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La puissance royale

 | 
Christian-Georges Schwentzel
, 
Emmanuelle Santinelli-Foltz

Deuxième partie. Les emblèmes et la mise en scène du pouvoir monarchique

Représentations et attributs des rois gaulois de la Gaule Chevelue

Laurent Lamoine

Texte intégral

  • 1 Cicéron, Correspondance, III, 134 (= Fam., VII, 5) ; la traduction est de L.-A. Constans (Paris, 1 (...)

[lacune] quem mihi commendas, uel regem Galliae faciam…, « M. †…, que tu me recommandes, j’en ferai, s’il le faut, un roi de la Gaule1… »

  • 2 J.-P. Roux, Le roi. Mythes et symboles, Paris, 1995.
  • 3 Bon exemple avec H. Hubert, Les Celtes depuis l’époque de La Tène et la civilisation celtique, Par (...)
  • 4 J.-L. Brunaux, Nos Ancêtres les Gaulois, Paris, 2008, p. 19.

1Quand Jean-Paul Roux, célèbre orientaliste, étudia la figure du roi dans les sociétés anciennes de l’Antiquité et du Moyen Âge d’Europe et d’Asie, il consacra la portion congrue aux rois celtes, encore évoquait-il uniquement les rois du monde celte insulaire médiéval2. J.-P. Roux se plaçait en fait dans le sillage de spécialistes de la civilisation celtique qui, pour décrire les institutions politiques des anciens Celtes dont les Gaulois, utilisent en effet, jusqu’à l’excès peut-être, les sources irlandaises et galloises du Moyen Âge. Dans ces études, les rois gaulois sont convoqués en règle générale comme les derniers avatars, bien fantomatiques et réputés décadents, du système monarchique celte de l’Antiquité, qui est alors reconstruit pour l’essentiel grâce à la lecture régressive des épopées et des autres textes médiévaux de l’Irlande et du pays de Galles3. La raison majeure de cette démarche réside dans la quasi-absence de sources directes qui met l’historien contemporain dans une situation de malaise. Ce constat veut-il dire pour autant que prétendre étudier les représentations et les attributs des rois gaulois constituerait une gageure ? Toute réponse négative à cette question ne signifie pas que l’on ignore les difficultés de la tâche dont certaines peuvent en effet se révéler être de sérieux écueils, voire des impasses. Les fâcheux voudraient que la nouveauté dans l’histoire de la Gaule ne vienne que de l’exploitation des découvertes archéologiques, les sources littéraires étant à la fois extérieures (gréco-romaines), partielles et partiales, et leur étude rebattue. En réalité, la voie à suivre est celle de « l’utilisation concertée de sources documentaires qui, jusqu’à présent, s’ignoraient » afin d’établir « un mutuel jeu d’éclairage entre les traces qu’ont laissées les faits et les mots pour les décrire4 ». Et quand ce dialogue n’est pas possible, il est stérile de toute façon de s’interdire d’étudier les sources écrites et iconographiques, élaborées soit par les Grecs et les Romains sur les Gaulois, soit par des Gaulois même si on juge qu’ils étaient sous influence. Cette situation est d’autant plus dommageable que la royauté ne semble pas avoir été un régime mineur dans l’histoire institutionnelle des Gaules. Même en Gaule Chevelue, à l’époque de la guerre des Gaules, elle n’est pas encore une institution totalement obsolète comme le pensent pourtant bon nombre d’historiens. Même si j’ai centré mon propos sur les rois de la Gaule Comata, je ne m’interdirai pas le recours à des exemples observés dans les autres territoires du monde celte, voire même en Germanie.

Un phénomène difficile à saisir

2Comme je viens de le rappeler, il n’existe quasiment pas de documentation directe sur les rois gaulois, j’entends par documentation directe un ensemble de documents produits par les Gaulois eux-mêmes, selon des principes qui leur auraient été propres. En fait, seules les frappes monétaires gauloises pourraient correspondre à cette définition.

  • 5 L’étude approfondie de la grande tombe de Hochdorf (VIe siècle av. J.-C.) par S. Verger (« La gran (...)

3L’archéologie semble fournir une issue car l’analyse et l’interprétation de tombes princières ont donné des résultats inattendus et significatifs, mais, malgré l’existence de ces dossiers particulièrement bien documentés5, il est difficile aux commentateurs d’affirmer le caractère royal ou non des défunts qui restent, dans la phraséologie de la discipline, des chefs ou des princes.

Une documentation indirecte

  • 6 M. Rambaud, L’Art de la déformation historique dans les Commentaires de César, Paris, 1966.

4Ce sont en effet les auteurs grecs et romains qui constituent les principaux témoins sur les rois gaulois. Encore faut-il préciser de suite les difficultés que présente cette documentation. Les informations sont souvent allusives ou anecdotiques ; en outre elles sont souvent le résultat d’une transmission des faits, en cascade, d’auteur à auteur entre le IIIe siècle av. J.-C. et l’époque impériale. Si certains savants se voulaient ethnographes, comme Poseidonios d’Apamée, la plupart des écrivains ne partageaient pas ce souci et ne s’interdisaient pas d’inventer des faits ou bien de verser dans la légende. Enfin, si les auteurs anciens concouraient bien à forger l’image d’un monde gaulois intemporel, ils ne vivaient pas, quant à eux, dans une tour d’ivoire mais composaient leurs œuvres, immergés dans les idéologies de leur temps, qui façonnaient les interprétations des faits gaulois qu’ils étaient amenés à évoquer. Ils pouvaient aussi avoir des arrière-pensées politiques qui instrumentalisaient les faits et les événements observés en Gaule. Toutes ces caractéristiques conduisent naturellement au célèbre paradigme de « l’art de la déformation », si cher à Michel Rambaud qui en avait magistralement repéré et expliqué les arcanes dans l’œuvre de César6.

  • 7 E. García Riaza, « Escrituras de guerra. Particularidades de la comunicación textual durante la ex (...)

5Les Gaulois ont pourtant bien produit des discours sur le pouvoir, à la fois écrits et iconographiques, que seule leur entrée dans le monde gréco-romain entre le IIIe siècle av. J.-C. et le début du Principat a dilué dans l’océan de la latinité et des mentalités romaines. L’usage privé et public de l’écriture semble banal à l’époque de la guerre des Gaules7. Entre la fin du IIIe siècle av. J.-C. et le début de l’Empire, les inscriptions gallo-étrusques (souvent bilingues avec le latin) et les inscriptions gallo-grecques sont attestées en Cisalpine pour les premières et en Transalpine pour les secondes ; à l’époque césarienne, les inscriptions gallo-grecques font leur apparition en Gaule Chevelue en suivant l’axe du Rhône et de la Saône. Les inscriptions gallo-latines apparaissent dans les Gaules au Ier siècle av. J.-C. Elles coexistent avec les inscriptions latines pendant l’Empire et il est bien difficile de donner une date pour leur disparition. Malheureusement, on ne connaît pas d’inscription gauloise sur pierre évoquant un roi. Bien entendu, la seule présence du suffixe rix dans une séquence onomastique ne suffit pas à créer un roi, même si cet usage permettait peut-être aux bénéficiaires de se sentir d’essence royale.

  • 8 J.-B. Colbert de Beaulieu, « Les monnaies gauloises au nom des chefs mentionnés dans les Commentai (...)

6Le développement de l’usage de la monnaie est à peu près contemporain. La pièce de monnaie offre un espace, certes limité, qui permet cependant d’exposer des images et un texte, une légende monétaire. Les limites de ce type de document sont de deux ordres. La légende peut se résumer à un nom ou à une séquence onomastique, sans précision de titre (roi ou magistrat). L’iconographie peut être soit imitée de modèles grecs ou romains, soit abandonnée à l’imagination de l’artiste. Il est souvent difficile de ramener ces discours à des réalités historiques précises. Dans ces conditions, les rois monétaires sont souvent insaisissables, excepté les rois du temps de la guerre des Gaules (Adiatuanus, Commius, Tasgetius et Vercingétorix) pour lesquels on peut croiser les données issues des types monétaires et du récit de César8.

L’ambivalence du jugement romain

  • 9 Tacite, Histoires, IV, 74, 1.
  • 10 P.-M. Martin, L’idée de royauté à Rome, I, Clermont-Ferrand, 1982, p. 339-360.
  • 11 César, La Guerre des Gaules, VII, 4. De même, les personnages d’Orgétorix (I, 2, 3 et 4), de Casti (...)

7Le jugement des auteurs romains sur la royauté en général, et sur la royauté gauloise en particulier, est ambivalent. Tacite, dans le discours aux Trévires et aux Lingons qu’il prête à Q. Petilius Cerialis en 69 apr. J.-C., fait dire au général de Vespasien que la Gaule ne connaissait que des royautés et des guerres avant de se soumettre aux lois de Rome9. Dans ce texte, la royauté gauloise est assimilée à un élément de désordre et de barbarie d’un temps révolu. Les Gaulois, intégrés à l’Empire romain et parti-prenants de son gouvernement, jouissent désormais de la paix et de la sécurité face aux Germains contenus outre-Rhin. À l’époque de l’invasion des Cimbres et des Teutons comme à celle d’Arioviste, selon Tacite, les rois auraient été incapables d’assurer la liberté des Gaulois qui auraient été asservis aux Germains si les Romains n’étaient pas intervenus. Depuis la chute de la royauté à Rome à la fin du VIe siècle av. J.-C., ce régime est honni par les élites romaines de la République comme du Principat, malgré les similitudes entre le régime impérial et la monarchie. Les historiens romains, qui s’inspiraient sans doute de la position des grands aristocrates de la République, ont inventé le crime d’adfectatio regni, d’aspiration à la royauté, délit politique par excellence, dont même César fut soupçonné en 44 av. J.-C.10. Ce dernier n’hésita pas d’ailleurs à reprendre cette accusation dans sa Guerre des Gaules mais pour l’appliquer aux aristocrates gaulois. Dans son récit, l’infortune de Celtillus, le père de Vercingétorix, exécuté pour avoir aspiré à la royauté, est le symbole le plus fort de cette dévalorisation de la royauté11.

  • 12 Tacite, Agricola, XII, 2.
  • 13 Dion Cassius, Histoire romaine, LXIII, 22, 1.
  • 14 Tacite, Histoires, IV, 13 et 55.

8Dans le même temps, les mêmes auteurs pouvaient affecter à la royauté des Barbares d’antiques vertus, censées avoir été délaissées depuis, au moment même de la rédaction de leurs ouvrages. La royauté bénéficiait presque alors d’un a priori favorable, en comparaison avec les autres fonctions politiques qui pouvaient être observées dans le monde celte. Dans l’Agricola, Tacite prétend « [qu’] autrefois les Bretons obéissaient à des rois, et que maintenant ils sont tiraillés entre plusieurs princes par les querelles et les passions partisanes12 ». Il y a un renversement complet du paradigme et cela chez le même auteur ! Cependant, il est vrai que Tacite, comme d’autres auteurs avant lui, ne considérait pas que les Gaulois et les Bretons aient partagé le même degré de développement, les seconds étant censés être plus proches que les premiers d’un état de nature encore vertueux. Dans le même ordre d’idées, à l’époque impériale, le fait d’être d’ascendance royale est présenté comme un facteur supplémentaire de noblesse par les notables d’origine provinciale. Le sénateur romain Caius Iulius Vindex, qui se révolta contre Néron en 68 apr. J.-C., était issu, d’après Dion Cassius, d’une lignée royale d’Aquitaine13. L’ambivalence du jugement romain est perceptible dans la manière dont les sources qualifient plusieurs protagonistes de la guerre civile de 68-69 qui étaient réputés descendre de rois, tels que les Bataves Iulius Civilis et son frère Paulus ou le Trévire Iulius Classicus, co-fondateur avec les Lingons Iulius Tutor et Iulius Sabinus, de l’éphémère « Empire des Gaules »14.

Le rôle de César

  • 15 Cicéron, Correspondance, III, 134 (= Fam., VII, 5).
  • 16 M. † itfiuius ? Peut-être s’agit-il d’un Fufidius, banquier d’Arpinum, que connaissait bien Cicéro (...)
  • 17 CIL, XII, 1028.
  • 18 M. Christol et alii, « Une nouvelle dédicace de T(itus) Carisius, praetor Volcarum, près d’Ugernum(...)

9On trouve dans une lettre de Cicéron à César, datée d’avril 54 av. J.-C., une affirmation, tirée d’une missive que lui a adressée l’imperator, qui ne manque pas de sel : [lacune] quem mihi commendas, uel regem Galliae faciam…, « M. †…, que tu me recommandes, j’en ferai, s’il le faut, un roi de la Gaule15… » César demandait à Cicéron de lui recommander un autre de ses obligés qu’il aurait alors pris sous sa protection. Cicéron en profita pour lui présenter C. Trebatius qui exerça ensuite en Gaule et en Bretagne, dans le sillage de César, son métier de jurisconsulte. Dans l’étude qu’il avait consacrée en 1975 à la « féodalité » en Gaule, Serge Lewuillon avait évoqué, sans trop y croire, la possibilité que César ait réellement installé des Romains comme rois en Gaule ; dans cet extrait de la correspondance entre les deux hommes, il est question d’un personnage dont les manuscrits n’ont pas gardé suffisamment le souvenir de son nom et de C. Trebatius16. Cette idée de Romains installés comme chefs d’État gaulois, qui peut apparaître surprenante au premier abord, n’est pas ridicule, mutatis mutandis on la retrouve sous la plume de Michel Christol à propos du préteur des Volques. Avec ses collaborateurs, il a publié une nouvelle dédicace de Titus Carisius, praetor Volcarum, découverte en 2001 près de Beaucaire, identique à l’inscription conservée au Musée Calvet d’Avignon17. Dans cette étude, il va jusqu’à suggérer l’origine romaine du préteur des Volques ; à une époque « de profonds bouleversements, entre 60 et 10 avant J.-C. », on aurait confié la direction des Volques Arécomiques à un Romain portant le titre de préteur, qui aurait ainsi « exporté et imposé » cette nouvelle forme de gouvernement18.

Les rois gaulois dans César

10Le tableau ci-dessous présente les occurrences royales au fur et à mesure de la lecture des huit livres de La Guerre des Gaules, les deux colonnes de droite ont pour but de faire ressortir les informations susceptibles de caractériser la royauté dans le discours césarien.

  • 19 L’Helvète Orgétorix, l’Éduen Dumnorix, le Séquane Casticus et l’Arverne Celtillus, le père de Verc (...)
  • 20 Compte établi à partir de l’index élaboré par L.-A. Constans.
  • 21 Ce passé peut être proche, cf. l’étude de l’expression nostra memoria par J.-F. Berthet, dans J.-F (...)

11J’ai distingué quinze rois gaulois, six rois bretons (numérotés de 1 à 21), auxquels il faut ajouter le roi germain Arioviste et quatre chefs gaulois pris par le « désir d’être roi » (A, B, C, D et E)19 : vingt-cinq références en tout. César cite donc vingt et un rois contre quarante et un chefs gaulois et bretons20, certes parmi les vingt et un rois cités huit personnages appartiennent au passé, alors que commence la guerre des Gaules (no 1, 2, 3, 6, 8, 14, 18 et 19)21, autrement dit seuls treize sont contemporains de l’action de César en Gaule (n° 4, 5, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 20 et 21). Parmi ces treize rois, quatre ont été installés par César (no 7, 9, 15 et 20) tandis que trois bénéficiaient déjà (ou avaient déjà bénéficié) du titre d’ami du peuple romain à l’arrivée de César en Gaule Chevelue (no 1, 6 et D).

12À partir de l’ensemble de ces chiffres, on ne peut pas continuer d’affirmer que la royauté est obsolète, dans les faits comme dans les esprits, en Gaule Chevelue au milieu du Ier siècle av. J.-C. En outre, la situation en Bretagne ne semble pas si différente de celle observable sur le continent. Comme en Gaule Chevelue, les rois bretons ne sont pas les seuls interlocuteurs de César ; Cassivellaunus, qui reçut en 55 des Bretons le commandement suprême pour jeter les Romains à la mer, est présenté par César comme un chef issu d’un petit peuple de l’estuaire de la Tamise et non comme un roi. En revanche, quatre rois lui obéissent (n° 10, 11, 12 et 13).

  • 22 César, La Guerre des Gaules, IV, 21 et 27.
  • 23 Polybe, Histoires, X, VI, 40 et Tite-Live, Histoire romaine, 27, 19.

13La royauté se retrouve dans l’ensemble du monde celte (Gaules, Bretagne, Norique, péninsule Ibérique) et germanique ; comparée aux multiples formes de chefferies et de magistratures rencontrées dans ces territoires, elle pouvait apparaître comme emblématique d’une certaine koinè et de ce fait particulièrement adaptée pour être l’interlocutrice de l’étranger qu’il soit le voisin celte ou bien le Romain. Cette vocation diplomatique des rois expliquerait que l’on ait gardé le souvenir d’une autorité royale qui s’exerçait quelquefois sur plusieurs territoires qui restaient malgré tout distincts. Le roi des Suessions Diviciacus (no 3), Commius l’Atrébate (n° 7), dont l’autorité pouvait être reconnue dans le nord de la Gaule et en Bretagne, peut-être Celtillus (E), dans l’ensemble de la Gaule mais plus vraisemblablement dans une large Gaule centrale et méridionale, correspondaient assez bien à ce profil. On retrouve cette capacité des rois à remplir ce rôle de diplomate dans la mission de nuntius, de quasi-legatus, et d’orator Caesaris confiée par Jules César à Commius (no 7) avant l’expédition en Bretagne22. Cette aura des rois expliquerait que César, les autres imperatores et le Sénat aient été sensibles à l’institution royale, mais les Gaulois comme les autres Occidentaux n’étaient pas en reste et pensaient au titre royal pour honorer les magistrats romains. Ainsi, alors qu’il était en Espagne pour combattre les Carthaginois, Scipion, le futur Africain, fut qualifié de roi par les indigènes qui, impressionnés par ses victoires, voulaient entrer dans son alliance23.

  • 24 Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 41.
  • 25 Frontin, Stratagèmes, II, 13, 11.

14Parmi les rois que César a choisi d’évoquer, il y a plusieurs personnages hauts en couleurs dont on peut suivre les actions dans plusieurs livres de La Guerre des Gaules. Je pense à l’Atrébate Commius (no 7) et à l’Éburon Ambiorix (no 16) ; quant à Vercingétorix (no 21), il est le héros du septième livre. Ambiorix est l’ennemi par excellence dans les années 54-53. Vercingétorix, d’après Dion Cassius24, aurait eu une relation d’amitié avec César avant d’entrer en rébellion contre l’imperator et de commander l’insurrection de 52. Commius, quant à lui, offre un visage plus tourmenté encore, puisque installé roi des Atrébates par César en 57, il est présenté au début de La Guerre des Gaules comme le parangon de la fidélité à l’imperator pendant les expéditions en Bretagne. Non seulement, il combat à ses côtés, mais aussi, il reçoit une mission de confiance : une ambassade auprès des chefs bretons, et comme récompense, il obtient la royauté des Morins en 55. Pourtant, dans le contexte de l’insurrection de 52, il trahit César et participe même au commandement de l’armée de secours envoyée à Alésia. Présenté ensuite comme un chef de brigands, il échappe de peu à un attentat fomenté par le préfet C. Volusenus Quadratus, avant de s’enfuir sans doute en Bretagne où il a peut-être fait souche25. Le Commius de César est un véritable personnage de roman, il a d’ailleurs inspiré à Anatole France en 1897 son Komm l’Atrébate. Le fait que César attribue à des rois certains rôles-titres dans son récit prouve l’importance qu’il accordait à la royauté gauloise.

  • 26 Y. Le Bohec, « Vercingétorix », Rivista Storica dell’Antichità, 28, 1998, p. 85-120, en particulie (...)

15Certains historiens ont pu penser que César s’appuyait sur une institution qui était en « crise » et qui cherchait des voies de renouvellement : certaines des « créatures » de César mais aussi Vercingétorix auraient été des rois d’un nouveau style et on y décélérait volontiers des liens avec le développement du régime monarchique dans le monde hellénistique. Y. Le Bohec assimile le roi arverne aux princes hellénistiques parmi lesquels il range aussi les imperatores romains dont César. À la manière d’Alexandre le Grand, ces hommes, qui possédaient du charisme et des compétences militaires étendues, n’hésitaient pas à se lancer dans des actions audacieuses, en réussissant à cristalliser autour de leur nom de nombreux compagnons d’aventure. Du point de vue culturel, ils baignaient dans l’atmosphère de philhellénisme initiée par le Macédonien et entretenue depuis par ses épigones dans le monde méditerranéen et dans ses périphéries. En outre, comme le fait remarquer Y. Le Bohec, Vercingétorix « a vécu dans l’entourage du conquérant de la Gaule »26. Cependant, cette lecture hellénistique des faits n’épuise pas le sujet.

  • 27 Idem, Peuples et fédérations en Gaule…, op. cit., p. 25-27.
  • 28 H. Hubert, Les Celtes…, op. cit., Paris, 1932, p. 268.

16Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, les historiens ont progressivement constitué une vulgate à propos de l’évolution politique en Gaule Chevelue et supposé que César aurait pu la percevoir dans les années 50 av. J.-C. Elle est fondée sur l’idée d’une opposition entre les partisans d’un « ancien régime », dont la royauté aurait été le régime politique emblématique quel que fût son style, et les tenants de la nouveauté symbolisée par la magistrature. Les historiens classent parmi ces derniers ceux que César appelle les sénateurs et les principes (ou les primi) ciuitatum, et bien entendu les responsables politiques qu’il qualifie de magistrats. Les aristocrates « d’ancien régime » sont plus difficiles à caractériser, César évoquant plus des personnalités qu’un groupe. En outre, les ruptures intervenaient parfois au sein d’une même famille, ainsi l’opposition entre les frères Dumnorix et Diviciacus serait censée illustrer ces déchirements familiaux. Bien entendu, depuis le XIXe siècle, chaque historien a pu apporter sa pierre et des nuances à ce schéma initial27. Dans cette reconstruction de l’histoire politique de la Gaule et de l’analyse césarienne de cette dernière, la royauté était difficile à classer, à la fois une institution archaïque et, entre les mains des nostalgiques de « l’ancien régime » ou de César, une institution « révolutionnaire », fondée sur une assise sociale plus large que les anciennes monarchies ou les régimes « républicains ». Henri Hubert, en 1932, s’inscrivant dans le sillage d’ailleurs de Denis-Numa Fustel de Coulanges, osa même proposer l’appellation de « royautés démocratiques »28.

17Au sortir de l’analyse de la documentation, quelle que soit sa nature, il semble bien que les rois gaulois soient des acteurs de premier plan des événements que connaît la Gaule, en particulier au moment de l’intervention césarienne. La boutade de César, rapportée par Cicéron, prend tout son sens désormais. Le questionnement sur les représentations et les attributs des rois apparaît donc légitime, même si les documents, une fois encore, vont rendre en grande partie impressionniste la réponse à cette question.

Les rois gaulois se distinguaient-ils par des attributs ?

18Les rois gaulois portaient-ils des insignes particuliers ? La représentation physique du roi (du visage en particulier), le port du torque ou l’existence supposée de blasons royaux suffisent-ils pour répondre à cette question.

Un physique particulier ?

  • 29 Y. Le Bohec, « Vercingétorix », art. cit., p. 99-100.

19Les anciens étaient très sensibles à la physiognomonie car l’aspect physique et singulièrement la tête et le visage étaient considérés comme les reflets des qualités et du rang d’un personnage. Ces traits distinctifs, jugés très valorisants, avaient la réputation d’impressionner les contemporains, les compatriotes comme les ennemis. César a dressé un portrait physique de Vercingétorix qui illustrait l’origine noble et l’audace du roi arverne, que certains ont voulu reconnaître dans les effigies monétaires. En réalité, il est clair que l’aspect physique de Vercingétorix, comme des autres rois, nous échappe en grande partie, que l’on se fonde sur les figurations monétaires ou sur les descriptions littéraires. Les profils monétaires étaient inspirés des modèles grecs ou romains, ou bien très stylisés selon l’imagination de l’artiste, et renvoyaient plutôt à des dieux qu’à des hommes29.

  • 30 B. Sergent, Celtes et Grecs, I, Le livre des héros, Paris, 1999, p. 146-147.

20En outre, on peut considérer que ce n’est pas la royauté qui donnait la beauté mais l’appartenance à la race des héros. Pourtant, Bernard Sergent a montré que les deux notions n’étaient pas sans liens en Grèce comme dans le monde celtique quand on interrogeait les mythologies respectives. Achille comme Cúchulainn ont pu être qualifiés de rois à certaines occasions alors qu’ils n’étaient pas rois, ni des Myrmidons pour le premier, ni des Ulates d’Irlande pour le second30. Il est difficile cependant de prétendre qu’un physique avantageux appartenait exclusivement à la panoplie des ornements royaux ; la beauté est aristocratique.

Le torque ?

  • 31 L. Lamoine, Le pouvoir local en Gaule romaine, Clermont-Ferrand, 2009, p. 149-165.
  • 32 J.-L. Brunaux, Les religions gauloises. Rituels celtiques de la Gaule indépendante, Paris, 1996, p (...)

21Je me permets de renvoyer à l’étude que j’ai consacrée en 2009 au torque et à sa récupération par l’empereur romain31. Le torque est un collier rigide, en or ou en bronze, généralement ouvert, quelquefois torsadé (d’où torques ou torquis en latin), dont les extrémités sont terminées par des tampons. Depuis l’époque de Hallstatt, le torque fait partie des objets qui accompagnent les défunts d’un certain relief social, quelles que soient les régions du monde celte. À partir du IIIe siècle av. J.-C., le torque symbolise surtout la puissance que les dieux accordent à un homme, à un guerrier pour obtenir la victoire32.

  • 33 Tite-Live, Histoire romaine, 43, 5 et 44, 14.
  • 34 En 170, le Sénat remit aux ambassadeurs du roi Cincibilus des cadeaux d’une valeur de 2 000 as (po (...)

22On a pu cependant se fonder sur deux passages de Tite-Live pour arguer de la nature royale du torque gaulois33. Il s’agit de deux extraits, qui évoquent des ambassades gauloises auprès du Sénat, chronologiquement proches (170 et 169 av. J.-C.) car liés aux événements de la troisième guerre de Macédoine. Dans le premier cas, les ambassadeurs gaulois venaient se plaindre des agissements de C. Cassius Longinus, consul de 171 av. J.-C. et tribun militaire en Macédoine de 170 à 168. Dans le second cas, ils venaient proposer l’aide de leur peuple aux Romains. Dans les deux cas, le Sénat les reçut avec beaucoup de bienveillance et offrit aux legati des dons destinés à les honorer et à louer leurs rois, Cincibilus pour les premiers, et Balanos pour les seconds. À chaque fois, un ou deux torques ont été offerts aux ambassadeurs gaulois. Le rapport entre les torques et les reguli gaulois a pu ainsi être suggéré. En réalité, les colliers étaient compris dans une liste de cadeaux qui relevaient de la distinction aristocratique : torques, armes, chevaux harnachés, vaisselle et vêtements de luxe. En outre, dans le premier exemple, les torques et la série de dons s’adressaient non au roi mais à son frère qui conduisait les ambassadeurs gaulois. À la limite, c’est l’ensemble des présents diplomatiques qui pourrait définir la royauté, mais non le torque seul, mais encore faudrait-il que la liste soit canonique ce qui n’est pas le cas dans les deux exemples cités34.

Le blason ?

  • 35 P.-M. Duval, « Les monnaies et la mythologie. 4 », « Les monnaies gauloises et la mythologie celti (...)
  • 36 Ibid., p. 653-668.
  • 37 M. Poux, « Religion et société, le sanctuaire arverne de Corent », C. Goudineau (dir.), Religion e (...)

23Les rois comme les autres nobles auraient-ils pu posséder des armoiries qui auraient été reproduites sur les enseignes comme sur les pièces de monnaie ? La question a été posée plus particulièrement pour certaines représentations monétaires : sanglier, loup, aigle, tête coupée, carnyx, épée poignard ou char. Quoique Paul-Marie Duval ait appelé dans ses travaux à une extrême prudence dans la lecture des images monétaires et plutôt favorisé l’interprétation mythologique de ces représentations, il n’a pas pour autant condamné l’hypothèse de « blason[s de] chef[s] loca[ux] » qui aurait permis d’expliquer le « caractère [en apparence] décousu » de certaines images, en se fondant sur une suggestion de Claude Lévi-Strauss35. Dans son texte intitulé « La signification des images monétaires gauloises », il tente de concilier la primauté qui aurait été accordée par les autorités monétaires gauloises aux représentations divines et mythologiques avec l’évocation de « la notion de puissance » que certaines images auraient pu recéler « au bénéfice des chefs qui la détenaient sur terre ». Il semble cependant qu’il ait été surtout sensible à l’idée d’une « indifférence du pouvoir [gaulois] à l’égard de la lisibilité des images36 ». En outre, dans les études de P.-M. Duval et de ses contemporains, la collectivité comme la noblesse dans son ensemble auraient disputé aux rois la supposée science héraldique. Récemment, Matthieu Poux, en s’appuyant sur l’étude de « jetons » comportant des images, découverts dans le sanctuaire de Corent (Puy-de Dôme), développe à nouveau cette hypothèse de « monnaies frappées [de] blason[s] ». Comme ses devanciers, M. Poux évoque cependant autant des « emblème[s] civique[s] » que des signes aristocratiques ou royaux37.

24Il est ainsi difficile de distinguer les attributs utilisés par les rois car ils semblent communs à l’ensemble de l’aristocratie et renvoient aussi à l’univers des héros.

Une représentation fondée sur la qualité de l’entourage

25Les rois gaulois se reconnaissaient par la qualité de leur entourage. La série des cadeaux accordée aux ambassadeurs gaulois, rapportée par Tite-Live et examinée plus haut, témoigne que le Sénat fut sans doute sensible au décorum et à l’entourage des rois. On trouve dans les Annales de Tacite un écho à ces pratiques diplomatiques romaines.

Habui equos, uiros, arma, opes…

  • 38 Tacite, Annales, XII, 37.
  • 39 Res Gestae divi Augusti, 32.
  • 40 Tacite, Annales, XII, 37, 2 (traduction de P. Wuilleumier, revue, Paris, 2003).
  • 41 F. Perrin et J.-C. Decourt, « L’aristocratie celte dans les sources littéraires », V. Guichard et (...)

26Depuis 43 apr. J.-C., les Romains sont engagés dans la conquête de la Bretagne. Caratacus a entraîné les Atrébates de Bretagne dans la guerre contre les légats de Claude. Battu en 51, il est envoyé à Rome et présenté à l’empereur et au peuple romain lors d’une cérémonie qui rappelle les anciens triomphes. Tacite donne sa version du discours que le chef breton fut autorisé à prononcer devant Claude38. On sait par les auteurs anciens et des séries monétaires que le rebelle appartenait à une lignée de rois des Atrébates, des Trinovantes et des Catuvellauni, en relation avec les Romains depuis l’époque de César. Son arrière-grand-père, Dubnovellaunus, aurait été cité par l’empereur Auguste dans ses Res Gestae39. Dans le discours de Tacite, Caratacus fait mention de son origine prestigieuse et des attributs de sa puissance perdue : habui equos, uiros, arma, opes, c’est-à-dire « j’ai eu chevaux, hommes, armes, richesses40 ». Le chef breton termine son discours en expliquant à l’empereur que sa résistance avait assuré à Claude un surplus de gloire et qu’il attendait de la clémence du Prince le sort de devenir « une preuve éternelle » de cette vertu impériale. Caratacus n’a pas oublié qu’il était descendant de roi, peut-être roi lui-même, et l’énumération des hommes et des biens qu’il possédait avant sa défaite a pu être interprétée comme « une définition de la noblesse, plus particulièrement de la royauté41 ».

  • 42 Poseidonios, Fragment 67 = Athénée de Naucratis, Deipnosophistes, IV, 152d-f et Strabon, Géographi (...)
  • 43 Appien, Celtique, Fragments, 12, 2-5.
  • 44 Florus, Tableau de l’histoire du peuple romain, I, 37, 5.

27Cette définition fait écho au témoignage de Poseidonios, transmis par Athénée de Naucratis et qui inspira sans aucun doute aussi Strabon, sur la générosité de Luern, le père du roi des Arvernes Bituit vaincu par les Romains en 121 av. J.-C.42. Les sources ont gardé le souvenir de tournées du chef ou roi arverne dans la campagne au cours desquelles, juché sur un char, il distribuait abondamment aux nombreux membres de son entourage, nourritures et pièces d’or et d’argent. Avant sa défaite de 121, Bituit envoya à C. Domitius Ahenobarbus un ambassadeur dont l’équipage, composé de gardes, de chiens et d’un poète, reproduisait le décorum royal43. Ironie de l’histoire ou marque de respect des Romains vis-à-vis de Bituit, le roi arverne participa au triomphe de C. Domitius Ahenobarbus à Rome, « avec ses armes de toutes les couleurs et son char d’argent, tel qu’il avait combattu44 ». Dans le témoignage livien cité plus haut, le Sénat envoya au roi Cincibilus comme ambassadeurs romains deux consulaires prestigieux, C. Laelius, consul en 190 et ami de Scipion l’Africain, et M. Aemilius Lepidus, consul en 187 et 175, dans le but d’honorer le roi gaulois et de s’aligner sur le haut degré de magnificence de l’ambassade royale.

28Je ne crois pas que ces personnages, et Luern en particulier, étaient en « campagne électorale » quand ils distribuaient leurs richesses, en fait ils mettaient en scène par leur faste l’une des vertus royales, celle qui promettait à la communauté l’abondance et donc une vie moins dure.

  • 45 L. Lamoine, Le pouvoir local…, op. cit., p. 143-147.

29Le roi se reconnaît donc par le caractère munificent de sa suite, que les auteurs gréco-romains pouvaient interpréter comme la manifestation de la démesure, l’hybris des héros grecs, dont on craignait les conséquences désastreuses à moyen et long termes. La défaite de Bituit et sa relégation avec son fils à Alba Fucens en Italie furent interprétées comme les résultats de cette outrance. J’ai montré ailleurs comment cette représentation négative de la royauté gauloise avait été utilisée plus tard sous l’Empire contre l’empereur Caligula et certains personnages gaulois, ou en relation avec la Gaule, dont l’importance politique fut combattue en arguant de cet étalage de luxe outrancier45.

  • 46 J.-L. Brunaux, Les Druides. Des philosophes chez les Barbares, Paris, 2006.
  • 47 J.-M. Pailler, « Les druides de César : digression ethnographique et neutralisation historique », (...)

30Dans l’entourage des rois gaulois, on a pu mettre en exergue les compagnons d’armes et les poètes ou bardes. Certains ont voulu ajouter à ces deux catégories les druides. Il m’a semblé plus prudent de ne pas aborder dans cette étude la question des relations entre les rois et les druides car elle m’aurait entraîné sur de longs chemins sinueux et périlleux. En se limitant à la Gaule dont César réalisa la conquête, la recherche actuelle se partage, quant à la question des druides, entre partisans d’une quasi-disparition de ces philosophes et savants à l’époque de César dont l’heure de gloire aurait été donc plutôt contemporaine des IVe, IIIe et IIe siècles av. J.-C.46, et ceux qui défendent encore une actualité des druides pendant la guerre des Gaules47.

Des compagnons d’armes

  • 48 Polybe, Histoires, II, 17.
  • 49 Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XXXIV, 23.

31Polybe représente le témoignage le plus ancien conservé sur l’existence de ce compagnonnage qu’il interpréta comme une vassalité. L’historien grec décrivait l’installation des Gaulois en Italie du nord et faisait de cette organisation l’une des causes de la force et du succès des Gaulois dans la péninsule. Il prétendait tenir ses informations de sources anciennes tels les poètes tragiques48. Il est certain que le phénomène plonge ses racines dans la nuit des temps et était commun à bon nombre de sociétés à l’époque archaïque. Il faut attendre la fin de la République et le début de l’Empire pour trouver de nouvelles attestations. Diodore de Sicile évoque un certain Craton qui était accompagné de 900 gardes à l’époque de la conquête de la Gaule Bracata à la fin du IIe siècle av. J.-C.49.

  • 50 César, La Guerre des Gaules, III, 22 et Nicolas de Damas, FGrH 90 F80 (repris par Athénée de Naucr (...)
  • 51 Delamarre X., Dictionnaire de la langue gauloise, Paris, 2003, p. 277-278.
  • 52 Valère Maxime, Faits et dits mémorables, III, 2, ext. 7.
  • 53 Plutarque, Sertorius, 14, 5.
  • 54 Tacite, Annales, III, 46.

32Cependant c’est encore César, repris par Nicolas de Damas, qui apporte le témoignage sans doute le plus intéressant : il précise qu’en 56 av. J.-C., en Aquitaine, Adiatuanus (no 5), le roi des Sotiates, était accompagné de 600 gardes qu’il appelle soldurii50. L’origine et la signification du nom restent obscures même si Nicolas de Damas propose de comprendre que soldurius signifie « lié par un vœu »51. D’après nos auteurs, il est question d’amicitia, de dévouement, de deuotio même : ces guerriers sont attachés à la vie à la mort au roi. Ils profitent de ses largesses et partagent sa vie, mais, en cas de décès du monarque, ils se livrent à un suicide collectif afin de poursuivre dans l’au-delà leur service. On retrouve le même usage dans la péninsule Ibérique. En 133 av. J.-C., Numance perdue, le chef Rhétogénès détruit par le feu sa demeure et ses biens, organise des duels fatals pour ses compagnons et finit par se jeter lui-même dans le brasier52. En 72 av. J.-C., l’assassinat du chef romain rebelle Sertorius est suivi du suicide de ses nombreux féaux indigènes53. À l’époque impériale, en 21 apr. J.-C., le rebelle gaulois Sacrovir s’enferme dans sa villa et se donne la mort par le feu avec ses partisans54.

  • 55 César, La Guerre des Gaules, IV, 21, VI, 30 et I, 18.

33Dans La Guerre des Gaules, César évoque aussi les compagnons d’armes qui entourent les rois Commius (no 7) – trente cavaliers – et Ambiorix (no 16) – des comites familiaresque –, et certains chefs comme Dumnorix (C)55.

  • 56 Pour S. Kerneis, Les Celtiques. Servitude et grandeur des auxiliaires bretons dans l’Empire romain (...)
  • 57 Dion Cassius, Histoire romaine, 79, 5-6.
  • 58 S. Kerneis, Les Celtiques…, op. cit., p. 157-158, note 9, qui reconnaît aussi le rapport qui peut (...)

34Sous l’Empire, avant de s’abandonner à ses rêves alexandrins en Orient (après 214), l’empereur Caracalla se serait intéressé de près aux Germains et aux Bretons, introduisant dans le cérémonial impérial quotidien et extraordinaire des références aux traditions barbares. D’après Dion Cassius, il aurait choisi parmi les « Scythes » et les « Celtes » une garde rapprochée qu’il couvrit de faveurs56. Il permettait à ces hommes, qu’il appelait ses « Lions », d’obtenir le grade de centurion et de l’entourer de manière exclusive lors des audiences réservées aux ambassades étrangères57. Ces hommes, coupés de leur tribu et de leur famille, dont il était difficile de dire quel était leur statut juridique (esclaves, hommes libres, otages ?), pouvaient ressembler aux anciens compagnons d’armes des rois gaulois. Selon Soazick Kerneis, cette appellation de lions pourrait être un jeu de mot sur le terme signifiant brave en celtique (lew en gallois)58.

  • 59 Delamarre X., Dictionnaire…, op. cit., p. 40-41.
  • 60 César, La Guerre des Gaules, VI, 15.
  • 61 A. Daubigney, « Reconnaissance des formes de la dépendance gauloise », DHA, 5, 1979, p. 145-189, i (...)

35Ce compagnonnage guerrier est en fait difficile à appréhender car il a connu de nombreuses évolutions successives, différenciées selon les régions, qui ont conduit cette pratique, sans doute égalitaire et sacrée à l’origine, à se transformer en un clientélisme militaire et/ou domestique qui ne concernait pas que les rois mais l’ensemble des chefs. Durant ses campagnes en Gaule, César a pu observer ces transformations, mais sans se livrer cependant à une analyse fine de ces évolutions. Quand il décrit l’entourage des equites gaulois, il associe dans une même catégorie les antiques ambacti59 et les clients sans chercher à caractériser plus précisément les différents groupes60. Le compagnonnage a dû sans doute composer avec le développement de la catégorie sociale des equites, dont sont souvent issus les chefs, du mercenariat et des institutions collectives qui pouvaient amoindrir ou du moins transformer ces anciennes relations d’homme à homme61.

Les poètes ou les bardes

  • 62 L. Lamoine, « La pratique du vergobret : le témoignage de César confronté aux inscriptions », Cahi (...)
  • 63 Les bardes composaient des satires quand ils voulaient dénigrer un guerrier ou un roi.
  • 64 Athénée de Naucratis, Deipnosophistes, IV, 152ef (d’après Poseidonios).
  • 65 Idem, VI, 246 d.
  • 66 VI, 13.

36Je me suis déjà penché sur les bardes dans le sillage de Jean-Louis Brunaux62. Pour les époques les plus anciennes de la Gaule, les auteurs tributaires de Poseidonios et de Timagène, Diodore de Sicile, Strabon et Ammien Marcellin, qui écrivaient à la fin de la République et sous l’Empire, ont attribué aux bardes un rôle fondamental. Ils auraient eu la mission d’accorder ou de refuser aux guerriers la légitimité de jouir de la gloire acquise au combat et l’assurance, par la composition d’hymnes conservés dans le temps, de la consignation de la mémoire de leurs hauts faits63 ; leur parole pouvait faire et défaire les rois. Cependant, les bardes ne travaillaient pas que pour les rois. Les familles aristocratiques leur demandaient aussi de conserver la mémoire de leurs généalogies et des exploits de leurs ancêtres. D’après Jean-Louis Brunaux, les bardes auraient perdu de leur importance au IIe siècle av. J.-C. ; la mésaventure du poète de Luern, arrivé en retard au banquet royal, pourrait illustrer ce déclassement qui les muta en simples poètes de cour64. Le fait que, dans l’excursus ethnographique du livre VI de La Guerre des Gaules, inspiré de l’œuvre de Poseidonios, César ignore les bardes, pourtant cités par le savant grec65, viendrait confirmer cette idée d’un déclin au milieu du Ier siècle av. J.-C.66.

37L’importance et la qualité de l’entourage royal sont indubitables, cependant, dans la Gaule de César, le phénomène n’est plus uniquement l’apanage des rois car les chefs comme les magistrats se sont souvent emparés de ce dernier.

En guise de conclusion provisoire

38L’enquête, qui n’est pas encore achevée, conduit pour l’instant à un paradoxe. Les témoignages suggèrent que la royauté fut chez les Gaulois de la Gaule Comata une institution de première importance, avec laquelle il fallait encore compter au milieu du Ier siècle av. J.-C. Cependant, dans le même temps, rien ne permet de vraiment caractériser la fonction royale et de la distinguer avec netteté des autres formes de pouvoir suprême rencontrées dans le monde gaulois de cette époque. Il était donc difficile d’établir avec précision les attributs des rois gaulois et les codes de leur représentation. Les rois semblent le plus souvent traités comme les autres aristocrates. Seules l’accumulation de notabilia et l’ampleur du décorum et de l’entourage du roi devaient permettre de reconnaître le monarque des autres potentats.

39Le pouvoir romain avait tout intérêt à entretenir cette apparente confusion car elle lui donnait les moyens, sous la République, de s’immiscer dans les affaires gauloises, puis sous l’Empire, de récupérer au profit du prince l’ensemble des formes du pouvoir suprême gaulois, tandis que l’administration municipale romaine façonnait les civitates gauloises.

40Il reste bien entendu des points qui mériteraient d’être examinés comme la question des résidences royales ou bien la possibilité pour les femmes d’accéder à la dignité royale, en particulier en Bretagne. Les rapports entre les rois et le territoire, les lieux et les paysages ne semblent pas banals. L’aedificium circumdatum silva, la maison entourée de bois d’Ambiorix, qui permet au roi des Éburons de se sauver des griffes de César en cachant sa fuite (VI, 30), est emblématique de ces relations particulières entre l’exercice du pouvoir royal et l’espace. Dans la Bretagne révoltée contre les exactions des sbires de l’empereur Néron se détache la personnalité de la reine des Icéniens, Boudicca. Dans ces temps troublés, était-elle un succédané de son époux Pratsutagus trop tôt disparu ou bien exerçait-elle d’une manière personnelle et légitime le pouvoir royal ? Pour l’instant, pour le moins, la question reste sans réponse.

Notes

1 Cicéron, Correspondance, III, 134 (= Fam., VII, 5) ; la traduction est de L.-A. Constans (Paris, 1950).

2 J.-P. Roux, Le roi. Mythes et symboles, Paris, 1995.

3 Bon exemple avec H. Hubert, Les Celtes depuis l’époque de La Tène et la civilisation celtique, Paris, 1932, p. 265-268 ou F. Le Roux et C.-J. Guyonvarc’h, La civilisation celtique, Rennes, 1990, p. 70-76.

4 J.-L. Brunaux, Nos Ancêtres les Gaulois, Paris, 2008, p. 19.

5 L’étude approfondie de la grande tombe de Hochdorf (VIe siècle av. J.-C.) par S. Verger (« La grande tombe de Hochdorf, mise en scène funéraire d’un cursus honorum tribal hors pair », Siris, 7, 2006, p. 5-44) constitue un exemple significatif des possibilités offertes par un dossier archéologique pour mieux apprécier une histoire institutionnelle et sociale complexe.

6 M. Rambaud, L’Art de la déformation historique dans les Commentaires de César, Paris, 1966.

7 E. García Riaza, « Escrituras de guerra. Particularidades de la comunicación textual durante la expansión romana en Hispania y Galia », L. Lamoine, C. Berrendonner et M. Cébeillac-Gervasoni (éd.), La Praxis municipale dans l’Occident Romain, Clermont-Ferrand, 2010, p. 155-171.

8 J.-B. Colbert de Beaulieu, « Les monnaies gauloises au nom des chefs mentionnés dans les Commentaires de César », M. Renard (éd.), Hommages à Albert Grenier, I, Bruxelles, 1962, p. 419-446, repris dans idem et B. Fischer, Recueil des Inscriptions Gauloises, IV, Paris, 1998, p. 25.

9 Tacite, Histoires, IV, 74, 1.

10 P.-M. Martin, L’idée de royauté à Rome, I, Clermont-Ferrand, 1982, p. 339-360.

11 César, La Guerre des Gaules, VII, 4. De même, les personnages d’Orgétorix (I, 2, 3 et 4), de Casticus (I, 3) ou de Dumnorix (I, 3, 18-19, V, 6-7), adversaires acharnés du conquérant romain, sont tous affectés par ce « désir de royauté » et connaissent une fin peu glorieuse.

12 Tacite, Agricola, XII, 2.

13 Dion Cassius, Histoire romaine, LXIII, 22, 1.

14 Tacite, Histoires, IV, 13 et 55.

15 Cicéron, Correspondance, III, 134 (= Fam., VII, 5).

16 M. † itfiuius ? Peut-être s’agit-il d’un Fufidius, banquier d’Arpinum, que connaissait bien Cicéron ? S. Lewuillon, « Histoire, société et lutte des classes en Gaule : une féodalité à la fin de la République et au début de l’Empire », ANRW, II, 4, Berlin-New York, 1975, p. 425-583.

17 CIL, XII, 1028.

18 M. Christol et alii, « Une nouvelle dédicace de T(itus) Carisius, praetor Volcarum, près d’Ugernum (Beaucaire, Gard) », RAN, 38-39, 2005-2006, p. 409-423, en particulier p. 420-421.

19 L’Helvète Orgétorix, l’Éduen Dumnorix, le Séquane Casticus et l’Arverne Celtillus, le père de Vercingétorix.

20 Compte établi à partir de l’index élaboré par L.-A. Constans.

21 Ce passé peut être proche, cf. l’étude de l’expression nostra memoria par J.-F. Berthet, dans J.-F. Berthet et alii, « Les inscriptions : établissement du texte », Les discours d’Hadrien à l’armée d’Afrique. « Exercitatio », Paris, 2003, p. 83-84, reprise par Y. Le Bohec pour BG, II, 4, 7 à propos de la royauté du Suession Diviciacus ; Y. Le Bohec, Peuples et fédérations en Gaule (58-51 avant J.-C.) : lecture socio-juridique du « Bellum Gallicum », Paris, 2009, p. 26.

22 César, La Guerre des Gaules, IV, 21 et 27.

23 Polybe, Histoires, X, VI, 40 et Tite-Live, Histoire romaine, 27, 19.

24 Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 41.

25 Frontin, Stratagèmes, II, 13, 11.

26 Y. Le Bohec, « Vercingétorix », Rivista Storica dell’Antichità, 28, 1998, p. 85-120, en particulier p. 102.

27 Idem, Peuples et fédérations en Gaule…, op. cit., p. 25-27.

28 H. Hubert, Les Celtes…, op. cit., Paris, 1932, p. 268.

29 Y. Le Bohec, « Vercingétorix », art. cit., p. 99-100.

30 B. Sergent, Celtes et Grecs, I, Le livre des héros, Paris, 1999, p. 146-147.

31 L. Lamoine, Le pouvoir local en Gaule romaine, Clermont-Ferrand, 2009, p. 149-165.

32 J.-L. Brunaux, Les religions gauloises. Rituels celtiques de la Gaule indépendante, Paris, 1996, p. 98-99

et 145-146, V. Kruta, Les Celtes. Histoire et dictionnaire, Paris, 2000, p. 843-844.

33 Tite-Live, Histoire romaine, 43, 5 et 44, 14.

34 En 170, le Sénat remit aux ambassadeurs du roi Cincibilus des cadeaux d’une valeur de 2 000 as (pour chacun) ; le frère du roi reçut deux torques de cinq livres d’or, cinq vases d’argent de vingt livres, deux chevaux ornés de phalères avec leurs palefreniers, des armes et des sayons de cavaliers ; les compagnons libres et esclaves des ambassadeurs et de leur chef reçurent des vêtements. En outre, les Gaulois obtinrent le droit d’acheter dix chevaux chacun en Italie. En 169, les ambassadeurs de Balanos furent honorés par un torque de deux livres d’or, des patères d’or de quatre livres, un cheval orné de phalères et des armes de cavaliers.

35 P.-M. Duval, « Les monnaies et la mythologie. 4 », « Les monnaies gauloises et la mythologie celtique »,

Travaux sur la Gaule, I, Paris, 1989, p. 377-389 (plus particulièrement p. 389).

36 Ibid., p. 653-668.

37 M. Poux, « Religion et société, le sanctuaire arverne de Corent », C. Goudineau (dir.), Religion et société en Gaule, Paris, 2006, p. 116-134 (plus particulièrement p. 128-129).

38 Tacite, Annales, XII, 37.

39 Res Gestae divi Augusti, 32.

40 Tacite, Annales, XII, 37, 2 (traduction de P. Wuilleumier, revue, Paris, 2003).

41 F. Perrin et J.-C. Decourt, « L’aristocratie celte dans les sources littéraires », V. Guichard et F. Perrin (dir.), L’aristocratie celte à la fin de l’âge du Fer, Glux-en-Glenne, 2002, p. 344.

42 Poseidonios, Fragment 67 = Athénée de Naucratis, Deipnosophistes, IV, 152d-f et Strabon, Géographie, IV, 2, 3.

43 Appien, Celtique, Fragments, 12, 2-5.

44 Florus, Tableau de l’histoire du peuple romain, I, 37, 5.

45 L. Lamoine, Le pouvoir local…, op. cit., p. 143-147.

46 J.-L. Brunaux, Les Druides. Des philosophes chez les Barbares, Paris, 2006.

47 J.-M. Pailler, « Les druides de César : digression ethnographique et neutralisation historique », Études

celtiques, 36, 2008, p. 35-58.

48 Polybe, Histoires, II, 17.

49 Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XXXIV, 23.

50 César, La Guerre des Gaules, III, 22 et Nicolas de Damas, FGrH 90 F80 (repris par Athénée de Naucratis, Deipnosophistes, VI, 54, 249ab).

51 Delamarre X., Dictionnaire de la langue gauloise, Paris, 2003, p. 277-278.

52 Valère Maxime, Faits et dits mémorables, III, 2, ext. 7.

53 Plutarque, Sertorius, 14, 5.

54 Tacite, Annales, III, 46.

55 César, La Guerre des Gaules, IV, 21, VI, 30 et I, 18.

56 Pour S. Kerneis, Les Celtiques. Servitude et grandeur des auxiliaires bretons dans l’Empire romain, Clermont-Ferrand, 1998, p. 157, les « Scythes » seraient des Sarmates et les « Celtes » des Bretons.

57 Dion Cassius, Histoire romaine, 79, 5-6.

58 S. Kerneis, Les Celtiques…, op. cit., p. 157-158, note 9, qui reconnaît aussi le rapport qui peut être fait entre ce nom et l’intérêt que l’empereur portait aux animaux, comme Domitien, et après lui, Élagabal, il possédait un lion apprivoisé (Dion Cassius, 79, 7). Ces « lions » restent bien mystérieux. R. Thouvenot, dans un article de 1950 (« Les “lions” de Caracalla », REA, 52, p. 278-287, plus particulièrement p. 285), suggérait l’existence d’épitaphes de ces « lions » en Gaule, en Italie, en Asie Mineure et à Constantinople (sic), et donnait un exemple (AE, 1936, 254). Vérification faite, le numéro de l’inscription citée est erroné (?) et l’auteur semble confondre les « lions » avec d’autres unités qui ont pu participer sous le Haut-Empire à la garde de l’empereur : corporis custodes (sous les Julio-Claudiens), equites singulares Augusti (IIe siècle), protectores (IIIe siècle). M. P. Speidel, « Ethnic Units in the Imperial Army », ANRW, II, 3, Berlin-New York, 1975, p. 226-228, rapproche le témoignage de Dion Cassius de celui d’Hérodien (Histoire des empereurs romains, IV, 7) qui évoque une garde germanique ; en outre, il estime que l’unité a été ramenée sur la frontière germanique après l’assassinat de Caracalla (cf. la Notitia Dignitatum).

59 Delamarre X., Dictionnaire…, op. cit., p. 40-41.

60 César, La Guerre des Gaules, VI, 15.

61 A. Daubigney, « Reconnaissance des formes de la dépendance gauloise », DHA, 5, 1979, p. 145-189, idem, « Forme de l’asservissement et statut de la dépendance préromaine dans l’aire gallo-germanique », DHA, 11, 1985, p. 417-447, S. Lewuillon, « Affinités, parentés et territoires en Gaule indépendante : fragments d’anthropologie », DHA, 16/1, 1990, p. 283-358, A. Deyber, Les Gaulois en guerre. Stratégies, tactiques et techniques. Essai d’histoire militaire (IIe-Ier siècles av. J.-C.), Paris, 2009, p. 247-253.

62 L. Lamoine, « La pratique du vergobret : le témoignage de César confronté aux inscriptions », Cahiers du Centre-Glotz, 17, 2006, p. 81-104. J.-L. Brunaux, Guerre et religion…, op. cit., p. 131-135.

63 Les bardes composaient des satires quand ils voulaient dénigrer un guerrier ou un roi.

64 Athénée de Naucratis, Deipnosophistes, IV, 152ef (d’après Poseidonios).

65 Idem, VI, 246 d.

66 VI, 13.

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