1 La notion d’identité est particulièrement importante en sociologie puisqu’elle permet d’établir un lien entre un individu et un ensemble plus vaste d’agents, formant un groupe distinct de ceux qui le composent. Pour être opératoire, la notion d’identité doit éviter deux écueils théoriques : le premier est de penser que l’individu est autonome, par conséquent, que la société est composée d’une somme variable d’individus libres qui agissent en fonction de leurs intérêts singuliers, le second est de considérer les individus comme de simples agents totalement dominés, voire manipulés par la société.

2 Les types que nous évoquons, ne se rencontrent pas tels quels dans la réalité. On ne doit pas confondre une nécessaire modélisation, liée au travail d’écriture et d’explicitation, de la réalité qui, elle, est multiple et dans laquelle les frontières ne sont jamais aussi tranchées. De même, il est rare que les agents appartiennent une fois pour toutes à l’un ou l’autre « camp ». Bien souvent, ceux-ci sont dans des situations intermédiaires, à partir desquelles ils peuvent négocier leur position en fonction des intérêts en présence.

3 J.-M. Chapoulie, Les professeurs de l’enseignement secondaire, op. cit.

4 Le développement d’un rapport utilitariste à l’école, par les élèves et leur famille, a été clairement exposé par Robert Ballion. L’auteur de Les consommateurs d’école, montre que l’institution est devenue un lieu où se déploient d’inégales stratégies d’investissements scolaires (choix des filières, des options, des langues, des établissements, etc.) qui, bien souvent n’ont rien à voire avec la vision libre et désintéressée que pouvaient en avoir certains professeurs. Cf. R. Ballion, Les consommateurs d’école, Paris, Stock, 1982.

5 C. Dubar, La crise des identités. L’interprétation d’une mutation, Paris, PUF, 2000.

6 Nombreux sont les témoignages qui ont été recueillis et qui montrent que le désarroi des professeurs de l’enseignement secondaire ne se limite pas au simple exercice du métier mais engage l’individu dans sa totalité. On peut renvoyer le lecteur à la série d’entretiens réalisée au début des années 90 par des sociologues sous la direction de Pierre Bourdieu. Lorsque cette professeure de lettres de 48 ans en collège de la région parisienne parle, pour désigner ce qu’elle fait, d’un « boulot de merde », il ne s’agit pas seulement du simple constat d’une baisse de niveau ou de l’expression d’un vague et journalistique « malaise des profs », mais d’un sentiment plus profond de dévalorisation de soi et, donc, de perte d’identité. La misère du monde, P. Bourdieu (dir.), Paris, Seuil, 1993.

7 Cf. M. Weber, Économie et société, Paris, Plon, 1971.

8 On constate que les enseignants du secondaire apparaissent de moins en moins comme des intellectuels pour le reste du corps social.

9 À titre d’exemple, de nombreux enseignants utilisent la presse comme support de cours, organisent des débats sur des sujets d’actualité, ou sollicitent les parents notamment pour le suivi scolaire du travail à la maison sans pour autant souhaiter les associer à la vie de l’établissement.

10 Cf. L. Demailly, Le collège. Crise, mythes et métiers, Lille, Presses universitaires de Lille, 1991.

11 On relève à ce sujet l’une des nombreuses contradictions qui traversent le champ de l’école pris dans son acception la plus large. Ainsi, pour faire obstacle au « malaise » des enseignants et à la « crise » d’identité professionnelle des spécialistes des Sciences de l’éducation préconisent une socialisation par le « local », soit par l’établissement scolaire. Cette recommandation est mise à défaut par des procédures ministérielles d’affectation qui conduisent de nombreux jeunes enseignants à ne pas avoir un établissement unique d’exercice.

12 Ces pourcentages sont voisins de ceux enregistrés pour la première enquête. Lors de leur stage en responsabilité 63 % des professeurs stagiaires s’étaient déclarés bien intégrés dans l’établissement, 32 % assez bien et 5 % pas intégrés.

13 Yves Dutercq, Les professeurs, Hachette, 1993.

14 Par exemple, sur la façon qu’ils ont d’être avec les élèves, sur la façon dont ils ont rempli les bulletins de notes, sur les appréciations générales qu’ils peuvent donner de tel ou tel élève, surtout s’ils sont les seuls à tenir ce point de vue.

15 Une partie de ce qui est écrit ici est également enrichie d’observations de type ethnographique.

16 B. Geay, Le syndicalisme enseignant, Paris, La Découverte, 2005. Voir aussi, sur ce sujet, les travaux d’A. D. Robert.

17 P. Masson, Les coulisses d’un lycée ordinaire, op. cit.

18 C’est pourquoi la plupart des internes font une période longue de stage dans un service d’urgences.

19 J. Peneff, L’hôpital d’urgence, Paris, Métaillé, 1992. En particulier, l’auteur analyse avec intérêt le savoir empirique – mais efficace – des infirmières des urgences qu’il distingue du savoir plus théorique, parfois moins opératoire, des jeunes internes. Ce que les Allemands distinguent dans leur langue entre une personne berufsfähig (capable de remplir une fonction) et celle qui est berufsfertig (prête à exercer cette fonction).

20 R. K. Merton, Éléments de théorie et de méthode sociologique, Paris, Plon, 1953. Nous tenions à souligner l’apport de Merton à notre réflexion, même si nous ne partageons pas les approches fonctionnalistes du social.

21 Ces constats de l’enseignement comme sorte de « profession libérale » ont été établis par de nombreux chercheurs. En particulier par Anne Barrère, Les enseignants au travail. Routines incertaines, op. cit.

22 Sur ce point, cf. C. Agulhon, L’enseignement professionnel, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1994. L’auteur précise que si le travail en équipe, pour les disciplines d’atelier, est l’expression de traditions pédagogiques spécifiques à l’enseignement technique, on observe dans les LP de forts cloisonnements disciplinaires. S’il y a, parmi les enseignants, une solidarité d’atelier liée à une même culture de métier, les échanges entre disciplines différentes sont plus rares, voire exceptionnelles entre les professeurs d’atelier et ceux des disciplines d’enseignement général (ceux-ci, d’ailleurs, se côtoient rarement).

23 Cf. P. Merle, L’évaluation des élèves. Enquête sur le jugement professoral, Paris, PUF, 1996.

24 A. Barrère, op. cit. p. 234.

25 F. Dubet et D. Martuccelli, À l’école, op. cit., p. 230.

26 G. Morel, D. Tual-Loizeau, L’horreur pédagogique, Paris, Ramsay, 1999.

27 S. Lainé, Une nouvelle professionnalité en acte  ?, maîtrise de sociologie, G. Lazuech (dir.), Université de Nantes, département de sociologie, ronéo., 2001.

28 « L’âge est une donnée biologique socialement manipulée et manipulable […] Beaucoup de conflits de générations sont des conflits entre des systèmes d’aspirations constitués à des âges différents […] Les vieux invoqueront l’expérience associée à l’ancienneté, tandis que les jeunes invoqueront la compétence garantie par les titres […] De même que les vieux ont intérêt à renvoyer les jeunes dans la jeunesse, de même les jeunes ont intérêt à renvoyer les vieux dans la vieillesse. » P. Bourdieu, in Questions de sociologie, op. cit., p. 143-154.

29 C. Suaud, La vocation, conversion et reconversion des prêtres ruraux, Paris, Les Éditions de Minuit, 1978