1Du règne d’Eudes (888-898) à celui de Philippe Auguste (1180-1223), les principautés constituèrent la base de l’existence politique de la France1. Cette période de prééminence princière fut sévèrement jugée par l’historiographie dont le thème central demeurait l’unification de la Nation par l’extension du domaine royal à l’ensemble de la France : les princes territoriaux y étaient vus a priori comme d’indésirables obstacles à cette unité préétablie2.

2L’image de l’Etat et de la féodalité forgée par la royauté triomphante des XIII^e-XVIII^e siècles était supposée avoir toujours existé, bien que parfois assombrie par les usurpations supposées des grands à la faveur des invasions normandes de la seconde moitié du IX^e siècle3. Obnubilés par la faiblesse d’une royauté prise comme unique représentante de l’histoire française, les historiens taxèrent longtemps d’anarchie le dernier siècle de la Francia de l’Ouest4.

3On sait aujourd’hui qu’une évolution profonde des institutions avait abouti à ce que, sous couvert du roi en titre, des grands assument légitimement la fonction royale. Loin d’être une anarchie, il s’agissait d’une nouvelle distribution du pouvoir. Ainsi, les rois suscitèrent-ils l’apparition des premières principautés héréditaires. Ces dernières restaient dans le royaume mais constituaient chacune un ensemble politique relativement cohérent, gouverné, selon le modèle royal, par un princeps5.

4En Neustrie, les Robertiens jouissaient d’un rang comparable à celui d’un princeps. Après 937, Hugues le Grand s’imposa comme tel au roi et obtint peu avant sa mort le ducatus Francorum. Par ce titre, il pouvait prétendre dominer les autres principes du royaume6. Son fils Hugues Capet dut toutefois attendre quatre ans que le roi Lothaire l’investisse des honores paternels. Cette période critique qui affaiblit sensiblement son pouvoir incita sans doute le Robertien à saisir l’occasion d’accéder au trône.

5Paradoxalement, l’élection d’Hugues Capet en 987, qui consommait l’échec de la dynastie carolingienne, n’amorça aucun relèvement de l’autorité royale. L’ordre princier traversait à son tour une crise grave. Les liens de fidélité rendus instables par l’extension de la vassalité multiple, toute notion de hiérarchie et de subordination stricte devenue illusoire, les titulaires d’honores comtaux ou vicomtaux utilisaient pour leurs seuls profits leurs propres réseaux de fidélité ou de parenté7. Ils rejetaient la stricte dépendance vassalique qui les liait naturellement aux princes pour acquérir à leur tour une puissance de type princier, autonome et héréditaire8. Concomitamment, un réseau de châteaux se mettait en place dès le deuxième quart du X^e siècle pour assurer la défense du pagus – ou du regroupement de pagi – et soutenir l’ambition de son détenteur9.

6La dislocation du pagus, ultime échelon de l’ancienne structure administrative, est au cœur d’un vieux débat qui divise les médiévistes en deux grandes tendances. La première, héritière de Georges Duby et Jean-François Lemarignier, estime que la vieille organisation du pagus, demeurée presque intacte jusqu’aux abords de l’an mil, se disloqua entre 990 et 105010. Gardiens de forteresses et grands propriétaires terriens auraient alors réalisé la mise en coupe réglée des campagnes et la transformation, plus ou moins réussie selon les lieux, des hommes libres du terroir en de véritables serfs, dépendant corps et biens du seigneur local, le sire11. Entité politique nouvelle née autour de l’an mil, la seigneurie « banale » ou justicière aurait été aussi le cadre d’une répartition des attributs du ban entre le sire et les nouvelles élites engendrées par son développement. Elle aurait été enfin le cadre d’apparition, au sein de ces élites, d’un système relationnel fondé sur l’hommage et le fief, hérité pour partie de la vieille vassalité franque, mais appelé à s’adapter aux besoins socio-économiques et aux mentalités du temps. Ce système « seigneurial » aurait servi un peu plus tard de modèle à un « ordre féodal », lorsque, au XII^e siècle, rois et princes auraient fait de l’institution féodo-vassalique l’un des instruments juridiques de la réorganisation du pouvoir à leur profit12.

7La seconde « école », incarnée principalement par Dominique Barthélémy13, considère que l’expansion de la seigneurie châtelaine ne marque pas une véritable mutation par rapport aux évolutions antérieures et n’implique ni « dislocation » soudaine, ni aggravation substantielle de la domination sur les humbles, ni véritable indépendance du châtelain par rapport au comte ou au prince14. Entre 980 et 1060, les grandes structures judiciaires, militaires et sociales n’auraient été que remaniées, dans une mesure qu’il resterait à discuter. On ne pourrait parler que d’« ajustements » institutionnels successifs sans véritable « mutation15 ».

8Malgré de fortes divergences toujours actuelles, une tendance à la synthèse s’amorcerait peut-être aujourd’hui16. À la suite des études prosopographiques menées depuis une cinquantaine d’années, on s’accorde pour reconnaître dans les seigneurs châtelains non des « hommes nouveaux », des « parvenus » s’emparant du pouvoir de ban à la faveur de temps d’anarchie mais des descendants des élites dominantes des temps carolingiens17. La « mutation de l’an mil » serait donc moins un remplacement des élites sociales qu’un profond remodelage de leurs stratégies familiales et de leur rapport au pouvoir18.

9De même, l’émergence autour de l’an mil de « mauvaises coutumes » dans les cartulaires monastiques est traditionnellement interprétée par les « mutationnistes » comme la marque de l’aggravation du prélèvement seigneurial sur la paysannerie, étroitement liée à l’essor de la seigneurie châtelaine19. Les « non-mutationnistes » estiment que cette hypothèse ne repose que sur un « effet de sources ». D’une part, elle ne prend pas suffisamment en compte les disparités documentaires entre un X^e siècle pauvre en sources et un XI^e d’autant plus riche qu’il connaît une progression de la notice sur la charte20. D’autre part, il faudrait se méfier de la rhétorique monastique qui donnerait une vision excessivement noire des châtelains et des chevaliers. Récemment Yves Sassier, élève de Jean-François Lemarignier, a proposé une position médiane. Nombre d’actes mentionnant de « mauvaises coutumes » eurent pour bénéficiaires des monastères à la pointe de la réforme religieuse. Ceux-ci entendaient remettre en cause des biens ou droits acquis parfois de longue date par l’aristocratie locale au détriment du patrimoine monastique. L’apparition de la mention des « mauvaises coutumes » serait la conséquence de ce profond changement d’état d’esprit dans un monde monastique devenu plus exigeant à l’égard de son environnement aristocratique. Pour le même auteur toutefois, ce constat ne saurait exclure la réalité d’une « flambée de mauvaises coutumes » et d’un lien étroit, en nombre d’endroits, entre ce phénomène et la multiplication des châteaux21.

10Tout aussi récemment, Dominique Barthélémy évoquait une « mutation châtelaine » non de l’an mil mais de l’an 900. Elle serait liée au temps des raids normands les plus durs et des luttes pour la formation des principautés22. Elle aurait mis en place des structures nouvelles, des dispositifs inédits, notamment lignagers. Elle reposerait sur une idéologie « proprement féodale », selon laquelle la propriété s’hérite par la naissance et se mérite par les armes23. Beaucoup de châteaux seraient ultérieurs à cet « an 900 » mais leur érection entrerait dans le modèle socio-politique qui en découlerait : un monde dominé par des cités fortifiées et des châteaux, structuré par la « faïde chevaleresque » qui assurait la survie des familles nobles24. Dominique Barthélémy est également revenu sur sa position de 1990 où il niait l’existence d’un « choc châtelain » sur les campagnes25 : il reconnaît aujourd’hui que la chevalerie noble dut exercer une pression générale sur le plat pays par une concentration des « attributs de la puissance sociale26 ».

11Qu’elles que soient les nuances de leurs interprétations respectives, les deux « écoles » admettent que les deux premiers siècles capétiens furent marqués par la multiplication des centres de pouvoir que se partageait l’élite locale. De la cohésion de cette dernière dépendait l’unité effective de l’ancien pagus ; or, compte tenu de l’instabilité des liens de fidélité, les comtes conservèrent avec plus ou moins de fortune leur autorité sur les châtelains de leur ressort nominal. L’émiettement du pagus est exemplaire en Mâconnais27. Il est également avancé en Gascogne28, Languedoc, Anjou29, Poitou ou Ile-de-France30. Ailleurs, comme à Barcelone ou en Champagne31, le comte surmonte plus rapidement la crise châtelaine et restaure dès la seconde moitié du XI^e sa primauté politique. Quant à la Normandie et la Flandre, elles passent pour avoir quasiment échappé au phénomène, malgré de dangereuses périodes de minorités dynastiques. Le duc de Normandie resta maître des dix pagi qui constituaient sa principauté. À la tête de chacun était placé non un comte mais un vicomte révocable ad nutum dans la plus pure tradition carolingienne. En Flandre, les pagi disparurent dès le XI^e siècle au profit d’une nouvelle organisation administrative fondée sur la châtellenie.

12Parmi les grandes principautés périphériques, la Bretagne des Temps seigneuriaux demeure « lointaine et mystérieuse32 » malgré le renouvellement des recherches depuis une trentaine d’années. Sous la direction de Jean-François Lemarignier, Hubert Guillotel édita dès 1973 les actes des ducs de Bretagne de 944 à 114833. Il répondait ainsi au vœu de Karl Ferdinand Werner qui en 1958 regrettait l’absence de regestes et recueils d’actes pour chaque principauté34.

13Ce recueil, qu’Hubert Guillotel ne cessa de corriger jusqu’à sa mort, fut à l’origine d’une étude sur le premier siècle du pouvoir ducal breton35, du retour d’Alain Barbe-Torte (936) à la mort d’Alain III (1040). La Bretagne y était décrite suivant une évolution assez comparable à celle d’autres principautés du royaume : une restauration favorisée par le roi après le départ des Scandinaves36 mais fragilisée par la rivalité des lignages comtaux dominants37.

14Parallèlement, Hubert Guillotel étudia l’évolution des responsabilités vicomtales en Bretagne et démontra comment, dans le courant du XI^e siècle, les vicomtes transformèrent le pouvoir qu’ils exerçaient sur le pagus par délégation comtale en de puissantes seigneuries centrées sur des terres familiales38. Il compléta cet éclairage de la Bretagne seigneuriale par des recherches sur l’émergence au XI^e de châtellenies importantes comme Combour39, Châteaubriant40 ou Guingamp41.

15À la suite d’Hubert Guillotel, une autre élève de Jean-François Lemarignier, Joëlle Quaghebeur, consacra sa thèse de doctorat à la Cornouaille du IX^e au XII^e siècle42. Pour elle, les châteaux de ce comté à l’extrême ouest de la Bretagne furent érigés par les comtes et les vicomtes. Sur l’ensemble de la période, la puissance publique serait restée très présente et aurait contrôlé les forteresses.

16Michel Brand’Honneur fait le même constat pour le comté de Rennes. Par une confrontation des sources diplomatiques et archéologiques, il démontre l’origine carolingienne des principaux châtelains du Rennais, leur soumission au comte et leur propre contrôle de la chevalerie43.

17En zone de marche avec l’Anjou, Jean-Claude Meuret confirme que les premiers seigneurs châtelains bretons étaient issus de l’entourage comtal. Toutefois, il estime que, dans la durée d’une génération, ces derniers construisirent des forteresses de leur propre chef avant de retourner rapidement sous l’emprise de l’autorité comtale44.

18Au-delà de leurs nuances, ces études offrent l’image d’une Bretagne au pouvoir comtal suffisamment fort pour encadrer l’émergence de seigneuries châtelaines et ainsi préserver les différents pagi d’une dislocation irrémédiable. Nous serions donc dans un schéma assez proche de celui défendu par Dominique Barthélémy45.

19Pendant un temps, les travaux sur le Vannetais et le Nantais ont abouti à des conclusions diamétralement opposées selon lesquelles ces contrées, prises dans un mouvement révolutionnaire, auraient vu leurs forteresses se multiplier au mépris de tout pouvoir comtal46. Des résultats si contraires à ceux obtenus pour les comtés voisins de Cornouaille et de Rennes n’ont pas manqué d’étonner les spécialistes47. Ces remarques ont dû finalement porter puisqu’une étude toute récente se rapproche des positions de Joëlle Quaghebeur et de Dominique Barthélémy48. On admet désormais que les châteaux du Nantais étaient d’origine comtale, vicomtale voire machtiernale et relevaient jusqu’au milieu du XI^e siècle de membres d’une haute aristocratie connue depuis l’époque carolingienne49.

20Quoi qu’il en soit, les approches comparatives amorcées aujourd’hui par les études sur les comtés du sud et de l’est de la Bretagne révèlent l’urgence de travaux similaires sur le littoral nord. Outre d’achever le renouvellement de la « géographie féodale » bretonne, ces recherches se justifient par leur objet même. En effet, à l’instar de la Cornouaille, cette zone comprise dans les diocèses de Léon, Tréguier, Saint-Brieuc, Alet et Dol n’appartenait pas à la marche bretonne à l’époque carolingienne (Rennes, Nantes, Vannes). Son organisation postérieure, distincte de celle de la marche sur de nombreux points, mêle au problème de la continuité carolingienne après l’an mil, celui d’éventuelles persistances remontant à l’installation des Bretons insulaires50.

21Hubert Guillotel s’était déjà confronté à cette question au sujet des vicomtes de Léon51. Selon les normes carolingiennes, le comte et son auxiliaire le vicomte avaient en principe pour ressort commun le pagus. Ils étaient assistés par des vicarii administrateurs des subdivisions du pagus, appelées dans l’ouest vicariae ou conditae. Sur le plan ecclésiastique, le comte avait pour homologue l’évêque dont le diocèse devait correspondre aux limites du pagus52. On ne retrouvait pas ce schéma en Léon. D’une part, dès le début du XI^e siècle, n’y intervenait plus que le vicomte qui reconnaissait encore l’autorité du comte de Rennes et duc de Bretagne Alain III. D’autre part, le pouvoir de ce vicomte s’étendait non seulement dans le diocèse de Saint-Pol de Léon mais aussi partiellement dans ceux de Cornouaille et de Tréguier53.

22De même, le dernier comte d’Alet semble avoir disparu au X^e siècle au profit de son vicomte. Son pagus avait été démembré au IX^e siècle pour transformer le monastère de Dol en évêché et au X^e pour créer les diocèses de Saint-Brieuc et de Tréguier54. Entre le XI^e et le début du XIII^e siècle, ces deux derniers ressorts ecclésiastiques verront apparaître les comtés de Guingamp et de Lamballe qui seront au cœur de notre recherche.

23L’étude des institutions seigneuriales bretonnes demeure partiellement marquée par les analyses d’Arthur de La Borderie, dont Planiol dénonçait déjà le « patriotisme puéril55 ». Comme le firent remarquer Hubert Guillotel et Joëlle Quaghebeur à l’occasion du centenaire de la mort de l’érudit breton56, les synthèses séduisantes de La Borderie incitent à délaisser les sources57 et reposent sur une vision monolithique des grandes divisions féodales supposées inchangées du IX^e aux Temps Modernes58.

24Comme il l’avouait dans son Essai sur la géographie féodale, La Borderie s’était appuyé d’une part sur les aveux et déclarations conservés pour la période du XV^e au XVII^e dans les archives de la chambre des comptes de Nantes et d’autre part sur le Livre des Ostz, établi en 1294 afin de comptabiliser l’aide militaire que le duc pouvait attendre de ses vassaux directs59. Pour La Borderie, les ressorts mentionnés dans ce dernier document, les « baillies », correspondaient exactement aux grands comtés de la Bretagne du IX^e siècle60.

25Cette « construction féodale » n’échappait évidemment pas au « bretonisme61 » exacerbé de l’érudit selon lequel de grands fiefs-frontières avaient été confiés à des hommes de pur sang breton venus directement de l’ouest bretonnant afin de garder l’est de la Bretagne contre toute invasion des Francs.

26Car pour La Borderie, la « nation bretonne » en cours d’affirmation au IX^e résistait à la nation franque dite « germanique », « plongée dans la barbarie »62. C’était « le génie de Noménoë créateur de la nation bretonne » qui, après avoir imposé aux Bretons « une discipline d’unité », avait rendu possible la « délivrance » en « levant la bannière de l’indépendance63 ».

27Si l’auteur était sensible à la personnalité du chef breton, c’était essentiellement parce qu’il sortait de ce peuple fier et courageux : Noménoë et ses successeurs étaient décrits sans passé, sans attaches familiales particulières. L’auteur portait en priorité son attention sur les humiliores et les institutions qui les intéressaient directement. Les potentes, autrement dit la noblesse, demeuraient absents de sa réflexion64.

28Dans la continuité de Karl Ferdinand Werner, les travaux d’Hubert Guillotel, Jean-Pierre Brunterc’h, Julia M. H. Smith ou Joëlle Quaghebeur ont sévèrement ébranlé le mythe de l’obscur chef breton65. Noménoë était issu d’un lignage qui n’avait sans doute rien à envier aux grandes familles neustriennes ou austrasiennes. Fidèle de Louis Le Pieux depuis 818, il était membre de la haute noblesse de l’Empire franc. Ceci explique que son fils Erispoë ait accédé un peu plus tard au titre royal breton, concédé par Charles le Chauve66. De même, la petite-fille de Noménoë fut fiancée à Louis le Bègue, petit-fils de Louis le Pieux et fils de Charles le Chauve. Si ce mariage avait eu lieu, la reine de Francia occidentalis aurait été bretonne67.

29Leur appartenance à la nobilitas faisait sortir les dynastes bretons du cadre étroit dans lequel le bretonisme rêvait de les contenir. La noblesse était certes héréditaire mais il s’agissait d’une hérédité de rang (dignitas), liée, depuis l’Empire romain, à l’importance des charges publiques (honores) exercées par la famille du nobilis. Ce dernier cherchait une femme de sa condition si ce n’est supérieure, de même rang, pas nécessairement de même origine. Compte tenu des interdictions à mariage pour raison de parenté imposées par le droit canonique à la fin du haut Moyen Âge, les nobiles contractaient des alliances avec des familles issues de régions éloignées.

30Prisonnier de sa logique « nationale », La Borderie ne pouvait concevoir le brassage des origines et la grande mobilité de la noblesse. Les gardiens de ses « fiefs-frontières », qu’il rêvait de pur sang breton, étaient apparentés à des familles nobles extérieures au duché. Ainsi, les Fougères étaient à la fin du X^e siècle des gestionnaires de domaines publics au Nord-Est du comté de Rennes, à proximité de l’Avranchin. Au milieu du XI^e, Main II de Fougères était marié à Adélaïde fille de Girois, d’origine bretonne mais installé au pays d’Ouche en Normandie, dans la première moitié du XI^e siècle. Son fils Raoul de Fougères devait épouser la petite fille du comte Gilbert de Brionne68.

31De même, les études prosopographiques menées par Michael Jones et Katerine Keats-Rohan69 sur les participants à la conquête de l’Angleterre démontrent la forte présence bretonne dans les rangs de Guillaume le Conquérant et les rapports étroits que ces « expatriés » conservèrent avec leurs parents demeurés sur le continent. Très logiquement, Judith Everard, dans sa thèse récente consacrée au gouvernement du duché par les Plantegenêts, conclut que, contrairement à l’analyse encore souvent reçue, cette période de 1158 à 1203 ne fut pas l’ouverture d’une société celtique à un monde plus large qui aurait entraîné la réception d’institutions nouvelles et étrangères à ce milieu70.

32Faute d’une étude récente sur le littoral nord, Judith Everard fut paradoxalement contrainte pour cette région de s’inspirer de la géographie féodale de La Borderie71. Ce dernier désignait les comtés de Guingamp et de Lamballe sous les vocables respectifs de Tréguier et Penthièvre pour mieux les assimiler au diocèse et à l’archidiaconé du même nom72. Ces ressorts ecclésiastiques étaient supposés conserver les limites de pagi homonymes73, énoncés dans la Vie brève de saint Tugdual que La Borderie datait du VI^e siècle. L’érudit breton ignorait d’une part que le diocèse et l’archidiaconé en question étaient beaucoup plus tardifs ; d’autre part que la Vie de saint Tugdual se révèlerait être un faux de la seconde moitié du XI^e siècle74. Elle atteste cependant pour la première fois de l’existence de territoires, dont la nature et l’étendue restent encore à préciser75.

33L’origine des comtés de Guingamp et de Lamballe est évoquée pour la première fois dans une enquête de 1235 portant sur les spoliations que l’héritier de ces comtés, Henri d’Avaugour, avait subies de la part du duc Pierre Mauclerc. Les témoins, dont certains avaient plus de quatre-vingts ans, attribuaient la création de ces ressorts au comte Étienne, arrière-grand-père d’Henri, qui dans le premier tiers du XII^e siècle, aurait divisé son « comté de Pleteva’ » entre deux de ses fils, un troisième recevant le comté de Richmond qu’Étienne avait hérité de ses frères aînés compagnons de Guillaume le Conquérant.

34Force est de constater qu’aucune autre source ne vient corroborer l’existence de Pleteva’, érigé sur les ruines du comté d’Alet dont semblait encore relever cette région au X^e siècle76. Il n’en demeure pas moins que la famille d’Étienne demeure le seul lignage comtal identifié dans cette contrée dès le XI^e siècle.

35Étienne était le plus jeune fils du comte Eudes, fondateur du lignage, frère cadet du duc de Bretagne Alain III. Présenté par l’historiographie classique comme un ambitieux jaloux de son aîné, Eudes aurait profité de la mort de ce dernier en 1040 pour gouverner la Bretagne sous couvert d’exercer la régence pendant la minorité de son neveu Conan II. En 1047, le jeune homme, soutenu par une noblesse unanime, aurait finalement brisé le joug de son oncle. Celui-ci se serait retiré dans son « comté » de la côte septentrionale que son frère lui aurait constitué dès 1034. Les Eudonides auraient été dès lors les adversaires les plus déterminés du pouvoir ducal jusqu’à ce que Henri d’Avaugour soit finalement spolié des comtés de Guingamp et de Lamballe par le duc Pierre Mauclerc au début du XIII^e siècle.

36L’émergence de nouveaux comtés autour de l’an mil a été observée en maintes régions du royaume78 notamment en marge de principautés telles que la Bourgogne79, la Normandie80 ou la Flandre81. Ces « comtés périphériques » découleraient de « zones externes » échappant au pouvoir direct des princes82, où des potentats locaux se seraient constitués de petites entités territoriales, souvent moins étendues qu’un pagus, parfois juste une châtellenie, qu’ils auraient érigées en « comtés83 ».

37En l’occurrence, la tradition suggère que le « comté » des Eudonides procèderait au contraire d’un pouvoir ducal assez affermi sur le littoral nord pour en modifier l’organisation politique. Le nouveau ressort n’aurait échappé à la sphère ducale qu’après la brouille entre Eudes et son neveu au milieu du XI^e. L’apparition de « comtés périphériques » ne révèlerait donc pas nécessairement des zones de recul du pouvoir princier mais peut-être parfois des zones de renforcement voire d’extension d’une principauté par une organisation originale de ses marges. En ce sens, les « comtés périphériques » observés sur le continent seraient à rapprocher des « comtés » créés par Guillaume le Conquérant pour protéger la frontière écossaise de l’Angleterre, parmi lesquels figure Richmond, autre possession des Eudonides.

38Paradoxalement, l’abondance des sources anglo-normandes nous éclaire très peu sur la genèse de ces territoires compacts du Yorkshire. Bien que ses détenteurs aient porté le titre comtal dès l’origine, les spécialistes anglosaxons considèrent Richmond comme une « seigneurie » (lordship) d’un genre particulier dont l’érection en véritable comté (shire) ne daterait que de la succession du comte Étienne (1135/1136). Le titre comtal que l’on reconnaissait outre-Manche à ce dernier, et à ses frères qui le précédèrent, n’aurait été qu’honorifique.

39Cette question de la signification de la titulature, commune à tous ces comtes post-carolingiens, se pose avec d’autant plus de force pour les Eudonides. Issus de la dynastie ducale des comtes de Rennes, les Eudonides tenaient-ils leur titre comtal de leurs origines illustres ou de l’exercice de charges publiques confiées dès XI^e siècle par le duc de Bretagne puis par celui de Normandie ?

40La dévolution du titre au sein du lignage n’est guère plus facile à interpréter. L’apparente diffusion du titre comtal dans les branches ainées et cadettes correspondait-elle à une division des terres, égalitaire ou non ? De même, la succession de frère à frère des fils d’Eudes établis outre-Manche84 et le célibat de trois d’entre eux, étaient-ils une expression de la volonté du roi anglo-normand ou au contraire la manifestation de règles matrimoniales propres au lignage ? Le partage effectué par le comte Étienne dans le premier tiers du XII^e obéissait-il à des principes établis dès le XI^e siècle ou marquait-il une évolution du droit successoral avant que l’Assise au comte Geoffroy ne généralise l’aînesse (1185)85 ? À une époque où le pouvoir se transmettait héréditairement, le « politique », le « familial » et le « juridique » étaient ainsi intimement liés, sans que l’on sache toujours très bien lequel de ces apects déterminait les deux autres.

41L’absence d’étude générale consacrée aux Eudonides s’explique largement par la pauvreté des sources diplomatiques86 concernant le littoral nord87. Ainsi n’existe-t-il aucun cartulaire pour les ressorts des évêchés de Saint-Pol de Léon et de Tréguier et un seul pour Saint-Brieuc, celui de l’abbaye Saint-Aubin des Bois qui ne date que du XIV^e siècle88. Pour le haut Moyen Âge, l’histoire politique et sociale du territoire correspondant à ces trois circonscriptions nous échappe presque totalement89.

42Les églises du littoral nord n’ont guère conservé de privilèges des Eudonides. Ces derniers ne s’étaient pourtant pas refusés à doter des abbayes mais cette région, grand axe de pénétration en Bretagne nord, eut à subir des destructions importantes et répétées90.

43Saint-Jacut, abbaye florissante sous Alain III, n’a longtemps proposé pour le XI^e siècle que deux donations mineures de la dernière décennie91. Récemment, Judith Everard a exhumé trois chartes et une notice du dernier quart du siècle révélant l’attachement des Eudonides pour cette abbaye92. En revanche, le premier privilège de Saint-Jacut pour le XII^e siècle demeure une bulle confirmative du pape Alexandre III du 4 juin 1163. Sept actes s’échelonnent ensuite jusqu’au milieu du XIII^e siècle, sans mention des Eudonides.

44Abbaye carolingienne probablement restaurée, après le départ des Scandinaves, par les comtes de Rennes, Saint-Magloire de Léhon n’a pas conservé d’actes antérieurs au milieu du XII^e siècle. Une vingtaine se suivent à intervalles assez réguliers jusqu’au premier tiers du XIII^e siècle, parmi lesquels deux donations d’un fils du comte Étienne vers 115093.

45Le souvenir de la fondation du monastère de Saint-Pern est maintenu grâce à un évangéliaire conservé à Notre-Dame de Tongres94. Suite aux incursions scandinaves, ce petit monastère situé à la frontière des diocèses de Saint-Brieuc et d’Alet, était tombé entre les mains de laïcs95. Une donation de ces derniers mentionne au milieu du XI^e siècle un comte Robert, probablement un fils du comte Eudes96.

46La réformation de Sainte-Croix de Guingamp fut confiée par le comte Étienne à l’abbaye blésoise de Bourg-Moyen97. Trois actes, dont une bulle confirmative de Calixte II, révèlent dans quelle mesure le fils d’Eudes et son épouse favorisèrent à travers cet établissement l’essor du mouvement canonial dans le premier quart du XII^e siècle98.

47Fondée également par le comte Étienne ou par ses fils99, Bégard servit de nécropole à certains membres du lignage100. Comme beaucoup d’abbayes cisterciennes, elle n’eut sans doute jamais de charte de fondation. De même, les documents concernant le XII^e et le XIII^e siècles sont extrêmement rares101. Seuls cinq actes visent directement les Eudonides102.

48Fille de Bégard, Saint-Aubin des Bois n’a pas non plus de charte de fondation. Son privilège le plus ancien remonte à 1159. Les documents postérieurs dépassent la cinquantaine dans le premier quart du XIII^e mais les Eudonides ne sont mentionnés que dans six d’entre eux103.

49En fait, parmi les établissements du littoral nord, ce sont les deux dernières fondations des Eudonides, Saint-Rion vers 1184, et Beauport en 1202, qui conservent le plus de documents sur ce lignage et ses possessions en Bretagne : une trentaine en tout au premier quart du XIII^e.

50Certaines donations des Eudonides sur le littoral nord nous sont parvenues parce qu’elles furent conservées non dans les archives des établissements locaux mais dans celles de leurs abbayes mères. Il en est notamment ainsi du prieuré de Saint-Melaine de Rennes à Guingamp, de celui de Saint-Georges de Rennes à Pleubian, ou encore de celui de Marmoutier à Lamballe.

51Parmi les abbayes bretonnes, Saint-Melaine de Rennes est probablement celle qui conserve le plus grand nombre d’actes du XII^e siècle, mais il n’en existe pas un seul pour le XI^e104. Ce fonds fournit toutefois sept actes de la première moitié du XII^e siècle liés directement aux Eudonides105.

52Victime d’un incendie en 1182, Saint-Georges de Rennes n’a conservé aucun original antérieur à cette date. Il devait toutefois rester des copies puisque d’une part l’évêque de Rennes était en mesure en 1280 de dresser un vidimus de l’acte de fondation de l’abbaye et d’autre part un cartulaire regroupant les actes les plus anciens était compilé au XIV^e siècle106. Essentiellement possessionnée en Rennais, Saint-Georges avait bénéficié dans la première moitié du XI^e siècle de donations des comtes de Rennes au nord-ouest du Trégor. Le prieuré Saint-Georges de Pleubian notamment fut sans doute au cœur des préoccupations des Eudonides puisque ceux-ci apparaissent dans six actes relatifs à cet établissement107.

53Largement comblée par les ducs de Bretagne108, l’abbaye tourangelle de Marmoutier bénéficia également des faveurs des Eudonides. Ainsi fut-elle chargée à la fin du XI^e siècle d’un prieuré à Lamballe pour développer un bourg au pied du château comtal109. L’acte de fondation de Saint-Martin de Lamballe demeure encore aujourd’hui l’acte le plus ancien conservé en original aux Archives départementales des Côtes d’Armor. Le fonds de Saint-Martin de Lamballe contient une dizaine d’actes relatifs aux Eudonides mais répartis assez irrégulièrement jusqu’au premier quart du XIII^e siècle. Marmoutier fonda également un prieuré à Jugon à partir d’une donation des Dinan confirmée par le comte Étienne au début du XII^e. Saint-Sauveur de Guingamp lui fut aussi confiée en 1151 aux dépens de Saint-Melaine de Rennes110.

54Concurrente de Marmoutier dans la captation des donations, Saint-Florent de Saumur, notamment par les actes relatifs au prieuré Saint-Florent sous Dol, permet de suivre les interventions des Eudonides dans le Dolois à la fin du XI^e siècle111. Ces quelques mentions ne peuvent malheureusement pas compenser la destruction des archives de la cathédrale de Dol en 1202.

55D’autres abbayes angevines ont conservé la trace des liens profonds qui unissaient les Eudonides au comte d’Anjou dans le deuxième tiers du XI^e siècle. Ainsi, un acte rappelle-t-il la restitution à Saint-Aubin d’Angers d’une terre que le comte Eudes tenait de Geoffroy Martel. Une notice signale également la présence d’un fils du comte Eudes en Anjou lors d’une importante donation à Saint-Aubin. De même, dans le dernier quart du XI^e, Saint-Serge d’Angers avait recu Swavesey (Cambridgeshire) d’Alain le Roux, premier Eudonide placé à la tête de Richmond112.

56Le cœur de cet honor, centré en Yorkshire, fournit quelque centtrente actes relatifs aux Eudonides. S’ils révèlent en priorité l’activité des Eudonides outre-Manche, les renseignements que l’on y trouve éclairent souvent les sources bretonnes de façon déterminante.

57Issus des comtes de Rennes, les Eudonides apparaissent, sur deux siècles, dans presque une quarantaine d’actes des ducs de Bretagne. Ils sont mentionés plus épisodiquement auprès d’autres princes territoriaux (duc de Normandie, comte d’Anjou, comte de Blois, comte de Flandre), des rois de France et d’Angleterre, sans oublier le pape.

58Limité à une petite centaine d’actes pour le littoral nord de la Bretagne, à un peu plus du double en tout, le corpus diplomatique des Eudonides sur deux siècles a de quoi désespérer les chercheurs les plus téméraires. À titre de comparaison, Joëlle Quaghebeur, qui déplore l’indigence des sources cournouaillaises, dispose d’environ cinq cents actes113.

59Conséquence de l’« effet de source », les lacunes de la documentation conduisent à une perception faussée tant sur le plan spatial que sur le plan temporel114. D’une part, le comté de Richmond est mieux connu que ceux de Guingamp et Lamballe. L’entrée de l’honor anglais dans le patrimoine ducal dès le deuxième tiers du XII^e siècle a d’ailleurs rendu encore plus opaque la destinée ultérieure des deux comtés bretons. De même, le comté de Lamballe et le diocèse de Saint-Brieuc paraissent plus lisibles que le comté de Guingamp et l’est du diocèse de Tréguier. D’autre part, si la documentation bretonne est assez satisfaisante jusqu’au milieu du XI^e siècle115, elle devient ensuite très aléatoire, quoique épisodiquement éclairée par des fondations de la fin du siècle. Elle ne retrouve une certaine cohérence qu’après le milieu du XII^e et ne se densifie vraiment qu’à l’approche du XIII^e siècle. Les actes de Richmond permettent de combler partiellement le vide relatif de la première moitié du XII^e.

60Les sources diplomatiques seront interprétées à la lumières des principales sources narratives de l’époque telles que notamment les écrits de Guillaume de Poitiers, Guillaume de Jumièges, Orderic Vital ou Robert de Torigni, mais aussi différentes chroniques voire certains textes hagiographiques. De même, les premières mentions de châteaux, souvent tardives, seront confrontées aux rares données archéologiques dont on dispose pour le littoral nord afin d’apprécier, au moins sommairement, l’évolution des centres de pouvoirs aux temps post-carolingiens.

61L’étude des lignages châtelains en Bretagne nord a été profondément renouvelée par Michael Jones, Christophe Amiot, Michel Brand’Honneur sans oublier Katerine Keats-Rohan. Leur expérience nous a permis de combler certaines lacunes des sources diplomatiques et surtout de nous garder de théories séduisantes sur le papier mais bien faibles face à la dure réalité du terrain.

62Karl-Ferdinand Werner a depuis longtemps souligné combien l’étude du principat français eut à souffrir par le passé de l’intérêt extraordinairement médiocre porté à l’histoire politique soutenu par l’idée fausse et funeste que dans ce domaine l’essentiel avait déjà été fait116. En l’occurrence, l’établissement des faits et d’une chronologie fiable est indissociable de toute analyse juridique poussée. Comment étudier la transmission des biens d’un lignage sans connaître les membres de ce lignage de manière la plus exhaustive possible ? Comment étudier l’émergence d’une règle de droit si l’on n’a aucune idée des données chronologiques qui y ont nécessairement contribué ?

63En l’occurrence, les Eudonides n’ont fait l’objet d’aucune étude digne de ce nom depuis les travaux de La Borderie, si ce n’est quelques articles d’Hubert Guillotel, Michael Jones117 et Jean-Pierre Brunterc’h118.

64Ce canevas historique mettra en lumière le poids du pouvoir comtal face au pouvoir ducal et ainsi permettra d’apprécier l’unité politique bretonne aux XI^e-XII^e siècles. Cette dernière était-elle possible tant que les Eudonides contestèrent la légitimité de la dynastie ducale de Cornouaille qui avait succédé à celle de Rennes119 ?

65Une fois précisée la dimension politique des Eudonides, il sera dès lors possible d’étudier comment ils exercèrent cette puissance sur les hommes dont ils avaient la charge. La noblesse avait pour vocation d’assumer une charge publique dans l’intérêt de la communauté et selon la volonté de Dieu. L’on s’attardera tout d’abord sur le fondement juridique de ce pouvoir afin d’en préciser le ressort territorial. Comment le berceau historique du lignage fut-il constitué ? Conservait-il des traces de l’héritage carolingien et quel y fut l’impact de la seigneurie châtelaine ? L’extension de la principauté au-delà de la Manche eut-elle à son tour des répercutions sur l’organisation seigneuriale du berceau historique des Eudonides ? Il s’agira également d’étudier la transmission de ce patrimoine, son éventuelle ventilation entre les héritiers et l’évolution des pratiques successorales en fonction du contexte politique.

66L’emprise « temporelle » des Eudonides sur ce territoire sera ensuite envisagée à travers les prérogatives du comte et le personnel en garantissant l’effectivité. À l’instar de Jean-François Lemarignier et d’Eric Bournazel, nous pensons que connaître avec le plus de rigueur possible les personnages qui composent l’entourage d’un prince est le point de départ essentiel pour comprendre l’origine même des décisions qu’il prend120. L’approche prosopographique, qui permettra de dresser des parentés, de constater des alliances ou d’apprécier des patrimoines, nous éclairera sur le problèmes des groupes : quels milieux étaient représentés auprès du comte ? Se formait-il des clans et comment ces derniers se maintenaient-ils121 ?

67Enfin, l’encadrement « spirituel » de la communauté par les comtes de Bretagne clôturera notre démonstration. Y seront essentiellement abordés les rapports des Eudonides avec le clergé séculier et régulier en ces temps de réforme religieuse.

68Nous pourrons dès lors confirmer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle la Bretagne serait restée extérieure aux évolutions politiques et juridiques de l’Occident jusqu’à sa soumission à l’ordre capétien au début du XIII^e siècle. Sur un plan plus général, l’exemple des comtes de Bretagne offrira l’occasion de s’interroger sur la contribution de la noblesse au développement du royaume. Le temps des principautés fut-il une période d’anarchie ou une période de reconstruction patiente, œuvre d’une noblesse soucieuse tant de ses intérêts que du bien commun, et dont le roi capétien sut tirer les fruits ?