Les Archives nationales, l’Occupation et les spoliations d’archives à Paris. Prises de conscience et retours d’expériences (1940-1949)
p. 179-198
Texte intégral
1L’histoire des Archives nationales et, plus généralement, des Archives de France sous l’Occupation est une histoire en plein chantier1. Le fait même que le sujet, et même une partie de ses sources avec les séries « archives des Archives », n’émergent que tardivement doit être pensé comme un élément de la mémoire plusieurs fois réélaborée de l’administration française et des professions intellectuelles sous l’Occupation allemande. L’objectif de cette contribution est de s’interroger plus particulièrement sur la prise de conscience des spoliations d’archives à Paris par les Archives nationales. Cette réflexion sera donc centrée sur la politique documentaire et la définition même de ce que sont les archives dans l’esprit de leurs gardiens, sans pouvoir ici traiter autrement que comme des éléments de contexte les relations des archivistes avec leur ministère de tutelle, avec le réseau des Archives de France, départementales et communales, comme avec leurs collègues d’autres archives publiques, notamment diplomatiques et militaires.
2Quelles furent les priorités perçues par les archivistes et notamment les directeurs successifs des Archives nationales Pierre Caron (1937-avril 1941), Charles Samaran (avril 1941-16 août 1944 et 20 octobre 1944-1948), et, très brièvement, Georges Bourgin (pendant la suspension de Charles Samaran), par rapport à leur culture professionnelle, et plus largement à leur éthique de fonctionnaires républicains ? Comment ont-ils perçu la politique allemande d’archives dans ses différentes dimensions : juridique, technique, stratégique et idéologique, mais aussi documentaire et scientifique ? Ont-ils compris la nouveauté majeure que fut la spoliation massive d’archives publiques et privées dans le Paris occupé ? Sans méconnaître donc les enjeux plus larges de l’histoire d’une administration sous l’Occupation, qu’ils soient politiques ou plus concrets, comme la gestion des personnels et des bâtiments, la perspective sera de retrouver, autant que possible, le point de vue des archivistes eux-mêmes, à travers leurs documents de travail et les mémoires et articles publiés pendant le conflit et après-guerre, qui élaborent le récit collectif de cette période.
Protéger le « trésor historique national » : une priorité
3La priorité des archivistes fut de protéger du conflit les documents confiés à leur garde. Les Archives nationales étaient en leur fief parisien du Marais, gardiennes du « trésor historique national », selon l’expression de Charles Samaran dans son rapport au Conseil national des archives en 19462. Le double précédent de la guerre 1914-1918 et de la guerre d’Espagne, marquée par l’usage inédit de l’aviation, avait posé de manière pressante la question de la mise en sûreté des biens culturels et conduit à une anticipation du conflit dans les années 1930. Les plans, de protection, dont le dernier semble daté de la fin août 1939, combinèrent les mesures de défense passive et l’évacuation de 600 à 1 000 tonnes de documents depuis Paris vers les « dépôts-refuges » de la Loire, du Cher et du Sud-Ouest. L’efficacité de cette politique se mesura à l’absence de destructions de documents des dépôts parisiens des Archives nationales pendant la « guerre éclair » du printemps 1940, que ce soit suite aux combats ou aux pillages. Seuls disparurent quatre documents déposés par la famille Murat, évacués au château de Beaumesnil dans l’Eure avec une partie des séries médiévales des Archives nationales et laissés sans gardien début juin 1940 devant « l’avancée foudroyante des troupes ». Lors de la libération de Paris en août 1944, les étages supérieurs des dépôts furent « évacués ou entassés » en un temps plus bousculé, puisque les plans de protection élaborés en 1943 avec les Allemands n’avaient prévu d’évacuation que pour les départements côtiers et les vallées du Rhône et de la Garonne3.
4Entre-temps en effet, une large partie des fonds évacués en septembre 1939 avaient été « réintégrés » à la demande expresse des autorités d’Occupation. Cette tâche fut d’abord confiée au capitaine Plassman, attaché à l’ambassade, qui entra en contact avec Pierre Caron, dès la deuxième quinzaine de juin 1940. Au mois d’août s’installa à l’hôtel de Rohan l’Archivschutz ou groupe Archivwesen. Ce bureau V13 de la section administrative de l’administration militaire en France, le Militärbefehlshaber in Frankreich (MBH) basé à l’hôtel Majestic, avait été créé le 17 juillet 1940. Il était dirigé par l’ancien directeur des Archives de Hanovre Georg Schnath, sous la tutelle à Berlin du directeur des archives du Reich le Dr Zipfel. La petite équipe dirigée par Schnath se consacra dans les premiers mois de 1940 à des missions d’inspection et de récolement dans les dépôts, réalisées en binôme avec les archivistes français, puis au retour à Paris des archives évacuées. Ce retour, « souhaité » par les Allemands selon l’expression de Pierre Caron, fut réalisé à l’exception des documents du musée de l’Histoire de France et de l’Armoire de fer, toujours au château d’Alleret en Haute-Loire, des archives de la Justice, du Parlement et Châtelet de Paris et du dépôt de la Guerre restés dans les châteaux de Talcy et de Ménars près de Blois.
5Pierre Caron, Charles Samaran, Georges Bourgin alors conservateur à la section moderne, minimisèrent pendant l’Occupation « la présence permanente de plusieurs membres de la commission d’archives allemandes qui occup [ai] ent le local jusque-là réservé à l’archiviste chargé à lui seul de l’énorme minutier centrale des notaires de Paris ». Elle fut qualifiée dans ce rapport officiel de juillet 1941 de « gêne légère » mentionnée « pour mémoire seulement ». L’installation de près de quarante archivistes, historiens, juristes, photographes ou ordonnances, au service desquels deux gardiens français avaient été affectés, fut complètement omise du rapport de 19424. Tous insistaient sur son rôle de « contrôle » mais surtout de « protection », alors que le sort des documents restait entre des mains françaises. Quand le gouvernement avait quitté Paris pour Bordeaux, Pierre Caron avait en effet décidé de rester sur place. L’installation dans les locaux du palais de Soubise du Centre de placement des travailleurs intellectuels de novembre 1939 à novembre 1940, puis du Centre national d’information sur les prisonniers de guerre entre juillet 1940 et octobre 1941, fut présentée comme permettant d’éviter l’occupation totale des locaux par l’administration allemande, au prix de la réquisition d’une part non négligeable de l’espace et des personnels non prisonniers ou manquants. Les archivistes français, formés comme leurs collègues allemands au respect des fonds et à la concentration d’un même fonds en un même lieu5, soucieux de proximité physique avec les documents, rencontraient donc, en réintégrant les documents évacués, les « souhaits » de la commission, sans qu’aucun conflit ait apparemment conduit à l’arbitrage du gouvernement de Vichy ou de la commission d’armistice sur ce point.
Archives et politique, deux mondes étanches ?
6Si l’ambition de Schnath, spécialiste de la Grande-Bretagne, était d’occuper les mêmes fonctions à Londres dès la chute de l’Angleterre, il était néanmoins francophone6. La « collaboration correcte et sans heurts » dont il proposa le bilan en 19447 se basait sur une culture professionnelle partagée, davantage que sur des relations concrètes entre les professions de part et d’autre du Rhin, qui semblent avoir été rares dans l’entre-deux-guerres. Ces « conditions relativement normales », cette institution « en veilleuse » selon les expressions respectives de Georges Bourgin et Charles Samaran en 1942 et 1944 permirent aux archivistes français de continuer à travailler, dans une perspective présentée dans les textes contemporains et ultérieurs comme celle de la continuité dans les circonstances matérielles et morales difficiles de la guerre. Les priorités de Charles Samaran en 1941-1944 – classement des fonds de Notre-Dame et de l’abbaye de Saint-Denis, inventaire du trésor des Chartes – marquent la volonté de poursuivre l’œuvre de mémoire nationale. De fait, la « maison » contribua d’abord au rangement des documents revenus en bon ordre malgré quelques « dégâts matériels », puis aux inventaires des sections anciennes et modernes, et, autant que possible, aux publications.
7L’entremêlement entre enjeux administratifs, politiques et personnels dans les départs en retraite non souhaités de Pierre Caron et Charles Samaran, puis dans le retour de ce dernier au prix d’une acrobatie administrative lui permettant de prolonger sa présence, ne permettent pas de démêler encore précisément l’écheveau des relations entre les directeurs des Archives nationales, Vichy et la commission Schnath, qui demanderait une étude plus approfondie. Tant les rapports rédigés sur le moment que les plaidoyers proposés en 1944-1946 ou les nécrologies rédigées par leurs collègues lors de la disparition des directeurs laissent cependant comprendre leur volonté explicite de dépolitiser le travail d’archiviste. Dans des notes rédigées en août 1944, Charles Samaran revint sur sa nomination « sans caractère politique », ses « sentiments républicains », sa conduite de « Français 100/100 », sa volonté de laisser les archives « à l’écart8 ». L’argumentaire défensif de ce haut fonctionnaire, rédigé à chaud en août 1944, apparaît a posteriori bien partagé par d’autres professions : au serment à Pétain, aux relations « correctes » avec les Allemands, aux liens maintenus avec Vichy était opposée la protection discrète des archivistes requis au STO, résistants ou victimes des lois raciales. Cette logique de « l’accommodement », pour reprendre les analyses de Philippe Burrin, nous intéresse en ce qu’elle plaçait au premier plan les responsabilités du fonctionnaire et de l’administrateur, mais excluait presque entièrement le champ du travail d’archiviste proprement dit.
8La même vision d’un univers professionnel déconnecté des enjeux politiques intérieurs et extérieurs traverse les journaux personnels de Charles Braibant, alors archiviste de la Marine, ou d’Édith Thomas, ancienne élève de l’école des Chartes, engagée aux Archives nationales en 1941 comme « chômeuse intellectuelle » après avoir un temps abandonné sa profession pour le journalisme. « La planète brûle… et moi je mets en fiches » nota-t-elle alors, écrivant plus tard : « mon travail concernait des documents périmés depuis des siècles et ne servait qu’à préparer des études dérisoires. Dans ce monde absurde, cette absurdité me plaisait ». La manière dont Édith Thomas présenta l’entrée en Résistance – « Qui pourrait croire que des êtres qui ont choisi la poussière du passé peuvent s’intéresser encore suffisamment à la vie pour risquer la leur en quelque manière ? » – rencontre l’image de la profession proposée par Georges Bourgin lors d’une conférence en 1946 : « Comme fonctionnaire aux Archives nationales, j’ai appartenu à un milieu très sympathique, mais dont l’héroïsme n’est pas la caractéristique essentielle. Néanmoins, rue des Francs-Bourgeois, au contact d’un petit groupe d’officiers de vert habillés et qui étaient allemands, il s’est opéré une décantation, si je puis dire, dans le personnel même des archives9. »
9Au sortir de la guerre, quand Charles Samaran, suspendu comme tous les directeurs d’administrations centrales, fut blanchi et reprit ses fonctions, le consensus sembla donc se faire pour exclure le travail sur les documents eux-mêmes de la sphère de la collaboration potentielle. Une profession peu concernée par l’engagement des intellectuels, à l’exception notable de l’affaire Dreyfus10 qui avait mobilisé l’expertise en écriture des anciens élèves de l’École des Chartes, se reconnaissait sans doute assez largement dans la nécrologie de Charles Samaran par Jean Favier. Celui-ci reprit en partie l’autoportrait de son maître : « plus sceptique d’enthousiaste », « assez indifférent », « tolérant », sans « goût pour la politique active », « sauvant les meubles ». Il rencontra l’image de leur maître commun proposée par Charles-Henri Bautier : « attitude d’une parfaite rectitude, le civisme s’alliant à l’honnêteté scientifique11 ». S’engager en Résistance signifiait alors s’éloigner de son travail d’archiviste pour rentrer dans la Cité, comme en témoignent parmi d’autres les souvenirs d’Édith Thomas, de Charles Braibant. Les archivistes parisiens rencontraient ainsi de fait la posture affichée par Georg Schnath. Entre 1940 et 1944, la tâche de conservation et de « protection » fut systématiquement mise en avant par l’Archivschutz comme elle le fut pour le Kunstschutz chargé de la « protection des œuvres d’art » et le Bibliothekenschutz, chargé de la « protection des bibliothèques ». Schnath mit ouvertement un point d’honneur à ne rien emporter, et même à restituer quelques « prises de guerre ». Lorsqu’il fut inculpé pour crimes de guerre après son arrestation en Allemagne en 1946, il affirma n’avoir pu « empêcher certaines destructions d’archives hors de sa compétence » mais avoir servi « convenablement et honnêtement », réfutant toute saisie d’archives françaises. C’est beaucoup plus tard, redevenu directeur des archives de Hanovre, qu’il nuança de nouveau le tableau de relations de travail froides et réduites au maximum, tel qu’il avait été proposé par les archivistes français12.
10Charles Samaran ne fut amené à porter sa défense par rapport à la gestion des archives elles-mêmes que sur deux points. D’une part, il mit en avant son absence d’engagement dans la collaboration culturelle. Il s’était maintenu en dehors de l’exposition « Mille ans d’histoire allemande à travers le miroir des Archives nationales », organisée par les Allemands en 1943 et visitée uniquement par eux, souligna-t-il. Il avait également fait échouer un projet de journées d’histoire franco-allemandes, assorti d’un voyage à Berlin13. D’autre part, il souligna son refus de communiquer directement les documents aux Allemands, renvoyant les archivistes occupants au statut de simples lecteurs. Il se posait ainsi en défenseur d’une souveraineté perdue dès 1940 par les archives diplomatiques et militaires, qui n’entraient pas dans la juridiction de l’Archivschutz.
Revendications et consultations par les Allemands : la question de la politisation des archives
11Archivistes allemands comme archivistes français s’appuyaient sur la jurisprudence internationale des déplacements d’archives lors des modifications de frontières, qui avait conduit par exemple le traité de Francfort en 1870 à stipuler que « le gouvernement français remettra[it] au gouvernement allemand les archives, documents et registres concernant l’administration civile, militaire et judiciaire des territoires cédés ». Depuis 1907, la convention adoptée lors de la conférence de la Paix réunie à La Haye encadrait mieux la protection des biens culturels et constitua le cadre de référence juridique des protagonistes de 1940. Elle protégeait les populations civiles au moment des combats, limitait le droit de saisie aux seuls biens mobiliers « pouvant servir aux opérations de la guerre » (art. 56) et interdisait « toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle d’établissements [consacrés aux cultes, à la charité et à l’instruction, aux arts et aux sciences], de monuments historiques, d’œuvres d’art et de science14 ».
12Les deux seuls conflits mentionnés dans les rapports des Archives de France s’inscrivirent dans ce cadre de droit. Le premier cas ne concernait pas les dépôts de Paris, puisqu’il s’agissait du retour forcé des archives alsaciennes, évacuées en zone sud, aux archives départementales du Haut-Rhin passées sous direction allemande. La seconde négociation, également perdue, concerna en 1941 les archives de Simancas, seul fonds resté à Paris après la restitution imposée par le traité de Vienne des archives saisies par Napoléon dans les capitales soumises à l’Empire15. Le retour du fonds, concédé par Pétain à Franco, manifestait à l’évidence la faiblesse internationale de la France, mais ne répondait pas à la revendication d’une puissance occupante. Les directeurs des Archives nationales ne pouvaient cependant ignorer que, toujours en référence à la convention de La Haye, les archives diplomatiques avaient tenté de contester les saisies massives de leurs documents. Celles-ci avaient eu lieu dès juin 1940 dans les bureaux du Quai d’Orsay, un peu plus tard après le retour à Paris des caisses évacuées dans les châteaux du Val de Loire.
13Mais que savait-on à l’hôtel de Rohan des actions simultanées et rivales du commando spoliateur dirigé par Eberhard von Künsberg, chargé par le ministre des Affaires étrangères du Reich Joachim von Ribbentrop de « mettre en sécurité et d’étudier les archives et documents officiels étrangers découverts lors de l’offensive allemande à l’Ouest », de l’ambassadeur Otto Abetz avec son adjoint Karl Epting, de l’Office central de sécurité du Reich, le RSHA, de l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, qui tous emportèrent massivement des documents français à partir de l’été 194016 ? Que savaiton des discussions, auxquelles avait pour partie participé Georg Schnath, comme celle que rapporta au Quai d’Orsay l’archiviste Georges Girard à l’automne 1940 ? Osant contester l’inclusion d’archives dans les « biens d’État saisissables » mentionnés par la convention de La Haye, il s’était attiré la réplique suivante : « M. Epting répondit qu’elles n’y figuraient pas, parce qu’on n’avait pas pensé qu’elles pouvaient être une arme de guerre, mais qu’en fait elles en étaient une, que certains documents pouvaient avoir des effets, dit-il, aussi terribles qu’un obus17. » L’information ne « remonta » à l’évidence ni immédiatement, ni complètement vers la direction des Archives nationales. La polycratie rivale des commandos puis des commissions d’archives allemandes dans le Paris occupé ne pouvait être lisible aux contemporains. Mais ces saisies et ces perquisitions créèrent dès l’été 1940 un climat auquel il faut sans doute attribuer la nervosité des directeurs des Archives nationales quand la commission Schnath réclama la consultation des archives, pour mettre en œuvre sa deuxième mission affichée après la « protection » des archives françaises : « ouvrir et mettre en valeur les Archives françaises pour la science, l’administration et la politique allemandes ». Le précédent du premier Archivschutz mis en place pendant la Première Guerre mondiale dans le Nord et la Lorraine française occupés, ne semble en effet pas avoir alerté les responsables en 1940. Le bilan des missions systématiques d’inventaires d’archives mais aussi du déplacement de documents, manuscrits et incunables vers Bruxelles ou Berlin en 1914-1918, justifié du point de vue allemand par la « protection » et « l’intérêt de la science, de la civilisation, de l’administration », avait été pourtant fait au lendemain immédiat de la Grande Guerre18. Mais malgré l’analogie des termes et des structures, la confiance en des occupants « corrects » ne fut apparemment pas questionnée en 1940.
14Que cherchaient les Allemands, au-delà de l’effet d’aubaine qui amenait les historiens « militarisés » à poursuivre des recherches savantes longtemps impossibles étant donné la difficulté d’accès aux Archives françaises pour des étrangers ? Les dépôts du Marais furent d’abord perçus comme les lieux symboliques d’une souveraineté administrative et historique19. En témoigna d’un côté l’insistance des directeurs Caron et Samaran, comme de la plupart de leurs biographes, à mentionner leur contrôle maintenu sur l’accès aux cartons d’archives, de l’autre la voix discordante et postérieure de Charles-Henri Bautier opposant Pierre Caron à Charles Samaran :
« Après le laxisme dont avait fait preuve son prédécesseur qui n’avait rien osé dissimuler à la curiosité des membres de la mission allemande installée dans les archives, il avait exigé de voir lui-même toutes les demandes de déplacement des documents qu’établissaient les archivistes de l’Archivschutz ; il les contrôlait personnellement et plus d’une fois il me demanda d’examiner des dossiers qu’il estimait confidentiels, avant qu’ils ne soient remis au bureau allemand ; il en prélevait des pièces qu’il gardait provisoirement dans un placard de son bureau. D’autres, concernant notamment l’occupation française en Rhénanie furent même systématiquement dissimulés20/ »
15La double dimension de trophée et d’arme stratégique que pouvaient prendre les documents politiques et administratifs contemporains fut donc bien comprise. Clairement interdite par la convention de La Haye, la saisie de trophées n’en fut pas moins attendue du côté français comme un élément de plus dans le cycle symbolique entamé par Napoléon, voire par les guerres des XVIIe-XVIIIe siècles21. Si les rapports des Archives nationales ne mentionnent pas la rafle massive d’armes et de drapeaux aux Invalides – eux-mêmes saisis par Napoléon en Prusse –, Charles Samaran se félicita ainsi en 1946 d’avoir circonscrit la curiosité de l’Archivschutz :
« Ses membres ont consulté beaucoup de nos documents, mais comme simple lecteurs et sans être admis à circuler dans nos magasins. Heureusement, car la curiosité les aurait peut-être conduits à des découvertes qui auraient pu nous coûter cher. Avaient été dissimulés en effet dans diverses parties de nos dépôts et de notre bibliothèque, non seulement de nombreux trophées allemands ramenés de Strasbourg par les Français en 1918, mais aussi tout ce qui avait pu être distrait des documents concernant l’occupation de la Rhénanie après l’autre guerre et les suites de cette occupation. »
16Si la dissimulation des drapeaux décorant le bureau de Pierre Caron était de l’ordre du symbolique, le second point montre que l’usage politique des documents récents fut fort bien compris, surtout après la publication des premiers « livres blancs » utilisant les archives diplomatiques.
17Il s’agissait en quelque sorte du premier « retour d’expérience » des évacuations manquées et des incendies hâtifs de documents diplomatiques ou militaires en 1940. Ces « archives administratives en formation », selon l’expression même du plan de protection proposé en août 1939 par Pierre Caron n’avaient en effet guère été prises en compte par les Archives nationales, au contraire des documents diplomatiques et militaires, même si l’évacuation de ces derniers avait connu des ratés dans la débâcle du printemps 1940. Ardemment défendu par Pierre Caron, le décret obtenu de haute lutte par son prédécesseur en 1936 pour imposer enfin le versement régulier et interdire la destruction des papiers des ministères n’avait pas eu le temps d’entrer dans les habitudes professionnelles. C’était encore moins vrai pour le décret-loi de juin 1938 et le règlement du 13 janvier 1940 sur « la protection des papiers publics22 ». La guerre de 1914-1918 et ses suites constituèrent pour Caron et Samaran, qui avaient participé au conflit et organisé le classement des archives du conflit, un enjeu évident. La thèse d’une dissimulation des dossiers diplomatiques sur la Rhénanie fut d’ailleurs souvent reprise par les Archives nationales, en contradiction avec un rapport du Quai d’Orsay mentionnant que ces fonds versés dans les années 1930 avaient été « trouvés et utilisés par les Allemands23 ». Dans le contexte des débats sur la responsabilité de la Défaite, la récupération des papiers « laissés à l’abandon » par les armées lors des brefs combats du printemps 1940 s’imposa, elle aussi, comme une priorité. Les efforts des archivistes parisiens aboutirent à leur classement partiel aux Invalides et à la convention franco-allemande de novembre 1942 qui entérinait la « protection » des archives militaires par la direction des Archives de France24. Enfin, Charles Samaran demanda que les archives issues de mesures judiciaires ou relevant des archives publiques, notamment des défuntes assemblées parlementaires, lui fussent confiées.
18C’est donc la saisie et l’usage contre la France des documents les plus contemporains qui était redoutée, une fois connues les grandes razzias dans les ministères de l’été et de l’automne 1940. Les archives historiques antérieures à 1914 semblaient quant à elles plus protégées que menacées par cette coopération sous la contrainte. Charles Samaran affirma toujours – et rien dans les papiers qu’il conserva ne vient le contredire sur ce point – avoir découvert à la lecture du rapport final rédigé par Georg Schnath en 1944 les projets secrets de la mission installée dans l’hôtel de Rohan. « Les Allemands se sont efforcés de masquer derrière le paravent d’une activité scientifique leur dessein prémédité de dresser un vaste programme de revendication d’archives », écrivit-il à son ministre de tutelle en 1945, lui envoyant le dossier dans lequel, en effet, les missions de l’Archivschutz étaient présentées en ces termes : « procéder à l’identification et à la saisie des documents qui avaient été détournés d’Archives allemandes ; préparer les revendications d’ordre archivistique que l’Allemagne aurait à adresser à la France, en particulier le retour des trésors d’archives allemands volés à des époques antérieures et qui n’avaient pas pu être recouvrés lors des traités de paix en 1814-1815 et 187125 ». « Cette tâche, masquée par le travail d’inventaire, fut conduite à l’insu des Français qui, jusqu’à aujourd’hui, ne se rendent pas très bien compte si, et dans quelle mesure, des revendications d’archives émanant des Allemands doivent se manifester », ajoutait Schnath. Il revenait ensuite sur le contentieux des « vols » d’archives, de livres et d’objets d’arts par la France depuis Louis XIV. Informés des saisies de plus de 7 000 cartes et plans « germaniques » au dépôt de la Guerre, les archivistes parisiens ne semblèrent guère comprendre l’importance que prenait pour Hitler et Goebbels la construction et de la légitimation par les archives d’un récit historique fondant le grand Reich. Ils ne redoutèrent pas les saisies massives d’archives anciennes. Ils n’eurent donc pas la lucidité de Madeleine Thomas, archiviste paléographe responsable de la bibliothèque du Quai d’Orsay, lorsqu’elle avertit sa hiérarchie après les visites de diplomates, d’archivistes et d’historiens allemands en septembre 1940 : « il y a tout lieu de craindre que tous les volumes qui se rattachent de près ou de loin à l’histoire du grand Reich allemand nous soient enlevés. Il y aura à défendre pied à pied notre point de vue26 ».
19Prenant acte de l’occupation de l’Europe, le directeur des Archives nationales ne voyait pas d’objection à ce que ses anciens élèves, les jeunes « chartistes » captifs en Allemagne, s’engagent sur place dans des travaux historiques et profitent de la possibilité de quitter les camps de prisonniers pour travailler dans les bibliothèques de Berlin, de Königsberg ou de Liège. Plusieurs des sujets de recherche retenus portaient sur l’histoire du protestantisme et notamment sur l’immigration huguenote en Allemagne après la révocation de l’édit de Nantes, faisant écho aux recherches menées par l’Archivschutz aux Archives nationales à Paris. Or cette histoire n’était pas seulement diplomatique et religieuse, mais touchait au cœur de la question de l’ethnogenèse du Reich. Les Archives nationales, qui conservaient à Paris la série TT « affaires et biens de protestants » consacrée aux conséquences de l’interdiction du protestantisme dans le royaume de France, reçurent ainsi des courriers angoissés de descendants d’exilés protestants français, sommés de prouver leur ascendance aryenne, mais aussi des demandes de renseignement provenant directement du NSDAP. En mars 1941, l’amiral Darlan, vice-président du Conseil depuis le mois précédent, demanda à Jérôme Carcopino de dire à Pierre Caron de « ne pas livrer » les archives de cette série concernant l’Allemagne. L’entorse au droit international était assez manifeste pour que Carcopino demandât une note au jurisconsulte de Vichy sur les « moyens de nous réserver la possession de notre patrimoine d’histoire27 ». De fait, 343 cartons furent bien livrés à l’Office central du Reich pour la race et la colonisation, le Rasse und Siedlungshauptamt, organe de la SS, mais, peut-être suite à cette intervention au plus haut niveau, ils furent restitués à la France en 1943 après avoir été intégralement photographiés.
20Il n’y eut donc pas de perte matérielle du patrimoine archivistique français conservé au cœur du Marais. La promesse de la cession de ces fonds fut-elle la « fausse manœuvre » ou « maladresse » pro-allemande qui valut à Pierre Caron son départ accéléré en retraite en avril 194128 ? La peur de la spoliation fut quoi qu’il en soit bien présente pour ces fonds précis, mais l’usage généalogique des documents pour prouver la pureté raciale ne fut pas présenté officiellement comme un problème. Après 1943, le service des renseignements des Archives nationales renvoya sans commentaires ses correspondants au fichier de l’Office pour la Race. À l’échelle individuelle, l’enjeu ne fut pas davantage perçu, si l’on en juge par le journal et les souvenirs d’Édith Thomas, engagée depuis 1942 dans la Résistance communiste et la création du Comité national des écrivains. Celle-ci fit de son « grenier au bout d’un long couloir sordide » au palais de Soubise un « endroit idéal pour conspirer », sans questionner son propre travail de récolement des fonds des « religionnaires fugitifs » que les Allemands venaient de renvoyer29.
Saisies et spoliations d’archives privées : incompréhensions et « logique des circonstances »
21Tant le gouvernement collaborateur, soucieux dans les premiers temps du moins de préserver les apparences de l’indépendance nationale, que les archivistes qui se présentèrent toujours comme des patriotes, avaient donc défendu les dépôts du Marais comme un patrimoine. S’ils n’avaient pas compris la mission cachée de la commission Schnath, la garde du trésor des Chartes ou, à l’inverse, la perte des fonds de Simancas, dont la restitution avait été pour Pierre Caron un « véritable crève-cœur » selon Samaran, furent pour eux des enjeux symboliques forts. Il en fut de même des archives protestantes d’Ancien régime, mais non de la bibliothèque et des archives de la société de l’histoire du protestantisme français, envoyées de force en Allemagne. La question des archives privées resta dans l’angle mort des préoccupations des archivistes parisiens sous l’Occupation. Pierre Caron avait pourtant prescrit en 1939 de les protéger « autant que possible ». De fait, les Archives nationales ou départementales acceptèrent les dépôts de ceux qui souhaitaient ainsi se placer sous la protection de l’État. Ce fut le cas de la famille Murat qui avait déposé en novembre 1939 les manuscrits de Napoléon et de sa famille qui seraient en partie pillés au château de Beaumesnil. Le décret du 17 juin 1938, complété par la circulaire du 28 février 1940 donnant un « droit de regard » aux Archives de France sur les ventes et sorties légales du territoire, restait plus théorique que pratique. Si la Révolution française avait fait entrer dans les archives des masses de fonds privés, notamment religieux, l’intérêt des Archives nationales demeurait limité aux documents « entrés par voie extraordinaire », au recueil « d’épaves », de papiers « insolites » ou de dons non sollicités. Présente pour les archives seigneuriales et les chartriers, l’idée de collecte n’avait guère été étendue à la période contemporaine, à l’exception notable des fonds d’organismes économiques, souvent parapublics, et du fonds Albert Thomas. L’engagement de Georges Bourgin pour l’histoire contemporaine française et italienne, et notamment celle du mouvement ouvrier avait joué un rôle décisif dans le dépôt des archives de l’ancien ministre socialiste et directeur du Bureau international du travail30.
22Les perquisitions suivies de saisies ou de séquestres des archives des personnalités et associations de gauche ou franc-maçonnes, « ennemies » de Vichy comme du IIIe Reich étaient cependant si présentes dans la capitale qu’elles posèrent la question de la protection des papiers privés. Le directeur de la Bibliothèque nationale Bernard Faÿ avait obtenu en 1940 la création d’une bibliothèque d’histoire de la France contemporaine, destinée à collecter les archives des organisations dissoutes ou des personnalités déchues de leur nationalité, qui fusionna en 1942 avec le service des sociétés secrètes, chargé de documenter la Franc-maçonnerie31. L’âpre rivalité de Bernard Faÿ et de ses collaborateurs avec les organismes spoliateurs allemands, la police française ou l’administration des domaines se doubla alors d’une concurrence avec les Archives nationales. Celles-ci ne contestèrent pas le caractère légal de ces saisies et en revendiquèrent leur part. « Une masse d’archives a été rendue disponible par les lois nouvelles (lois organiques de l’État, lois sur les sociétés secrètes, lois sur les juifs), et menace de s’abattre sur nous, tandis que d’autres, laissées à l’abandon, comme celles de services annexes du ministère de la Guerre, nous sont signalées un peu partout », écrivit Charles Samaran dans son rapport de juillet 1941, revenant l’année suivante sur sa gestion de questions « entièrement nouvelles (récupération des vieux papiers, archives des sociétés secrètes dissoutes) ». Dans la pratique, l’accord avec la Bibliothèque nationale pour le versement des archives des loges maçonniques, des syndicats et autres groupements dissous par la loi, mentionné par Georges Bourgin dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine, ne semble guère s’être concrétisé, et la bibliothèque d’histoire de la France contemporaine concentra la collecte de ce qui échappait aux polices allemandes et françaises et aux hommes d’Alfred Rosenberg.
23Il reste à interpréter ces revendications. La frontière entre le réflexe professionnel de sauvegarde documentaire et la contribution docile des fonctionnaires à la politique d’exclusion et de spoliation de Vichy reste ténue. Même si l’on suit la perception des contemporains eux-mêmes, qui pensèrent collecter des archives en péril sans questionner nécessairement le sort de leurs producteurs, cette protection resta sélective. Même les plus sensibles à la persécution antisémite, comme Édith Thomas, ne comprirent pas l’ampleur de la spoliation des papiers privés des juifs, ni l’esprit d’une mobilisation idéologique qui détruisait les hommes et leur mémoire d’un côté, conservait de l’autre pour la future bibliothèque des élites du Reich les preuves de l’infériorité et de l’esprit corrupteur de la « race juive ». La sauvegarde des archives économiques des biens « aryanisés », souvent de petites entreprises ou commerces, ne fut pas envisagée. Si les tableaux des grands collectionneurs israélites furent disputés par la France aux nazis, ce ne fut pas le cas d’archives sans valeur marchande ou culturelle. Les collections de la franc-maçonnerie, souvent très anciennes, ne furent pas davantage défendues. Les perquisitions de papiers et de bibliothèques de personnalités connues pour leur engagement de gauche ou antinazi semblent avoir davantage alerté le petit milieu des Archives nationales, lié à l’université et aux académies (Charles Samaran était entré à l’Académie des sciences morales et politiques en 1941). Georges Bourgin, très engagé dans les cercles socialistes et syndicalistes, fut par exemple informé par son ami Boris Souvarine de la disparition de ses archives personnelles comme de celles de l’Institut international d’histoire sociale, qui avait sauvegardé à Paris les papiers de Léon Trotsky ou des partis sociaux-démocrates allemands et russes, mais ne semble pas être intervenu. Il voulut en revanche accélérer le dépôt des archives du sociologue et historien François Simiand, qui avait été envisagé dès le décès de ce dernier en 1935.
24Personnalité encore mal connue, fasciné par le fascisme à ses débuts, Georges Bourgin publia en 1942 un article où il défendait la normalité de la situation des archives en France. Se sentait-il menacé par l’arrivée du ministre Abel Bonnard, plus ardemment collaborationniste et vichyste et moins proche de lui que Carcopino ? « Période sans quiétude, oui » – écrivit-il à son ami Mario Roques, professeur au collège de France et ancien collaborateur d’Albert Thomas en mai 1942 –, « Est-ce que M. Bonnard ne va pas procéder à des évictions prochaines ? L’un de ses familiers me l’a affirmé. C’est dans la logique des circonstances. Les chers Lucien Herr et François Simiand n’étaient-ils pas stigmatisés dans le dernier numéro de la revue de Bernard Faÿ, comme fondateurs de L’Unité socialiste, groupe politique en union avec la franc-maçonnerie32 ? »
1944-1949, le retour d’expérience : reproduction des archives, histoire et documentation du « temps présent »
25La Libération fut le moment d’une prise de conscience partielle. L’ampleur des projets de saisies de « matériaux pouvant servir aux théories impériales et raciales des Allemands » fut révélée par la publication du rapport Schnath et les informations qui parvinrent de l’Europe libérée. Les premiers rapports de Georges Bourgin comme de Charles Samaran en 1945 et 1946, ou encore les articles de la presse professionnelle des archivistes montrent qu’un récit de l’Occupation dédouanant l’ensemble de la profession se mit très rapidement en place. Sans surprise, la présence allemande apparut comme une contrainte subie, aux conséquences mineures. En 1946, Charles Samaran décrivit ainsi « cette commission de contrôle, composée d’archivistes de métier, civils militarisés mais plus ou moins inféodés au nazisme, [qui] étaient aux ordres des organismes raciaux et politiques du Troisième Reich ». En 1947, il intervint prudemment en faveur de Georg Schnath, accusé d’avoir « donné des gages au nazisme en préparant l’enlèvement d’archives françaises », et dans l’attente de son jugement à la prison du Cherche Midi. « Je ferai aussi ce qui dépendra de moi pour qu’il puisse reprendre une activité utile dans le domaine qui lui est familier », écrivit-il à Ursula Schnath. De fait, Schnath fut acquitté, avec les attendus suivants : « Schnath n’a eu aucune activité anti-française et son rôle se bornait à la recherche et à la protection des archives, ainsi qu’à leur exploitation33. » Le décret de suspension d’août 1944, que Charles Samaran avait accueilli avec une totale incompréhension, fut levé sans qu’un dossier fût ouvert à son nom par la commission d’épuration du ministère de l’Éducation nationale34.
26Les bilans se voulurent positifs pour le cœur parisien des Archives nationales, restées sous la garde de leurs personnels, « entièrement indemnes », ayant « échappé par miracle aux dépècements allemands », grâce aux mesures de protection et d’évacuation de 1939 et 194435. « La grande affaire depuis l’ouverture des hostilités jusqu’à la Libération a été la protection des archives contre les dangers résultant de la guerre », écrivit par exemple Léonce Cellier, chargé des Archives départementales pendant la guerre36. Le départ des archives de Simancas, reconnu comme la seule « perte sérieuse », fut minimisé par le réflexe de microfilmer immédiatement les documents. Cette première campagne de reproduction systématique fut dirigée par l’archiviste Michel François, que Pierre Caron avait chargé d’accompagner les documents en Espagne pour la cérémonie de restitution. Dans cette opération menée sous la pression des circonstances et contemporaine de la politique systématique de photographies menée par les commissions allemandes d’archives, la part du transfert d’expérience franco-allemand reste d’ailleurs à élucider. Le précédent de 1941 fut décisivement renforcé par le sentiment de menace sur les fonds anciens, ressenti a posteriori avec la publication des listes de revendications allemandes, et vécu très concrètement lors des combats de la Libération de Paris dans les rues du Marais en août 1944. Gardés par les archivistes, les bâtiments bombardés ne perdirent que leurs vitres mais la guerre fit irruption dans les jardins même de l’hôtel de Rohan où furent couchés les morts résistants et allemands. Dès la fin de 1944, Michel François entreprit le microfilmage des « documents les plus précieux » des Archives nationales37. Ainsi naquit la pratique des microfilms « de sécurité », dont les matrices furent alors protégées loin de Paris, au château de Chambord ou dans des archives départementales. Incontestablement liées à l’expérience de la guerre comme elles le furent au même moment pour les archives diplomatiques, ces nouvelles pratiques se plaçaient dans la continuité d’une politique de « protection ».
27Les leçons de l’Occupation allemande furent également tirées en ce qui concernait le danger menaçant les archives administratives contemporaines. Alors qu’on s’employait à rechercher de l’autre côté du Rhin les « archives françaises que les Allemands ont pu emporter et dont toutes les cachettes n’ont certainement pas encore été découvertes », les archivistes mirent surtout en avant une tâche qu’ils s’étaient attribuée eux-mêmes à la Libération : « prendre possession en vue de la justice immédiate et de l’histoire future du plus grand nombre possible de documents provenant des services de l’Armée d’Occupation, de ceux du gouvernement disparu et de ceux des agents français de l’ennemi », selon les termes des rapports de Charles Samaran38. L’envoi d’archivistes dans les lieux de pouvoir abandonnés, tant à Paris qu’à Vichy, fut l’occasion d’expérimenter l’ampleur des destructions volontaires, mais aussi la rivalité avec les services de renseignement alliés qui reprenaient à leur compte la collecte de documents stratégiques. « J’ai fait, avec un officier du service historique de l’armée, une randonnée dans les locaux que les Allemands avaient occupés. Hélas ! Dans les hôtels si nombreux qui avaient été réquisitionnés par l’Armée verte, qu’avons-nous trouvé ? Des cheminées remplies de cendres, et seulement des éléments extrêmement misérables des archives qui, naguère, avaient été constituées par les innombrables services civils et militaires allemands », témoigna ainsi Georges Bourgin39.
28Les archivistes français sollicitèrent à leur tour la convention de La Haye pour rassembler la documentation immédiate de l’ennemi vaincu, mais prirent bien soin de ne pas reproduire les projets spoliateurs de leurs collègues allemands, renonçant à exiger des archives allemandes en compensation des pertes de Simancas. La perspective patriotique se conjuguait aisément avec une prise de conscience du danger représenté par la rupture de la continuité administrative, en ces temps de changement brutal de régime. « Les secousses et les transformations apportées par les crises historiques aux institutions ont leurs répercussions directes sur les archives qui sont un des aspects de leur vie même. De plus, les guerres et les révolutions, si elles entraînent d’énormes destructions de documents, sont aussi génératrices de papiers », écrivit Charles Samaran dans son rapport de 1945. Cette situation exceptionnelle fut dès lors toujours comparée au moment fondateur de la Révolution française. Le récit élaboré sur le vif par les Archives nationales restituait ainsi la continuité républicaine. La prise en compte analogue par les Archives nationales de la chute de la IIIe République, leurs efforts pour collecter en 1941-1944 les fonds d’institutions et d’hommes politiques qui avaient été rejetés par Vichy dans un passé honteux, se refermaient comme une parenthèse muette.
29Il s’agissait aussi d’apporter une aide technique – collecte et classement – à la Haute Cour de justice et les tribunaux internationaux, tâche jusqu’alors inédite pour des archivistes français. Ceux-ci se défendirent énergiquement d’avoir auparavant collaboré avec les polices allemandes ou françaises qui avaient razzié les dossiers des ministères de l’Intérieur ou de la préfecture de Police de Paris pour leurs fichiers et leurs arrestations. Dans les notes qu’il prit lors de l’entretien préliminaire à sa réintégration en octobre 1945, Charles Samaran rappela que les Archives nationales n’avaient jamais communiqué les papiers des hommes politiques pour des informations judiciaires40. Cette accusation marquait implicitement le basculement lié à la Libération, puisque la mission de « faciliter l’œuvre d’épuration et de justice » leur était désormais assignée. Cette collecte se plaça dans une perspective de conservation durable, les Archives nationales se refusant par exemple à communiquer des originaux au tribunal de Nuremberg. Elle exclut cependant de son périmètre la documentation portant sur les spoliations d’archives privées des « ennemis » des régimes vichyste ou nazi. L’interrogatoire en mars 1945 des collaborateurs du Centre d’histoire contemporaine par la commission d’épuration du ministère de l’Éducation nationale fut symptomatique de l’incapacité des contemporains à voir dans ces saisies un « préjudice moral », du moment qu’elles n’avaient pas servi à la répression policière. La sensibilité aux archives privées, notamment contemporaines, avait été aiguisée pendant la période de l’Occupation mais concernait toujours les documents liés à la vie publique : archives d’hommes d’État, de mouvements politiques, ou d’entreprises. C’est en ce sens qu’en 1949, Charles Braibant qui venait de prendre ses fonctions, confia à Michel François la toute nouvelle sous-section regroupant les services des archives privées, des archives économiques et du microfilm41.
30Dans son rapport de 1945, Charles Samaran se proposait enfin d’aider les « historiens de demain à « constituer l’un des laboratoires essentiels de la réforme de l’État et de la culture historique ». L’idée avait été avancée par Georges Bourgin dès son intérim de l’automne 1944, et il la formula ainsi en 1946 : faire « l’histoire de cette terrible crise humaine pour en empêcher le retour à jamais ». L’idée de documenter le conflit mondial n’était pas neuve, puisqu’en 1917, à l’initiative privée des époux Leblanc relayée plus tard par l’université de Paris avait été créée la bibliothèque et musée de la guerre, devenue Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC). Georges Bourgin s’attribua pourtant une double initiative qu’il présenta comme inédite : le rassemblement pendant l’Occupation, avec l’aide de son ami, le socialiste résistant Amédée Dunois, d’une « collection de tracts cachés dans les tréfonds des Archives nationales », puis la création dans l’ambiance de bataille de l’été 1944 de la commission d’histoire de l’Occupation et de la Libération42. Comité privé devenu officiel par décision gouvernementale du 20 octobre 1944, la commission se caractérisa par l’audace de son programme de recherche, qui élargissait la notion de source non seulement aux papiers politiques et administratifs, mais aussi aux témoignages oraux et écrits, aux journaux intimes et correspondances, aux tracts et aux affiches, aux disques reproduisant les émissions de radio de Londres ou de Moscou, aux archives économiques des séquestres et des spoliations.
31Les premières années d’existence de la commission d’histoire de l’Occupation et de la Libération témoignent de la difficulté à faire entrer ce type d’archives très contemporaines dans le sanctuaire parisien des Archives nationales. Rattachée à la présidence du Conseil, elle ne fut pas implantée dans le Marais mais rue du Bac, dans les locaux de la BDIC, et exclut de son enquête l’histoire de la politique extérieure, de la Défense nationale et des colonies, confiée aux ministères correspondants. La présidence ne revint pas à un archiviste en fonction mais à Pierre Caron, qui effaça son départ précipité de 1941 tout en déployant son goût avéré pour l’organisation scientifique et professionnelle. La maturation de l’expérience de la guerre et de l’Occupation fut alors rapide : la création d’une sous-section contemporaine fut demandée dès 1947 aux Archives nationales à Paris, afin « d’assurer aux historiens de l’avenir la conservation des documents du temps présent », et notamment des quarante tonnes d’archives collectées depuis 1944. Édith Thomas, membre du bureau de la Commission, témoigna cependant des réticences que rencontra ce projet officiel en des temps où le souvenir des perquisitions et des usages policiers de la documentation était très présent. En 1945, Jacques Duclos et le comité central du parti communiste, pourtant membre du gouvernement, refusèrent ainsi de participer, par peur que des informations soient transmises à la police, mais aussi par défiance envers le travail des « historiens bourgeois43 ». La pédagogie politique de réconciliation patriotique portée tant par les Archives nationales que par la commission44 ne fit ainsi pas nécessairement l’unanimité.
32Si l’année 1940 peut-être vue comme un choc moral suivi de négociations et d’accommodements avec l’occupant, le moment de la Libération mit davantage à l’épreuve l’image d’une profession plus technique que politique. « Nous sommes peu nombreux, peu bruyants, conditions défavorables dans un monde où triomphent la quantité et la violence », écrivit avec fatalisme Henri Waquet, nouveau président de l’association des Archivistes français, dans le premier numéro d’une nouvelle série de La Gazette des Archives45. Les Archives nationales, qui avaient successivement accepté les retours d’archives évacuées, la restitution de Simancas, puis l’aller-retour des fonds protestants placés au service de la politique raciale du Reich, découvrirent brutalement qu’elles avaient échappé à une spoliation du « trésor historique parisien ». L’usage politique des archives n’avait été ni anticipé, ni entièrement compris. Témoins des saisies de documents administratifs contemporains et des spoliations d’archives privées des « ennemis » des régimes vichyste et nazi, les archivistes parisiens tirèrent les conséquences des premières bien davantage que des secondes. La leçon reçue de la guerre fut double : d’un côté, la nécessité de renforcer la protection du patrimoine, allait mener à la création du centre du microfilm des Archives nationales et ouvrir à une réflexion sur la coopération internationale en ce domaine. D’un autre côté, l’impératif de tirer profit de la « véritable avalanche d’archives [qui] s’est abattue sur le dépôt national » depuis la Libération. En enchaînant directement de la protection réussie de 1939-1940 et 1944 à la collecte patriotique de la Libération, en minimisant les années d’Occupation des dépôts parisiens, les Archives nationales échafaudèrent les bases d’une mémoire collective de la continuité administrative et républicaine. Le rapport de 1946 ne mentionna plus la présence allemande à l’Hôtel de Rohan. Les conséquences en termes de définition même des archives à collecter furent elles aussi ambiguës. L’espoir d’obtenir une reconnaissance politique et une collecte plus aisée des archives politiques et administratives contemporaines allait être largement déçu. Et si la question des archives privées n’avait pas été ignorée pendant la guerre et ne fut pas sans lien avec la politique menée à partir des années 1950, la notion même de spoliation resta accolée au sort évité par les archives publiques, ignorant les papiers privés capturés en masse par Vichy et Berlin.
Notes de bas de page
1 Cf. notamment Hildesheimer F., « Une politique pour les archives, 1880-1940 ? », Baruch M.-O., Duclert V. (dir.), Serviteurs de l’État, Paris, La Découverte, 2000 ; Favier L., La mémoire de l’État, Histoire des Archives nationales, Paris, Fayard, 2004 ; et l’ensemble des contributions à la journée : Des collections dans la tourmente. Archives et collections patrimoniales dans la Seconde Guerre mondiale, Vincennes, Service historique de la Défense, 14 décembre 2011, Actes à paraître. Je me permets de renvoyer à mon ouvrage La mémoire spoliée. Les archives des Français, butin de guerre nazi puis soviétique (de 1940 à nos jours), Paris, Payot, 2007. Tous mes remerciements à Christian Oppetit et Yann Potin aux Archives nationales et à aux archivistes de l’Institut de France pour leur aide dans mes recherches récentes.
2 Institut de France, Fonds Samaran, Ms 7489 (1), p. 118-134, Rapport présenté à la commission supérieure des archives, 31 janvier 1946.
3 AN (Archives Nationales), AB XXXV, carton 19 (ancienne numérotation), note « papiers Murat » ; carton 262, 23 août 1939, « Note sur la protection des archives contre les dangers résultant de l’état de guerre ». Fonds Samaran, Ms 7489 (1), Commission supérieure des Archives. Dossier mesures de protection 1939 et 1944.
4 Fonds Samaran, Ms 7488, p. 50-58, Rapport de C. Samaran à M. le secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la jeunesse, 16 juillet 1941, p. 73-84 ; La direction des Archives de France depuis mai 1941, par C. Samaran, 10 février 1942. Bourgin G., « Note sur les archives françaises de 1936 à 1941 », Revue historique, CXCIII, avril-juin 1942.
5 Cf. La pratique archivistique française, Paris, Archives nationales, 1993, rééd. 2008.
6 Cf. supra la communication de Wolfang Hans Stein et ses travaux sur Georg Schnath, p. 67-82
7 Rapport « Les résultats de l’activité du groupe Archivwesen de l’Administration militaire en France, 1940-1944 », sans date (printemps 1944). Confidentiel, photographie et traduction française dans AN, f. 17, 17977, original et traduction dans Fonds Samaran, Ms 7487, p. 42-60, publié dans Notes documentaires et études du ministère de l’Information, « Ordre nouveau et collaboration, VII », 27 juin 1945, no 85.
8 Fonds Samaran, Ms 7486, dossier « Ma suspension, août 1944 ». Cf. également Samaran C., « Pierre Caron », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 111, 1953, p. 321-329 et Favier J., « Charles Samaran », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 141, 1983, p. 410-426.
9 Braibant C., Lumière bleue, journal de guerre (24 août-14 décembre 1939), Paris, Fayard, 1940 et La guerre à Paris (8 novembre 1942-27 août 1944), Paris, Correa, 1945. Thomas E., Pages de Journal, (1939-1944), Paris, Viviane Hamy, 1995, p. 161 et Le Témoin compromis, Paris, Viviane Hamy, 1995 (1952), p. 101-103. Le problème de l’histoire de l’Occupation et de la Libération. Conférence de M. G. Bourgin le 7 février 1946, Paris, Union française universitaire, 1946.
10 Joly B., « L’École des chartes et l’affaire Dreyfus », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 147, 1989, p. 611-671. Ribémont T., « Les historiens chartistes au cœur de l’Affaire Dreyfus », Raisons politiques, no 18, 2005/2, p. 97-116.
11 Favier J., « Charles Samaran », op. cit. ; Bautier R.-H., « Notice sur la vie et les travaux de Charles Samaran, membre de l’Académie », Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 127e année, no 4, 1983, p. 581-604.
12 Fonds Samaran, Ms 7487, « Inculpation du Dr Schnath », notamment correspondance entre Ursula Schnath et Charles Samaran, 1947. Inventar von Quellen zur deutschen Geschichte in Pariser Archiven und Bibliotheken, bearbeitet von einer Arbeitsgruppe unter Leitung von Georg Schnath, hg. von Wolfgang Hans Stein, Coblence, 1986, et la communication de Wolfang Hans Stein, infra.
13 Fonds Samaran, Ms 7486, dossier « Ma suspension, août 1944 », p. 98-101.
14 Cf. supra l’artivlr de Charles Kecskeméti. Marot P., « La guerre de 1870-1871 et les Archives départementales », Gazette des Archives, 3-4, janvier et juillet 1948, p. 84 ;
15 Cf. infra l’artic;e de Bruno Galland, p. 199-202.
16 Cf. infra la communication de Patricia Kennedy Grimsted et ses travaux. Cf. également Heuss A., Kunst-und Kulturgutraub. Eine vergleichende Studie zur Besatzungspolitik der Nationalsozialisten in Frankreich und der Sowjetunion, C. Winter Universitätsverlag, Heidelberg 2000 ; Lambauer B., Otto Abetz et les Français ou l’envers de la Collaboration, Fayard, 2001.
17 AMAE, AAD, carton 66, « Retour des archives au Département. Impressions rapportées par M. Girard, le 6 novembre 1940 ». Cf. infra la communication de Vincent Laniol.
18 Cf. Lauer P., « Les archives de la Lorraine pendant la guerre », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 79, 1918, p. 253-258.
19 Cf. Pomian K. « Les Archives, du Trésor des chartes au Caran », Nora P. (dir.), Les lieux de mémoire. Les France, t. 3, Paris, Gallimard, 1992.
20 Bautier R. H., « Notice sur la vie et les travaux de Charles Samaran », op. cit., p. 585.
21 Savoy B., Patrimoine annexé. Les biens culturels saisis par la France en Allemagne autour de 1800, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2003.
22 Caron P., « Quatre ans de direction des Archives de France », op. cit., et Samaran Charles, « Pierre Caron », op. cit.
23 Fonds Samaran, Rapport à la commission supérieure des archives, 1946, op. cit., AMAE, AAD, carton 66, rapport de J. Couprie, mars 1941.
24 Caron P., « Quatre ans de direction des Archives de France », Archives, bibliothèques, collections, documentation (ABCD), no 3, septembre-octobre 1951, p. 66-67 ; et Fonds Samaran, Ms 7488, rapport juillet 1941, op. cit. ; Rapport 10 février 1942, p. 73-74.
25 Fonds Samaran, Ms 7487, p. 9, projet de lettre au ministre accompagnant l’envoi du rapport.
26 AMAE, AAD, carton 66, rapport de Madeleine Thomas, septembre 1940.
27 AMAE, AAD, carton 68 « Prise, utilisation abusive et enlèvement d’archives par les Allemands », dossier « archives, revendications Allemagne, mars 1941 ».
28 Respectivement Favier L., La mémoire de l’État, op. cit. et Favier J., « Charles Samaran », op. cit.
29 Thomas E., Le Témoin compromis, op. cit., p. 103, p. 121.
30 François M., « Georges Bourgin », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 117, 1959, p. 368-374. Bourgin G., « État sommaire des documents entrés aux Archives nationales par des voies extraordinaires (dons, achats, échanges) de 1928 à 1941 », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 103, 1942, p. 151-195. François M., « État sommaire des documents entrés aux Archives nationales par des voies extraordinaires (dons, achats, échanges, dépôts) du 1er janvier 1942 au 31 août 1952 », Bibliothèque de l’École des Chartes, t. 110, 1952, p. 154-209.
31 Poulain M., Livres pillés, lectures surveillées, op. cit. Rossignol D., Vichy et les francs-maçons : la liquidation des sociétés secrètes, 1940-1944, Paris, Jean-Claude Lattès, 1981. Sabbah L., Une police politique de Vichy, le service des sociétés secrètes, Paris, Klincksieck, 1996.
32 Bibliothèque de l’Institut, Fonds Mario Roques, Ms 6143, lettre de Georges Bourgin à Mario Roques, p. 52, 24 mai 1942.
33 Fonds Samaran, Ms 7487, dossier Schnath et notamment lettre à Ursula Schnath, 20 octobre 1947.
34 AN, f. 17, 16 942, épuration, dossiers alphabétiques et dossiers de Mario Roques.
35 Samaran Ch., respectivement lettre d’envoi du rapport Schnath et rapport à la commission supérieure des archives, op. cit.
36 Cellier L., « Les archives de France de 1940 à 1950 », Archives, bibliothèques, collections, documentation (ABCD), no 1, mai-juin 1951, p. 11-14.
37 Barbiche B., « Michel François », Bibliothèque de l’École des Chartes, no 141, 1983, p. 383-390 et les nombreux articles de M. François sur ce thème.
38 Fonds Samaran, Ms 7488, p. 109-114, Note « la direction des Archives de France » par Charles Samaran, avril 1945, Cahiers français d’information, 27 avril 1945, p. 19-21, et p. 145-147, rapport 11 octobre 1946.
39 Conférence de Bourgin G., op. cit., Le problème de l’histoire de l’Occupation et de la Libération.
40 Fonds Samaran, Ms 7486, p. 50 note sur l’entrevue avec Jean Bayet du cabinet, 28 septembre 1944.
41 Cf. notamment Cézard P., « Vers la création d’une nouvelle section aux Archives nationales », La Gazette des Archives, no 2, juillet 1947, p. 12-15 ; Barbiche B., « Michel François », op. cit.
42 Conférence de Bourgin G., op. cit., Le problème de l’histoire de l’Occupation et de la Libération. AN, f. 17, 16942, note sur la commission d’histoire de l’Occupation, 11 février 1945.
43 Thomas E., Le Témoin compromis, op. cit., p. 204.
44 La commission d’histoire de l’Occupation et de la libération fusionna en 1951 avec le comité d’histoire de la guerre pour devenir le comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
45 Waquet H., « Introduction », Gazette des Archives, nouvelle série, no 1, 1947, p. 2.
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Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008