La noblesse militaire, une source d’inspiration des révolutionnaires ?
p. 87-99
Texte intégral
1L’évolution de l’armée professionnelle, depuis Louvois, mais plus encore au XVIIIe, est marquée par une emprise nobiliaire exclusive, tendant à constituer le corps des officiers en caste. Selon Bernard Deschard ou Jean-Paul Bertaud1, en 1789, sur un peu moins de 12 000 officiers qui assurent un service effectif, 90 % sont d’origine noble. Il ne faut pas oublier toutefois que c’est une minorité seulement des officiers qui est commissionnée, c’est-à-dire qui exerce un commandement effectif. Avec les non-commissionnés et les surnuméraires, les effectifs globaux s’élèvent alors à 30 000. On peut trouver parmi ces derniers une proportion plus importante d’officiers roturiers. En outre, 3 000 soldats et bas-officiers sont d’origine nobiliaire. Même si ces données comptables auront leur rôle à jouer lors de la réorganisation de l’encadrement sous la Révolution, l’opinion commune, qui assimile la noblesse et le commandement militaire, conformément à l’imaginaire social de l’Ancien Régime, se trouve justifiée par les faits. Cela ne veut pas dire qu’il y ait consensus sur le sens du terme noblesse militaire, et que l’adéquation du service et de la dignité soit largement remise en question.
2Le terme noblesse militaire n’est absolument pas réductible au second ordre des bellatores. C’est une création récente et ambiguë, qui consacre tout aussi bien le mérite que la naissance2. Un édit de 1750 garantit la noblesse à tous les militaires qui ne sont pas nés dans le second ordre, mais qui ont atteint le grade de général, ou qui représenteraient la troisième génération à avoir servi comme officiers, sans atteindre un grade supérieur (ce sont les « officiers de fortune »), ou qui se seraient particulièrement distingués sur les champs de bataille. Entrent en ligne de compte, dans des proportions variables, le mérite et l’expérience. Le mérite militaire recouvre à la fois récompense et distinction ; disons un peu rapidement que telle est la nouvelle enveloppe de l’honneur, qui est davantage attachée à un service (public ? du public ?) qu’à un exploit. Loin d’être une fonction innée, héréditaire, le commandement s’éprouve à travers l’apprentissage du métier des armes, inséparable d’une instruction générale. L’École royale militaire de Paris est créée en 1751, réservée aux fils de la noblesse pauvre, majoritairement provinciale3.
3Philippe-Auguste de Sainte-Foy, chevalier d’Arcq, va tout particulièrement développer cette conception de la noblesse militaire dans son ouvrage publié en 1756, La noblesse militaire ou le patriote français. Elle cristallise l’identité de l’officier de la fin de l’Ancien Régime, tout en polarisant de fortes oppositions au sein de la noblesse ; d’un côté, les petits nobles de province, pas toujours pauvres, mais toujours dignes, du moins dans les récits de carrières militaires qui ne cessent de proliférer4 ; de l’autre, les courtisans incapables et débauchés, qui doivent leur grade à la faveur. Plusieurs ministres vont s’inspirer de l’ouvrage du chevalier d’Arcq pour entreprendre de profondes réformes de l’armée française ; l’un de ses disciples les plus conséquents fut le comte de Saint-Germain, ministre de 1775 à 17775.
4Dès lors, le lien étroit qui est ainsi tissé entre le statut nobiliaire, le commandement militaire, et la fonction publique (le service du roi tend alors à se confondre avec le service de la patrie) peut-il survivre au choc révolutionnaire ? Très schématiquement, on peut distinguer deux courants historiographiques. Le premier d’entre eux insiste sur la rupture révolutionnaire : l’armée d’Ancien Régime sombre avec la noblesse, pour faire place à une armée « nationale », au sein de laquelle les brevets d’officiers sont accordés selon les critères du seul mérite individuel, et non plus de la naissance (abolition du second ordre en 1790), ou de la richesse (abolition intégrale de la vénalité des grades, qui avait déjà été programmée par le ministère de Saint-Germain). Certains auteurs s’attardent sur la disparition d’un modèle d’officier professionnel, qui menait une guerre réglée, pour stigmatiser les promus, des soudards qui pratiquent la guerre totale6. D’autres interprètent les tensions au sein des régiments à partir des textes patriotes, qui opposent la morgue aristocratique des officiers nobles aux revendications plébéiennes des comités de soldats. Mais tous s’accordent pour situer une ligne de fracture entre 1791 et 1793.
5Un deuxième courant va plutôt insister sur la continuité de l’appareil militaire : en dépit des fortes secousses de 1791-1793, l’instrument militaire reste le seul appareil d’État de l’Ancien Régime à se maintenir, moyennant un renouvellement des cadres et une mutation des valeurs. Napoléon Bonaparte, héritier de la petite noblesse provinciale et boursier des écoles militaires, est nostalgique de cette noblesse militaire comme noblesse de service, qu’il s’efforce de reconstituer à travers la création d’institutions multiples qui redéfinissent la figure sociale de l’officier, l’éducation par la refondation des écoles militaires, la Légion d’honneur, qui retisse les liens entre récompense et service, à l’instar de la noblesse militaire ; ou encore la création de la noblesse d’Empire, véritable noblesse de service, du moins dans ses intentions premières. Le socle de ces institutions, c’est la distinction, une construction sociale étroitement liée à l’État7.
6Dès lors, je vais m’efforcer brièvement de rappeler que noblesse militaire n’est pas synonyme de réaction nobiliaire. Ensuite, comment la notion connut une mutation, mais non une éradication au cours de l’an II, qui est l’année cruciale en la matière. Enfin, je m’interrogerai sur la viabilité d’un système militaire alternatif, avant de conclure sur la continuité d’un modèle de représentation du commandement.
Noblesse militaire et distinction par l’honneur
7L’interprétation du malaise au sein de l’armée, singulièrement au tournant de la guerre de Sept Ans, a été largement remise en cause par plusieurs historiens américains8 ; selon eux, les tensions ne sont pas l’indice d’une opposition irréductible entre la noblesse et la bourgeoisie, et de la constitution du second ordre en caste, mais le signe d’affrontements au sein même de la noblesse, entre la haute noblesse accoutumée à la proximité du pouvoir et de la finance, et la petite noblesse provinciale pauvre. L’édit de Ségur de 1781, qui exigeait quatre quartiers de noblesse pour être titulaire d’un grade d’officier, a pu être présenté comme la pointe avancée d’une « réaction nobiliaire » ; or, il n’est pas essentiellement dirigé contre les roturiers, mais contre le mécanisme des « nominations à la faveur », qui attribuait les commandements (qui valaient anoblissement automatique) à des fils de familles influentes par la fortune.
8L’œuvre du chevalier d’Arcq est tout à fait emblématique de cet état d’esprit, largement partagé par les officiers d’active au milieu du XVIIIe siècle. Bien avant les « révisions » des années soixante-dix, Émile Léonard, dans ses cours dispensés devant les élèves-officiers saint-cyriens repliés à Alès au début de la Seconde Guerre mondiale, avait déjà attiré l’attention sur l’œuvre du chevalier, et mis en garde contre les contresens que pouvait entraîner une lecture rapide9. L’essentiel de l’ouvrage est une réfutation des thèses de l’abbé Coyer sur la noblesse commerçante. C’est un plaidoyer contre le déclassement de la noblesse traditionnelle, dont la raison d’être est la profession militaire :
« Que voulez-vous enfin que devienne cette noblesse pauvre, à laquelle l’indigence n’offre de ressource que le cloître, ou la confusion attachée à de vils emplois ? Est-ce donc en France qu’on ose faire cette question ? Est-ce donc en France qu’un gentilhomme reste oisif sur son champ, ou dans sa cabane, tandis que la victoire attend la noblesse au Champ de Mars pour la couronner ? Est-ce donc en France qu’un gentilhomme se livre à la bassesse, à l’infamie, enfin qu’il déshonore le nom de ses ancêtres, vertueux sans doute, puisqu’on les jugea dignes de la Noblesse sans autre prétexte que celui de se soustraire à l’indigence, tandis qu’il est un monarque bienfaisant à servir, une patrie à défendre, et des armes toujours prêtes pour quiconque veut marcher dans la carrière de l’honneur10. »
9Le chevalier d’Arcq cherche donc à remobiliser cette petite noblesse autour des valeurs du service, du mérite, et de l’honneur. Loin de chercher à consolider une caste héréditaire, il envisage même la dérogeance pour ceux qui se refuseraient à se rendre socialement utiles :
« […] Un gentilhomme qui ne cherche pas à mériter la Noblesse par les moyens qui l’ont acquise, n’est pas digne de la conserver, et lorsque le Roi aura ouvert aux gentilshommes de son royaume la carrière de l’honneur, il peut sans injustice ôter les privilèges de la Noblesse à celui qui serait parvenu à l’âge de trente ans sans avoir pris aucun parti, sans avoir embrassé aucune profession, pourvu que cette punition ne soit que personnelle, et ne puisse rejaillir sur sa famille. L’État nourrit ses membres, il faut que tous les membres servent l’État. Le citoyen oisif, par conséquent inutile, est criminel envers sa patrie, et lui dérobe tout ce qu’il consomme. Le gentilhomme est citoyen avant d’être noble, et le seul privilège que lui donne la Noblesse, c’est le choix parmi les services importants que l’État peut et doit en attendre. L’instant où il cesse de penser ainsi, est celui où il cesse d’être noble11. »
10Quelques années plus tard, on peut trouver comme un écho de ces prises de position du chevalier d’Arcq chez des réformateurs militaires pourtant présentés comme les inspirateurs d’une armée « nationale » aux antipodes de l’exclusivisme nobiliaire. Servan, qui appartient comme tant d’autres à une famille de la petite noblesse provinciale12, étend la prérogative militaire à l’ensemble de l’État, élargissant les notions réputées aristocratiques de la distinction et de l’honneur bien au-delà du cercle des officiers :
« Continuez à regarder notre militaire comme le premier ordre de l’état. Que jamais un officier ni un soldat ne puisse paraître nulle part sans son uniforme ; que son habit, que ses grades soient une raison pour qu’on le distingue davantage. Accoutumez dès l’âge le plus tendre les citoyens qui doivent défendre la patrie au genre de vie que vous voulez qu’ils mènent, et vous aurez un militaire nombreux, et des troupes sur lesquelles vous pourrez toujours compter13. »
11La racine de la distinction, c’est la séparation radicale de la sphère de l’honneur de celle du lucre, comme chez le chevalier d’Arcq :
« Mais rien ne doit être plus délicat que cette manière d’attacher les militaires à leurs devoirs ; elle doit tenir uniquement à l’opinion qui, dans nos troupes, doit faire tout dépendre de la gloire et de l’honneur. Qu’on se garde donc bien de rien faire attendre d’aucune distinction qui tiendrait à l’argent. Si la gloire seule, dépouillée de tout sentiment d’intérêt pécuniaire, n’était pas l’unique principe du courage, de la bravoure, et des vertus guerrières, l’esprit militaire serait perdu. Ne comptez pas sur des soldats, ni sur des officiers, auxquels le bruit seul des grandes actions ne suffirait pas. Il ne faut que de la gloire dans une profession qui n’est fondée que sur la gloire ; tout accessoire détruirait l’objet principal. Gardez votre or pour les infirmes et les invalides ; donnez des distinctions à ceux qui peuvent encore porter les armes ; parcourez l’histoire, et voyez-y partout les récompenses pécuniaires accordées à la bravoure affaiblir nécessairement un gouvernement monarchique14. »
Les épurations de l’an II
12En un laps de temps bien plus court que celui qui sépare la publication de ses écrits de ceux du chevalier d’Arcq, Servan se retrouve titulaire du ministère de la Guerre, dans un contexte de totale décomposition du corps des officiers, quasiment réduit à une coquille vide par une émigration massive. L’exigence d’épuration antinobiliaire à la tête de l’armée grandit, et semble culminer en septembre 1793, avec la destitution immédiate de tous les officiers d’origine noble encore en poste, avec la suppression des écoles militaires (sauf pour le Génie). Ces dispositions radicales avaient été précédées par des mesures emblématiques qui minaient le principe de distinction ; la loi du 15 octobre 1792 abolissait ainsi la croix de Saint-Louis, et on pouvait juger peu après que les décorations étaient incompatibles avec la République. Il y eut bien alors une campagne de la presse enragée et des clubs pour une épuration antinobiliaire radicale, qui établit une équivalence entre trahison et extraction aristocratique : « À bas tous les nobles ! Tant pis pour les bons s’il y en a ! », tonne Guffroy dans Rougyffou le franc en vedette15. La Société populaire de Nice, à titre d’exemple, invite le ministre de la Guerre, le 20 ventôse an II (10 mars 1794) à effacer du registre du personnel militaire tous ceux qui auraient été nommés à des places pour cause de noblesse et de faire une exacte recherche de ceux qui se prétendaient nobles alors pour entrer aux places16.
13C’est alors une invitation directe à ceux qui tiennent le registre, en l’occurrence Xavier Audoin, à aller dans le sens souhaité par le mouvement plébéien. François-Xavier Audoin est le gendre de Jean-Nicolas Pache, qui succèda à Servan au ministère de la Guerre en octobre 1792. C’est en avril 1793 qu’il prend la direction de la 6e division du ministère de la Guerre, la division du personnel, celle qui avalise les épurations et les nominations en distribuant les brevets. Il resta en place jusqu’à la suppression du ministère, le 1er avril 1794. C’est-à-dire que c’est lui qui supervisa l’entreprise d’épuration de l’an II. Faute d’un bilan précis de celle-ci17, les jugements sur le personnage sont tranchés, assez souvent malveillants. On en fait le type même du « radical » extrémiste, on ne manque pas de souligner qu’il est l’adjoint de Bouchotte, un « prêtre défroqué et activiste sans-culotte18 ». À l’inverse, la notice biographique du Dictionnaire historique de la Révolution française19 relève laconiquement : « Cette division eut une grande importance politique en 1793, puisque les circonstances exigeaient une épuration des états-majors et des cadres de l’armée ; les généraux républicains remplacèrent les généraux nobles destitués », ignorant le phénomène des confirmations, laissant entendre la totale incompatibilité entre engagement républicain et origine nobiliaire, ce que démentent un grand nombre de cas individuels.
14Les prises de position d’Audoin peuvent effectivement être interprétées de façon très contradictoire ; faisant largement fides divergences internes, le groupe des bureaux du ministère est présenté comme le concepteur d’une subversion totale des derniers lambeaux de l’armée royale – arrêter les quelques 900 officiers d’origine nobiliaire encore en poste –, pour lui substituer une armée révolutionnaire dont on connaît les quelques avatars étudiés en leur temps par Richard Cobb20. En revendiquant un pouvoir de nomination pour le ministère, Audoin souhaiterait faire droit aux revendications des enragés, pour qui la trahison est inscrite dans les gènes de l’aristocratie. Dans cette vacuité de légitimité, il s’agirait du même coup d’imposer son autorité aux représentants en mission, figures de la centralité législative.
15L’examen des registres du bureau du personnel m’amène à formuler prudemment une autre hypothèse : et si le contrôle par le Conseil exécutif permettait d’endiguer ce type de dérive, bien plus efficacement que les représentants en mission ? La question cruciale est : comment l’épuration fut-elle menée à bien, puisque l’on sait qu’elle ne fut pas menée à son terme ? À quel moment y eut-il un infléchissement ? On ne dispose d’aucun bilan sur cette question, mais nous pouvons là encore présenter quelques hypothèses, à défaut de réponses.
16L’examen des carrières des officiers, telles qu’elles se présentent ultérieurement21, montre que, si les destitutions des officiers supérieurs furent une mesure générale, les re-nominations automatiques, peu de jours, à la rigueur quelques mois après, furent très fréquentes. Plusieurs causes peuvent être avancées. On peut arguer que les officiers nobles susceptibles d’être la cible de l’épuration n’étaient plus qu’un tout petit nombre (quelques centaines, soit 3 % des effectifs des officiers d’active en 1789), et que le simple fait d’être resté en poste à cette époque constituait en soi un gage de patriotisme. Certes, mais il ne faut pas oublier que les officiers à leur poste en 1789 n’étaient alors qu’une minorité du vivier des officiers nobles ; il faudrait aussi comptabiliser les officiers non commissionnés et les surnuméraires, voire les officiers à la retraite22. C’est dans ces effectifs que les autorités révolutionnaires puisèrent largement pour remplacer les émigrés, et ce sont eux qui furent également très souvent élus lors de la constitution des bataillons de volontaires nationaux. De telle sorte qu’ils sont nombreux à devenir suspects par suite de leur origine familiale, quels que soient les moyens utilisés pour masquer celle-ci, qui ne trompaient pas grand monde. Ensuite, les modalités mêmes de l’épuration. C’est le représentant en mission aux armées qui recueille les lettres de dénonciation, les lettres de recommandation, etc. C’est lui qui destitue, ou qui confirme. Or, en dépit des nombreuses enquêtes conduites sur ces « missionnaires de la République », sous la direction de Michel Biard23, les résultats pour les représentants en mission aux armées, et sur cette question précise de l’épuration, sont loin d’être exhaustifs. Enfin, quelle que soit la marge d’action de ces représentants sur le plan local, quels que soient les conflits d’intérêts et d’autorités, aux enjeux parfois opaques, dans lesquels ils se trouvent impliqués, il ne faut pas oublier que la décision était supervisée par les bureaux du ministère de la Guerre. Et c’est là que nous retrouvons Xavier Audoin.
Un système militaire alternatif ?
17À l’évidence, et sous réserve de vérification par des enquêtes plus précises, c’est bien avant la réforme des états-majors opérée sous la Convention thermidorienne, avant même la reprise en main des affaires militaires par le Comité de salut public, après la destruction de la « citadelle hébertiste » qu’aurait représenté le ministère de la Guerre, que les responsables, au tout premier rang desquels Xavier Audoin, éprouvèrent le sentiment qu’il fallait endiguer l’épuration des cadres, et, ce faisant, ménager le professionnalisme dont était traditionnellement porteur le corps des officiers d’origine noble, au risque d’un effondrement, non plus du régime, mais de l’État, avec toutes les conséquences que cela pouvait entraîner dans un pays plongé dans un effort de guerre sans précédent depuis la fin du règne de Louis XIV.
18Lorsque les patriotes évoquent la noblesse militaire, ce n’est pas tant une référence à un groupe constitué, mais au processus de nomination aux places. C’est en ces termes que Choderlos de Laclos met en cause l’ordonnance de 1788 :
« Le décret laisse à la nomination du roi, et sous la seule condition d’avoir servi deux ans dans le grade inférieur, le quart des emplois de lieutenants-colonels et colonels, le tiers de ceux de maréchaux-de-camp, la moitié de ceux des lieutenants-généraux, et la totalité des maréchaux de France.
Si le roi veut avoir le soin de concentrer ses choix dans un nombre de familles qu’il désignera, celles-ci se trouveront, en assez peu d’années, posséder entièrement tous les emplois militaires supérieurs, fournir seules les officiers généraux, et avoir conséquemment entre leurs mains l’entière disposition de l’armée de ligne ; système que je crois incompatible avec la liberté et l’égalité24. »
19La cible, c’est alors le monopole des grades auquel conduisent les choix de l’exécutif, ce n’est pas la confusion entre noblesse et service des armes. Pourtant, une fois la monarchie disparue, c’est bien à redonner des moyens croissants d’intervention au pouvoir central dans les nominations, que va prioritairement s’attacher Audoin. La question paraît le préoccuper davantage que l’origine familiale des officiers25. Certes, on peut en donner une interprétation politicienne, et considérer que c’est un moyen de gonfler l’importance du personnel des bureaux du ministère de la Guerre. Mais on peut également souligner que le Comité de salut public s’inscrit parfaitement dans la continuité de ce processus de récupération de ses prérogatives par le gouvernement central.
20Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’autre mode de fonctionnement que celui de l’ancienne armée professionnelle, pourtant si vivement critiqué dans les dernières années de l’Ancien Régime, et à l’époque des troubles militaires ? On pense alors au modèle des milices, comme modèle alternatif aux troupes soldées. La garde nationale était censée s’inspirer de ce modèle. Pourtant, il n’est aucunement réductible à une quelconque « armée populaire ». Telle qu’elle a fonctionné, les officiers élus de la garde nationale furent majoritairement issus, comme nous le savons, des familles aisées, ou du vivier des anciens officiers de l’armée royale, non brevetés ou retraités, majoritairement d’origine noble. Ils représentent pleinement le groupe des notables. Or, comme l’observe finement Barnave, dans tout système militaire territorialisé (et la garde nationale, comme toute armée de milice, est un système militaire territorialisé), « les sénateurs de province et les officiers de l’armée sont issus des mêmes familles ». En fait, une défense citoyenne appuyée sur les milices, réunissant les chefs de famille, où les grades sont monopolisés par les familles les plus honorablement connues par leur ancienneté et leur conduite publique [ce qui est le sens originel du terme « notables »], est un idéal préconisé par les tenants du républicanisme classique, qui se réclament de Machiavel, de Montesquieu et de Rousseau. Marat défendra avec constance cet idéal, des Chaînes de l’esclavage en 1776 à ses articles dans L’Ami du Peuple26. Pour autant, tous sont d’accord pour dire que ce système n’est précisément viable que sur une base territoriale la plus restreinte possible : la commune, à la rigueur le canton, pour la compagnie ; le département pour le bataillon. Le républicanisme classique limite son horizon à ce territoire restreint. C’est la raison pour laquelle, dès que l’on sort d’une rhétorique sur la levée en masse, ou la horde gauloise, assez commune par ailleurs, mais qui peut effectivement prendre une tournure plébéienne, antinobiliaire, celle du monde à l’envers, que l’on trouve dans tous les mouvements révolutionnaires de l’époque moderne27. On ne trouve guère de propositions alternatives à la troupe soldée pour l’organisation d’une force publique.
La continuité d’un modèle de représentation du commandement
21Le 1er thermidor an II (19 juillet 1794), la Convention révise la procédure d’avancement élaborée au moment de l’amalgame (février 1793) ; désormais, un tiers des places sont réservées à l’ancienneté, un tiers à l’élection, et un tiers au choix du gouvernement. Bertrand Barère est le rapporteur de cette loi :
« Nous rapportons tous les jours à la Convention des faits héroïques, les actions vertueuses et les traits de bravoure qui immortalisent les défenseurs de l’égalité ; tous les jours les représentants près les armées et les généraux nous annoncent ou nous envoient des pages entières de l’histoire honorable des républicains, et nous-mêmes, en célébrant ces belles actions à cette tribune, nous semblons être dans l’impuissance de les récompenser d’une manière digne de la Nation. Cependant le plus bel apanage de l’autorité suprême est le pouvoir de distribuer des récompenses nationales et d’exécuter les décrets de l’opinion publique. Ils ne manquaient pas de se servir de ce levier puissant, les rois et les ministres ; et combien ils ont perpétué la durée du despotisme par cette espèce de justice qu’ils décoraient encore du nom de bienfaisance ! Encore même, combien le despotisme n’abusait-il pas du mode d’avancement et de décoration militaire ! […]
Depuis la fondation de la République, tout a pris un autre caractère, les législateurs et les généraux, les peuples et les armées… Loin de nous les temps d’insolence et d’orgueil où des généraux et des officiers faisaient servir tant de légions, tant de braves soldats, à échafauder leur renommée ; il faut aussi révolutionner la gloire et la reverser comme la fortune sur les nombreux bataillons, sur les modestes citoyens qui combattent tous les jours pour la République28. »
22Certes, il n’est plus question de distinguer le militaire héroïque, en lui attribuant un titre de noblesse. Le mérite est collectif, ou obscur, bien avant d’être individuel. Mais, en se proposant de révolutionner la gloire, le Comité de salut public assume pleinement un pouvoir régalien, qui est de même nature que celui qui avait présidé aux dispositions de l’édit sur la noblesse militaire de 1750, le pouvoir de distinguer, le pouvoir de punir étant désormais contrebalancé par le pouvoir de décerner des récompenses.
23Dernière pièce à verser au dossier ; Xavier Audoin fait paraître en 1811 une Histoire de l’administration de la Guerre, inachevée. Il s’arrête avant l’installation de la République, période pour laquelle il aurait pourtant été intéressant de connaître son témoignage de première main. Le personnage central, c’est le comte de Saint-Germain, « un militaire extraordinaire29 ». Or, l’inspiration du ministère de Saint-Germain vient en droite ligne du chevalier d’Arcq et de la noblesse militaire, comme nous l’avons vu30. Son administration, selon Audoin, eut une influence considérable sur le sort de l’armée et sur la détermination des troupes à servir la Révolution. La suppression de la vénalité des grades, la réforme des unités de la Maison du Roi, de l’École militaire, le rétablissement des milices, autant de mesures présentées comme décisives pour la consolidation d’une armée professionnelle, mais aussi pour la définition d’une noblesse militaire, à laquelle serait réservée l’exclusivité du commandement. Or, à rebours de cette interprétation, et au prix d’une héroïsation du ministre, Audoin cherche à montrer que les réformes de Saint-Germain se heurtèrent à la résistance forcenée de la noblesse : « Les premières idées que manifesta le ministre Saint-Germain furent d’éloigner les nobles de l’armée, de supprimer les privilèges des corps et des particuliers, et de ne conserver que les emplois utiles31. » Il rappelle que Saint-Germain, fils de militaire, était d’origine roturière, et que son comportement privé, conformément à un modèle héroïsé courant chez les écrivains militaires, était celui d’un « Cincinnatus moderne ». Lorsque sa commission de ministre lui est apportée, on trouve « le ministre occupé, comme un ancien dictateur de Rome, à bêcher son jardin ». Il est ainsi facile de récupérer le ministre réformateur dans le camp des précurseurs de l’armée nationale forgée par la Convention, au prix d’une reconstruction historique fréquente en ces années de « monarchie républicaine ». Pour autant, la suite de l’ouvrage offre un point de vue plus nuancé : la tonalité générale de la somme de Xavier Audoin est bien de mettre en valeur la réforme32, dont l’échec justifie le changement révolutionnaire, mais aussi d’attribuer cet échec, non pas tant à la noblesse en bloc, qu’aux milieux courtisans et financiers :
« Il [Saint-Germain] trouva économique de supprimer les états-majors composés de parents de protégés ; les gens de la Cour commencèrent l’attaque […], il rappela aux régiments l’exécution des règlements sur les tables, l’habillement, les transports, règlements répressifs des folies des officiers riches, et sauvegarde des moins fortunés qui se ruinaient par imitation33. »
24Mieux, il va, dans la suite, souligner très fortement son admiration pour Ségur, dont l’édit sur les quartiers de noblesse nécessaires à l’obtention d’un brevet d’officier, passe pour le signe emblématique de la « réaction nobiliaire » :
« Pour prononcer sur le long ministère du maréchal de Ségur, il ne faut pas lui reprocher les actes de haute administration, ceux surtout de législation, qui lui furent absolument étrangers : il est facile d’apercevoir que le système militaire était donné par un parti étranger qui, ayant la Cour pour appui, et la noblesse en faveur pour apôtre34, perdait le Roi, et ne laissait au ministre que les soins d’exécution ; il n’en faudrait d’autre preuve que les deux ordonnances citées, l’une relative à l’exclusion des roturiers, l’autre prononçant l’entière réforme de la gendarmerie ; la première ne pouvait être conçue ni par le maréchal de Ségur, ni par aucun ministre, car tous acquirent par l’habitude des affaires la conviction de l’embarras qu’on leur donne en restreignant à un trop petit nombre d’hommes la latitude nécessaire aux choix nombreux et importants dont ils sont chargés35. »
25La responsabilité première incombe donc à la concentration de la faveur :
« Ce ne furent plus tous les nobles qui furent appelés à dévorer les dépouilles de la Nation ; elles devinrent le partage exclusif de quelques familles classées dans la haute noblesse36. »
26L’ouvrage de Xavier Audoin se termine au 17 juillet 1789. C’est donc une œuvre d’historien, et non de mémorialiste. Il est porteur d’une interprétation qui, par delà la Révolution, lie les réformes de la monarchie administrative au projet napoléonien. L’administration militaire est un objet privilégié pour démontrer cette continuité et, pour les besoins de cette démonstration, Audoin reprend les thèses du chevalier d’Arcq sur la noblesse militaire. Cette récupération n’est pas pour autant un produit de circonstance, porté par le besoin de plaire aux idéologues du régime impérial. La reprise des valeurs de service, de mérite, et de distinction était déjà bien présente à l’époque de la Convention, et a largement inspiré les acteurs de la refondation militaire, dont Audoin ne fut pas l’un des moindres.
27L’ordre de la noblesse une fois supprimé, la politique suivie par les autorités révolutionnaires à l’égard des officiers d’origine nobiliaire qui n’ont pas émigré dissociait l’origine et la fonction. À l’égard de cette dernière, les questions essentielles qui furent posées lors de la grande poussée antinobiliaire de l’an II découlèrent évidemment de la contestation de la distinction aristocratique : le stigmate de l’origine et le privilège honorifique. Les responsables montagnards, dont un bon nombre étaient issus de la petite noblesse de service, déplacèrent toutefois la question vers l’éducation, vers la prise de décision, vers la discipline librement consentie, tandis qu’ils redéfinissaient dans un sens nouveau les valeurs traditionnelles de l’honneur, de la récompense et du mérite. Le type d’armée issu finalement de l’amalgame, à savoir une armée professionnelle articulée à une réserve territoriale mobilisable, devait mêler idéalement l’expérience de la ligne et le patriotisme des volontaires. Mais le schéma ne fonctionna pas à sens unique : les militaires de l’ancienne armée purent aussi diffuser toutes les valeurs de la noblesse militaire dans le corps social. De même, l’opposition ici présentée entre origine et fonction ne doit pas être interprétée dans un sens schématique, dans la mesure où la catégorie des « notables », essentielle pour appréhender le corps des officiers et le projet napoléonien, permettait d’articuler différemment caractères innés et apprentissages. Bien qu’il ait été question chez Barère de révolutionner la gloire, nombre d’officiers, et même de bas-officiers de l’Ancien Régime, pouvaient aisément reconnaître derrière la rhétorique républicaine les valeurs du service, apanage de la noblesse militaire. Nul plus que Bonaparte n’était imprégné de ces valeurs, autour desquelles il s’efforça de recomposer les hiérarchies sociales37. Mais, tandis que les républicains avaient cherché à bien séparer l’origine familiale, et la fonction qui relève de la seule individualité, Napoléon chercha à relier de plus en plus étroitement le service à la naissance.
Notes de bas de page
1 Bernard Deschard, L’armée et la Révolution. Du service du Roi au service de la Nation, Paris, Desjonquères, 1989 ; Jean-Paul Bertaud, la Révolution armée. Les soldats-citoyens et la Révolution française, Paris, Robert Laffont, p. 39-40.
2 André Corvisier, « La noblesse militaire ; aspects militaires de la noblesse française du XVIe au XVIIIe siècles », in Histoire sociale - Social history, 11, 1978, p. 336-355.
3 Jean Chagniot, Guerre et société à l’époque moderne, Paris, PUF, 2001, p. 199-200.
4 Les mémoires du chevalier de Quincy sont particulièrement représentatifs de ce courant ; cf. Joseph Sevin de Quincy, Mémoires, Paris, Lecestre, 1898-1901, 3 vol.
5 Léon Mention, Le comte de Saint-Germain et ses réformes, 1775-1777, Paris, 1884. Cet ouvrage ancien est insatisfaisant par bien des aspects, mais c’est la seule étude consacrée à ce ministre, dont l’œuvre est capitale pour comprendre la situation de l’armée française à la veille de la Révolution.
6 Cette notion de « guerre totale » fait actuellement l’objet d’un vaste débat historiographique. Pour les tenants de la notion, cf. Jean-Yves Guiomar, L’invention de la guerre totale, Paris, Le Félin, 2004, et David Bell, The first total war ; Napoleon’s Europe and the birth of warfare as we know it, New York, 2007. Pour les réponses critiques, Bernard Gainot, in Annales historiques de la Révolution française, 343, 2006, p. 239-241 et Michael Broers, « The concept of total war in the revolutionnary napoleonic period », in War in history, 2008, http://wih.sagepub.com/cgi/content/abstract/15/3/247.
7 Pierre Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979.
8 David Bien, « La réaction aristocratique avant 1789 ; l’exemple de l’armée », Annales Économies, Sociétés, Civilisations, 29, 1974 ; Jay Smith, The culture of merit ; nobility, royal service and the making of absolute monarchy in France (1600-1789), Ann Arbor, 1996 ; Rafe Blaufarb, The French army : careers, talent, merit, Manchester, Manchester University Press, 2003.
9 Émile G. Léonard, L’armée et ses problèmes au XVIIIe siècle, Paris, Lavauzelle, 1958.
10 Chevalier d’Arcq, La noblesse militaire ou le patriote français, base Gallica de la BnF, p. 83-85.
11 Ibid., p. 187-189.
12 Jacques François Lanier, Le général Joseph Servan de Gerbey (1741-1808). Pour une armée au service de l’Homme, Valence, SRIG, 2001.
13 Le soldat citoyen ou vues patriotiques sur la manière la plus avantageuse de pourvoir à la défense du Royaume [1780], base Gallica de la BnF, p. 434.
14 Ibid., p. 435-436.
15 Cité par Renaud Faget, communication inédite au séminaire d’histoire Guerre, société, conflits, de Paris I, le 16 avril 2008.
16 Service historique de la Défense, Xb 126, Infanterie, Documents généraux, 1792-1793.
17 Gilbert Bodinier, « La Révolution et l’armée », in André Corvisier (dir.), Histoire militaire de la France, Paris, PUF, 1992, t. 1, p. 195-220.
18 Rafe Blaufarb, The French army […], op. cit.
19 Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 1989, p. 58. La notice est signée par Raymonde Monnier.
20 Cf. Howard Brown, War, Revolution and the bureaucratic State. Politics and army asministration in France, 1791-1799, Oxford, Clarendon Press, 1995. Les conclusions de Brown sont largement reprises par Rafe Blaufarb, The French army […], op. cit.
21 Georges Six, Dictionnaire biographique des généraux et amiraux français de la Révolution et de l’Empire (1792-1814), Paris, Saffroy, 1934 ; AN, AF III 169-201.
22 Bernard Deschard, L’armée et la Révolution […], op. cit. ; Rafe Blaufarb, The French army […], op. cit. ; Louis Hartmann, Les officiers de l’armée royale et la Révolution, Paris, 1910.
23 Michel Biard, Missionnaires de la République, Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, 2002.
24 Choderlos de Laclos, Journal des Amis de la Constitution, no 33, 1791, p. 19-20, cité par Jean-Louis Quoy-Bodin, L’armée et la franc-maçonnerie au déclin de la monarchie, sous la Révolution et l’Empire, Paris, Économica, 1987.
25 Service historique de la Défense, Xb 791, Xavier Audoin aux citoyens représentants du Peuple membres du Comité de salut public de la Convention nationale, 5ème jour du deuxième mois de l’an II de la République (25 octobre 1793). Il s’agit de prescrire un mode d’exception à la loi du 21 février précédent, pour pouvoir récompenser les actions de bravoure ou les services extraordinaires par des avancements particuliers que la Convention pourrait décréter elle-même. Audoin rappelle qu’il a déjà écrit plusieurs fois sur cet objet par ordre du ministre.
26 Je renvoie à ma contribution au colloque Armées privées, armées d’État, qui s’est tenu les 27 et 28 mars 2008 sous l’égide du Centre d’Études d’Histoire de la Défense, au Musée de l’Armée. Les actes sont en instance de publication
27 Christopher Hill, Le monde à l’envers. Les idées radicales au cours de la Révolution anglaise, traduction de Simone Chambon et Rachel Ertel, Paris, Payot, 1977.
28 Archives parlementaires, t. 93, séance du 1er thermidor an II (19 juillet 1794), Paris, CNRS, p. 317.
29 Xavier Audoin, Histoire de l’administration de la Guerre, Paris, Didot aîné, 1811, t. 3 (1743-1780), livre VII, section II, p. 363.
30 Même si l’interprétation qu’en donne Audoin est très équivoque : « Les premières idées que manifesta le ministre saint-Germain furent d’éloigner les nobles de l’armée, de supprimer les privilèges des corps et des particuliers, et de ne conserver que les emplois utiles » (ibid., p. 370).
31 Ibid.
32 Définie comme « la science du meilleur emploi des hommes, et de la plus utile répartition des fonds » ; par quoi la réforme se confond avec l’administration même (ibid., t. 3, p. 392).
33 Ibid., p. 371.
34 C’est moi qui souligne.
35 Ibid., t. IV, livre VIII, section II, p. 89.
36 Ibid., p. 79.
37 Rafe Blaufarb, « The Ancien Regime origins of napoleonic social reconstruction », French history, 14, 2000, p. 408-423.
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