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    Plan détaillé Texte intégral Les Maria Les Abesson L’exception toulousaine Quand le prix ne dit pas tout Notes de bas de page

    Les procureurs du midi sous l'Ancien Régime

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre VI. Des Maria aux Abesson, du revenu au capital

    p. 111-128

    Texte intégral Les Maria Les Abesson Un indice : les conditions d’apprentissage Deuxième indice : l’évolution du prix des charges L’exception toulousaine Quand le prix ne dit pas tout Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Au-delà des édits et ordonnances qui servent d’arrière-plan à leur situation dans le royaume, les effets concrets de ces changements peuvent être saisis, pour un peu qu’on accepte de suivre les procureurs de part et d’autre de la barrière chronologique que nous avons nous-même érigée. Des Maria, au XVIe siècle, aux Abesson, au XVIIe siècle, la charge de procureur au parlement d’Aix change de portée. Elle change aussi de prix. Il n’est pas sûr cependant que les procureurs aient toujours pu en profiter. Avant de tenter une modélisation de la situation économique du procureur, il faut présenter quelques histoires qui lui serviront de socle.

    Les Maria

    2En 1542, Honorade Guiramand a épousé Bernardin Maria, procureur au parlement, à qui elle a donné trois garçons : Jean, Guillaume et François. Au moment de la mort de Bernardin, le fils aîné est déjà engagé ailleurs et ses deux frères sont trop jeunes pour reprendre la charge de leur père qui est donc vendue, avec les papiers en dépendant, à Jean Garcin, qui l’exerce jusqu’à sa mort1. Soutenue par son fils aîné, la veuve de Bernardin épouse en 1569 un autre procureur au parlement, Nicolas Du Buisson qui s’engage à nourrir, chausser et vêtir ses deux fils Guillaume et François, et à leur faire apprendre l’écriture et l’art qui leur plaira2. L’un des deux fils, Guillaume, choisit l’art de la pratique et quand il épouse, sept ans plus tard, une veuve d’Aix, Anne Imbert, qui apporte au mariage l’auberge de l’Écu de France, située rue des Épinaux à Aix, il est prêt à devenir à son tour procureur, comme son père et son parâtre3. Il a participé, l’année précédant son mariage, à la basoche, à titre d’enseigne4 et il ne lui manque plus que l’office qui lui permettra d’exercer. À l’occasion de ce mariage, Nicolas Du Buisson promet à son beau-fils de lui résigner son office de procureur en parlement, en survivance, sans toutefois que la valeur de l’office ne soit précisée. L’apport au mariage de Guillaume est bonifié par la donation que lui fait sa mère, Honorade, après sa mort, de tous ses biens. En retour, on convient que tous les fruits provenant de l’office de procureur ou des biens d’Honorade serviront à entretenir les donateurs, ainsi que les nouveaux mariés et leur famille, qui habiteront ensemble.

    3Comme c’est la coutume, Guillaume entame alors son livre de raison. Le premier acte qu’il y inscrit est le contrat de mariage de ses parents qu’il fait suivre du contrat de son propre mariage5. Son parâtre, qui avait payé la finance des résignations à survivance, lui fait obtenir les lettres de provision royale le 31 août 1577, mais les gens du roi font quelque difficulté à recevoir Guillaume dont les lettres n’ont pas été obtenues dans le délai prescrit par l’édit de survivance de 1576. Pour que ses lettres soient considérées comme valables par le procureur général au parlement d’Aix, Maria doit obtenir un autre édit de prorogation des résignations à survivance, grâce auquel le procureur général, le 6 octobre 1578, autorise qu’on procède à « l’information sur la vie meurs eage religion et conversation chrestienne et catholique » de Guillaume Maria. Malchance ou mauvaise volonté : le commissaire qui informe sur la bonne vie de Guillaume, le conseiller au parlement Vincent Boyer, s’acquitte de sa tâche, mais quitte la ville sans que le processus de réception du procureur ne soit terminé. Guillaume doit présenter une nouvelle requête au parlement, pour réclamer qu’un autre commissaire soit nommé, pour qu’enfin il puisse être reçu, ce qu’accepte le parlement qui nomme à cet effet le conseiller D’Ardillon, le 19 novembre 1578. L’arrêt à la barre qui fait état de la vérification et de l’enregistrement des lettres de provision et de la réception du procureur, est établi le 27 novembre 15786. Il aura fallu plus d’un an pour que la résignation de son parâtre donne enfin le droit à Guillaume de postuler au parlement de Provence. Même si l’édit des résignations à survivance qui l’a permis comporte des restrictions de délais, il a été relativement facile de contourner cette obligation.

    4Quatre filles sont nées de son mariage avec Anne Imbert, deux d’entre elles, Sibille et Marguerite, sont toujours vivantes quand, devenu veuf, Guillaume se remarie en octobre 1592, cette fois avec une veuve de Marseille. Polixène Berger apporte au mariage tous ses biens, ainsi que des avantages nuptiaux obtenus de son premier mari, Jean Rebiere, épousé en 15887. Guillaume aura de ce deuxième mariage, deux autres filles, Jeanne et Anne, et un garçon, Christophe8. Quand Guillaume fait son testament, à la veille de sa mort, en 1599, son fils est encore tout jeune, mais il recommande à sa femme de le faire étudier et instruire « aux lettres et bonnes meurs ». La veuve envoie donc son fils au collège de Saint-Maximin, mais l’enfant mourra avant d’avoir pu porter bien loin les espoirs qu’entretenait son père pour lui.

    5Après une vingtaine d’années comme procureur au parlement, deux mariages et cinq enfants vivants dont aucun n’est encore marié, Guillaume Maria possède, au moment de sa mort, une maison à Aix, rue Riffe Raffe, cinq vignes, dont une lui vient de sa mère, une bastide, deux autres maisons et divers biens à Cruis (région de Forcalquier), dont il a hérité de son oncle Chaffret Maria, après 1589. Ses filles du premier lit entrent en possession de l’héritage de leur mère, le logis de l’Écu de France, qui rapporte une rente perpétuelle de 70 écus par année, une maison à la rue de Juterie et des biens à Saint-Antonin9. À Aix, le bruit court que sans l’apport de sa première femme, le procureur aurait eu du mal à vivre décemment10.

    6Le procureur peut aussi mettre à son actif ce qu’on lui doit. Certaines de ces dettes sont liées à sa pratique, mais elles permettent moins de dire ce que rapportait cette dernière que les difficultés qu’avait parfois le procureur à se faire payer. Ainsi les 350 écus dus pour des vacations et fournitures que le procureur a faites aux procès d’Honoré Puget, décédé, dont le premier arrêt de condamnation à payer date du 27 mars 1577 sont-ils toujours en litige, en 159911. Outre certains clients qu’il représente au parlement ou à la cour des comptes et qui lui doivent des vacations, sans que l’on sache le volume des affaires en cause, d’autres, comme Christophe de Couppes, seigneur de Saint-Vincens, ont envers le procureur un passif important qui confond les vacations et les prêts personnels12. Même si le procureur a consenti des prêts à quelques personnes, rares sont ceux, comme Estienne Estienne, seigneur de Villemus, contrôleur des finances de Provence, qui lui doit 1 500 livres, à qui il a prêté de grosses sommes13. Il ne semble pas non plus avoir investi dans les rentes sur les communautés. Les deux prêts qu’il leur a consentis (Ginasservis et Aix) ne totalisent même pas 400 écus. Ses autres débiteurs le sont pour de petites sommes, parfois obtenues à la suite de plusieurs cédules, portant sur de petits montants à la fois (5 ou 6 écus).

    7Si l’on exclut le logis de l’Écu de France et les autres biens apportés par sa première femme et qui passent à sa mort à ses deux filles du premier lit, l’avoir le plus important semble être, pour Guillaume Maria, son office de procureur. Il s’agit cependant d’un bien fragile, qui vaut par sa clientèle et par le droit qu’il confère d’exercer le métier. Obtenue alors qu’il s’agissait d’un office royal, la charge de procureur de Guillaume a depuis été rétrogradée. On parle encore d’un office, mais on n’a plus à obtenir de provisions royales pour s’en prévaloir. Son prix quant à lui est négociable et subit les effets du marché et de la conjoncture. Les années qui ont suivi la réunion du parlement ligueur avec le parlement royal ont été extrêmement décevantes pour les avocats et les procureurs qui ont subi les contrecoups d’un « marché » aixois de la justice en baisse. Entre 1595 et 1597, on se plaint que trop pauvre, le peuple ne plaide plus, et que les riches vont ailleurs qu’à Aix14. Malade, cloué au lit, Guillaume Maria fait son testament le 17 avril 159915 avant de décider de résigner son office quelques jours plus tard16. Comme il n’a pas de fils apte à prendre la relève, il doit d’abord trouver un acheteur prêt à offrir, pour son état et sa pratique, des conditions avantageuses pour ses héritiers. Malade depuis un long moment, il n’a pu lui-même faire les démarches nécessaires. C’est donc sa femme qui passe, avec l’acheteur, des arrangements négociés par Joseph Estienne, greffier civil au parlement, en qui Guillaume a une telle confiance qu’il en a fait, dans son testament, le conseiller de sa femme pour tous les contrats d’importance. Le rôle du greffier, dans la vente de l’état de procureur de Guillaume, a été crucial et la famille estime même que « sans la providance dud. sr Estienne » l’office aurait été perdu17.

    Les Abesson

    8L’office, qui n’est plus, faut-il le dire, un office royal, est vendu à un praticien originaire de Châteaurenard, Jean Abesson. Il obtient, avec l’office, les sacs, livres, registres, papiers, procédures, pratiques et émoluments qui en dépendent, ainsi que les « bureaux et restellier servant à l’estude dud. estat18 ». Pour cet ensemble, il promet payer 1 200 écus soit 3 600 livres, au rythme de 400 écus par année. Normalement, la charge et ses dépendances devraient donc être remboursées en trois ans. Pour assurer le paiement, les Cordurier, oncles d’Abesson, originaires aussi de Châteaurenard, servent de caution à leur neveu. Advenant un défaut de paiement, on s’entend pour que l’état de procureur et les papiers et pratiques l’accompagnant puissent être mis aux enchères. Si l’on ne se fie qu’aux quittances notariées que signent les parties, l’office aurait été complètement payé, le 9 octobre 160419. La réalité est pourtant beaucoup plus complexe.

    9En effet, les paiements qu’Abesson devait faire pour la charge de procureur, ont en partie servi à constituer les dots des filles de Guillaume, ce qui permet d’avoir des informations complémentaires20. Malgré ce que disent les quittances obtenues, Abesson doit encore, en 1607, 600 livres à l’un des maris des filles Maria, et 210 livres à l’autre21. Obligé par la cour de payer, il doit de nouveau emprunter, en donnant son office en garantie22. Tant que la charge n’est pas entièrement payée, sa propriété reste précaire. En effet, même si les « compositions d’office23 » ne le disent pas encore, la charge non complètement payée peut toujours être saisie par les créanciers des vendeurs pour se payer de la somme qui leur est due24.

    10Même s’il a du mal à rencontrer les termes de son contrat, Abesson reprend la clientèle de Maria notamment l’affaire qui implique Christophe de Couppes, dont il devient curateur pourvu à la discussion générale des biens. C’est sa plus grosse affaire et elle l’occupe à coup sûr de 1609 jusqu’en 163825.

    11La carrière du procureur Abesson enjambe la barrière chronologique de l’office royal. Abesson exerce en effet une vingtaine d’années avant le changement de statut et une vingtaine d’années après. Faute d’information sur sa pratique, on peut observer, de part et d’autre de cette barrière, deux indices. Il s’agit des conditions d’apprentissage qu’il négocie avec ses clercs, avant et après l’érection en office royal, et de l’évolution du prix de sa charge.

    Un indice : les conditions d’apprentissage

    12Sans être un gros procureur, Abesson est secondé, dans son étude, par des clercs qu’il contribue à former26. En suivant les conditions des contrats d’apprentissage qu’il négocie, de part et d’autre des années 1620, peut-être pourrons-nous mesurer l’effet de l’office royal sur l’attrait de la carrière de procureur. Restons prudents toutefois. Parce qu’il dépend de plusieurs critères, on peut difficilement établir le coût moyen d’un apprentissage chez un procureur, ou conclure de ce coût que le métier est plus ou moins recherché. Les termes de ces contrats rattachent le prix que paient les apprentis au logement et à la nourriture que leur fournit le procureur, mais il est évident que le prix ne fait pas que répercuter le coût de la vie, même s’il s’y colle davantage qu’au marché de la profession. En effet, ces services se négocient selon la compétence du clerc, son état de préparation, mais également en fonction des modalités de paiement qu’on a conclues. En 1607, Abesson passe deux contrats d’apprentissage. Les deux clercs s’engagent à servir de la même façon, mais l’un paie 180 livres pour deux ans, alors que l’autre ne se voit imposer que 150 livres. Le premier paie un an à l’avance, tandis que le second paie toute la somme dans le mois qui suit son engagement27. En 1610, Abesson engage un autre apprenti pour 180 livres pour deux ans, mais en 1613, un autre convient de payer 240 livres pour le même temps, alors qu’en 1614, Arnaud Berneau, de Pertuis, ne se fait demander que 120 livres. Si l’on en juge par la collaboration qu’Abesson établit ensuite avec ce dernier, on peut croire que Berneau n’en était pas au début de sa formation et qu’il pouvait rendre des services qui compensaient en partie le gîte et le couvert qu’on lui fournissait28. En 1621, alors que la charge de procureur est redevenue un office formé, le fils Pélissier de Marseille paie 180 livres pour 2 ans d’apprentissage chez Abesson29. Le premier février 1633, le fils Rantier paie encore 100 livres pour un an pour apprendre le métier, ce qui n’est que 10 livres de plus que ce que le procureur avait chargé, au début de sa carrière30. Chez Abesson, le coût de l’apprentissage semble donc s’être maintenu tout au long de son activité et ne pas avoir subi l’influence des édits érigeant les offices formés, ou accordant l’hérédité. La comparaison des différents contrats d’apprentissage que fait passer le procureur Abesson montre que les coûts chargés par un même procureur varient, selon des impondérables qu’on peut soupçonner, sans toutefois pouvoir les identifier formellement. Elle incite donc à la prudence. On peut néanmoins s’interroger sur cette indifférence à l’office royal que semble manifester le coût de l’apprentissage. Comme pour le contrat de vente d’office, peut-être le changement intervient-il plus tôt.

    13Pour le vérifier, considérons l’autre point de repère qu’est l’édit de 1572, relativement bien appliqué à Aix et qui faisait, pour la première fois, un office royal de la charge de procureur. Rassemblés de façon tout à fait aléatoire, une vingtaine de contrats d’apprentissage passés par des procureurs aixois31, dans la deuxième moitié du XVIe siècle, permettent d’établir un ordre de grandeur. Combinés aux contrats d’Abesson, ils définissent deux périodes. La première regroupe les contrats passés entre 1558 et 1566, donc avant l’office royal, et montre que l’apprentissage chez un procureur se négocie en moyenne, à Aix, à 53 livres par année. La deuxième, qui réunit les données de 1594 à 1633, indique qu’il faut désormais débourser 94 livres en moyenne par année, pour le même apprentissage.

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    Tableau 1. – Coût de l’apprentissage à Aix chez les procureurs par année, en livres.

    14On peut donc dire que quelque part après 1567 et même en tenant compte d’une année aussi mauvaise pour la justice que 1594, le coût d’un apprentissage de procureur a presque doublé à Aix. On connaît bien la montée des prix qui touche les années 1590 à Aix32. Si cette inflation de l’apprentissage ne s’expliquait que par cette montée des prix, elle aurait subi la même correction que celle des autres prix. Or, entre 1594 et 1633, le coût de l’apprentissage se maintient sans que les années 1620 ne se démarquent. Le statut d’officier royal ne semble donc pas présenter un tournant dans l’intérêt que prennent les familles pour le métier de procureur. Le véritable changement est antérieur, même si l’observation n’est pas ici assez fine pour dire quand exactement il se produit (voir figure 1).

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    Figure 1. – Coût de l’apprentissage chez les procureurs par année (en livres).

    15Abesson ne nous permet pas de mesurer exactement son activité de procureur. Si l’on peut glaner ici et là quelques indices – il est arrivé que deux clercs travaillent pour lui en même temps33 ; on sait qu’il a participé très tôt à la vie de la communauté des procureurs34 – on n’en sait guère plus. Il a tout de même réussi, comme les procureurs du XVIe siècle, à se faire construire une maison35 et à s’acheter, en 1621, une bastide au terroir d’Aix. Pour la bastide, il n’a fourni que 300 livres sur les 2 700 livres qu’il devait payer et la vendeuse a insisté pour qu’il rembourse les 2 400 livres qui restaient à payer quand « bon lui semblera ». La pension de 120 livres qu’Abesson acceptait de payer en échange à la vendeuse faisait probablement l’affaire des deux parties puisque le contrat stipule que si Abesson décide de rembourser le capital, il devra, non pas remettre l’argent liquide à la vendeuse, mais plutôt trouver une communauté solvable qui l’acceptera, au denier 2036. Les rentes sur immeubles ou les rentes constituées37 sont alors considérées comme des placements sûrs. La bastide d’Abesson parle certes pour la dette de ce dernier, mais elle dit surtout qu’on veut que l’argent prêté rapporte, régulièrement. Les compositions d’office de procureur, à Aix, se négocient exactement de la même façon.

    Deuxième indice : l’évolution du prix des charges

    16Le contrat qu’a passé Abesson avec la femme de Guillaume Maria pour son office, en 1599, se rapproche beaucoup plus des compositions38 d’office qu’on trouve en abondance chez les notaires aixois après 1620 que de ceux de la seconde moitié du XVIe siècle, rarement aussi précis. Il signale que, déjà, quelque chose est en train de se passer dans la profession de procureur : elle a désormais un prix qu’on peut estimer, de façon ouverte39. Il n’est donc pas nécessaire d’attendre l’érection définitive en office royal pour constater un changement et il semble, a priori, que ce soit la confirmation de l’hérédité qui ait eu le plus d’impact.

    17À partir du XVIIe siècle, les charges de procureurs et les pratiques peuvent être vendues par les familles à qui leur convient, sous réserve que le candidat remplisse les conditions nécessaires pour être reçu par les juges devant lesquels il postule. Même lorsqu’elles sont transmises d’un père à son fils, il n’est pas inutile d’évaluer, dans un contrat, ce que représente cette transmission, ce qui permettra de négocier un meilleur mariage, ou de justifier que les règles d’héritage ont bien été respectées. C’est exactement ce que fait Jean Abesson, père, quand, en 1643, il fait convention avec son fils pour la vente de son office40. L’acte se démarque de celui qu’a conclu le père, quarante-quatre ans plus tôt. Si l’objet de la résignation n’a pas changé et comporte l’état, les sacs, les registres et les papiers dépendant de l’office de procureur, les montants en jeu sont bien différents et les clauses cette fois tentent de tout prévoir. Le fils promet de payer à son père la somme de 10 000 livres (contre 3 600 dans le contrat de 1599), en trois années et en trois paies égales (ce qui correspond aux termes du premier contrat). La communauté des procureurs au parlement ayant racheté plusieurs nouveaux offices de procureurs pour éviter une chute des prix, elle en a réparti les coûts sur l’ensemble des membres de la communauté. Le fils promet donc de décharger son père de ces cotisations et de payer lui-même le corps des procureurs. Loin d’être surprenante, cette clause, évidemment absente au XVIe siècle, est récurrente dans tous les traités d’office aixois du XVIIe siècle.

    18Tant que le fils n’a pas payé les 10 000 livres, c’est le père qui jouira des revenus de l’office, en retour de quoi il nourrira son fils, le vêtira et le tiendra dans sa maison. C’est également le père qui nourrira les clercs dont son fils aura besoin et il retirera pour ce faire les paiements faits par les clercs. Si le fils se marie, au gré du père bien sûr, ce dernier fait donation à son fils des 10 000 livres et des fruits de l’office, mais le père gardera la dot de la femme du fils quelle qu’elle soit, dot qu’il pourra employer au paiement de ses propres dettes et pour marier sa fille Françoise. Le fils, bien sûr, s’il tombe malade ou s’il veut résigner l’office avant d’être marié, ne pourra le faire qu’en faveur de son père ou de la personne désignée par son père, au même prix de 10 000 livres. La montée du prix de l’office depuis qu’il l’a acquise a, certes, été spectaculaire, mais elle n’atteint pas, pour Abesson, les sommets que lui aurait probablement permis la vente de son office à un étranger41. Il est clair que l’office sert ici d’appât pour un bon mariage, dans lequel le père Abesson met tout son espoir. Le fait de transmettre son office à son fils ne lui permet pas de compter sur de l’argent neuf. L’apport d’une bonne dot est donc essentiel pour redresser les finances de la famille, avide d’argent frais. Quelques jours avant la rédaction de cette convention, le père Abesson, en effet, a dû envoyer son fils à Marseille, pour y emprunter les 300 livres nécessaires à payer le droit de bonnet qu’exigeaient ces messieurs du parlement pour recevoir son fils comme procureur42.

    19Tous les procureurs ne sont pas aussi mal en point financièrement que Jean Abesson43, mais les conventions d’office permettent de dégager une tendance claire dans l’évolution des prix des offices de procureurs dans la première partie du XVIIe siècle : à partir de 1623 et jusqu’en 1647, les charges de procureur au parlement ont subi une hausse des prix marquée (voir figure 2). Les données nous manquent pour la seconde moitié du XVIIe siècle, d’ailleurs moins pertinentes, le prix des offices de procureur ayant été limité par arrêt du Conseil d’État à 6 000 livres44. Celles de la première moitié du XVIIIe siècle illustrent quant à elles une chute des prix spectaculaire. Quant aux quelques prix de vente d’offices et pratiques de procureurs à la sénéchaussée d’Aix que nous avons retrouvés, ils sont bien insuffisants pour permettre des conclusions, bien qu’ils paraissent avoir été plus stables que ceux des procureurs au parlement.

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    Figure 2. – Prix de vente des charges et pratiques de procureurs à Aix-en-Provence (en livres).

    20La figure 2 semble associer la montée des prix de la charge de procureur à son érection en titre d’office royal en 1623. Par ailleurs, l’office royal entraîne pour les pourvus des frais supplémentaires. Or, non seulement ces frais ne semblent pas avoir éloigné les candidats de l’office de procureur, mais ces derniers semblent avoir été prêts à payer encore plus qu’avant pour devenir procureurs. À quoi pourrait-on attribuer cette montée des prix, si ce n’est à une augmentation de la demande liée au statut nouveau de l’office de procureur ? Cette demande pourrait aussi s’expliquer par la rumeur d’une limite imposée au nombre de procureurs, risquant de provoquer une pénurie de ce type d’offices, mais si c’eût été le cas, la montée des prix se serait également fait sentir au XVIIIe siècle, ce qui est loin de s’être produit. Est-ce donc la dignité que reconnaît l’office royal qui exerce sur les candidats une telle fascination qu’ils se trouvent happés dans une bulle spéculative des offices comme on parle aujourd’hui d’une bulle immobilière ?

    L’exception toulousaine

    21Il faut ici comparer avec ce qui se passe ailleurs. On connaît la courbe du prix des charges de procureurs à Paris, grâce aux études de Robert Descimon45, mais la situation parisienne était-elle vraiment comparable à celle d’Aix ? Restons dans le Midi et considérons le cas de Toulouse, d’autant plus intéressant qu’il fait figure d’exception quant au statut d’officier royal des procureurs au parlement contre lequel les procureurs de Toulouse se sont rebiffés.

    22La figure 3 rassemble les prix des charges telles que nous les avons retrouvés dans les inventaires, les pactes de mariage et les testaments des procureurs de Toulouse, comparés aux prix obtenus par les procureurs au parlement d’Aix. Elle est étonnante. En effet, on se serait attendu à ce que le parlement de Toulouse, beaucoup plus important que celui d’Aix, offre à ses procureurs la possibilité d’obtenir pour leur charge un plus haut prix. À Toulouse, les charges de procureur des années 1630 n’atteignent pas 3 000 livres alors qu’elles dépassent les 12 000 livres à Aix pendant la même période. Les pointes, constatées pour Aix pour la période qui suit l’érection de la charge en office royal, ne se retrouvent pas du tout à Toulouse.

    23Il est vrai que la situation des procureurs de Toulouse est bien différente de celle des procureurs-officiers royaux d’Aix. En effet, à la suite de l’édit de 1620, seuls cinq ou six procureurs toulousains ont trouvé l’argent nécessaire pour prendre leurs provisions du roi. Le partisan qui doit s’occuper de la vente de ces nouveaux offices cède. L’édit n’y a donc pas eu d’effet. En 1627, un autre partisan obtient un édit semblable à celui de 1620, ce qui entraîne une autre rebuffade des procureurs. L’édit n’y a pas plus d’effet46.

    24Pour les procureurs qui doivent vendre leur office pendant cette période, ces tergiversations ont un effet sur la négociation des prix qu’ils obtiennent. En 1627, quand Pierre Salvat s’entend avec son futur gendre, Jean-François Franques, sur un prix pour sa charge, il doit lui promettre de lui défalquer une somme de 300 livres pour la composition de l’office si jamais l’acheteur devait prendre des provisions royales47. Tout repose sur le parlement : il a, il est vrai, accepté de vérifier l’édit de 1620, mais, dans les faits, cela ne l’empêche pas d’admettre les résignations des procureurs sans obliger leurs successeurs à prendre provisions du roi48. Il faut attendre 1666 pour qu’un nouvel édit impose une réduction du nombre de procureurs au parlement de Toulouse ainsi que l’obligation de prendre les provisions du roi. Cette fois, les procureurs de Toulouse se soumettent, après avoir de nouveau tenté de plaider leur pauvreté49.

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    Figure 3. – Prix de vente des charges et pratiques de procureurs au parlement (en livres).

    25Contrairement aux procureurs aux parlements d’Aix et de Grenoble, les procureurs au parlement de Toulouse ne prennent donc leurs lettres du roi que tardivement. S’ils paraissent s’accommoder fort bien de leur statut, il semble bien qu’ils n’aient pas eu à subir – ou à bénéficier de – la montée des prix de leur charge, au moment où celles d’Aix atteignent des sommets. Peut-être le nombre de procureurs mal contrôlé joue-t-il sur la dévaluation des prix de la charge ? Peut-être le statut d’officier royal ajoute-t-il, après tout, une plus value qui manque aux procureurs de Toulouse ?

    26Il semble bien, en tout cas, que cette situation des procureurs de Toulouse ait eu un effet sur la façon dont ils ont géré leur rapport à la profession. Quand on compare les papiers conservés par les procureurs et que signalent leurs inventaires, on constate que les provisions royales et les diverses quittances des taxes payées par des générations de procureurs ont été, à Aix ou à Grenoble, conservées avec beaucoup de soin. Elles constituent en quelque sorte l’histoire de l’office de chaque procureur et contribuent à inscrire ce dernier dans un temps long qui remonte, pour certains, jusqu’au XVIe siècle. À Toulouse, cette histoire de l’office n’existe pas avant 1666. Quelques procureurs ont gardé leurs propres provisions et les papiers s’y rapportant (l’enquête sur leurs mœurs, l’arrêt de réception par le parlement), mais la plupart se préoccupent fort peu de ce qui s’est passé avant eux. Or, les choses changent à partir de 1666. C’est que désormais, l’hérédité se paie et qu’il faut s’assurer de pouvoir brandir les papiers qui la confirment. En 1698, parmi les papiers de Thomas Durand, on trouve non seulement ses provisions accompagnées des quittances de la finance et du marc d’or, les requête, enquête et arrêt de réception, mais également celles de son prédécesseur, le sieur François Carratié, et celles du prédécesseur de ce dernier François de Chaide, datées du 25 novembre 1666, auxquelles sont ajoutés des extraits d’arrêt du conseil et de l’édit de réduction du nombre de procureurs50. Même souci chez le procureur Guillaume Lasalle qui avait acheté son office en 1647 pour 6 000 livres, au prix de grands efforts financiers, et qui a dû prendre des provisions royales à la suite de l’édit de 1666. Les papiers qu’il a gardés reconstituent pour nous le fil des événements de la reddition des procureurs : attachées à ses lettres de provisions royales, datées du 25 novembre 1666, l’arrêt du Conseil d’État portant modération de la finances des offices de procureurs du 10 août 1662, l’édit du roi sur la réduction du mois de septembre 1666, la quittance de 48 livres pour le droit du marc d’or et modération pour la première provision faite à Lasalle le 16 novembre 1666, la quittance de 300 livres pour l’obtention des provisions du 11 avril 1670, l’arrêt d’enregistrement des procurations au greffe de la cour de parlement du 30 juillet 1670, l’arrêt du conseil royal du 20 août 1670 portant que les procureurs du parlement de Toulouse jouiront des privilèges en payant le droit courant, demeurant déchargés des années précédentes omises, la déclaration du roi pour la continuation du droit annuel pour trois années, du 27 novembre 1671, la quittance faite à Lasalle de la somme de 333 livres 6 sols 8 deniers pour la taxe faite, réduite et arrêtée au conseil du 3 mai 1673, pour l’hérédité de l’office, avec l’édit du roi de 1672, et diverses autres quittances pour le droit annuel ou pour le tiers51. Non seulement, les procureurs conservent-ils les quittances justifiant qu’ils ont payé, mais, peut-être méfiants face aux changements de politique royale, ils y joignent également les édits et les arrêts qui établissent leurs droits. Les procureurs de Toulouse ont désormais rejoint leurs collègues des autres parlements du Midi, leurs relations avec l’État viennent de prendre un autre tournant.

    27L’exemple toulousain semble plaider, a contrario, pour un effet économique de l’érection des charges de procureurs en office royal. Là où l’office royal est accepté (à Aix), les prix explosent ; à Toulouse, où on le refuse, les prix restent bas. Avant de conclure, sans doute faut-il encore se demander s’il est pertinent de raisonner sur les enseignements de la figure 2 ou de la figure 3 qui ne contiennent que des prix de vente globaux. Les conditions que stipulent les conventions d’offices fournissent en effet des informations qu’il vaut la peine de considérer. Plusieurs facteurs contribuent à établir le prix de l’office : la disponibilité des offices, l’appétit de l’acheteur pour un office de procureur, le capital dont on dispose, le revenu qu’on peut en espérer. Tous ces facteurs entrent en compétition quand il s’agit d’établir un prix, lequel résulte toujours d’une négociation.

    Quand le prix ne dit pas tout

    28L’achat de Jean Séguiran est assez éclairant. Il est praticien au moment de son contrat de mariage avec Marthe Chassignoles, fille d’un apothicaire d’Aix, le 12 mai 164452. Pour constituer la dot de sa fille, son beau-père fournit 4 200 livres auxquelles s’ajoutent 300 livres données par sa belle-mère. Si la dot est payée en partie par des coffres qu’on estime à 600 livres, on s’entend pour que les 3 600 livres restant soient fournies par l’apothicaire dans le cadre de la composition de l’office de procureur que doit acquérir l’époux. Le jour même de ce contrat de mariage, Pierre Bec résigne son office de procureur au parlement en faveur de Jean Séguiran. Les parties conviennent que l’office sera payé 10 500 livres. L’apothicaire débourse 900 livres comptant auxquelles il ajoute 2 700 livres en capital de pension. Les 6 900 livres restant seront quant à elles payées d’ici 7 ans, les intérêts étant calculés au denier 20, ce qui revient à 345 livres par année. On peut rembourser cette somme par versements, mais ils ne doivent pas être inférieurs à 1 000 livres. C’est l’oncle de Jean Séguiran, un greffier de Barjols qui sert de caution pour le paiement de ces 6 900 livres. Les deux clercs qui sont déjà au service de Bec resteront au service de Séguiran et Bec continuera de les nourrir, jusqu’à la fin de leur contrat. La convention ne contient rien d’extraordinaire et se compare aux autres qui sont négociées dans la même période. Or, Jean exerce l’office de Pierre Bec pendant quelques mois, puis, le 12 août 1644, se disant « indisposé », il rend l’office et tout ce qui l’accompagnait à son propriétaire53.

    29Un mois et demi plus tard, nouvelle résignation en faveur de Jean Séguiran, par le procureur au parlement Gaspard Gazel. Les conditions sont cette fois fort différentes : d’abord l’office est moins cher, puisque Gazel accepte de le lui vendre 9 400 livres soit 1 100 livres de moins. 900 livres seront payées comptant, comme dans la première convention, et 2 700 livres dans l’an qui suit. Malgré une diminution du prix, il n’est pas sûr que l’affaire soit plus avantageuse pour Séguiran. En effet, les 5 800 livres restant seront payées d’ici 6 ans, avec intérêts au denier 20. S’il veut payer avant le terme, Séguiran ne pourra faire de versement inférieur à 1 500 livres et devra prévenir le vendeur au moins 6 mois à l’avance. Si sa dette n’est pas éteinte aux termes convenus, les intérêts seront augmentés au denier 16. En plus d’avoir à payer les charges dues au corps des procureurs, Séguiran laisse à Gazel les vacations et fournitures qui lui sont encore dues par quelques clients. Bien qu’on ne puisse pas évaluer cette réserve, elle paraît beaucoup plus importante que ce que l’on trouve dans les autres conventions d’offices de procureurs à Aix. On ne sait pas si Gaspard Gazel a eu le temps d’exercer son office qu’il avait hérité de son père Martin, puisque quand il promet de remettre les registres de présentations à Séguiran, il précise que ces registres sont toujours chez sa tutrice. Quant à Séguiran, l’oncle qui l’avait cautionné lors de la première convention est disparu et c’est son beau-père qui prend le relai, garantissant pour son gendre les 8 500 livres qui restent à payer. C’est donc finalement l’apothicaire qui fournit à son gendre le capital économique et symbolique nécessaire pour acheter son office. Que s’est-il passé ? On ne peut pas être dupe de l’« indisposition » du procureur et on peut supposer que ce sont les conditions de la première vente qui ont été remises en cause. Le beau-père, désormais seul à financer l’office, a sans doute considéré qu’il pouvait obtenir un meilleur prix, quitte à accepter des conditions de paiement plus fermes, qu’il se savait apte à rencontrer.

    30La conjoncture et des circonstances particulières peuvent aussi expliquer les conditions qu’on arrive à négocier. Trouver un office, comme trouver un acheteur peut parfois être ardu. La femme d’Abesson a bien cru que sans l’aide du greffier Estienne, l’office de son mari aurait été perdu. Certains s’y prennent donc à l’avance.

    31Pierre Julien, un procureur au parlement assez prospère, si l’on en juge par le fait qu’il entretient dans son étude un maître clerc et deux autres clercs, a obtenu son office en 1627. Il a donc toujours été un officier royal. Il vend aussi son office de procureur en 1644. Son acheteur est un praticien de Saint-Julien-le-Montagnier, Vincent Pellat, gendre d’un audiencier au parlement. Pierre Julien vend son office au prix de 13 000 livres. Pour payer une telle somme, le praticien doit compter sur son beau-père qui lui a promis 4 000 livres au moment de son mariage, et sur son père avec qui il paiera les 9 000 livres restant d’ici 5 ans, en réglant les intérêts chaque année, à raison de 5 ½ %. Pierre Julien considère la vente de son office comme un placement et non comme un prêt dont il souhaite être remboursé au plus vite. En effet, il refuse que les Pellat lui remboursent moins de la moitié de leur dette à la fois. L’affaire est conclue rapidement, de sorte qu’il s’écoule trois mois entre la convention et le moment où elle entre en vigueur. Pendant cette période, Pierre Julien continue d’exercer sa fonction dont il garde tous les profits, mais il ajoute cette clause de réserve : toutes les pensions, vacations et fournitures qui lui seront dues à la suite des activités accomplies pendant ces trois mois et qui concerneront les communautés, les chapitres, les hôpitaux et les discussions des biens de hauts personnages qu’il nomme demeureront à lui et ne sont pas comprises dans la convention. De son côté, Pellat devra occuper gratuitement en tous les procès que le procureur, sa femme et ses enfants auront, et dont il ne pourra retirer que le droit de présentations. Le contrat est passé en janvier, et l’on convient que jusqu’à la Saint-Michel, l’étude de l’office sera maintenue au même endroit, que le vendeur continuera de nourrir son maître-clerc et ses deux clercs, mais que Pellat paiera pour les aliments du maître-clerc.

    32Pierre Julien n’est pas le seul à avoir trouvé à l’avance un acheteur pour son office. C’est aussi le cas du procureur au siège d’Aix, Marc Antoine Silvecane, qui a négocié la vente de son office deux ans à l’avance54, avec le praticien André Eissautier, le jour même de l’émancipation de ce dernier.

    33Les prix de l’office reflètent certes la demande pour entrer dans la profession, mais ils disent plus aussi. Les conventions montrent que l’office de procureur est davantage qu’une autorisation à gagner un revenu, il est devenu, dans la première moitié du XVIIe siècle, un capital économique. Il faut maintenant essayer de comprendre ce que cela veut dire.

    Notes de bas de page

    1 On ne connaît pas les termes de l’entente, mais en 1599, alors que Jean Garcin est décédé, ses fils doivent encore à la succession de Bernardin Maria, la somme de 300 écus (900 livres) à laquelle ils ont été condamnés par le parlement en 1593. Les Garcin et les Maria étaient liés à travers les Genevois. Manuel Genevois, le peintre, avait épousé la sœur d’Honorade Guiramand, la femme de Bernardin. La femme de Jean Garcin était aussi une Genevois. Le procureur Jean Garcin, décédé en 1592, ayant laissé son office vacant, le conseiller d’Arcussia, le plus ancien des présidents et conseillers, eut droit de nommer son remplaçant. Il choisit maître Perrel. ADBR Aix, b 3660, fo 1146, délibérations du parlement du 4 décembre 1592.

    2 ADBR Aix, 4B 22, fo 412. Honorade apporte en dot tous ses biens. Elle était l’héritière universelle de son père, Jean, décédé en 1557. ADBR Aix, 4B 1106, 19 février 1580, rapport d’experts visant à évaluer le supplément de légitime auquel ont droit certains membres de la famille Guiramand.

    3 ADBR Aix, 4B 30, fo 164 ; 307E 823, fo 1312 vo, testament de Guillaume Maria. Le testament de la mère d’Anne, également veuve de son second mari, Jean André, un marchand d’Aix, indique qu’Anne Imbert est sa fille unique et que son père était Esprit Imbert : 301E 177, fo 1214, 5 décembre 1576. Guillaume conserva le logis de l’Écu de France pour ses filles.

    4 ADBR Aix, 302E 516, fo 851, 13 mai 1575, il signe un engagement avec les tambours et les fifres, en tant qu’enseigne, ayant charge du roi de la basoche.

    5 ADBR Aix, 307E 823, fo 1531 vo. Inventaire des biens de Guillaume Maria, fait le 30 mai 1599.

    6 ADBR Aix, b 3333, fo 687 vo - 693 vo. La quittance indique que le coût de la finance de résignation se montait à 20 écus.

    7 ADBR Aix, 4B 37, fo 460, 10 octobre 1592. La période n’est pas facile pour Guillaume. Au cours de l’année, il a perdu deux de ses filles, Anne le 9 février et Louise le 23 février (information contenue dans son testament, 307E 823, fo 1312 vo, 17 avril 1599). Guillaume, avec d’autres, est alors en procès contre un conseiller au parlement (Nicolas Flote) qui est héritier par bénéfice d’inventaire d’un certain Thomas Raisson. Tous les conseillers et officiers de la sénéchaussée d’Aix ont été récusés par la partie de Maria et les récusations ont été admises. Par ailleurs, Maria a encore récusé 55 avocats du siège d’Aix, récusations qui ont aussi été admises. Flote a donc présenté sa requête au parlement, mais Maria, assigné, a récusé tous les conseillers du parlement sauf cinq, ce qui n’était pas suffisant pour juger ni les récusations, ni le procès principal. Flote a donc dû présenter sa requête au Conseil d’État qui a finalement décidé que la cause serait entendue au parlement de Toulouse et non ailleurs. C’est Charles de Lorraine, duc de Mayenne, lieutenant général de l’État et couronne de France qui signe les lettres d’évocation. ADBR Aix, b 3480, extrait du conseil d’État, les lettres sont datées du 17 janvier 1592.

    8 AMA, cc 1178, fo 2.

    9 Ibid., fo 12.

    10 ADBR Aix, 20B 3478, 1594, procès pour excès, du procureur et sa femme contre la femme de Melchior Ricard, qui avait dit, entre autres, que sans le bien de sa première femme, le procureur serait mort de faim, ce qui était évidemment exagéré. Polixène Berger n’était pas sans le sou, son père lui avait constitué 1 200 écus d’or au moment de son premier mariage, dot qu’il n’avait probablement jamais payée, il est vrai. ADBR Marseille, 380E 82, fo 71, 23 janvier 1588.

    11 AMA, CC 1178, fo 28.

    12 De Couppes doit à Maria, au moment de sa mort, 770 écus (2 310 livres). Je n’ai pas poussé plus loin les relations qui sous-tendent ces affaires, mais il est intéressant de souligner que les procureurs Maria, père et fils, sont les procureurs des avocats de Fauris, père et fils, dont le fils, Pierre, finira par obtenir la seigneurie de Saint-Vincent, propriété de Christophe de Couppes. Les Maria et les Fauris sont originaires de la région de Forcalquier. Voir Archives départementales des Alpes de Haute-Provence (désormais ADAHP), 1e 58, extrait d’une sentence du lieutenant de Forcalquier du 31 janvier 1555, signé Maria. ADAHP, 1E 59, récusation faite par le procureur de Jean de Fauris (le père de Pierre), d’un commissaire du parlement, signée Maria, 11 mai 1598. Sans le livre de comptes de sa pratique, il est impossible de mesurer la place de ce client dans l’ensemble de la clientèle de Maria.

    13 L’inventaire de Maria indique que l’oblige pour ce prêt date du 12 novembre 1580. ADBR Aix, 307E 823, fo 1535.

    14 Lettre de l’avocat Pierre Fauris à son père, ADBR Aix, 4B 43, fo 643 vo, lettre VIII, sans date, mais entre 1595 et 1597.

    15 ADBR Aix, 307E 823, fo 1312 vo.

    16 Ibid., fo 1344 vo, 21 avril 1599.

    17 C’est le même Estienne qui est derrière la transaction conclue entre Pierre Ollivier et Sibille Maria. Les deux jeunes gens s’étaient mariés contre la volonté des parents de Sibille et le jeune homme avait été accusé de rapt. C’est en reconnaissance de cette intervention, dit la veuve, qu’elle n’a pas réclamé les 500 écus qu’Estienne Estienne, contrôleur général des Finances, lui devait.

    18 Les offices de procureurs à Aix et à Toulouse, sont toujours vendus avec leurs pratiques qui ne sont jamais évaluées à part. ADBR Aix, 307E 823, fo 1346, 21 avril 1599.

    19 Ibid., fo 1348 vo.

    20 ADBR Aix, 307E 824, fo 1312 vo, mariage de Marguerite Maria avec Mathieu Brun. Michel de Roquebrune, mari de Sybille Maria, est aussi un des créanciers de Jean Abesson.

    21 ADBR Aix, 308E 1337, fo 735 vo ; ibid., fo 876.

    22 Ibid., fo 690 vo, il emprunte 400 livres à Honoré Sauvecane, enquêteur pour le roi au siège d’Aix, expressément pour finir de payer son état et office de procureur. Il obtient quittance pour le paiement de cette somme le 8 novembre 1608. Ses oncles Cordurier de Châteaurenard ont sans doute contribué à résoudre l’impasse financière dans laquelle il semble être car après avoir poursuivi son neveu pour se faire rembourser et avoir obtenu gain de cause, l’un de ses oncles déclare à Abesson qu’il ne compte pas se servir de l’arrêt obtenu, à moins qu’Abesson meure sans enfant. Ibid., fo 378, 18 mai 1607. Le fils du procureur sera d’ailleurs, quelques années plus tard, l’héritier par inventaire de ce vicaire perpétuel d’Eyragues, ADBR Aix, 308E 1355, fo 877, 21 octobre 1625 ; 308E 1356, fo 308, 21 mars 1626.

    23 On appelle ainsi les ententes entre particuliers qui, à Aix, règlent la vente des offices, des pratiques qui en dépendent ainsi que des registres, liasses et des meubles permettant de les ranger.

    24 C’est ce que menace de faire Marc Antoine Beau, un écuyer de Marseille, créancier des héritiers de Guillaume Maria, qui se fait finalement assigner 343 livres qu’Abesson doit lui payer. Ce dernier en paie une partie en 1607 et il n’obtient quittance pour le reste que le 8 février 1611. ADBR Aix, 308E 1341, fo 134 vo.

    25 Première mention retrouvée, 17 février 1609, ADBR Aix, 306E 686, fo 224, puis, presque chaque année jusqu’en 1616. La dernière mention se trouve le 15 mars 1638, Abesson est toujours curateur à la générale discussion des biens de feu Christophe de Couppes. Ce rôle l’a conduit à être assigné plusieurs fois devant le Conseil privé, mais également devant le parlement de Dijon et devant la Chambre de l’édit à Grenoble, où il s’est fait représenter par des avocats. En 1611, il se fait payer sur un moulin saisi, 806 livres que De Couppes lui devait, 306E 688, fo 135. À la fin du XVIe siècle, Christophe de Couppes possédait plusieurs seigneuries près de Noyers, dans les Alpes de Haute-Provence : Saint-Vincent, Le Grand Gubian, Jarjayes et Malcor. M. Z. Isnard, État documentaire et féodal de la Haute-Provence…, Digne, Imprimerie-Librairie Vial, 1913, p. 187, 190, 211, 371.

    26 Les procureurs au parlement d’Aix semblent avoir en moyenne deux clercs chacun. C’est le cas de Toussaint Lestrade, même s’il est criblé de dettes, quand il vend son office, le 18 août 1623, ADBR Aix, 306E 806, fo 784.

    27 ADBR Aix, 308E 1337, fo 131 ; Ibid., fo 649 vo.

    28 ADBR Aix, 29 janvier 1610, 308E 1340, fo 160 ; 15 octobre 1613, 308E 1343, fo 1111 ; 22 septembre 1614, 308E 1344, fo 1212 vo. Le 17 août 1619, Abesson fait Arnaud Berneau, praticien, l’un de ses procureurs pour recouvrer des rentes à Aix, 308E 1349, fo 732. Le 4 septembre 1621, Arnaud Berneau est de nouveau le procureur d’Abesson pour exiger une somme qui lui est due, 308E 1351, fo 835 ; le 31 juillet 1624, Arnaud Berneau, de Pertuis, est de nouveau le procureur d’Abesson, 308E 1354, fo 781.

    29 ADBR Aix, 308E 1351, fo 1098 vo, 11 novembre 1621.

    30 ADBR Aix, 308E 1360, fo 108, 1er février 1633.

    31 La plupart sont procureurs au siège, mais il y a également des procureurs au parlement, et même un avocat qui exerce aussi le métier de procureur. Ces contrats, à l’origine, ont été relevés dans les archives par Caroline Dubé, dans le cadre de sa maîtrise en histoire, malheureusement inachevée.

    32 Particulièrement les années 1591, 1592 et 1593. Voir René Baehrel, Une croissance : la Basse-Provence rurale (fin XVIe siècle-1789), Paris, Sevpen, 1961, notamment les tableau 1, p. 535, tableau 4, p. 547 et tableau 9, p. 560.

    33 En même temps que le fils Rantier, Abesson a un autre clerc, qui est impliqué dans une poursuite devant le viguier d’Aix, pour injures et excès, ADBR Aix, 20b 1282.

    34 En 1612, les syndics des procureurs l’envoient ainsi à Paris poursuivre un procès les concernant devant le Conseil privé du roi. Il y reste 5 mois et doit, pour payer ses dépenses et les frais du procès, emprunter 500 livres au garde des munitions en Provence, ADBR Aix, réclamation d’Abesson aux syndics, 308E 1342, fo 588, 18 juin 1612.

    35 ADBR Aix, 308E 1343, fo 529, 29 avril 1613. Le terrain sur lequel est construite cette maison a été racheté, le 31 janvier 1611, par Abesson, pour une somme de 900 livres pour laquelle il paie une pension annuelle. Comme le terrain était déjà hypothéqué, Abesson doit défendre ses droits lors de plusieurs procès. 308E 1345, fo 865, 9 novembre 1615 ; 308E 1347, fo 809, 28 juin 1617 ; 308E 1349, fo 724, 13 août 1619.

    36 ADBR Aix, 308E 1351, fo 1225, 17 décembre 1621.

    37 Bernard Schnapper, Les rentes au XVIe siècle. Histoire d’un instrument de crédit, Paris, Sevpen, 1957, p. 40.

    38 Les notaires emploient indifféremment les expressions « traité d’office », « composition d’office », ou « convention d’office », pour les conventions entre particuliers qui procèdent au transport d’un office de procureur vers un nouvel officier. Pour tout ce qui concerne les prix des offices et des pratiques de procureurs à Paris, notamment pour les procureurs au Châtelet, pour fins de comparaison, ainsi que pour l’explication des termes qui gravitent autour de l’office, il faut consulter Robert Descimon, « Les auxiliaires de justice du Châtelet de Paris : aperçus sur l’économie du monde des offices ministériels (XVIe-XVIIIe siècle) », Claire Dolan (dir.), Entre justice et justiciables, p. 301-325.

    39 Est-ce le droit d’exercer que l’on paie, la clientèle qui l’accompagne ou les espoirs d’une situation confortable ? Les documents aixois ne permettent pas de le dire puisqu’ils ne distinguent pas ces divers éléments, contrairement à Paris, par exemple, où les pratiques s’évaluent à part des offices.

    40 ADBR Aix, 308E 1440, fo 112 vo.

    41 Entre 1599 et 1643, la charge d’Abesson est passée de 3 600 livres à 10 000 livres. Son prix a donc presque triplé. En termes de rendement théorique, cela correspond, grosso modo, à 4 % par année, ce qui est au-dessous du rendement du denier 20 que visent au minimum toutes les conventions d’office de procureurs que nous avons retrouvées.

    42 ADBR Aix, 308E 1440, fo 84, 28 février 1643.

    43 Les conventions d’office ont pu être retrouvées grâce aux inventaires après décès des procureurs, conservés pour une période limitée dans des registres à part d’inventaires. Ces inventaires précisaient souvent la date de la convention et le notaire chez qui elle avait été faite. Comme on le sait, les lettres de provision de même que les procurations à résigner qui indiquent le nom de la personne à qui on résigne, sans détailler les clauses qui ont présidé à cette résignation, sont inutiles pour connaître le prix payé par le nouveau procureur.

    44 Il est vrai que cette contrainte aurait pu inciter les procureurs à évaluer à part leur pratique. Cependant, les quelques conventions de cette période que nous avons retrouvées ne le faisaient pas. Voir Robert Descimon, « Les auxiliaires de justice du Châtelet de Paris : aperçus sur l’économie… »

    45 Robert Descimon, « Les auxiliaires de justice du Châtelet de Paris : aperçus sur l’économie… », p. 317-320.

    46 ADHG, 1e 1188, pièce 87, non datée et non signée.

    47 ADHG, 1e 11910, pièce 1, inventaire des papiers de Jean-François Franques.

    48 ADHG, 1e 1184, pièce 139.

    49 ADHG, 1e 1184 et 1e 1187 pièce 138, mémoire du 3 mai 1667. Quelques-uns avaient cependant pris leurs lettres royales : en 1605, le procureur Jean Dayot par exemple, 3E 11899, pièce 14, inventaire avec quittance du marc d’or ; en 1622, le procureur Pierre Capriol, 1E 1184 ; en 1575, le procureur au sénéchal Jean Fortanier, 3E 11911 pièce 2, inventaire de son fils, autre Jean Fortanier.

    50 ADHG, 3E 11905, pièce 41, inventaire des meubles de Thomas Durand, 17 novembre 1698.

    51 ADHG, 3E 11921 pièce 7, inventaire des meubles de Guillaume Lasalle, 18 novembre 1675.

    52 ADBR Aix, 306E 793, fo 519 vo, 12 mai 1644.

    53 ADBR Aix, 306E 793, fos 523, 524, 847.

    54 ADBR Aix, 302E 954, fo 148, 15 avril 1687. Le procureur au siège vend son office 7 500 livres, ce qui est plus élevé que le prix permis pour un office de procureur au parlement.

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    1 On ne connaît pas les termes de l’entente, mais en 1599, alors que Jean Garcin est décédé, ses fils doivent encore à la succession de Bernardin Maria, la somme de 300 écus (900 livres) à laquelle ils ont été condamnés par le parlement en 1593. Les Garcin et les Maria étaient liés à travers les Genevois. Manuel Genevois, le peintre, avait épousé la sœur d’Honorade Guiramand, la femme de Bernardin. La femme de Jean Garcin était aussi une Genevois. Le procureur Jean Garcin, décédé en 1592, ayant laissé son office vacant, le conseiller d’Arcussia, le plus ancien des présidents et conseillers, eut droit de nommer son remplaçant. Il choisit maître Perrel. ADBR Aix, b 3660, fo 1146, délibérations du parlement du 4 décembre 1592.

    2 ADBR Aix, 4B 22, fo 412. Honorade apporte en dot tous ses biens. Elle était l’héritière universelle de son père, Jean, décédé en 1557. ADBR Aix, 4B 1106, 19 février 1580, rapport d’experts visant à évaluer le supplément de légitime auquel ont droit certains membres de la famille Guiramand.

    3 ADBR Aix, 4B 30, fo 164 ; 307E 823, fo 1312 vo, testament de Guillaume Maria. Le testament de la mère d’Anne, également veuve de son second mari, Jean André, un marchand d’Aix, indique qu’Anne Imbert est sa fille unique et que son père était Esprit Imbert : 301E 177, fo 1214, 5 décembre 1576. Guillaume conserva le logis de l’Écu de France pour ses filles.

    4 ADBR Aix, 302E 516, fo 851, 13 mai 1575, il signe un engagement avec les tambours et les fifres, en tant qu’enseigne, ayant charge du roi de la basoche.

    5 ADBR Aix, 307E 823, fo 1531 vo. Inventaire des biens de Guillaume Maria, fait le 30 mai 1599.

    6 ADBR Aix, b 3333, fo 687 vo - 693 vo. La quittance indique que le coût de la finance de résignation se montait à 20 écus.

    7 ADBR Aix, 4B 37, fo 460, 10 octobre 1592. La période n’est pas facile pour Guillaume. Au cours de l’année, il a perdu deux de ses filles, Anne le 9 février et Louise le 23 février (information contenue dans son testament, 307E 823, fo 1312 vo, 17 avril 1599). Guillaume, avec d’autres, est alors en procès contre un conseiller au parlement (Nicolas Flote) qui est héritier par bénéfice d’inventaire d’un certain Thomas Raisson. Tous les conseillers et officiers de la sénéchaussée d’Aix ont été récusés par la partie de Maria et les récusations ont été admises. Par ailleurs, Maria a encore récusé 55 avocats du siège d’Aix, récusations qui ont aussi été admises. Flote a donc présenté sa requête au parlement, mais Maria, assigné, a récusé tous les conseillers du parlement sauf cinq, ce qui n’était pas suffisant pour juger ni les récusations, ni le procès principal. Flote a donc dû présenter sa requête au Conseil d’État qui a finalement décidé que la cause serait entendue au parlement de Toulouse et non ailleurs. C’est Charles de Lorraine, duc de Mayenne, lieutenant général de l’État et couronne de France qui signe les lettres d’évocation. ADBR Aix, b 3480, extrait du conseil d’État, les lettres sont datées du 17 janvier 1592.

    8 AMA, cc 1178, fo 2.

    9 Ibid., fo 12.

    10 ADBR Aix, 20B 3478, 1594, procès pour excès, du procureur et sa femme contre la femme de Melchior Ricard, qui avait dit, entre autres, que sans le bien de sa première femme, le procureur serait mort de faim, ce qui était évidemment exagéré. Polixène Berger n’était pas sans le sou, son père lui avait constitué 1 200 écus d’or au moment de son premier mariage, dot qu’il n’avait probablement jamais payée, il est vrai. ADBR Marseille, 380E 82, fo 71, 23 janvier 1588.

    11 AMA, CC 1178, fo 28.

    12 De Couppes doit à Maria, au moment de sa mort, 770 écus (2 310 livres). Je n’ai pas poussé plus loin les relations qui sous-tendent ces affaires, mais il est intéressant de souligner que les procureurs Maria, père et fils, sont les procureurs des avocats de Fauris, père et fils, dont le fils, Pierre, finira par obtenir la seigneurie de Saint-Vincent, propriété de Christophe de Couppes. Les Maria et les Fauris sont originaires de la région de Forcalquier. Voir Archives départementales des Alpes de Haute-Provence (désormais ADAHP), 1e 58, extrait d’une sentence du lieutenant de Forcalquier du 31 janvier 1555, signé Maria. ADAHP, 1E 59, récusation faite par le procureur de Jean de Fauris (le père de Pierre), d’un commissaire du parlement, signée Maria, 11 mai 1598. Sans le livre de comptes de sa pratique, il est impossible de mesurer la place de ce client dans l’ensemble de la clientèle de Maria.

    13 L’inventaire de Maria indique que l’oblige pour ce prêt date du 12 novembre 1580. ADBR Aix, 307E 823, fo 1535.

    14 Lettre de l’avocat Pierre Fauris à son père, ADBR Aix, 4B 43, fo 643 vo, lettre VIII, sans date, mais entre 1595 et 1597.

    15 ADBR Aix, 307E 823, fo 1312 vo.

    16 Ibid., fo 1344 vo, 21 avril 1599.

    17 C’est le même Estienne qui est derrière la transaction conclue entre Pierre Ollivier et Sibille Maria. Les deux jeunes gens s’étaient mariés contre la volonté des parents de Sibille et le jeune homme avait été accusé de rapt. C’est en reconnaissance de cette intervention, dit la veuve, qu’elle n’a pas réclamé les 500 écus qu’Estienne Estienne, contrôleur général des Finances, lui devait.

    18 Les offices de procureurs à Aix et à Toulouse, sont toujours vendus avec leurs pratiques qui ne sont jamais évaluées à part. ADBR Aix, 307E 823, fo 1346, 21 avril 1599.

    19 Ibid., fo 1348 vo.

    20 ADBR Aix, 307E 824, fo 1312 vo, mariage de Marguerite Maria avec Mathieu Brun. Michel de Roquebrune, mari de Sybille Maria, est aussi un des créanciers de Jean Abesson.

    21 ADBR Aix, 308E 1337, fo 735 vo ; ibid., fo 876.

    22 Ibid., fo 690 vo, il emprunte 400 livres à Honoré Sauvecane, enquêteur pour le roi au siège d’Aix, expressément pour finir de payer son état et office de procureur. Il obtient quittance pour le paiement de cette somme le 8 novembre 1608. Ses oncles Cordurier de Châteaurenard ont sans doute contribué à résoudre l’impasse financière dans laquelle il semble être car après avoir poursuivi son neveu pour se faire rembourser et avoir obtenu gain de cause, l’un de ses oncles déclare à Abesson qu’il ne compte pas se servir de l’arrêt obtenu, à moins qu’Abesson meure sans enfant. Ibid., fo 378, 18 mai 1607. Le fils du procureur sera d’ailleurs, quelques années plus tard, l’héritier par inventaire de ce vicaire perpétuel d’Eyragues, ADBR Aix, 308E 1355, fo 877, 21 octobre 1625 ; 308E 1356, fo 308, 21 mars 1626.

    23 On appelle ainsi les ententes entre particuliers qui, à Aix, règlent la vente des offices, des pratiques qui en dépendent ainsi que des registres, liasses et des meubles permettant de les ranger.

    24 C’est ce que menace de faire Marc Antoine Beau, un écuyer de Marseille, créancier des héritiers de Guillaume Maria, qui se fait finalement assigner 343 livres qu’Abesson doit lui payer. Ce dernier en paie une partie en 1607 et il n’obtient quittance pour le reste que le 8 février 1611. ADBR Aix, 308E 1341, fo 134 vo.

    25 Première mention retrouvée, 17 février 1609, ADBR Aix, 306E 686, fo 224, puis, presque chaque année jusqu’en 1616. La dernière mention se trouve le 15 mars 1638, Abesson est toujours curateur à la générale discussion des biens de feu Christophe de Couppes. Ce rôle l’a conduit à être assigné plusieurs fois devant le Conseil privé, mais également devant le parlement de Dijon et devant la Chambre de l’édit à Grenoble, où il s’est fait représenter par des avocats. En 1611, il se fait payer sur un moulin saisi, 806 livres que De Couppes lui devait, 306E 688, fo 135. À la fin du XVIe siècle, Christophe de Couppes possédait plusieurs seigneuries près de Noyers, dans les Alpes de Haute-Provence : Saint-Vincent, Le Grand Gubian, Jarjayes et Malcor. M. Z. Isnard, État documentaire et féodal de la Haute-Provence…, Digne, Imprimerie-Librairie Vial, 1913, p. 187, 190, 211, 371.

    26 Les procureurs au parlement d’Aix semblent avoir en moyenne deux clercs chacun. C’est le cas de Toussaint Lestrade, même s’il est criblé de dettes, quand il vend son office, le 18 août 1623, ADBR Aix, 306E 806, fo 784.

    27 ADBR Aix, 308E 1337, fo 131 ; Ibid., fo 649 vo.

    28 ADBR Aix, 29 janvier 1610, 308E 1340, fo 160 ; 15 octobre 1613, 308E 1343, fo 1111 ; 22 septembre 1614, 308E 1344, fo 1212 vo. Le 17 août 1619, Abesson fait Arnaud Berneau, praticien, l’un de ses procureurs pour recouvrer des rentes à Aix, 308E 1349, fo 732. Le 4 septembre 1621, Arnaud Berneau est de nouveau le procureur d’Abesson pour exiger une somme qui lui est due, 308E 1351, fo 835 ; le 31 juillet 1624, Arnaud Berneau, de Pertuis, est de nouveau le procureur d’Abesson, 308E 1354, fo 781.

    29 ADBR Aix, 308E 1351, fo 1098 vo, 11 novembre 1621.

    30 ADBR Aix, 308E 1360, fo 108, 1er février 1633.

    31 La plupart sont procureurs au siège, mais il y a également des procureurs au parlement, et même un avocat qui exerce aussi le métier de procureur. Ces contrats, à l’origine, ont été relevés dans les archives par Caroline Dubé, dans le cadre de sa maîtrise en histoire, malheureusement inachevée.

    32 Particulièrement les années 1591, 1592 et 1593. Voir René Baehrel, Une croissance : la Basse-Provence rurale (fin XVIe siècle-1789), Paris, Sevpen, 1961, notamment les tableau 1, p. 535, tableau 4, p. 547 et tableau 9, p. 560.

    33 En même temps que le fils Rantier, Abesson a un autre clerc, qui est impliqué dans une poursuite devant le viguier d’Aix, pour injures et excès, ADBR Aix, 20b 1282.

    34 En 1612, les syndics des procureurs l’envoient ainsi à Paris poursuivre un procès les concernant devant le Conseil privé du roi. Il y reste 5 mois et doit, pour payer ses dépenses et les frais du procès, emprunter 500 livres au garde des munitions en Provence, ADBR Aix, réclamation d’Abesson aux syndics, 308E 1342, fo 588, 18 juin 1612.

    35 ADBR Aix, 308E 1343, fo 529, 29 avril 1613. Le terrain sur lequel est construite cette maison a été racheté, le 31 janvier 1611, par Abesson, pour une somme de 900 livres pour laquelle il paie une pension annuelle. Comme le terrain était déjà hypothéqué, Abesson doit défendre ses droits lors de plusieurs procès. 308E 1345, fo 865, 9 novembre 1615 ; 308E 1347, fo 809, 28 juin 1617 ; 308E 1349, fo 724, 13 août 1619.

    36 ADBR Aix, 308E 1351, fo 1225, 17 décembre 1621.

    37 Bernard Schnapper, Les rentes au XVIe siècle. Histoire d’un instrument de crédit, Paris, Sevpen, 1957, p. 40.

    38 Les notaires emploient indifféremment les expressions « traité d’office », « composition d’office », ou « convention d’office », pour les conventions entre particuliers qui procèdent au transport d’un office de procureur vers un nouvel officier. Pour tout ce qui concerne les prix des offices et des pratiques de procureurs à Paris, notamment pour les procureurs au Châtelet, pour fins de comparaison, ainsi que pour l’explication des termes qui gravitent autour de l’office, il faut consulter Robert Descimon, « Les auxiliaires de justice du Châtelet de Paris : aperçus sur l’économie du monde des offices ministériels (XVIe-XVIIIe siècle) », Claire Dolan (dir.), Entre justice et justiciables, p. 301-325.

    39 Est-ce le droit d’exercer que l’on paie, la clientèle qui l’accompagne ou les espoirs d’une situation confortable ? Les documents aixois ne permettent pas de le dire puisqu’ils ne distinguent pas ces divers éléments, contrairement à Paris, par exemple, où les pratiques s’évaluent à part des offices.

    40 ADBR Aix, 308E 1440, fo 112 vo.

    41 Entre 1599 et 1643, la charge d’Abesson est passée de 3 600 livres à 10 000 livres. Son prix a donc presque triplé. En termes de rendement théorique, cela correspond, grosso modo, à 4 % par année, ce qui est au-dessous du rendement du denier 20 que visent au minimum toutes les conventions d’office de procureurs que nous avons retrouvées.

    42 ADBR Aix, 308E 1440, fo 84, 28 février 1643.

    43 Les conventions d’office ont pu être retrouvées grâce aux inventaires après décès des procureurs, conservés pour une période limitée dans des registres à part d’inventaires. Ces inventaires précisaient souvent la date de la convention et le notaire chez qui elle avait été faite. Comme on le sait, les lettres de provision de même que les procurations à résigner qui indiquent le nom de la personne à qui on résigne, sans détailler les clauses qui ont présidé à cette résignation, sont inutiles pour connaître le prix payé par le nouveau procureur.

    44 Il est vrai que cette contrainte aurait pu inciter les procureurs à évaluer à part leur pratique. Cependant, les quelques conventions de cette période que nous avons retrouvées ne le faisaient pas. Voir Robert Descimon, « Les auxiliaires de justice du Châtelet de Paris : aperçus sur l’économie… »

    45 Robert Descimon, « Les auxiliaires de justice du Châtelet de Paris : aperçus sur l’économie… », p. 317-320.

    46 ADHG, 1e 1188, pièce 87, non datée et non signée.

    47 ADHG, 1e 11910, pièce 1, inventaire des papiers de Jean-François Franques.

    48 ADHG, 1e 1184, pièce 139.

    49 ADHG, 1e 1184 et 1e 1187 pièce 138, mémoire du 3 mai 1667. Quelques-uns avaient cependant pris leurs lettres royales : en 1605, le procureur Jean Dayot par exemple, 3E 11899, pièce 14, inventaire avec quittance du marc d’or ; en 1622, le procureur Pierre Capriol, 1E 1184 ; en 1575, le procureur au sénéchal Jean Fortanier, 3E 11911 pièce 2, inventaire de son fils, autre Jean Fortanier.

    50 ADHG, 3E 11905, pièce 41, inventaire des meubles de Thomas Durand, 17 novembre 1698.

    51 ADHG, 3E 11921 pièce 7, inventaire des meubles de Guillaume Lasalle, 18 novembre 1675.

    52 ADBR Aix, 306E 793, fo 519 vo, 12 mai 1644.

    53 ADBR Aix, 306E 793, fos 523, 524, 847.

    54 ADBR Aix, 302E 954, fo 148, 15 avril 1687. Le procureur au siège vend son office 7 500 livres, ce qui est plus élevé que le prix permis pour un office de procureur au parlement.

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    Dolan, C. (2012). Chapitre VI. Des Maria aux Abesson, du revenu au capital. In Les procureurs du midi sous l’Ancien Régime. Rennes: Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.130527
    Dolan, Claire. « Chapitre VI. Des Maria aux Abesson, du revenu au capital ». In Les procureurs du midi sous l’Ancien Régime. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2012. doi:10.4000/books.pur.130527.
    Dolan, Claire. « Chapitre VI. Des Maria aux Abesson, du revenu au capital ». Les procureurs du midi sous l’Ancien Régime, Presses universitaires de Rennes, 2012, https://doi.org/10.4000/books.pur.130527.

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