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Les pérégrinations de Saint-Philibert

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Isabelle Cartron

Cinquième partie. Du monastère carolingien à celui de la fin du XIe siècle : continuités, adaptation, structuration

Chapitre XIII. Le réseau monastique de Saint-Philibert

Texte intégral

1Les moines de Saint-Philibert s’installent définitivement à Tournus et ce locus est institué à la tête de tous les biens qui en dépendent. Ce retour à la stabilité marque un premier jalon dans l’organisation du réseau monastique dont on saisit encore mal le fonctionnement. À l’aube du XIIe siècle, ce réseau atteint ses limites d’expansion géographique. Il s’agit d’examiner la façon dont il se structure au cours de deux longs siècles (Xe-XIe siècles), même si les sources ne permettent parfois que d’ébaucher cette évolution.

La politique du monastère dans le Val de Loire : continuité d’occupation ou reconquête ?

2Les dépendances situées dans le Val de Loire – Nantais, Poitou, Anjou – occupent une place particulière dans le réseau monastique, étant donné qu’elles ont été acquises par les moines avant leur installation à Tournus. Il convient alors de s’interroger sur la façon dont ces possessions se sont intégrées dans le réseau : y a-t-il une continuité d’occupation des sites, entre le IXe et le XIe siècle ? Quelle politique les moines mènent-ils dans ces régions éloignées pendant cette même période ?

  • 1 Diplôme du 19 mars 875, éd. RAC, II, no 378, p. 342.
  • 2 Acte du 10 octobre 915, éd. RAC III, no lxxxii, p. 182.
  • 3 Acte du roi Raoul du 9 avril 924 (RAR, no 5, p. 25), de Louis IV d’Outremer du 8 novembre 941 (RAL (...)
  • 4 Diplômes royaux de 915, de 941, de 956 et de 989.

3Les actes du monastère, et en particulier la série des diplômes royaux de confirmation des biens, montrent que les moines ont revendiqué leurs domaines éloignés, dès leur arrivée à Tournus. En 875, Charles le Chauve leur confirme Cunault et ses dépendances, Bussogilum, dans le Maine, la cella de Saint-Prudent et Asnières en Poitou1. En 915, le diplôme de Charles le Simple ajoute à cette liste plusieurs domaines poitevins : Azay, Curçay, Messais et Marnes2. Les quatre actes des successeurs de Charles le Simple au Xe siècle confirment les mêmes dépendances3. Toutefois, les variantes dans l’ordre de présentation des possessions et dans la graphie des toponymes laissent croire que ces confirmations ne sont pas seulement symboliques. Le groupe de domaines, situé aux environs de Messais, n’est confirmé qu’à partir de 915 ; Asnières apparaît en tête de liste en 875, puis est mentionnée comme villa, en quatrième position, en 915. Certains diplômes seulement précisent que Cunault est un monasterium4. Ces confirmations traduisent le souci constant des moines à conserver leurs biens poitevins et angevins.

  • 5 Bussogilum, Saint-Prudent, Asnières et Curçay sont confirmées jusqu’en 1060 mais n’apparaissent pl (...)
  • 6 Acte d’Henri Ier de 1059 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 126), de Philippe Ier de 1060 (éd. RAPH, no(...)

4Ces dépendances ont toutes été concédées pendant les pérégrinations des moines et ont été confirmées par Charles le Chauve. Tous les domaines acquis pendant cette période ne sont pourtant pas mentionnés, notamment ceux qui, depuis le milieu du IXe siècle, se trouvent en Bretagne ou à proximité immédiate. Une première hypothèse consiste à croire que la propriété des biens, cités dans les diplômes du Xe siècle, était mal assurée. De fait, à l’exception de Cunault, la plupart des autres dépendances ne sont plus confirmées après le diplôme de 10605. Elles n’apparaissent plus dans l’acte de mai 1119. Seuls les domaines d’Azay et de Marnes figurent parmi les dépendances de Cunault, à partir de 10596. La même hypothèse suggérerait que les dépendances n’apparaissant pas dans les actes du Xe siècle étaient, soit définitivement perdues, soit constituaient des propriétés stables qui n’avaient pas besoin d’être spécialement confirmées. Les mentions figurant dans les actes ne suffisent donc pas à résoudre la question de la continuité d’occupation des dépendances par les moines.

  • 7 Acte de Geilon de 867 ou 868 (éd. L. Maître, « Cunauld, son prieuré, ses archives… », p. 257-260). (...)
  • 8 La villa de Pusiagus, mal localisée, est concédée en 677 par l’évêque Ansoald. Celle de Messemé es (...)
  • 9 Voir supra, chapitre 3.
  • 10 L’église de Beauvoir-sur-Mer est confirmée en mai 1119 (P. Juénin, Preuves, p. 145).

5Ces actes permettent cependant de mettre en évidence une relative stabilité du domaine monastique entre le IXe et le début du XIIe siècle. En Anjou, sur les huit possessions acquises au cours du IXe siècle, seulement trois n’apparaissent plus au xie siècle (villae d’Avort, de Fontaines et de Forges). En revanche, en Poitou et en Nantais, certaines propriétés importantes sont perdues dès le IXe siècle. L’importante donation faite par Geilon, en 868, comprenant le monasterium de Saint-Fraigne et vingt-deux villae environnantes, n’a jamais été confirmée7. À l’exception de ce domaine angoumois, sur les seize dépendances mentionnées au IXe siècle, trois villae ont véritablement disparu : celles de Pusiagus, donnée en 677, de Messemé et de Chosnos8. Par ailleurs, deux propriétés se sont déplacées. La cella de Saint-Prudent semble avoir été édifiée sur l’ancienne villa de Prinçay9 ; la villa de l’Ampan, naguère port continental d’Herio, n’apparaît plus à partir du Xe siècle, mais l’église proche de Beauvoir-sur-Mer devient une dépendance du monastère10. Globalement, le domaine monastique en Val de Loire s’avère donc assez stable. Cette observation ne suffit pourtant pas à prouver une continuité de l’occupation, elle révèle surtout une politique de conservation du patrimoine monastique éloigné. Nous devons donc avoir recours à d’autres sources pour tenter de résoudre cette question mais étant donné la rareté des informations, seule une confrontation entre les actes susmentionnés, les sources archéologiques, la topographie des sites, et l’évolution de l’histoire politique de ces régions, peut offrir quelques éléments de réponse. D’emblée, ces comparaisons rendent compte de deux situations différentes, d’une part, en Anjou et en Poitou et, d’autre part, en Nantais.

Les dépendances du monastère en Anjou et en Poitou

  • 11 G. M. Oury, « La reconstruction Monastique dans l’Ouest : l’abbé Gauzbert de Saint-Julien de Tours (...)
  • 12 O. Guillot, Le comte d’Anjou et son entourage au XIe siècle, Paris, 1972, p. 138-151 ; J. Mallet, (...)
  • 13 B. Bachrach, « Robert of Blois, Abbot of Saint-Florent de Saumur and Saint-Mesmin de Micy (985-101 (...)
  • 14 L. Halphen, Le comté d’Anjou au XIe siècle, Paris, 1906, p. 13-53.
  • 15 Voir supra, chapitre 1.

6En premier lieu, ces régions se distinguent par leur histoire politique. L’Anjou et ses marges s’avèrent relativement plus stables politiquement et plus dynamiques. Dès le deuxième tiers du Xe siècle, une restauration monastique est amorcée11. Elle est essentiellement menée par les abbayes de Fleury et de Cluny et, dans une certaine mesure, par les familles comtales. Geoffroy Grisegonelle installe des moines bénédictins à Saint-Aubin d’Angers12 ; les comtes de Blois favorisent également ce renouveau, en installant, à Saumur, les moines de Saint-Florent13. La territorialisation des familles comtales, au cours du Xe siècle, génère des conflits entre les grands. Certains, comme les comtes d’Anjou, cherchent à étendre leur domination aux marges de leur comté et mènent une politique conquérante tant du côté de Nantes, vers l’ouest, que de celui du duché d’Aquitaine, vers le sud14. Les établissements monastiques participent à ces conflits dans la mesure où les familles comtales assurent leur protection ou favorisent leur restauration. Ainsi, le monastère de Saint-Florent de Saumur, et momentanément celui de Saint-Jouin de Marnes, constituent des points d’appui du pouvoir du comte de Blois15.

  • 16 Voir en général O. Guillot, Le comte d’Anjou et son entourage au XIe siècle, Paris, 1972.
  • 17 Falcon, Chronicon Trenorchiense, c. 44, p. 101.
  • 18 B. Bachrach, « Geoffrey Greymantle, Count of the Angevins, 960-987 : A Study in French Politics », (...)
  • 19 Voir supra, chapitre 11.
  • 20 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges…, p. 412-432.
  • 21 Voir supra, chapitre 6.
  • 22 Falcon, Chronicon Trenorchiense, c. 29, p. 91.
  • 23 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges…, p. 416-420.
  • 24 Acte de 1060, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 129.
  • 25 En mai 1076, le comte, venu prier sainte Marie à Cunault, fait don aux moines de deux métairies en (...)

7Plusieurs dépendances du monastère de Saint-Philibert se situent dans ces zones marginales et sensibles. Cunault se trouve à la limite sud-est du comté d’Anjou, à proximité de la frontière du Saumurois, détenu par la famille rivale des comtes de Blois. Les importants domaines poitevins, autour de Messais et de Loudun, appartiennent aux territoires conquis par les comtes d’Anjou sur le duché d’Aquitaine16. Plusieurs indices témoignent d’une entente entre les moines de Tournus et la famille des comtes d’Anjou. La Chronique de Falcon rapporte que les moines ont passé un accord avec le comte Geoffroy Grisegonelle (960-987), au sujet de la villa de Doué17. Les moines lui auraient cédé la villa pour la durée de sa vie mais, en contrepartie, le comte se serait engagé à libérer les autres domaines des moines, alors aux mains « d’hommes pervers ». Ce contrat, dont Falcon rapporte qu’il fut respecté, témoigne manifestement de la présence des moines en Anjou, vers le milieu du Xe siècle. Il atteste également de rapports cordiaux avec le comte Geoffroy Grisegonelle. Les liens de parenté du comte confortent cette hypothèse : vers 978, Geoffroy Grisegonelle épouse Aélis, veuve du comte de Chalon et mère d’Hugues d’Auxerre18, or, on sait que ce dernier devient l’avoué du monastère, juste après l’an mil19. Par ailleurs, le frère de Geoffroy Grisegonelle, Guy, est alors évêque du Puy20. C’est au même moment que les moines de Tournus entretiennent des relations privilégiées avec le Velay et notamment avec la famille vicomtale21. La Chronique rapporte qu’alors l’église de Saint-Georges-Saint-Paulien, située au nord de la cité velave, a été concédée aux moines22. L’objet de la donation est particulièrement étonnant puisqu’il s’agit de l’ancienne cathédrale du diocèse où se tient un important concile de paix, avant l’an mil, réuni par l’évêque Guy d’Anjou23. Au cours de la seconde moitié du XIe siècle, les comtes d’Anjou interviennent plusieurs fois en faveur des moines, installés à Cunault. En 1060, le comte Geoffroy Martel souscrit un acte, concédant aux moines les églises de Loudun24. Dans les années 1070, Foulques le Réchin manifeste une dévotion particulière à sainte Marie, à Cunault, et octroie plusieurs chartes, aux moines, concernant l’exemption de certaines coutumes25.

  • 26 Voir supra, chapitre 1.
  • 27 La construction du castrum de Trèves est antérieure à 1026, O. Guillot, op. cit., p. 311 et 343.

8L’intervention du comte d’Anjou Geoffroy Grisegonelle, à Doué s’inscrit aussi dans le contexte des rivalités avec les comtes de Blois, installés à Saumur. L’analyse du récit de l’Historia de Saint-Florent a montré que les conflits entre les moines de Saint-Florent et de Saint-Philibert se justifient sans doute, en partie, par les mauvaises relations entre les deux familles comtales26. L’alliance des comtes d’Anjou avec les moines de Saint-Philibert se manifeste peut-être concrètement par la construction d’une fortification à Trèves, au sud de Cunault, qui a pu servir à protéger l’établissement27.

  • 28 Acte du 3 décembre 1059, P. Juénin, Preuves, p. 126.
  • 29 O. Guillot, op. cit., p. 466.
  • 30 Cartulaire de Saint-Jouin de Marnes, p. 27-30.

9Une situation semblable se joue dans le Poitou, autour de Loudun. Les moines de Saint-Philibert ont de nombreux domaines dans cette région, depuis le IXe siècle – dont la villa de Messais –, auxquels s’ajoute, depuis le milieu du XIe siècle au moins, le lieu de Loudun28. Autour de l’an mil, les comtes de Blois tentent de contrôler le monastère de Saint-Jouin de Marnes, situé à proximité immédiate de Messais. Il faut peut-être y voir une relation avec l’implantation d’un castrum à Montcontour – situé exactement entre Marnes et Messais – par le comte Foulques Nerra29. Une charte du cartulaire de Saint-Jouin de Marnes rapporte que les moines sont accablés d’exactions par le châtelain de Montcontour, au point qu’ils envisagent de s’installer ailleurs30. Le castrum de Loudun correspond aussi à une fondation angevine.

  • 31 O. Guillot, op. cit., p. 80.

10Ces luttes de pouvoir sont confirmées par le fait que les moines de Saint-Philibert ont du mal à conserver les églises des castra de Doué et de Loudun qui font l’objet de convoitise. Les moines vont tenter, avec vigueur, de préserver ces dépendances, surtout à partir de la seconde moitié du XIe siècle. Plusieurs diplômes royaux confirment alors les biens poitevins et angevins. L’acte d’Henri Ier en 1059, intervient à un moment où les relations entre le souverain et le comte d’Anjou, Geoffroy Martel, sont particulièrement cordiales. Le roi offre au comte les moyens de mener une politique tournée vers la papauté et Geoffroy Martel se montre favorable à la réforme dans son comté31.

  • 32 Acte de 1060, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 126.
  • 33 Les églises sont concédées avec les droits de baptême et de sépulture ainsi qu’une partie des tonl (...)

11Si les moines sont implantés à Loudun avant 1059, c’est l’année suivante, en 1060, qu’un acte d’Isembert, évêque de Poitiers, confirme la donation aux moines des églises du castrum par le seigneur Hugues Mange-Bretons, vassal du comte d’Anjou32. La concession comprend trois églises paroissiales de Loudun, c’est-à-dire l’église Saint-Pierre, située sous les murs du castrum, et les églises Sainte-Marie et Saint-Jean-Baptiste, localisées à l’extérieur du castrum33. L’acte est souscrit par Hugues Mange-Bretons mais aussi par le comte d’Anjou, Geoffroy Martel.

  • 34 Annexe 1, no 68 de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 135-136). Une clause de la bulle d’Urbain II (...)
  • 35 Acte de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 135-136) : Sed et Fulco comes Andegavensium hanc audien (...)
  • 36 Acte de 1121, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 149-150.
  • 37 Acte du comte d’Anjou, Geoffroi, de 1143, P. Juénin (éd.), Preuves…, p. 156.
  • 38 Sur la réforme en Val de Loire, J. H. Foulon, « Les relations entre la papauté réformatrice et les (...)
  • 39 O. Pontal, Les conciles de la France capétienne jusqu’en 1215, Paris, 1995, p. 254. L’assemblée a (...)

12À la fin du XIe siècle, les moines de Tournus sont en conflit avec ceux de Saint-Florent au sujet des églises Sainte-Croix et Saint-Nicolas de Loudun. En 1096, les moines de Tournus font appel au pape Urbain II pour régler ce différend et le jugement est rendu par le concile de Tours, en faveur des moines de Tournus34. L’acte de la décision conciliaire atteste de l’intervention du comte d’Anjou, Foulques le Réchin, aux côtés des moines35. Le conflit n’est pourtant pas résolu puisqu’en 1121, le pape Calixte II reprend, dans un nouvel acte, les termes du jugement de Tours36. En 1143, le comte d’Anjou protège les moines, et notamment le prieur de Cunault et de Loudun, Pierre de Aula, contre les exactions des laïcs et du bailli de Loudun37. Un passage de l’acte rappelle que la famille comtale a toujours protégé les moines. Pour autant, l’action des comtes d’Anjou s’est surtout limitée à défendre les anciens domaines monastiques car à l’exception de Loudun, ils n’effectuent pas de donation importante aux moines. C’est surtout vers le pape et ses légats que les moines se tournent pour régler les situations conflictuelles et recouvrer leurs biens38. La protection de l’Église romaine se confirme au début du XIIe siècle ; en effet, en octobre 1109, l’établissement de Sainte-Marie de Loudun est choisi comme lieu pour la tenue d’un concile, présidé par le légat Gérard d’Angoulême39. Il y est question, en l’occurrence, de l’usurpation des biens des moines dans le diocèse de Nantes.

  • 40 Actes de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 137) et du 15 février 847 (éd. RAC, I, no 91, p. 245).
  • 41 Acte de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 137).
  • 42 Voir supra, chapitre 1.
  • 43 M. de Boüard, « De l’aula au donjon. Les fouilles de la motte de La Chapelle à Doué-la-Fontaine (X(...)
  • 44 Bulle de 1119 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 145) et de 1121 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 149-150) (...)

13En Anjou, la conservation des églises de Doué a également posé des difficultés. Au concile de Tours, de mars 1096, les moines de Tournus se plaignent de l’usurpation des églises du castrum de Doué par les chanoines de Saint-Maurice d’Angers. Pour plaider leur cause, ils brandissent un ancien privilège royal, probablement celui de Charles le Chauve de 847, qui mentionne la donation de la villa de Doué40. Un acte de l’évêque d’Angers témoigne du succès des moines puisque l’évêque reconnaît leur droit de propriété sur ces églises, qui restent cependant sous la juridiction de l’évêque41. En compensation de cette usurpation, les chanoines doivent verser un cens de vingt sous, pendant quelques années, à la fête de saint Maurice. Toutefois, l’acte carolingien qui sert de preuve aux moines ne concernait que les lieux de culte de la villa de Doué42. Le castrum de Doué n’a été établi que vers 1025, par le comte d’Anjou, qui vient de reprendre Saumur aux comtes de Blois43. Les églises du castrum ne sont d’ailleurs pas signalées parmi les dépendances de Tournus, en 1059 et en 1060. On ignore donc si les moines disposaient réellement de ces nouvelles églises, dès la fondation du castrum. Malgré l’évolution de la topographie et de la distribution des pouvoirs, la revendication des moines reste toujours fondée sur un précepte carolingien. Après le jugement de 1096, les églises de Doué sont confirmées au monastère de Tournus, en 1119 et en 112144.

  • 45 Voir supra, chapitre 1.

14En Anjou et en Poitou, la présence des moines de Saint-Philibert est attestée, au moins, à partir du milieu du Xe siècle. Les indices d’une continuité d’occupation, entre le milieu du IXe siècle et le milieu du siècle suivant, demeurent cependant rares. Toutefois, la conservation de plusieurs chartes carolingiennes à Cunault jusqu’à l’époque moderne suggère que les moines se sont maintenus dans ce lieu, de manière ininterrompue45. La relative stabilité du domaine monastique en Anjou et en Poitou laisse également supposer qu’il n’y a pas eu de hiatus d’occupation important. Dès le milieu du Xe siècle, le maintien des moines dans ces régions est soutenu par les comtes d’Anjou. Ces derniers paraissent avoir favorisé l’implantation des moines dans les castra récemment fondés, comme à Loudun et peutêtre à Doué. Profitant de la protection comtale et seigneuriale, les moines s’adaptent à cette nouvelle organisation des pouvoirs. Le nouveau cadre du castrum pourrait toutefois avoir diminué l’étendue de leurs possessions domaniales, au profit des lieux de culte. Implantés dans des zones politiquement instables, les moines pourraient avoir considéré l’intégration au sein du castrum comme une protection plutôt que comme une atteinte à leur pouvoir. Cette adaptation serait confirmée par le fait que les actes ne rapportent pas d’importants problèmes d’usurpation de la part des laïcs. Lorsque les moines ont recours au pape, c’est avant tout pour régler des conflits avec d’autres religieux : l’évêque d’Angers et les moines de Saint-Florent.

Les dépendances du monastère dans l’ancien comté d’Herbauge

  • 46 A. Chédeville, H. Guillotel, La Bretagne des saints et des rois, Rennes, 1984, p. 374-375. H. Guil (...)
  • 47 J.-P. Brunterc’h, « Puissance temporelle et pouvoir diocésain des évêques de Nantes entre 936 et 1 (...)

15Depuis 851, une partie de l’ancien comté d’Herbauge – incluant le monastère de Deas – est intégré dans le royaume de Bretagne. La région nantaise a été occupée, pendant le premier tiers du Xe siècle, par les Normands et vers 942, le comte de Nantes parvient à récupérer partiellement les anciens pagi d’Herbauge, des Mauges et de Tiffauges46. Au sud de Nantes, les limites entre l’Aquitaine et la Bretagne demeurent pourtant floues. Le pouvoir de l’évêque de Nantes s’étend sur ce nouveau territoire, sans doute dès la seconde moitié du Xe siècle47. Ce contexte politique perturbé s’ajoute au fait que les sources écrites sont peu nombreuses en Nantais, avant le XIe siècle ce qui limite les investigations. De fait, aucune dépendance des moines de Saint-Philibert dans cette région n’est confirmée avant 1059. Seules les cellae de Saint-Prudent et de Bussogilum, situées à proximité immédiate du regnum breton, sont revendiquées depuis 875. Il faut d’ailleurs penser que la propriété des moines sur ces deux cellae était précaire : elles ne figurent plus parmi les possessions du monastère au XIIe siècle. L’instabilité du contexte politique et l’absence de mentions incitent à penser que les dépendances côtières ont été véritablement abandonnées sur une période qu’il importe de préciser.

Figure 75. – Noirmoutier, plan du bourg (T. Bethus).

  • 48 Charte d’Ansoald de 677, L. Maître (éd.), « Cunauld, son prieuré, ses archives… », p. 239-243. Des (...)
  • 49 Voir supra, chapitre 1 et figure 75.
  • 50 Cartulaire de Saint-Sauveur de Redon, A. de Courson (éd.), no 311 de 1060, p. 263. C. Jeanneau, «  (...)
  • 51 Le castrum est mentionné dans la charte de fondation de l’abbaye cistercienne de la Blanche à Noir (...)
  • 52 R. Lebeau, « Compte-rendu des fouilles effectuées au château de Noirmoutier pendant l’été 1977 », (...)
  • 53 Le mobilier comprend sept cruches à pâte grise, à fonds bombés et becs tubulaires, avec un décor d (...)
  • 54 Plan du château de Noirmoutier, Atlas de masse 1705, Vincennes, Bibliothèque du Génie.

16La topographie du bourg actuel de Noirmoutier n’a pas laissé de traces de l’organisation du monastère carolingien d’Herio. On dispose d’ailleurs de très peu de renseignements sur ce dernier. Les différents vocables mentionnés dans la charte d’Ansoald de 677 – Saint-Paul, Saint-Pierre, Saint-Laurent et Saint-Florent – suggèrent tout au plus la présence de plusieurs sanctuaires juxtaposés, à l’image du monastère de Jumièges, décrit dans la Vita de Philibert48. Avant 830, le monastère d’Herio est fortifié mais on ne connaît pas la structure de ce castellum, à l’exception de la mention de deux portes et de sa proximité avec le port49. L’ancien monastère devait sans doute pourtant se situer à l’emplacement de l’actuel pôle monumental du bourg, constitué par le château seigneurial et l’église Saint-Philibert. À partir du milieu du XIe siècle, la famille de La Garnache est mentionnée comme seigneur de Noirmoutier et de Beauvoir-sur-Mer50. Le castrum de Noirmoutier n’apparaît dans les sources écrites qu’au début du XIIIe siècle mais le château actuel est attribué à la fin du XIIe siècle51. La fortification comprend une vaste enceinte de plan quadrangulaire et entourée de fossés, remaniée à plusieurs reprises. Aucun des bâtiments appartenant au corps de logis, édifié le long des courtines ouest et est, n’est antérieur à la fin du Moyen Âge. La partie la plus ancienne du château est constituée par le donjon, construit à l’intérieur de l’enceinte, au nord. Il présente un plan quadrangulaire, cantonné par quatre tourelles d’angle. Un sondage archéologique, effectué en 1977, à l’angle sud-est du donjon, a permis de mettre au jour un puits, dont la partie inférieure est antérieure à la construction du donjon52. Les couches stratigraphiques anciennes, scellées par une couche d’argile, ont livré un mobilier céramique important du XIe siècle53. Il demeure cependant impossible de déterminer si cette occupation correspond au monastère ou au premier castrum seigneurial. La porte primitive de l’enceinte du château était orientée vers l’est, en direction de l’église Saint-Philibert, ce qui suggère une relation assez étroite entre le castrum et le lieu de culte. L’orientation de l’église correspond d’ailleurs à celle de la partie nord de l’enceinte du château. Un plan du château et de ses abords, réalisé en 1703, témoigne de la proximité du port de Noirmoutier, directement situé au sud de l’enceinte54. Par ailleurs, un ancien cloître, au nord de l’église, est signalé sur le plan. Il convient sans doute de croire que le castrum seigneurial et l’église du petit établissement monastique sont implantés sur le site primitif du monastère d’Herio, une hypothèse qui demanderait toutefois à être confirmée par des fouilles archéologiques.

  • 55 L. Delhommeau, L’église Saint-Philibert de Noirmoutier-en-l’Ile, Nantes, s. d. La chronologie de l (...)
  • 56 H. Dillange, Vendée romane, La Pierre-qui-Vire, 1976, p. 26.
  • 57 J. Rousseau, Les vieilles églises de Vendée, éd. Le Cercle d’or, 1974.
  • 58 J. Mallet, L’art roman de l’ancien Anjou, Paris, 1984, p. 46-47.

17L’église Saint-Philibert actuelle a été très restaurée et date en grande partie de l’époque moderne55. Les trois nefs ont été reconstruites à partir de 1674. Avant cela, l’édifice ne comportait qu’un vaisseau unique auquel deux collatéraux sont ajoutés au XIVe siècle au sud et en 1666, au nord. La campagne du XVIIe siècle comprit également la reconstruction de l’abside centrale. Le clocher actuel, qui s’élève au-dessus de la croisée du transept, a été édifié entre 1874 et 1875. Il ne subsiste donc actuellement que peu d’éléments romans, la travée droite de chœur et la croisée du transept, limitée par des arcatures légèrement outrepassées, à double rouleau, ainsi que la crypte, restaurée très abusivement. Cette crypte constitue pourtant la partie la plus intéressante de l’édifice. Située sous le chœur et l’abside de la nef centrale, elle paraît en reprendre le plan. Mise au jour en 1863, elle a malheureusement subi des transformations : niveau de sol rehaussé d’environ un mètre, remplacement des colonnes d’origine, réfection des voûtes d’arêtes ( ?) et couvrement des murs par un enduit56. On dispose cependant de descriptions antérieures à cette restauration. J. Rousseau rapporte que la crypte était voûtée « d’arêtes à la romaine », qui étaient soutenues par des colonnes et des pilastres57. Un chapiteau, exposé dans l’église actuelle, provient de la crypte ; la simplicité de l’épannelage – corbeille en tronc de pyramide renversé – et le traitement en méplat des motifs végétaux – palmettes soulignant les angles et corbeille animée par des feuilles incisées – permettraient d’attribuer cette sculpture au XIe siècle. Le plan d’ensemble de la crypte ne s’oppose pas à cette datation ; il s’agit d’une crypte halle à trois nefs de cinq travées, se terminant par un mur semi-circulaire. Des demi-colonnes adossées scandent le mur périmétral. Quant au cénotaphe qui se trouve au centre de la seconde travée de la crypte, il est l’œuvre des restaurateurs du XIXe siècle. La crypte présente des similitudes avec la crypte du monastère de Saint-Florent à Saint-Hilaire-des-Grottes, attribuée au XIe siècle58.

Figure 76. – Noirmoutier, plan de l’église et de la crypte (plan J. Boissière, Bâtiments de France).

  • 59 Acte du 23 mai 1059 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 126) : Et in episcopatu Pictavensi, monasterium (...)
  • 60 Bulle de 1119 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 145) : In Pictavensi, Herum insula, Ecclesia de Bello (...)

18Le monasterium d’Herio est confirmé pour la première fois à Tournus dans le diplôme d’Henri Ier de 1059, avec treize églises59. L’acte de Calixte II de 1119, ne mentionne qu’Herio et l’église de Beauvoir-sur-Mer60. Les vestiges actuels comme les sources écrites pourraient témoigner d’un abandon du site assez long, jusque dans le courant du XIe siècle. La topographie actuelle du site a totalement occulté les dispositions antérieures et le château seigneurial laisse peu de place à l’établissement monastique, situé à proximité et particulièrement modeste. La restauration du petit monastère a peut-être été réalisée sous l’égide des seigneurs de La Garnache. Ces derniers détenaient également Beauvoir-sur-Mer dont l’église dépendait de Tournus, au début du XIIe siècle. Toutefois, ces arguments a silentio s’avèrent insuffisants pour conclure à ce sujet.

  • 61 Acte du 23 mai 1059 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 126) : Et in episcopatu Namnetico, monasterium q (...)
  • 62 P. Juénin (éd.), Preuves, p. 133.

19Le monastère de Deas réapparaît également dans les actes à partir du milieu du XIe siècle. En 1059, l’établissement est confirmé avec trois églises environnantes – Courcoué, Saint-Lumine, La Limouzinière – « autrefois confiées aux saints par des boni homines61 ». Un autre acte, mal daté, contemporain de l’abbatiat de Pierre Ier, atteste de la donation de Geslin, seigneur de Machecoul, d’une terre située dans son castrum sur laquelle les moines peuvent établir un monastère62. L’ecclesia de Machecoul est confirmée en 1119. Cette concession témoigne de la présence active des moines dans la région du lac de Grandlieu au XIe siècle.

  • 63 J.-A. Brutails, « Note sur l’église de Saint-Philbert de Grandlieu », dans Bulletin monumental, t. (...)
  • 64 P. Lebouteux, « L’église de Saint-Philbert de Grandlieu », dans Bulletin archéologique du CTHS, 19 (...)
  • 65 J. Mallet, « Saint-Philbert de Grandlieu (Loire-Atlantique), abbatiale », dans Le paysage monument (...)
  • 66 J. Mallet, L’art roman de l’ancien Anjou, Paris, 1984, p. 22-34.
  • 67 O. Guillot, Le comte d’Anjou et son entourage au XIe siècle, Paris, 1972, p. 39-43.

20Ce dynamisme coïnciderait avec la reconstruction de la nef de l’abbatiale de Deas. C’est J.-A. Brutails qui, le premier, a attiré l’attention sur la réfection de la nef à l’époque romane, suivi par F. Lesueur, qui souligna les analogies avec les édifices angevins, utilisant aussi un appareil mixte, de brique et pierre63. Le rétrécissement des supports cruciformes, au niveau des impostes, n’a pas encore été élucidé même si l’hypothèse d’un changement de parti, en cours de construction, a été proposée64. Le cloisonnement des croisillons du transept, par deux arcatures plus basses, a suggéré à J. Mallet la volonté de créer une nef continue ; un plan privilégié, à l’époque romane, dans le Val de Loire65. Il reste toutefois difficile actuellement de préciser la datation de la reprise de la nef, même si elle pourrait être contemporaine des édifices angevins, attribués à la première moitié du XIe siècle. La reconstruction partielle des lieux de culte d’Angers – en particulier Saint-Martin, Saint-Serge et la cathédrale – s’est effectuée sous l’égide d’abbés et d’un évêque, proches de l’entourage du comte Foulques Nerra66. Ce dernier a d’ailleurs probablement aussi participé à ce renouveau. Les analogies entre ces édifices et la nef de Deas ne sont peut-être pas étrangères au contexte politique du XIe siècle. En effet, les comtes d’Anjou ont mené une politique « conquérante » dans le Nantais, à partir de la fin du Xe siècle67. Étant donné les relations que les moines de Saint-Philibert entretiennent avec les comtes d’Anjou, la reconstruction de Deas, suivant des modèles angevins ne serait pas surprenante même si cela reste seulement une hypothèse.

Figure 77. – Saint-Philbert de Grandlieu, nef romane (N. Mesnier, O. Baud, A. Papin, Abbatiale IXe siècle, Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, Rennes, 1994).

  • 68 L’inscription a été découverte dans la crypte, elle est actuellement remployée dans le mur sud du (...)
  • 69 Datation proposée par C. Treffort, Mémoires carolingiennes. L’épitaphe entre célébration mémoriell (...)
  • 70 Acte du 27 novembre 839, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 81.
  • 71 Concile de 1106 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 138) ; O. Pontal, Les conciles de la France capétien (...)
  • 72 P. Juénin (éd.), Preuves, p. 138.
  • 73 Concile de Loudun de 1109, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 140.
  • 74 Diplôme de Louis VI du 1123, R.-H Bautier (éd.), Recueil des actes de Louis VI, roi de France (110 (...)
  • 75 J.-P. Brunterc’h, « Puissance temporelle et pouvoir diocésain des évêques de Nantes entre 936 et 1 (...)
  • 76 Bulle de 1121, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 149-150.
  • 77 Lettre d’Innocent II à l’évêque de Nantes de 1132, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 151.

21Très peu d’indices permettent de savoir si le monastère a réellement été abandonné entre la fin du IXe siècle et le début du XIe siècle. La découverte d’une inscription funéraire dans la crypte pourrait témoigner d’une présence des moines pendant cette période68. Toutefois, l’épitaphe du moine Guntarius reste assez mal datée, entre le IXe et le Xe siècle69. Tant autour d’Herio que de Deas, la présence des moines de Tournus n’est clairement attestée qu’à partir du XIe siècle. Ce n’est cependant qu’au début du XIIe siècle que les moines mènent une politique plus active de conservation de leur patrimoine dans ces régions. Bénéficiant de la protection apostolique, les moines ont recours à l’autorité pontificale pour régler les différends qui les opposent à certains évêques ou à d’autres monastères. Le cas de l’église de Saint-Viaud, à l’ouest de Nantes, illustre cette politique. Cette église avait été donnée aux moines avec la villa de Scobrit, en 839, par Louis le Pieux70. En 1106, au concile de Poitiers, présidé par le légat Bruno de Segni, les moines présentent cet ancien privilège, attestant de leur droit de propriété sur l’église, cette dernière ayant été usurpée par l’évêque de Nantes71. Le légat adresse alors une lettre à l’évêque et l’incite à laisser les moines disposer de cette église72. Cet avertissement ne suffit pas, puisque l’affaire est à nouveau portée devant le concile de Loudun, en 1109 ; les chanoines de Nantes y présentent un privilège attestant la confirmation de l’église Saint-Viaud à l’évêque de Nantes73. L’assemblée des prélats accorde cependant raison aux moines de Tournus et rattache l’église nantaise au prieuré de Cunault, même si le lieu de culte reste sous la juridiction de l’évêque. Le privilège que détient l’évêque de Nantes correspond sans doute à un acte royal. En effet, un diplôme de Louis VI de 1123, confirme toutes les possessions de l’église nantaise, y compris l’église Saint-Viaud74. L’étude approfondie de cet acte, par J.-P. Brunterc’h, a montré que l’évêque de Nantes a probablement tenté de faire confirmer par les souverains des biens qu’il s’était illicitement octroyé75. Ces usurpations pourraient remonter à la seconde moitié du Xe siècle, l’évêque se serait ainsi accaparé des biens abandonnés pendant les incursions normandes. Le conflit à propos de l’église de Saint-Viaud se poursuit encore durant la première moitié du XIIe siècle. En 1121, les moines de Tournus obtiennent de Calixte II un acte spécial confirmant, entre autres, cette église76. Le pape Innocent II s’adresse encore à l’évêque de Nantes en 1132 à ce sujet et lui interdit de prélever de nouvelles coutumes sur cette église77.

22L’occupation de la Basse Loire par les Normands, dans le premier tiers du Xe siècle, et l’intégration d’une partie de l’Herbauge dans le duché de Bretagne sont des facteurs qui ont pu favoriser un abandon de la région par les moines de Saint-Philibert. La durée de ce hiatus d’occupation reste cependant difficile à déterminer d’autant plus qu’elle a pu varier sur chacun des sites. Il apparaît cependant clairement que les moines mènent une politique de restauration et de conservation de leur patrimoine dans ces régions à partir du XIe siècle, notamment pendant l’abbatiat de Pierre Ier. Les prétentions des comtes d’Anjou sur le Nantais ont peut-être contribué à soutenir l’action des moines, mieux implantés à Cunault et à Loudun. Les décisions conciliaires concernant les dépendances du diocèse de Nantes sont d’ailleurs prises en Poitou. Le rattachement de l’église Saint-Viaud au prieuré de Cunault, au milieu du XIIe siècle, confirme l’importance et la stabilité des possessions angevines. La présence des moines et Anjou et en Poitou ne semble pas avoir été interrompue.

La structuration du réseau monastique de Saint-Philibert

  • 78 Voir supra, chapitre 8.

23Le diplôme de mars 875 consacre l’émergence du réseau monastique de Saint-Philibert et annonce déjà son organisation générale en distinguant, d’une part, la « tête » du système – le monastère de Tournus –, et d’autre part, l’ensemble des dépendances78. La période qui couvre les xe et XIe siècles apparaît comme une phase de structuration du réseau, dont les limites d’expansion géographique sont atteintes assez précocement. Le monastère de Tournus s’affirme comme pôle principal et central d’un ensemble de dépendances, réparties dans vingt diocèses différents. Il conviendra alors d’apprécier comment cette entité est définie et quels sont les facteurs qui en assurent la cohésion.

La « tête » du réseau : le monastère de Tournus

  • 79 Acte du 19 mars 875 (éd. RAC, II, no 378, p. 342) :… abbatiam sancti Valeriani martiris […] et cas (...)
  • 80 Acte pontifical du 16 octobre 876 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 96) et diplôme du 12 décembre 878 (...)
  • 81 Les actes de la première moitié du Xe siècle restent malgré tout peu nombreux. Ils sont surtout co (...)
  • 82 Acte vers 1038 (Auvergne), de 1056 (Auvergne), de 1060 (Loudun), du IXe siècle (Bourgogne), de 107 (...)
  • 83 Avant que le toponyme ne s’applique régulièrement au monastère, il sert d’abord, dans les actes du (...)
  • 84 Acte de mars 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 136-137) et de 1121 (P. Juénin [éd.], Preuves, p.  (...)
  • 85 D. Iogna-Prat, « Un texte hagiographique épineux… », p. 37.

24L’affirmation du monastère de Tournus comme pôle dominant se traduit, en premier lieu, par la mention, de plus en plus fréquente, du toponyme « Tournus » dans les actes. Servant d’abord à qualifier la villa et le castrum, ce vocable s’applique rapidement au monastère79. En 876, le pape Jean VIII s’adresse aux moines du monasterium Tornucium, désignation reprise dans un acte de Louis le Bègue, en 87880. Cette association n’est cependant pas systématique avant la fin du Xe siècle81. La référence à Tournus devient plus régulière à partir du premier tiers du XIe siècle, y compris dans les actes concernant des régions éloignées de la Bourgogne82. Cette « territorialisation » se justifie avant tout par le fait que le monastère constitue le pôle le plus sacré du réseau, puisque les reliques de Philibert, de Valérien, de Marie, et d’autres saints y sont rassemblées83. La reconstruction monumentale de l’abbatiale, au cours du XIe siècle, traduit concrètement cette place prééminente. L’exemption de la juridiction épiscopale et la protection apostolique du monastère – accordée par Urbain II, en 1096 – donnent à l’établissement un statut privilégié et autonome, renforcé, en 1121, par le privilège d’exemption84. Ce rattachement direct à Rome fait du monastère un espace « hors espace », particulièrement protégé. Peu après, l’auteur anonyme de la Translatio sancti Valeriani qualifie le monastère de sedes, un terme évocateur, qui s’inscrit bien dans le contexte du nouveau statut de l’établissement et témoigne de son rôle primordial, au sein du réseau monastique85.

  • 86 La profession des moines à Tournus est mentionnée dans les actes suivants datés entre 971 et 981, (...)
  • 87 Breviarium de reliquiis que continentur in monasterio Trenorciensi. Voir supra, chapitre 12.
  • 88 La translation des reliques d’Ardain a lieu en 1140, sous l’abbatiat de Pierre II (Leçons lues pen (...)
  • 89 C’est notamment pour préserver ce droit que les moines s’exilent à Saint-Pourçain, au milieu du Xe(...)

25L’affirmation de Tournus comme pôle principal atteste d’une centralisation du réseau monastique car le monastère est aussi le « siège » de l’unique abbé et le lieu où les moines font profession86. L’abbé paraît, en effet, doté d’un pouvoir de décision et d’un charisme remarquables. La supériorité accordée à l’abbé s’inscrit dans la tradition du monastère, dont l’identité est d’abord basée sur le culte de l’abbé fondateur. L’inventaire des reliques, dressé vers le deuxième tiers du XIIe siècle, atteste également du culte de deux abbés du IXe siècle, Arnulf et Hilbod, et de celui d’Ardain (1028-1056)87. La sanctification de ce dernier est particulièrement rapide : elle n’a lieu qu’à peine un siècle après sa mort, sous l’abbatiat de Pierre II88. L’élection libre de l’abbé par les membres de la congregatio, conformément à la Règle bénédictine, est un privilège que les moines ont souvent défendu89. Il constitue le premier garant de l’indépendance et de l’autonomie du monastère. Calixte II accroît considérablement ce privilège, en réservant l’exclusivité de la consécration de l’abbé, au pape ou à son légat.

  • 90 Voir les exemples de Bussogilum et de Cunault au IXe siècle, supra, chapitre 3.
  • 91 F. Felten, « Herrschaft des Abtes », dans F. Prinz (éd.) Herrschaft und Kirche, Stuttgart, 1988, p (...)
  • 92 P. Juénin (éd.), Preuves, p. 134.
  • 93 Acte de mars 1096, de 1096, de 1106, de 1109, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 135, 137, 138, 140.

26Dans la majorité des actes du monastère, l’abbé apparaît comme le premier bénéficiaire des donations. Il étend sa dominatio sur les domaines concédés, même si l’usage des biens reste parfois réservé aux moines vivant sur place90. Le vocabulaire employé pour définir les qualités de l’abbé privilégie d’ailleurs nettement, à partir du dernier tiers du Xe siècle, l’expression du pouvoir. S’il est désigné comme vir venerabilis au IXe siècle, il apparaît, à partir de 971, comme dominus91. La prédominance de l’abbé – et par là même le centralisme du réseau – est attestée par le fait que les bienfaiteurs des régions les plus éloignées de la Bourgogne effectuent leurs donations en faveur de l’abbé et des saints du monastère de Tournus, et non pas aux moines de la dépendance la plus proche, si importante soit-elle. Ainsi, le seigneur de Machecoul, à proximité de Deas, concède des terres à l’abbé et au monastère de Tournus92. En Auvergne, aucune donation n’est faite en l’honneur de saint Pourçain. De même, les décisions prises lors des conciles poitevins ou tourangeaux, au sujet des dépendances du Val de Loire, sont adressées à l’abbé et aux moines de Tournus93.

Les composantes du réseau

27En dépit des difficultés à saisir une image fixe et complète du réseau, celui-ci paraît se stabiliser au tout début du XIIe siècle. La carte générale du domaine témoigne aussi d’une relative continuité, entre le IXe et le début du XIIe siècle. Domaines et dépendances se concentrent d’abord autour du monastère de Tournus, formant un groupe assez compact, correspondant au centre de la seigneurie monastique. Les diocèses bourguignons de Chalon, Lyon et Mâcon, apparaissent ainsi les plus densément occupés, puisque Tournus se trouve aux confins de ces trois circonscriptions ecclésiastiques. Viennent ensuite les nombreuses dépendances du Val de Loire (diocèses d’Angers, de Nantes et de Poitiers) et de l’Auvergne (Clermont, Le Puy), puis celles, plus dispersées, de la vallée du Rhône (Vienne, Orange, Saint-Paul, Die et Vaison). Globalement, l’implantation du réseau reste dans les limites atteintes à la fin du IXe siècle : aucune nouvelle région n’est « conquise » par la suite. Entre le Xe et le XIe siècle, il s’agit avant tout d’une consolidation et d’une structuration du domaine.

  • 94 Actes de 1059, de 1060, de 1119 et de 1179, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 126, 128, 145, 174.
  • 95 Acte suspect du 24 novembre 870, éd. RAC, II, no 344, p. 266.

28Parmi les dépendances du réseau, certaines apparaissent plus importantes et constituent, en quelque sorte, des relais régionaux. Pour la plupart, il s’agit des établissements les plus anciens, ayant servi de refuge aux moines pendant leurs pérégrinations (Herio, Deas, Cunault), ou étant reconnus comme tel (Saint-Pourçain, Goudet). Il convient d’y ajouter Donzère, abbatia reçue par les moines au cours de la décennie qui suit leur installation à Tournus, et Loudun, en Poitou, un des rares établissements importants, fondé au XIe siècle. Dans les actes, ces dépendances sont qualifiées de monasterium, de monasteriolum, d’abbatia, ou encore de cella, des termes qui ne paraissent pas avoir une définition toujours claire et précise et qui se distinguent surtout du groupe formé par les ecclesiae et les capellae. Le monasteriolum de Cunault, concédé en 845, est ensuite confirmé en tant que monasterium, entre 915 et 1059, puis comme cella, en 1060 et en 1119. Saint-Pourçain, qualifié d’abbatia dans l’acte douteux de 871, apparaît ensuite comme cella, entre 915 et 1060, puis comme monasterium, en 1119. L’utilisation de l’un ou l’autre de ces vocables dépend peut-être parfois des usages de la chancellerie : monasterium se rencontre souvent dans les diplômes royaux de 1059 et de 1060, alors que les actes pontificaux du XIIe siècle privilégient le terme ecclesia94. Le choix du vocabulaire révèle aussi une certaine fidélité à la désignation d’origine qui pourrait donc conserver une valeur historique. Ainsi, Herio et Deas sont qualifiés de monasteria, du IXe au XIIe siècle. Le donateur des terres de Goudet invite les moines à y fonder un monasterium95. Cet établissement est désigné comme monasteriolum, entre 915 et 1059, puis comme monasterium, jusqu’au XIIe siècle. Saint-Romain-des-Îles, dépendance concédée par Boson en 875, est qualifiée de cella, du IXe au XIIe siècle.

LIEU

MONASTERIUM

MONASTERIOLUM

ABBATIA

CELLA

ALBON, Saint-Philibert

1119

BUSSOGILUM

915-924

856

CUNAULT

915-1059

845

1060-1119

DEAS

819-1119

DONZÈRE

déb. IXe – 875 – 1059 – 1060

896

GOUDET

1119

915-1060

HERIO

819-1119

LOUDUN

1119

MOTTE DE GALAURE

1119

SAINT-POURÇAIN

1119

871 ?

915-1060

SAINT-PRUDENT

875-1060

SAINT-ROMAIN-DES-ÎLES

875-1119

TALLOIRES

879-1060

TOURNUS

816-1119

875-1060

TRÉZELLES

1059

VAL DES NYMPHES

1059-1060

Vocabulaire désignant les dépendances importantes.

  • 96 Donation de Falcon de Jaligny en 1056 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 125). Trézelles n’est ensuite (...)

29Pour autant, le terme monasterium est surtout réservé aux établissements les plus remarquables : il est utilisé pour Tournus mais aussi pour Herio et Deas. Son usage semble aussi parfois provisoire et sert à attirer l’attention sur l’une des dépendances, à un moment donné. Par exemple, sous l’abbatiat de Francon, en 1119, Saint-Pourçain est qualifié de monasterium, probablement en référence à l’origine auvergnate de l’abbé. En 1059, la récente fondation de Trézelles, en Auvergne, est confirmée en tant que monasterium : il s’agit sans doute ici de mettre en évidence une donation effectuée, quelques années auparavant, par le frère de l’abbé Guillaume96. Cette appellation n’implique cependant pas l’existence d’un abbé à la tête de ces monastères ; aucun acte d’ailleurs ne fournit de renseignements sur le personnel de ces dépendances.

  • 97 Acte du 30 octobre 871 (Saint-Pourçain), du 22 juin 896 (Donzère), du 19 mars 875 (Tournus).
  • 98 À propos du terme cella, voir A.-M. Bautier, « De praepositus à prior, de cella à prioratus : évol (...)
  • 99 Saint-Philibert d’Albon et La Motte de Galaure apparaissent comme cellae dans l’acte de 1119. Le V (...)

30Le vocable abbatia est essentiellement employé au IXe siècle pour des établissements concédés aux moines (Saint-Pourçain, Donzère, Tournus)97. Il est ensuite uniquement utilisé pour Tournus, mais il s’agit de l’ancienne formule carolingienne, transmise jusqu’au milieu du XIe siècle dans les diplômes royaux. Le terme cella suggère plus une soumission à un monastère-chef ; il s’applique à des dépendances importantes, comme Saint-Pourçain, Cunault ou Loudun, mais aussi à de plus petites cellules (Saint-Romain des Îles, Saint-Philibert d’Albon, la Motte de Galaure, Saint-Prudent)98. En fait, ce vocabulaire désigne des établissements monastiques à part entière, où réside un groupe de moines menant une vie régulière. Il est d’abord réservé aux anciens refuges des moines qui comptent parmi les dépendances les plus considérables du réseau. De fait, très peu de fondations postérieures au Xe siècle se développent d’une façon notable, à l’exception de Loudun, en Poitou. La proximité de Messais suggère néanmoins que cette cella rappelle le passage des reliques de Philibert dans cette région. Deux autres établissements de la vallée du Rhône sont qualifiés de cella (Saint-Philibert d’Albon et la Motte de Galaure), un autre de monasterium (Val des Nymphes) mais leurs origines restent méconnues99.

  • 100 Ainsi Herio, Deas, Cunault (?), Loudun, Saint-Pourçain, Goudet, Donzère, La Motte de Galaure.
  • 101 À titre d’exemple, on peut citer : Le Villars (diocèse de Mâcon), Saint-Germain de Faucon (diocèse (...)

31Les termes employés dans les actes mettent donc en évidence une quinzaine d’établissements d’envergure, constituant les points forts du réseau monastique. La topographie des lieux, rarement antérieure à l’époque romane, confirme cette proposition : pour la plupart, ces monastères sont à l’origine du développement d’un bourg et leurs bâtiments s’organisent autour d’un cloître100. Ces dépendances coexistent avec des cellae plus modestes, difficilement identifiables d’après les sources. L’acte pontifical de mai 1119 ne transmet souvent que le vocable ou le nom de la localité concernée, parfois associé au terme ecclesia. La topographie de ces sites révèle que plusieurs d’entre eux correspondent à de petites cellules de vie monastique. Étant donné les limites de nos investigations et la disparité de la conservation des vestiges, le nombre exact de ces cellae secondaires nous échappe101.

  • 102 À l’exception de Cunault, qualifié de prieuré au début du XIIe siècle, auquel l’église de Saint-Vi (...)
  • 103 Les renseignements incomplets fournis par les sources et les limites de nos propres observations p (...)
  • 104 Louhans, Saint-Romain des Îles, Trézelles, Saint-Pourçain (avec dix églises), Goudet, Lavoûte-sur- (...)
  • 105 Il s’agit de Bussogilum, Saint-Prudent, Talloires, Hery, Glaise, Changy et Asnières.
  • 106 On notera d’ailleurs certaines erreurs dans la localisation des dépendances : Sutrieu (diocèse de (...)

32Autour des établissements majeurs, se regroupent également de petites nébuleuses d’églises. Ces ecclesiae étaient placées sous la dépendance des monastères et des cellae, relation que les actes ne permettent toutefois pas d’établir car Tournus reste l’unique bénéficiaire des donations et des confirmations102. La fonction de ces lieux de culte est assez rarement mentionnée, il apparaît donc difficile de déterminer le nombre d’églises paroissiales ou castrales, subordonnées aux monastères régionaux103. L’enumeratio bonorum du diplôme de 1059 reflète assez exactement l’organisation du réseau monastique : l’acte cite d’abord la seigneurie du monastère de Tournus, centre par excellence, comprenant des églises, des villae et des vici environnants ; puis les établissements principaux, centres secondaires, associés à des groupes d’églises et des domaines104. L’organisation des dépendances en Bourgogne reste plus floue et le scribe a utilisé le cadre du diocèse pour énumérer ces biens. Plusieurs possessions sont également mentionnées en fin de liste : les moines semblent avoir rencontré des difficultés à les conserver, elles n’apparaissent d’ailleurs plus dans les actes de confirmation du XIIe siècle105. Les listes, fournies par les actes pontificaux du XIIe siècle, ne rendent pas compte de la structure du réseau, les biens étant décrits dans le cadre du diocèse106.

Le réseau monastique comme entité

  • 107 Voir supra, chapitre 8.

33Les moines ont-ils utilisé des termes particuliers pour désigner le réseau monastique dans sa globalité ? Rappelons qu’au IXe siècle, seul le terme congregatio paraît avoir une connotation plus générale, se rapportant à l’ensemble des moines, répartis en des lieux divers107. À partir du début du Xe siècle, le vocabulaire employé dans les actes est nettement plus varié. La difficulté consiste à mieux comprendre ces termes, souvent peu précis et ambigus.

  • 108 Annexe 1, no 33 du 16 juillet 889 (éd. RAE, no 13, p. 63). Il s’agit de l’unique mention du terme (...)
  • 109 Acte de 951 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 114) et entre 948 et 953 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 1 (...)
  • 110 La même remarque a été proposée pour Cluny, également qualifié de sacrosancta ecclesia, au début d (...)
  • 111 Acte de 981, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 119.
  • 112 Acte de 1056 et de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 125, 137).

34Le concept d’ecclesia apparaît pour la première fois dans un diplôme du roi Eudes, de 889, et rien n’interdit de penser que le souverain désigne alors l’ensemble des biens du réseau108. Le terme se rencontre plus fréquemment à partir du milieu du Xe siècle, associé avec les adjectifs sacra ou sacro-sancta109. Le sens de cette appellation reste cependant délicat à cerner110. Un acte de 981 apporte toutefois des éléments intéressants à ce sujet. Dans la charte, Henri cède des biens à l’ecclesia des saints et aux moines du monasterium de Tournus111. La formule semble donc bien distinguer, d’une part l’ecclesia, et d’autre part, le monasterium. Le terme est encore employé en 1056 et en 1096, sous la forme ecclesia sancti Philiberti112. On observe que l’ecclesia est très souvent liée à l’évocation des saints ou de l’espace sacré mais aucun renseignement ne permet de préciser davantage sa définition, même à la fin du XIe siècle.

  • 113 Actes du 14 janvier 971, entre 971 et 981 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 116, 118).
  • 114 D. Iogna-Prat, Ordonner et exclure…, p. 35-99 et en particulier p. 36.

35Plusieurs autres vocables désignent le bénéficiaire des actes mais il reste presque impossible de définir s’ils se référent au seul établissement de Tournus ou à l’ensemble du réseau. De plus, aucun d’entre eux ne paraît avoir été privilégié : on rencontre ainsi fréquemment les termes monasterium, locus sancti, coenobium – surtout au XIe siècle –, casa – attestant un caractère plus domestique, mais seulement employé dans trois actes au Xe siècle113. Cette ambiguïté pourrait d’abord résulter de la forte centralisation du réseau, chaque dépendance étant considérée comme une enclave, une terre appartenant aux saints du monastère de Tournus. Par ailleurs, elle révèle sans doute que le réseau monastique ne constituait pas une entité juridique aboutie, même au début du XIIe siècle. En effet, le privilège d’exemption, dont bénéficie le monastère de Tournus, à partir de 1121, ne s’applique pas à l’ensemble des dépendances, qui restent en partie soumises à la juridiction des évêques. À l’inverse, c’est cette exemption, étendue à l’ensemble du réseau, qui permet à Cluny de se définir comme une Église véritablement indépendante, dès le début du XIe siècle114.

  • 115 Annexe 1, no 42 de 951 et no 56 de 1037 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 114, 124).
  • 116 Tous les actes, y compris pour les régions éloignées de la Bourgogne, sont adressés à l’abbé et au (...)

36C’est essentiellement l’appartenance de l’ensemble des moines à un groupe uni qui semble constituer un facteur important de cohésion du réseau de Saint-Philibert. Le terme congregatio est toujours employé après le Ixe siècle, en particulier dans les diplômes confirmant l’ensemble des biens du monastère. Bien que les actes royaux emploient encore en partie le formulaire de l’acte de Charles le Chauve, la transmission de ce vocable jusqu’au milieu du Xie siècle n’est sans doute pas fortuite. Congregatio est employé par ailleurs dans deux actes de 951 et de 1037, avec la même connotation115. Au Xie siècle, l’ensemble des moines, résidant dans les dépendances, sont considérés comme des frères de Saint-Philibert116. Ils font profession à Tournus et relèvent d’un abbé unique.

37Enfin, les expressions, monachi sancti Filiberti ou congregatio sancti Filiberti montrent combien le culte de Philibert reste le facteur le plus important de la cohésion communautaire. Il rassemble les moines « descendants » du groupe monastique d’origine, auquel l’abbé Philibert donnait son unité. Ce microcosme, réunit autour d’un abbé unique, explique sans doute pourquoi le réseau monastique n’a pas connu une expansion remarquable à partir du Xe siècle. Le culte des reliques du saint joue un rôle fondamental dans l’unification de l’espace du réseau. Les dépendances principales correspondent aux étapes de la translation des reliques, de l’Aquitaine jusqu’à la Bourgogne, qui constituent autant d’anciennes patriae du saint. L’héritage carolingien apparaît donc fondamental pour comprendre la genèse de cette organisation.

Notes

1 Diplôme du 19 mars 875, éd. RAC, II, no 378, p. 342.

2 Acte du 10 octobre 915, éd. RAC III, no lxxxii, p. 182.

3 Acte du roi Raoul du 9 avril 924 (RAR, no 5, p. 25), de Louis IV d’Outremer du 8 novembre 941 (RAL IV, no xvi, p. 40), de Lothaire du 7 novembre 956 (éd. RALO, no x, p. 19), d’Hugues Capet du 22 mai 989 (Dom M. Bouquet [éd.], Recueil des historiens de la France…, t. X, no vi, p. 554).

4 Diplômes royaux de 915, de 941, de 956 et de 989.

5 Bussogilum, Saint-Prudent, Asnières et Curçay sont confirmées jusqu’en 1060 mais n’apparaissent plus en 1119. Messais, confirmée pendant le Xe siècle, n’est plus citée après 989.

6 Acte d’Henri Ier de 1059 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 126), de Philippe Ier de 1060 (éd. RAPH, no xiv, p. 41) et bulle de Calixte II de 1119 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 145).

7 Acte de Geilon de 867 ou 868 (éd. L. Maître, « Cunauld, son prieuré, ses archives… », p. 257-260). Voir supra, chapitre 2.

8 La villa de Pusiagus, mal localisée, est concédée en 677 par l’évêque Ansoald. Celle de Messemé est donnée par Charles le Chauve en 854 (éd ; RAC, I, no 159, p. 416). La villa de Chosnos est seulement mentionnée dans l’édition du diplôme de 854 de F. Chifflet.

9 Voir supra, chapitre 3.

10 L’église de Beauvoir-sur-Mer est confirmée en mai 1119 (P. Juénin, Preuves, p. 145).

11 G. M. Oury, « La reconstruction Monastique dans l’Ouest : l’abbé Gauzbert de Saint-Julien de Tours (v. 990-1007) », dans Revue Mabillon, t. 54, 1964, p. 69-124 ; J.-M. Bienvenu, Histoire des pays de la Loire, Toulouse, 1972, p. 111-115.

12 O. Guillot, Le comte d’Anjou et son entourage au XIe siècle, Paris, 1972, p. 138-151 ; J. Mallet, L’art roman de l’ancien Anjou, Paris, 1984, p. 9.

13 B. Bachrach, « Robert of Blois, Abbot of Saint-Florent de Saumur and Saint-Mesmin de Micy (985-1011), A study in small Power Politics », dans Revue Bénédictine, t. 88, 1978, p. 123-146.

14 L. Halphen, Le comté d’Anjou au XIe siècle, Paris, 1906, p. 13-53.

15 Voir supra, chapitre 1.

16 Voir en général O. Guillot, Le comte d’Anjou et son entourage au XIe siècle, Paris, 1972.

17 Falcon, Chronicon Trenorchiense, c. 44, p. 101.

18 B. Bachrach, « Geoffrey Greymantle, Count of the Angevins, 960-987 : A Study in French Politics », dans Studies in Medieval and Renaissance History, t. 7, 1985, p. 3-67.

19 Voir supra, chapitre 11.

20 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges…, p. 412-432.

21 Voir supra, chapitre 6.

22 Falcon, Chronicon Trenorchiense, c. 29, p. 91.

23 C. Lauranson-Rosaz, L’Auvergne et ses marges…, p. 416-420.

24 Acte de 1060, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 129.

25 En mai 1076, le comte, venu prier sainte Marie à Cunault, fait don aux moines de deux métairies en leurs terres de Louerre et de Saulgé et libère leurs tenanciers en ces lieux de toute coutume (Archives du Maine-et-Loire, G. 842, fol. 281 ; O. Guillot, op. cit., t. II, C 312, p. 197-198). Entre 1074 et 1076, Foulques donne aux moines le droit d’avoir un four, libre de toute coutume (ibidem, t. II, C 314, p. 199). En 1080, la comtesse passe un acte à Cunault (ibidem, C 321 c, p. 202-203).

26 Voir supra, chapitre 1.

27 La construction du castrum de Trèves est antérieure à 1026, O. Guillot, op. cit., p. 311 et 343.

28 Acte du 3 décembre 1059, P. Juénin, Preuves, p. 126.

29 O. Guillot, op. cit., p. 466.

30 Cartulaire de Saint-Jouin de Marnes, p. 27-30.

31 O. Guillot, op. cit., p. 80.

32 Acte de 1060, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 126.

33 Les églises sont concédées avec les droits de baptême et de sépulture ainsi qu’une partie des tonlieux, perçus à Loudun (acte de 1060, P. Juénin [éd.], Preuves, p. 126).

34 Annexe 1, no 68 de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 135-136). Une clause de la bulle d’Urbain II de la même année reprend les termes de ce jugement (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 136).

35 Acte de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 135-136) : Sed et Fulco comes Andegavensium hanc audiens altercationem, protinus non rogatus consurrexit, et quae super hac re noverat, Papae omnisque Conventui vera relatione absolvit.

36 Acte de 1121, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 149-150.

37 Acte du comte d’Anjou, Geoffroi, de 1143, P. Juénin (éd.), Preuves…, p. 156.

38 Sur la réforme en Val de Loire, J. H. Foulon, « Les relations entre la papauté réformatrice et les pays de la Loire jusqu’à la fondation de Fontevraud », dans J. Dalarun (dir.), Robert d’Arbrissel et la vie religieuse dans l’Ouest de la France, Actes du colloque de Fontevraud, décembre 2001, Turnhout, 2004, p. 25-56.

39 O. Pontal, Les conciles de la France capétienne jusqu’en 1215, Paris, 1995, p. 254. L’assemblée a lieu dans le réfectoire de Sainte-Marie de Loudun.

40 Actes de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 137) et du 15 février 847 (éd. RAC, I, no 91, p. 245).

41 Acte de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 137).

42 Voir supra, chapitre 1.

43 M. de Boüard, « De l’aula au donjon. Les fouilles de la motte de La Chapelle à Doué-la-Fontaine (Xe-XIe siècle) », dans Archéologie médiévale, 1973-1974, p. 109.

44 Bulle de 1119 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 145) et de 1121 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 149-150). En 1171 pourtant, une querelle oppose encore l’évêque d’Angers aux moines de Tournus, à propos des chanoines de Saint-Denis de Doué. Éd. P. Juénin, Preuves…, p. 150-151.

45 Voir supra, chapitre 1.

46 A. Chédeville, H. Guillotel, La Bretagne des saints et des rois, Rennes, 1984, p. 374-375. H. Guillotel, « Le premier siècle du pouvoir ducal breton (936-1040) », dans Actes du 103e congrès national des sociétés savantes (Nancy-Metz, 1978), Paris, 1979, p. 63-84.

47 J.-P. Brunterc’h, « Puissance temporelle et pouvoir diocésain des évêques de Nantes entre 936 et 1049 », dans Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1984, p. 29-83.

48 Charte d’Ansoald de 677, L. Maître (éd.), « Cunauld, son prieuré, ses archives… », p. 239-243. Description du monastère de Jumièges, Ermentaire, Vita sancti Filiberti, c. VII, p. 6-7.

49 Voir supra, chapitre 1 et figure 75.

50 Cartulaire de Saint-Sauveur de Redon, A. de Courson (éd.), no 311 de 1060, p. 263. C. Jeanneau, « Émergence et affirmation des familles seigneuriales à la frontière des grandes principautés territoriales : les seigneurs de la Garnache et les vicomtes de Thouars », dans M. Aurell (dir.), Le médiéviste et la monographie familiale : sources, méthodes et problématiques, Actes du colloque de Poitiers, Turnhout, 2005, p. 161-187. Sur le castrum, I. Cartron, L. Bourgeois, « Noirmoutier-en-l’île (Vendée), monastère d’Herio », dans L. Bourgeois (dir.), Fortifications et résidences des élites du haut Moyen Age entre Loire et Garonne, rapport 2008 du Projet Collectif de Recherche, Poitiers, 2008, p. 35-42.

51 Le castrum est mentionné dans la charte de fondation de l’abbaye cistercienne de la Blanche à Noirmoutier, en 1205. E. Coutureau, H. Maheux, Yeu et Noirmoutier, Îles de Vendée, Cahiers du Patrimoine, no 34, Nantes, 1994.

52 R. Lebeau, « Compte-rendu des fouilles effectuées au château de Noirmoutier pendant l’été 1977 », dans Lettres aux Amis de Noirmoutier, 1978, p. 5-11.

53 Le mobilier comprend sept cruches à pâte grise, à fonds bombés et becs tubulaires, avec un décor de molette. R. Lebeau, art. cit., p. 10-11.

54 Plan du château de Noirmoutier, Atlas de masse 1705, Vincennes, Bibliothèque du Génie.

55 L. Delhommeau, L’église Saint-Philibert de Noirmoutier-en-l’Ile, Nantes, s. d. La chronologie de la reconstruction de l’église à l’époque moderne est présentée à partir de cet ouvrage. Plan de l’église, figure 76.

56 H. Dillange, Vendée romane, La Pierre-qui-Vire, 1976, p. 26.

57 J. Rousseau, Les vieilles églises de Vendée, éd. Le Cercle d’or, 1974.

58 J. Mallet, L’art roman de l’ancien Anjou, Paris, 1984, p. 46-47.

59 Acte du 23 mai 1059 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 126) : Et in episcopatu Pictavensi, monasterium quod vocatur Hero insula, in maris Oceani limbo positum, cum ecclesiis tredecim. Les treize églises ne sont pas identifiées.

60 Bulle de 1119 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 145) : In Pictavensi, Herum insula, Ecclesia de Bello videre cum cimeterio…

61 Acte du 23 mai 1059 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 126) : Et in episcopatu Namnetico, monasterium quod vocatur Deas, cum ecclesiis sibi pertinentibus, Corcoiaco, Sancto Limino, Lemovicinam, et aliis, olim Sanctis praenomitatis a bonis hominibus collatis.

62 P. Juénin (éd.), Preuves, p. 133.

63 J.-A. Brutails, « Note sur l’église de Saint-Philbert de Grandlieu », dans Bulletin monumental, t. 68, 1898, p. 311-334 ; F. Lesueur, « Saint-Martin d’Angers, la Couture du Mans et autres églises à éléments de briques dans la région de la Loire », dans Bulletin monumental, t. 119, 1961, p. 211-221. Voir figure 77.

64 P. Lebouteux, « L’église de Saint-Philbert de Grandlieu », dans Bulletin archéologique du CTHS, 1966-1967, p. 63-66.

65 J. Mallet, « Saint-Philbert de Grandlieu (Loire-Atlantique), abbatiale », dans Le paysage monumental de la France autour de l’an mil, Paris, 1987, p. 607.

66 J. Mallet, L’art roman de l’ancien Anjou, Paris, 1984, p. 22-34.

67 O. Guillot, Le comte d’Anjou et son entourage au XIe siècle, Paris, 1972, p. 39-43.

68 L’inscription a été découverte dans la crypte, elle est actuellement remployée dans le mur sud du chœur de l’abbatiale. L. Maître, « Rapport sur l’établissement de Deas, sur la translation des reliques de saint Filibert et sur l’âge de l’église de Saint-Philibert », dans Bulletin de la société archéologique de Nantes et du département de la Loire-Inférieure, t. 35, 1896, p. 339 et 363.

69 Datation proposée par C. Treffort, Mémoires carolingiennes. L’épitaphe entre célébration mémorielle, genre littéraire et manifeste politique (milieu VIIIe-début XIe siècle), Rennes, 2007, p. 135-136 et 342.

70 Acte du 27 novembre 839, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 81.

71 Concile de 1106 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 138) ; O. Pontal, Les conciles de la France capétienne…, p. 249. Au même concile, les moines portent plainte contre le monastère de Redon qui a usurpé les églises de Calma (?) du castrum de Machecoul.

72 P. Juénin (éd.), Preuves, p. 138.

73 Concile de Loudun de 1109, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 140.

74 Diplôme de Louis VI du 1123, R.-H Bautier (éd.), Recueil des actes de Louis VI, roi de France (1108-1137), t. I, Paris, 1992, no 205, p. 425.

75 J.-P. Brunterc’h, « Puissance temporelle et pouvoir diocésain des évêques de Nantes entre 936 et 1049 », dans Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1984, p. 42-44.

76 Bulle de 1121, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 149-150.

77 Lettre d’Innocent II à l’évêque de Nantes de 1132, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 151.

78 Voir supra, chapitre 8.

79 Acte du 19 mars 875 (éd. RAC, II, no 378, p. 342) :… abbatiam sancti Valeriani martiris […] et castrum Trenorchium […] et Turnucium villam […] condonamus et condonando concedimus.

80 Acte pontifical du 16 octobre 876 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 96) et diplôme du 12 décembre 878 (éd. RAL, no 26, p. 78).

81 Les actes de la première moitié du Xe siècle restent malgré tout peu nombreux. Ils sont surtout constitués par des diplômes royaux dont le formulaire est souvent emprunté à l’acte de 875.

82 Acte vers 1038 (Auvergne), de 1056 (Auvergne), de 1060 (Loudun), du IXe siècle (Bourgogne), de 1077 (diocèse d’Autun), de la fin du XIe siècle (Jura), de 1087 (Bourgogne).

83 Avant que le toponyme ne s’applique régulièrement au monastère, il sert d’abord, dans les actes du Xe siècle, à préciser le lieu de conservation des reliques.

84 Acte de mars 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 136-137) et de 1121 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 148). Voir supra, chapitre 11.

85 D. Iogna-Prat, « Un texte hagiographique épineux… », p. 37.

86 La profession des moines à Tournus est mentionnée dans les actes suivants datés entre 971 et 981, de 1060 et de 1077 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 118, 129, 133).

87 Breviarium de reliquiis que continentur in monasterio Trenorciensi. Voir supra, chapitre 12.

88 La translation des reliques d’Ardain a lieu en 1140, sous l’abbatiat de Pierre II (Leçons lues pendant l’octave de la translation de saint Ardain, P. Juénin [éd.], Preuves, p. 153-154).

89 C’est notamment pour préserver ce droit que les moines s’exilent à Saint-Pourçain, au milieu du Xe siècle.

90 Voir les exemples de Bussogilum et de Cunault au IXe siècle, supra, chapitre 3.

91 F. Felten, « Herrschaft des Abtes », dans F. Prinz (éd.) Herrschaft und Kirche, Stuttgart, 1988, p. 180-183.

92 P. Juénin (éd.), Preuves, p. 134.

93 Acte de mars 1096, de 1096, de 1106, de 1109, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 135, 137, 138, 140.

94 Actes de 1059, de 1060, de 1119 et de 1179, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 126, 128, 145, 174.

95 Acte suspect du 24 novembre 870, éd. RAC, II, no 344, p. 266.

96 Donation de Falcon de Jaligny en 1056 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 125). Trézelles n’est ensuite plus désigné comme monasterium.

97 Acte du 30 octobre 871 (Saint-Pourçain), du 22 juin 896 (Donzère), du 19 mars 875 (Tournus).

98 À propos du terme cella, voir A.-M. Bautier, « De praepositus à prior, de cella à prioratus : évolution linguistique et genèse d’une institution (jusqu’à 1200) », dans Prieurs et prieurés…, 1987, p. 47-52.

99 Saint-Philibert d’Albon et La Motte de Galaure apparaissent comme cellae dans l’acte de 1119. Le Val des Nymphes est mentionné comme monasterium dans l’acte royal de 1059.

100 Ainsi Herio, Deas, Cunault (?), Loudun, Saint-Pourçain, Goudet, Donzère, La Motte de Galaure.

101 À titre d’exemple, on peut citer : Le Villars (diocèse de Mâcon), Saint-Germain de Faucon (diocèse de Vaison), Les Tourrettes (diocèse de Die), Beaulieu et Lavoûte-sur-Loire (diocèse du Puy), L’Étoile (diocèse de Besançon).

102 À l’exception de Cunault, qualifié de prieuré au début du XIIe siècle, auquel l’église de Saint-Vital est rattaché en 1109 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 140).

103 Les renseignements incomplets fournis par les sources et les limites de nos propres observations permettent difficilement de conclure sur l’implication de la construction des castra sur le réseau monastique. Quelques exemples montrent toutefois que l’aristocratie locale a confié aux moines la gestion des lieux de culte du castrum (Loudun, Bagé, castra en Velay, Machecoul). Lorsqu’un castrum s’implante sur un site, préalablement occupé par un établissement monastique, les moines semblent parfois intégrer les chapelles castrales à leur domaine (Albon (?), Doué). Les seigneurs paraissent avoir contribué à la restauration de certains monastères, comme à Herio.

104 Louhans, Saint-Romain des Îles, Trézelles, Saint-Pourçain (avec dix églises), Goudet, Lavoûte-sur-Loire, Donzère, Val des Nymphes, Herio (avec treize églises), Loudun (avec sept églises), Cunault et Deas.

105 Il s’agit de Bussogilum, Saint-Prudent, Talloires, Hery, Glaise, Changy et Asnières.

106 On notera d’ailleurs certaines erreurs dans la localisation des dépendances : Sutrieu (diocèse de Belley) et Sercy (diocèse de Mâcon) sont situées dans le diocèse de Lyon ; La Chapelle Saint-Philibert et Saint-Cirgues sont mentionnées dans le diocèse du Puy alors qu’elles se trouvent dans celui de Viviers.

107 Voir supra, chapitre 8.

108 Annexe 1, no 33 du 16 juillet 889 (éd. RAE, no 13, p. 63). Il s’agit de l’unique mention du terme au IXe siècle.

109 Acte de 951 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 114) et entre 948 et 953 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 115).

110 La même remarque a été proposée pour Cluny, également qualifié de sacrosancta ecclesia, au début du Xe siècle. Mais le sens du terme s’enrichit considérablement au XIe siècle à Cluny. D. Iogna-Prat, Ordonner et exclure…, p. 63.

111 Acte de 981, P. Juénin (éd.), Preuves, p. 119.

112 Acte de 1056 et de 1096 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 125, 137).

113 Actes du 14 janvier 971, entre 971 et 981 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 116, 118).

114 D. Iogna-Prat, Ordonner et exclure…, p. 35-99 et en particulier p. 36.

115 Annexe 1, no 42 de 951 et no 56 de 1037 (P. Juénin [éd.], Preuves, p. 114, 124).

116 Tous les actes, y compris pour les régions éloignées de la Bourgogne, sont adressés à l’abbé et aux moines de Saint-Philibert.

Table des illustrations

Légende Figure 75. – Noirmoutier, plan du bourg (T. Bethus).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/126303/img-1.jpg
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Légende Figure 76. – Noirmoutier, plan de l’église et de la crypte (plan J. Boissière, Bâtiments de France).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/126303/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 158k
Légende Figure 77. – Saint-Philbert de Grandlieu, nef romane (N. Mesnier, O. Baud, A. Papin, Abbatiale IXe siècle, Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, Rennes, 1994).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/126303/img-3.jpg
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