l’Est, à Mittelbronn (S101) vers 140 apr. J.-C., à Lavoye (S102) vers 140-160 apr. J.-C. et à Heiligenberg (S103) vers 135-145 apr. J.-C., que cette impression de barrière infranchissable est la plus marquée. En effet, casque à rebord (les modèles ne permettent pas de dire s’il est muni d’une visière grillagée), scutum rectangulaire cintré et ocrea constituent un véritable mur défensif face au thraex. Ce murmillo du IIe siècle apr. J.-C. n’a vraiment plus beaucoup de points communs avec le gladiateur du Ier siècle apr. J.-C. opposé au retiarius. Il s’agit désormais d’une armatura lourde, fidèle aux descriptions fournies plus tardivement par Ammien Marcellin208 au sujet des fantassins de l’armée perse qui assistent la noblesse et qu’il compare aux murmillones : « Car les fantassins, tous bardés à la ressemblance des myrmillons, sont à leurs ordres comme de simples valets d’armée. Ils sont constamment escortés de cette masse, qui semble assujettie à une servitude perpétuelle, sans jamais avoir le réconfort d’une solde ou d’une gratification209. » C’est donc face à un adversaire à l’armement quasi infranchissable que le thraex va devoir lutter. À l’inverse de l’oplomachus, qui peut déstabiliser à distance le murmillo et réaliser un travail de sape très minutieux, le gladiateur à la sica doit s’approcher le plus possible de son ennemi pour le toucher.

241Le support céramique permet-il de découvrir certaines techniques de combat propres au thraex ?

242• L’attaque du thraex. Le couple thraex/murmillo est très fréquemment représenté sur sigillée. Une vingtaine de scènes environ permet de découvrir les deux adversaires au combat, mais dans la grande majorité des cas ils sont face-à-face.

243À La Graufesenque (S79a, S79b), quoique proche de son vis-à-vis, rien n’indique un mouvement particulier du thraex pour tenter de le surprendre. C’est également la même attitude sur une autre scène du même atelier (S81), contre un murmillo bénéficiant d’un scutum hexagonal qui le rend plus vulnérable. On retrouve d’ailleurs ce face-à-face à Lezoux (S85), à Mittelbronn (S101), à Lavoye (S102) et dans l’ensemble des autres ateliers sans que l’on décèle une quelconque variante iconographique caractérisant une attaque. Aucun mouvement de sica n’est mis en valeur, ni même une parade du bouclier. À Blickweiler toutefois (S105), le thraex baisse sa garde et découvre son torse dans l’espoir peut-être d’obtenir une réaction offensive du murmillo, un déplacement qui lui permettrait de tenter une contre-attaque. À La Graufesenque enfin, une scène (S82c) diffère notablement des autres représentations, puisque le thraex placé derrière le murmillo brandit sa parma vers son adversaire, alors que sa main droite armée de la sica s’apprête peut-être à frapper. Le murmillo quant à lui se jette au sol, scutum au bras droit, et lève sa main gauche pour demander grâce. On retrouve ce mouvement de la parma sur plusieurs médaillons de lampe (L22, L23, L33 scène identique à celle qui apparaît sur la sigillée), et l’on remarque que l’oplomachus brandit lui-aussi son bouclier à la façon du thraex (S111, S111bis, S124, S128, L8) pour percuter son adversaire. S’agit-il d’une phase logique dans la progression du combat du thraex qui, au même titre que son homologue, privilégie la percussion au bouclier ? C’est une possibilité, même s’il paraît bien difficile de projeter sa parma vers un gladiateur bénéficiant d’un long scutum, dont la panoplie constitue de surcroît une barrière imperméable. Mais cette technique mérite d’être envisagée, puisque un médaillon de lampe (L64) retrouvé à Arles témoigne parfaitement de l’importance du bouclier dans la lutte menée par le thraex contre son semblable, et nous avons également souligné le rôle capital du clipeus rond de l’oplomachus face à ce même gladiateur. L’analyse de l’opposition thraex/murmillo sur le support mosaïque permettra peut-être de confirmer cette hypothèse.

244• L’apport des mosaïques. Nous possédons trois scènes d’affrontement entre le murmillo et le thraex sur ce matériau. L’une provient de Reims, l’autre de Bad Kreuznach et la dernière d’Augst. Chacune propose une scène de combat très différente.

245➤ Reims (32-33)

246Le thraex tient sa sica dans la main droite, tandis qu’un bouclier triangulaire est plaqué sur son corps. Le positionnement des jambes est inhabituel et illustre peut-être la phase qui suit la projection du bouclier. Mais elle peut vouloir dire également qu’il va une nouvelle fois lancer son arme vers son adversaire, comme il le fait sur la céramique sigillée, alors que ce dernier se trouve au sol. C’est peut-être le moment qui précède cette soumission du murmillo qui figure sur ce pavement : désarmé, il cherche à demander grâce comme l’indiquent le mouvement de ses mains et le placement de ses jambes. Outre le fait qu’un thraex vient à bout d’un murmillo sur cette représentation, c’est le positionnement du bouclier, mais aussi l’articulation de la jambe gauche qui témoigne d’un déplacement.

247➤ Bad Kreuznach (2)

248Cette scène est sans doute la plus originale, puisque le thraex est mis à mal par la charge du murmillo. Cette attaque est réalisée avec le scutum, preuve que ce bouclier peut également servir comme arme de percussion ou d’esquive pour un scutatus. En effet, le thraex en déséquilibre, le bras droit projeté vers son adversaire, a sans doute tenté de percuter le premier son vis-à-vis, mais celui-ci a anticipé l’attaque en réagissant plus rapidement. Il est donc tout à fait possible de penser qu’un choc entre boucliers s’est produit. D’ailleurs la parma du thraex ne repose pas sur le sol, mais continue sa chute. Ce n’est donc pas la tête du thraex que le murmillo a cherché à viser. Il a simplement réagi à une offensive lancée par son adversaire en déviant la trajectoire de la parma d’un coup violent qui a propulsé l’attribut dans les airs.

249➤ Augst (4)

  • 210 Teyssier-Lopez 2005, p. 42-43.

250Sur cette représentation, c’est le murmillo qui se trouve en position de force, puisqu’il est placé derrière le thraex qui abandonne ses armes pour demander grâce. Sa main gauche ouverte vient de lâcher la parma, alors qu’il serre encore sa sica. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer, entre le corps du gladiateur et son bras gauche, un filet de tesselles orangé qui sert peut-être à matérialiser la chute du bouclier. Le même traitement est probablement réservé à la parma qui tombe sur le sol à Bad Kreuznach, puisqu’un surlignage de tesselles noires semble indiquer la chute de l’arme. Si la céramique sigillée fournit de précieux indices concernant l’importance de la parma dans la lutte du thraex, la mosaïque de Bad Kreuznach conforte notre hypothèse sur le maniement du bouclier. Ce dernier tient, semble-t-il, une place privilégiée dans le combat, mais d’autres armaturae comme celle du murmillo peuvent s’en servir pour affronter leur vis-à-vis210. Quant à la sica, force est d’admettre que la sigillée ne permet pas de retrouver les mouvements réalisés avec cet attribut. Néanmoins, la variété de ses formes témoigne d’un usage particulier et précis. Signalons que d’une manière générale, l’utilisation du gladius n’est pas mise en valeur sur la céramique sigillée et les contacts de lame comme les touches au corps sont absents des représentations. Ce constat est identique concernant les séquences de combat qui restent souvent très peu diversifiées. L’exemple de la lutte entre le murmillo et le thraex l’illustre parfaitement, puisque deux situations seulement sont privilégiées : le face-à-face et l’issue du combat, même si quelques scènes de poursuite s’engagent parfois entre les combattants.

251Nous voudrions terminer ce développement par les tunicati, ces protagonistes du munus qui ne luttent pas vêtus d’un subligaculum, mais d’une tunique. Deux d’entre eux évoluent au sein d’armaturae déjà étudiées, celles des retiarii et des thraeces, mais les equites et peut-être même les prouocatores constituent une catégorie de gladiateurs tunicati tout à fait singulière.

Les tunicati, des gladiateurs différents ?

  • 211 Satire, II, 143-144.
  • 212 Satire, VIII, 207-208.
  • 213 Credamus tunicae, de faucibus aurea cum se porrigat et longo iactetur spira galero.
  • 214 Calig. XXX.
  • 215 Retiari tunicati quinque numero gregatim dimicantes sine certamine ullo toti dem secutoribus succu (...)
  • 216 D. Nikolov, « L’ensemble du forum d’Augusta Trajana », Bulletin de l’Institut d’archéologie bulgar (...)

252Les sources littéraires renseignent essentiellement sur des retiarii tunicati. Juvénal211 parle d’un certain Gracchus qui, accoutré de la sorte, fuit son poursuivant dans l’arène212 : « Il faut en croire nos yeux : il est en tunique et, de son cou, se déroule un cordon doré qui ballotte à son épaulière allongée213. » Mais Suétone214 évoque cet habit en ces termes : « Une troupe de cinq rétiaires, vêtus d’une simple tunique, s’était laissé battre sans aucune résistance par un nombre égal d’adversaires215 … » Cette tenue n’est pourtant jamais utilisée par les retiarii qui figurent dans nos catalogues. Elle constitue d’ailleurs un attribut inhabituel pour cette catégorie, très rarement représenté dans l’iconographie. Une occurrence est connue sur un relief en marbre provenant d’Augusta Traiana en Thrace216, sur lequel un personnage tient un emblème énigmatique dans sa main droite, ainsi qu’un trident dans sa main gauche. La présence de cet attribut pousse à voir dans ce personnage un retiarius, dont le vêtement est une tunique à manches longues descendant jusqu’aux genoux, retenue par une ceinture placée sur les hanches.

253Que savons-nous exactement de cette tenue ? Et surtout, pourquoi certains gladiateurs comme le thraex, le prouocator et l’eques la revêtent-il, alors qu’habituellement c’est le subligaculum qui est privilégié ?

La tunique, un vêtement féminin ?

  • 217 Ce terme est récent et n’a à Rome aucune signification (nous l’utiliserons par commodité). Le Roma (...)
  • 218 Dans la Satire, II, 117-142 on apprend que Gracchus s’est marié à un joueur de cor. Juvénal écrit (...)
  • 219 Noctes Atticae. V, XII.
  • 220 Tunicis uti uirum prolixis ultra brachia et usque in primores manus ac prope in digitos, Romae atq (...)
  • 221 Voir P. Heuzé, L’image du corps dans l’œuvre de Virgile, Paris-Rome, École française de Rome, 1985

254Il semblerait que l’usage de la tunique ait une connotation négative. Ainsi, lorsque Gracchus s’exhibe dans l’arène affublé de ce vêtement, celle-ci contribue à souligner son homosexualité217, voire sa lâcheté218. D’ailleurs, sous la plume d’Aulu-Gelle219, on apprend qu’il est déshonorant pour un homme de porter ce vêtement, bien qu’il renseigne ici sur les tuniques longues : « Qu’un homme use de tuniques longues descendant au-delà des bras sur la naissance des mains presque jusqu’aux doigts, était déshonorant à Rome et dans tout le Latium220. » Il cite même Virgile pour appuyer ses propos, car, comme lui, le poète221 pense que les tuniques de cette sorte sont efféminées et infamantes pour un homme.

  • 222 Eas tunicas Graeco uocabulo nostri « chirodytas » appellauerunt feminisque solis uestem longe late (...)
  • 223 Voir toutefois l’article de V. Huet, « À la recherche de la jeune fille sur les reliefs historique (...)
  • 224 Tacite (An. XV, 32) décrit des femmes combattantes. Pétrone (Satyricon, XLV) parle notamment d’une (...)

255Enfin, il conclut en ajoutant : « Ces tuniques nos compatriotes les appelèrent d’un mot grec chirodytae et ils jugèrent qu’un vêtement long et ample ne convenait qu’aux femmes pour protéger des regards leurs bras et leurs jambes222. » Cette dernière analyse est très intéressante, car la tunique longue semble être un vêtement réservé avant tout aux femmes223. Ainsi, à l’exception de personnages dépravés comme Gracchus, cet attribut servirait peut-être à différencier les gladiateurs des gladiatrices224, qui ne peuvent porter le simple pagne. Si aucun retiarius ne porte la tunique dans nos catalogues, en revanche deux thraeces s’en revêtent. L’un figure à La Graufesenque (S109), l’autre à Lezoux (S90). Dans l’atelier de Gaule du Sud (S109), il combat son semblable et porte une ample tunique qui descend jusqu’aux genoux. Il utilise également toutes les protections habituelles et surtout un casque à visière qui masque son visage. S’agit-il d’une femme ou cette tunique sert-elle simplement à différencier les deux gladiateurs appartenant à la même armatura ?

256En effet, l’adversaire utilise le subligaculum et, pour cette raison, il pourrait s’agir plutôt d’un homme. Mais l’opposition homme/femme dans un munus ne semble pas attestée par nos sources, ni d’ailleurs par l’iconographie. La réunion de ces deux poinçons paraît donc incompatible. S’il s’agissait d’une erreur dans le choix des modèles, nous pourrions mieux envisager la représentation de ce médaillon de lampes trouvé à Arles (L64), sur lequel deux thraeces à la sica portent exactement la même panoplie. Mais pourquoi l’adversaire de ce thraex à la tunique ne pourrait-il pas être une femme vêtue d’un simple pagne.

  • 225 Satire, I, 23.

257Nous avons déjà relaté l’exhibition de la chasseresse Mévia, dont Juvénal225 nous dit qu’elle combat le sein découvert. Et la céramique sigillée fournit une scène de ludus meridianus issue du second atelier de Trèves (S58), sur laquelle figure un personnage à la poitrine très développée. Ces deux exemples donnent une image irréfutable de la place occupée par la femme dans l’arène. Dans ce lieu d’impudeur, elle peut très bien combattre vêtue d’un simple subligaculum ! Néanmoins, la tunique semble plus sensuelle, son usage est plus sournois, elle rend l’homme efféminé, comme le dit Aulu-Gelle. Elle est en quelque sorte imprégnée par le caractère féminin, et quand une femme la porte, sa nudité sous-entendue dégage une sensation de plaisir toute différente.

258➤ La gladiatrice de Lezoux (S90)

  • 226 La finesse d’exécution du dessin est indéniable et le visage est soigneusement reproduit. Il va sa (...)

259L’armement est bien celui des thraeces mais cette fois, le personnage vêtu d’une ample tunique qui laisse l’épaule gauche nue, a le visage découvert. Les traits sont fins, réguliers, et une certaine grâce se dégage de cet individu par comparaison aux autres modèles que nous avons décrits. Même s’il s’agit d’un dessin de F. Oswald qui, à maintes reprises s’est fourvoyé dans d’étranges interprétations panoplitiques, sa restitution de la physionomie semble tout à fait acceptable226. Malgré un problème d’identification similaire concernant l’adversaire murmillo de ce protagoniste, nous pensons qu’il s’agit bien d’une femme thraex, d’une véritable gladiatrice tunicatus. Le traitement du vêtement est également remarquable et notre hypothèse concernant la vocation de la tunique se précise.

  • 227 Quem praestare potest mulier galeata pudorem, quae fugit a sexu ? Vires amat : haec tanem ipsa uir (...)

260Mais citons Juvénal qui décrit ces femmes au ludus : « Quelle pudeur peut garder une femme casquée, qui abdique son sexe ? Elle aime la force. Pourtant, elle ne voudrait pas devenir homme : la volupté est chez nous si peu de chose ! Comme il serait glorieux pour toi, les affaires de ta femme étant mises aux enchères, qu’on exhibât un baudrier, un brassard, une aigrette, une demi-jambière pour la jambe gauche ! Quel agrément aussi, si ta jeune femme ayant choisi un autre genre d’escrime, s’en allait vendre ses cuissards ? Et ce sont elles qui transpirent sous la robe la plus légère et dont une étoffe de soie accable la délicatesse227 ! » S’il renseigne assurément sur l’armatura du thraex par l’utilisation du mot « ocreas », il parle encore de la volupté de ces femmes, mais surtout de leur transpiration qui, sous une « robe légère », marque leur corps qui, ainsi, est pratiquement mis à nu. Bien que Juvénal emploie le terme cyclas, et non tunica pour décrire le vêtement de ces gladiatrices à l’entraînement, il apporte un éclairage important sur la connotation érotique de la tenue. Certes, le corps n’est pas complètement dénudé, mais l’usage de tissus diaphanes chez les gladiatrices dévoile leur anatomie et contribue à accentuer le caractère sexuel et voyeuriste de l’exhibition.

261La tunique, qui est un vêtement de dessous léger, est-elle sujette au même traitement ? C’est envisageable ! Car, si les tuniques longues sont efféminées selon Aulu-Gelle, la tunique courte portée par cette gladiatrice de Lezoux ou par ce Gracchus, « bisexuel passif » équipé en retiarius, possède elle aussi une forte connotation sexuelle. Mais peut-on supposer que la tunique, en plus d’une connotation sexuelle marquée, possède une fonction discriminatoire qui sert à établir une différence de statut au sein des armaturae gladiatoriennes ?

262Il est en effet peu probable que l’ensemble des gladiateurs tunicati soit des femmes ou des individus efféminés. Pour cette raison, ce vêtement a peut-être pour vocation de créer également une distinction au sein des catégories de gladiateurs !

Un vêtement qui établit une distinction au sein des armaturae ?

263S’il existe une distinction, de quel type s’agit-il ? Est-ce en rapport avec le statut du gladiateur dans l’arène, son ancienneté, son expérience ? Faut-il plutôt considérer cette distinction comme « sociale » ? Deux armaturae seront présentées pour tâcher de répondre à cette question : celle des prouocatores et celles des equites.

  • 228 Cicéron (Sest. LXIV, 134) mentionne toutefois son nom avec celui du Samnite.
  • 229 CIL, IV, 2483 ; V, 2884, 4502 ; VI, 7658, 10183.
  • 230 CIL, VI, 7659.
  • 231 G. Lafaye notamment écrit sur ce point : « Aussi l’opinion la plus vraisemblable et la plus généra (...)
  • 232 Végèce (Mil. II, 15) nous apprend qu’à son époque cette arme est devenue celle des légionnaires.

264 La catégorie des prouocatores. Voici une autre catégorie souvent mal identifiée, dont il est difficile de savoir quel est réellement l’équipement. En outre, nous connaissons peu de représentations de cette armatura, et rares sont les auteurs228 qui renseignent sur son activité, même si quelques inscriptions témoignent de son existence229. L’une d’entre elles230 qui, à la suite de son nom donne le sigle SPAT · (Spatarius ?), a très tôt été utilisée pour lui attribuer l’usage de la spatha231, une épée longue, dont la lame dépasse de loin celle du gladius232.

  • 233 Certains, toutefois avec des nuances comme R. Sablayrolles qui compare les armes du prouocator à c (...)
  • 234 En effet, spatha signifie également « battoir », dont les anciens tisserands se servaient pour bat (...)

265Si de nombreux auteurs contemporains ont repris cette proposition233, nous pensons que ce terme renvoie à tout autre chose234. D’ailleurs, les gladiateurs qui se servent d’une épée plus longue dans nos catalogues ne peuvent en aucun cas être pris pour des prouocatores. Les poinçons issus des ateliers trévires montrent des combattants bénéficiant d’un gladius de grande taille (P119, P121), mais les autres éléments de leur panoplie prouvent qu’ils appartiennent à la catégorie des secutores. Quant à l’étymologie du nom, elle peut également engendrer des erreurs, puisque prouocator vient de prouocatio qui signifie « provocation », « défi ». Ainsi, le prouocator pourrait être considéré comme un gladiateur qui « provoque » son adversaire par des gestes significatifs ou par une attitude bien précise. Et la céramique sigillée offre en cela plusieurs poinçons de gladiateurs qui adoptent une posture de bravade. À Lezoux (P148, P149, P150) et à Rheinzabern (P153, P154), les combattants avancent poitrine découverte et bras écartés comme pour défier leur vis-à-vis. Le modèle P151 bombe même excessivement le torse, tandis que le gladiateur P152 de l’atelier de La Madeleine tend son bras gauche protégé par un scutum pour apostropher probablement son rival. Si tous ces protagonistes emploient des attributs qui pourraient être ceux du prouocator (gladius et petit scutum surtout), d’autres éléments de la panoplie manquent ou ne permettent pas de renvoyer à cette armatura.

  • 235 Teyssier-Lopez 2005, p. 90.
  • 236 Robert 1940, no 291, pl. XIX.

266De même, le mouvement du bouclier ne peut en aucun cas être considéré comme un signe de provocation caractéristique du prouocator, puisque d’autres catégories projettent leur arme de la même manière (le thraex par exemple). Cela dans le simple but de percuter leur vis-à-vis (L64). À ce sujet, B. Lopez235 écrit : « Techniquement, le geste athlétique des prouocatores est déterminé par une série de percussions effectuées avec le bord du bouclier, technique qui provoque une sensation de violence inouïe. » Rien à voir donc avec une quelconque volonté de braver son rival en brandissant le bouclier. En excluant d’une part la piste de la spatha pour identifier le prouocator, et d’autre part l’hypothèse étymologique, nous préférons considérer l’analyse de L. Robert236 qui voyait dans le prouocator un « gladiateur à la tunique » armé du bouclier rectangulaire, d’un casque arrondi muni d’une visière, et sans doute d’un gladius proche de celui du secutor.

  • 237 Voir encore la stèle inscrite de Cyzique sur laquelle figure un prouocator à la tunique serrée à l (...)
  • 238 E. Bouley, « La gladiature et la uenatio en Mésie inférieure et en Dacie à partir du règne de Traj (...)
  • 239 « Άγροίκον πυγμή προβοκάτορα χερετερόπλον / τờν μέγαν έν σταδίοις μεικρờς έκρυψε τάφος ».
  • 240 CIL, VI, 10183. Voir également Junkelmann 2002, p. 114, pour une analyse détaillée de ce bas-relie (...)
  • 241 Conservé au British Museum.

267Si nos supports ne permettent pas de retrouver ce gladiateur tunicatus peu figuré dans l’iconographie, nous connaissons heureusement quelques représentations237 de ce combattant sur lesquelles son nom apparaît. Il s’agit du fragment de stèle funéraire du prouocator Agroicos, retrouvée à Tomis238, sur lequel le gladiateur ne porte pas d’ocrea, mais un scutum et surtout une tunique qui arrive au-dessus des genoux. L’inscription précise : « Un petit tombeau a caché le prouocator Agroicos, armé de la main gauche, grand dans les stades239. » Un bas-relief240, conservé au musée du Capitole à Rome, permet encore de découvrir le prouocator Anicetus équipé d’un bouclier rectangulaire, d’un petit gladius et d’une tunique. L’inscription précise cette fois : « D (is) · M (anibus), Aniceto · Prou (ocator) · Sp (atarius)… » Si le prouocator correspond bien à un gladiateur maniant le scutum et bénéficiant d’un petit gladius, sa singularité résulte surtout dans l’usage de la tunique. Celle-ci, bien qu’employée par deux provocatrices, Amazonia et Achilia sur un bas-relief d’Halicarnasse241, n’enlève rien à la portée de ce vêtement qui habille Agroikos et Anicetus.

  • 242 Satire, VI, 365,7-365,13. D’après le fragment d’Oxford publié par E.O. Winstedt, datant de 1899 (C (...)
  • 243 Purior ergo tuis laribus meliorque lanista, in cuius numero longe migrare iubetur Psyllus ab Euhop (...)

268S’il semble probable que la tunique permet d’établir des distinctions entre les gladiateurs, nous ne savons pas encore très bien comment celles-ci s’établissent. En effet, l’étude de l’armatura des thraeces et des prouocatores a montré que des femmes pouvaient combattre dans ces catégories. Nous aurions pu croire que cette tunique permettait simplement de différencier le sexe des gladiateurs. Mais nous venons de découvrir, avec l’étude du prouocator, qu’au sein même de cette catégorie la tunique est employée indifféremment par des hommes et des femmes. Existe-t-il alors des prouocatores au subligaculum bénéficiant d’un statut identique à celui du thraex ou du retiarius couvert de ce même pagne ? C’est-à-dire d’un statut plus noble, plus respectable, si l’on tient compte d’une satire très instructive de Juvénal au sujet des retiarii tunicati, séparés des autres retiarii242 : « Plus pur et plus honnête que tes lares est donc l’habitacle du laniste, puisque, dans sa troupe, Psyllus a consigne de se tenir à bonne distance d’Euhoplius. Bien mieux : les filets ne s’y mélangent point avec une tunique impure, et celui qui a l’habitude de combattre nu ne dépose pas dans la même cellule ses épaulières et le trident qui frappe l’adversaire. La partie la plus reculée de l’école reçoit ces êtres-là, et même en prison ils ont leurs ceps spéciaux243 ? » Il semble difficile d’éclairer cette question, même si nous pensons que comme l’eques, le prouocator lutte exclusivement vêtu d’une tunique. Nous aurions ainsi trois types de gladiateurs tunicati : des femmes, des combattants « impurs » selon Juvénal et des combattants au statut différent, comme le prouocator ou l’eques. Concernant la femme, les raisons évoquées semblent valables, mais pour les combattants « impurs », l’auteur fait-il encore référence à des individus semblables à Gracchus, c’est-à-dire des efféminés ? Ou utilise-t-il ce vocable pour insister sur des gladiateurs lâches au combat ? Enfin, si nous considérons le prouocator et l’eques comme tunicatii parce qu’ils bénéficient d’un statut différent, de quelle différence de statut s’agit-il exactement ?

  • 244 CIL, VI, 4334, 10167 ; IX, 465 ; X, 7364.
  • 245 Néanmoins, deux gladiateurs figurés sur un médaillon de lampe trouvé à Lyon (L7) posent un problèm (...)
  • 246 S’agit-il réellement de la spatha employée par les cavaliers de la légion ? Apulée (Métamorphoses, (...)

269• La catégorie des equites244. Ils sont justement très facilement identifiables parce qu’ils portent une tunique, mais aussi parce qu’ils luttent armés d’une parma ronde245. C’est équipé exactement de cette façon que l’un d’entre eux figure sur un médaillon de lampe trouvé à Trèves (L17). On devine encore deux autres attributs caractéristiques : le petit casque, cassis, et le gladius long246. Très peu cités dans les sources littéraires, ils n’apparaissent jamais sur la céramique sigillée.

  • 247 Sest. 59, 126.
  • 248 Orig. XVIII, 53.
  • 249 Nous connaissons trois occurrences sur lampes (Bailey 1980, Q. 789, Q. 795, Q. 875) sur lesquelles (...)
  • 250 Bouley 2001, p. 244-246.
  • 251 CIL, IV, 2437.

270Cicéron247 en parle brièvement, mais Isidore de Séville248 fournit sans doute les indications les plus intéressantes à leur sujet, puisqu’il dit que ces gladiateurs à cheval ouvrent les combats et luttent entre eux. Étrangement, leurs montures ne sont pratiquement jamais figurées dans l’iconographie249, et c’est l’affrontement au sol qui est privilégié. Un médaillon de lampe de Vindonissa (L38) témoigne parfaitement de cette opposition fratricide, puisque deux galeae identiques s’opposent, entourées par deux gladii et deux lances. Ce dernier attribut apparaît rarement lui aussi, puisqu’il s’emploie exclusivement à cheval. L’information donnée par Isidore de Séville constitue peut-être un indice important qui permettrait de comprendre pourquoi ces equites portent la tunique. S’agit-il d’un vêtement réservé à des gladiateurs novices, une sorte de première catégorie de combattants, dont le but est de proposer un duel de transition entre les ludi meridiani et le munus ? Faut-il considérer ce combat d’equites comme une mise en bouche avant l’exhibition de catégories plus attendues, ou s’agit-il d’un simple lever de rideau comme il arrive parfois dans nos exhibitions sportives actuelles ? À Thasos250, un compte rendu de munus signale un affrontement de cavaliers débutants. Mais la tunique peut aussi vouloir dire que les equites appartiennent à une même troupe, une turma251 qui permettrait de les différencier des autres gladiateurs. L’analyse de leur affrontement bien figuré sur trois mosaïques, celles de Reims, d’Augst et de Bad Kreuznach, aidera peut-être à corroborer ces hypothèses :

271➤ Reims (34-35)

  • 252 Mais les equites ne portent pas tous des claui.

272Deux equites utilisant des attributs parfaitement identiques sont face-à-face. Celui de gauche est tourné vers la droite, armé d’un gladius long qu’il tient dans sa main droite, et d’une parma ronde. Son casque muni d’une visière bénéficie d’un large rebord alors que la calotte est décorée de pinnae très stylisées. On voit très distinctement la tunique ornée de claui252. Son adversaire, pratiquement de dos porte le même équipement. Il tient cependant son gladius différemment, comme s’il allait frapper son rival avec tout le poids de son corps. La parma elle aussi est intéressante à analyser, puisque c’est l’intérieur de l’attribut qui apparaît. On devine la poignée de maintien, et la forme du bouclier qui est plus plate que bombée à l’inverse du clipeus de l’oplomachus. C’est peut-être un indice qui permettrait de mieux cerner le type de contact que privilégient ces combattants.

273➤ Augst (1)

274Sur ce panneau, il est intéressant de découvrir l’opposition des attributs. À droite, l’eques porte une tunique bleue, et brandit son gladius de la main droite comme pour assener un coup à son adversaire. La parma adopte une position basse et touche le bouclier adverse. Le second eques tourné vers la gauche se différencie de son homologue par l’usage d’une tunique rouge. Si la parma touche celle de son ennemi, son gladius n’est pas menaçant puisqu’il reste baissé. S’agit-il alors d’un choc entre boucliers comme dans d’autres duels ? C’est peu probable, car on ne peut pas parler de projection des parmae ici.

275➤ Bad Kreuznach (1)

276Cette fois le gladius de l’eques situé à gauche est en position offensive. Dirigé vers l’adversaire, il introduit la lutte et mène l’attaque. Les boucliers, quant à eux, sont plus en retrait et protègent les gladiateurs. Le glaive adopte sans doute une place de choix dans ce genre de duel. Il est possible qu’il permette de conclure le combat plus rapidement. Sa dimension, plus importante que celle des armes employées par les autres armaturae, favorise peut-être les coups de taille et les mouvements plus amples.

  • 253 C’est ce qui apparaît sur la mosaïque de la Via Appia à Rome, conservée au Musée archéologique nat (...)
  • 254 B. Lopez évoque lui-aussi un premier stade de la gladiature : « Les gladiateurs feraient probablem (...)

277Si le gladius semble être au centre du duel entre equites, faut-il conclure à une lutte plus meurtrière, plus expéditive ? Est-ce pour cette raison que ces gladiateurs se distinguent des autres protagonistes de l’arène par l’usage d’une tunique ? C’est une éventualité, et il nous faut d’emblée écarter l’hypothèse de gladiateurs couards et rechignant à s’affronter. En tout cas, la technique développée par ces combattants semble différente. Mais cela ne veut pas dire qu’elle est meilleure ou qu’elle caractérise un combat d’excellence. Bien au contraire, ce duel est peut-être simplement plus sanglant253. D’ailleurs, excepté la parma et la tunique, nous sommes frappé par le faible équipement défensif de ces individus sur les trois mosaïques et la lampe qui figurent dans nos catalogues. Ils n’utilisent ni ocrea, ni manica, ni fasciae. Les prouocatores comme les equites luttent entre eux, alors que la majorité des catégories de gladiateurs combat d’autres armaturae. Selon nous, si l’usage de la tunique ne sert pas spécifiquement à marquer cette nuance, en revanche nous pensons qu’elle contribue à instituer des échelons dans le « cursus gladiatorien ». Ainsi, le prouocator n’est pas celui qui provoque son adversaire, mais celui que l’on met au défi, celui que l’on encourage à poursuivre son investissement. L’hypothèse d’un premier échelon de la gladiature qui débuterait par l’armatura des prouocatores est donc tout à fait plausible254. Ces combattants porteraient alors la tunique, un vêtement peu reluisant, qui permettrait de les différencier des autres gladiateurs plus aguerris vêtus du pagne. La connotation négative et ambiguë de cette tenue portée par les femmes ou les individus efféminés trouverait tout son sens chez cette première catégorie qui doit faire ses preuves avant de pouvoir atteindre un niveau supérieur. De la même manière, l’eques ne doit pas être considéré comme l’élite de la gladiature. Il n’a rien en commun avec le chevalier prestigieux de la République qui doit le service militaire à cheval (eques/equo publico), ni même avec la cavalerie légionnaire. D’ailleurs, dans l’armée cette cavalerie n’est plus levée à partir du Ier siècle av. J.-C., et sous l’Empire on se contente d’auxiliaires (cavaliers numides, espagnols, gaulois, germains ou thraces) pour accompagner les troupes à pied. Si l’on se réfère à Isidore de Séville, il est tout à fait envisageable de considérer l’eques comme le gladiateur qui commence le combat. En ce sens, l’idée d’un « lever de rideau » entre deux equites n’est pas fantaisiste.

278D’autre part, comme nous l’avons illustré, ces gladiateurs développent une technique de combat différente, basée plus particulièrement sur le maniement du gladius. On peut alors considérer que cette lutte est plus meurtrière, moins spectaculaire, voire moins raffinée. Elle est peut-être le fait de gladiateurs de « basse catégorie » ou de débutants que l’on souhaite différencier des autres en leur attribuant la tunique. Nous voudrions également ajouter qu’au sujet des prouocatores et des equites, les sources littéraires font défaut, comme les inscriptions funéraires d’ailleurs quasi-absentes concernant ces deux armaturae et surtout la seconde. Car pour les uns comme pour les autres, il n’y a aucun intérêt et aucun prestige à mentionner leur statut particulier et, lorsque c’est le cas, comme pour le prouocator Agroicos, l’ambiguïté de l’inscription en dit long sur ses propres exploits.

279Enfin, il est difficile de parler d’évolution panoplitique pour ces deux catégories : d’une part, parce que la première n’est, semble-t-il, jamais figurée dans nos catalogues ; d’ailleurs, l’iconographie d’une manière générale est lacunaire à son sujet. D’autre part, parce que les modèles d’equites plus nombreux sur nos supports ne permettent pas de saisir une réelle modification de l’armement de cette armatura entre le Ier siècle et le début du IIIe siècle apr. J.-C. Ces tunicati se caractérisent en effet par une certaine stagnation de leur équipement, qui reste pratiquement inchangé tout au long de la période qui nous intéresse.

  • 255 Certaines ne sont jamais figurées sur nos supports, notamment celles des uelites (un combattant pr (...)

280Après avoir présenté une grande majorité d’armaturae255 répertoriée sur la céramique sigillée, sur les mosaïques et sur les lampes, nous voudrions nous intéresser à d’autres protagonistes de l’arène qui caractérisent le munus et son univers. Nous commencerons d’ailleurs notre analyse avec d’autres tunicati qui ne sont plus des gladiateurs mais des arbitres, en essayant de préciser quelles sont leurs prérogatives dans le déroulement de la lutte.

Les autres protagonistes du munus

L’arbitre

  • 256 Il est souvent mentionné par les sources littéraires. Mais c’est essentiellement Juvénal (Satire, (...)
  • 257 J. Déchelette, notamment, a confondu le lanista et l’arbitre (Déchelette 1904, p. 296, fig. 112). (...)
  • 258 L’arbitre grec est ainsi représenté sur des amphores panathénaïques datées de 332 av. J.-C., cf. E (...)
  • 259 Il n’est pas certain qu’après cette date leur rôle soit aussi important qu’aux premiers siècles de (...)
  • 260 Nous connaissons toutefois deux médaillons d’applique sur lesquels apparaissent ces personnages. C (...)
  • 261 Toutefois, ce support semble plus enclin à représenter l’arbitre. Les exemples précédents, ainsi q (...)

281Plus que le lanista256 propriétaire d’une troupe de gladiateurs, l’arbitre, confondu à tort avec cet individu par certains auteurs contemporains257, est véritablement un personnage clé dans le bon déroulement d’un munus. Accompagné d’un assistant, il utilise la rudis pour organiser le combat. Cette tradition viendrait des Grecs258 et perdure à Rome au moins jusqu’au début du IVe siècle apr. J.-C.259. Pourtant, à notre connaissance, rares sont les arbitres mentionnés par les sources, et l’iconographie elle-même reste avare de représentations260. Seuls quatre arbitres figurent sur nos supports : un sur céramique sigillée, un sur lampe et deux sur mosaïque261. En effet, l’un apparaît deux fois sur un fragment de vase issu de l’atelier de La Graufesenque (S63). Il intervient une première fois dans la lutte qui oppose un retiarius à un murmillo, puis une seconde fois près d’un thraex.

282L’autre figure sur un médaillon de lampe découvert à Vindonissa (L31) entre un thraex et un murmillo. Un troisième intercède peut-être en faveur d’un retiarius luttant contre un secutor sur le pavement de Nennig (4). Un dernier enfin est placé entre un contra-retiarius et son adversaire sur la mosaïque de Reims (28). Nous souhaiterions grâce à l’analyse de ces quatre modèles présenter la panoplie de ce protagoniste.

283Nous tenterons également de mettre en lumière son importance dans le cadre d’un affrontement, afin de mieux cerner sa fonction et ses prérogatives.

Présentation de sa panoplie

  • 262 Le terme féminin rudis signifie la baguette, mais il peut aussi permettre de définir l’arbitre. On (...)

284La rudis262 : l’apport de la céramique sigillée

  • 263 Ville 1981, p. 369.

285Sur l’ensemble des représentations qui permettent de le découvrir, ce personnage est muni d’une seule baguette en bois, la rudis. Néanmoins, l’arbitre qui figure sur la scène de l’atelier de La Graufesenque (S63) datée sans doute de la fin du Ier siècle apr. J.-C., porte deux instruments dans ses mains. Sa main droite brandit un objet filiforme qui évoque une rudis, mais sa main gauche maintient un élément plus long dont l’extrémité dessine une courbe. S’agit-il d’une palme mal exécutée ? C’est peu probable. Est-ce plutôt une seconde rudis qui aurait une autre vocation ? C’est une possibilité, car l’arbitre qui apparaît sur la mosaïque de Reims (28) vers la fin du IIe siècle apr. J.-C., utilise exactement le même objet. G. Ville263 renseigne d’ailleurs sur un gourdin qui est quelquefois employé parallèlement à la rudis. Ainsi, cet arbitre de La Graufesenque pourrait brandir un gros bâton dans sa main droite, alors que l’élément placé dans sa main gauche serait une rudis. Le problème résulte toutefois de la présence anecdotique de ces deux instruments qui se retrouvent ensemble sur une seule céramique. Pourtant, si l’arbitre de Vindonissa (L31) tient bien une baguette droite, qui n’est pas un gourdin, celui de Nennig (4) privilégie une rudis dont la base semble irrégulière. Deux formes de baguettes pourraient donc exister. Auraient-elles pour but de différencier le summa rudis, c’est-à-dire l’arbitre muni de la « baguette principale » du secunda rudis, de l’arbitre muni de la « baguette secondaire » ? C’est une possibilité, car nous ne sommes pas certains que ce rôle incombe expressément à la tunique.

286➤ La tunique

287Celle-ci est généralement ornée de deux claui, des bandes étroites de couleurs qui descendent depuis les épaules jusqu’à l’extrémité du vêtement. Elles n’apparaissent pas sur la tenue de l’arbitre de La Graufesenque, ni sur celle de l’arbitre du médaillon de lampe de Vindonissa. Concernant ces deux supports céramiques, il est possible d’envisager un problème de représentation de l’habit. C’est donc le support mosaïque qui permet de découvrir ces bandes caractéristiques. À Reims, si elles décorent bien le vêtement de l’arbitre, leur couleur n’apparaît pas. Par contre, à Nennig, les nuances sont bien distinctes. La tunique est blanche, tandis que deux fines bandes bleues/grises égayent la tenue de l’arbitre. Existe-t-il des couleurs différentes pour différencier le summa rudis du secunda rudis ? Nos modèles ne permettent pas de le dire, car malheureusement un seul personnage muni de la baguette est figuré sur ces scènes. Néanmoins, la mosaïque de la Via Appia à Rome montre deux arbitres qui bénéficient exactement de la même tunique blanche ornée de claui bleues. Ainsi, la distinction entre ces deux intervenants ne semble pas s’établir grâce au port d’un vêtement spécial. Il est également difficile de connaître les prérogatives propres à chaque arbitre. Nous pouvons toutefois analyser les gestes de ceux qui figurent sur nos différents modèles pour tenter de mieux définir le rôle de l’arbitre dans le déroulement d’un combat.

Son rôle, ses prérogatives

  • 264 Nous ne pensons pas, qu’à l’image d’un duel à l’épée ou au pistolet, les gladiateurs se mettent d’ (...)
  • 265 Un balsamaire en bronze découvert à Reims montre un arbitre tenant la rudis près d’une pancarte su (...)

288La présence d’un arbitre au centre de l’affrontement renvoie à des règles que les gladiateurs doivent respecter. Mais selon la catégorie à laquelle appartient le combattant, et surtout selon le type d’arme qu’il utilise, il doit exister certaines nuances dans le règlement264. En effet, l’arbitre n’est pas simplement là pour donner le coup d’envoi de la lutte et tout indique qu’il utilise des gestes précis, voire un langage265 approprié à chaque situation. Malgré le caractère répétitif de la scène de l’atelier de La Graufesenque, le geste de l’arbitre qui s’avance vers le gladiateur témoigne d’une intervention franche dans le combat. Celle-ci est encore plus révélatrice sur le médaillon de lampe de Vindonissa, sur lequel l’arbitre s’aidant de sa rudis s’insinue entre les deux opposants, et place sa baguette entre eux. Cherche-t-il à arrêter la charge du thraex qui lui semble trop entreprenant ? Tout indique plutôt que ce geste de la rudis donne le signal du début de l’affrontement. D’ailleurs, la main gauche de l’arbitre ne cherche pas à écarter le murmillo. À Reims, l’arbitre fixe le secutor qui se prépare à poursuivre le retiarius qui s’apprête à fuir. Sa baguette est levée comme pour signifier peut-être qu’il ne s’oppose pas à cette charge. Mais l’arbitre peut-il également relever les touches des gladiateurs ? À Nennig, ce dernier regarde vers le retiarius qui vient de percuter le scutum de son adversaire avec son trident. Fixe-t-il son assesseur ? Le munerarius ? Car si la main gauche tient la rudis, la main droite esquisse un geste. L’index est clairement détaché des autres doigts comme pour signifier quelque chose. S’agit-il d’indiquer au secunda rudis la touche réussie par le retiarius ou l’arbitre cherche-t-il simplement à dire que le trident enfoncé dans le bouclier est désormais inutilisable ? Il est fort probable que les deux arbitres communiquent à l’aide de signaux. Ici, c’est peut-être une touche qui est signalée, mais sur la mosaïque de la Via Appia à Rome, la main ouverte de l’arbitre situé près du retiarius au sol indique sans doute la défaite du gladiateur. L’autre arbitre placé derrière le secutor fixe du regard son collègue, et ouvre à son tour sa main qu’il lève comme pour préciser sa décision.

289Ces quelques exemples témoignent de l’existence d’une gestuelle sans doute très précise. Celle-ci permet de diriger le duel et de préciser les différentes phases du combat, comme son issue. Nous sommes d’ailleurs très étonné de voir que, sur la céramique sigillée, la présence de l’arbitre dans les moments les plus dramatiques de l’affrontement n’est jamais figurée. S’il est compréhensible que, sur une lampe, les dimensions du médaillon permettent moins de développer des scènes avec trois personnages, le support céramique offre des possibilités iconographiques beaucoup moins cloisonnées. L’absence d’arbitres sur la sigillée s’explique peut-être par la réutilisation de poinçons qui, au départ, étaient conçus pour décorer des lampes. Ainsi, pour cette raison, il n’existe pas une grande variété de poinçons représentant l’arbitre. L’absence de ce protagoniste lors de l’issue du combat est regrettable, car bon nombre de scènes privilégient la fin de l’affrontement, lorsque le vaincu demande grâce en levant la main.

  • 266 Et qui ne lèvent donc pas le pouce, le pollex. En effet, l’index, du latin index, correspond au do (...)
  • 267 Il doit toutefois obtenir l’aval de l’editor, celui qui organise le spectacle. Concernant d’autre (...)

290Il aurait été intéressant de comparer le geste de ces perdants, qui tendent l’index266 (S69, S97, S100, S132, S134) avec l’attitude de l’arbitre, dans l’espoir de déceler peut-être des corrélations entre le geste du doigt du vaincu et la réponse esquissée par la main de l’arbitre. Sur la mosaïque de la Via Appia, le retiarius au sol possède encore son gladius et, malgré la présence de l’arme, l’arbitre estime qu’il ne peut plus continuer la lutte et le déclare vaincu en ouvrant la main267. Ce geste de la main ouverte caractérise-t-il alors le gladiateur vaincu ? C’est une possibilité, car d’autres scènes issues de la céramique sigillée permettent de découvrir des combattants qui ne lèvent pas l’index pour demander grâce, mais ouvre complètement leur main (S128, S83 ?, S111bis), comme s’ils désiraient la tendre à leur adversaire ou peut-être à l’arbitre ! Acceptent-ils de cette façon leur défaite ? Demandent-ils du secours ou espérent-il de la compassion de la part du vainqueur, du rudis ou du public ?

291En tout cas, grâce à la céramique sigillée qui propose des situations de fin de combat très variées, nous pouvons affirmer que la gestuelle tient une place capitale dans le déroulement de la lutte. Le gladiateur, comme l’arbitre, dialogue lui-aussi à l’aide de signes dont la codification semble complexe. Il est donc permis de penser que ces signaux manuels permettent à l’arbitre de s’entretenir également avec l’editor, comme avec d’autres auxiliaires du munus, notamment les ministri.

Les ministri

  • 268 Le terme d’officiales est parfois utilisé. Il s’agit de ceux qui ont un devoir.
  • 269 Satyricon, XL.
  • 270 donec aduenerunt ministri ac toralia praeposuerunt toris, in quibus retia erant picta subsessoresq (...)
  • 271 Satyricon, XXXIV.
  • 272 Comme celles qui figurent sur la mosaïque de Zliten (Ville 1965, fig. 17-18) et peut-être comme ce (...)

292Étymologiquement, il s’agit des serviteurs268 mais leurs prérogatives sont multiples. Pétrone269 utilise ce terme pour décrire le personnel qui s’affaire dans la domus de Trimalcion : « À ce moment arrivèrent des serviteurs qui placèrent sur les coussins des housses où étaient brodés des filets, des chasseurs à l’affût avec leurs épieux et tout un équipage de chasse270. » Mais lorsqu’il renseigne sur deux petites outres servant dans l’arène à arroser le sable271, tout indique que ce sont des ministri qui sont préposés à ces tâches dans l’amphithéâtre. Leur rôle consiste encore à évacuer les gladiateurs morts à l’aide de civières272, mais ils ont peut-être aussi pour fonction d’administrer les premiers soins au blessé, sans pour cela être considérés comme de véritables médecins de l’arène. C’est peut-être ce qu’illustre ce médaillon de lampe (L70) conservé au Cabinet des médailles, sur lequel deux personnages vêtus de tuniques soutiennent un oplomachus épuisé. L’individu de gauche lève la visière du casque du combattant, alors que le second soutient son bras. C’est l’unique exemple de l’intervention de ces ministri qui figure dans nos catalogues. L’absence de ce personnel, pourtant cité par les sources littéraires, est tout à fait étrange, notamment sur la céramique sigillée. Cependant, ces auxiliaires du munus ne sont pas les seuls à être oubliés sur ce support, puisque aucun praeco n’apparaît, ce crieur public qui annonce le nom et quelquefois même le palmarès des gladiateurs avant le duel. Les porteurs de pancarte sont absents également, comme l’editor ou le doctor, l’instructeur des combattants dans le ludus, l’école qui est pourtant sous-entendue sur une lampe (L52) et sur la mosaïque de Flacé-lès-Mâcon par la présence du palus. La céramique sigillée privilégie exclusivement les gladiateurs, mais lorsqu’ils sont au combat, et ni le banquet donné en leur honneur la veille de l’affrontement, ni même la pompa, ce cortège dans lequel ils défilent, n’est représenté. La présence des musiciens est donc tout à fait inattendue sur ce matériau, et demande pour cette raison une attention particulière.

Les musiciens

  • 273 Les uenationes se déroulent également au son des instruments.

293Les Romains étaient passionnés de musique, en tout cas ils y attachaient une grande importance, comme en témoignent les nombreuses représentations d’instruments qui sont parvenues jusqu’à nous. Ainsi, la place réservée à cette discipline dans les jeux de l’amphithéâtre273 – et plus particulièrement lors du munus – mérite d’être approfondie, car elle ne se limite pas uniquement à un vacarme de notes servant simplement à compléter les brouhahas d’une foule criarde. En effet, si quelques musiciens seulement figurent dans nos catalogues, ils utilisent différents types d’instruments aux caractéristiques bien particulières.

Les différents instruments de musique

294La céramique sigillée et la mosaïque offrent quelques exemples de scènes sur lesquelles apparaissent des musiciens. Quatre figurent sur le premier support et deux sur le second. Il est donc possible de découvrir quatre instruments originaux grâce à ces représentations : le cornu, l’hydraulus, la tuba et la tibia.

295➤ Le cornu

  • 274 Satire, III, 34-36.
  • 275 Ce son est très perçant, autour de 3000 hertz (Péché, Vendries 2001, p. 78).
  • 276 Ou que celui en bronze qui a été retrouvé dans la caserne des gladiateurs à Pompéi et qui est cons (...)
  • 277 Celle-ci est encore bien visible sur un cor tenu par un gladiateur figuré sur l’aquarelle de Nicco (...)

296Il s’agit du cor dont parle Juvénal274, bien figuré sur une céramique sigillée issue de l’atelier de La Graufesenque (S68) entre les mains d’un cornicen vêtu d’une tunique. On devine l’embouchure de l’instrument que le sonneur s’apprête à utiliser, mais la forme arrondie du tube est bien discernable, comme d’ailleurs le pavillon à partir duquel le son est projeté275. Celui-ci semble très évasé, bien plus en tout cas que le pavillon du cor qui figure sur la mosaïque de Nennig (5)276, dont la barre de renfort transversale277 est mieux représentée.

  • 278 Orgue à eau inventé par Ctésibios d’Alexandrie. L’eau est stockée dans la cuve et son niveau s’élè (...)

297➤ L’hydraulus278

  • 279 Satyricon, XXXVI.
  • 280 D’après V. Péché, les deux souffleurs qui actionnaient les leviers et les bielles des deux pompes (...)
  • 281 Gose 1950, p. 15, pl. 11, d’après Ludowici III, 273 Kma, deuxième moitié du IIe siècle apr. J.-C.
  • 282 On le retrouve encore sur un balsamaire en bronze trouvé à Reims, daté du IIe siècle apr. J.-C. Sa (...)

298C’est l’orgue hydraulique qui, selon Pétrone279, accompagne l’essedarius au combat. Cet instrument bénéficie assurément d’une place de choix dans l’iconographie des munera au IIe et au IIIe siècles apr. J.-C. Il est d’ailleurs parfaitement représenté sur la mosaïque de Nennig (5), près d’un cornicen. L’organiste est placé derrière une cuve hexagonale capitonnée de bois (?) sur laquelle repose une trentaine de tuyaux reliés entre eux. De part et d’autre du récipient sont disposées deux pompes cylindriques qui envoient l’eau sous pression aux tuyaux pour que le musicien puisse jouer280. Ce dernier, vêtu d’une tunique à claui bleues, regarde vers la droite. Ce même instrument, quoique simplifié, orne encore un vase décoré à la barbotine de Rheinzabern281 sur lequel un retiarius s’apprête à lancer son filet282. Quelques tuyaux seulement apparaissent et reposent sur un support quadrangulaire moins imposant. Le musicien, bien visible, regarde cette fois vers la gauche.

299➤ La tuba

300Elle apparaît deux fois sur la céramique sigillée. C’est une trompe qui se différencie du cornu par sa forme, puisqu’elle est droite. C’est bien un tubicen à la tunique qui accompagne le cornicen figuré sur la scène issue de l’atelier de La Graufesenque (S68). L’instrument est longiforme, mais sa terminaison n’est pas distincte. Une seconde scène de l’atelier des Martres-de-Veyre (S93) permet heureusement de découvrir l’instrument complet. Quoique moins long, il se termine par un pavillon beaucoup plus petit que celui du cornu. La taille variable du corps de l’instrument permet sans doute de modifier la puissance du son émis.

301➤ La tibia

302C’est l’équivalent latin de l’aulos grec. Munie d’une double hanche, elle possède un ou deux tuyaux. Celle qui apparaît dans l’atelier de La Graufesenque (S127) aux mains d’un tibicen vêtu d’une cape est dite « tibia pares », c’est-à-dire que ses tuyaux sont de dimension pratiquement égale. Elle se différencie de la tibia « impares », dont les tuyaux ont une longueur inégale.

303Les quelques musiciens qui participent au munus sur la céramique sigillée permettent de découvrir les instruments principaux du spectacle. Avec les deux musicarii de Nennig, pavement sur lequel l’hydraulus est magnifiquement restitué, nous bénéficions de cette manière d’une vision assez complète de la diversité instrumentale qui caractérise le duel gladiatorien. Mais ces quelques représentations permettent-elles de préciser la fonction de ces instruments dans le cadre du combat ?

Un rôle spécifique dans le déroulement du combat ?

  • 283 Ceux-ci peuvent exceptionnellement être rythmés au son de l’hydraulus, d’après une inscription tar (...)
  • 284 CIL, X, 4915.

304Les instruments privilégiés dans l’iconographie de nos catalogues sont des trompes (bucinae). Elles évoquent bien sûr la musique martiale et la vie des camps légionnaires, puisque le cornu est utilisé dans l’armée pour annoncer les tours de garde et les exercices militaires283. La tuba, quant à elle, est réservée à l’infanterie et organise les mouvements de la légion. À l’inverse de l’hydraulus, qui permet de réaliser de très belles mélodies, les trompes par le son strident qu’elles émettent ont sans doute un rôle plus mécanique et contribuent à accentuer les moments forts du combat. Quant à la tibia, une inscription284 de Venafrum dans le Latium insiste bien sur l’importance du tibicen, « rythmant les changements en appelant au combat ». Est-il alors envisageable de déceler, sur les scènes répertoriées, des relations entre les mouvements des musiciens et l’affrontement qui se déroule près d’eux ? La scène S68 de l’atelier de La Graufesenque montre deux musiciens côte-à-côte. Le cornicen et le tubicen regardent vers la droite, en direction d’un combat de gladiateurs que l’on devine. Ils ne semblent pas jouer pour le retiarius placé derrière eux. Sont-ils alors itinérants, et se déplacent-ils de duel en duel sans vraiment suivre la totalité d’un combat ? Leur rôle consisterait à accompagner par des sons le spectacle dans le but de le rendre plus attrayant, mais aussi pour exciter l’attention du public. C’est une éventualité mais, compte tenu de la rapidité d’un affrontement, il est tout à fait possible de penser qu’ils signalent le début de la lutte, comme les différentes phases du combat en s’attardant sur la mise à mort, avant d’exhorter de nouveau les spectateurs qui attendent le prochain appariement par des sons bruyants.

305La scène des Martres-de-Veyre (S93) semble sur ce point tout à fait explicite. Cette fois, le tubicen regarde le couple de gladiateurs face-à-face qui s’apprête à combattre, et dirige sa main droite qui tient son instrument vers sa bouche. À ce moment précis, il ne tient pas encore l’embouchure entre ses lèvres, mais il fixe les combattants. Son rôle est peut-être de donner le coup d’envoi de la lutte, de même que le sifflet d’un arbitre signale de nos jours le coup d’envoi d’un match ! D’ailleurs, il convient de signaler que, dans un stade, les quelques secondes qui précèdent ce moment crucial sont beaucoup moins bruyantes que lors du déroulement de la rencontre. Le public est attentif à cet instant pendant lequel certaines instructions sont souvent divulguées aux joueurs. Ainsi, dans l’amphithéâtre, accorde-t-on peut-être aussi beaucoup d’importance aux musiciens. L’attitude de ces derniers, notamment sur la mosaïque de Nennig, est tout à fait intéressante, puisqu’ils regardent ensemble en direction de la droite. Suivent-ils le déroulement d’un combat ? Fixent-ils le summa rudis duquel ils attendent des instructions ? Le rapprochement arbitre/musicien est peut-être plus lié qu’on ne le pense, ce dernier restituant éventuellement la gestuelle codifiée du rudis par des codes musicaux adaptés.

306Cette courte présentation de l’iconographie musicale sur la mosaïque et sur la céramique sigillée pose les bases d’une étude qui mériterait d’être plus approfondie car, en s’intéressant à l’attitude des musiciens et surtout à leur placement par rapport aux combattants, nous pourrions envisager le duel gladiatorien sous un angle plus technique, voire plus « sportif ». Néanmoins, il ne faut pas reléguer au rang des extrapolations le caractère funèbre d’un tel spectacle, car les joueurs de trompes utilisent un instrument dont la vocation est aussi funéraire. Celui-ci contribue par ailleurs, d’un point de vue symbolique, à rappeler que le munus est un divertissement dangereux, violent et parfois très meurtrier.

Notes

1 Une proto-gladiature existe chez les osco-samnites vers 370-340 av. J.-C. Plusieurs peintures murales qui décorent certains tombeaux de Paestum montrent des combattants munis de clipei ronds bombés et d’armes d’hast (Ville 1981, p. 7) Concernant les origines de la gladiature, longtemps considérée comme Étrusque (T. Mommsen, Histoire Romaine, Paris, 1985 (réédition), 1, p. 250), nous renvoyons à l’étude de J.-P. Thuillier, « Les origines de la gladiature : une mise au point sur l’hypothèse étrusque », in Spectacula I, Lattes, 1990, p. 137-146.

2 Sur la datation du pavement d’Augst et sur les rénovations qui apportent peut-être des modifications au motif d’origine, voir L. Berger, M. Joos, « Observations stylistiques techniques et pétrographiques sur la mosaïque aux gladiateurs d’Augst Suisse », in : colloque international pour l’étude de la mosaïque Antique, La mosaïque Gréco-romaine II, Vienne 30 août/4 sept 1971, Paris, 1975, p. 265-268. Voir également l’ouvrage plus approfondi des mêmes auteurs intitulé : Das Augster Gladiatorenmosaik, Augst, 1971.

3 Même si certaines armaturae sont absentes de ce matériau diffusé en partie au Ier siècle apr. J.-C., comme celle du retiarius par exemple. Celui-ci toutefois est bien représenté à la même époque sur la céramique sigillée.

4 Nous le verrons, plusieurs catégories de combattants sont absentes de nos supports, notamment les uelites et les essedarii.

5 Et surtout les arbitres, qui permettent d’aborder les règles et le respect dans cette discipline, deux notions qui se développent au sein du ludus, l’école des gladiateurs.

6 Tite Live, IX, 40, relate la défaite de l’armée samnite en 310 av. J.-C., dont les vaincus abandonnèrent leurs armes sur le champ de bataille. Les alliés campaniens des Romains en profitent alors pour récupérer ces équipements militaires, afin d’habiller leurs gladiateurs. Plus tard, vers 264 av. J.-C., date du premier munus officel à Rome, les Romains ont dû employer à leur tour des gladiateurs samnites.

7 D’après P. J. Meier, De Gladiatura, 1882, p. 35-36, l’origine de cette armatura remonte à 184 av. J.-C. Voir également Tite Live, XXXIX, 42, 11.

8 Le gladiateur thraex apparaît sans doute à Rome à l’époque de Sylla, vers 86 av. J.-C., lorsque les Romains réussirent à capturer des guerriers de cette nation, qui servaient dans l’armée de Mithridate VI Eupator, roi du Pont. Cicéron vers 44-43 av. J.-C. évoque ce combattant dans l’un de ses discours (Phil. VII, 6). Les premières représentations attestées du thraex datent du Ier siècle apr. J.-C.

9 Il s’agit des Celtes de Bretagne combattus déjà par César (G, Livre V), puis par Claude lors de sa conquête de l’île (Suet. Claud. XVII).

10 Les écrivains postérieurs à Auguste ne relatent plus cette armatura qui aurait donné naissance à l’oplomachus et au secutor.

11 Voir, à ce sujet, DAGR, s.u. clipeus.

12 Ovid. Nux, 171 ; Hérodien, I, 15 ; CIL IX, 466.

13 Une seule inscription funéraire trouvée à Lyon près des portes de Trion (CIL, XIII, 1997), permet de découvrir le nom de ce gladiateur, qui aurait combattu également comme essedarius. L. Robert pensait que le dimachaerus pouvait tout aussi bien être un rétiaire ou un gladiateur lourd (Robert 1940, p. 73). E. Teyssier reprend l’hypothèse de L. Robert (Teyssier-Lopez 2005, p. 95) et ajoute : « En fait, loin d’être un gladiateur particulier, le dimachère peut être l’appellation générique de plusieurs types de gladiateurs ayant en commun de combattre non pas avec deux glaives mais de deux façons différentes. »

14 À notre connaissance, deux représentations du sagittarius sont attestées. L’une provient d’un relief conservé au musée Bardini de Florence (F. Coarelli, « L’Armamento e le classi dei Gladatori », dans LA REGINA 2001-2002, fig. 2), l’autre est issue d’un gobelet de Chrysippus (Gallia, 53, 1996, p. 87 et pl. 51). Concernant le dimachaerus, dont seule l’étymologie jusqu’à présent a permis de fournir une définition panoplitique, remise en cause d’ailleurs par les historiens précités, nous souhaitons mentionner une représentation inédite révélée par E. Bouley (Bouley 2001, pl. 46, fig. 3). Il s’agit d’un fragment d’architrave daté du IIe ou du IIIe siècle apr. J.-C. provenant de Philippopolis en Thrace, conservé au musée national de Plovdiv, sur lequel trois paires de gladiateurs sont figurées. La première, située à gauche, permet de découvrir un combattant dont la tête est recouverte d’un casque très volumineux, qui évoque un scaphandre. Le reste du corps semble lui aussi bien protégé, mais ce sont surtout les deux gladii qu’il tient dans ses mains qui attirent notre attention puisque, ajoutés aux autres attributs, ils pourraient constituer la panoplie type du dimachaerus. Il s’agirait d’un gladiateur assez proche du scissor, utilisant à la place du manchon conique un deuxième gladius plus long.

15 Il est connu grâce à une inscription de Vesona en Apulie (CIL, IX, 466) qui renseigne sur un certain C(aius) Clodius II/Scisso(r) appartenant comme d’autres armaturae au lanista Saluius Capito. Un relief de Tomis à Bucarest permet aussi de le découvrir (Bouley 2001, p. 238).

16 Le retiarius le porte à gauche pour des raisons techniques. Ce gladiateur doit compenser l’absence de bouclier par d’autres protections, notamment le galerus qui couvre son épaule.

17 Probablement rembourré et parfois renforcé de cuir pour contrer une lame éventuelle.

18 Le retiarius les porte beaucoup moins fréquemment que les autres catégories de gladiateurs. Lorsqu’il les emploie, elles entourent les chevilles comme sur une mosaïque de Reims.

19 Satire, VI, 255-263.

20 Quale decus, rerum si coniugis auctio fiat, balteus et manicae et cristae crurisque sinistri dimidium tegimen […] ; Aspice quo fremitu monstratos perferat ictus et quanto galeae curuetur pondere, quanta poplitibus sedeat, quam denso fascia libro.

21 Notamment le casque à petite crête caractéristique du secutor.

22 Le bouclier, qui sert normalement à se protéger des coups, doit être considéré comme une arme offensive d’après les expérimentations archéologiques de l’association ACTA. À ce sujet, B. Lopez a souligné l’importance de l’utilisation dynamique des boucliers et leur rôle capital dans les techniques de combat des gladiateurs : « Il est réellement possible d’évoquer un « art de manier le bouclier » ou une « une escrime du bouclier » » (Teyssier-Lopez 2005, p. 38 et p. 42-43).

23 Nous utilisons le mot murus, pour évoquer ce bouclier qui forme un véritable rempart face au gladiateur adverse.

24 On parle parfois de la fuscina.

25 Juv. Satire VIII, 199-203.

26 D’après D. Battaglia (Battaglia 2002, p. 20) : « Il retiarius, a differenza di tutte le altri classi gladiatorie i cui diversi equipaggiamenti sono senz’altro riconducibili a tipologie di origine militare, compresso il secutor, rappresenta un genere anomalo che non ha precedenti negli armamenti degli eserciti dell’antichità : egli è dotato di tridente e rete. »

27 En tout cas à l’époque qui nous interesse, puisque au tout début de l’Empire, ce combattant semble utiliser des protections beaucoup plus développées (casque à paragnathides et cotte de mailles), comme il apparaît sur un gobelet de Chrysippus découvert dans l’atelier de La Muette à Lyon, cf. Gallia, 53, 1996, p. 86 et pl. 45 et 49. Il n’est donc pas si simple d’appréhender cette armatura qui a subi d’importantes évolutions.

28 À notre connaissance et concernant cet attribut, il semble bien qu’il n’ait jamais été utilisé par le retiarius.

29 Satire, VIII, 203-208.

30 nec galea faciem abscondit ; mouet ecce tridentem, postquam uibrata pendentia retia dextra nequiquam effudit, nudum ad spectacula uoltum erigit et tota fugit agnoscendus harena. Credamus tunicae, de faucibus aurea cum se porrigat et longo iactetur spira galero.

31 Mentionné également par Martial, Épigrammes, V, 24 ; Suétone, Calig. 30, et dans le CIL II, 499 ; III, 2127 ; V, 563, 1037, 3465, 4506 ; VI, 10169, 10171, 10184 ; IX, 466. À l’inverse, le filet est beaucoup moins évoqué.

32 E. Bouley, dont l’étude porte sur les jeux dans les provinces balkano-danubiennes, reconnaît elle-même que le : « filet n’est pas représenté sur les documents » (Bouley 2001, p. 238).

33 Auguet 1970, p. 87.

34 Voir également les réflexions intéressantes de L. Balsan et A. Vernhet au sujet de l’absence du filet du retiarius dans l’article intitulé : « Une grande lagène de La Graufesenque », Gallia, 29, 1971, p. 73-108.

35 Nous renvoyons pour cette question à notre étude intitulée « Le retiarius et ses adversaires des sources antiques à l’expérimentation », dans Regards sur la Gaule de l’Est, Hommage à Jeanne-Marie Demarolle, Metz, 2004, p. 247-273.

36 DAGR, s.u. gladiator, p. 1586.

37 Avec Festus. Dans son ouvrage intitulé De uerborum significatu (cf. Festus, édition Teubner, 1913, p. 444), il décrit la spira, sans faire aucune allusion à un attribut du retiarius : Spira dicitur et basis columnae unius tori aut duorum, et genus operis pistori, et funis nauticus in orbem conuolutus, ab eadem omnes similitudine. Pacuuius (385) : « Quid cessatis, socii, eicere spiras spartetas ? », Ennius quidem hominum multitudinem ita appellat, cum ait (Ann. 510) : « spiras legionibus nexit » ; « On appelle ainsi la base d’une colonne à une ou à deux moulures et, de plus, une espèce de pâtisserie ; et encore un cordage de navire roulé en rond : toutes ces acceptions dérivent de la même analogie. Pacuvius dit : “Quid cessatis, socii, eicere spiras sparteas ?” Ennius, il est vrai, désigne par ce mot une multitude d’hommes, lorsqu’il dit : “Spiras legionibus nexit.” » Le dictionnaire Gaffiot (nouvelle édition revue et augmentée sous la direction de P. Flobert, Paris, 2001), reprend d’ailleurs en partie cette définition : spirale, nœud des serpents, anneaux, replis ; base [de colonne], moulures de base [d’un podium de temple], pâtisserie en spirale, câble, natte, tresse de cheveux ; mouvement en spirale et surtout cordon pour attacher le chapeau. Voir à ce sujet l’analyse de Loriquet (Loriquet 1862, p. 261) qui avait sans doute très bien compris que la spira ne servait pas à récupérer le filet, puisqu’il la met en relation avec les bandelettes d’une coiffe.

38 D’ailleurs, sur la scène issue du même atelier (S75), la marque qui évoque la spira n’apparaît plus. Pourtant, l’iconographie du gobelet de Chrysippus (cf. Gallia, 53, 1996, p. 86 et pl. 45 et 49) laisse sous-entendre que la spira a peut-être existé à l’origine. En effet, un retiarius lourdement équipé semble tenir entre ses mains une cordelette. Celle-ci relie le filet au trident et passe derrière le corps du gladiateur, ce qui n’est pas pour faciliter le maniement de l’ensemble des attributs.

39 H. Lavagne (Lavagne 2000, p. 218) a bien montré que, concernant la mosaïque d’Aix-en-Provence sur laquelle le retiarius Beryllus armé de son trident semble poser pour la postérité, la fine rangée de tesselles rouges qui descend depuis l’épaule jusqu’au sol « doit être la cape rouge que porte le gladiateur à la parade plutôt que le filet ».

40 L’utilisation du gladius est attestée dans un paragraphe de Valère Maxime (Faits et dits mémorables, I, 7-8). Le retiarius s’en sert d’ailleurs pour tuer son adversaire murmillo.

41 Il peut simplement s’agir d’une ombre, comme c’est le cas sur les autres panneaux. Toutefois, la photographie en noir et blanc prise au moment de la découverte du pavement montre une forme vraiment très nette. Sans cet ancien cliché, il est très difficile de discerner cette marque sur le sol.

42 De plus, la connexion des panneaux no 2 et no 3 n’est qu’une simple hypothèse.

43 Voir Lopez-Teyssier 2005, p. 60.

44 DAGR, s.u. uenatio, p. 685.

45 Calig. XXX : Retiari tunicati quinque numero gregatim dimicantes sine certamine ullo toti dem secutoribus succubuerant ; cum occidi iuberentur, unus resumpta fuscina omnes uictores interemit… ; « Une troupe de cinq rétiaires, vêtus d’une simple tunique, s’était laissé battre sans aucune résistance par un nombre égal d’adversaires ; la foule donnant l’ordre de les égorger ; l’un deux reprit son trident et tua tous les vainqueurs… »

46 D’ailleurs, une mosaïque datée du IIIe siècle apr. J.-C., mise au jour en Grande-Bretagne à Bignor, permet de découvrir un retiarius en tunique, avec manica et tridens très proche du modèle de Lavoye, malgré la présence d’un galerus. Voir à ce sujet, D.-S. Neal et S.-R. Cosh, Roman mosaics of Britain. I, Northern Britain, London, 2002, ainsi que les deux sites internet suivants : www.theheritagetrail.co.uketwww.pyrrha.demon.co.uk, pour de plus amples informations.

47 Ville 1981, p. 413.

48 Val. Max. I, 7, 8. Il peut s’agir également d’un gladius.

49 DAGR, s.u. gladiator, p. 1585.

50 Battaglia 2002, p. 70-72.

51 Knorr 1919, Oswald 1936-1937 et Hermet 1941.

52 Un exemple frappant concerne un manche de couteau mis au jour dans le Loir-et-Cher, représentant la lutte au corps à corps d’un secutor et d’un retiarius. L’auteur qui a analysé cette scène du fait de l’imbrication des bras des deux protagonistes a pris le galerus du retiarius pour une sica de thraex et, ainsi, a donné une mauvaise interprétation des gladiateurs figurés (Instrumentum no 19, juin 2004).

53 Un huitième modèle est peut-être figuré sur le premier panneau de la mosaïque de Metz (1). Pourtant, comme pour le retiarius qu’il est possible de confondre avec le uenator, il est tout à fait possible d’identifier sur ce pavement un hoplomaque et non un retiarius. L’armement peu lisible du personnage n’est de surcroît pas assez détaillé.

54 Gallia, 53, 1996, p. 86 et pl. 45 et 49.

55 Pour connaître l’image du gladiateur au trident au IVe siècle apr. J.-C., et suivre son évolution, il faut se tourner vers l’Italie. L’un des derniers témoignages iconographiques de la lutte du retiarius figure sur la mosaïque Borghèse (Rome, Villa Borghèse, IVe siècle apr. J.-C.).

56 Comme sur un gobelet en céramique à paroi fine de Chrysippus, mais aussi un graffito de Ruscino, daté de la fin du Ier siècle av. J.-C., début du ier siècle apr. J.-C. (conservé au dépôt archéologique des fouilles de Ruscino, cf. Rapport de fouilles de 1981 et Lattes 1987, p. 104-105).

57 La meilleure attestation pour cette période figure sûrement sur un vase ovoïde en bronze découvert à Reims. Daté des IIe -IIIe siècles apr. J.-C., et conservé au musée du Petit Palais, ce vase montre trois combats simultanés. J. Petit, Bronzes antiques de la collection Dutuit, Paris, 1980, p. 148.

58 Gose 1950, p. 15, pl. 11, d’après Ludowici III, 273 Kma, vase excisé et décoré à la barbotine, daté de 150-200 apr. J.-C.

59 Conservée au Musée archéologique de Madrid.

60 Mais le filet est sans doute beaucoup plus long, puisqu’il semble être enroulé autour du bras droit du retiarius. Cela illustre peut-être une technique ancienne : ce gladiateur lourdement équipé cherche-t-il simplement à agripper l’un des membres de son adversaire pour l’attirer vers lui, sans pour cela envelopper la totalité de son corps ?

61 Voir les séquences de combat retiarius/secutor proposées par ACTA Expérimentation (Lopez-Teyssier 2005, p. 84-85), dans lesquelles le filet avant projection adopte la forme d’une goutte comme à Rheinzabern.

62 DAGR, s.u. gladiator, p. 1585, fig. 3578.

63 Bronze d’une hauteur de 25,3 cm, conservé à la Bibliothèque nationale, Cabinet des médailles, Babelon-Blanchet no 942. E. Babelon et J.-A. Blanchet, Catalogue des bronzes antiques de la Bibliothèque nationale, Paris, 1895.

64 Battaglia 2002, p. 32-33.

65 « La globalité des représentations iconographiques de gladiateurs montrent d’ailleurs clairement que le trident est d’une longueur inférieure à la hauteur du retiarius. »

66 La pointe centrale de ce trident a une forme triangulaire très nette. Elle évoque une pointe retrouvée dans la caserne des gladiateurs à Pompéi, qui pouvait éventuellement s’insérer sur la dent centrale du trident, conservée au Musée archéologique national de Naples, no inv. 5678.

67 Voir la proposition de D. Battaglia pour qui la base de la partie métallique du trident doit mesurer 20 cm de long, et les pointes entre 15 et 20 cm (Battaglia 2002, p. 32).

68 Signalons que sur le gobelet de Chrysippus daté vers 15-5 av. J.-C., la base du trident utilisé par le retiarius est, elle aussi, arrondie comme à Montans. Est-ce un indice qui permettrait de conforter notre hypothèse concernant l’évolution de la base ? Actuellement, les retiarii de l’association ACTA Expérimentation combattent avec les deux sortes de tridents. Il faudrait voir si cette modification de la base arrondie en base droite engendre une meilleure résistance de l’arme, et par là même occasion une meilleure percussion.

69 La mosaïque d’Aix-en-Provence, datée du Ier siècle apr. J.-C., sur laquelle figure le retiarius Béryllus, ne permet pas de savoir si le galerus est réellement plus court, car toute la partie droite du pavement est détruite.

70 P. Garrucci, « Dell’arma gladiatoria detta galerus », dans Bull. arch. Napol., N.S., I, 1852-53, p. 101-104 et 113-115, pl. VII, et notamment un galerus en bronze dont les dimensions sont impressionnantes (H. 30,5 cm ; largeur maximum. 33,8 cm), conservé au département des antiquités grecques et romaines du musée du Louvre, no 1142 (A. de Ridder, Les bronzes antiques du Louvre, II, Les Instruments, Paris, 1915, p. 6 et pl. 67, no 1142).

71 Ces dimensions apparaissent encore plus considérables pour ce galerus daté peut-être de la fin du Ier siècle apr. J.-C., mis au jour à Theux dans le Fanum de Juslenville (D. Marcolungo, L. Pirnay, Le temple galloromain de Juslenville et l’occupation antique de Theux, Verviers, 1983, p. 92, fig. 5 ; p. 93, fig. 6 ; et p. 180 notice no 340). En effet, l’ensemble mesure 37,5 x 34,5 cm, alors que le cylindre qui accueille le haut du bras, dans lequel s’encastre l’épaule, mesure 21 x 18 cm. Il s’agit d’un véritable bouclier d’épaule qui protège parfaitement la tête.

72 Nous avons insisté notamment sur la représentation du trident à Nennig qui n’était pas du tout probante.

73 Le retiarius à la lance de Pompéi au Ier siècle apr. J.-C. possède un galerus qui recouvre à la fois l’épaule et toute la partie supérieure du bras. La manica commence au niveau du coude, même constatation chez ce retiarius déjà présenté qui décore un médaillon de lampe daté du Ier siècle apr. J.-C, ou chez ce retiarius figuré sur le célèbre médaillon de Cavillargues, daté du début du IIe siècle apr. J.-C. (Wuilleumier, Audin 1952, no 34 et V. Lassalle, Les arènes de Nîmes, Nîmes, 1979).

74 Une fresque de Périgueux, datée du début du IIe siècle apr. J.-C., montre notamment un retiarius muni d’un galerus proche de celui de Nennig, mais d’une manica toute différente, qui d’ailleurs ne semble pas couvrir l’avant-bras. Toutefois, une seconde représentation permet de découvrir une manica matelassée similaire qui cette fois, se prolonge jusqu’au poignet, mais qui n’offre sans doute pas la même qualité de protection et les mêmes facilités de mouvement (A. Barbet, Fresques de gladiateurs à Périgueux, catalogue d’exposition, Périgueux, 1999, p. 8, fig. 2 et p. 9, fig. 5). Cette manica qui ne semble pas encore articulée est très proche, d’autre part, de celle qu’utilise un retiarius figuré sur la mosaïque de Zliten datée de la même époque, cf. Ville 1965, p. 147-154.

75 Barbet 1999, p. 8.

76 Puisque les lanières sont croisées et sont identiques à celles qui maintiennent la manica d’un retiarius qui décore un manche de couteau trouvé à Avenches, daté de la seconde moitié du IIIe siècle apr. J.-C. Conservé au Musée romain d’Avenches en Suisse, Bulletin Pro Aventico, 8, 1903, p. 35-44.

77 Ce système de fixation du galerus est encore visible sur un médaillon d’applique daté de la fin du IIe siècle, début du IIIe siècle apr. J.-C., cf. Déchelette 1904, p. 220, no 93.

78 Rome, Villa Borghèse.

79 On suppose qu’une partie du dos d’Alumnus est aussi protégée, puisque son collègue Astacius figuré de dos utilise une manica squamata (composée d’écailles) très développée.

80 En effet, rien n’indique que le pugio soit inséré dans un fourreau attaché au baudrier.

81 Les modèles de retiarii figurés sur la céramique sigillée comme sur la mosaïque, pour la grande majorité d’entre eux, ne permettent pas de dire si ce gladiateur porte des caligae. L’exemple de Nennig est révélateur, puisque les orteils du personnage apparaissent distinctement, preuve qu’il ne porte pas de chausses. Cela semble étrange pour un combattant susceptible de fuir et qui parcourt des distances importantes dans l’arène. Une étude réalisée par Karl Grosschmidt, anthropologue spécialiste de médecine légale à l’université de Vienne, sur les ossements de plus de soixante-dix gladiateurs découverts à Éphèse en Turquie, a permis de préciser grâce à l’analyse de la taille et de la forme des os des pieds, que ces combattants luttaient pieds nus (Archéologia no 410, avril 2004). Les gymnastes grecs et les athlètes évoluent eux-mêmes sans protection.

82 Toutefois, certains gladiateurs à l’instar du retiarius s’opposent eux aussi à d’autres armaturae très diverses. Si l’on se réfère par exemple à G. Lafaye (DAGR, s.u. gladiator, p. 1587), le thraex, en plus d’affronter son semblable et le murmillo, peut également former un couple avec l’oplomachus. G. Ville (Ville 1981, p. 38) oppose également le murmillo à l’oplomachus. Ainsi, en croisant le fer avec le thraex et le retiarius, le murmillo lutte lui-aussi contre trois adversaires. Nous essayerons de savoir, avec l’aide de la céramique sigillée, si toutes ces combinaisons sont envisageables.

83 Le couple retiarius/secutor va devenir très vite la coqueluche des amateurs de spectacles (IIe-IIIe siècles apr. J.-C. surtout). L’art et l’artisanat consacrent beaucoup de représentations de ces combattants.

84 Festus 285 : non te peto, piscem peto ; quid me fugis Galle ? « Ce n’est pas toi que je poursuis c’est le poisson, pourquoi me fuis-tu Gaulois ? » Le murmillo est assimilé au Gaulois, peut-être l’un des premiers gladiateurs à avoir lutté contre le retiarius.

85 Cette orthographe du nom est la plus commune. CIL, IV, 2387, 2508 ; V, 1907 ; VI, 631, 10169, 10174 à 10180 ; IX, 466 ; X, 1926.

86 DAGR, s.u. gladiator, p. 1587-1588.

87 Lattes 1987, p. 37-38.

88 Il se fonde pour cela sur un second texte de Festus (285 M) : Retiario pugnanti aduersus myrmillonem cantatur : non te peto, galle, quia myrmillonum genus armatura gallica est insigne ; myrmillones ante galli appellabantur.

89 É. Teyssier écarte cette hypothèse et rattache plutôt le murmillo à l’armatura des samnites. B. Lopez compare pour cela le bouclier rectangulaire, très incurvé des murmillones, souvent figuré dans l’iconographie, au scutum des samnites : « Ce bouclier particulier semble donc devoir rattacher beaucoup plus évidemment le mirmillon aux Samnites plutôt qu’aux Gaulois », dont le bouclier est long et plat, aux extrémités arrondies (Teyssier-Lopez 2005, p. 82).

90 Id., p. 24.

91 DAGR, s.u. gladiator, p. 1587.

92 Si les attributs prêtés par Gérôme au murmillo sont tout à fait illusoires, les armes prises séparément semblent véritables puisque l’artiste, pour créer son œuvre, a étudié de très près les panoplies découvertes en 1766 dans le Ludus gladiatorium de Pompéi. Le casque porté par le gladiateur debout est très imposant. Muni d’une visière pleine à ouvertures oculaires, un large cimier surmonte la calotte, alors qu’un petit poisson est placé sur sa base. Notons que ce morme a été ajouté par Gérôme pour rappeler la chanson de Festus (G.-M. Ackerman, La vie et l’œuvre de Jean-Léon Gérôme, Paris, 1986).

93 C. Sayget et A. Desarnod, Album d’un voyage en Turquie fait par ordre de l’Empereur Nicolas 1er en 1829 et 1830, pl. 48.

94 Faits et dits mémorables, I, 7-8.

95 Incidit deinde ut proximo ab equite loco retiarius cum murmillone introduceretur.

96 Si l’on écarte l’hypothèse qui proposerait de voir dans ces combattants affrontés par le retiarius au Ier siècle apr. J.-C., les tous premiers secutores de l’histoire. Des pseudo-secutores évoluant peut-être dans un accoutrement originel, une panoplie qui semble pourtant bien éloignée des images conventionnelles que nous connaissons de ce gladiateur à cette époque. En effet, un casque surmonté d’une petite crête appartenant à un secutor a été mis au jour à Pompéi (conservée au Musée archéologique de Naples). Sa datation ne fait pas de doute. De même, un graffito découvert à Lyon, donne déjà l’image d’un secutor en armes muni d’un casque à crête pour le Ier siècle apr. J.-C. (A. Audin, Lyon, Miroir dans les Gaules, Paris, 1985, p. 166-168 ; J. Guey, « Informations archéologiques », Gallia, XVI, 1958, t. 2, p. 356-358). La lampe L36 provenant du site de Vindonissa fournit elle-aussi une image sans ambiguïté de ce gladiateur.

97 Un modèle presque identique figure sur une lampe (L2) de l’atelier de La Muette à Lyon. La seule différence notable se situe au niveau du casque, plus développé sur ce support.

98 Pourtant, si l’on considère la datation assez large (10 av. J.-C.-70 apr. J.-C.) de la lampe (L62) découverte à Toulouse, sur laquelle un murmillo très peu protégé affronte un thraex, l’équipement dépouillé de ce gladiateur pourrait dater des origines.

99 Voir sur cette question Teyssier-Lopez 2005, p. 82.

100 DAGR, s.u. gladiator, p. 1588.

101 Une autre scène (S78) antérieure à 70 apr. J.-C., sur laquelle un murmillo s’oppose peut-être à un thraex muni d’un très court gladius (?) permet de découvrir un scutum murmillonicum.

102 Teyssier-Lopez 2005, p. 42-43. Selon nous, il est possible d’envisager que le murmillo utilise son bouclier contre le retiarius, comme il le fait contre l’oplomachus armé lui aussi d’une arme d’hast. Ainsi, d’après B. Lopez : « Deux solutions se présentent alors : soit le passage sous la lance, soit l’appui sur la lance. » Cette technique n’est-elle pas applicable au trident, dans une opposition murmillo/retiarius ?

103 Voir Lattes 1987, p. 153-156, pour une description du gobelet de type ACO.

104 L’arme est tout à fait semblable à celle d’un chef gaulois figuré sur une statue de pierre de Mondragon (Vaucluse) datée elle aussi du Ier siècle av. J.-C. (conservée au musée Calvet d’Avignon). C’est sans doute un bouclier similaire qui est tenu par un chef gaulois armé sur une statue de pierre de Vachères (Basses-Alpes), datée de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. (conservée au musée Calvet d’Avignon).

105 En effet, le retiarius porte, lui aussi, un casque à paragnathides très proche de celui de son adversaire et de ceux portés par les galli, alors que les deux autres casques à paragnathides qui couvrent la tête des deux combattants restants sont différents.

106 Le casque celte à paragnathides est très répandu au Ier siècle av. J.-C. Mais il existe depuis au moins le IVe siècle avant notre ère : casque d’apparat en fer, bronze, or, argent et corail d’Agris (Charente), du IVe siècle av. J.-C., Angoulême, Musée de la Société archéologique et historique de la Charente ; casque en bronze provenant de la tombe no 953 de la nécropole Benacci de Bologne, fin du IVe début du IIIe siècle av. J.-C., Bologne, Museo Civico Archeologico. Les casques qui figurent sur le gobelet de Chrysippus sont très proches de ce casque à paragnathides avec couvre-nuque découvert à Bela Cerkev-Stremc (ex-Yougoslavie) daté de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C., et conservé à Ljubljana, Narodni Muzej. Voir M. Feugère, Les armes des Romains, Paris, 1993, p. 83-87.

107 Dont plusieurs représentations décorent l’Arc d’Orange. Mais c’est surtout au bras d’une statue représentant une divinité guerrière découverte à Saint-Maur-en-Chaussée (Oise), datée du Ier siècle apr. J.-C., que le scutum hexagonal est le mieux figuré (conservée à Beauvais, au Musée départemental de l’Oise).

108 Un gallus apparaît peut-être sur une lampe (L4) de l’atelier de la butte à Lyon, malgré sa datation tardive autour de 80 apr. J.-C. En effet, le gladiateur ne porte ni casque, ni protection, mais il utilise un bouclier ovale et un gladius court.

109 Le bouclier ovale semble être antérieur au bouclier hexagonal. En tout cas, à notre connaissance, les représentations de ce scutum hexagonal proviennent d’objets archéologiques ou de monuments datés des Ier siècle av. J.-C.- Ier siècle apr. J.-C. Il s’agit sans doute d’une évolution du bouclier gaulois, qui avant de passer de la forme oval à la forme rectangulaire, adopte une forme hexagonale de transition. Celle-ci caractérise, dans les premiers temps de la gladiature du Haut-Empire, la forme privilégiée du bouclier employé par le murmillo contre le retiarius, avant de devenir l’arme avec laquelle il combat le thraex.

110 De Institutione oratoria, VI, 3, 61.

111 Et Pedo de mirmillone qui retiarium consequebatur nec feriebat : uiuum, inquit, capere uult.

112 L’aspect physiologique de la lutte a été bien observé par les membres de l’association ACTA. En effet, les tests cardiologiques effectués sur un secutor ont montré la rapidité de son essoufflement (Teyssier-Lopez 2005, p. 60).

113 Une analyse proposée par E. Bouley mérite toutefois d’être signalée : « La stèle inscrite du secutor Marcianos Polyneikès de Marcianopolis, dont l’inscription précise qu’il avait combattu d’abord comme secutor puis comme myrmillon, prouve que la catégorie d’armatura était sans doute la même, mais que des différences intervenaient dans la conduite ou la technique du combat, ce qui justifierait une terminologie différente. » (Bouley 2001, p. 241). Ce qui est intéressant, c’est le rapprochement entre ces deux armaturae, entre deux formes de poursuivants dont les aptitudes à la course résultent surtout, comme nous l’avons évoqué, de la conception du casque.

114 E. Bouley (Bouley 2001, p. 239) utilise le terme « contre-rétiaire » pour définir ce gladiateur muni d’une cotte de maille et d’un manchon terminé par une demi-lune que nous appelons scissor.

115 CIL. VI, 631, 10180. Toutefois, un troisième terme – pulsator « celui qui frappe » – apparaît sur un monument inscrit de Tatarevo (Bouley 2001, pl. 47, fig. 4) et désigne un gladiateur dont l’équipement augmenté seulement d’une deuxième ocrea est en tout point semblable à celui du secutor. L. Robert (Hellenica VII, 1949, p. 140) pense que cette appellation évoque une nouvelle technique de lutte, ce qui semble assez peu probable si l’on considère la rareté de cette mention.

116 Calig. XXX.

117 Voir au sujet de cette anecdote l’analyse de G. Ville qui réfute l’hypothèse de la traîtrise du retiarius (Ville 1981, p. 416-417).

118 Retiari tunicati quinque numero gregatim dimicantes sine certamine ullo toti dem secutoribus succubuerant ; cum occidi iuberentur, unus resumpta fuscina omnes uictores interemit.

119 L’absence de représentation de ce gladiateur à La Graufesenque correspond sans doute au développement plus tardif de cette armatura, autour de 50-60 apr. J.-C. Elle n’a donc pas lieu d’apparaître dans l’iconographie des premiers ateliers de Gaule.

120 Mais I. Huld-Zetsche qui a décrit puis identifié ce modèle (M108 selon la classification de l’auteur) comme appartenant à l’armatura des secutores, reconnaît elle-même que, l’équipement et les armes de ce combattant étaient déformés. Elle dit d’ailleurs la même chose du modèle P121 (M109). Huld-Zetsche 1993, p. 80.

121 Découvert à Cailly en 1858, conservé au musée départemental des Antiquités de Rouen, no inv. CA 767. Catalogue de l’exposition La Normandie souterraine, Rouen, 1975, no 303, p. 42 et fig. p. 40.

122 D. Mouchot, Les Lampes antiques en terre cuite du Musée de Vienne, catalogue, mémoire pour le diplôme d’études supérieures de Lettres, 1959, université de Lyon.

123 K. Goethert, Römische Lampen und Leuchter, Auswahlkatalog des Rheinischen Landesmuseums Trier, Trèves, 1997.

124 Un problème d’identification résulte de la mosaïque de Metz. Sur le panneau 2, le gladiateur qui avance vers la droite peut être considéré comme murmillo ou comme secutor. Si l’on privilégie l’hypothèse de la connexion des panneaux 2 et 3 sur lequel un retiarius est avachi sur le sol, il s’agirait plutôt d’un secutor. En effet, au IIIe siècle apr. J.-C., la lutte entre le retiarius et le murmillo semble avoir disparu. Nous préférons, pour cette raison, ne pas inclure ce combattant dans notre calcul.

125 Toutefois, si l’on se réfère à l’étude très détaillée de D. Battaglia sur les différentes formes de galeae de secutores (Battaglia 2002, p. 119-130), il pourrait exister un casque de secutor sans crête, à calotte arrondie munie d’une visière à trous. L’auteur renvoie d’ailleurs à deux représentations, l’une figurée au Musée des Antiquités de Berlin, l’autre sur un relief de Smyrne, pour illustrer ses propos. Ces casques ressemblent davantage à des sortes de scaphandres, mais ils datent du IIIe siècle apr. J.-C.

126 Ces casques sont d’ailleurs pratiquement similaires à cette galea à visière amovible qui ceint la tête d’un secutor représenté sous forme de statuette, datée des Ier-IIIe siècles apr. J.-C. On retrouve, en effet, les deux éléments principaux : la crête et les ouvertures oculaires. Cf. musée d’Arles et de la Provence antiques, cf. H. Oggiano-Bitar, « Bronzes figurés antiques des Bouches du Rhône », XLIIIe suppl. à Gallia, Paris, 1984, no 249, p. 116. Un manche de couteau trouvé en 1881 à Roanne, daté lui aussi des Ier-IIIe siècles apr. J.-C, permet de découvrir un casque de secutor très intéressant. Comme sur les lampes-casque de Vienne et de Trèves, la crête est plus haute et percée d’un trou. Celui-ci, semble-t-il, permet de suspendre le couteau à une ceinture. Une fois encore l’élévation de la crête résulte sans doute d’une adaptation usuelle, mais surtout on retrouve de nouveau les deux particularités du casque, conservé au musée de la Civilisation gallo-romaine de Lyon, no inv. BR 398, cf. Boucher, Perdu et Feugère, Bronzes antiques du musée de la Civilisation gallo-romaine, t. II, Lyon, 1980, no 374, p. 75.

127 Il faut toutefois que la quantité de trous soit suffisante pour assurer une vision optimale. À Flacé-lès-Mâcon, si quelques ouvertures seulement sont visibles, d’autres représentations sur lesquelles ce type de casque apparaît (cf. mosaïque Borghèse) prouvent que, généralement, de nombreux trous parsèment la visière.

128 Le second secutor utilise un casque dont la crête possède également cette particularité.

129 Au Moyen Âge, le développement exagéré de certain heaume à ventail – qui donne cette apparence de bec d’oiseau aux chevaliers – a pour but de protéger le visage du coup d’épée ou de masse d’arme très de l’adversaire. Même violemment percuté, la partie avant du casque doit pouvoir s’écraser et laisser le visage indemne. Le secutor a peut-être bénéficié d’un casque possédant les mêmes caractéristiques.

130 Loriquet 1862.

131 Voir l’article de D.-J. Smith sur la datation des mosaïques anglaises (CMGR II 1975, p. 269-290).

132 Voir à ce sujet l’étude très intéressante de D. Battaglia sur ces crêtes qui servent au corps à corps à frapper l’adversaire, Battaglia 2002, p. 127-128.

133 Par contre, la bordure supérieure ovale est assez répandue dans l’iconographie du bouclier entre le IIe et le IIIe siècle apr. J.-C. C’est peut-être ce genre de scutum qui est utilisé par le secutor Urbicus.

134 Ce système de fixation avec gouttière matelassée, puis ocrea maintenue par des courroies, apparaît très distinctement à la jambe gauche d’une statuette de secutor découverte à Avenches, datée des IIe-IIIe siècles apr. J.-C. et conservée au musée romain d’Avenches, no inv. 1864-65/1285. A. Leibundgut, Die römischen Bronzen des Schweiz, II, Avenches, no 36.

135 Conservée au Musée romain d’Avenches, cf. C. Bron, Bulletin Pro Aventico 29, 1985, 34.

136 CIL, IX, 466.

137 Cette région correspond aux Pouilles actuelles situées à moins de trois cents kilomètres de Split en Croatie.

138 À ce sujet, M. Junkelmann fait un parallèle intéressant entre le gladiateur scissor et l’« écuyer tranchant » qui découpe la viande dans le Satiricon de Pétrone, 36, 6 : Processit statim scissor et ad Symphoniam gesticulatus ita lacerauit obsonium, ut putares essedarium hydraule cantante pugnare, cf. Junkelmann 2000, p. 112.

139 Robert 1940, no 46, p. 106, et pl. XIII ; no 299, p. 235-236 et pl. XIV.

140 Junkelmann conclu sur ce combattant en ces termes : « Der scissor ist mit einem Ausrüstungsgewicht von ca. 22-26 kg eine extrem schwere armatura », cf. Junkelmann 2000, p. 112.

141 Nous connaissons environ cinq représentations : la lutte d’un scissor et d’un retiarius sur un relief trouvé à Tomis près de Bucarest daté des IIe-IIIe siècles apr. J.-C. (collection privée) ; un bas-relief funéraire daté des Ier -IIe siècles apr. J.-C. au nom du scissor Honesimus sur lequel figure son manchon en demi-lune (Musée archéologique de Split, Croatie) ; un bas-relief daté des IIe-IIIe siècles apr. J.-C. sur lequel figure le scissor Myron (musée du Louvre) ; une stèle funéraire du scissor Neikephoros datée du IIe siècle apr. J.-C. (?) trouvée à Beroia en Macédoine (musée archéologique de Véria, inv. MBA 184). Enfin, c’est peut-être un scissor qui affronte un retiarius sur une lampe en terre-cuite du IIe siècle apr. J.-C., conservée au British Museum (Bailey 1980, no Q2983).

142 Elles s’établissent de la même manière pour l’ensemble des autres appariements avec quelques nuances selon le type d’armatura. Par exemple, comme nous allons le voir, le repli du retiarius est souvent différent de la fuite d’un thraex ou d’un autre gladiateur dont l’arme de prédilection est le gladius.

143 Il est plus difficile de reproduire un filet sur un médaillon de lampe.

144 Car il pourrait s’agir aussi d’un oplomachus utilisant une technique similaire à celle du retiarius. La hampe serait celle d’une hasta.

145 Un fragment de bas-relief provenant de Rome daté du IIIe siècle apr. J.-C., conservé à New York au Metropolitan Museum of Art, permet de découvrir le repli d’un retiarius pressé par un secutor qui ne lui laisse aucun répit. Cet exemple témoigne de la dangerosité de cette manœuvre.

146 C’est peut-être une situation très proche qui est évoquée sur le manche en os d’un couteau daté du IIIe siècle apr. J.-C., conservé au Musée romain d’Avenches en Suisse. Comme d’ailleurs sur d’autres manches de couteau mis au jour en Gaule. Notamment un canif découvert dans les Yvelines (A. Cassan, Antiquités de l’arrondissement de Mantes, Mantes 1835, 30 et pl. I, no 22) et deux autres armes mises au jour en Moselle et dans le Loir-et-Cher (Instrumentum, no 19, juin 2004).

147 Nous approfondirons cet aspect ultérieurement. Au moment de savoir quel doigt de la main tend le gladiateur pour obtenir sa missio.

148 Celle-ci peut également être rejetée. Dans ce cas, le vainqueur met à mort le vaincu.

149 Un quatrième cas est envisageable, lorsqu’un gladiateur grâcié dans un premier combat est obligé de lutter contre un tertiarius (Petr. Satyricon. 45), un combattant de réserve qui constitue le troisième homme de la paire. Le nom de suppositicius est également utilisé pour le définir.

150 C’est Martial (Spect. XXIX), qui décrit ce moment précis de l’affrontement : Cum traheret Priscus, traheret certamina Verus, esset et aequalis Mars utriusque diu, missio saepe uiris magno clamore petita est ; sed Caesar legi paruit ipse suae ;-- lex erat, ad digitum posita concurrere parma : -- quod licuit, lances donaque saepe dedit. Inuentus tamen est finis discriminis aequi : pugnauere pares, subcubuere pares. Misit utrique rudes et palmas Caesar utrique : hoc pretium uirtus ingeniosa tulit. Contigit hoc nullo nisi te sub principe, Caesar : cum duo pugnarent, uictor uterque fuit ; « Priscus prolongeait sans fin le combat ; Vérus faisait de même, et leur valeur depuis de longs moments maintenait la balance égale entre eux : l’assistance réclama bien des fois un double congé. Mais César voulut obéir à la loi qu’il avait établie lui-même : lutter bouclier déposé, jusqu’à ce que l’un des combattants levât le doigt. Il fit ce qu’il avait le droit de faire : à maintes reprises il fit porter aux deux adversaires des plats et des dons d’argent. À la fin pourtant cette lutte indécise trouva un terme : pareils dans le combat, ils tombèrent pareillement. À l’un et l’autre César fit alors remettre le glaive de bois et la palme de la victoire : tel fut le prix de leur valeur et de leur adresse. Ce fait ne s’est produit sous aucun autre prince que toi, César (Titus, vers 80) : deux combattants et deux vainqueurs ! »

151 C’est une variante qui s’explique par le déroulement du combat. En effet, lorsque le combattant est acculé, obligé de se jeter sur le sol pour demander sa grâce sous la menace de son poursuivant, la position est beaucoup moins noble. Par contre, comme le révèle cette image, l’attitude du murmillo vaincu témoigne peut-être d’une issue moins difficile. Ainsi, le combattant a pu se positionner selon un protocole bien établi dans la position du vaincu. Son pied gauche qui repose sur un petit socle renseigne peut-être sur sa valeur.

152 Phil. VII, 6 : quia Mylasis myrmillo thraecem iugulauit. Également Petr. Satyricon. 45.

153 Satires, VIII, 201.

154 Et illic dedecus urbis habes, nec murmillonis in armis nec clipeo Gracchum pugnantem aut falce supina.

155 Martial (Apophoreta. XXXIV) dit de cet ustensile : Pax me certa ducis placidos curuauit in usus. Agricolae nunc sum, militis ante fui. « La paix inébranlable établie par notre chef m’a recourbée en vue des travaux pacifiques. Un laboureur me possède actuellement : j’étais auparavant à un soldat. » C’est la preuve que cette faucille est utilisée au combat. D’ailleurs les Égyptiens, mais aussi les Assyriens, utilisaient cet outil à la guerre.

156 Valère Maxime, III, 2, 12.

157 CIL, VI. 10194.

158 Mart. Apophoreta, CCXIII.

159 Une sica issue de La Graufesenque (S133) est très ressemblante. Muni d’un pommeau, elle est aussi très longue.

160 La reproduction de l’arme est peut-être aléatoire.

161 Et pour cause, puisque bon nombre de modèles représentés sur sigillée proviennent des médaillons de lampe.

162 DAGR, s.u. gladiator, p. 1587.

163 Junkelmann 2000, p. 119.

164 Mais le ciseleur voulant représenter un bouclier rond concave utilisé par l’oplomachus a peut-être mal figuré la profondeur de l’attribut.

165 Notamment Virg., En. I, 490.

166 Une autre scène pratiquement identique apparaît dans l’atelier de La Graufesenque (S111bis). Le relief du bouclier rond est cette fois très bien représenté par F. Oswald qui a pris soin de relier les deux extrémités du clipeus pour signifier le volume et la profondeur de l’attribut (c’est un des rares exemples de dessin extrêmement bien exécuté par l’auteur). Ainsi, l’opposition oplomachus/thraex ne fait plus aucun doute malgré la similitude de certaines pièces défensives. Voir également une lampe de type Loeschke IB datée de la première moitié du Ier siècle apr. J.-C., conservée au musée de Trèves (no inv : G. 750 ; Goethert-Polaschek 1985, fig. M. 91).

167 Golvin, Landes 1990, p. 161.

168 Comme celle qui figure sur la visière d’un casque de thraex surmonté d’un cimier en forme de griffon, retrouvé à Pompéi (Ier siècle apr. J.-C., Musée archéologique national de Naples).

169 Concernant ces aigrettes, plusieurs figurines en bronze de thraeces permettent de découvrir des galeae bien représentées surmontées d’une crista (E. Babelon, J.-A. Blanchet, Catalogue des bronzes antiques de la Bibliothèque nationale, Paris, 1875, no 945). Mais juste devant la décoration trône un griffon (M. Junkelmann propose d’ailleurs cette restitution, Junkelmann 2002, p. 120, fig. 182). S’agit-il alors sur céramique sigillée d’une mauvaise reproduction des modèles, ou le support ne permet-il pas de bien discerner l’animal mythologique situé devant l’aigrette ? Ce pourrait être une hypothèse, mais une statuette de thraex en bronze trouvée à Lillebonne figure une galea surmontée d’une crista sans la présence du griffon (E. Espérandieu, H. Rolland, « Bronzes antiques de la Seine-Maritime », XIIIe supp. à Gallia, 1959, no 96, p. 53 et pl. XXXIII).

170 Le fait de masquer le visage contribue aussi à rendre le gladiateur plus étrange, plus redouté. C’est une manière d’entourer certains combattants d’une part de mystère, comme le « masqued man » qui prend part à un combat de catch.

171 Bad Kreuznach est peut-être plus tardive encore (250 apr. J.-C.).

172 Mais, il y a peut-être dans cette volonté de réutiliser un casque plus ancien, une raison commémorative. Ainsi, il est possible d’envisager, qu’un gladiateur décide de se parer d’un casque ayant jadis été utilisé par un combattant prestigieux pour voir rejaillir sur lui une part de ce prestige.

173 Une troisième (S87) aurait pu être envisageable, mais le dessin d’Oswald n’est pas sûr et nous préférons voir, dans la lutte qui oppose ces deux gladiateurs, l’affrontement d’un thraex (à droite) et d’un murmillo. Une autre restitution du même auteur (S85) présente bien ce couple murmillo/thraex. Les rapprochements avec le modèle S87 sont manifestes et influencent notre choix concernant l’identification murmillo/thraex pour la scène précitée.

174 DAGR, s.u. gladiator p. 1587.

175 Une seconde scène restituée par F. Oswald montre un thraex armé d’un gladius (S79a), mais le dessin de F. Hermet (S79b) permet une fois encore de corriger l’erreur commise. En effet, ce dernier attribue une sica à ce combattant et non pas un gladius à lame droite comme l’a fait Oswald. Nous privilégions plutôt la vision de la panoplie proposée par F. Hermet qui répertorie parfaitement les autres attributs (ocreae, manica).

176 Voir sur l’analyse détaillée de ce médaillon de lampe Teyssier-Lopez 2005, p. 40.

177 C’est l’orthographe la plus fréquente dans les inscriptions : CIL, II, 1739 ; IV, 2508 ; VI, 631 ; IX, 466.

178 Spect. V, 24.

179 Calig. 35.

180 DAGR, s.u. gladiator, p. 1585.

181 Ville 1981, p. 376.

182 Robert 1940, p. 307.

183 Golvin, Landes 1990, p. 234.

184 C’est également ce que pense R. Sablayrolles (Lattes 1987, p. 37) : « L’oplomachus (δπλόμάκος en grec), combattant lourdement armé comme en témoigne son nom : en grec δπλα désignait l’équipement lourd, offensif ou défensif. » Il se fonde également sur l’étymologie, mais privilégie la définition hoplon = armement lourd.

185 Junkelmann 2002, p. 121.

186 Teyssier-Lopez 2005, p. 75.

187 Et peut-être même aux héros de l’Iliade. Un affrontement entre deux combattants figurés sur céramique sigillée, armés de clipei ronds et brandissant leur main comme s’ils tenaient une lance ou un gladius évoque peut-être le duel mythique entre Achille et Hector (atelier de Mittelbronn, P144 vs P145, de Yutz et de Rheinzabern).

188 Selon Polybe (XVIII, 29), elle mesure seize coudées (7,25 m), mais Élien (XIV, 2) parle de quatorze coudées (6,10 m). Certaines avaient sans doute moins de 13 coudées (environ 5 m). On reste bien loin de la taille de la lance de l’oplomachus qui mesure approximativement entre 1,80 m et 2,10 m pour les plus grands modèles.

189 En effet, les Grecs connaissent des boucliers ronds plus petits comme le laiséion. Un exemplaire a été retrouvé en 1875 dans un tombeau d’Amathonte, dans l’île de Chypre (Revue archéologique, 1876, p. 33, pl. n). Si son diamètre de 30 cm est sans doute beaucoup plus proche de celui du clipeus utilisé par l’oplomachus, il possède néanmoins un umbo pointu et saillant qui n’apparaît pas sur le bouclier de cette armatura.

190 CIL, IV, 2508.

191 Nous avons déjà soulevé l’ambiguïté du médaillon L13 sur lequel la profondeur du bouclier du gladiateur de gauche n’était pas marquée. Toutefois, en comparant l’attitude des combattants sur ces deux lampes, nous sommes désormais certains qu’ils appartiennent à la même armatura.

192 Comme sur une scène qui oppose un retiarius à un murmillo dans l’atelier de La Graufesenque (S69). Ici, la représentation rectangulaire qui évoque un piédestal est trop petite pour qu’il soit question du scutum perdu par le vaincu. Pour cette raison, sur la scène 111 bis, nous n’envisageons pas de voir une parma sous le pied du thraex.

193 Conservé au Musée de la civilisation romaine, Rome (A. Hönle, A. Henze, Römische Amphitheater und Stadien. Gladiatorenkämpfe und Circusspiele, Luzern und Herrsching, 1981).

194 CIL, IV, 2508.

195 Mais le gladiateur de la scène S128 qui demande grâce sous la menace d’un oplomachus est peut-être un murmillo qui vient de perdre son scutum.

196 Ville 1981, p. 410-411.

197 C’est d’ailleurs étrange pour un murmillo qui porte généralement une seule ocrea à la jambe gauche.

198 Le bouclier rond que nous avons choisi d’appeler clipeus, pour mieux le différencier de la parma carrée du thraex, est également appelé parma par certains auteurs (Junkelmann 2002, p. 122 ; Teyssier-Lopez 2005, p. 75 et 149).

199 Deux représentations témoignent de cette technique de lutte. L’une figure sur la mosaïque de Zliten, sur laquelle un oplomachus vient toucher au visage un murmillo qui, perdant beaucoup de sang, se voit obligé d’arrêter le combat (Hönle, Henze 1981, 33 b ; Ville 1965, p. 147-155). L’autre, sur un médaillon d’applique sur lequel un murmillo appuie sa main gauche sur son visage blessé (C. Germain-de-Montauzan, « Les fouilles de Fourvière en 1913-1914 », Annales de l’Université de Lyon, nouvelle série fasc. 30, p. 73, fig. 21 ; Wuilleumier, Audin 1952, no 18, p. 31).

200 Une peinture murale datée du IIe siècle apr. J.-C., retrouvée dans la villa de Mechern bei Merzig en Sarre, montre une autre utilisation de la lance. L’oplomachus est plus éloigné de son adversaire qui lui fait face, et il se sert de la longueur de la hampe pour établir une distance de sécurité entre son corps et les armes de son ennemi. C’est le fameux « glacis défensif » déjà évoqué.

201 Voir à ce sujet la reconstitution très intéressante d’un combat entre un thraex et un murmillo proposée par ACTA Expérimentation (Teyssier-Lopez 2005, p. 72-73).

202 Calig. XXXII.

203 Certaines inscriptions témoignent également de cette opposition. Cf. CIL, IV, 2508 : T (hraex). M (urmillo). V (icit). PVGNAX. NER (onianus). (pugnarum) III. P (erit). MURRAUS. NER (onianus). (pugnarum) III. Mais c’est Cicéron le premier qui témoigne sur cet appariement (Phil. VII, 6).

204 Murmillonem e ludo rudibus secum battuentem et sponte prostratum confodit ferrea sica ac more uictorum cum palma discucurrit.

205 DAGR, s.u. gladiator, p. 1588, fig. 3585.

206 Calig. LV.

207 Myrmillonum armaturas recidit.

208 Historia. XXIII, 6, 83.

209 Pedites enim, in speciem myrmillonicum contecti, iussa faciunt ut calones ; sequiturque semper haec turba, tamquam addicta perenni seruitio, nec stipendiis aliquando fulta nec donis.

210 Teyssier-Lopez 2005, p. 42-43.

211 Satire, II, 143-144.

212 Satire, VIII, 207-208.

213 Credamus tunicae, de faucibus aurea cum se porrigat et longo iactetur spira galero.

214 Calig. XXX.

215 Retiari tunicati quinque numero gregatim dimicantes sine certamine ullo toti dem secutoribus succubuerant

216 D. Nikolov, « L’ensemble du forum d’Augusta Trajana », Bulletin de l’Institut d’archéologie bulgare, 37, 1987. p. 103.

217 Ce terme est récent et n’a à Rome aucune signification (nous l’utiliserons par commodité). Le Romain est un bisexuel, mais il doit rester maître de l’acte sexuel qu’il pratique avec un homme. Voir également sur le travestissement des hommes, F. Dupont, T. Éloi, L’érotisme masculin dans la Rome antique, Paris, 2001, p. 115-137.

218 Dans la Satire, II, 117-142 on apprend que Gracchus s’est marié à un joueur de cor. Juvénal écrit d’ailleurs à ce sujet : Traditur ecce uiro clarus genere atque opibus uir… ; « voici qu’un homme, illustre par la naissance et la fortune, se livre à un homme ». Mais il convient de rester prudent avec ce thème de l’homosexualité, car il faut différencier ceux qui ont des rôles « passifs » de ceux qui ont des rôles « actifs » dans ces rapports. Gracchus est passif, il se livre à un autre homme, subit sa loi et, pour cela, est considéré comme débauché. Par ailleurs, pour les Romains, un homme efféminé est également celui qui est lâche au combat, et Gracchus dans ce texte fuit son adversaire. Voir sur ce point : P. Veyne, « L’homosexualité à Rome », dans Sexualités occidentales, Paris, 1982 ; C. Spencer, Histoire de l’homosexualité de l’Antiquité à nos jours, Paris, 1998.

219 Noctes Atticae. V, XII.

220 Tunicis uti uirum prolixis ultra brachia et usque in primores manus ac prope in digitos, Romae atque in omni Latio indecorum fuit.

221 Voir P. Heuzé, L’image du corps dans l’œuvre de Virgile, Paris-Rome, École française de Rome, 1985.

222 Eas tunicas Graeco uocabulo nostri « chirodytas » appellauerunt feminisque solis uestem longe lateque diffusam decere existimauerunt ad ulnas cruraque aduersus oculos protegenda.

223 Voir toutefois l’article de V. Huet, « À la recherche de la jeune fille sur les reliefs historiques romains », dans Le corps des jeunes filles de l’Antiquité à nos jours, L. Bruit-Zaidman, G. Houbre, C. Klapish-Zuber et P. Schmitt-Pantel (éd.), Paris, 2001, p. 62-79, dans lequel l’auteur explique les différences de représentations du corps de la jeune fille et de ses vêtements, selon qu’il s’agit d’un relief ou d’une œuvre littéraire.

224 Tacite (An. XV, 32) décrit des femmes combattantes. Pétrone (Satyricon, XLV) parle notamment d’une gladiatrice essedarius.

225 Satire, I, 23.

226 La finesse d’exécution du dessin est indéniable et le visage est soigneusement reproduit. Il va sans dire que F. Oswald n’a pas cherché à magnifier ce personnage.

227 Quem praestare potest mulier galeata pudorem, quae fugit a sexu ? Vires amat : haec tanem ipsa uir nollet fieri, nam quantula nostra uoluptas. Quale decus, rerum si coniugis auctio fiat, balteus et manicae et cristae crurisque sinistri dimidium tegimen ; uel, si diuersa mouebit proelia, tu felix ocreas uendente puella. Hae sunt quae tenui sudant in cyclade, quarum delicias et panniculus bombycinus urit ?

228 Cicéron (Sest. LXIV, 134) mentionne toutefois son nom avec celui du Samnite.

229 CIL, IV, 2483 ; V, 2884, 4502 ; VI, 7658, 10183.

230 CIL, VI, 7659.

231 G. Lafaye notamment écrit sur ce point : « Aussi l’opinion la plus vraisemblable et la plus généralement admise est-elle que le prouocator était armé de la spata ou spatha (σπάθη), épée plus longue que le gladius [GLADIUS], et que c’était par-là qu’il se distinguait des Samnites » (DAGR, s.u. gladiator, p. 1585).

232 Végèce (Mil. II, 15) nous apprend qu’à son époque cette arme est devenue celle des légionnaires.

233 Certains, toutefois avec des nuances comme R. Sablayrolles qui compare les armes du prouocator à celle de l’oplomachus, mais en ajoutant : « même si on a prêté parfois au prouocator la spatha, épée plus longue que le gladius traditionnel des Samnites et des hoplomaques » (Lattes 1987, p. 37).

234 En effet, spatha signifie également « battoir », dont les anciens tisserands se servaient pour battre la trame au lieu de la peigner. Faut-il pour cette raison rapprocher ce terme de l’usage de la tunique ?

235 Teyssier-Lopez 2005, p. 90.

236 Robert 1940, no 291, pl. XIX.

237 Voir encore la stèle inscrite de Cyzique sur laquelle figure un prouocator à la tunique serrée à la taille par une ceinture, avec la mention : Εύπρέπης προ[βο] / κάτωρ (Bouley 2001, p. 242).

238 E. Bouley, « La gladiature et la uenatio en Mésie inférieure et en Dacie à partir du règne de Trajan », DHA, 20, 1, 1994, p. 45, no 46.

239 « Άγροίκον πυγμή προβοκάτορα χερετερόπλον / τờν μέγαν έν σταδίοις μεικρờς έκρυψε τάφος ».

240 CIL, VI, 10183. Voir également Junkelmann 2002, p. 114, pour une analyse détaillée de ce bas-relief.

241 Conservé au British Museum.

242 Satire, VI, 365,7-365,13. D’après le fragment d’Oxford publié par E.O. Winstedt, datant de 1899 (Codex Bodleianus Canonicianus XLI).

243 Purior ergo tuis laribus meliorque lanista, in cuius numero longe migrare iubetur Psyllus ab Euhoplio ; quid quod nec retia turpi iunguntur tunicae, nec cella ponit eadem munimenta umeri pulsatoremque tridentem qui nudus pugnare solet ? Pars ultima ludi accipit has animas aliusque in carcere neruos. Cette dernière phrase sous-entend que, même en prison, ils ont un cachot attitré et sont séparés des autres gladiateurs. Le terme « cep » quant à lui renvoie à un instrument de torture servant à briser les pieds.

244 CIL, VI, 4334, 10167 ; IX, 465 ; X, 7364.

245 Néanmoins, deux gladiateurs figurés sur un médaillon de lampe trouvé à Lyon (L7) posent un problème d’identification, puisqu’ils utilisent un bouclier ovale et non une parma ronde. D’autre part, leur arme ne semble pas être le gladius, mais plutôt une sorte de pique. Leur casque enfin est constitué d’un bord beaucoup plus large que celui de l’eques. Pourrions-nous alors être en présence d’essedarii - ces gladiateurs qui combattent du haut d’un char -, en train de lutter au sol sur cette représentation ? C’est tout à fait probable, d’autant que M. Junkelmann attribue aux essedarii le bouclier ovale (Junkelmann 2000, p. 118). E. Teyssier, quant à lui, pense qu’il « est possible d’assimiler ces combattants à une variante des equites » (Teyssier-Lopez 2005, p. 93). Et les essedarii comme les equites ne combattent qu’entre eux (cf. compte rendu de Thasos, Robert 1941, p. 110, no 52).

246 S’agit-il réellement de la spatha employée par les cavaliers de la légion ? Apulée (Métamorphoses, I, 4) écrit à ce sujet : Et tamen Athenis proxime et ante Poecilen porticum uisto gemino obtutu circulatorem aspexi equestrem spatham praeacutam mucrone infesto deuorasse, « Et pourtant, l’autre jour, à Athènes, devant le Poecile, j’ai vu, de ces deux yeux vu, un faiseur de tours avaler, la pointe en avant, un sabre de cavalerie fort tranchant ».

247 Sest. 59, 126.

248 Orig. XVIII, 53.

249 Nous connaissons trois occurrences sur lampes (Bailey 1980, Q. 789, Q. 795, Q. 875) sur lesquelles un seul cavalier apparaît. Toutefois, deux equites sur leur monture en plein combat, armés de la lance, décorent le monument d’Umbricius Scaurus à Pompéi (DAGR, s.u. gladiator, p. 1589).

250 Bouley 2001, p. 244-246.

251 CIL, IV, 2437.

252 Mais les equites ne portent pas tous des claui.

253 C’est ce qui apparaît sur la mosaïque de la Via Appia à Rome, conservée au Musée archéologique national de Madrid, sur laquelle l’eques Maternus a péri lors de son combat. Le geste de l’arbitre témoigne d’une mort violente qui a eu lieu pendant la lutte et non pas après la demande de grâce (J.-M. Blazquez, Mosaicos Romanos de Espaňâ, Madrid, 1993). Une scène similaire apparaît sur la mosaïque de Zliten, sur laquelle un eques s’apprête à tuer son adversaire, alors que l’arbitre retient son arme avec ses mains (Hönle, Henze 1981, pl. 33a). Enfin, une mosaïque d’Aenona (Dalmatie) donne un autre aperçu de la lutte entre equites. En effet, le combattant au sol n’a pratiquement pas le temps de demander sa grâce, puisque son adversaire se jette sur lui sans doute pour le meurtrir. Habituellement, le gladiateur qui demande grâce se situe à l’écart du vainqueur. En tout cas, il réussit à esquisser un geste (S. Batovic, J. Belosevic, M. Suic, Nîn, Zadar, 1968, p. 46, p. XXII).

254 B. Lopez évoque lui-aussi un premier stade de la gladiature : « Les gladiateurs feraient probablement leurs armes dans les combats de prouocatores » (Teyssier, Lopez 2005, p. 118). Mais il se fonde pour proposer cette analyse sur une technique de combat dans laquelle le bouclier du prouocator serait vraiment l’arme offensive par excellence.

255 Certaines ne sont jamais figurées sur nos supports, notamment celles des uelites (un combattant proche du soldat romain, utilisant des javelots qu’il projette à l’aide d’une courroie, l’amentum), et sans doute celle des laquearii (un gladiateur proche du retiarius qui combat avec un lasso et un pedum).

256 Il est souvent mentionné par les sources littéraires. Mais c’est essentiellement Juvénal (Satire, III, 158 ; VI, 216-218 ; 365,7-365, 13 ; XI, 5-8) qui renseigne sur son nom.

257 J. Déchelette, notamment, a confondu le lanista et l’arbitre (Déchelette 1904, p. 296, fig. 112). Mais il semble que d’autres auteurs du début du XXe siècle aient fait l’amalgame entre ces deux personnages. G. Lafaye accorde, quant à lui, plus d’importance à l’editor, celui qui offre les jeux et aux doctores, les instructeurs qu’il confond sans doute avec les deux arbitres (DAGR, s.u. gladiator, p. 1595).

258 L’arbitre grec est ainsi représenté sur des amphores panathénaïques datées de 332 av. J.-C., cf. E.-N. Gardiner, Athletics of the Ancient World, Oxford, 1930, fig. 191.

259 Il n’est pas certain qu’après cette date leur rôle soit aussi important qu’aux premiers siècles de l’Empire. En effet, la radicalisation des munera contribue peut-être à leur disparition.

260 Nous connaissons toutefois deux médaillons d’applique sur lesquels apparaissent ces personnages. Celui de Cavillargues, conservé au Musée de Nîmes, est sans doute le plus connu avec ses deux arbitres (P. Wuilleumier, A. Audin, Les médaillons d’appliques gallo-romains de la vallée du Rhône, Lyon, 1952, no 34), mais un autre exemplaire trouvé à Lyon permet de découvrir le summa rudis (Wuilleumier, Audin 1952, no 18). Notons également la présence de ce protagoniste sur un balsamaire en bronze découvert à Reims (J. Petit, Bronzes antiques de la collection Dutuit, Paris, 1980, p. 147, no 78), comme sur quelques mosaïques. Celle de Zliten (Hönle, Henze 1981, pl. 33a-b), celle de Vérone (Junkelmann 2000, p. 106-107), celle de la Via Appia à Rome (Madrid, Musée archéologique national), celle de Curium (Musée archéologique de Chypre), ou celle de la villa de Bignor (conservée in situ, Angleterre). Un monument commémoratif à la gloire du secutor Epiptas découvert à Tatarevo en Bulgarie permet encore de découvrir un arbitre (Sofia, Musée archéologique, no inv. 6735). Enfin, une peinture murale du terrain de Lestrade à Périgueux laisse entrevoir le bas de la tunique ornée d’un arbitre (A. Barbet, Fresques de gladiateurs à Périgueux, Périgueux, 1999, p. 7-10).

261 Toutefois, ce support semble plus enclin à représenter l’arbitre. Les exemples précédents, ainsi que les deux mosaïques figurées dans notre catalogue, l’attestent.

262 Le terme féminin rudis signifie la baguette, mais il peut aussi permettre de définir l’arbitre. On parlera alors de summa rudis ou de secunda rudis, c’est-à-dire d’arbitre principal et d’arbitre assistant.

263 Ville 1981, p. 369.

264 Nous ne pensons pas, qu’à l’image d’un duel à l’épée ou au pistolet, les gladiateurs se mettent d’accord sur le déroulement de l’affrontement comme peuvent le faire des duellistes (J.-N. Jeanneney, Le duel une passion française, 1789-1914, Paris, 2004, p. 31 et 33). D’ailleurs, l’arbitre n’est pas un simple témoin qui assiste au combat sans intervenir dans la lutte.

265 Un balsamaire en bronze découvert à Reims montre un arbitre tenant la rudis près d’une pancarte sur laquelle est noté perseuerate. S’agit-il d’un terme usité par le summa rudis pour dire aux combattants de poursuivre la lutte, de persévérer. C’est une possibilité (J. Petit, Bronzes antiques de la collection Dutuit, Paris, 1980, p. 147, no 78).

266 Et qui ne lèvent donc pas le pouce, le pollex. En effet, l’index, du latin index, correspond au doigt qui sert à indiquer ou à montrer. Notons que ce problème du pouce levé rejoint celui du pouce baissé, le fameux pollice uerso, titre du célèbre tableau de Léon Gérôme. D’ailleurs, dans les sources littéraires, le terme exact est uerso pollice. Cf. Juvénal (Satire, III, 36) : quondam hi cornicines et municipalis harenae perpetui comites notaeque per oppida buccae munera nunc edunt et, uerso pollice uulgus cum iubet, occidunt populariter ; inde reuersi conducunt foricas et Prudence (Sym. XI, 1098-1099) : pectusque iacentis uirgo modesta conuerso pollice rumpi. Voir à ce sujet l’intervention de M. Dubuisson faite le 24 septembre 2003 à l’université de Liège, lors de la séance intitulée : « Et pourquoi pas les langues anciennes ? » sur le site www.ulg.ac.be/littlat/dossiers/d1/pollex.htm, au cours de laquelle l’auteur explique les erreurs commises sur cette question depuis plus d’un siècle. Il cite également deux auteurs, R. Auguet et U. E. Paoli, qui dans leur ouvrage replacent ce poncif, qu’il convient une bonne fois pour toutes d’oublier. Concernant d’autre part le doigt qui indique, l’index, M. Dubuisson ajoute : « Le doigt que la foule de Juvénal tend vers celui qu’elle veut voir mettre à mort, ce n’est évidemment pas le pouce, c’est l’index, le doigt qui sert par excellence à montrer, le mieux visible de loin. » Voir également l’ouvrage de A. Corbeill, « Thumbs in Ancient Rome : Pollex and Index », dans Memoirs of the American Academy in Rome, 42, 1997, p. 1-21.

267 Il doit toutefois obtenir l’aval de l’editor, celui qui organise le spectacle. Concernant d’autre part les gestes de la main, B. Lopez propose de voir dans le pouce replié dans la paume de la main de l’arbitre du médaillon de Cavillargues le signe d’une décision : stantes missi, match nul pour signifier que les deux gladiateurs sont graciés debout et surtout ensemble (Teyssier-Lopez 2005, p. 128-129).

268 Le terme d’officiales est parfois utilisé. Il s’agit de ceux qui ont un devoir.

269 Satyricon, XL.

270 donec aduenerunt ministri ac toralia praeposuerunt toris, in quibus retia erant picta subsessoresque cum uenabulis et totus uenationis apparatus.

271 Satyricon, XXXIV.

272 Comme celles qui figurent sur la mosaïque de Zliten (Ville 1965, fig. 17-18) et peut-être comme celle qui apparaît sur la peinture murale de la rue des Bouquets à Périgueux (Barbet 1999, p. 14).

273 Les uenationes se déroulent également au son des instruments.

274 Satire, III, 34-36.

275 Ce son est très perçant, autour de 3000 hertz (Péché, Vendries 2001, p. 78).

276 Ou que celui en bronze qui a été retrouvé dans la caserne des gladiateurs à Pompéi et qui est conservé au Musée archéologique national de Naples, no inv. 286789.

277 Celle-ci est encore bien visible sur un cor tenu par un gladiateur figuré sur l’aquarelle de Niccoloni qui décore le mur-parapet de l’amphithéâtre de Pompéi (Lattes 1987, p. 15, pl. VII). Elle est encore employée pour bloquer le cor contre l’épaule d’un cornicen, sur un graffito tracé sur le mur d’une maison à Rome (J. Perrot, L’orgue et ses origines hellénistiques, Paris, 1965, p. 111, fig. 3).

278 Orgue à eau inventé par Ctésibios d’Alexandrie. L’eau est stockée dans la cuve et son niveau s’élève lorsque l’air est envoyé sous pression par deux pompes cylindriques.

279 Satyricon, XXXVI.

280 D’après V. Péché, les deux souffleurs qui actionnaient les leviers et les bielles des deux pompes situées de part et d’autre de la cuve ne sont pas figurés pour une simple raison de place. On privilégie les musiciens principaux (Péché, Vendries 2001, p. 78).

281 Gose 1950, p. 15, pl. 11, d’après Ludowici III, 273 Kma, deuxième moitié du IIe siècle apr. J.-C.

282 On le retrouve encore sur un balsamaire en bronze trouvé à Reims, daté du IIe siècle apr. J.-C. Sa forme toutefois est plus proche de celle de l’orgue de Nennig (Petit 1980, p. 147, no 78).

283 Ceux-ci peuvent exceptionnellement être rythmés au son de l’hydraulus, d’après une inscription tardive d’Aquincum (CIL, III, 10501).

284 CIL, X, 4915.

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