1Bien que de création plus récente – 1552-1554 –, le parlement de Bretagne a acquis très tôt une juridiction plus étendue que la chambre des comptes et est devenu une institution centrale de la province alors que la chambre n’a joué qu’un rôle secondaire avec une souveraineté qui s’est limitée à la ligne de compte. La situation entre les deux cours n’a toutefois pas été figée. Sur ce plan, le règne de Louis XIV est particulièrement mouvementé puisqu’il est marqué par la Fronde, la mise en place de la tarification des offices par Colbert en 1665, la reprise d’une politique active de création de charges à partir des années 1690 et l’accroissement des exigences financières de la monarchie. On peut se demander en quoi tous ces éléments ont contribué à modifier les relations entre les deux cours souveraines. Dans une première partie, nous verrons comment la chambre a tenté de profiter des circonstances pour étendre sa juridiction aux dépens du parlement ; dans une seconde partie, nous montrerons que malgré ces efforts et l’accroissement du nombre d’officiers, les échanges de personnel entre les deux institutions se sont progressivement réduits au fil du temps.

Les conflits de juridiction toujours recommencés

Les faux espoirs des années 1650-1680

2Au début du règne de Louis XIV, tout semble avoir été dit en matière de conflits de juridiction entre le parlement et la chambre des comptes. Si celle-ci a vu reconnaître une souveraineté en matière de ligne de compte, elle s’est vu priver depuis le règlement promulgué par Henri III en 1582 de toute juridiction contentieuse. Ainsi en ce qui concerne les conflits entre les comptables et leurs clercs et commis ou sur la question de la régale, il a été décidé que les litiges devaient d’abord être examinés par les juges ordinaires puis par appel au parlement. Il en est de même pour les procès qui pouvaient naître suite à la saisie des biens des comptables ou, en matière domaniale, des conflits au sujet des rentes et des censives ainsi que de ceux qui concernent les usurpations. La vérification des aveux des vassaux du roi échappe également en grande partie aux gens des comptes puisqu’il est prévu une procédure en trois temps : les vassaux doivent présenter leurs titres à la chambre qui les renvoie aux juges locaux, à charge pour eux de les « débattre, impugnir et blâmer » ; quand cela est fait, les aveux sont remis au procureur général des comptes qui les compare avec les aveux anciens conservés à Nantes. S’il relève des anomalies, il doit les faire connaître au parlement qui juge en dernier ressort. Sur ce point là aussi, la cour nantaise a vu sa marge de manœuvre réduite.

3La délimitation de ses attributions n’a pas empêché la chambre dans la première moitié du XVII^e siècle de tenter de modifier une situation qui lui était défavorable en mettant à profit tout particulièrement les périodes de fragilité du pouvoir royal. Ainsi, grâce à ses initiatives au cours des années 1610, a-t-elle obtenu la promulgation d’un nouveau règlement en 1625 par lequel elle a obtenu la confirmation de son pouvoir de réformer le domaine. Tous les dix ans, ses officiers ont été autorisés à mener une enquête suite à laquelle ils pouvaient condamner les redevables à payer les droits seigneuriaux, s’informer des usurpations commises, y mettre fin et procéder à un nouveau bail des terres. Ils ont reçu pour tâche aussi de rédiger de nouveaux terriers. Le fait que toutes les sentences qu’ils rendaient dans ce cadre étaient passibles d’appel au parlement a mis une borne à leur ambition d’obtenir la souveraineté en matière domaniale.

4Le début du règne de Louis XIV leur a offert de nouvelles opportunités du fait des difficultés passagères de la cour rennaise. Sans participer à la Fronde, le parlement a affaibli sa position en s’opposant de 1651 à 1655 au duc de la Meilleraye, lieutenant général du roi dans la province à propos d’enregistrement d’édits financiers. Là-dessus sont venus se greffer des différends sur le choix de la personne chargée de présider l’ordre de la noblesse lors des sessions des états, le pouvoir royal soutenant la candidature du duc de la Trémoille1 alors que le parlement accordait son appui au duc de Rohan2. Cette querelle a dégénéré en conflit entre le parlement et les états pour savoir quelle était l’instance la plus légitime pour représenter les intérêts de la province : le parlement a dénié aux états le droit de se réunir sans son accord3 et a refusé d’enregistrer le bail des devoirs pour le financement du don gratuit. En mesure de rétorsion, les états, en 1653, ont proposé au roi de lui remettre les 32 000 l. correspondant au montant de la paulette versée par ces derniers afin d’obtenir la suppression de l’hérédité de leurs charges et ont menacé de confier à la seule chambre le pouvoir d’enregistrer le contrat qu’ils signaient avec le roi tous les deux ans.

5Tous ces litiges combinés aux tentatives du parlement pour s’opposer à l’enregistrement des édits financiers de plus en plus nombreux promulgués dans les années 1660, expliquent en partie pourquoi, quand la monarchie s’est engagée en 1669, dans une opération de rédaction d’un terrier « général et universel », elle en a confié la tâche d’abord à la chambre des comptes. La faible efficacité dont celle-ci a fait preuve en l’occasion a conduit toutefois le conseil royal à changer très vite de stratégie. Par un arrêt du 19 mars 1678, l’opération a été placée sous le contrôle de deux commissaires non Bretons proches de Colbert – Pierre du Molinet et le maître des requêtes Louis Béchameil de Nointel – qui ont été placés à la tête d’une commission d’officiers des comptes choisis pour leur efficacité (cf. tableau ci-dessous).

6Ce n’est donc pas au final la chambre en tant qu’institution qui a été sollicitée mais quelques-uns de ses membres sélectionnés par le pouvoir royal. Elle n’a pu se prévaloir en conséquence des tâches accomplies par ces derniers pour faire reconnaître une juridiction sur le domaine. D’ailleurs si les appels des premières sentences rendues par les commissaires ont été jugés par le conseil royal, très vite le parlement a été remis dans le jeu6. En exil à Vannes depuis la révolte des Bonnets rouges de 1675, il n’est pas tombé dans une complète disgrâce. Ainsi en juillet 1683, le roi par un arrêt du conseil a attribué à la grand’chambre la connaissance des incidents touchant à la réfection du papier terrier, confirmant ainsi que la cour rennaise demeurait souveraine en matière domaniale7.

La commission La Gibonays : 1716-1717

7Cela n’a pas découragé les gens des comptes qui ont mis à profit les difficultés financières de la fin du règne de Louis XIV pour réaffirmer leurs prétentions en matière domaniale. Tout a commencé en 1694 quand le roi a essayé à nouveau de créer un bureau des finances en Bretagne – deux précédentes tentatives avaient échoué en 1577 et en 1622 – dont les membres devaient notamment veiller à la conservation du domaine, connaître et juger de toutes les matières le concernant et recevoir les fois et hommages à l’exception des fiefs de dignité dont les hommages devaient être prêtés devant le chancelier. Si le projet avait abouti, les gens des comptes auraient quasiment perdu tout droit de regard sur le domaine. Pour y échapper, ils ont accepté de racheter les offices créés, ce qui a permis la révocation de la mesure en 1700.

8C’est sans doute la capacité à mobiliser du crédit dont ils ont fait la preuve en l’occasion qui a conduit le roi en 1709 à proposer la création de six nouveaux offices de maîtres contre l’accroissement de leurs attributions en matière domaniale. La solution complexe alors envisagée témoignait de la détresse financière de la monarchie à cette période ainsi que du souci de ne froisser personne. Si l’on suit la présentation qu’en fait Artur de la Gibonays, les vassaux qui voulaient faire enregistrer leurs aveux auraient dû d’abord se présenter à la chambre, puis devant les juges des juridictions, suivre enfin l’appel au parlement et enfin faire liquider à la chambre qui aurait obtenu ainsi un droit de regard au terme du processus. Considérant que ce compromis visant à mettre fin aux conflits de juridiction ne « convenait point à l’honneur de la compagnie et que la création d’offices était purement de calcul et bursale », les gens des comptes s’y sont opposés. Ils ont cependant profité de l’ouverture ainsi faite par le pouvoir pour reprendre l’offensive. Après la mort de Louis XIV, le maître Artur de la Gibonays8 a été envoyé à Paris en 1716-1717 négocier avec le chancelier et le conseil9. Parmi les tâches qui lui ont été confiées, celle qui concerne le contentieux en matière domaniale figure en bonne place. Dans le prolongement de la proposition faite par le roi en 1709, la chambre a revendiqué une pleine souveraineté, allant jusqu’à proposer de fournir 100 000 écus pour parvenir à ses fins.

9Elle s’est heurtée en l’occasion aux parlementaires soutenus, selon un scénario qui s’est mis en place au XVI^e siècle, par les états10 qui ne voulaient aucune innovation institutionnelle en Bretagne. Des réticences sont venues aussi des cercles du pouvoir très attachés au respect d’une tradition selon laquelle les chambres n’avaient jamais eu la juridiction contentieuse. La concession paraissait d’autant plus difficile à faire en Bretagne que, comme le note La Gibonays, « les officiers n’y sont point receus sur la loi n’étant point gradués comme ils le sont dans presque toutes les autres chambres des comptes du royaume ». C’est la combinaison de tous ces facteurs qui explique l’échec final de La Gibonays. Sa mission s’est réduite alors à obtenir la suppression des six offices de maître en « souffrance » depuis 1709 et à souhaiter une interprétation favorable à la chambre de l’édit qui avait été promulgué cette année-là.

10Si la chambre n’a pas totalement renoncé à ses prétentions par la suite comme le montre l’étude du juriste Henri de Larminat sur le conflit de juridiction intervenu en 1730 entre le parlement et la chambre à propos de la saisie opérée par celle-ci sur plusieurs maisons de Nantes tenues en roture du roi par faute de présentation d’aveu11, elle n’a jamais obtenu le contentieux en matière domaniale. Cet échec ne doit pas faire oublier que ses membres ont fait preuve du XVI^e au XVIII^e siècle d’une réelle combativité. Leur revendication répondait à une certaine logique qu’ils ne se sont pas fait faute de rappeler tout au long de l’époque moderne : dans la mesure où ils conservaient les aveux et dénombrements et qu’ils enregistraient tous les actes royaux concernant le domaine, il paraissait naturel qu’ils aient la connaissance des procès touchant ce dernier. Plus fondamentalement, leur opiniâtreté s’explique par leur attachement au domaine royal du fait qu’il demeurait un élément important pour contrôler des provinces qui, comme la Bretagne, avaient été récemment intégrées au royaume.

11L’inégalité de juridiction entre la chambre et le parlement contribue à expliquer leur prestige différent, ce qui nous amène à nous intéresser dans un deuxième temps aux relations entretenues par leur personnel.

Deux mondes de plus en plus éloignés ?

12Au début du règne de Louis XIV, le personnel de la chambre des comptes s’élève, si l’on considère les charges principales, à 60 officiers, soit un premier président, trois présidents, 23 maîtres, 28 auditeurs, 2 correcteurs, 1 procureur général et 2 avocats généraux. Le personnel connaît une progression à la fin du règne de Louis XIV, à partir de la guerre de la ligue d’Augsbourg : en 1692, on crée un office de président, 3 de maîtres, 2 de correcteurs et 2 d’auditeurs. Au cours de la guerre de Succession d’Espagne, en 1704, un autre édit entraîne la création de 2 présidents, 4 maîtres, 4 correcteurs et 4 auditeurs. À la fin du règne, on introduit encore un office de maître en 1708, 1 président et 2 maîtres en 1711. Au total, on arrive en 1715 à un total de 86 officiers, soit 1 premier président, 7 présidents, 33 maîtres, 8 correcteurs, 34 secrétaires auditeurs, 1 procureur général, 2 avocats généraux.

13On constate un mouvement comparable au parlement où des créations d’offices se produisent également au temps des guerres de Louis XIV, dans le contexte particulier de la fin de l’exil des parlementaires à Vannes, qui a émoussé leur capacité de résistance face aux initiatives royales : en octobre 1689, six nouveaux offices de conseillers – quatre d’originaires et deux de non originaires (N. O.) – sont introduits ; en 1690, on rajoute un office de président à mortier N. O. mais c’est en 1704 que le pouvoir se fait le plus pressant : cette année-là, dix nouveaux offices de conseillers (huit d’originaires et deux de non originaires) sont créés ainsi qu’un nouvel office de président à mortier (N. O. cette fois), deux de présidents des requêtes et six de présidents des enquêtes. Les commissions aux offices de présidents aux enquêtes sont supprimées ainsi que les offices de conseillers qui y étaient attachés : ces derniers reçoivent, sans nouvelles provisions ni prestation de serment, un nombre égal des offices créés12. En 1715, le personnel du parlement atteint alors son niveau le plus élevé avec un premier président, huit présidents à mortier, dix présidents des enquêtes, quatre présidents des requêtes, 106 conseillers – en additionnant les conseillers ordinaires, les conseillers garde-scels et les commissaires aux requêtes –, un procureur général et deux avocats généraux.

14Malgré l’augmentation du personnel dans les deux cours souveraines de la province, le nombre de familles qui fournissent des membres aux deux institutions baisse, un phénomène qu’il convient de décrire et de tenter d’expliquer.

De faibles échanges entre les deux cours

15Le nombre d’officiers de la chambre qui ont établi des liens avec le monde parlementaire du XVI^e siècle à 171513, soit directement en y ayant détenu un office, soit indirectement par le biais de parents ou d’alliés, s’établit à environ 11114. Par catégories, on trouve onze premiers présidents, seize présidents, trois procureurs généraux, trois avocats généraux, sept trésoriers de France, deux trésoriers et receveurs généraux, cinquante-sept maîtres, onze auditeurs et un correcteur. Quand on s’intéresse ensuite à la chronologie des échanges entre les personnels de la chambre et du parlement, on constate qu’il s’en est produit 39 de 1547 à 1605, 51 de 1606 à 1665 et 21 de 1666 à 1715. Deux conclusions s’imposent : le nombre d’officiers des comptes ayant noué des relations avec le parlement est relativement faible. Un fossé grandissant se serait par ailleurs creusé entre les deux institutions, particulièrement au cours du règne de Louis XIV. Ces chiffres doivent être nuancés selon les catégories.

Des présidents évoluant entre les deux cours

16Ce sont, sans surprise, les présidents – et les membres de leur famille – qui sont les plus présents dans les deux institutions avec des nuances toutefois. Parmi les officiers des comptes qui ont été parlementaires, on trouve surtout des premiers présidents – pour qui le service en tant que conseiller au parlement était un préalable presque obligatoire pour exercer de plus hautes responsabilités – et quelques présidents : pour ces derniers, cela se produit surtout au XVI^e siècle – F. de Kermenguy, Louis Braillon, Jacques I Barrin ou Jacques Charlet – et exceptionnellement au XVII^e siècle avec Jean-Baptiste de Cornulier (1674-1698). Les liens tissés par les présidents avec les milieux parlementaires n’ont pas connu de variation d’une période à l’autre : ils ont continué à y prendre femme ou à y intégrer des fils ou des filles tout au long de l’époque moderne.

17Avec ces grands officiers, on est en présence de quelques unes des familles de la robe bretonne qui ont eu leurs entrées dans les deux cours souveraines. Cinq d’entre elles se distinguent : les Barrin, les Cornulier, les du Pont, les Raoul et les Becdelièvre. Pour les quatre premières citées, le parlement a constitué le point de référence principal après un début de carrière à la chambre. Ainsi chez les Barrin, Jacques I n’a siégé que brièvement dans cette dernière (1573-1577) : ses deux filles ont pris un époux dans la cour rennaise alors que ses deux fils y ont acquis un office de conseiller. L’un André l’a exercé jusqu’à sa mort alors que l’autre, Jacques II s’en est servi, grâce à son mariage avec la fille du financier Gilles Ruellan, comme point de départ d’une carrière qui l’a amené tour à devenir maître des requêtes, premier président de la chambre des comptes (1619-1626) puis membre du conseil d’État. Les Barrin ont été présents au parlement jusqu’au XVIII^e siècle. Malgré cette orientation, ils ont conservé un attachement pour la chambre comme le révèle le fait que le fils d’André, Jean ait contracté mariage avec la fille de l’auditeur Jean Harel (1606-1641) et qu’il ait tenté de devenir premier président de la chambre après le décès de César-Auffray Blanchard en 1670 mais aussi que le petit-fils de Jacques II Barrin, Armand-Christophe, soit devenu président des comptes en 1713.

18La seule dynastie qui, dans ce groupe, a vraiment misé sur la chambre des comptes est celle des Becdelièvre. Le parlement a constitué, à la fin du XVI^e siècle, le lieu de leurs premiers pas dans le monde des cours souveraines. S’ils y ont maintenu leur présence jusque dans les années 1770, il n’a été pour les membres de leur famille qu’une position d’attente avant de prendre une première présidence à la chambre. Cela est déjà perceptible avec François qui a été le premier membre de la famille à accéder à cette charge en 1633 (il meurt dès 1634) et cela n’a fait que se renforcer avec le temps. Ainsi au XVIII^e siècle, les Becdelièvre ont donné un temps la priorité à la chambre. À la suite de Jean-Baptiste qui n’a été qu’un an conseiller au parlement avant de devenir premier président en 1678, son fils Guillaume-Jean Baptiste, en jouant sur les créations d’offices de la fin du règne de Louis XIV a été tour à tour maître (1709-1713), président (1713-1723) puis premier président. Son frère cadet Hilarion-Marie a fait un peu de même en obtenant un office de maître créé en 1711 puis en lui succédant à la présidence des comptes en 1723. À cette période, les Becdelièvre, en mettant à profit la détresse financière de la monarchie, ont obtenu la création des offices dont ils avaient besoin pour assurer leur promotion comme s’ils avaient posé eux-mêmes les marches nécessaires à leur affirmation sociale. Avec eux s’esquisserait ainsi une noblesse de robe totalement centrée sur les comptes ; leur exemple n’a toutefois pas servi de modèle et, passé le règne de Louis XIV, les membres de la famille ont renoué avec l’habitude de commencer leur carrière au parlement tout en conservant la direction de la cour des comptes nantaise.

Des maîtres aux horizons plus limités

19La catégorie des maîtres comprend elle-aussi quelques membres de dynasties parlementaires comme les Boylesve, les Le Meneust, les Guischardy, ou les Saint-Pern. Avec ces derniers, on a l’exemple d’une branche cadette d’une famille de la noblesse terrienne qui après avoir participé au XVI^e siècle à différentes spéculations financières – notamment la prise de fermes – est entrée dans le monde des cours souveraines par la chambre des comptes où Jean de Saint-Pern est devenu maître en 1640 (il le demeure jusqu’à sa mort en 1672). Cette promotion, qui a été facilitée par son mariage avec Hélène de la Noue, petite-fille du général des finances Pierre de Cornulier, s’est concrétisée à la génération suivante par l’accession du fils aîné de Jean, Pierre de Saint-Pern, au parlement et par la fondation d’une dynastie qui s’est perpétuée jusqu’au XVIII^e siècle. Sans être aussi durable, leur présence à la chambre n’en a été pas moins conséquente puisqu’après Jean, qui est décédé au bout de trente-deux ans de carrière, son fils Charles-Joseph, qui était alors prêtre, a pris le relais pendant quatre ans afin de permettre à son frère Vincent-Gabriel, de remplir les conditions d’âge pour être reçu. Sa mort en 1696 a mis fin à la présence des Saint-Pern à la chambre15.

20En dehors de ces quelques cas particuliers, ce qui frappe toutefois avec les maîtres, c’est le fossé qui s’est créé progressivement entre eux et les parlementaires. Ainsi seuls deux d’entre eux ont été également conseillers à Rennes pendant le règne de Louis XIV : il s’agit de François Guischardy (1645-1656) qui a pris la relève à Rennes de son frère Mathurin décédé et de Guillaume Dondel qui a cumulé une charge dans les deux institutions pendant quelques années (il est maître de 1661 à 1678). Si l’on reprend les chiffres donnés plus haut et si on les présente par période, on remarque ensuite que la seconde moitié du XVII^e siècle se caractérise par la quasi-disparition des membres du parlement dans la parenté des maîtres des comptes.

21Le bilan est net : aucun père parlementaire16, un seul officier qui a un frère au parlement, un seul qui oriente son fils vers cette cour – François de la Pierre. Encore s’agit-il de Paris ! Le fait que la capitale se montre pour une fois plus accueillante et plus accessible que la province n’en contribue que mieux à faire ressortir le blocage qui intervient alors dans les carrières des gens des comptes. La seule nuance que l’on peut apporter à ce tableau est constituée par les alliances conclues par ces derniers et qui montrent qu’un lien a été maintenu entre les deux institutions que ce soit par le biais des beaux-frères des maîtres ou de leurs gendres, dont le nombre reste à un niveau que l’on pourrait qualifier d’honorable. Plus que la catégorie des présidents dont les membres appartiennent à la noblesse de robe provinciale, c’est donc celle des maîtres dont l’évolution sert de révélateur à la raréfaction des échanges de personnel entre la chambre et le parlement sous le règne de Louis XIV.

Tentatives d’explications

Un parlement toujours privilégié

22Si l’on veut comprendre le fait que peu d’officiers de cette catégorie ont réussi à s’implanter au parlement et que leur nombre est allé en diminuant, il faut invoquer plusieurs facteurs. Ce qui a joué, sans doute en premier lieu, c’est l’éloignement géographique des deux institutions. À partir du moment où le parlement s’est établi à Rennes, les élites de cette ville – mais cela demanderait à être vérifié grâce à une étude systématique – ont été les mieux placées pour prendre le contrôle des charges d’originaires qui se libéraient. On retrouverait ici une donnée de l’Ancien Régime, à savoir que les cours souveraines, au moins de province17, recrutaient la majorité de leurs membres dans un rayon limité.

23On constate ensuite que les officiers qui ont eu la possibilité de faire carrière dans les deux cours ont systématiquement opté pour le parlement et ce à tous les degrés de la hiérarchie. Symbolique paraît ainsi le parcours des Le Meneust. Sébastien Le Meneust, fils de René président à mortier à Rennes en 1607 et frère de Guy, lui-aussi membre éminent du parlement, a acheté une charge de maître de nouvelle création en 1632, et l’a conservée jusqu’à sa mort en 1670. À cette date, son fils unique Joseph est mineur (12 ans) ; l’office est transmis par sa veuve à Jacques Brochard qui l’exerce jusqu’à son propre décès en 1684. Joseph Le Meneust a alors l’âge requis pour devenir maître des comptes puisqu’il a 27 ans : porteur de la démission de Jacques Brochard en sa faveur, ce qui atteste que sa famille a conservé la propriété de l’office, il renonce toutefois à l’exercer – il devient conseiller au parlement en 1686 –, et il le vend à François Neveu, avocat au parlement de Paris, demeurant à Saint-Malo, pour 50 000 l.18.

24Plus fondamentalement a joué le fait que la chambre et le parlement n’ont jamais vraiment recruté leurs membres dans les mêmes groupes ou plus exactement au même niveau de richesse. Il me paraît en conséquence erroné de considérer que les deux cours aient été sur le même plan à quelque moment de leur histoire. Comme à Bordeaux, où le groupe parlementaire s’est formé au XVI^e siècle, pour reprendre une expression d’Anne-Marie Cocula, grâce à une « captation des élites aquitaines19 », le parlement rennais a fait appel lors de sa création au début des années 1550 au personnel judiciaire de la province de Bretagne – dont celui des sénéchaussées – et à celui des provinces voisines, c’est-à-dire à des individus qui étaient gradués et qui avaient, pour la plupart d’entre eux, une bonne connaissance du droit. Il s’est donc d’emblée distingué de la chambre qui, si elle a recruté elle aussi quelques gradués, s’est montrée plus accueillante pour tous ceux qui s’étaient formés sur le tas, qui avaient exercé des responsabilités financières plus modestes ou qui appartenaient à la basoche. Le processus d’oligarchisation qui s’est produit ensuite au fil du temps dans les institutions a eu pour effet de maintenir la ligne de fracture entre elles.

25Les seuls qui ont réussi à passer de la chambre au parlement étaient soit des individus qui ont profité des circonstances – la Ligue a été une période favorable aux ascensions dans une société qui avait de plus en plus tendance à se fermer –, soit des individus fortunés comme les Le Lou dans la première moitié du XVII^e siècle ou les Sanguin sous le règne de Louis XIV, soit des magistrats inscrits dans des réseaux porteurs, comme celui qui s’est constitué dans la seconde moitié du XVI^e autour des familles angevines, soit enfin des familles qui étaient implantées depuis longtemps dans le monde de la robe comme les Charette ou les Boux. Le cas des premiers n’est pas pour surprendre dans la mesure où ils constituaient le grand lignage de robe de la cité ligérienne. Il n’est donc pas besoin d’insister davantage. Celui des seconds paraît plus étonnant : un examen attentif montre pourtant qu’il fournit une illustration supplémentaire du fait que la plupart des ascensions sociales sous l’Ancien Régime étaient le résultat d’une lente progression sur plusieurs générations. Le maître des comptes Mathurin Boux (1626-1650) qui voit son fils François devenir conseiller au parlement en 1659 avait lui-même pour parents François Boux, conseiller au présidial de Nantes, et Françoise Drouet, fille de Mathurin, conseiller au parlement en 1570. Après un premier mariage avec Perrine Lizière, il a épousé Françoise Ménardeau, la fille du maître des comptes Pierre Ménardeau (1603-1623) et de Françoise de Marques. En se rapprochant des Ménardeau, Mathurin Boux a renoué une alliance ancienne de sa famille qui s’était forgée au XVI^e siècle au sein de la faculté de médecine de Nantes20 et des milieux financiers autour des Jallier et des Hux21. À travers la promotion de François Boux, ce serait en fait tout ce réseau qui serait parvenu finalement à imposer un des siens au parlement22.

26Après lui, si l’on excepte ceux qui gravitaient dans les réseaux financiers que l’on a évoqués précédemment, plus aucun maître n’a réussi à faire entrer un fils au parlement et aucun fils de parlementaire n’est devenu maître.

Les effets de la hausse du prix des charges

27Un dernier facteur à prendre en compte, c’est l’évolution du prix des offices. Dans le tableau ci-dessous, on constate que les charges de conseiller au parlement ont un prix toujours plus élevé que celui des offices de maîtres aux comptes23. Ainsi celles de conseillers originaires se vendaient déjà à 40 000 l. à la fin des années 1610 alors que celles de maîtres se négociaient à moins de 30 000 l. En 1631, un office de conseiller de nouvelle création est vendu pour 72 000 l. alors que l’année suivante une charge de maître aux comptes est adjugée pour 47 000 l. Ce rapport de 1,5 s’est maintenu pendant tout le reste de la période. Si des prix ont atteint des sommets au début des années 1660 avec plus de 180 000 livres – ils sont alors deux fois plus élevés que ceux que l’on relève à la chambre des comptes où les prix ont connu une forte progression aussi entre 1655 et 1665 –, cela a été sans lendemain et les cours sont retombés rapidement à moins de 140 000 l. Les prix des offices de non originaires ont progressé aussi tout en demeurant à un niveau plus bas, comparable à celui des offices de maîtres.

28Ces constatations mériteraient d’être approfondies grâce à une étude méthodique des traités d’offices disponibles pour le parlement et ce d’autant plus que ce qui frappe dans le cas de cette institution – et c’est une différence avec ce que l’on observe à la chambre –, c’est la grande variété des prix selon les contractants. D’autres critères que ceux à caractère purement économique ont donc dû influer sur l’évolution des cours. On peut penser notamment au fait qu’au parlement un plus grand nombre de contrats ont été négociés entre membres d’une même famille (on retrouverait ainsi une conséquence de l’importance du phénomène dynastique dans cette cour), ce qui a pu, dans certains cas, limiter les prix. La différence entre des parlementaires plus soucieux de dignité et des officiers de la chambre davantage en quête d’honneur a dû également jouer. Frédéric Saulnier signale le cas du conseiller au parlement de Bretagne Laurent Peschart qui résigne sa charge en 1645 à son gendre du Bouexic à deux conditions : que celui-ci la transmette à son fils Louis24 et que, malgré les prix exorbitants qui étaient pratiqués à cette période, l’office ne serait compté dans sa succession que pour la somme de 60 000 l. à simple procure. Il justifie sa décision en précisant que l’office ne lui a coûté que 12 000 l. et il ajoute

« […] et quoyque la condition du temps présent aict notablement suranchéry le premier prix dudit office, néantmoins, attendu que cella ne provient de la juste valleur et bonté intrinsèque d’icelluy, ains de la seule opinion des hommes et autres causes qui servent plustost à incommoder les officiers et souventes fois à mal mettre leurs maisons par l’événement qu’à les conserver et maintenir25… »

29Pour les familles, l’intégration au parlement aurait constitué l’aboutissement d’un parcours et permis d’acquérir un statut, une position dominante dans la société alors que l’entrée à la chambre n’aurait été qu’une étape et/ou un moyen de réaliser un investissement profitable. Des parlementaires plus « désintéressés » se distingueraient ainsi des gens des comptes « plus près de leurs sous », la culture juridique des uns contrastant ainsi avec les préoccupations, surtout comptables, des autres.

30Quoi qu’il en soit, l’évolution des prix peut avoir eu plusieurs effets en matière d’échanges entre le personnel de la chambre et du parlement. Jusqu’aux années 1640, il était possible pour les parlementaires qui le désiraient et qui avaient au moins deux fils d’acquérir un office de conseiller pour l’aîné et une charge de maître pour le cadet, même s’il fallait pour cela également trouver une épouse susceptible d’apporter une dot permettant de faire face aux différents frais engagés. La rareté des exemples que l’on peut citer – les Bregel, les Guischardy, les Boylesve, les Le Meneust – montre toutefois que l’augmentation des prix tant au parlement qu’à la chambre a eu pour conséquence de rendre impossible une présence simultanée des familles dans les deux institutions pendant la période de plus forte hausse (1655-1665) même si elle peut contribuer à expliquer certains passages éclairs comme celui de René Le Prestre de Lézonnet qui a été brièvement procureur général aux comptes en 1650-165126 avant de devenir conseiller au parlement, les deux charges ayant alors sensiblement la même valeur.

31La mise en place de la tarification de Colbert en 1665 a accentué la fracture entre les deux cours souveraines. Alors que le prix des charges de maîtres a été fixé à 50 000 l., celui des offices de conseillers originaires a été établi à 120 000 l. et celui des offices de non-originaires à 60 000 l. Comme à la chambre, les tarifs ainsi fixés n’ont pas été respectés. Pour les originaires, les prix varient dans les années 1670-1680 dans une fourchette qui va de 70 000 à 90 000 l. et n’atteignent qu’exceptionnellement les 100 000 l. alors que pour les non-originaires, on va de 40 000 à 60 000 l.27. Tenant compte de cette tendance, le pouvoir royal a fixé la valeur des offices de nouvelle création en 1689 à respectivement 80 000 l. et 45 000 l. Même avec cette baisse, le prix des charges de conseiller au parlement est demeuré au-dessus de celui des offices de maîtres, ce qui a empêché les fils de la majorité de ces derniers de poursuivre leur carrière dans la cour rennaise.

32Cette dévalorisation des charges a peut-être pourtant fait craindre aux parlementaires que leur cour ne soit envahie par des roturiers enrichis et que le prestige de leur institution ne soit atteint. S’ils consentaient à prendre femme dans les élites du tiers état, ils acceptaient très mal que les fils de la bourgeoisie viennent siéger avec eux comme l’illustre l’anecdote suivante. En 1694, le sieur du Pelan Artur de Saint-Malo, confronté aux difficultés rencontrées « par son fils pour se faire recevoir au parlement en attribuait la responsabilité à une cabale de quinze jeunes conseillers qui avoient comme jurez entre eux dez le commencement de semestre de donner ce dégoût à son fils par la seule raison d’estre né de Saint-Malo, dont ils veulent bien les filles à ce qu’ils disent mais non pas les hommes28 ». C’est ce mépris exprimé par les parlementaires à l’égard des autres catégories sociales qui les aurait poussés à se fermer à partir des années 1670 à tous ceux qui n’étaient pas issus d’une noblesse ancienne29. De ce fait, le personnel de la chambre des comptes, qui se recrutait en grande partie dans la roture ou dans la noblesse récente, n’a plus été en mesure d’intégrer le parlement. Le contraste entre une chambre, devenue une machine à anoblir, et un parlement au « sang bleu » se serait ainsi accentué30. La baisse générale des tarifs qui est intervenue à la fin du règne de Louis XIV du fait de la multiplication des charges n’a pas, de ce fait, permis de modifier la donne.

Des nuances indispensables

33Quelques nuances, qui ne remettent pas en cause la conclusion globale, doivent être apportées au tableau dressé pour les maîtres. L’un d’entre eux, Joseph Mosnier (1696-1718), a eu un frère conseiller au parlement (1693-1697), ce qui dément donc quelque peu l’hypothèse avancée précédemment comme quoi il était impossible pour une famille de faire entrer simultanément des enfants dans les deux cours souveraines de la province. Dans un schéma classique où l’aîné siège à Rennes alors que le cadet exerce à Nantes, on se retrouve ici face à une famille issue du monde de la robe qui a su nouer de bonnes alliances : le père des deux magistrats était juge criminel au présidial de Nantes et la mère était la fille d’une dynastie d’auditeurs, les Macé, qui avait été anoblie grâce à sa présence à la chambre. Le maître des comptes a épousé la fille du maître Jacques Langlois et de Marie Boussineau, s’intégrant ainsi à deux familles de notables dont l’une les Langlois était solidement implantée aux comptes et dont l’autre, les Boussineau, y prenait pied après une carrière dans la marchandise et les finances. Si l’on ajoute à cela le fait que son frère n’a fait qu’un bref passage à Rennes avant de devenir prêtre puis directeur du séminaire de Lyon, on obtiendrait ainsi un portrait de l’homme neuf venant de Nantes que le parlement était disposé à accueillir à la fin du XVII^e siècle, à savoir un individu issu d’une famille de la robe et présentant toutes les caractéristiques du bon magistrat, notamment en matière religieuse.

34Avec les Cosnier, on aurait un autre cas de figure. L’exemple est ici plus surprenant que le précédent puisqu’il concerne un correcteur, Mathurin Cosnier (1659-1661), dont le fils Gilles est devenu conseiller au parlement en 1684. Cette réussite peut se comprendre par la relative aisance de ses parents comme l’atteste le fait que deux de ses oncles maternels, Simon et Julien, ont intégré la chambre, respectivement comme auditeur des comptes (1650-1671) et comme maître31 (1674-1686). Elle est due plus encore sans doute à son mariage avec Marie-Marguerite Jouault32 dont le père était receveur des épices de l’amirauté de Nantes alors que sa mère était la fille d’un directeur des postes de Touraine, Pierre Rouillé. Le beau-frère de Cosnier s’est marié avec Renée Fresneau, sœur de l’auditeur René (1695-1720) et fille d’un marchand de la Fosse – il était également payeur de la maréchaussée de Bretagne – puis avec Marie-Madeleine Rodays, fille d’un directeur de la poste à Nantes et sœur du maître Pierre Rodays33 (1714-1723). À partir d’une bonne assise familiale, l’ascension de Cosnier pourrait donc être in fine le signe de l’affirmation du monde de la ferme et du négoce du val de Loire à la fin du règne de Louis XIV et son intégration au parlement une illustration supplémentaire de la capacité du monde de l’argent à surmonter les barrières réputées les plus infranchissables pour s’imposer dans les cercles de la notabilité34.

35S’il est devenu presque impossible pour les enfants des maîtres des comptes d’intégrer le parlement, les échanges entre les familles des deux cours n’en ont pas moins continué. Quelques officiers ont marié leur fille avec des parlementaires et/ou ont eu des beaux-frères dans la cour rennaise. Quand on examine leurs noms, on se retrouve en quelque sorte en présence du who’s who des familles importantes de la chambre – dans la catégorie des maîtres – à la fin du règne de Louis XIV. Certaines comme les Dollier ou les Bachelier ont su s’allier avec des familles nantaises implantées au parlement comme les Guichard ou les Boux. On peut y ajouter les Bouin qui se sont rapprochés pour leur part des du Pont, dont l’ascension avait commencé à la chambre des comptes. Pour d’autres familles comme les Neveu, c’est leur intégration probable à des réseaux financiers porteurs qui explique les mariages contractés. Le maître François Neveu a marié ainsi sa fille avec un membre de la famille Michau qui gérait alors la trésorerie des États35. François de la Pierre présente un cas de figure voisin : il était en effet le beau-frère d’Yves de Coniac qui était le descendant de fermiers généraux du comté de Quintin36. Avec le Guingampais Jérôme Le Brun, on a un cas de figure original qui mériterait d’être approfondi. Son beau-frère Marc-Antoine de la Bouexière est devenu conseiller au parlement en 1675 après avoir acheté l’office de Jean-Baptiste Cornulier qui a accédé la même année à une présidence des comptes. L’entrée de Le Brun à la chambre comme maître des comptes en 1680, plus que par la présence de son parent, l’auditeur François Le Brun, pourrait s’expliquer par les liens qui se sont créés à cette occasion avec les Cornulier d’autant que ceux-ci étaient également possessionnés dans la région de Guingamp. Les relations entre les membres de la robe n’ont pas été à sens unique et certaines familles de parlementaires comme les La Bourdonnaye ont noué des liens avec des magistrats bien établis à la chambre, le maître Louis Bidé et l’auditeur Christophe Le Tourneux.

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36Même en combinant toutes les formes d’échanges, le bilan auquel on parvient est mince. Cela oblige à conclure que les gens des comptes et les gens du parlement appartenaient, pour leur majorité, sinon à deux mondes totalement distincts, du moins à des groupes qui étaient à des stades différents de leur ascension. Cette coupure n’aurait fait que s’accentuer avec le temps et seuls ceux qui disposaient des moyens financiers suffisants et/ou qui avaient à leur actif de longs états de service dans les carrières judiciaires ont pu passer les frontières qui divisaient la robe bretonne. Il n’y a finalement que quelques grandes familles qui ont pu bâtir des stratégies reposant sur une présence dans les deux institutions. Et encore ces stratégies se sont-elles appuyées sur une distinction classique entre branches aînées servant au parlement et s’alliant avec des gens de la robe et branches cadettes siégeant à la chambre et contractant des unions avec des gens de finances. Cela a été le cas notamment des Boylesve dans la première moitié du XVII^e siècle et surtout des Barrin, des Cornulier pendant une grande partie de la période prise en considération. Pour les premiers, c’est la branche alliée aux Le Lou qui s’est orientée vers la chambre ; il en a été de même pour les Barrin, où c’est Jean, marié à la fille du financier Ruellan qui est devenu premier président et les Cornulier pour lesquels cette donnée s’est sans doute combinée avec un attachement pour l’institution qui avait permis leur ascension. Derrière le masque apparemment uni et lisse des familles, des clivages se perpétuaient, distinguant dans le cas qui nous intéresse, gens du parlement et gens des comptes.