1 Il peut sembler assez délicat de demander à des agents sociaux d’évaluer leurs propres compétences professionnelles et leurs rapports à la profession qu’ils exercent. Avec des questions d’opinion et de jugement, le sociologue risque d’introduire des biais importants dans ses analyses. Toute enquête, qualitative ou quantitative, se trouve confrontée à ce type de difficultés qu’il faut, lors de la phase d’analyse, maîtriser et, lors de la construction des indicateurs, anticiper. Ainsi dans le questionnaire distribué aux professeurs, toutes les questions d’opinion comportent une possibilité de non-réponse qui figure comme une possibilité normale de réponse.

2 Nous avons pris en compte, dans l’analyse, les questions portant sur : la discipline enseignée, la didactique et la pédagogie, la gestion de la classe en fonction des objectifs pédagogiques, les capacités réelles des élèves en fonction des exercices, la programmation et la progression à moyen terme, les situations imprévues dans la classe, la préparation des cours, les moyens audiovisuels, l’informatique, le travail en groupe des élèves, la psychologie des adolescents, l’orientation des élèves, les réponses aux questions des parents, les réponses aux préoccupations scolaires des élèves, les réponses aux préoccupations personnelles des élèves.

3 A. Barrère, Sociologie du travail enseignant, op. cit.

4 Il peut apparaître surprenant que dans la même enquête des professeurs répondent avoir rencontré des problèmes de discipline avec des élèves, voir une classe, et, en même temps dire que l’on a un bon contact avec les élèves et que le climat est détendu dans la classe. Revenant à l’ouvrage d’Anne Barrère déjà cité, il apparaît que cette contradiction apparente peu être en partie levée lorsque l’on prend en compte la « cyclothymie de la relation », pour reprendre ses termes. Par là elle désigne le fait que les « relations » avec une classe ou des élèves ne sont pas stables dans le temps. En fonction de l’heure par exemple, ou du jour, la même classe sera plus ou moins « tranquille » et disposée au travail.

5 F. Dubet, in M. Tardif et C. Lessard, Le travail enseignant au quotidien, De Boeck Université, 1999.

6 « Ces routines sont des méthodes de travail suffisamment stabilisées pour encadrer efficacement l’activité des élèves en classe et réduire ainsi la marge d’incertitude du travail de l’enseignant, tout en lui ménageant des espaces d’improvisation. » V. Troger, « Enseignants : professionnels ou bricoleurs du savoir ? » in Les Mutations de l’école. Le regard des sociologues, M. Fournier et V. Troger (dir.), Paris, Éditions Sciences Humaines, 2005.

7 Voir également, J. Deauvieau, Enseigner dans le secondaire. Les nouveaux professeurs face aux difficultés du métier, Paris, La Dispute, 2006.

8 Sur ce point, on peut se reporter à l’ouvrage de P. Merle, L’évaluation des élèves. Enquête sur le jugement professoral, Paris, PUF, 1996.

9 Les femmes étant, plus souvent que les hommes, issues de milieux sociaux à fort capital culturel, cette différence se retrouve dans les spécialités disciplinaires, les femmes sont plus souvent dans les disciplines littéraires, dans lesquelles l’émotion, l’esprit, le bon goût, la finesse, le sens du beau style sont des qualités que les professeurs apprécient chez les élèves. Les hommes, dans l’enseignement général, sont plus présents dans les disciplines scientifiques, qui valorisent d’autres compétences, comme la rigueur, la recherche des causes, la logique. Compétences qui relèvent moins de l’ordre du discours et de l’émotion que les disciplines littéraires. Ils sont également beaucoup plus représentés que les femmes dans l’enseignement technique et professionnel pour lesquels les dispositions attendues de la part des élèves relèvent davantage du sens pratique, du faire, que de l’abstraction et du savoir dire.

10 Les professeurs femmes vivent dans leurs classes, plus que les hommes certainement, un décalage entre leurs dispositions culturelles, qu’elles importent dans leur façon de voir et de vivre leur discipline, et les dispositions des élèves. Dispositions professorales d’autant plus légitimes et légitimées par l’institution qu’elles servent encore de principe de sélection des candidats lors des épreuves écrites du Capes ou de l’agrégation.

11 Depuis quelques années de nombreux essais paraissent en librairie sur la, ou les crises, de l’école. Dans leur ouvrage L’horreur pédagogique, Paris, Ramsay, 1999, Guy Morel et Daniel Tual-Loizeau, professeurs de lettres dans un lycée du Mans, s’attachent à établir une sorte de témoignage des « dérives que connaît l’école ». Pour les auteurs les faits sont là, les élèves ne maîtrisent pas, pour la plupart, les savoirs fondamentaux. Des examens de plus en plus adaptés aux élèves, des consignes de corrections plus laxistes, permettraient, de cacher à l’extérieur une certaine faillite de l’école. Non seulement l’institution se révélerait de plus en plus incapable de transmettre de simples savoirs, mais, elle ne transmet pas davantage, pour ces deux enseignants, le sens de l’analyse, de la réflexion et de la distanciation. Où sont les causes du mal ? Pour G. Morel et D. Tual-Loizeau, s’il n’y a pas de bouc émissaire désigné, les dérives actuelles de l’école trouveraient leur origine dans une perte de sens véritable des objectifs assignés à l’institution et des méthodes qu’elle doit appliquer pour remplir sa mission. Dans les derniers chapitres du livre, les auteurs s’en prennent aux spécialistes de sciences de l’éducation, didacticiens et pédagogistes, pour lesquels l’école est à la fois un terrain d’expérimentation de méthodes et-ou de techniques et un enjeu de concurrence pour les postes entre individus ou « écoles » de pensée.

12 P. Bourdieu, « La jeunesse n’est qu’un mot », in Questions de sociologie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984.

13 Dans le sens qu’Erving Goffman donnait à ce concept, « est stigmate un attribut qui jette un discrédit profond, mais il faut bien voire qu’en réalité, c’est en termes de relations et non d’attributs qu’il convient de parler » in E. Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Les Éditions de Minuit, 1975.

14 A. Barrère. Les enseignants au travail. Routines incertaines, Paris, L’Harmattan, 2002. M. Duru-Bellat et A. Van Zanten, Sociologie de l’école, Paris, Armand Colin, 1999.

15 Si chaque classe possède ses caractéristiques propres, on peut, cependant, montrer qu’il existe des caractéristiques communes à toutes les classes. Maurice Tardif et Claude Lessard, à la suite de Doyle, distinguent un certain nombre de catégories qui résument les événements communs à toutes les classes. Ces caractéristiques sont : la multiplicité, l’immédiateté, la rapidité, l’imprévisibilité, la visibilité et l’historicité. Nous ne développerons pas ces différentes caractéristiques mais nous nous en inspirerons pour analyser les résultats de notre enquête. Pour plus de précisions se reporter à M. Tardif et C. Lessard, Le travail enseignant au quotidien, op. cit.

16 P. Perrenoud, La formation des enseignants : entre théorie et pratique, Paris, L’Harmattan, 1999.

17 Dans notre esprit les difficultés rencontrées par les jeunes enseignants ne relèvent pas toutes du dispositif de formation dans les IUFM mais également des conditions objectives d’insertion dans le métier.

18 « L’exclusion n’est pas un phénomène abstrait, implacable, sans acteurs à la limite […] l’exclusion s’inscrit dans des rapports sociaux de pouvoir. On peut identifier, nommer ceux qui excluent, et expliquer comment ils produisent la non-relation, le refus de la relation que constitue l’exclusion », N. Elias et J. L. Scotson, Logique de l’exclusion, Paris, Fayard, 1997, p. 18-21.

19 « De l’IUFM à la classe. Enquête auprès de débutants dans le second degré, enseignants en lettres, mathématiques et histoire-géographie », Jean-Yves Cormier (dir.), Les Dossiers, Ministère de l’Éducation nationale, n° 133, septembre 2002.