1 D’autres élèves d’origine algérienne nous parleront des exactions commises par les islamistes sur des membres de leur famille « restés là-bas ».
2 Cet entretien est l’un des plus difficiles que nous ayons eu à mener tant il nous a fallu poursuivre la construction de la relation, prêter attention à la langue et aux mises en forme discursives de Jelul pour comprendre ses propos, tout en veillant aux relances nécessaires pour l’aider (au sens de B. Lahire, 2005, p. 157) à exprimer sa manière de voir les choses au plus près de ce qu’il est. Les extraits de son entretien sont livrés ici dans une version très largement amputée des traces de ses hésitations et difficultés à parler.
3 Le recrutement du FCNA devient extrêmement sélectif à partir de ce stade : plusieurs milliers de candidats pour quelques dizaines de places tout au plus.
4 Telle affiche de 1993 proclamait ainsi : « Depuis 50 ans, la Ville et le FCNA jouent l’esprit nantais. »
5 Nous numéroterons désormais les classes pour aider le lecteur à s’y retrouver.
6 Un statut de délégué qui contribue à donner des accents revendicatifs à leurs discours : certain (e) s bon (ne) s élèves regrettent par exemple que les surveillants soient « en nombre insuffisant », avec pour conséquence des jeux dangereux entre élèves (tel le « petit pont massacreur ») qui ont parfois lieu dans la cour de récréation « de derrière » ; d’autres (uniquement des filles) se plaignent « spontanément » du « poids du cartable », un thème régulièrement inscrit à l’ordre du jour en conseil d’administration…
7 Nous avons rencontré plusieurs élèves (résidant sur les zones pavillonnaires ou sur Bellevue-Saint Herblain) qui nous ont fait part des difficultés financières de leurs parents suite à un divorce. On sait (et nous en avons eu là la confirmation) que toute situation de rupture au sein du couple est d’autant plus mal vécue par les familles concernées qu’elles sont faiblement dotées en capitaux.
8 Extrait à rapprocher des propos de G. Gutman sur « l’hémorragie » subi par son collège (cf. supra p. 241-245).
9 … en étant parfois eux-mêmes un peu perdus avec les nouvelles méthodes des enseignants :
« – Et est-ce que parfois, ta mère, elle revient sur la manière de faire de tes professeurs ?
Est-ce qu’elle critique… commente… ne comprend pas comment ils font ?
– De temps en temps, elle dit que chaque génération change de méthode, qu’elle ne comprend plus rien. Elle me dit de demander à ma sœur. Manque de pot, ma sœur est en train de dormir ! Bon, j’appelle ma copine.
– Et ta copine t’aide aussi ?
– Oui.
– Il y a des matières où ta copine est meilleure que toi et toi des matières où tu es meilleure qu’elle et vous échangez ?
– Oui. Moi le dernier trimestre j’étais deuxième et elle, elle était première. C’était kif-kif. Mais par exemple en maths je comprends, ça va, mais les nombres relatifs j’ai un peu de mal. Elle, ça va les nombres relatifs. Avant elle n’y arrivait pas, donc je l’aidais.
– Et ça compte pour toi d’avoir une copine comme ça pour partager beaucoup de choses ?
– Ah oui ! Et d’ailleurs, je l’ai emmenée en vacances.
– Tu la connais depuis quand ?
– L’année dernière. On était dans la même classe. On a commencé à aller l’une chez l’autre et ses parents m’ont appréciée et ma mère l’aime beaucoup, elle la trouve gentille, polie.
– Les familles ont lié des contacts ?
– Oui. De temps en temps on prend un café, pas très souvent… elles ne se connaissent pas encore assez bien. »
(F, alors en 5e.)
10 Le contrôle des fréquentations, également de type « souplement structuré », est cependant marqué ici par une plus forte prise en compte de qualités telles que la gentillesse et la politesse (cf. par exemple l’extrait précédent).
11 Qu’est-ce que je fais de mon temps avec ma famille, et qui me sert au collège ? [NR].
Qu’est-ce que je fais de mon temps avec mes copains, et qui me sert au collège ?
Je récite mes poésies.
Qu’est-ce que je fais de mon temps avec d’autres personnes, et qui me sert au collège ?
Je fais mes devoirs.
Qu’est-ce que je fais de mon temps lorsque je suis seul, et qui me sert au collège ?
Je révise mes leçons.
12 Dans les années quatre-vingt-dix, le LEG de (la périphérie de) Bellevue, pourtant peu réputé (eu égard à son lieu d’implantation), n’en arrivait pas moins en tête sur l’agglomération nantaise quant au taux de réussite au bac toutes séries confondues. Il s’agit là d’un lycée qui gérait ses différentes filières dans une perspective de réussite maximale : assez peu d’élèves en section C, compte tenu du tri (déjà) très sélectif qu’opéraient les lycées publics et privés les plus cotés ; mais beaucoup d’élèves en section G à l’autre extrême, section qui fonctionnait ici comme une voie de « rattrapage » pour des élèves qui auraient été amenés ailleurs à échouer ou à redoubler.
13 Ce mouvement de jeunesse et d’éducation populaire a vu s’amenuiser ses effectifs (estimés aujourd’hui à environ 10 000 sur l’ensemble de la France), mais les jocistes actuels restent cependant assez nombreux pour pouvoir continuer à organiser leurs « grands rassemblements » (comme le rassemblement national de Bercy en 2003). Ils participent également aux JMJ (Journées mondiales de la Jeunesse, haut lieu s’il en est de la contre-offensive puritaine menée par le Vatican sur fond d’émotionnel et d’éloge de l’abstinence), avec encore et toujours comme objectif premier de rappeler à la hiérarchie vaticane que les jeunes des milieux populaires font aussi partie de l’Église. Le mode de fonctionnement « au quotidien » de la JOC a également changé, dans le sens où il lui est aujourd’hui beaucoup plus difficile de faire passer les jeunes à l’action collective, du moins autre qu’humanitaire (avec toutes ses ambiguïtés et ses dérives). Elle reste cependant une structure d’accompagnement sous forme de lieu de rencontres et d’échanges pour les adolescents qui en font partie et pour tous ceux qui sont invités en tant que « copains » à telle fête ou telle discussion en groupe avant d’être associés à ses projets locaux s’ils le désirent ; un lieu de convivialité et d’écoute où la foi catholique est de plus en plus proposée et de moins en moins imposée.
Au sein du champ religieux, le messianisme jociste d’aujourd’hui, vivant peut être ses derniers soubresauts, n’a autrement dit pas grand chose à voir avec le messianisme halluciné et agressif du très arrogant G. Bush, grand promoteur des thèses néo-créationnistes, ou avec celui très BCBG de ces paroissiens que l’on trouve dans certains quartiers bien précis du centre de Nantes, parfois très proches de M gr Lefebvre (la Fraternité Saint Pie X, s’inscrivant dans la filiation de l’Action française de Charles Maurras, compte 20 000 fidèles répartis dans 31 lieux de culte sur la région Ouest, et le temps n’est pas si loin – février 1985 – des manifestations d’intégristes s’agenouillant devant le cinéma Katorza, en protestation à la projection du Je vous salue Marie de J.-L. Godard).
14 Une fête où l’on « amène ses copains », avec son spectacle de danse, de mimes et de chants (auquel elles avaient participé), avec ses « forums » centrés en l’occurrence sur le thème de la violence dans les cités, et qui a été aussi l’occasion d’un rappel des actions menées sur l’année par les « plus âgés », sur le quartier de Bellevue (démarches auprès des responsables de la TAN pour obtenir des horaires de bus plus pratiques…) ou sur la côte (tenue d’une permanence pour aider les jeunes à trouver plus facilement un travail saisonnier ou un logement…).
15 … tout en tenant alors des propos où l’on peut sans doute lire l’influence du discours médiatique et hautement sécuritaire de la période. Rappelons que les entretiens auprès élèves de 3e ont été réalisés au sortir de la campagne électorale des présidentielles d’avril 2002.
16 Cette phrase traduit à sa manière et sur un mode très bourdieusien les connections qui existent de longue date entre l’univers « deuxième gauche » dont nous parlons ici et celui de la recherche en Sciences sociales et humaines (cf. supra p. 241-245). Autre exemple de ces connections sous-jacentes : les propos de cette jeune fille elle-aussi bonne élève, à qui nous avons demandé chemin faisant de décrire les relations entre garçons et filles sur la cour de récréation de son ancienne école primaire ZEP à recrutement mixte. Voici sa réponse…
« – […] Les gars ne sont pas avec les filles, ils montent dessus. Les gars et les filles ne jouent jamais ensemble. Les gars jouent au foot et les filles à la marelle, à l’élastique…
– Et après, au collège, c’est fini tout ça ?
– Quand on entre en 6e, il y a les 3 e… Si on se met à jouer à l’élastique [sous-entendu : « c’est la honte »] ! (rires). »
17 … encore que la période considérée a aussi son importance. Les bons élèves ont très bien perçu la reprise en main qui a suivi l’arrivée du second Principal à la tête de l’établissement : « M. [Principal 2], il est aussi gentil que M. [Principal 1], mais il sait davantage se faire respecter… Il vient de Paris, près de Bobigny… je sais plus, un truc comme ça… et c’est pas des petits élèves de Nantes qui vont lui faire peur. »
18 Saïd oublie de nous dire qu’il doit à ses « bons résultats » (motif officiel) de ne pas avoir été exclu pendant deux jours au tout début de sa 3e. Il s’en était alors pris violemment à une collégienne qui l’avait traité de « fils de pute ! ». Ce fut là le point de départ d’un long dialogue entre ce jeune garçon, très affecté par cette insulte, et le second Principal de F. Rabelais, ayant estimé pour sa part qu’il valait mieux « veiller au grain » le concernant. Ce dialogue s’est poursuivi tous les samedis matin pendant 3 ans, bien après son départ du collège et jusqu’au moment où ce chef d’établissement a considéré inutile toute poursuite de la discussion, jugeant que ce jeune garçon était devenu peu à peu « intégriste ». Rappelons que nous sommes ici à la fin du dernier trimestre de sa 3e, un trimestre où Saïd s’est vu reprocher par le conseil de classe, et plus particulièrement par son professeur d’histoire, des problèmes de « comportement » en cours, quelques manquements dans la « gestion de sa prise de parole » (comme indiqué sur son bulletin).
19 Une classe d’adaptation qu’il est impossible, autrement dit, d’assimiler purement et simplement à une classe de relégation. Nous avons régulièrement accueilli en DURFA et en DESS SIFA (Service de la formation continue de l’université de Nantes) des « étudiants sur le tard », d’origine immigrée ou non, qui l’avaient fréquentée durant leur jeunesse. Certains ont même poursuivi en Doctorat par la suite…
20 Tout enseignant ayant longuement travaillé en quartier de relégation sait, par expérience, l’importance toute particulière des relations individualisées qui se nouent avec les élèves en dehors du temps de classe et qui jouent parfois un rôle décisif en matière de régulation de la relation pédagogique et de construction de l’autorité pour l’enseignant. C’est là un moment de travail où le professeur peut apporter plus facilement son soutien moral, revenir plus précisément sur les enjeux cognitifs et affectifs des situations d’apprentissage, apaiser des relations s’annonçant ou déjà devenues par trop conflictuelles, canaliser tel élève qui présente un risque réel de déstabilisation pour la bonne marche de la classe ou de l’établissement…
21 Nous donnerons ultérieurement la parole à son meilleur copain de classe, aux résultats scolaires très moyens et se situant déjà « beaucoup plus du côté du foot que de la mosquée » (cf. infra p. 335-352).
22 Comme expression employée par les JMF et l’UOIF lorsqu’ils se voient accusés de prôner un islam totalitaire.
23 … sur le mode populiste et parfois ordurier, ce dont on conviendra aisément en écoutant leurs cassettes ou en consultant leurs sites web.
24 La « nébuleuse islamiste », à en croire ses porte-parole, réaliserait une moyenne de 6 à 7 conversions par semaine sur l’agglomération nantaise.
25 Et en l’occurrence au Hamas, via sa branche sociale, le CBSP (Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens)
26 S’intéressant tout particulièrement à la question de savoir comment des jeunes d’origine immigrée et modeste peuvent aujourd’hui s’inscrire dans un cursus scolaire de très longue durée.
27 Incitation qui passe parfois par la répétition d’une maxime régulatrice : « Mon père me dit toujours : “50 % d’écouté, c’est 50 % d’appris” » (G, alors en 5e ; P : jardinier ; M : agent territorial).
28 Ce jeune garçon habite en quartier pavillonnaire. Nous l’avons rencontré au moment où sa mère, « une année de droit après son bac », divorcée et élevant seule ses deux enfants, venait de perdre son emploi de secrétaire et s’engageait activement dans une formation pour rebondir. Les propos tenus lors de l’entretien témoignent d’une réelle envie de comprendre chez ce jeune garçon, contrairement à ce que pourrait laisser penser l’extrait cité. Ses résultats « plutôt bons » doivent beaucoup à la relation de confiance qui s’est établie avec sa mère, également présentée comme sachant se débrouiller (elle lui a par exemple « récupéré un vieil ordinateur au bureau »), comme s’efforçant à sa manière de lui faire garder espoir en sa réussite scolaire quoiqu’il arrive…
« […] – Qu’est-ce que tu lis en ce moment ?
– En ce moment, c’est ma mère qui m’a dit de prendre des livres. J’ai lu un livre, mais j’ai déjà vu le film : c’était Mathilda. C’est une petite qui, à cinq ans, a déjà tout lu, tous les Jules Verne… et elle a ses parents qui s’occupent pas d’elle. Son père, c’est un concessionnaire un peu malhonnête, sa mère joue au loto et regarde la télé, c’est tout ce qu’elle fait… Elle, pourtant, elle réussit bien à l’école et ses parents s’en foutent […]. »
29 Un « sans doute » qui relève de la supposition raisonnable compte tenu des propos tenus par Alexandre (l’entretien de ce dernier s’est déroulé après celui d’Alain, ce qui signifie que les aléas du calendrier nous ont fait passer ici à côté de certaines questions).
30 Cf. à titre d’exemple, la manière dont Cécile (cf. p. 280-281) s’y prend pour avoir 16 sur 20 en physique :
« – Apprendre… pour toi, est-ce que c’est plutôt comprendre ou plutôt apprendre par cœur ?
– Je n’ai pas vraiment de problèmes pour comprendre. Je relis ce que j’ai écrit dans le cahier. J’arrive à retenir. Je n’ai pas trop de problèmes pour la mémoire. Heureusement d’ailleurs.
– Tu apprends par cœur, parfois ?
– En physique oui, parce que la physique je ne comprends pas.
– Quand ça t’intéresse et que tu comprends facilement les choses, tu apprends très facilement ?
– Oui, ça rentre tout seul.
– Quand ça ne t’intéresse pas, tu essayes d’apprendre par cœur ?
– Oui. Par exemple en physique, coup sur coup j’ai eu 10,5 et 10,5. Les professeurs m’ont dit : “Cécile tu te reprends.” Après j’ai eu 16 parce que j’avais appris par cœur.
– Mais est-ce que tu avais compris ?
– Non. De toute façon la physique me servirait à quoi ?… Je ne veux pas être physicienne. »
31 Rappelons que Saïd établit très clairement la distinction entre ses différents copains. Il y a ceux qu’il « rejoint » sur le sport/sur le « mental »/sur l’humour… Hicham, pas vraiment en quête de « pureté morale » (même si son discours revêt par moments des accents moraux), fait très certainement partie de ceux qui sont jugés « trop influençables » par Saïd…
32 Nous avons rencontré deux garçons d’origine maghrébine qui envisageaient en 5e de devenir avocat, « choix » professionnel qui alerte forcément le sociologue. Farid (P : maçon ; M : agent d’entretien) est un grand amateur de séries américaines et il a vu comme Hicham « des avocats à la télévision ». Pour autant, les raisons qui poussent ce jeune garçon à vouloir faire ce métier sont sur le fond très différentes, liées dans son cas à son ressentiment vis-à-vis de l’établissement. Farid, élève plutôt dans le comprendre du point de vue de son rapport aux apprentissages, a trop bien compris qu’il était dans une classe « pourrie » (la « fameuse » 5e 4) et que « ça n’allait pas le faire » (il redoublera par la suite sa 4e). Et à cela s’ajoute une « simple » réflexion de la part de l’un de enseignants ; une réflexion ô combien malencontreuse et qui a sans doute fortement contribué à plomber la scolarité de ce jeune…
« – Qu’est-ce que c’est pour toi un “bon prof” et, à l’inverse, un “mauvais prof” ? Tu ne me donnes pas de noms, les noms ne m’intéressent pas… Tu penses simplement à ce que tu as vécu en classe…
– Un bon prof, c’est quelqu’un qui essaie de nous écouter, qui crie pas tout le temps pour un rien, qui essaie pas de nous dresser en mettant des croix… Un mauvais prof, c’est quelqu’un qui nous écoute même pas, qui pense qu’à mettre des croix. En fait, c’est la même chose, mais exactement le contraire.
– Pense à une scène que tu n’as vraiment pas aimée de la part d’un prof…
– Ouais [sur un ton qui traduit un bouillonnement intérieur]… Je le dis ?
– Vas-y…
– C’est une fois, je lui avais dit (au prof) que j’avais oublié de faire signer un mot, un truc comme ça… Je ne sais plus si c’est cette année ou l’année dernière… Le prof m’a dit : “Tes parents, peut être qu’ils savent pas signer pour un mot comme ça, mais pour les allocations familiales, ils savent signer.”
– Il y a un prof qui t’a dit ça ?
– Ouais.
– Ça n’a pas du te faire plaisir ?
– Ben non !
– Et le collège, comment tu le vois ?
–… [longue hésitation. Farid se lâche…] Nul, franchement nul, c’est tous les jours les mêmes choses, rien de nouveau, c’est nul ! »
33 Nous avons rencontré en entretien un élève qui a pu « passer » de la sorte en 5e. L’option latin n’a pas été pour lui une « bonne pioche ». Sa moyenne dans cette discipline est de 8,5 sur 20, alors qu’elle est toujours comprise entre 12 et 19 (plutôt aux alentours de 15) pour les autres élèves.
34 Hicham a eu ensuite des mots avec son entraîneur : « On s’est engueulé, j’ai pris mes affaires, je me suis barré. »
35 … et est très fière de nous raconter ce « défi lecture » qu’elle a remporté en 6e avec « la note de 20 sur 20 », après avoir lu un « livre de 300 pages en seulement un week end ».
36 Réponse fournie par Hayet, d’origine tunisienne. Les élèves originaires du Maghreb (au sens littéral du mot – la partie occidentale de l’Afrique du Nord –) sont d’autant plus attirés par l’espagnol en LVII qu’ils traversent l’Espagne en allant en Algérie et au Maroc. La plupart d’entre eux « s’en tiennent » par conséquent à « anglais LVI et espagnol LVII », avec toutes les conséquences que cela peut avoir dès lors que la fabrication des classes s’effectue à partir des options de langue.
37 Hayet s’est déjà fait traiter de « sale arabe » à plusieurs reprises et notamment par le père (accompagné de son rottweiler) d’une ancienne copine habitant sur Bellevue. Une « fille de 15 ans » à qui Hayet « ne parle plus » de peur de « se laisser entraîner » : « Elle fume au moins un paquet de cigarettes par jour et elle a déjà entraîné des petits de sept ou huit ans à fumer » (extrait de l’entretien de 5e).
38 « – Moi, ce qui m’a choqué, c’est qu’un jour un élève, sans faire exprès, avait demandé à aller aux toilettes et le professeur n’avait pas entendu. Il a demandé une deuxième fois, mais il s’est levé trop tard. Il a vomi derrière lui. Lui (le professeur) l’a insulté au lieu de dire que c’était pas grave. J’ai trouvé ça pas très gentil. L’élève, il a été vexé » (extrait de l’entretien de fin de 5e).
39 Selon nos informations, cette mosquée, aujourd’hui l’une des plus importantes sur l’agglomération nantaise, serait contrôlée par la FNMF, fédération hétéroclite où l’on trouve aussi bien (au niveau national) des musulmans modérés que des salafistes. Elle aurait été financée en partie (1/5e environ) par un footballeur de très haut niveau, et pour le reste par la Libye et l’Arabie Saoudite en sous-main. Le conditionnel s’impose…
40 Cf. nos propositions sur ce thème, sur une base laïque et à même également, pensons-nous, d’apporter des réponses à la crise d’identité profonde que traversent les instituteurs : Y. CAREIL (1994, en conclusion).
41 … appelé à faire très prochainement son entrée à F. Rabelais « parce que là-bas, il faut payer et aussi y a des élèves qui lui tapent dessus, sur lui et ses copains ».
42 Un « donne » dont nous ne saurons jamais trop en situation d’entretien ce qu’il recouvre exactement, mais qui peut bel et bien conduire dans certains cas à ce que les bons élèves se fassent « taper sur le nez », comme le dit le premier Principal de F. Rabelais (cf. p. 97-103)
43 Plus les collégien(ne)s rencontrés sont « en difficulté », plus ils déclarent regarder TF1 et M6. Patrick Le Lay, PDG de TF1, a au moins le mérite de la franchise lorsqu’il écrit (dans un livre intitulé Les dirigeants face au changement) : « Le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit… Or, pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible… » Des propos impressionnants de cynisme et de mépris pour lesdits-téléspectateurs. Rappelons qu’il fut un temps pas si lointain où les dirigeants de TF1 arguaient d’une « quête de sens » tout en décriant la téléréalité importée par M6…
44 Tous ceux en fait qui sont classés plus bas dans l’échelle scolaire ou sociale : les élèves de SEGPA ; les « manouches » ; tel oncle ou tel cousin qui vit dans une caravane…
45 « – J’aime bien l’histoire. On a un bon prof et j’aime bien discuter avec mon père de l’histoire ou de la géographie. Il (mon père) connaît beaucoup de choses. La géographie, sur les cartes par exemple, il connaît bien. »
46 « – Et à l’intérieur du collège, ça t’est déjà arrivé de te faire traiter de “sale arabe” ? – On rigole. Même moi des fois, même que je suis arabe, je dis “sale arabe”. »
47 Karim est toujours aussi peu branché sur les rédactions à deux ans d’intervalle, mais il s’est découvert, du moins à l’entendre, un centre d’intérêt pour les « rimes en poésie ».
48 Ce quartier de relégation herblinois, se présentant extérieurement sous la forme d’une pyramide (cf. p. 261-277) a fait la une de l’actualité nationale en mars 2002, suite à l’irruption dans la galerie marchande d’une quinzaine de jeunes cagoulés, armés de barres de fer et de cocktails Molotov, et après que l’un des vigiles, roué de coups et transformé en torche vivante, se soit retrouvé défiguré, corps brûlé au troisième degré. Cette rixe s’est déroulée dans un climat tendu, après plusieurs affrontements entre les jeunes du Sillon et la sécurité de l’hypermarché.
49 Théorie précieuse dès lors que l’on cherche à établir des passerelles entre les différentes disciplines qui relèvent des sciences sociales et humaines. L’attribution peut être définie comme processus cognitif mis en œuvre dans les explications que les gens, dans la vie quotidienne, avancent de leurs propres comportements et de ceux d’autrui.
On sait que la tendance est plutôt à l’autoattribution quand il nous arrive quelque chose de gratifiant et plutôt à l’hétéroattribution (à la mise en accusation de l’autre et/ou de l’environnement social ; à la recherche d’un bouc-émissaire…) dans le cas inverse. Quelques exemples dans le domaine de l’éducation. Un élève qui reçoit un 18 sur 20 aura « spontanément » tendance à penser qu’il a eu cette bonne note parce qu’il est « doué » (sans forcément voir ce qu’elle doit au partage de l’implicite culturel, comme en dissertation). Un enseignant de ZEP insuffisamment formé et se voyant confronté à la « violence » ou à l’« échec scolaire » dans sa classe aura souvent tendance à accuser « spontanément » les parents d’être « démissionnaires » (sans trop voir qu’ils sont surtout « démissionnés » par les « mécanismes » à l’œuvre de la domination sociale et scolaire). Des parents qui de leur côté seront souvent tentés d’accuser « spontanément » les enseignants de ne pas faire ou de mal faire leur travail, surtout s’ils mettent en œuvre des méthodes qu’ils ne comprennent pas (que leurs conditions d’existence ne leur permettent pas de comprendre). Le jeu interactionnel en arrive à être bloqué quand l’élève se voit sommé de passer une alliance avec son enseignant contre ses parents ou une alliance avec ses parents contre son enseignant (cf. Y. Careil, 1998).
50 Expression qui peut être employée pour critiquer les professeurs (cf. Éric précédemment), mais que les filles « en difficulté » emploient aussi pour se démarquer des garçons qui ont tendance « à se prendre la tête » entre eux, notamment en se jaugeant du regard.
51 Ce thème de « l’après 11 septembre » a souvent été l’occasion pour les élèves issus de l’immigration maghrébine d’exprimer leur empathie à l’égard des opprimés. Ainsi cette autre jeune fille (d’origine marocaine, père au chômage, et connaissant elle aussi de grosses difficultés scolaires)…
« – Comment vous avez vécu le 11 septembre ?… Vous en avez beaucoup parlé ? – Au collège, ouais. On a eu une minute de silence… Mais moi, ce qui m’a énervée… C’est dégueulasse ! Pour les États-Unis, ils font plein de choses, mais quand c’est un autre pays, ils s’en foutent ! Ça m’a énervée !… Si c’est les États-Unis, alors malheur, malheur !… Alors que dans d’autres pays, ils meurent de faim ! !… Je sais pas, aux États-Unis, ils ont vécu heureux et ils sont morts comme ça. Ailleurs, ils meurent de faim, c’est encore pire et ils en parlent pas… C’est normal ce qui arrive… Enfin, je veux dire que c’est pas normal pour les gens, c’est bête d’avoir fait ça, mais… Quand j’ai dit ça en classe, ils n’étaient pas d’accord avec moi, je m’en fous moi… »
On imagine sans peine et en lien avec l’actualité récente « les réactions » dans cet établissement (et dans bien d’autres) à une loi qui obligerait les enseignants à insister sur les « aspects positifs » de la colonisation.
52 « Entre le 27 octobre et le 15 novembre 2005, 150 véhicules ont été incendiés à Nantes sur les 9 000 au plan national. Plusieurs équipements publics ont fait l’objet d’agressions, mais il n’y a pas eu de destruction. En revanche, dans l’agglomération nantaise, à Orvault et Saint Herblain, on compte deux parkings et deux magasins incendiés. Contrairement à d’autres régions, il n’y a pas eu aucun affrontement entre les forces de et les jeunes, ce qui explique que l’état d’urgence n’a pas été appliqué chez nous. Tout le monde a su garder son sang froid » (Ouest France du 19 novembre 2005).
53 Ces jeunes filles affirment qu’elles font leurs cinq prières par jour. L’une d’elle aurait, « là-bas au Maroc », des membres de sa famille qui vont « tous les ans » à la Mecque pour le pèlerinage. Une autre dit se rendre régulièrement à la mosquée de Malakoff (contrôlée par l’UOIF), à l’autre bout de Nantes, pour la grande prière du vendredi…
54 La mouvance des Frères musulmans, possédant à un haut degré le sens du contexte, a parfaitement compris le profit symbolique et idéologique qu’elle pouvait retirer en France de cette stratégie qui consiste à faire du port du « foulard » une affaire d’affirmation de soi. Extraordinaire retournement des choses, jouant sur le « mon corps est à moi » du mouvement féministe, et par lequel la laïcité de séparation des Églises et de l’État se voit finalement accusée d’intolérance, alors que le « foulard » (en attendant que la femme se retrouve couverte des pieds à la tête) est d’abord et avant tout l’étendard des islamistes.
55 Autre temps, autre modus operandi : les JMF, l’UOIF et leurs « compagnons de route » (ou « idiots utiles » du relativisme culturel, selon l’expression de C. Fourest et F. Vanner), regroupés au sein du collectif « une école pour tous-tes », se préparaient à passer à l’offensive à la rentrée de septembre 2004 pour demander l’abrogation de cette loi ; la prise d’otages en Irak est venue contrarier cet élan obscurantiste… La pétition des « Indigènes de la République », lancée le 19 janvier 2005 (en pleine tempête médiatique contre Tariq Ramadan), a aussi pour but de consolider les collaborations initiées au moment du débat sur le voile…