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Servir le Roi Soleil

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Mathieu Stoll

Troisième partie. Héritages

Chapitre XI. Pouvoir et fortune

Texte intégral

1Au XVIIe siècle, pouvoir et fortune étaient indissociables : pour un ministre, loin d’être scandaleuse, une belle situation témoignait au contraire de la faveur dont il jouissait auprès du roi. Un conseiller bien en cour était régulièrement récompensé par des gages, des pensions et des gratifications extraordinaires, et Claude Le Peletier ne fit pas exception à la règle.

2Avant de connaître les émoluments d’un ministre, Le Peletier dut se contenter d’appointements beaucoup moins importants. À sa mort, en 1651, Louis Le Peletier avait laissé à ses cinq enfants encore vivants une fortune qui s’élevait à près d’un demi million de livres, qui, par le jeu des partages, permit d’assurer l’entrée de sa progéniture dans le monde. Tour à tour conseiller puis président au Parlement de Paris, prévôt des marchands puis conseiller d’État, Le Peletier vit ses revenus progresser au gré de son ascension et de la confiance accrue que lui témoigna le roi.

3Malgré sa charge, réputée lucrative, de contrôleur général des finances, Claude Le Peletier ne semble guère s’être enrichi au service de la monarchie si l’on compare le montant de sa fortune à celui d’autres ministres du XVIIe siècle. Sans pour autant cautionner les Mémoires du ministre, dans lesquels ce dernier se décrit comme « pauvre », la reconstitution de son patrimoine montre qu’il était largement inférieur à celui d’un Sully ou d’un Colbert, et même à celui de personnages moins illustres ou moins rapaces comme Louis Boucherat ou Henri Pussort.

Les revenus de Claude Le Peletier

L’ascension (1651-1683)

  • 1 Bibliothèque Mazarine, Ms. 3010, fo 239, année 1657.
  • 2 J.-N. Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bé (...)
  • 3 F. Bluche, Les magistrats du parlement de Paris au XVIIIe siècle (1715-1777), Besançon, 1960, p. 1 (...)
  • 4 À l’époque, les gages d’un maître des requêtes étaient de 1 200 livres par an (hors bureaux, commi (...)

4Les revenus de Claude Le Peletier au début de sa carrière, en tant que membre du Parlement de Paris, sont difficiles à estimer. Les émoluments des conseillers au Parlement étaient constitués d’un revenu fixe, les gages, et d’une rémunération dont le montant pouvait varier de manière significative d’une année sur l’autre, les épices. En 1657, les gages annuels d’un conseiller s’élevaient à 416 livres 13 sols 4 deniers1. Ils constituaient une somme modique au regard du prix de ces charges qui culmina au début du règne personnel de Louis XIV. Le Peletier ayant acheté la sienne 102 000 livres, ces gages représentaient un revenu très médiocre de 0,4 % ; investi en rentes au denier 20, le même capital aurait rapporté chaque année 5 000 livres. Les officiers, et parmi eux les conseillers au Parlement, avaient la possibilité d’arrondir leurs revenus en achetant des augmentations de gages mises en vente par le roi, mais Le Peletier n’eut pas recours à cet expédient avant 1674. Ce revenu ordinaire était complété par des bénéfices casuels : tournelles, vacations de grand et petit commissaire2, et épices. Chaque année, les conseillers se partageaient le produit des arrêts au jugement desquels ils avaient participé, soit comme juge, soit comme rapporteur. Le montant de ces bénéfices casuels dépendait donc de l’activité du magistrat : plus un officier travaillait, plus il augmentait ses revenus. F. Bluche estime le revenu annuel d’un magistrat « peu zélé et de santé délicate » à 1 189 livres par an au milieu du XVIIIe siècle3. Claude Le Peletier fut souvent dans l’obligation de négliger ses attributions judiciaires en raison de ses problèmes de santé et des exigences de Michel Le Tellier. On peut donc prendre pour base l’estimation de F. Bluche, et avancer que Le Peletier reçut chaque année environ 1 200 livres comme conseiller au Parlement entre 1653 et 16624. À partir du 10 septembre 1657, Claude Le Peletier perçut également la part qui lui revenait des gages des offices de garde des petits scels, de trésorier-payeur de la gendarmerie et de contrôleur général alternatif des rentes provinciales de Berry, soit environ 725 livres par an. On peut donc évaluer les revenus annuels de ses offices pour la période 1657-1660 à la modeste somme de 1 750 livres.

  • 5 Bibliothèque Mazarine, Ms. 3015, fo 53 vo, année 1663.
  • 6 AN, MC, XXX, 62, convention du 10 juillet 1663.

5En 1662, Claude Le Peletier acheta au président Viole son office de président aux enquêtes. Cette progression dans la hiérarchie du Palais se traduisit par une augmentation de ses gages, qui passèrent à 1 350 livres par an, soit un revenu de moins de 1 %, pour un capital atteignant 153 300 livres5. Cependant, même en tenant compte des épices et autres rémunérations annexes, Le Peletier ne perçut probablement pas plus de 2 500 livres par an dans cette charge de président, car il exerça d’autres fonctions qui le privèrent de la plupart des bénéfices casuels auxquels il aurait pu prétendre. Le Peletier continua également à percevoir les gages des offices qu’il possédait en commun avec ses frères. Jusqu’en 1663, il reçut ainsi 639 livres par an. Le partage du 10 juillet 1663 lui attribua la moitié de l’office de trésorier-payeur de la gendarmerie, dont on peut estimer les gages à 470 livres6.

  • 7 AN, 259 AP 125.
  • 8 Les gages d’un premier chambellan ou d’une dame d’honneur de la maison du prince de Condé en 1676 (...)

6La faveur que le roi commença à témoigner à Claude Le Peletier vers 1660 en le chargeant de plusieurs missions de confiance se traduisit de manière significative dans ses revenus. On l’a vu, Le Peletier fut tout d’abord nommé chef du conseil et intendant de la tutelle des filles de Gaston d’Orléans en 1660. Il n’est nulle part fait mention de ses émoluments, mais on sait que Nicolas Pinette, avec lequel il partageait les fonctions de tuteur onéraire, toucha 2 400 livres en 16677. On peut estimer que Le Peletier, dont les fonctions furent plus étendues et plus prestigieuses, reçut environ 4 000 livres par an entre 1660 et 1671. Recherchées pour les privilèges, les honneurs et la protection apportée par le patronage de familiers du roi qu’elles pouvaient procurer, les charges des maisons princières constituaient également une source complémentaire très appréciable en raison de leurs gages élevés8. Claude Le Peletier eut, de plus, la chance d’arriver au sommet de la maison de Monsieur sans devoir faire l’acquisition d’un office, mais sur simple commission royale, ce qui lui procura un revenu net de toutes charges.

  • 9 AN, K 10191, « état des étrennes que MM. les prévôt des marchands et échevins de la Ville de Paris (...)
  • 10 O1 13, fos 318 vo-319, don pour le deuil de la reine d’Angleterre, 30 novembre 1669.
  • 11 AN, G7 990.
  • 12 AN, G7 991.
  • 13 AN, G7 990.
  • 14 AN, MC, LXXV, 157, inventaire après décès de Marguerite Fleuriau, 24 octobre 1671.

7On a longtemps cru qu’aucun revenu ordinaire n’était attaché à la charge de prévôt des marchands qu’exerça le futur contrôleur général à partir du mois d’août 1668. Officiellement, le prévôt se contentait de recevoir chaque année, au titre de ses étrennes, 100 jetons d’argent, 600 jetons de laiton, 400 plumes, 4 rames de papier fin, 2 rames de papier doré, des dragées et des confitures9. Le roi prenait à sa charge une grande partie de ses frais de représentation. Lors des deuils ou des mariages qui survenaient dans la famille royale, le prévôt des marchands et les quatre échevins étaient tenus de se présenter dans la tenue de rigueur. En 1669, le roi leur fit don de 2 700 livres (dont 600 pour le prévôt des marchands) pour les robes de deuil dont ils durent faire l’achat en raison du décès de la reine d’Angleterre10. Le roi avait également pour habitude de récompenser la coopération du Bureau de Ville lors des émissions de rentes en leur accordant une gratification substantielle. En 1684, le roi accorda 49 000 livres au Bureau de Ville ainsi qu’aux procureur du roi et greffier en raison des huit émissions de rentes effectuées pendant qu’Auguste-Robert de Pomereu était prévôt des marchands (1676-1684), dont 20 000 livres destinées au seul chef de la municipalité11. En 1690, son successeur, Henri de Fourcy, ne manqua pas de rappeler cette coutume au contrôleur général des finances12. Claude Le Peletier bénéficia sans doute des mêmes avantages. Colbert aliéna des rentes à quatre reprises pendant que Le Peletier fut prévôt des marchands (édits de mars 1673, janvier 1674, décembre 1674 et mars 1676) ; on peut donc estimer qu’il reçut une gratification moitié moindre que Pomereu, soit environ 10 000 livres. De plus, avant 1674, la coutume semble avoir été que « les traitants qui avoient traitté de ces constitutions [donnassent] à MM. les prévost des marchands, échevins, procureur du roi, greffier et receveur, par gratification pour la signature, à chacun un contrat de rente, qui estoient remplys de leurs noms, dont lesd. sieurs ont jouy et qui sont demeurés dans leurs familles13 ». Nous n’avons pas retrouvé cette rente dans les liasses du minutier, et Claude Le Peletier n’y fait jamais allusion. Il est probable qu’il la céda ou la transporta rapidement à un tiers ou à un membre de sa famille puisqu’il semble à cette époque s’être défié des emprunts royaux. Enfin, d’après l’inventaire après décès de Marguerite Fleuriau, il semble que l’exercice des fonctions de prévôt des marchands n’ait pas été totalement gratuit, puisque ce document mentionne, sans plus de précisions, « la pension de la charge de prévost des marchand […] à raison de 6 000 livres par an14 ». La présence dans les comptes du Trésor royal d’une pension d’un montant identique versée aux successeurs de Le Peletier conduit à émettre l’hypothèse qu’elle constituait le mode de rémunération habituel des titulaires de cette charge. En 1673, en intégrant cette pension annuelle de 6 000 livres, les revenus que Claude Le Peletier tirait de ses charges et fonctions se montaient à environ 8 900 livres, soit presque l’équivalent du rapport des prêts qu’il avait alors consentis à divers particuliers (environ 9 100 livres annuelles pour un capital engagé de 183 000 livres).

  • 15 Mémoires du duc de Luynes, t. IV, p. 198, cité par A. de Boislisle, Les conseils sous Louis XIV, Pa (...)
  • 16 Ibidem, t. XV, p. 432, cité par A. de Boislisle, op. cit., p. 24.
  • 17 A. de Boislisle, op. cit., p. 56.
  • 18 AN, 259 AP 78, « bureaux de MM. les conseillers d’État en 1684 » pour le Conseil privé.
  • 19 Ibidem, « bureaux de MM. les conseillers d’État en 1682 ».
  • 20 BnF, Mél. Colb. 304, fo 107.
  • 21 Nous savons avec certitude que Le Peletier n’était pas membre de la commission des postes et messa (...)
  • 22 BnF, Mss. PO 2223, 50, 291.
  • 23 Ces lettres patentes sont citées lorsque Le Peletier demanda au roi de faire passer cette pension (...)

8Claude Le Peletier devint conseiller d’État semestre le 17 avril 1673 et conseiller d’État ordinaire le 17 mai 1678. Conformément au règlement du Conseil du 3 janvier 1673, il se démit de sa charge de président aux enquêtes et en perdit donc les revenus. Un conseiller semestre recevait 3 300 livres par an et un conseiller ordinaire 5 100 livres. Selon le duc de Luynes, cette dignité de conseiller d’État en elle-même était de peu de rapport ; il affirme que, tous frais payés, une place d’ordinaire ne rapportait que 2 100 livres par an15. Cette place était, poursuit le duc, « plus honorable qu’utile à moins qu’on ait des bureaux16 ». Les rémunérations que tiraient les conseillers d’État de ces bureaux sont difficiles à estimer. Le nombre des bureaux et leurs attributions changèrent fréquemment et leur organisation vers 1680 diffère sensiblement de celle, mieux connue, du début du XVIIIe siècle, ce qui invite à les comparer avec circonspection. Boislisle évalue à quatorze le nombre des bureaux en 171217, mais nous n’avons retrouvé la trace que d’une dizaine d’entre eux pour la période pendant laquelle Claude Le Peletier fut conseiller d’État. Six bureaux sont mentionnés sans précision d’attributions et semblent concerner le Conseil privé18. Quatre autres, dont Le Peletier faisait partie, sont en revanche regroupés sous le terme générique de « bureaux pour la communication des instances et affaires de finances qui se poursuivront au Conseil »19, qui rapportaient à un conseiller d’État qui n’en était pas président respectivement 3 000, 3 000, 2 000 et peut-être 2 000 livres20. Claude Le Peletier reçut donc près de 10 000 livres pour ses bureaux, mais il est possible qu’il ait figuré dans quelques bureaux supplémentaires21. Ce chiffre correspond aux émoluments qu’annoncent ses contemporains puisque Honoré Courtin, doyen du Conseil avec cinq bureaux, avouait recevoir 13 000 livres par an. Claude Le Peletier acheta aussi, le 15 mai 1674, 1 333 livres 6 sols 9 deniers d’augmentation de gages, moyennant 14 000 livres, qu’il conserva jusqu’à leur remboursement en 167922. Enfin, il obtint du roi par des lettres patentes du 30 mai 1682 une pension de 6 000 livres qui récompensa ses longs et fidèles services23. Au total, le revenu que Claude Le Peletier tirait de ses charges et pensions au début de 1683 s’élevait au moins à 22 000 livres par an, soit près du double de celui que lui procuraient ses rentes (12 575 livres), alors que ces deux sources de revenus étaient à parité en 1673.

Tableau 1 – Estimation des revenus de Claude Le Peletier provenant de gages, pensions et gratifications (1657-1683), en livres tournois.
Sources : Archives nationales.

Les fruits du pouvoir (1683-1711)

  • 24 AN, O1 30, fo 181 vo, provisions de président à mortier au Parlement de Paris, 24 mai 1686, et fo (...)
  • 25 Les registres et autres « projets de pensions… » de la sous-série G7 ne prennent pas en compte l’i (...)
  • 26 J. Villain, La fortune de Colbert, Paris, 1994, p. 105. Voir T. Sarmant et M. Stoll, Régner et gou (...)

9Claude Le Peletier fut appelé par le roi au contrôle général des finances et au Conseil d’en haut le 6 septembre 1683. Le roi lui accorda également, à partir du 24 mai 1686, la jouissance d’un office de président à mortier au Parlement24. Même si l’on ne tient pas compte des 8 000 livres de gages de ce dernier office, Le Peletier était, avec 118 000 livres de revenus, l’un des personnages les plus richement dotés du Conseil du roi25. Il convient toutefois de préciser qu’une partie de ces appointements était reversée par le contrôleur général ou par les secrétaires d’État à leurs commis ou domestiques26.

  • 27 Les revenus de cet office ont été comptés pour trois ans.

Note 2627
Tableau 2 – Revenus de Claude Le Peletier en gages et pensions (septembre 1683-septembre 1689), en livres tournois.
Sources : AN, G7 978-979, entrée « dépenses » ; la pension de 6 000 livres a été ajoutée à ce total.

  • 28 E. Pénicaut, Faveur et pouvoir au tournant du Grand siècle. Michel Chamillart, ministre et secréta (...)
  • 29 Ibidem, p. 304. L’état des revenus cité figure en AN, G7 1903. Un autre état de revenus conservé e (...)
  • 30 AN, G7 980, « états de recouvrement 1689 ».
  • 31 Gazette de Leyde, 18 janvier 1684, cité par J. Villain, op. cit., p. 109.

10Le pouvoir du 6 septembre 1683 prévoyait que Claude Le Peletier, à l’instar de Colbert et des contrôleurs généraux qui le suivirent, jouirait des « gages de 36 000 livres à prendre sur nos revenus casuels », versés en mensualités de 3 000 livres. Nous suivons l’analyse d’E. Pénicaut lorsqu’il distingue dans les revenus de Michel Chamillart, d’une part les pensions, appointements et émoluments correspondant à des fonctions précises (Conseil, Trésor royal, finances) et d’autre part, ces 36 000 livres de gages, « le contrôle général [étant] ainsi assimilé à une charge comme les autres, dotée d’appointements propres »28. En raison de ses fonctions originelles de contrôleur, le contrôleur général des finances prélevait également un « droit de contrôle » sur les quittances des affaires extraordinaires dont les registres lui étaient soumis par ses commis avant d’être portés à la Chambre des comptes pour vérification. Un état de la fin des années 1690 les évalue, « bon an, mal an », à 40 000 livres. Les comptes particuliers de Chamillart permettent d’estimer leur montant à 25 000 livres par an entre 1700 et 1707, leur calcul étant proportionnel au nombre et au montant des quittances contrôlées29. Toutefois, il est peu probable que le montant des droits de contrôle prélevés par Claude Le Peletier ait atteint des sommes très élevées, puisqu’il n’a presque jamais eu recours aux affaires extraordinaires avant 1689. Même cette année-là, les entrées de fonds enregistrées au Trésor royal au titre des affaires extraordinaires jusqu’au départ du ministre restèrent modestes : 2 196 591 livres, loin des 28 400 000 livres d’affaires extraordinaires de l’année 1701, par exemple30. De même, nous n’avons pas fait mention du pot-de-vin que recevait, disait-on, le contrôleur général lors des renouvellements des baux de la Ferme générale, pot-de-vin évalué par certains à 300 000 livres. En 1684, la Gazette de Leyde signale que Le Peletier fut autorisé par le roi à accepter le présent de la Ferme31. Cette information doit être prise avec précaution, puisque les baux des fermes générales, conclus pour six années en 1681, ne furent renouvelés qu’en 1687. Il est plus probable que cette autorisation royale concernait les étrennes que distribuaient les fermiers à chaque début d’année, pour un montant bien inférieur. Dans le cas des baux Domergue et Charrière passés en 1687, il semble douteux que Claude Le Peletier ait accepté de contrevenir à sa règle de conduite et de s’entendre avec des financiers qu’il ne tenait pas en haute estime. Son refus de recevoir les gages de la surintendance des postes entre 1691 et 1697 plaide également contre cette hypothèse. D’ailleurs, nous n’avons pas retrouvé la trace d’une pareille somme en examinant l’évolution de sa fortune, et les acquisitions de terres et d’offices qu’il effectua en 1686 et 1687 furent financées par des économies réalisées sur ses appointements, des remboursements de rentes et plusieurs emprunts faits auprès de particuliers.

  • 32 T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 482 et 485.
  • 33 AN, G7 1903, état des gratifications que les pays d’États sont en usage de faire à chaque tenue d’ (...)

11Toutes ces sommes ne représentaient que les revenus annuels de Claude Le Peletier attachés à son pouvoir de contrôleur général des finances. Comme les autres ministres, Le Peletier recevait également une gratification de certains pays d’États, versée à chaque réunion des États de la province32. Un état de 1698 récapitule les gratifications versées par les pays d’États au contrôleur général33.

  • Bretagne : 3 000 livres tous les deux ans (et 3 000 livres à l’intendant des finances de la province) ;
  • Languedoc : 6 000 livres par an ;
  • Bourgogne : 12 000 livres tous les trois ans (réparties entre Bourgogne, 9 000 livres, Bresse, 1 800 livres et Bugey, 1 200 livres).
  • 34 AN, O1 29, fo 281, [1er] juin 1685 et AN, G7 988, extrait des registres du roi, 1685.
  • 35 AN, MC, CXVII, 662, quittance du 1er février 1700.

12Le Peletier fut également récompensé pour avoir représenté le roi à l’Assemblée générale du clergé de 1685 en compagnie de Boucherat, Pussort et Seignelay, avec des appointements de 6 000 livres34. Parmi les revenus complémentaires du contrôleur général des finances, on remarque qu’il fit l’acquisition de 3 000 livres d’augmentations de gages en deux parties égales les 26 juillet et 7 août 1686, moyennant 54 000 livres35.

  • 36 En 1679, Louis XIV récompensa le travail effectué l’année précédente par Colbert, Seignelay, Louvo (...)
  • 37 Dangeau, op. cit., t. I, p. 291 ; AN, G7 978-979, année 1686, entrée « dépenses » ; BnF, Mss. Fr. (...)
  • 38 Dangeau, op. cit., t. I, p. 325.
  • 39 AN, G7 978-979, année 1687, entrée « dépenses ».

13Enfin, le roi avait l’habitude d’exprimer sa satisfaction et sa confiance envers ses serviteurs en leur accordant des gratifications exceptionnelles à l’occasion d’événements marquants, mariages ou décès, ou simplement, selon la formule consacrée, « en considération de leurs services et afin de leur donner moyen de les continuer36 ». Sous le règne de Louis XIV, le cas de Le Peletier n’est pas exceptionnel. Ses cousins Le Tellier et Louvois jouirent eux aussi de semblables dons. Claude Le Peletier reçut en tout trois gratifications de ce genre en 1686 et 1687, pour un montant de 450 000 livres. La première, d’un montant de 100 000 livres, était destinée à financer l’acquisition d’une charge de conseiller au Parlement de Paris pour Louis Le Peletier, fils aîné du ministre37. Le 25 avril 1686, Dangeau signala que le roi avait donné 150 000 livres au contrôleur général pour l’aider à payer les 350 000 livres que valait la charge de président à mortier laissée vacante par la mort de Le Coigneux38. Enfin, l’année suivante, Claude Le Peletier reçut une dernière gratification de 200 000 livres39. L’intention du souverain était sans doute de l’aider à marier son fils, dont il négociait le mariage avec la famille Rosanbo, mais Le Peletier l’utilisa pour racheter fin 1687-début 1688 deux rentes qu’il avait constituées quelques mois plus tôt, moyennant 44 000 livres de principal.

14On peut estimer que Claude Le Peletier reçut près de 1 500 000 livres du roi pendant les six années de son passage au contrôle général des finances. La part la plus importante est bien entendue constituée par ses revenus de contrôleur général et de ministre d’État, lesquels, avec les appointements aux revenus casuels, les gratifications des pays d’États et la pension qui en découlaient, représentent 67 % du revenu total et 94 % du revenu annuel. On remarque la proportion représentée par les dons du roi (30 % du revenu total) qui traduit la faveur du contrôleur général auprès de Louis XIV.

Source

Revenu annuel (année 1687)

Revenu total (1683-1689)

Revenus de contrôleur général et de ministre d’État

118 000

672 000

Appointements aux revenus casuels

36 000

216 000

Pension

6 000

36 000

Gratifications des pays d’États

11 500

69 000

Dons du roi

450 000

Assemblée du clergé

6 000

Offices et augmentations de gages

11 200

43 200

Total

182 700

1 492 200

Tableau 3 – État récapitulatif des revenus de Claude Le Peletier (septembre 1683-septembre 1689), en livres tournois.
Sources : AN, G7 978-979 pour 1687.

  • 40 AN, K 121a, ordonnance de comptant du 25 janvier 1690.
  • 41 E. Vaillé, Histoire générale des postes françaises jusqu’à la Révolution, Paris, 1951, t. V, p. 9- (...)
  • 42 P. Blet, Les assemblées du clergé et Louis XIV de 1670 à 1693, Rome, 1972, p. 511.

15Après 1689, Le Peletier resta ministre d’État, mais sans attributions autres que celles de conseiller d’État surnuméraire et de conseiller au Conseil royal des finances. Il continua de siéger aux bureaux des affaires du domaine et des aides, entrées et autres affaires extraordinaires jusqu’en 1693 ou 1694. Un ministre, même sans attributions, devait être capable de tenir son rang. Le roi lui accorda donc une gratification annuelle de 40 000 livres40, qui venait s’ajouter à la pension de 20 000 livres attachée à la dignité de ministre d’État. Cette mesure n’était pas exceptionnelle : les deux autres ministres d’État sans attribution de la période, le duc de Beauvillier et Arnauld de Pomponne se trouvaient eux aussi richement dotés. Pourvu de la commission de surintendant des postes, dont les appointements devaient se monter à 36 000 livres par an, Le Peletier refusa d’en toucher les revenus41. Enfin, le ministre reçut, comme en 1685, 6 000 livres pour sa présence en tant que commissaire à l’Assemblée du clergé de 169042.

16Les revenus de Claude Le Peletier tels que l’on peut les reconstituer s’établissent alors ainsi :

Source

Montant en 1692

Total 1689-1697

Ministre d’État

20 000

160 000

Conseiller au Conseil royal des finances

18 100

144 800

Gratification annuelle

40 000

360 000

Pension

6 000

48 000

Bureaux

6 000

24 000

Acquit patent

3 000

23 000

Gages

3 200

25 600

Assemblée du clergé de 1690

6 000

Total

96 300

791 400

Tableau 4 – Revenus de Claude Le Peletier en 1692 (et total pour 1689-1697), en livres tournois.
Sources : AN, G7 980 pour 1692.

17Cette reconstitution des revenus de Claude Le Peletier est confirmée, à quelques centaines de livres près, par les registres de la sous-série G7, qui contiennent les versements effectués à son profit entre 1686 et 1695.

  • 43 Saint-Simon, Mémoires, Paris, 1879-1931, t. IV, p. 258-274.
  • 44 AN, 259 AP 130, brevet de 6 000 livres de pension, 18 septembre 1697.
  • 45 AN, MC, CXVII, 662, quittance du 1er février 1700. Dès le 15 avril 1700, Claude Le Peletier invest (...)

18En 1697, Claude Le Peletier arracha de haute lutte à Louis XIV, après deux mois de palabres, le droit de se retirer, et voulut être déchargé de ses pensions. Le roi souhaitait les lui continuer, malgré l’opposition de l’ancien contrôleur général43. Pressé par le souverain, et sans doute également par les dépenses qu’il venait d’engager dans l’achat et la reconstruction de l’hôtel d’Effiat, Le Peletier céda et perçut jusqu’à sa mort la gratification de 20 000 livres attachée à la dignité de ministre d’État. La seule grâce que sollicita Le Peletier fut que le roi acceptât de transférer la pension de 6 000 livres dont il jouissait depuis 1682 à son fils Louis44. Claude Le Peletier reçut donc du roi 280 000 livres pendant les quatorze années de sa retraite. Il perçut également 4 000 livres d’augmentation de gages, qui furent rachetées par le garde du Trésor royal le 1er février 1700, moyennant 72 000 livres45. On peut estimer que les revenus que Claude Le Peletier tira de sa dignité de ministre et de ces augmentations de gages entre 1697 et 1711 s’élevèrent à 292 000 livres.

19On observe sans surprise que la période pendant laquelle Le Peletier fut ministre à la cour fut la plus fructueuse : en quatorze ans, il toucha ainsi 2 283 600 livres, soit 80 % de ce que le roi lui versa entre 1657 et 1711, ce qui représente un revenu annuel de plus de 163 000 livres. Avant et après cette période faste, Le Peletier se contenta de sommes plus modestes, mais la sollicitude royale n’abandonna pas le contrôleur général après sa retraite définitive, puisqu’en treize années, il reçut autant du roi qu’entre 1657 et 1683.

Évaluation de la fortune de Claude Le Peletier

20Dans son testament de 1682 et dans son mémoire au roi de 1691, Claude Le Peletier ne cesse jamais d’affirmer qu’il ne laisse que peu de biens à ses enfants. Le tableau ci-contre, qui ne prend pas en compte les biens de sa femme, vient mettre à mal ces protestations de pauvreté.

21Ce qui frappe tout d’abord, c’est la régularité de la progression de la fortune de Claude Le Peletier, parfaitement symétrique à son ascension dans l’appareil de l’État. Elle est également remarquable par la quasi-absence des dettes, à l’exception de l’année 1688 qui constitue un cas particulier puisque le contrôleur général venait d’acquérir coup sur coup un office de président à mortier et les seigneuries de Villeneuve-le-Roi et d’Ablon. En 1711, les dettes ne représentent que 4 % de l’actif. Le contrôleur général donna une grande partie de ses biens à ses enfants en avancement d’hoirie ; ces dons représentant plus de 40 % du total de ses avoirs en 1711, nous avons jugé nécessaire de les comprendre dans le montant de sa fortune, sous peine de ne pouvoir donner de celle-ci qu’une estimation sans réelle signification.

Tableau 5 – Estimation de la fortune de Claude Le Peletier en 1657, 1683, 1688 et 1711, en livres tournois.
N.B. : les sommes en italique concernent les revenus ; les autres sommes concernent les valeurs brutes des biens de Le Peletier.

22On distingue l’évolution très nette des investissements du ministre. Jusqu’en 1688, Le Peletier privilégia les rentes et les offices. À partir de cette date, deux tendances nouvelles se dégagèrent. Tout d’abord, la part des rentes sur le roi rejoignit, puis dépassa, celle des rentes sur les particuliers. Ensuite, Le Peletier commença d’investir dans les immeubles, qui représentaient 22 % des actifs en 1688 et 34 % en 1711. Dès 1683, les émoluments du Conseil prirent une part prépondérante dans ses revenus. Ils représentaient à cette date 62 % de ses revenus, 83 % en 1688 et encore 50 % en 1711. En dépit de ses dénégations, le contrôleur général s’enrichit au service du roi, mais il le fit honnêtement, en épargnant sur ses appointements et en utilisant à bon escient les dons que lui faisait le souverain. Principale source de revenus en 1657 (47 %), les rentes constituèrent toujours un complément substantiel, puisqu’elles représentaient 36 % de ses revenus en 1683, et 38 % en 1711. En revanche, Claude Le Peletier ne retira jamais d’importants revenus de ses achats d’offices et de terres : il s’agissait d’investissements à long terme, plus attractifs pour leur valeur sociale et symbolique que pour leur rendement immédiat, même si le rapport des terres apparaît, en 1688, bien plus avantageux que celui des offices (rendement annuel de 2 % pour les offices, de 4 % pour les terres).

  • 46 F. Bluche, op. cit., p. 155.

23En 1711, si, pour les besoins de la comparaison, on exclut le montant des dons et dots, la fortune de Claude Le Peletier s’élevait à 813 649 livres, dont 307 900 livres en rentes et prêts divers (38 %), 466 586 livres en immeubles (57 %), et 39 163 livres en meubles et en argent comptant (5 %). Elle correspond à un certain type de fortunes parlementaires où la répartition des biens était assez équilibrée entre rentes et immeubles46, ce qui reflète la prudence du contrôleur général et son souci de ne pas être dépendant d’un placement unique.

  • 47 Les estimations de ces fortunes ont été faites à partir des ouvrages de J. Villain, op. cit., d’I.(...)
  • 48 Autres comparaisons dans T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 493-495.

24La fortune de Le Peletier doit également être comparée à celle de ses contemporains47. Elle apparaît bien modeste au regard de celle de ses deux glorieux devanciers, Sully et Colbert. Déduction faite des dettes, elle ne représente que 26 % de celle du premier, et 18 % de celle du second. Même le chancelier Boucherat, que l’on présente d’ordinaire comme un personnage insignifiant, possédait 657 488 livres de plus que lui. S’il ne fut pas « pauvre », l’ancien prévôt des marchands ne compta pas parmi les particuliers les plus aisés de son époque48.

  • 49 À l’inverse, Pussort privilégia les prêts d’argent (63 % du total de ses biens), et Sully les imme (...)

25La relative modicité des biens de Le Peletier se trouve confirmée par la part que représentent ses dons à ses enfants : le ministre leur donna de son vivant des sommes moins importantes que Boucherat, Sully et Colbert, mais qui représentent 40,5 % de sa fortune à sa mort, contre seulement 32 %, 12 % et 29 % chez ces trois ministres. Par sa structure, la fortune de Le Peletier s’apparente à celles de Boucherat et de Colbert. Comme eux, le contrôleur général répartit ses biens de façon homogène entre prêts d’argent, immeubles et dons à ses enfants49. Si l’on compare les revenus de Colbert en 1683 à ceux du contrôleur général en 1688, on constate que le premier, qui cumulait plusieurs charges, touchait près du double de son successeur, mais que ses revenus ministériels n’entraient que pour 56 % dans ce total, contre 83 % chez Le Peletier : alors que le service du roi fournissait l’essentiel de ses revenus à Le Peletier, Colbert pouvait s’appuyer sur des rentrées plus diversifiées, puisque 20 % de ses revenus provenaient de ses rentes et 22,5 % de ses immeubles (contre respectivement 7 % et 5 % pour Le Peletier). Pussort tirait 55 % de ses revenus de ses rentes, contre seulement 38 % de ses charges. La situation de Claude Le Peletier se rapproche davantage de celle de Boucherat, dont les émoluments de chancelier représentaient 74 % des revenus.

Les achats d’offices

26Nous ne reviendrons pas ici sur les acquisitions des charges de conseiller puis de président aux enquêtes du Parlement de Paris, déjà largement évoquées, afin de nous concentrer sur les achats d’offices à caractère véritablement patrimonial, qui rentrent dans la stratégie d’ascension sociale mise en place par Claude Le Peletier : la charge de président à mortier du Parlement de Paris, et les offices acquis pour établir son fils Louis II.

  • 50 Dangeau, op. cit., Paris, 1854-1860, t. I, p. 325.
  • 51 Sourches, Mémoires, Paris, 1882-1893, t. I, p. 187.
  • 52 AN, MM 824, fo 58.
  • 53 AN, O1 30, fo 181 vo, provisions de président à mortier au Parlement de Paris, 24 mai 1686, et AN, (...)

27Pour Claude Le Peletier, magistrat dans l’âme, la grâce que lui fit le roi en 1686 de lui procurer une charge de président à mortier était sans doute tout aussi considérable que celle dont il l’avait honoré trois années auparavant en lui confiant la direction de ses finances. Le 24 avril 1686, Jacques Le Coigneux, président à mortier, mourut en laissant un fils unique, prénommé Jacques, trop jeune pour lui succéder. Selon Dangeau, dès qu’il eut appris la nouvelle, le roi fit quérir le contrôleur général et lui accorda cette place dans l’instant50. Selon Sourches, Claude Le Peletier, qui connaissait la santé précaire de Le Coigneux, avait déjà sollicité le monarque quelques mois auparavant51. Magnanime, le ministre obtint du roi une pension de 2 000 écus pour le jeune Le Coigneux, « qui n’étoit pas riche52 ». Les lettres de provision sont datées du 24 mai 1686, avec une dispense de parenté du même jour puisque Louis Le Peletier et Étienne d’Aligre, son fils et son gendre, étaient conseillers en la cour53.

  • 54 Les deux premiers contrats sont datés du 20 mai, le troisième du 12 juin 1686. Tous trois se trouv (...)
  • 55 AN, MC, LXXV, 234, quittance du 10 septembre 1686.
  • 56 AN, 259 AP 130, projets d’articles de mariage.
  • 57 AN, 259 AP 127, résignation de l’office de président à mortier, 18 novembre 1687.
  • 58 AN, 259 AP 260, réception de président à mortier au Parlement de Paris, 28 novembre 1687.
  • 59 AN, O1 33, fo 129 vo, lettres pour conserver à Claude Le Peletier son rang de président au Parleme (...)

28On l’a vu, le roi accorda 150 000 livres à Le Peletier pour l’aider à payer la finance de 350 000 livres à laquelle la charge était fixée. Le ministre employa au paiement du reste une partie de ses appointements et l’argent comptant provenant du rachat de ses rentes par certains de ses débiteurs. En définitive, il fut contraint d’emprunter 91 000 livres en trois contrats à Marie Esmery, Armand Fornier et Élisabeth Turpin54, et versa les 350 000 livres au trésorier des revenus casuels le 10 septembre 168655. Cependant, Le Peletier ne put longtemps jouir de cet office. Après des négociations serrées, Marie Le Gouvello, mère de Geneviève-Joseph Du Coskaer de Rosanbo, arracha au contrôleur général des finances la promesse qu’il accorderait la survivance de sa charge à son fils Louis Le Peletier avant la célébration du mariage de leurs enfants56, ce qui fut fait le 18 novembre 168757, la réception au Parlement intervenant le 28 novembre suivant58. Même si le contrat de mariage réserva finalement au ministre l’exercice de cette charge pendant cinq ans, le contrôleur général préféra y renoncer en mai 168959.

  • 60 AN, MC, LXXV, 215, traité de l’office d’avocat au Châtelet, 26 décembre 1682.
  • 61 AN, MC, LXXV, 231, traité de l’office d’avocat au Châtelet, 18 décembre 1685.
  • 62 AN, 259 AP 130, dispense d’âge pour être reçu conseiller au Parlement, 2 janvier 1686, et AN, X1A (...)
  • 63 Bibliothèque Mazarine, Ms. 3028, registre des gages du Parlement, fo 136.
  • 64 A. N. Hamscher, The Parlement de Paris after the Fronde, 1653-1673, Pittsburg, 1976, p. 21.

29En effet, Claude Le Peletier avait commencé très tôt la formation de son fils Louis, destiné à perpétuer le nom des Le Peletier au sein de la haute robe parlementaire. Dès que son fils fut licencié en droit, condition nécessaire pour son ascension, le futur contrôleur général songea à lui acheter un office de magistrat. Le 26 décembre 1682, alors que son fils venait d’avoir vingt ans, il passa un accord avec Adrien de Hanivel, secrétaire des commandements de Monsieur : Hanivel promit de lui fournir, le 12 mai 1684, pour Louis Le Peletier, la procuration ad resignandum de son fils Adrien-Alexandre de Hanivel, de l’office d’avocat du roi à l’ancien Châtelet de Paris, moyennant 57 000 livres60. Louis fut reçu avocat du roi grâce à une dispense d’âge accordée par le roi le 27 juin 1684. Moins de deux ans plus tard, le 18 décembre 1685, Claude Le Peletier revendit cet office à Nicolas Roujault moyennant 60 000 livres61. Le 2 janvier 1686, le roi accordait au jeune Le Peletier une nouvelle dispense d’âge, accompagnée d’une dispense de parenté, cette fois pour se faire pourvoir d’un office de conseiller au Parlement de Paris62. Louis Le Peletier en fut pourvu le 7 janvier 1686 et fut reçu en la cour le 16 janvier suivant63. Cet office est estimé dans le contrat de mariage de Louis Le Peletier avec Geneviève Joseph Du Coskaer de Rosanbo à 100 000 livres, soit le montant de la gratification accordée par le roi le 24 février 1686 pour financer l’acquisition d’une charge de conseiller au Parlement pour Louis Le Peletier, montant qui correspond également au prix de l’office de conseiller lai tel qu’il avait été fixé par l’édit de décembre 166564.

30Les acquisitions d’offices effectuées par Claude Le Peletier suivirent un mouvement logique et classique, par lequel il gravit un à un les degrés de la robe jusqu’à la charge de président à mortier. Dans cette succession de fonctions prestigieuses, seule aura en fait manqué la charge de premier président du Parlement, qu’il préféra ne pas solliciter, mais Le Peletier répara cet échec en y installant, peu de temps avant sa mort, son fils Louis dont il préparait l’ascension de longue date. On remarquera d’ailleurs qu’il fallut trente-trois ans à Claude Le Peletier pour passer de l’état de conseiller au Parlement à celui de président à mortier, alors que son fils n’eut besoin que de trois années pour accomplir le même parcours…

  • 65 La valeur des offices quintupla entre la fin du XVIe siècle et 1635, plafonna jusqu’à la fin du XV (...)

31Fait étonnant et original, il apparaît que Claude Le Peletier a presque toujours réalisé un gain financier entre l’achat et la revente de ses offices. Sans doute une certaine part de hasard entrait-elle dans des transactions de ce type, mais Le Peletier, avec l’aide de Michel Le Tellier, savait attendre, ou provoquer, ces conjonctures favorables, et ces gains démontrent l’opportunisme du contrôleur général des finances dans une période où commença la désaffection pour les offices de justice qui allait durer jusqu’à la fin de l’Ancien Régime65.

Les prêts d’argent

  • 66 Sur l’évolution du statut et de l’utilisation de l’obligation entre le XVIIe et le XIXe siècle, vo (...)
  • 67 AN, MC, CXVII, 646, traité d’office du 16 juillet 1692.

32L’étude des prêts d’argent consentis par Claude Le Peletier amène au cœur de la stratégie financière qu’il établit avant son accession au contrôle général des finances. Qu’il ait été débirentier ou crédirentier, Le Peletier utilisa presque exclusivement le système de la rente, de préférence à celui de l’obligation66. Pourtant, des contraintes non négligeables pesaient sur la pratique des rentes constituées. L’impossibilité pour le prêteur d’exiger une date de remboursement du capital le mettait à la merci de son débiteur, inconvénient que ne présentait pas l’obligation, puisqu’un terme de remboursement était fixé à la signature du contrat. Si le débiteur faisait défaut et laissait s’accumuler les arrérages, seule une lourde procédure permettait au prêteur, dans le meilleur des cas, de retrouver un capital qui pouvait demeurer immobilisé pendant plusieurs années. Encore fallait-il que le débiteur fût solvable, c’est-à-dire que les immeubles sur lesquels étaient assignées ses créances lui permissent d’honorer ses dettes ! Aidé par sa position privilégiée au sein du clan Le Tellier, Claude Le Peletier excella à trouver des prêteurs solvables : seul Gilles Jean-Baptiste Anjoran fit exception à la règle et, grâce à la vente de l’office d’avocat général au Grand Conseil dont il était pourvu, Le Peletier récupéra sans peine les 22 000 livres de capital et les arrérages qui lui appartenaient67. Attribuer ce résultat à la chance serait faire entrer le hasard dans un domaine d’où Claude Le Peletier l’avait banni : au contraire, c’est l’habileté du contrôleur général qui lui valut cette sécurité dans ses investissements.

  • 68 AN, MC, LXXV, 168.
  • 69 AN, MC, LXXV, 157, inventaire après décès de Marguerite Fleuriau, 24 octobre 1671.

33Le Peletier sut profiter de son rôle de chef de la tutelle des filles de Gaston d’Orléans pour devenir un des principaux créanciers de cette famille, à laquelle il prêta un total de 106 000 livres. Une autre solution retenue par le prévôt des marchands consista à placer son argent auprès de sa propre famille et de celle de son patron, ou au sein de sa clientèle, de telle sorte qu’à l’obligation contractuelle d’acquitter les arrérages et d’être en mesure de restituer le capital se superposait une contrainte personnelle, fondée sur la solidarité qui unissait les membres du clan. Prêter au patron, ou partager avec lui le même débiteur, représentait la forme la plus aboutie de ce système. Claude Le Peletier prêta ainsi 6 000 livres à Michel Le Tellier et 28 300 livres à Charles-Maurice Le Tellier68 ; il prêta, de concert avec le chancelier, 20 000 livres à Jean Le Cocq, apportant 4 000 livres de capital69. Claude Le Peletier servit aussi de créancier à l’ensemble du clan Le Tellier, prêtant 58 300 livres à la famille d’Aumont, 22 000 livres aux Du Gué, 48 000 livres aux Brillac. Le futur contrôleur général participait au processus d’autofinancement du clan que nous avons mis en évidence, tout en s’assurant des débiteurs dignes de confiance et un paiement régulier de ses rentes.

  • 70 F. Bluche, op. cit., p. 216.
  • 71 BnF, PO 2223 (50, 291).

34L’élément le plus surprenant, dans cette liste de constitutions, tient à l’absence presque totale des rentes sur l’Hôtel de Ville, pourtant considérées comme le placement par excellence des parlementaires sous l’Ancien Régime70. Jusqu’en 1684, deux constitutions seulement sont attestées, pour un capital de 42 000 livres, et encore s’agit-il non de prêts au roi, mais à l’Hôtel de Ville lui-même afin de financer les travaux d’aménagement de la capitale. Sans doute le prévôt des marchands se crut-il obligé de donner l’exemple. L’origine de cette aversion pour les prêts au roi tient sans doute aux risques qu’encourait le créancier, confronté à un mauvais payeur, à la merci d’une réduction du denier de la rente ou d’une liquidation impromptue. L’attitude de Colbert après 1661 et les conseils de Michel Le Tellier incitèrent Le Peletier à privilégier les rentes sur les particuliers. L’achat de ce dernier type de rentes absorba l’essentiel de sa fortune jusqu’en 1683 : avant cette date, il ne prêta au roi que 14 000 livres, le 15 mai 1674, sous la forme de 1 333 livres 6 sols 9 deniers d’augmentations de gages remboursés dès le 24 juillet 167971. Dès qu’il disposait d’une somme d’argent comptant, Le Peletier la réinvestissait immédiatement en rentes, avec le souci de faire travailler son argent en permanence, et aussi parce qu’il craignait toujours les mutations des espèces métalliques dont il avait souffert, avec ses frères, dans les années 1650. Cette rapidité de réaction nécessitait de sa part une excellente connaissance des besoins et de la solvabilité du public, qu’il acquit au contact et au service de Michel Le Tellier, au point d’imiter ses choix financiers et d’élever, comme lui, la prudence et la discrétion au rang de premier critère d’investissement.

  • 72 Ces augmentations de gages lui furent remboursées le 1er février 1700 (AN, MC, CXVII, 662, quittan (...)

35L’arrivée de Le Peletier au contrôle général marqua un tournant dans son attitude vis-à-vis de la rente constituée. Il l’utilisa tout d’abord beaucoup moins comme un moyen de placer son argent : de 1684 à sa mort, seuls 9 contrats furent passés à son profit, contre 40 entre 1653 et 1682. De plus, parmi ces 9 contrats, seuls 3 furent le fait de particuliers ; en revanche, Le Peletier prêta, en 6 contrats, un total de 252 800 livres au roi, auquel il faut ajouter 54 000 livres cédées en échange de 3 000 livres d’augmentations de gages en 168672, soit un total de 306 800 livres. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce revirement spectaculaire, car Le Peletier n’avait pas renoncé à ses préventions contre les rentes sur l’Hôtel de Ville. En tant que contrôleur général des finances, il n’éprouvait plus aucune difficulté à récupérer son capital. Ainsi, lui et ses héritiers obtinrent-ils le remboursement de toutes les rentes que le roi leur constitua dans la seconde partie du règne, malgré une conjoncture très défavorable aux rentiers en 1698-1699 et en 1714-1715. D’autre part, honnête et scrupuleux, Le Peletier n’en était pas moins bon comptable, et prêter au roi, avec un risque dorénavant moindre, au denier 20, 18 voire 16, lui permettait de réaliser une meilleure opération que le denier 22 en usage avec les particuliers dans les décennies 1680-1690. Enfin, les années 1686-1687 marquent un tournant dans la philosophie du contrôleur général, qui avait choisi jusqu’alors d’investir sa fortune en priorité dans les rentes. De 1686 à 1698, Le Peletier consacra ses efforts à la constitution d’un patrimoine immobilier cohérent, centré sur la seigneurie de Villeneuve-le-Roi et sur la rue Vieille-du-Temple et y employa les sommes qui provenaient des rachats de ses débiteurs. Il ne reprit son rôle de créancier que provisoirement, ses investissements immobiliers terminés, pour placer entre 1698 et 1700 sa part de la succession de son frère et ce qui lui restait de ses émoluments de ministre. Jusqu’en 1686, ce réinvestissement immédiat et permanent dans de nouvelles constitutions de rentes eut pour corollaire l’immobilisation, pour une durée indéterminée, de la quasi-totalité des fonds dont disposait Claude Le Peletier. Ce dernier n’était pas maître de ses disponibilités financières, d’autant que les modalités de rachat variaient selon les débiteurs. Certains remboursaient le capital en une fois, d’autres, au contraire, rachetaient la rente morceau par morceau.

  • 73 AN, T 1062, contrat de vente du 22 août 1707.

36Ne disposant pas d’importantes sommes en argent comptant, Le Peletier fut obligé, quand il ne pouvait utiliser ses rentes comme moyen de paiement, de recourir à l’emprunt pour se procurer les liquidités nécessaires à ses acquisitions. Ainsi, en 1662, pour faire face aux exigences du président Viole, dont il venait de racheter l’office de président aux enquêtes, fut-il contraint d’emprunter 126 000 livres alors qu’il venait de prêter, deux ans auparavant, 100 000 livres à François-Théodore de Nesmond. De même, en 1667 et en 1669, emprunta-t-il 42 800 livres pour financer les acquisitions et les aménagements qu’il effectuait à Villeneuve-le-Roi. En 1686 et 1687, le contrôleur général emprunta 91 000 livres pour l’achat de son office de président à mortier, et 82 000 livres pour une partie du prix de la seigneurie de Villeneuve-le-Roi. Enfin, en 1707, le vieux ministre constitua 3 000 livres de rente à Pierre Éon de La Baronnie pour financer l’acquisition d’une maison proche de l’hôtel d’Effiat73. Le Peletier fit preuve d’une même prudence à l’égard de ses créanciers, en les choisissant logiquement parmi les membres de sa famille, de son proche entourage et du clan Le Tellier. On doit constater qu’il se révéla extrêmement réservé vis-à-vis de l’usage des rentes comme instrument de crédit, et plus généralement vis-à-vis de l’endettement, puisqu’il s’appliqua à rembourser très rapidement le capital qu’on lui prêtait.

  • 74 AN, 259 AP 29, lettre de Gabriel Boucot à Le Peletier, Paris, 10 mai 1702.

37En 1683, si l’on ne tient pas compte des rentes dont la date de rachat nous est inconnue, les sommes avancées par Claude Le Peletier s’élevaient à 283 519 livres et lui assuraient un revenu annuel de 12 299 livres ; en 1711, elles s’élevaient à 275 000 livres pour un revenu de 13 420 livres. L’étude des prêts d’argent, et de leur part dans la fortune de Claude Le Peletier, vient conforter ce que nous savions déjà du personnage. Prudent, il préféra toujours un investissement sûr à un rendement brillant mais aléatoire. Contrairement à Colbert et à ses prédécesseurs, Claude Le Peletier n’était pas un financier de formation. Il préféra se cantonner dans des placements classiques, et, semble-t-il, ne se livra jamais à la spéculation. Seule exception à cette ligne de conduite, l’acquisition entre 1665 et 1670 de trois actions de la compagnie des Indes orientales, à 1 000 livres l’unité, s’explique sans doute par les pressions royales exercées sur les principaux officiers et leurs entourages : le futur ministre ne faisait en cela que suivre l’exemple de son patron, Michel Le Tellier, qui se portait acquéreur d’une vingtaine d’actions. La compagnie fut réformée en 1684 et les actions des intéressés réduites au quart de leurs capitaux. Le Peletier semble s’être peu préoccupé de son investissement ; en 1702, Gabriel Boucot fut obligé de lui rappeler que le capital qu’il possédait dans cette compagnie s’élevait alors à 1 500 livres74. Nous perdons par la suite la trace de ces actions, que Le Peletier céda avant son décès puisqu’elles n’apparaissent pas dans son inventaire.

Constitution d’une fortune foncière

38Claude Le Peletier commença tardivement à se constituer une fortune foncière digne de ce nom, se contentant longtemps d’assurer le logement de sa famille dans le Marais. À partir de 1686, le contrôleur général élabora le dessein de rassembler sa famille sur deux sites, Villeneuve-le-Roi et la rue Vieille-du-Temple, et cette idée conditionna dès lors ses investissements immobiliers.

  • 75 Actuel no 19 de la rue Vieille-du-Temple.
  • 76 AN, MC, XIX, 102, bail du 29 juin 1675.
  • 77 Cet hôtel s’élevait au 26-28 de la rue Vieille-du-Temple, à l’emplacement de l’actuelle rue du Tré (...)
  • 78 AN, 259 AP 29, lettre de Caillet à Le Peletier, [Paris], 6 juillet 1696 et AN, 259 AP 127, contrat (...)
  • 79 Sur les hôtels des ministres contemporains de Le Peletier, voir T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., (...)
  • 80 Voir le mémoire des « Dépenses à faire à l’hostel d’Effiat pour l’exécution du grand dessein » con (...)
  • 81 Bullet continua de prodiguer avis et conseils au ministre après le début des travaux, par exemple (...)
  • 82 Cette estimation de 35 706 livres ne prenait pas en compte l’aménagement du jardin.
  • 83 AN, 259 AP 127, lettre de Pecquet à Le Peletier, Paris, 10 mai 1697.

39Le Peletier séjourna peu de temps dans la maison de son père, rue Vieille-du-Temple75. En 1659, il emménagea non loin de là, rue Barbette, et mit la demeure paternelle en location. En 1675, il déménagea dans une demeure plus vaste et plus conforme à son rang, l’hôtel d’Effiat, moyennant un loyer annuel de 2 500 livres76. Vendu par la famille d’Effiat à l’Hôtel-Dieu en 168277, cet hôtel fut remis en vente en 1696, et le ministre, qui était l’un des administrateurs de l’Hôtel-Dieu, en profita pour l’acquérir pour une somme de 80 000 livres78. À la fin du XVIIe siècle, l’achat d’un hôtel n’était en rien exceptionnel pour un membre de la haute administration. À partir du règne personnel de Louis XIV, les grands commis du Conseil prirent la relève de la haute noblesse en matière de construction privée, inflexion d’où naquirent les hôtels de Lionne, de Louvois ou de Villacerf. Au regard de ces grands programmes, les ambitions de Claude Le Peletier apparaissent modestes79. Aussitôt devenu propriétaire, Le Peletier lança une grande campagne de travaux placée sous la direction d’Antoine Pecquet, ancien échevin de la ville de Paris et lui aussi administrateur de l’Hôtel-Dieu80. Assisté de Pierre Bullet81, Pecquet présenta un projet de dépense d’environ 35 000 livres, comprenant la consolidation des fondations et la transformation des façades de l’hôtel, tant sur cour que sur jardin82. Le chantier dura environ un an. En même temps qu’il faisait sauter une partie des façades et commençait à rehausser les combles, Pecquet fit consolider les fondations83. Le corps de logis entre cour et jardin fut élargi d’environ deux mètres et pourvu d’une nouvelle façade sur jardin de sept travées et de deux pavillons latéraux en saillie bâtis en pierre de Saint-Leu et en moellons enduits. Très austère, cette façade sur jardin disposait d’un avant-corps central surmonté d’un fronton triangulaire. Au rez-de-chaussée, la porte était couronnée d’un bas-relief en pierre représentant une Allégorie du commerce, aujourd’hui conservée au Louvre et longtemps attribuée par erreur à Jacques Sarrazin.

  • 84 Ibidem, lettre de Pecquet à Le Peletier, Paris, 16 juillet 1697.
  • 85 Dans son testament, Claude Le Peletier n’estime son hôtel qu’à 120 000 livres, ce qui limite le mo (...)

40Ces travaux s’accompagnèrent d’une redistribution intérieure de l’hôtel. Trois appartements furent aménagés, dont un pour Claude Le Peletier et un deuxième pour sa fille Françoise et son époux Jean-Pierre d’Argouges. Cette réfection se termina dans la première moitié de l’année 1698. Malgré la surveillance draconienne de Le Peletier et de son fils Charles-Maurice, et en dépit du remploi de plusieurs matériaux en bon état, le projet de dépenses ne fut pas respecté. Dans ses lettres, Pecquet se plaignit souvent du coût de la main-d’œuvre et des matériaux, en particulier du plomb. Il attribuait ce renchérissement aux travaux alors en cours à Marly, qui réduisaient le nombre des ouvriers disponibles et leur permettaient d’exiger des rémunérations plus élevées84. Les quittances que nous avons retrouvées font monter la dépense à plus de 38 741 livres, dont près de 17 500 livres pour la seule maçonnerie, mais il est certain que la dépense totale fut beaucoup plus importante85.

  • 86 AN, 259 AP 126, inventaire après décès de Claude Le Peletier, 4 septembre 1711. La vente de cet hô (...)
  • 87 Cette tendance au regroupement familial dans les milieux nobiliaires parisiens se renforce encore (...)
  • 88 Cette somme est modeste. Le lit de Chamillart fut estimé à 2 500 livres en 1720 (E. Pénicaut, op. (...)

41La disposition intérieure de cet hôtel reste mal connue. L’inventaire après décès de Claude Le Peletier nous apprend que le ministre disposait d’une grande chambre avec vestibule et de deux grands cabinets et qu’au moins deux autres grandes chambres étaient réservées à ses enfants86. En effet, l’hôtel abritait non seulement l’ancien contrôleur général, mais aussi ses enfants, leurs familles et plusieurs domestiques87. La répartition des meubles n’était pas uniforme, l’appartement du ministre faisant l’objet d’une décoration beaucoup plus soignée. On remarquait dans le vestibule et dans la chambre quatre armoires, deux miroirs, trois tables, quatre fauteuils, trois chaises, deux sièges ployants, et surtout plusieurs tableaux et tapisseries : un tableau représentait « le combat du taureau espagnol », un autre était un portrait du chancelier Le Tellier et une estampe figurait un « combat vénitien ». Sept pièces de tapisserie prisées 1 000 livres y étaient tendues et le lit en noyer était estimé avec ses draps à 380 livres88. Le grand cabinet comprenait notamment un grand bureau couvert de velours noir, avec plusieurs tiroirs et une « tablette à mettre papiers », six fauteuils, six chaises, un miroir et plusieurs tableaux représentant des hommes en voyageurs, le roi en guerrier, Gaston d’Orléans, trois portraits de chanceliers, le duc de Savoie en guerrier, une dame ayant auprès d’elle un amour, deux autres portraits d’homme et de femme, et une Sainte Famille. Le petit cabinet contenait un « moyen bureau de marqueterie à plusieurs tiroirs », six fauteuils, huit chaises, un siège ployant et deux tableaux, l’un du chancelier Séguier, l’autre de Louis Le Peletier, père du ministre, « auprès de sa bibliothèque et écrivant ». En raison d’une importante différence de niveau entre la cour et le jardin, cet appartement, situé au premier étage côté cour, donnait également de plain-pied sur le jardin.

42Au deuxième étage, une autre chambre était meublée pour 2 176 livres, avec plusieurs tableaux représentant une Sainte Famille, la Samaritaine, Saint Bruno au désert par Louis Boullogne, le Duc et la Duchesse de Guise, le Marquis de Louvois, Sainte Thérèse, une Adoration des mages, une Mise au tombeau et une Foire aux chevaux. On y trouvait surtout quinze pièces de tapisserie de Venise et de Flandre estimées 1 700 livres. Toujours au deuxième étage, la chambre qu’utilisait l’évêque d’Angers avant sa mort était meublée pour 1 146 livres, avec un grand lit, une tapisserie représentant l’Histoire de Joseph, une statue équestre du roi en plâtre bronzé, six tableaux représentant des paysages et trois estampes représentant « deux chanceliers et un président ».

  • 89 AN, 259 AP 126, liste de tableaux pour M. Le Peletier. Il est probable que Claude Le Peletier tena (...)

43Claude Le Peletier semble avoir apporté un certain soin à la décoration des pièces de ses demeures. Outre les tapisseries et tableaux déjà mentionnés, on trouvait dans le garde-meuble une tapisserie des Gobelins en sept pièces (2 600 livres), une tapisserie de Flandre en neuf morceaux (200 livres) et plusieurs morceaux d’autres tapisseries. Une liste des tableaux de Claude Le Peletier dressée avant sa mort à une date indéterminée montre qu’il possédait aussi, sans doute à Villeneuve-le-Roi, un tableau le représentant en ministre d’État, des grands portraits de l’évêque d’Angers, de Le Peletier du Mans, de Jérôme Le Peletier, des petits portraits de Mmes de La Fayette, de Louvois, de Rosanbo, d’Argouges et d’Aligre, quatre petits paysages ovales, trois petits paysages carrés, une Adoration des mages, un portrait d’un philosophe et une toile intitulée « Rendre à César ce qui est à César89 ». Parmi les médailles et bijoux, on retrouve les deux médailles qu’avait fait exécuter Le Peletier pour le chancelier Le Tellier (prisée 705 livres) et le roi (270 livres), d’autres médailles (331 livres), 300 jetons d’argent, une montre de métal (50 livres) et cinq diamants (180 livres). La vaisselle d’argent n’est pas décrite en détail, mais on sait qu’elle représentait en plats, assiettes, cuillères et autres, une quantité de 402 marcs 6 onces d’argent. Dans l’écurie se trouvaient enfin quatre chevaux de carrosse (650 livres), un grand carrosse (420 livres) et un petit carrosse coupé (130 livres), tous deux aux armes de Le Peletier.

  • 90 Il n’est pas tenu compte dans ce total de l’argent comptant trouvé dans la succession, soit 8 141 (...)
  • 91 AN, 259 AP 131, achat du 22 mars 1692.
  • 92 Ibidem.

44Les effets mobiliers de l’hôtel d’Effiat furent estimés à 31 021 livres, qui se répartissaient en linge (1 095 livres), meubles (11 282 livres), vaisselle d’argent (13 446 livres), bibliothèque (3 500 livres), médailles et bijoux (1 698 livres)90. Ce total ne doit pas faire illusion. La plupart des effets, linge, meubles, rideaux sont dits « fort usés » ou « vieux », et il est manifeste que Claude Le Peletier n’y portait plus une grande attention depuis plusieurs années. L’estimation de la bibliothèque doit en revanche être revue à la hausse. Par l’intermédiaire de son fils Louis, Claude Le Peletier avait fait l’acquisition de la bibliothèque du savant Bonaventure de Fourcroy auprès de son petit-neveu Charles de Fourcroy le 22 mars 169291. Elle avait été estimée à 9 097 livres, mais Le Peletier dut enchérir jusqu’à 14 000 livres pour obtenir les livres de celui avec lequel il avait travaillé à la réforme de la législation dans les années 166092. Il est probable que le vieux ministre partagea sa bibliothèque entre l’hôtel d’Effiat et le château de Villeneuve-le-Roi et que cette prisée de 3 500 livres ne reflète pas son importance réelle.

  • 93 Soit 275 508 livres (J. Villain, op. cit., p. 320).
  • 94 E. Pénicaut, op. cit., p. 403.

45De prime abord, tous ces chiffres semblent mettre à mal la réputation d’homme détaché des contingences matérielles qui fut celle de Claude Le Peletier. En fait, comparés aux effets mobiliers que possédaient les dignitaires contemporains, les 31 000 livres de meubles de Le Peletier paraissent au contraire d’un montant singulièrement faible pour un personnage aussi considérable. Le mobilier parisien de Jean-Baptiste Colbert s’élevait au moment de son décès à 62 921 livres, sans compter les tableaux (13 769 livres), les médailles (25 586 livres), la bibliothèque (54 858 livres) et les bijoux (118 574 livres)93. En 1720, le mobilier parisien de Chamillart fut estimé à 107 310 livres94.

  • 95 AN, MC, CXVII, 657, convention du 22 janvier 1698.
  • 96 AN, 259 AP 127, testament de Claude Le Peletier, 12 août 1711.
  • 97 AN, T 1062, contrat de vente du 22 août 1707 et transaction du 15 février 1712.
  • 98 AN, MC, CXVII, 684, transaction du 9 février 1709.
  • 99 AN, MC, CXVII, 647, bail du 4 mars 1693.

46L’hôtel d’Effiat avait beau être vaste, il ne pouvait suffire à accueillir une famille qui allait grandissant. Dès 1684, alors qu’il n’était encore que locataire de l’hôtel, Claude Le Peletier fut confronté à ce manque d’espace lorsqu’Étienne d’Aligre épousa sa fille Marie-Madeleine. D’Aligre obtint alors de Pierre de Maissat, doyen des secrétaires du roi, qu’il lui louât la maison dont il était propriétaire et qui jouxtait l’hôtel d’Effiat. Claude Le Peletier en profita, avec l’accord de Maissat, qui acquitta une partie des dépenses, pour faire aménager à son usage un cabinet dans le jardin de cette maison. Appuyé au mur de son hôtel, ce cabinet était relié à celui-ci par plusieurs portes et percements que le contrôleur général s’engagea à reboucher en cas de restitution de la maison95. Le 22 janvier 1698, d’Aligre quitta cette maison pour s’installer à l’hôtel d’Effiat réaménagé. Selon les termes du contrat de 1684, Le Peletier restitua le cabinet et en fit condamner les ouvertures, mais il regretta rapidement la situation extrêmement intéressante de cette maison et en fit l’acquisition dès que Maissat fut disposé à la vendre96. Aussi, le 22 août 1707, en fit-il l’achat moyennant 55 000 livres et 1 000 livres pour le pot-de-vin97. La maison se composait d’une cour avec deux corps de logis, l’un sur le devant et l’autre sur l’aile, avec respectivement deux et trois étages de chambres, ainsi que des écuries, raviers, cuisines, cave et greniers. On accédait au jardin en terrasse, où se trouvait le cabinet aménagé en 1684, par un escalier de pierre de taille en forme de fer à cheval. Claude Le Peletier la loua, moyennant 2 500 livres par an, à Pierre Éon de La Baronnie, auquel il avait, on l’a vu, constitué une rente de 3 000 livres pour se procurer l’argent nécessaire à cette acquisition. Telle était la situation officielle ; dans les faits, La Baronnie n’acquitta jamais ce loyer, et, en échange, Le Peletier ne lui paya pas la rente qu’il lui avait constituée. En 1709, le ministre la céda en avancement d’hoirie à son fils Charles-Maurice, en se réservant cependant la possibilité d’élargir le cabinet, et prévoyant le prix du mur de clôture qu’il conviendrait de faire à sa mort afin de séparer la maison de l’hôtel d’Effiat98. Néanmoins, la place manquait toujours, et une partie du personnel des Le Peletier fut contrainte de se loger dans les environs. Aussi, en 1693, Auguste-René Accart, substitut du procureur général du Parlement et ancien échevin de Paris, loua-t-il à Louis Le Peletier, pour une partie de sa maisonnée, un appartement dans le corps de logis sur l’arrière de sa maison, au deuxième étage, composé de cinq pièces, et, au troisième étage de trois autres pièces, moyennant 400 livres par an99.

47Claude Le Peletier ne commença à se constituer un véritable ensemble de terres qu’après son arrivée au contrôle général des finances. Jusqu’en 1683, ses réalisations apparaissent très modestes. Dans l’histoire de la famille Le Peletier, le nom de Souzy évoque davantage Michel Le Peletier, ou Claude II Le Peletier, dit « de Souzy », que les terres héritées de son père par le contrôleur général en 1657. De fait, Claude Le Peletier ne put jamais se consacrer à la mise en valeur de cette propriété, qui présentait l’inconvénient d’être assez éloignée de Paris. Surtout, Claude Le Peletier fut confronté, en 1661-1662, à d’importants besoins financiers. Le 20 mai 1661, il céda à Jean Poisson, apothicaire et valet de chambre du roi, les fiefs de La Longuée et La Guigneraye, la haute, moyenne et basse justice et huitième partie de la seigneurie de Souzy, moyennant 36 000 livres. Héritier d’une terre qu’il n’avait pas choisie, le futur contrôleur général se contenta, en quelque sorte, de la posséder, sans s’y investir ni y apporter sa marque, conscient que cette situation n’était que provisoire. Il apporta une tout autre attention à ses acquisitions suivantes, jusqu’à laisser à son fils un patrimoine cohérent et digne de son statut de ministre.

  • 100 AN, MC, LXXV 136, contrat de vente du 26 août 1667.

48Amateur de jardins et de chasse, aimant la douceur et le calme de la campagne, Claude Le Peletier ressentit très tôt le besoin d’avoir à sa disposition une maison et des terres pour y passer ses heures de loisir, se délasser de l’éprouvant travail du Palais et veiller sur sa santé. Après la vente de ses terres de Souzy, il séjourna à plusieurs reprises à Chaville et dans les autres propriétés de Michel Le Tellier. Dès que sa situation financière fut solidement établie, Le Peletier se mit en quête d’une terre aussi proche de Paris que de Chaville. Le 26 août 1667, il acheta à Élisabeth Aubert, veuve de Jérôme Buret, lieutenant des chasses et plaisirs du roi, une maison située dans le village de Villeneuve-le-Roi, composée d’un grand corps de logis couvert d’ardoise avec chambres et cabinets, d’une cour et basse-cour et d’un jardin fermé de murs contenant quelques autres bâtiments, un petit bois et des fontaines, moyennant 37 000 livres100.

  • 101 T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 508. M. Venard, Bourgeois et paysans au XVIIe siècle. Recherc (...)
  • 102 AD Val-de-Marne, E 634, contrat du 24 août 1670.

49En achetant cette maison et ces terres, Claude Le Peletier ne faisait qu’imiter nombre de ses contemporains, membres de la bourgeoisie parisienne, qui achetèrent des domaines dans les environs de Paris et rassemblèrent peu à peu, par des échanges ou de nouvelles acquisitions, ces terres morcelées101. Le domaine, que Claude Le Peletier fit ériger en fief dépendant de la seigneurie de Villeneuve-le-Roi, sous le nom de Souzy, par contrat du 24 août 1670102, comprenait à l’origine 54 arpents et 1 quartier de terres, 8 perches de saussaie et 1 arpent 1 denrée de vignes. Les acquisitions ultérieures, faites généralement aux dépens des laboureurs du terroir, portèrent sur des parcelles dont la taille ne dépassa qu’une seule fois 6 arpents. Claude Le Peletier modela son domaine grâce à des achats et, surtout, des échanges avec d’autres propriétaires terriens.

  • 103 Les ouvrages sont prisés 160 livres par François Montalan, marchand libraire.

50Alors qu’il résidait depuis 1687 au château de Villeneuve-le-Roi, Le Peletier préféra revenir au calme et à la solitude de son ancienne maison de Villeneuve à partir de 1705. Il semble y avoir vécu dans une grande sobriété. Cette maison se composait alors, au rez-de-chaussée, d’une cuisine avec garde-manger, de deux salles basses avec un cabinet de travail et d’une chapelle. On trouvait un billard, une table et quatre chaises dans la première salle basse. L’autre salle basse contenait une table, un bureau, six tableaux représentant Louis Le Peletier, Charles Fleuriau, Leschassier, La Bastide, le chancelier Le Tellier et un conseiller au Parlement, trois tableaux plus petits représentant Chauvelin, Bignon et un homme en robe noire du Palais, et une grande carte figurant la généalogie des rois de France. Le cabinet de travail comprenait une table, quatre fauteuils et quatre chaises, une armoire servant de bibliothèque et contenant principalement des ouvrages d’histoire et de dévotion103. Aux murs figuraient six estampes représentant Lefèvre d’Ormesson, Brienne, M. de Saroy (sic), Barillon de Morangis, le roi et le chancelier Le Tellier. Un escalier menait au premier étage où l’on trouvait deux chambres, dont une était prolongée par un cabinet de travail, avec un lit, un bureau, cinq fauteuils et quatre chaises, un autre portrait du roi, plusieurs petites estampes et tableaux représentant saint Claude et sainte Lucie, un thermomètre et un baromètre. Sobriété et dépouillement : toutes conditions propices à l’étude et au retour sur soi auxquels se consacra le contrôleur général des finances dans les dernières années de sa vie.

  • 104 AD Val-de-Marne, E suppl. 634, décret d’adjudication du 21 juin 1617.
  • 105 AN, MC, LXXV, 334, contrat de vente de la seigneurie de Villeneuve-le-Roi, 13 septembre 1686.
  • 106 AN, MC, CXVII, 619, et AN, 259 AP 260.

51Les Le Peletier ne s’installèrent vraiment aux alentours de Paris, pour un demi-siècle, qu’avec l’acquisition de la seigneurie de Villeneuve-le-Roi. Le contrôleur général ne pouvait se contenter de la maison qu’il avait acquise d’Élisabeth Aubert. Les autres ministres possédaient tous d’importantes seigneuries : les Le Tellier avaient leurs terres de Chaville, Barbezieux, Ancy-le-Franc ou Tonnerre, les Phélypeaux de La Vrillière possédaient Châteauneuf-sur-Loire et Saint-Florentin, et Seignelay entretenait une véritable cour à Sceaux. Claude Le Peletier se devait, sinon de les égaler, du moins d’acquérir une terre considérable ou prestigieuse. Le hasard voulut que la seigneurie de Villeneuve-le-Roi remplît ces deux critères. Elle appartenait depuis 1617 à la famille de Guillaume Du Vair, garde des sceaux104. Par le contrat de vente signé le 13 septembre 1686, Louis Le Peletier se porta acquéreur, au nom de son père, de « la terre et seigneurie de Villeneuve-le-Roi, ses appartenances et dépendances, située en Hurepoix, prévôté de Paris105 », moyennant 190 000 livres à verser par tranches de 20 000 livres, qui furent payées d’abord par Claude Le Peletier, puis par la dot de sa belle-fille : par son contrat de mariage du 21 janvier 1688, Louis Le Peletier reçut cette seigneurie en avancement d’hoirie106.

  • 107 AD Val-de-Marne, E suppl. 373, décret de la terre de Villeneuve-le-Roi, 28 mai 1687.

52Le contrat du 13 septembre 1686, complété par le décret du 28 mai 1687107, nous permet de connaître précisément la disposition de cette seigneurie, qui comprenait quatre grands ensembles :

  • Le château, la maison seigneuriale et plusieurs bâtiments, avec un parc planté en partie en bois et partie en vigne, soit environ 100 arpents ; une grande place plantée d’ormes et un carrefour devant le château ; une avenue plantée d’ormes qui allait du château sur le chemin de Paris à Villeneuve-le-Roi, à l’entrée de laquelle se trouvaient deux maisons.
  • Une grande ferme, appelée « la basse cour de la maison seigneuriale », soit environ 400 arpents de terre labourable et 5 arpents de vignes ; un grand corps de logis où étaient les deux pressoirs banaux ; un colombier, une prison et la chambre de l’auditoire, où les officiers de la seigneurie rendaient la justice.
  • Une petite ferme appelée « la ferme d’en bas », soit 258 arpents de terre labourable, le tout en fief.
  • Une ferme située au village de Paray, à trois quarts de lieue de Villeneuve-le-Roi, consistant en une maison avec plusieurs corps de logis, 6 arpents de jardin et environ 90 arpents de terre labourable, le tout en roture.
  • 108 AN, MC, CXVII, 622, contrat de vente de la seigneurie d’Ablon, 17 mai 1688.
  • 109 Sur les aspects concrets de la gestion de ce domaine, nous renvoyons à notre thèse de doctorat, Po (...)

53On trouvait ensuite l’ancien fief de Tulleu, le fief de Saint-Éloy, qui s’étendait sur plusieurs maisons et héritages des terroirs de Villeneuve-le-Roi, Orly et Grignon, le fief de Souzy et toute une collection de droits seigneuriaux, dont le droit de haute, moyenne et basse justice. La superficie des terres de la seigneurie se montait, selon l’estimation la plus basse, à 904 arpents de terre labourable et jardins et 15 arpents de vignes. Marchant sur les traces de son père, Louis Le Peletier continua de regrouper et d’arrondir son domaine. Sa plus importante acquisition fut celle de la seigneurie d’Ablon, le 17 mai 1688, pour une somme de 40 000 livres108. Ces terres constituaient une propriété digne du nouveau statut social des Le Peletier. Elles procuraient également un revenu que l’on peut estimer entre 10 000 et 11 000 livres par an109.

  • 110 T. Sarmant, Les demeures du soleil. Louis XIV, Louvois et la surintendance des bâtiments du roi, S (...)
  • 111 AN, MC, CXVII, 647, quittance du 29 janvier 1693.
  • 112 Bullet collabora aux travaux qu’effectua Michel Le Peletier de Souzy à son hôtel en 1686 et à ceux (...)
  • 113 Le dernier des mémoires arrêtés par Simon Pipault est daté du 7 janvier 1689 (AN, MC, CXVII, 647, (...)

54En donnant les terres de Villeneuve à son fils en avancement d’hoirie par son contrat de mariage, Claude Le Peletier prit garde de se réserver la jouissance du château, du parc et du jardin sa vie durant. En contrepartie, il s’obligeait à effectuer les travaux qu’il désirait à ses propres frais et à payer lui-même les gages des jardiniers et fontainiers. Surveillés par Edme Doussot et Henri de La Chapelle-Bessé110, les travaux commencèrent dès le début de l’année 1687. Le 6 février 1687, Doussot passa un marché avec Simon Pipault, entrepreneur des Bâtiments du roi, afin d’effectuer d’importants travaux de maçonnerie : il s’agissait de reconstruire le château, les bâtiments de la basse-cour et les murs du parc111. Le déroulement de ces travaux est mal connu, mais il semble que Le Peletier se contenta d’agrandir, d’embellir et de transformer les bâtiments déjà existants, en conservant la structure originale. L’architecte qui dressa les plans de ce remaniement n’a pu être identifié, mais il est probable que Le Peletier profita des conseils de Pierre Bullet, véritable architecte de la famille112. Les travaux furent terminés au début de 1689113 et les aménagements intérieurs un peu plus tard dans l’année. On peut estimer leur coût à au moins 200 000 livres.

  • 114 Claude Le Peletier décrivit lui-même le résultat de ces travaux dans une longue lettre écrite en l (...)

55Deux gravures décrivent le château et son parc114. La première, de Louis Bretez, est conservée au Musée de l’Île-de-France. On traversait une première cour, fermée par des murs et, sur la droite, une rangée d’arbres, puis on accédait à la cour d’honneur, séparée de la première par une grille. Le château seigneurial, composé d’un bâtiment central à sept travées et de deux ailes en retour, avait la forme d’un U. La façade sur cour était percée de simples croisées, rectangulaires au rez-de-chaussée et au premier étage, cintrées au second étage. La travée centrale du bâtiment principal, légèrement en saillie, accueillait les quatre marches du perron qui menait à la porte d’entrée, surmontée d’un balcon, semble-t-il, puis d’un fronton triangulaire qui empiétait sur la fenêtre du second étage ; la saillie de cet avant-corps était soulignée, de part et d’autre, par deux chaînes de pierre qui enjambaient l’obstacle du balcon. Les travées en largeur des ailes bénéficiaient d’un traitement équivalent, puisqu’un fronton triangulaire, qui empiétait sur les fenêtres du second étage et s’appuyait sur deux pilastres superposés, couronnait les croisées du premier étage. Une autre gravure, conservée à la Bibliothèque nationale de France, montre la façade sur jardin, beaucoup plus expressive. L’avant-corps central, à trois travées, était surmonté d’un fronton triangulaire soutenu par des pilastres colossaux. Les croisées étaient rectangulaires, à l’exception de celles du rez-de-chaussée de l’avant-corps, cintrées, qui supportaient un balcon. Cette gravure donne également un aperçu du parc. On y distingue au moins deux bassins, dont l’un se trouvait dans l’axe de cet avant-corps. On accédait au parc principal en descendant une double volée de marches et il était alors possible d’arpenter de longues allées bordées de haies, où alternaient grandes perspectives et carrés de verdure soigneusement délimités.

  • 115 AN, MC, CXVII, 648, inventaire après décès de Geneviève-Joseph Du Coskaer de Rosanbo, 25 décembre (...)
  • 116 Ces tableaux font partie d’une suite de six toiles commandées à Bourdon par Pierre d’Autheville ve (...)
  • 117 J.-A. Piganiol de La Force, Description de Paris, de Versailles, de Marly, de Meudon, de Saint-Clo (...)

56Les aménagements intérieurs sont moins bien connus. Vers 1693-1695, le rez-de-chaussée était occupé par une grande salle ornée de peintures de chasse qui donnait sur deux appartements dans les ailes en retour ; l’un de ces appartements abritait la bibliothèque. Louis Le Peletier et sa femme occupaient une partie du premier étage et leur jeune fils logeait dans une chambre au deuxième étage. Au dernier étage, plusieurs chambres d’amis avaient été aménagées. Les annexes du château abritaient également un maître d’hôtel, plusieurs cochers et laquais. Seul le valet de chambre de Louis Le Peletier semble avoir résidé au château, dans une chambre au deuxième étage115. La demeure était assez vaste pour accueillir tous les enfants du contrôleur général des finances, qui y séjourna le printemps et l’été après sa retraite définitive de la Cour en 1697. La grande galerie et le salon abritaient huit tableaux de Sébastien Bourdon, dont quatre figuraient l’histoire de Moïse116, et deux bustes de marbre, l’un du chancelier Le Tellier, l’autre du garde des sceaux Guillaume du Vair117.

  • 118 AN, 259 AP 126, inventaire de pièces concernant une maison à Saint-Germain-en-Laye achetée par Cla (...)
  • 119 AN, 90 AP 33, quittance de Jean-Baptiste Desmarets de Vaubourg, 17 février 1685.

57Une seule acquisition de Claude Le Peletier échappa au double dessein qui gouvernait les précédentes. Le contrôleur général fut en effet contraint, pour des raisons pratiques, d’acheter une maison à Saint-Germain-en-Laye. Afin d’éviter une dépense trop importante pour une demeure qui ne leur servit jamais que de pied-à-terre, Le Peletier de Souzy, intendant des finances, et son frère ministre choisirent d’en acquérir chacun la moitié. Le vendeur était tout trouvé : Jean-Baptiste Desmarets de Vaubourg, maître des requêtes, négocia la vente de la maison de son frère Nicolas, tombé en disgrâce. Le contrat fut signé le 7 juillet 1684118. La maison était située « dans la rue du petit Cheny allant le long de la cour des cuisines et derrières les cuisines du commun de la reine » et donnait par-devant sur la rue de Chenil. Les parties s’accordèrent sur la somme de 25 000 livres119. Après 1689, et, à plus forte raison, après son départ de la cour en 1697, cette maison demeura à charge à l’ancien contrôleur général et sans grande utilité au directeur des fortifications. Faute d’acquéreur, les deux frères choisirent de la louer.

58En dehors de ses maisons de la rue Vieille-du-Temple et de la seigneurie de Villeneuve-le-Roi, Claude Le Peletier effectua peu d’achats importants. Selon un dessein élaboré entre 1686 et 1697, il constitua deux ensembles homogènes, l’un dans Paris intra muros, l’autre dans la campagne proche, répondant chacun à un besoin différent : loger sa nombreuse famille pendant les mois d’hiver, et lui procurer une assise terrienne et des revenus diversifiés, tout en s’assurant une retraite bucolique à l’abri des tourbillons du siècle.

Le partage de la fortune de Claude Le Peletier

  • 120 BnF, Mss. fr. 7750, fo 72, mémoire présenté au roi par Claude Le Peletier, juin 1691.
  • 121 AN, MC, XIX, 495, contrat de mariage du 20 décembre 1670.
  • 122 AN, MC, LXXV, 160, convention du 2 mars 1672.
  • 123 Ce contrat stipulait que Le Peletier la prenait pour épouse avec ses biens et avec la faculté pour (...)
  • 124 AN, MC, LXXV, 160, convention du 2 mars 1672.
  • 125 Ibidem.
  • 126 AN, MC, LXXV, 175, convention du 9 mai 1675.
  • 127 AN, MC, LXXV, 206, convention du 31 mai 1681.
  • 128 AN, MC, LXXV, 215, convention du 23 novembre 1682.
  • 129 AN, MC, LXXV, 229, convention du 30 juillet 1685.

59La mort précoce de Marguerite Fleuriau en 1671 obligea son époux à pourvoir au partage de ses biens bien plus tôt qu’il ne l’avait prévu. Dans ses mémoires au roi tout comme dans son testament, Claude Le Peletier évoque à plusieurs reprises le don fait à ses enfants du bien de leur mère peu après sa mort. Il s’en servit notamment auprès du roi pour illustrer le désintéressement dont il affirmait avoir fait preuve dans le maniement de ses finances, au point que ce don paraissait incarner tout à la fois l’amour et la sollicitude qu’il éprouvait pour sa progéniture et la méfiance dont il faisait preuve à l’égard des biens de ce monde120. Le partage presque immédiat des biens de sa femme ne procéda pas d’un si noble sentiment, bien au contraire, puisqu’il fut décidé en raison des prétentions de Balthazar Phélypeaux, marquis de Châteauneuf, à l’héritage de sa femme, Marie-Marguerite de Fourcy. Seule mariée en 1671 parmi les onze enfants de Marguerite Fleuriau, cette fille issue de son premier mariage avec Jean de Fourcy était héritière pour un onzième de ses biens. Le 2 mars 1672, conformément au contrat de mariage du 20 décembre 1670121, Claude Le Peletier et le marquis de Châteauneuf s’accordèrent sur le montant des biens à partager et sur la part échue à Marie-Marguerite de Fourcy122. Ils s’appuyèrent pour cela sur l’inventaire de la succession de Marguerite Fleuriau exécuté le 24 octobre 1671 en présence de Charles Fleuriau et sur le contrat de mariage de Le Peletier et de la défunte123. La dot de la défunte à son mariage se montait à 368 904 livres. La onzième partie revenant à Marie-Marguerite de Fourcy se montait à 33 536 livres, mais il en fut fait déduction de 2 933 livres pour 11 mois du douaire de 3 000 livres par an constitué par Jean de Fourcy à sa femme et dû par Marie-Marguerite de Fourcy, et de 153 livres faisant la onzième partie de 1 690 livres à quoi revenaient les frais funéraires de Marguerite Fleuriau payés par Claude Le Peletier124. Après ces déductions, Marie-Marguerite de Fourcy n’avait plus droit qu’à 30 449 livres, qui lui furent versées en principaux de rentes125. La majeure partie des biens de Marguerite Fleuriau continuèrent d’être administrés par Claude Le Peletier, tuteur de ses propres enfants. C’est donc lui qui distribua leurs parts aux autres héritiers, à mesure que ses filles prenaient le voile. Ainsi, le 9 mai 1675, distribua-t-il les sommes qui revenaient à Élisabeth-Marguerite Le Peletier et auxquelles elle renonçait en raison de sa profession au monastère des religieuses bénédictines de la Ville-l’Évêque126. Il en fit de même le 14 août 1676, après la profession d’Anne-Thérèse, le 31 mai 1681 après celle de Catherine-Louise127 et le 23 novembre 1682 après celle de Marguerite128. Enfin, le 3 juillet 1685, la mort de Claude II Le Peletier força le ministre à rouvrir le règlement de la succession de sa femme et à répartir les 41 712 livres qui auraient dû revenir au défunt129.

  • 130 AN, MC, LXXV, 215, transport du 1er décembre 1682.
  • 131 AN, MC, CXVII, 636, transport du 28 octobre 1689.
  • 132 Ibidem.
  • 133 AN, MC, CXVII, 656, transport du 2 août 1697.

60Après avoir fixé le montant définitif des parts qui devaient revenir aux six derniers héritiers de Marguerite Fleuriau, il restait à leur verser les sommes correspondantes. Louis, Françoise-Marie et Marie-Madeleine Le Peletier virent cette part intégrée à leurs contrats de mariage respectifs. Restaient Michel et Charles-Maurice Le Peletier. Le 1er décembre 1682, Claude Le Peletier céda à son fils Michel la propriété de sa maison de la rue Vieille-du-Temple pour la valeur de 41 712 livres130. Puis, par contrat du 14 février 1687131, le ministre transféra à Charles-Maurice Le Peletier les 47 574 livres qui lui revenaient en lui cédant 2 300 livres de rente. Cependant, en octobre 1689, le contrôleur général modifia ce règlement132 : il reprit la maison de la rue Vieille-du-Temple et céda en échange à Michel Le Peletier 1 900 livres de rente en trois parties faisant en principal 39 200 livres. Les 2 512 livres restantes devaient lui être payées par son frère l’abbé de Saint-Aubin. Ce dernier rétrocéda à son père les rentes dont il jouissait depuis 1687 et reçut en échange la maison de la rue Vieille-du-Temple. Le règlement de cette succession trouva sa conclusion définitive le 2 août 1697, lorsque Claude Le Peletier, usant du droit qu’il s’était ménagé de reprendre la maison de la rue Vieille-du-Temple, l’échangea contre 1 930 livres de rente, dont les principaux montaient à la somme de 38 700 livres133, et 386 livres d’argent comptant.

  • 134 AN, MC, CXVII, 680, renonciation du 21 mai 1707 et AN, MC, CXVII, 681, renonciation du 24 juillet (...)

61Les enfants de Claude Le Peletier avaient hérité non seulement des biens de leur mère, mais aussi de ses droits sur la part qui devait lui revenir des biens de son père, Charles Fleuriau. Néanmoins, à la mort de celui-ci, le 16 février 1694, les Le Peletier préférèrent renoncer à la succession, la jugeant plus onéreuse que profitable. Il en alla de même à la mort de Michel Le Peletier, le 9 août 1706. Ce décès aurait dû donner lieu à un nouveau partage, mais certains parents de l’évêque d’Orléans jugèrent sans doute que la succession était trop mauvaise pour l’accepter134.

  • 135 AN, 259 AP 1, contrat de mariage du 30 janvier 1677.
  • 136 AN, MC, CXVII, 647, don du 10 mars 1693.
  • 137 AN, 259 AP 1, contrat de mariage du 3 avril 1684.
  • 138 Le Tellier et sa femme donnèrent 500 000 livres à Madeleine-Fare à l’occasion de son mariage avec (...)

62Désireux d’établir solidement ses enfants, Claude Le Peletier laissa une grande partie de ses effets à Louis, Françoise-Marie et Marie-Madeleine Le Peletier par le biais de leurs contrats de mariage. Ces documents ayant déjà été étudiés, nous nous contenterons de rappeler comment Claude Le Peletier choisit de répartir ses biens. Daté du 30 janvier 1677135, le contrat de mariage de la première avec Jean-Pierre d’Argouges stipulait que son père lui donnait 80 000 livres en deniers comptants, y compris les droits successifs de sa mère. Le Peletier prit rapidement conscience de la modicité de cette dot par rapport à celle de sa deuxième fille. Il décida de combler cette différence en lui donnant 20 000 livres supplémentaires, qu’il paya par moitié les 6 avril 1690 et 10 mars 1693136. Le montant de la dot excepté, puisqu’il fut d’emblée fixé à 100 000 livres le 3 avril 1684137, le contrat de mariage entre Marie-Madeleine Le Peletier et Étienne d’Aligre reprit à peu de chose près les mêmes dispositions. On pourrait s’étonner du faible montant de ces dots : nous voilà loin des chiffres vertigineux des Colbert et des Le Tellier, et même de nombreux conseillers d’État ou parlementaires138 ! Enfin, en 1688, dans une période de loin plus faste, Louis Le Peletier fut très avantagé puisqu’il reçut l’office paternel de président à mortier dont il avait déjà la survivance, l’office de conseiller au Parlement dont il était pourvu et la terre de Villeneuve-le-Roi. Si Claude Le Peletier transmit une grande partie de ses biens à ses enfants à travers leurs contrats de mariage, il sut également utiliser avec habileté les biens de sa femme pour accroître le montant des dots de ses filles, et réserver l’essentiel de ses propres largesses à son fils cadet.

  • 139 AN, MC, CXVII, 646, don du 5 décembre 1692.
  • 140 AN, T 1062, contrat du 22 septembre 1698.
  • 141 AN, MC, CXVII, 683, traité d’office du 1er décembre 1708, et AN, 259 AP 126, inventaire après décè (...)

63Claude Le Peletier ne ménagea pas ses libéralités à l’égard des membres de sa famille. Le 5 décembre 1692, il donna par exemple à son fils Michel, alors jeune évêque d’Angers, une somme de 30 000 livres afin de lui permettre de « supporter les charges temporelles de la dignité où Dieu l’a appelé »139. De même, Claude Le Peletier contribua au paiement des 100 000 livres de la finance de l’office d’avocat général aux requêtes de l’Hôtel qu’acquit Jean-Pierre d’Argouges pour son fils Claude en 1698140. Le 22 septembre de cette même année, il lui donna 30 000 livres, mais s’en réserva l’usufruit et le revenu s’élevant à 1 500 livres, que le jeune d’Argouges devait lui payer jusqu’à son décès. L’inventaire après décès du contrôleur général indique qu’il aida également Louis II Le Peletier à payer la finance de l’office d’avocat du roi au Châtelet qu’il acheta à son fils Louis III en 1708141.

  • 142 AN, MC, CXVII, 619, don du 13 février 1688.
  • 143 AN, MC, CXVII, 647, échange du 10 mars 1693. Les d’Aligre conservèrent la leur jusqu’en 1711 (AN, (...)
  • 144 AN, MC, CXVII, 684, don du 9 février 1709.

64Conscient du mécontentement de ses gendres et de certains de ses enfants, déçus par les dots de leurs femmes ou jaloux de la faveur dont semblaient jouir leur frère et beau-frère Louis, Claude Le Peletier joua de ces dons comme d’un moyen subtil pour désamorcer les crises qui couvaient ou pour satisfaire des revendications qui se faisaient plus pressantes à mesure qu’il tardait à mourir. Ainsi, le 13 février 1688, fit-il don à ses filles d’Aligre et d’Argouges, pour en jouir en commun, des deux moitiés de la maison qu’il avait acquise à Villeneuve-le-Roi en 1667142. Finalement, le 10 mars 1693, Le Peletier reprit la moitié cédée aux d’Argouges en échange de 15 000 livres143. Ce don ne répondait à aucune nécessité ; en revanche, on remarque qu’il intervient quelques jours après le très riche mariage de Louis Le Peletier avec Geneviève-Joseph Du Coskaer de Rosanbo. Peut-être le contrôleur général souhaita-t-il ainsi montrer symboliquement à ses gendres qu’il ne les négligeait pas, et leur rappeler qu’ils ne seraient pas oubliés lors du partage de ses biens. Le Peletier utilisa le même procédé en 1709 lorsqu’il céda à son fils Charles-Maurice la maison qu’il avait acquise de Pierre de Maissat rue Vieille-du-Temple deux ans plus tôt, « pour lui tenir lieu de 50 000 livres par avancement d’hoirie sur la succession future dudit seigneur son père144 ». L’acte précisait que l’abbé de Saint-Aubin était alors celui « qui [avait] le moins reçu » : Charles-Maurice en était bien conscient, puisqu’il s’occupait activement de son père et de la gestion de ses biens depuis 1705.

  • 145 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 16 avril 1682, et testament de Claude Le Peletier, (...)
  • 146 AN, T 1062, contrat du 22 septembre 1698.

65En homme prudent, Claude Le Peletier prépara de bonne heure sa succession. Il ne rédigea pas moins de trois testaments successifs. Datés des 16 avril 1682 et 30 mars 1684, les deux premiers contiennent de nombreux conseils à ses enfants mais de partage ou d’estimation de sa fortune, point145. Le Peletier ne modifia pas ce dernier testament avant 1706. Cependant, l’accroissement de ses biens et le mariage de son fils cadet l’amenèrent à préparer un projet de partage qui aurait peut-être été définitif sans la mort brutale de l’évêque d’Angers. Le Peletier y fait plusieurs allusions à partir de 1698146 et en cite des extraits en 1706, ce qui permet d’en retracer les grandes lignes : Michel Le Peletier aurait hérité de l’hôtel d’Effiat, peut-être en qualité de légataire universel, à charge pour lui d’y loger ses frères et sœurs, et Charles-Maurice de 2 500 livres de rente sur l’Hôtel de Ville. La disparition de son fils aîné bouleversa ce schéma qui avait alors sa préférence.

  • 147 AN, 259 AP 127, testament de Claude Le Peletier, 8 octobre 1706.
  • 148 Il s’agit de la maison acquise de Pierre de Maissat.

66Très affecté par cette disparition, Le Peletier ressentit le besoin de fixer ses dernières volontés par écrit. Il rédigea donc la troisième et dernière version de son testament, datée du 15 août 1706, mais fut forcé d’amender ce texte à plusieurs reprises, afin de le préciser ou de le modifier. Un premier codicille fut ajouté le 7 janvier 1708, puis deux augmentations, les 22 mars 1710 et 18 février 1711, et enfin un second codicille, le 21 avril 1710. Malade et fatigué, Claude Le Peletier eut recours aux services des notaires, de son fils Charles-Maurice et de Ponton, son secrétaire, mais la rédaction fut difficile, comme en témoignent les nombreux mots en interligne, apostilles, rayures et parfois incohérences147 : la version de 1706 fut parfois amendée non dans les codicilles, mais dans le texte original, ce qui eut en particulier pour conséquence de faire figurer en 1706, dans la part de Charles-Maurice Le Peletier, une maison que le ministre n’acquit qu’en 1707148. C’est cette version que le notaire Lemercié ouvrit devant ses enfants le 12 août 1711.

  • 149 AN, MC, CXVII, 684, donation du 9 février 1709.

67Un homme aussi dévot que Claude Le Peletier ne pouvait manquer de faire figurer plusieurs legs pieux en bonne place dans son testament : les 14 000 livres de legs privilégiaient les paroisses de Saint-Gervais et de Villeneuve. Le Peletier demanda que son corps rejoigne ceux de sa femme et de ses enfants dans le caveau familial à Paris, et que son cœur soit porté en la chapelle de Villeneuve où reposait déjà celui de Marguerite Fleuriau. Il institua légataires universels et exécuteurs de son testament, conjointement et chacun par moitié, ses fils Louis et Charles-Maurice, à charge pour eux de payer les dettes et les pensions de leurs sœurs religieuses. Déjà bien pourvu par ses deux contrats de mariage, le premier président ne reçut rien de plus. L’abbé de Saint-Aubin se vit par erreur attribuer la maison de Pierre de Maissat, alors qu’il ne la reçut en avancement d’hoirie que le 9 février 1709149. Jusqu’à cette date, Charles-Maurice Le Peletier reçut, en lieu et place de cette maison, la jouissance de 2 500 livres de rente sur la ville. Son père lui laissa également la petite maison de Villeneuve et lui demanda de veiller sur son neveu, le jeune Le Peletier de Villeneuve. Les enfants de feue Marie-Madeleine Le Peletier, épouse d’Étienne d’Aligre, se contentèrent des 100 000 livres de dot de leur mère et de 4 000 livres de rente sur la ville, à condition de renoncer à la donation de la moitié de l’ancienne maison de Villeneuve que lui avait faite son père le 13 février 1688. En sus de sa dot, Françoise-Marie Le Peletier, épouse de Jean-Pierre d’Argouges, reçut « trois parties de rentes montant à 66 300 livres que M. d’Argouges et elle me doivent à constitution avec tous les arrérages qui en seront deus et écheus le jour de ma mort ». Et surtout, en raison de la mort de l’évêque d’Orléans, elle reçut l’hôtel d’Effiat, à charge pour elle de « payer les 20 000 livres à madame de La Baronnie ma petite-fille que je lui ai promis par son contrat de mariage ». Après la mort de Françoise-Marie Le Peletier, le ministre substitua l’hôtel à M. d’Archères, conseiller au Parlement et frère de Mme de La Baronnie ; en attendant l’ouverture de la substitution, il devait y être logé, même en cas de mariage. Le Peletier demandait à son frère et à ses enfants, en guise d’adieu, de se présenter au roi aussitôt après sa mort, afin de l’assurer de son zèle et de son attachement, jusqu’au dernier moment de sa vie, « pour sa personne et pour son État ».

  • 150 Ce codicille mentionne également l’acquisition de la maison de Pierre de Maissat.

68L’accession de son fils à la première présidence du Parlement donna l’occasion à Claude Le Peletier de revenir sur son testament par un premier codicille en 1708 et de préciser sa volonté quant à la destination de ses meubles et livres150. Par respect et admiration envers son ancêtre Pierre Pithou, il souhaita également qu’un de ses petits-enfants, de préférence issu de son fils le premier président, ou, à défaut, de sa fille d’Argouges, porte le nom de Pithou avec le sien. Celui-ci devait, s’il acceptait, recevoir par préciput tous les volumes et manuscrits contenus dans un catalogue rédigé par Claude Le Peletier en personne. Par les deux augmentations de 1710 et 1711, il demanda qu’une autopsie soit pratiquée sur son corps en cas de mort subite et que le curé de Saint-Gervais distribue de concert avec l’assemblée de la charité de sa paroisse les 3 000 livres qu’il laissait à ses pauvres.

69Entre-temps, le 8 avril 1710, à l’occasion du mariage de son petit-fils Jérôme d’Argouges avec Françoise-Adélaïde de Creil de Bournezeau, il avait modifié ses dispositions et donné à sa fille d’Argouges et au jeune marié l’hôtel d’Effiat sans aucune charge. Ayant relu son testament quelques jours plus tard, il découvrit que cette rectification avait pour conséquence de faire retomber ces mêmes charges sur le premier président et l’abbé de Saint-Aubin. Il rédigea donc un second codicille, où il déclara que les 20 000 livres promises à Mme de La Baronnie et les 10 000 livres restant à payer à M. de La Baronnie devraient être acquittées sur les biens qu’il laissait à Mme d’Argouges et à ses enfants.

70Quoique complexe et fouillé, le testament de Claude Le Peletier s’apparentait plutôt à une révision et à une tentative de mise au net d’un arrangement dont les grandes lignes avaient été définies longtemps auparavant. En effet, le contrôleur général donna la plus grande partie de ses biens par les contrats de mariage de ses enfants ou des avancements d’hoirie auxquels il semble avoir accordé plus d’importance qu’à son testament. Ce troisième testament, plus précis et directif que les deux précédents, leur ressemble malgré tout encore beaucoup. Sans doute Le Peletier eut-il conscience que sa mort marquait la fin d’une époque et que les trois branches de sa famille, Le Peletier, d’Aligre et d’Argouges, s’éloignaient déjà les unes des autres. Pour cette raison, il multiplia les appels à la bonne entente. Ses dernières volontés témoignent une nouvelle fois du désir du ministre d’assurer une succession rapide et sans incidents à ses enfants, et ainsi d’éviter les déchirements d’une famille qu’il voulait continuer de voir unie après sa disparition. Le rappel du patronage de Pierre Pithou et la fonction symbolique donnée à la bibliothèque et aux papiers de la famille sont autant d’appels à l’union autour de l’histoire et du parcours familial.

  • 151 AN, 259 AP 127, testament de Claude Le Peletier, 8 octobre 1706.

« Je défends très expressément toute pompe funèbre, j’entends que mes enfants m’obéissent en cela, qui sera une marque de la solidité de leur jugement et de leur considération pour moi151. »

  • 152 AN, T 1062, mémoires pour les frais du convoi, service et enterrement de Claude Le Peletier, 2 sep (...)
  • 153 Sourches, op. cit., t. XIII, p. 171.

71Ainsi s’exprimait, quelques années avant sa mort, le vieux ministre d’État. Selon sa volonté, les convoi, service et enterrement de Claude Le Peletier eurent lieu à l’église Saint-Gervais le 13 août 1711, mais ses enfants jugèrent sans doute qu’ils témoigneraient mieux de leur considération en assurant à leur père une cérémonie plus en rapport avec sa dignité de ministre. Ils firent donc imprimer 150 grands billets annonçant la cérémonie. Les comptes conservés par l’abbé de Saint-Aubin nous apprennent que 100 ecclésiastiques participèrent au convoi, sans compter les porteurs du cercueil de plomb, le confesseur, le curé de Saint-Gervais, le vicaire, 6 enfants de chœur et 6 choristes, rémunérés 3 livres pour « la prose chantée », 4 suisses et 80 enfants. La chapelle familiale était décorée de velours, de serge et d’armoiries peintes pour l’occasion ; une croix neuve trônait devant l’autel, où le cercueil fut veillé pendant trois jours et demi et trois nuits. Les frais de la cérémonie s’élevèrent au total à 1 459 livres152. Puis, conformément aux dernières volontés de leur père et frère, les Le Peletier se présentèrent devant le roi une semaine après le décès du ministre, à la réserve du premier président, malade153.

  • 154 Toutes ces renonciations se trouvent en AN, MC, CXVII, 689.
  • 155 AN, T 1062, partage des biens de Claude Le Peletier, 24 décembre 1714.

72Dès le 10 décembre 1711, la famille d’Argouges renonça à la succession, bientôt suivie, les 16 et 20 décembre, par les d’Aligre, qui préféraient le legs de 4 000 livres de rente sur la Ville, et, le 24 décembre, par le premier président, qui déclarait s’en tenir à son contrat de mariage et au legs universel154. Seul l’abbé de Saint-Aubin pouvait encore prétendre à la succession de Claude Le Peletier. Il restait néanmoins à partager entre l’abbé et son frère les biens qui composaient le legs universel, ce qui fut fait par un acte du 24 décembre 1711155. Rappelant qu’il avait reçu de son père le 9 février 1709, avec réserve d’usufruit, la maison acquise de Pierre de Maissat, pour lui tenir lieu de 50 000 livres, Charles-Maurice déclara qu’elle ne lui convenait pas et la rapporta à la succession. Les deux frères convinrent alors du partage suivant : Louis Le Peletier reçut la maison de Pierre de Maissat à la place de son frère, ainsi que, entre autres meubles, les tableaux, livres, manuscrits, registres, mémoires et titres de la famille. Tous les autres biens composant le legs universel, soit la maison de la rue Vieille-du-Temple, la moitié de la maison de Saint-Germain-en-Laye, la vieille maison de Villeneuve-le-Roi, plusieurs rentes sur la Ville et sur des particuliers, l’argent comptant, les meubles, linges, tableaux et bijoux dont il n’avait pas été disposé revinrent à l’abbé de Saint-Aubin. En contrepartie, ce dernier promit de payer toutes les dettes de la succession et d’assurer l’exécution du testament, et en déchargea entièrement son frère. La part de Charles-Maurice Le Peletier s’éleva donc à 335 286 livres, auxquels il faut ajouter les 47 574 livres hérités de Marguerite Fleuriau, soit 382 860 livres.

  • 156 Ibidem, transport du 21 mars 1712.
  • 157 Ibidem, legs du 30 mars 1712.
  • 158 Ibidem, cahier de quittances des légataires de Claude Le Peletier, 5 mars 1712.
  • 159 Ibidem, transaction du 15 février 1712.

73Cependant, sur ces 382 860 livres, l’abbé de Saint-Aubin devait encore régler les legs et les dettes de la succession. Le 21 mars 1712, il céda aux d’Aligre les 4 000 livres de rente au principal de 80 000 livres acquises d’Honoré Courtin156, puis, le 30 mars 1712, 200 livres de rente sur le clergé à François de Ponton157. Il acquitta également les 13 000 livres de legs pieux prévus par le testament, et répartit entre les domestiques de son père les 10 000 livres que lui remirent les Chartreux158. Enfin, il constitua plusieurs rentes pour acquitter les dettes de son père. Celles-ci, minimes au regard de sa fortune, tenaient toutes entières dans les 3 000 livres que lui avait constituées Pierre Éon de La Baronnie le 22 août 1707159. Déduction faite des 153 000 livres qu’il employa pour régler la succession, la part de l’abbé de Saint-Aubin se monta à 229 860 livres. Par comparaison, Louis Le Peletier avait reçu 700 000 livres, les d’Argouges, 332 222 livres et les d’Aligre, 185 862 livres. Soit un total de 1 447 944 livres, dans la répartition duquel les d’Aligre étaient sensiblement désavantagés.

  • 160 Ibidem, contrat de vente, 26 décembre 1714.
  • 161 AN, MC, LXXXVIII, 540, contrat de vente, 7 septembre 1734.

74En dépit de ces clauses testamentaires et malgré ses exhortations, le dessein de Claude Le Peletier, à savoir réunir toute sa famille dans deux ensembles, la rue Vieille-du-Temple et la seigneurie de Villeneuve-le-Roi, ne survécut guère à sa disparition. Le ministre n’avait sans doute pas imaginé que ses enfants, poussés par leurs propres intérêts, se débarrasseraient en une vingtaine d’années des terres et des biens qui avaient abrité l’ascension de leur famille et constitué le symbole de sa réussite. Le 26 décembre 1714, l’abbé de Saint-Aubin vendit pour 62 500 livres la maison de la rue Vieille-du-Temple dont son père avait hérité en 1657160. En 1734, la vente des seigneuries de Villeneuve-le-Roi et d’Ablon effaça du patrimoine familial la plus belle réalisation immobilière de Claude Le Peletier161. Ces deux seigneuries furent vendues à Nicolas-Alexandre de Ségur, président à mortier au parlement de Bordeaux, pour la somme considérable de 510 000 livres. Les meubles et ustensiles étaient joints à la vente moyennant 32 000 livres supplémentaires.

  • 162 AN, MC, CXVII, 690, contrat de vente, 4 février 1712.
  • 163 AN, MC, XXIX, 382, contrat de mariage, 8 avril 1726.

75Seul l’hôtel d’Effiat resta durablement dans le patrimoine de la famille. Le 4 février 1712, Louis Le Peletier racheta cette maison à son neveu Jérôme d’Argouges moyennant 120 000 livres162. Avec le château de Mortefontaine, l’hôtel passa à Jacques-Louis Le Peletier de Montmélian en 1726 à l’occasion de son mariage avec Marie-Louise Feydeau163, puis à son fils unique, Louis Le Peletier de Mortefontaine, qui y demeurait encore en 1793 lorsqu’il fut arrêté et enfermé rue de Charonne. Libéré en 1794, il revint habiter rue Vieille-du-Temple. Après sa mort, son fils Léon Le Peletier fit vendre l’hôtel aux criées du Tribunal de la Seine le 7 août 1800. L’hôtel d’Effiat fut démoli en 1882 pour laisser place à l’actuelle rue du Trésor et à huit immeubles de rapport. Le 6 juin 1882, les travaux permirent la découverte dans le jardin d’un trésor de 7 822 pièces d’or des règnes de Jean II et Charles V, d’où le nom donné à la voie nouvellement percée.

*

  • 164 T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 493-492.

76L’évolution de la fortune de Claude Le Peletier offre un aperçu très fidèle de la progression de sa carrière. Des revenus modestes d’un simple parlementaire, la faveur royale, méritée par sa fidélité et son application, lui permit de passer aux revenus plus importants d’un conseiller d’État, puis aux émoluments considérables du contrôle général des finances, jusqu’à faire de lui, avec Louvois, le personnage le mieux doté du Conseil. Pour autant, Le Peletier n’abusa pas de sa position privilégiée et de l’estime que lui portait le souverain. En refusant de percevoir les revenus attachés à sa commission de surintendant des postes, il afficha même un certain dédain pour l’argent. Sa fortune relativement modeste pour un ministre pourrait accréditer les critiques des historiens sur son manque d’influence et sur ses piètres capacités financières, si l’ensemble des fortunes ministérielles ne connaissait pas un important déclin à partir de 1691164. Le montant assez ordinaire de sa succession ne doit pas faire illusion : Claude Le Peletier assura l’établissement de ses frères et de ses enfants en leur obtenant des emplois prestigieux plutôt qu’en leur laissant des biens considérables à se partager. Le contrôleur général aurait sans doute aisément pu accroître sa fortune s’il l’avait désiré, mais, homme honnête et honnête homme, il préféra se contenter de ce qu’il estimait suffisant pour bien vivre, et peut-être aussi, inspiré par l’exemple de Fouquet, pour bien mourir.

  • 165 N. Coquery, L’hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1998, p. 19

77Par son montant et sa composition, la fortune de Claude Le Peletier s’apparentait à celle des parlementaires parisiens aisés. Fondée sur des placements diversifiés, elle permettait au ministre de ne pas dépendre d’une source unique de revenus. Contrairement à Colbert ou à Chamillart, Le Peletier se contenta d’investissements classiques et sûrs et ne semble ni avoir spéculé, ni acquis des droits sur le roi. Au-delà de la description d’un enrichissement révélateur d’une rapide ascension sociale, l’examen de cette fortune permet de confronter les idéaux de discrétion et de modestie défendus par le ministre aux exigences de représentation et de prestige qui pesaient sur les individus et les familles placés aux premiers rangs de la société de cour165.

78Claude Le Peletier n’avait pas l’« esprit financier ». Loin d’éprouver le goût de l’aventure et du risque qui permit à certains d’édifier des fortunes immenses en peu de temps, il préféra des placements moins rentables mais plus sûrs. L’essentiel de ses biens consista tout d’abord en sommes prêtées à des débiteurs soigneusement choisis pour leur solvabilité, puis en rentes sur le roi, en terres et en maisons. La composition de cette fortune et le processus selon lequel elle s’est constituée viennent renforcer ce que nous savions déjà du personnage, prudent, discret, parlementaire dans l’âme et jusque dans l’administration de ses biens. Elle confirme l’austérité de Claude Le Peletier et l’aversion pour le luxe que nous avons déjà rencontrée sous sa plume. À la prodigalité et à la consommation excessive, le ministre opposait frugalité et économie.

79Hanté par l’idée d’empêcher ses enfants et petits-enfants de s’entre-déchirer après sa mort, Claude Le Peletier s’efforça de disposer le plus précisément possible de ses biens. En revanche, son désir de pérenniser son œuvre et de conserver à sa famille les deux pôles de la rue Vieille-du-Temple et de Villeneuve-le-Roi se solda à terme par un échec, preuve que les dernières volontés d’un ministre d’État pèsent de peu de poids au regard des intérêts particuliers de ses enfants.

Notes

1 Bibliothèque Mazarine, Ms. 3010, fo 239, année 1657.

2 J.-N. Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, Paris, 1784-1785, t. IV, p. 117-118.

3 F. Bluche, Les magistrats du parlement de Paris au XVIIIe siècle (1715-1777), Besançon, 1960, p. 172.

4 À l’époque, les gages d’un maître des requêtes étaient de 1 200 livres par an (hors bureaux, commissions et rémunérations annexes), pour une finance de 180 000 livres, ramenée à 150 000 livres en 1665 (M. Antoine, Le Conseil du Roi sous le règne de Louis XV, Genève, 1970, p. 234-235), soit un rendement annuel, guère plus élevé, de 0,8 %.

5 Bibliothèque Mazarine, Ms. 3015, fo 53 vo, année 1663.

6 AN, MC, XXX, 62, convention du 10 juillet 1663.

7 AN, 259 AP 125.

8 Les gages d’un premier chambellan ou d’une dame d’honneur de la maison du prince de Condé en 1676 étaient de 6 000 livres par an (K. Béguin, Les princes de Condé. Rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle, Paris, 2003, p. 234).

9 AN, K 10191, « état des étrennes que MM. les prévôt des marchands et échevins de la Ville de Paris ont arresté de faire au premier jour de l’année 1670 ». Claude Le Peletier reçut de la Ville 400 jetons d’argent en tant que dernier prévôt sorti de charge de 1676 à 1683, puis 500 jetons d’argent en tant que contrôleur général puis ministre d’État (1683-1697).

10 O1 13, fos 318 vo-319, don pour le deuil de la reine d’Angleterre, 30 novembre 1669.

11 AN, G7 990.

12 AN, G7 991.

13 AN, G7 990.

14 AN, MC, LXXV, 157, inventaire après décès de Marguerite Fleuriau, 24 octobre 1671.

15 Mémoires du duc de Luynes, t. IV, p. 198, cité par A. de Boislisle, Les conseils sous Louis XIV, Paris, 1884, p. 24.

16 Ibidem, t. XV, p. 432, cité par A. de Boislisle, op. cit., p. 24.

17 A. de Boislisle, op. cit., p. 56.

18 AN, 259 AP 78, « bureaux de MM. les conseillers d’État en 1684 » pour le Conseil privé.

19 Ibidem, « bureaux de MM. les conseillers d’État en 1682 ».

20 BnF, Mél. Colb. 304, fo 107.

21 Nous savons avec certitude que Le Peletier n’était pas membre de la commission des postes et messageries, ni du Conseil des prises.

22 BnF, Mss. PO 2223, 50, 291.

23 Ces lettres patentes sont citées lorsque Le Peletier demanda au roi de faire passer cette pension sur son fils (AN, O1 41, fo 140, 18 septembre 1697).

24 AN, O1 30, fo 181 vo, provisions de président à mortier au Parlement de Paris, 24 mai 1686, et fo 183 vo, dispense de parenté pour être reçu en ladite charge, 24 mai 1686.

25 Les registres et autres « projets de pensions… » de la sous-série G7 ne prennent pas en compte l’intégralité des revenus des ministres. Le chancelier retirait des profits considérables de l’audience du sceau : en 1699, Dangeau évalue les profits de la charge de chancelier, sceaux compris, à 120 000 livres (Dangeau, Journal du marquis de Dangeau, avec les additions du duc de Saint-Simon, Paris, 1854-1860, t. VII, p. 143-144).

26 J. Villain, La fortune de Colbert, Paris, 1994, p. 105. Voir T. Sarmant et M. Stoll, Régner et gouverner. Louis XIV et ses ministres, Paris, 2010.

27 Les revenus de cet office ont été comptés pour trois ans.

28 E. Pénicaut, Faveur et pouvoir au tournant du Grand siècle. Michel Chamillart, ministre et secrétaire d’État de la guerre de Louis XIV, Paris, 2004, p. 300-301. Nous avons respecté la présentation de l’époque en séparant ces deux types de rémunération et en ne faisant pas figurer ces 36 000 livres dans le tableau 2. En revanche, cette somme est intégrée dans le tableau 3.

29 Ibidem, p. 304. L’état des revenus cité figure en AN, G7 1903. Un autre état de revenus conservé en AN, G7 993 a été édité par E. Pénicaut, op. cit., p. 301. Sur cette rémunération, voir T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 485.

30 AN, G7 980, « états de recouvrement 1689 ».

31 Gazette de Leyde, 18 janvier 1684, cité par J. Villain, op. cit., p. 109.

32 T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 482 et 485.

33 AN, G7 1903, état des gratifications que les pays d’États sont en usage de faire à chaque tenue d’États, [1697-1698].

34 AN, O1 29, fo 281, [1er] juin 1685 et AN, G7 988, extrait des registres du roi, 1685.

35 AN, MC, CXVII, 662, quittance du 1er février 1700.

36 En 1679, Louis XIV récompensa le travail effectué l’année précédente par Colbert, Seignelay, Louvois et Pomponne en leur accordant à chacun 20 000 livres de gratification extraordinaire (BnF, Mss. Mél. Colb. 304, fo 147 vo).

37 Dangeau, op. cit., t. I, p. 291 ; AN, G7 978-979, année 1686, entrée « dépenses » ; BnF, Mss. Fr. 7659.

38 Dangeau, op. cit., t. I, p. 325.

39 AN, G7 978-979, année 1687, entrée « dépenses ».

40 AN, K 121a, ordonnance de comptant du 25 janvier 1690.

41 E. Vaillé, Histoire générale des postes françaises jusqu’à la Révolution, Paris, 1951, t. V, p. 9-10.

42 P. Blet, Les assemblées du clergé et Louis XIV de 1670 à 1693, Rome, 1972, p. 511.

43 Saint-Simon, Mémoires, Paris, 1879-1931, t. IV, p. 258-274.

44 AN, 259 AP 130, brevet de 6 000 livres de pension, 18 septembre 1697.

45 AN, MC, CXVII, 662, quittance du 1er février 1700. Dès le 15 avril 1700, Claude Le Peletier investit ces 72 000 livres en deux constitutions de rente sur le roi de 1 800 livres chacune (AN, MC, CXVII, 662, deux constitutions de rente du 15 avril 1700).

46 F. Bluche, op. cit., p. 155.

47 Les estimations de ces fortunes ont été faites à partir des ouvrages de J. Villain, op. cit., d’I. Aristide, La fortune de Sully, et des articles de J.-P. Labatut, « Le chancelier Boucherat (1616-1699) », et R. Pillorget, « Henri Pussort, oncle de Colbert (1615-1697) », regroupés par R. Mousnier (dir.), Le Conseil du roi de Louis XII à la Révolution, p. 87-101 et 255-274.

48 Autres comparaisons dans T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 493-495.

49 À l’inverse, Pussort privilégia les prêts d’argent (63 % du total de ses biens), et Sully les immeubles (60 % du total de ses biens).

50 Dangeau, op. cit., Paris, 1854-1860, t. I, p. 325.

51 Sourches, Mémoires, Paris, 1882-1893, t. I, p. 187.

52 AN, MM 824, fo 58.

53 AN, O1 30, fo 181 vo, provisions de président à mortier au Parlement de Paris, 24 mai 1686, et AN, O1 30, fo 183 vo, dispense de parenté pour être reçu en ladite charge, 24 mai 1686.

54 Les deux premiers contrats sont datés du 20 mai, le troisième du 12 juin 1686. Tous trois se trouvent dans AN, MC, LXXV, 233.

55 AN, MC, LXXV, 234, quittance du 10 septembre 1686.

56 AN, 259 AP 130, projets d’articles de mariage.

57 AN, 259 AP 127, résignation de l’office de président à mortier, 18 novembre 1687.

58 AN, 259 AP 260, réception de président à mortier au Parlement de Paris, 28 novembre 1687.

59 AN, O1 33, fo 129 vo, lettres pour conserver à Claude Le Peletier son rang de président au Parlement nonobstant la démission de sa charge en faveur de son fils, 2 mai 1689.

60 AN, MC, LXXV, 215, traité de l’office d’avocat au Châtelet, 26 décembre 1682.

61 AN, MC, LXXV, 231, traité de l’office d’avocat au Châtelet, 18 décembre 1685.

62 AN, 259 AP 130, dispense d’âge pour être reçu conseiller au Parlement, 2 janvier 1686, et AN, X1A 8679, fo 298.

63 Bibliothèque Mazarine, Ms. 3028, registre des gages du Parlement, fo 136.

64 A. N. Hamscher, The Parlement de Paris after the Fronde, 1653-1673, Pittsburg, 1976, p. 21.

65 La valeur des offices quintupla entre la fin du XVIe siècle et 1635, plafonna jusqu’à la fin du XVIIe siècle, avant d’être divisée en moyenne par cinq au XVIIIe siècle, à quelques exceptions près. Sur les offices de conseillers au Parlement, voir F. Bluche, op. cit., p. 167.

66 Sur l’évolution du statut et de l’utilisation de l’obligation entre le XVIIe et le XIXe siècle, voir Ph. T. Hoffman, G. Postel-Vinay, et J.-L. Rosenthal, Des marchés sans prix. Une économie politique du crédit à Paris, 1660-1870, Paris, 2001, p. 30.

67 AN, MC, CXVII, 646, traité d’office du 16 juillet 1692.

68 AN, MC, LXXV, 168.

69 AN, MC, LXXV, 157, inventaire après décès de Marguerite Fleuriau, 24 octobre 1671.

70 F. Bluche, op. cit., p. 216.

71 BnF, PO 2223 (50, 291).

72 Ces augmentations de gages lui furent remboursées le 1er février 1700 (AN, MC, CXVII, 662, quittance du 1er février 1700).

73 AN, T 1062, contrat de vente du 22 août 1707.

74 AN, 259 AP 29, lettre de Gabriel Boucot à Le Peletier, Paris, 10 mai 1702.

75 Actuel no 19 de la rue Vieille-du-Temple.

76 AN, MC, XIX, 102, bail du 29 juin 1675.

77 Cet hôtel s’élevait au 26-28 de la rue Vieille-du-Temple, à l’emplacement de l’actuelle rue du Trésor. Voir M. Fosseyeux, L’Hôtel-Dieu de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1912, p. 364, et surtout de A. Gady, « Une grande demeure disparue du Marais : l’ancien hôtel d’Effiat, puis Le Peletier (26-28, rue Vieille-du-Temple) » Bulletin de la Société d’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 1995-1997 (1998), p. 133-168.

78 AN, 259 AP 29, lettre de Caillet à Le Peletier, [Paris], 6 juillet 1696 et AN, 259 AP 127, contrat de vente du 7 juillet 1696.

79 Sur les hôtels des ministres contemporains de Le Peletier, voir T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 502-508.

80 Voir le mémoire des « Dépenses à faire à l’hostel d’Effiat pour l’exécution du grand dessein » conservé en AN, 259 AP 127.

81 Bullet continua de prodiguer avis et conseils au ministre après le début des travaux, par exemple au sujet de l’aménagement intérieur (AN, 259 AP 29, lettre de Bullet [orthographié « Ballet » dans l’inventaire] à Le Peletier, Paris, 28 août 1697).

82 Cette estimation de 35 706 livres ne prenait pas en compte l’aménagement du jardin.

83 AN, 259 AP 127, lettre de Pecquet à Le Peletier, Paris, 10 mai 1697.

84 Ibidem, lettre de Pecquet à Le Peletier, Paris, 16 juillet 1697.

85 Dans son testament, Claude Le Peletier n’estime son hôtel qu’à 120 000 livres, ce qui limite le montant des travaux à 40 000 livres, mais il est probable qu’il l’a sous-évalué afin de ne pas trop gonfler la part qui devait revenir à sa fille d’Argouges (AN, 259 AP 127, testament de Claude Le Peletier, 8 octobre 1706). G. Mazel évalue la dépense totale, pour l’hôtel et les jardins, à 70 000 livres (Claude Le Peletier [1631-1711]. Le successeur de Colbert, Paris, 2003, p. 168).

86 AN, 259 AP 126, inventaire après décès de Claude Le Peletier, 4 septembre 1711. La vente de cet hôtel incluait la cession d’une chapelle de l’église Saint-Gervais appelée la chapelle de Saint-Joseph. Le 14 février 1697, l’archevêque de Paris autorisa Le Peletier à y faire célébrer la messe (Ibidem).

87 Cette tendance au regroupement familial dans les milieux nobiliaires parisiens se renforce encore au XVIIIe siècle (M. Marraud, La noblesse de Paris au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 157).

88 Cette somme est modeste. Le lit de Chamillart fut estimé à 2 500 livres en 1720 (E. Pénicaut, op. cit., p. 403).

89 AN, 259 AP 126, liste de tableaux pour M. Le Peletier. Il est probable que Claude Le Peletier tenait plusieurs de ces tableaux de son père, en particulier ceux représentant Leschassier, le duc et la duchesse de Guise, Le Peletier du Mans, Gaston d’Orléans et le chancelier Séguier.

90 Il n’est pas tenu compte dans ce total de l’argent comptant trouvé dans la succession, soit 8 141 livres.

91 AN, 259 AP 131, achat du 22 mars 1692.

92 Ibidem.

93 Soit 275 508 livres (J. Villain, op. cit., p. 320).

94 E. Pénicaut, op. cit., p. 403.

95 AN, MC, CXVII, 657, convention du 22 janvier 1698.

96 AN, 259 AP 127, testament de Claude Le Peletier, 12 août 1711.

97 AN, T 1062, contrat de vente du 22 août 1707 et transaction du 15 février 1712.

98 AN, MC, CXVII, 684, transaction du 9 février 1709.

99 AN, MC, CXVII, 647, bail du 4 mars 1693.

100 AN, MC, LXXV 136, contrat de vente du 26 août 1667.

101 T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 508. M. Venard, Bourgeois et paysans au XVIIe siècle. Recherche sur le rôle des bourgeois parisiens dans la vie agricole au Sud de Paris au XVIIe siècle, Paris, 1957, p. 39-40, cite l’exemple de Guillaume Le Juge, secrétaire du roi, qui effectua trente-sept achats de pièces de terre entre 1648 et 1672 à Thiais.

102 AD Val-de-Marne, E 634, contrat du 24 août 1670.

103 Les ouvrages sont prisés 160 livres par François Montalan, marchand libraire.

104 AD Val-de-Marne, E suppl. 634, décret d’adjudication du 21 juin 1617.

105 AN, MC, LXXV, 334, contrat de vente de la seigneurie de Villeneuve-le-Roi, 13 septembre 1686.

106 AN, MC, CXVII, 619, et AN, 259 AP 260.

107 AD Val-de-Marne, E suppl. 373, décret de la terre de Villeneuve-le-Roi, 28 mai 1687.

108 AN, MC, CXVII, 622, contrat de vente de la seigneurie d’Ablon, 17 mai 1688.

109 Sur les aspects concrets de la gestion de ce domaine, nous renvoyons à notre thèse de doctorat, Pouvoir et administration au Grand Siècle. Claude Le Peletier, contrôleur général des finances de Louis XIV (1631-1711), t. II, p. 502 et suivantes.

110 T. Sarmant, Les demeures du soleil. Louis XIV, Louvois et la surintendance des bâtiments du roi, Seyssel, 2003, p. 113-114 et passim.

111 AN, MC, CXVII, 647, quittance du 29 janvier 1693.

112 Bullet collabora aux travaux qu’effectua Michel Le Peletier de Souzy à son hôtel en 1686 et à ceux de l’hôtel d’Effiat en 1696.

113 Le dernier des mémoires arrêtés par Simon Pipault est daté du 7 janvier 1689 (AN, MC, CXVII, 647, quittance du 29 janvier 1693). Les sept mémoires des ouvrages de couvertures faits au château furent arrêtés par La Chapelle Bessé et Doussot le 26 février 1689.

114 Claude Le Peletier décrivit lui-même le résultat de ces travaux dans une longue lettre écrite en latin. Datée du 4 septembre 1695, elle était adressée à Charles Rollin, recteur de l’Université de Paris. Cette pièce a été traduite en français et imprimée (Château de Beauregard à Villeneuve-Saint-Georges. Lettre latine du contrôleur général Le Pelletier, successeur de Colbert, adressée en 1695 à M. Rollin… contenant la description de ce château…, Paris, Testu, 1807, 48 p.).

115 AN, MC, CXVII, 648, inventaire après décès de Geneviève-Joseph Du Coskaer de Rosanbo, 25 décembre 1693.

116 Ces tableaux font partie d’une suite de six toiles commandées à Bourdon par Pierre d’Autheville vers 1657. Claude Le Peletier les acheta aux héritiers d’Autheville à une date indéterminée (G. Mazel, op. cit., p. 181-182).

117 J.-A. Piganiol de La Force, Description de Paris, de Versailles, de Marly, de Meudon, de Saint-Cloud, de Fontainebleau et de toutes les autres belles maisons et châteaux des environs de Paris, t. VIII contenant les environs de Paris, Paris, Pierre Cavelier, 1742, p. 175-178.

118 AN, 259 AP 126, inventaire de pièces concernant une maison à Saint-Germain-en-Laye achetée par Claude Le Peletier, 1684, et AN, 90 AP 33, contrat d’acquisition par Le Peletier de Souzy d’une moitié de maison à Saint-Germain-en-Laye, 7 juillet 1684.

119 AN, 90 AP 33, quittance de Jean-Baptiste Desmarets de Vaubourg, 17 février 1685.

120 BnF, Mss. fr. 7750, fo 72, mémoire présenté au roi par Claude Le Peletier, juin 1691.

121 AN, MC, XIX, 495, contrat de mariage du 20 décembre 1670.

122 AN, MC, LXXV, 160, convention du 2 mars 1672.

123 Ce contrat stipulait que Le Peletier la prenait pour épouse avec ses biens et avec la faculté pour le survivant et ses enfants, en cas de dissolution de la communauté, de l’accepter ou d’y renoncer – ce qu’ils firent – et, en cas de renonciation, de reprendre tout ce qu’elle aurait apporté au mariage (AN, 259 AP 259, contrat de mariage du 18 octobre 1656).

124 AN, MC, LXXV, 160, convention du 2 mars 1672.

125 Ibidem.

126 AN, MC, LXXV, 175, convention du 9 mai 1675.

127 AN, MC, LXXV, 206, convention du 31 mai 1681.

128 AN, MC, LXXV, 215, convention du 23 novembre 1682.

129 AN, MC, LXXV, 229, convention du 30 juillet 1685.

130 AN, MC, LXXV, 215, transport du 1er décembre 1682.

131 AN, MC, CXVII, 636, transport du 28 octobre 1689.

132 Ibidem.

133 AN, MC, CXVII, 656, transport du 2 août 1697.

134 AN, MC, CXVII, 680, renonciation du 21 mai 1707 et AN, MC, CXVII, 681, renonciation du 24 juillet 1707.

135 AN, 259 AP 1, contrat de mariage du 30 janvier 1677.

136 AN, MC, CXVII, 647, don du 10 mars 1693.

137 AN, 259 AP 1, contrat de mariage du 3 avril 1684.

138 Le Tellier et sa femme donnèrent 500 000 livres à Madeleine-Fare à l’occasion de son mariage avec Louis-Marie d’Aumont de Rochebaron, marquis de Villequier. Boucherat dota ses filles, à une époque où il n’était pas encore chancelier, de 230 000 livres en 1659 et 210 000 livres en 1666.

139 AN, MC, CXVII, 646, don du 5 décembre 1692.

140 AN, T 1062, contrat du 22 septembre 1698.

141 AN, MC, CXVII, 683, traité d’office du 1er décembre 1708, et AN, 259 AP 126, inventaire après décès de Claude Le Peletier, 14 septembre 1711.

142 AN, MC, CXVII, 619, don du 13 février 1688.

143 AN, MC, CXVII, 647, échange du 10 mars 1693. Les d’Aligre conservèrent la leur jusqu’en 1711 (AN, 259 AP 127, testament de Claude Le Peletier, 8 octobre 1706).

144 AN, MC, CXVII, 684, don du 9 février 1709.

145 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 16 avril 1682, et testament de Claude Le Peletier, 30 mars 1684.

146 AN, T 1062, contrat du 22 septembre 1698.

147 AN, 259 AP 127, testament de Claude Le Peletier, 8 octobre 1706.

148 Il s’agit de la maison acquise de Pierre de Maissat.

149 AN, MC, CXVII, 684, donation du 9 février 1709.

150 Ce codicille mentionne également l’acquisition de la maison de Pierre de Maissat.

151 AN, 259 AP 127, testament de Claude Le Peletier, 8 octobre 1706.

152 AN, T 1062, mémoires pour les frais du convoi, service et enterrement de Claude Le Peletier, 2 septembre 1712.

153 Sourches, op. cit., t. XIII, p. 171.

154 Toutes ces renonciations se trouvent en AN, MC, CXVII, 689.

155 AN, T 1062, partage des biens de Claude Le Peletier, 24 décembre 1714.

156 Ibidem, transport du 21 mars 1712.

157 Ibidem, legs du 30 mars 1712.

158 Ibidem, cahier de quittances des légataires de Claude Le Peletier, 5 mars 1712.

159 Ibidem, transaction du 15 février 1712.

160 Ibidem, contrat de vente, 26 décembre 1714.

161 AN, MC, LXXXVIII, 540, contrat de vente, 7 septembre 1734.

162 AN, MC, CXVII, 690, contrat de vente, 4 février 1712.

163 AN, MC, XXIX, 382, contrat de mariage, 8 avril 1726.

164 T. Sarmant et M. Stoll, op. cit., p. 493-492.

165 N. Coquery, L’hôtel aristocratique. Le marché du luxe à Paris au XVIIIe siècle, Paris, 1998, p. 19.

Table des illustrations

Légende Tableau 1 – Estimation des revenus de Claude Le Peletier provenant de gages, pensions et gratifications (1657-1683), en livres tournois.Sources : Archives nationales.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/125415/img-1.jpg
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Légende Note 2627Tableau 2 – Revenus de Claude Le Peletier en gages et pensions (septembre 1683-septembre 1689), en livres tournois.Sources : AN, G7 978-979, entrée « dépenses » ; la pension de 6 000 livres a été ajoutée à ce total.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/125415/img-2.jpg
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Légende Tableau 5 – Estimation de la fortune de Claude Le Peletier en 1657, 1683, 1688 et 1711, en livres tournois.N.B. : les sommes en italique concernent les revenus ; les autres sommes concernent les valeurs brutes des biens de Le Peletier.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/125415/img-3.jpg
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