1 Qui plus est les sociologues en dehors de l’université ou des grands organismes de la recherche publique exercent souvent leurs compétences dans des « professions » autres telles qu’elles prennent le pas en terme d’identité, de reconnaissance et finalement de pratiques professionnelles (professionnels de ressources humaines, consultants, etc.).
2 ÉmileDurkheim, « La sociologie en France au XIXe siècle », art. cit.
3 Marcel Mauss, « La sociologie en France depuis 1914 », dans Œuvres 3. Cohésion sociale et divisions de la sociologie, op. cit., p. 436-450. Le texte auquel nous faisons ici référence a été publié par Marcel Mauss en 1933.
4 Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, « Sociologie et philosophie en France depuis 1945 », art. cit., p. 6-27.
5 C’est la formule que Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron ont forgée dans leur article sur les rapports entre philosophie et sociologie dans le champ intellectuel français après 1945. Cette formule exprime leur projet d’une sociologie des grandes tendances de la sociologie qui s’efforce de référer ces dernières à leur contexte culturel et non à des noms propres de la sociologie française. Une telle histoire ne saurait donc se présenter sous les traits d’une histoire méthodique des événements et des écoles sociologiques ou philosophiques qui se sont succédés en France depuis 1945, pas plus que sous ceux d’une philosophie de l’histoire de la philosophie ou de l’histoire de la sociologie.
6 On songe ici au constat formulé dans AlainCaillé, La démission des clercs, op. cit.
7 Là, nous songeons à la volonté exprimée par certains d’associer les exigences de l’analyse scientifique et les fins du combat et de la contestation politiques. Nous pensons par exemple à l’entreprise éditoriale qui s’est constituée autour de Pierre Bourdieu à partir du milieu des années 1990, Raisons d’agir, et dont les acteurs se positionnent très clairement dans cette perspective.
8 Sur un exposé des illusions qui entretiennent le sentiment d’une pérennité assurée au sein d’une autre discipline, à savoir l’anthropologie, et qui rejoint, pour partie, notre propos on lira avec intérêt Gérard Lenclud, « L’anthropologie et sa discipline », Enquête, n° 5, septembre 2006, p. 69-93.
9 Ian Hacking, Entre science et réalité. La construction sociale de quoi ?, Paris, La découverte, 2001.
10 Pour s’en convaincre, on peut se rendre sur le site de l’un de ces collectifs chargés de mettre en forme la lutte pour la promotion des intérêts des disciplines relevant de l’ensemble des sciences sociales et humaines ; on y consultera les forums de discussions qui s’y organisent : [droit.dentree.free.fr]. Celui-ci, précisément, vise, par son activité, à la défense et à l’« amélioration des conditions de vie matérielle et scientifique des étudiants de troisième cycle, doctorants et docteurs en sciences humaines et sociales (SHS) [qui] entend faire circuler l’information les concernant, rendre visible et contribuer à faire aboutir leurs revendications spécifiques ». Il permet à une diversité de points de vue de s’exprimer notamment depuis les « positions » très différentes qu’occupent des diplômés de sociologie en attente d’un poste.
11 Des documents sont publiés à titre tout à fait officiel et vont dans le même sens. Leur lecture est très instructive. On consultera, par exemple, les bilans des qualifications aux fonctions de maître de conférences et de professeur pour 2005 et 2007 accessibles sur [www.liens-socio.org] et rédigés par Charles Soulié et Maria Vasconcellos.
12 MaxWeber, La science, profession et vocation, suivi de Leçons wéberiennes sur la science et la propagande par Isabelle Kalinowski, Marseille, Agone, 2005.
13 Pour la formulation récente d’une analyse de ce qu’est un « intellectuel spécifique », on se rapportera à l’ouvrage – notamment dans son dernier chapitre – de Gérard Noiriel, Les fils maudits de la République. L’avenir des intellectuels en France, op. cit.
14 Au nombre des obstacles empêchant, jusque dans les années 1960, le développement de la sociologie comme projet intellectuel propre, P. Bourdieu et J. -C. Passeron font également valoir la mode qui, depuis peu alors, a saisi un certain nombre d’intellectuels soucieux de répondre à la commande de l’administration d’État sur tel ou tel aspect de la modernisation de la société française. Or, dans l’histoire que nous nous sommes efforcés de restituer, on a montré qu’en ce qui concerne la période la plus récente, la « commande » publique demeurait très forte et constituait pour beaucoup de sociologues de l’univers académique aujourd’hui une source privilégiée de travaux d’enquête et de recherche. Difficile pourtant de prendre prétexte de cet état de fait pour dénoncer les sociologues et les considérer comme soumis à la commande d’État. On voit historiquement qu’ils doivent en partie à l’État leur existence dont celui-ci est d’ailleurs probablement seul à pouvoir garantir l’autonomie dans son exercice concret et l’existence en tant que corps. En définitive dans leur rapport à l’État ou, plus exactement, dans leur rapport à la commande, à l’appel d’offres émanant de quelque institution publique que ce soit (à l’échelle nationale mais aussi à des échelons plus localisés), l’exercice de leur autonomie n’est pas en soi entamée mais dépend de la marge de manœuvre dont les sociologues disposent et sur quelles ressources propres ils peuvent espérer compter effectivement pour conduire leurs analyses en toute indépendance.
15 Gérard Noiriel, Les fils maudits de la République, op. cit.
16 Elle est en effet un enjeu particulièrement fort et sensible, ce qui explique probablement l’expression de craintes que nous avons pu entendre de la part d’enseignants-chercheurs et de chercheurs au sujet de textes qu’ils ont lus et interprétés comme recommandant l’introduction, dans la définition des modes de régulation des activités de recherche, d’objectifs qui sont étrangers à ces activités. Ces textes sont issus des travaux du Conseil et de la Commission à la suite du mandat qui leur a été donné par le Conseil européen sur la mise en œuvre effective du programme de travail détaillé pour 2010 et relatif aux systèmes d’enseignement et de formation. Pour une revue et une analyse, dans cet esprit, des périls, on se reportera à Christian de Montlibert, Savoir à vendre, op. cit.
17 Il en va de la (ou des) discipline (s) comme des classes sociales. L’auteur évoque notamment les principes de division qui de façon indissociable en produisant des concepts produisent des groupes, les groupes mêmes qui les produisent et les groupes contre lesquels ils sont produits. PierreBourdieu, La distinction, op. cit., p. 559-564.