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Servir le Roi Soleil

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Mathieu Stoll

Première partie. Fidèle (1631-1683)

Chapitre III. Naissance du lignage Le Peletier (1651-1683)

Texte intégral

  • 1 Sur ce processus, voir M. Marraud, De la ville à l’État. La bourgeoisie parisienne, XVIIe-XVIIIe, (...)

1Orphelins de père et de mère, les Le Peletier n’étaient pas aussi isolés en 1651 que l’avait été leur père à la fin du XVIe siècle. Ce dernier leur avait laissé un vaste réseau d’amis et des protecteurs puissants. Néanmoins, la famille Le Peletier n’était encore que peu de chose : quelques jeunes gens à peine sortis de l’enfance, sans position ni charge d’un quelconque poids social, dont l’avenir dépendait presque entièrement de « ceux de l’alliance ». À elle seule, la fortune léguée par Louis Le Peletier n’aurait sans doute pas pu lui permettre de s’extraire des plus basses couches de la robe, et la noblesse nouvellement acquise se serait peu à peu dissoute dans les milieux marchands et bourgeois de la capitale1.

  • 2 P. Alex, « Succéder par raccroc. La résistible perpétuation des Hurault de L’Hospital », R. Descim (...)

2C’est à Claude qu’elle doit d’avoir réussi, en une trentaine d’années, sa transformation en un lignage qui finit par dominer le Parlement de Paris au XVIIIe siècle. Il ne s’agit pas ici de reconstituer, a posteriori, un improbable parcours idéal qui aurait mené sans à-coups les Le Peletier de l’anonymat le plus complet aux premières positions de l’État, mais bien de montrer comment Claude Le Peletier, avec le soutien indéfectible de Michel Le Tellier, a très tôt défini une stratégie familiale cohérente, et l’a imposée à ses frères et à ses enfants. Cette stratégie sur deux générations repose sur le contrôle des choix matrimoniaux et des destinées individuelles des membres de la famille, mais aussi sur la transmission de cette culture de la haute robe acquise auprès de Jérôme Bignon et de Mathieu Molé2. Sa réussite, indéniable, ne doit pas occulter le coût humain de cette ambition : des choix aussi drastiques ne restent jamais sans conséquences, et ces conséquences marquèrent l’histoire de la famille Le Peletier jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.

Les frères et sœurs de Claude Le Peletier

3Louis Le Peletier et Madeleine Leschassier engendrèrent une descendance nombreuse, puisque dix enfants furent issus de leurs vingt-trois années de mariage. Seuls survécurent deux filles, Louise et Marie, et trois fils, Claude, aîné par défaut, Jérôme et Michel.

Louise et Marie Le Peletier

  • 3 AN, 259 AP 1, testament de Louis Le Peletier, 17 mai 1644 et 9 février 1650.
  • 4 Ibidem.
  • 5 AN, 259 AP 1, contrat de vêture de Louise Le Peletier, 6 mai 1652.
  • 6 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Poitiers, 31 janvier 1652 ; AN, 259 AP 8, lettre (...)
  • 7 AN, MC, LXXV, 181, profession d’Anne-Thérèse Le Peletier, 11 mai 1676.
  • 8 BnF, Mss. fr. 7659.
  • 9 La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse, Paris, 1863-1876, t. XV, p. 590.
  • 10 AN, MC, LXXV, 155, quittance du 3 avril 1671.

4Louise et Marie, les deux sœurs de Claude Le Peletier, nées respectivement le 13 octobre 1636 et en octobre 1638, demeurent mal connues. Dans son testament, leur père les exhorte, « sy Dieu les appelle au mariage », à se montrer aussi vertueuses et honnêtes que leur mère3, mais il semble que l’aînée, au moins, ait été très tôt destinée à l’état ecclésiastique. En 1649, à la mort de leur mère, toutes deux se trouvaient au monastère de la Ville-l’Évêque, faubourg Saint-Honoré ; Louise fut alors prise en charge par la supérieure, Louise Le Tellier, sœur de Michel Le Tellier, qui l’éleva auprès d’elle4. Ses leçons portèrent leurs fruits puisque Louise, ayant « grande affection et fervente dévotion […] de vivre et passer le reste de ses jours en l’état et voie monastique, étant à ce poussée par un ardent zèle de se retirer dans un monastère de l’ordre de saint Benoît5 », choisit de faire profession de religieuse dans ce couvent6 et y fut acceptée comme novice le 7 mai 1652. Elle renonçait à l’héritage de ses parents et ses frères s’obligeaient à lui payer une pension viagère annuelle de 300 livres. Reçue religieuse après une année de noviciat, elle demeura au couvent et en devint prieure. En 1675 et 1676, elle y accueillit deux des filles de Claude Le Peletier7. Nommée abbesse de Notre-Dame de Troyes en novembre 16888, elle revint finir sa vie comme simple religieuse à la Ville-l’Évêque, où elle mourut le 16 mars 16999. Sa sœur Marie devint elle aussi religieuse au monastère de Notre-Dame de la Ville-l’Évêque, sans doute en 1655. En 1671, un acte la qualifie de « secrétaire du chapitre10 » et elle mourut prieure du monastère en 1706. Effacées, pieuses, les sœurs du contrôleur général des finances jouèrent le rôle de confidentes et reçurent de nombreuses visites de leurs frères. Elles remplacèrent aussi, pour les filles de Claude Le Peletier, la mère qu’elles n’avaient que trop peu connue.

Jérôme Le Peletier

  • 11 AN, 259 AP 127, certificat de tonsure, 7 mars 1644.
  • 12 Il figure sous cette qualité dans l’inventaire après décès de son père (AN, MC, XXX, 38, inventair (...)
  • 13 AN, MC, XXX, 48, traité d’office du 5 mai 1656.
  • 14 O. d’Ormesson, Journal, Paris, 1860-1861, t. II, p. 391. Voir aussi E. Fléchier, Mémoires sur les (...)

5Le frère cadet de Claude Le Peletier naquit le jeudi 14 octobre 1632, entre 9 et 10 heures du matin, et fut baptisé en l’église Saint-Gervais. Son prénom lui fut donné par Jérôme Bignon, avocat général au Parlement de Paris, son parrain, mais ce protecteur prestigieux, à la vertu et à l’humilité reconnues de tous, ne semble guère avoir servi de modèle à son existence. Les étapes qui jalonnent sa jeunesse sont les mêmes que celles de son frère aîné : tonsurés tous deux le 7 mars 164411, ils partagèrent le même précepteur, Philippe Dormai, et firent tous deux leurs études au collège des Grassins ; le futur abbé profita également de la compagnie des frères Dupuy et des conseils de son vertueux parrain. Il fut d’abord pourvu, en 1651, d’une charge d’avocat du roi au Parlement12, avant, on l’a vu, que son frère lui cédât celle de conseiller au Châtelet en 1653. Le 5 mai 1656, il acheta à Armand Léon Bouthillier, comte de Chavigny, moyennant 121 000 livres, un office de conseiller au Parlement dont il fut pourvu le 7 juin suivant13. Il y fit une carrière sans grand relief, qui le mena, l’âge aidant, jusqu’à la grand’chambre. Seule sa nomination parmi les commissaires des Grands Jours d’Auvergne, en 1665, semblait devoir lui éviter de sombrer dans l’oubli14.

  • 15 Michel Le Tellier lui avait obtenu le don de cette prévôté en échange du versement d’une pension à (...)
  • 16 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Le Peletier, La Fère, 11 juin 1657. L’affaire fut définitivem (...)
  • 17 Bibliothèque Mazarine, Ms. 2906, « Caractères de MM. les présidens et conseillers du Parlement de (...)

6Mais entre-temps, son destin avait basculé, puisque son parrain, nommé exécuteur testamentaire, en accord avec Michel Le Tellier et Claude Le Peletier, avait choisi de respecter la volonté de Louis Le Peletier et de le consacrer à une carrière ecclésiastique. Jérôme Le Peletier accepta mal d’être sacrifié au profit de ses deux frères, et n’eut longtemps d’ecclésiastique que le nom. Michel Le Tellier, qui avait pourtant bonne opinion de lui, le soupçonnait à demi-mot de souhaiter l’échec de la négociation menée avec Mathieu de Morgues, un des amis de feu Louis Le Peletier, pour lui faire obtenir la prévôté de Notre-Dame de Pignans, en Provence15. En effet, Jérôme mettait en péril ces négociations en les ébruitant sans précaution, alors que Le Tellier avait exigé le secret comme condition de son intercession. Selon le secrétaire d’État de la Guerre, Jérôme aurait souhaité leur échec pour revenir dans le siècle et se marier16. Il continua donc de fréquenter le monde et ne prit jamais vraiment les habitudes d’un clerc. L’auteur des « Caractères des présidents et conseillers du Parlement de Paris… en 1658 » le décrit comme un « honneste homme, bel esprit, apliqué à la profesion (sic), en affectant de la singularité et prend quelquefois des opinions bizarres, aime le monde, est sans intérest, proche parent de M. Le Tellier, il y a quelque jalousie entre ses frères17 ».

  • 18 AN, 90 AP 36, lettre de Dormai à Michel Le Peletier, [s. l.], 15 décembre 1661.
  • 19 AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Fontainebleau, 31 juillet 1666.

7La religion ne calma pas longtemps les ambitions du prévôt de Pignans, d’autant plus frustré d’être cantonné dans son office de conseiller au Parlement que ses frères devenaient prévôt des marchands ou intendant de Flandre. En 1661, il envisagea sérieusement de devenir agent général du clergé18, puis, en 1666, il n’apprécia pas que son frère Claude et Michel Le Tellier lui fissent comprendre qu’ils comptaient sur lui pour céder son office de conseiller à son frère Michel19. À partir de 1671, sa volonté de promotion devint manifeste. Il fit agir certains de ses amis, qui suggérèrent en vain à Michel Le Tellier de lui faire obtenir la charge de premier président du parlement de Provence. La crise la plus grave éclata en 1673, lorsque le prévôt des marchands, devenu conseiller d’État semestre, revendit sa charge de président aux enquêtes. Claude Le Peletier et Le Tellier, après de nombreuses discussions, étaient arrivés à la conclusion que la vendre à Jérôme lui serait plus dommageable qu’utile. Le Tellier résuma leurs arguments :

  • 20 AN, 259 AP 12, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 13 avril 1673.

« M. vostre frère n’acquérera pas de réputation en votre place par le caractère de son humeur dont il n’est pas maître, et que s’il arrive des affaires publiques dans le Parlement, sa conduite ne sera pas approuvée ici, et vous chargera de reproche auprès du maître d’avoir choisi un successeur fâcheux duquel vous ne pouvez ignorer l’humeur20. »

  • 21 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 18 avril 1673.

8Jérôme ne se montra pas sensible à ces explications, qu’il considérait comme des prétextes. Une dispute terrible éclata lorsqu’il rencontra son frère chez la chancelière Le Tellier à Saint-Germain-en-Laye ; des cris et des injures furent échangés, et le prévôt de Pignans quitta l’appartement du chancelier en se plaignant à haute voix et en promettant de se venger21. Après cet incident, Claude et Jérôme ne se départirent jamais d’une certaine froideur. Dès son enfance, Jérôme Le Peletier semble avoir été beaucoup plus proche de son frère cadet que de son aîné. Lorsque Michel Le Peletier partit s’installer à Lille, il confia à Jérôme la gestion de ses biens et de sa maison, rue du Grand Chantier. Jérôme s’y installa avec le secrétaire de son frère, Philippe Gendron, et joua le rôle d’un secrétaire des affaires.

Michel Le Peletier

  • 22 AN, 90 AP 32, livre de raison de François et Jean Leschassier.
  • 23 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Le Peletier, [s. l.], 1er avril 1652.
  • 24 AN, 90 AP 34, « Vie de Michel Le Peletier ».
  • 25 AN, 259 AP 9, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Toulouse, 14 décembre 1659.

9Plus jeune de neuf ans que Claude, le benjamin des frères Le Peletier ne commença vraiment sa carrière qu’en 1660. Né le 12 juillet 1640, entre 10 et 11 heures du matin, il fut baptisé à Saint-Gervais le lendemain, et reçut le prénom d’un parrain promis à une aussi belle destinée que celui de son frère Jérôme, Michel Le Tellier, alors maître des requêtes22. Comme ses deux frères, il fut présenté, malgré son jeune âge, à Jérôme Bignon et aux Dupuy, et envoyé au collège des Grassins suivre les leçons de Cocquerel23. Selon ses biographes, le jeune Le Peletier profita si bien de ces études qu’il préféra la fonction d’avocat aux honneurs de la magistrature, et que ses frères eurent toutes les peines du monde à lui faire acheter une charge24. Le Tellier soulignait son inexpérience, ses lacunes, et attribuait cette lubie aux désirs d’indépendance du jeune homme (« on se forme des désirs comme cela à desseing de se donner de la liberté25 »), toutes choses qui mettent à mal l’idée d’une vocation aussi noble que précoce :

  • 26 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Toulouse, 27 novembre 1659.

« Je ne sçais que vous dire sur la charge d’avocat du roy au Chastelet […], car comme il est jeune, qu’il n’a point encores estudié en droict que quatre ou cinq mois, il me semble que ce n’est pas un bon marché et qu’il est préallable de sçavoir que de se mettre en estat de praticquer. Il n’a jamais esté au barreau, n’a veu que ses Instituts au plus, et le faire officier, cela ne s’accorde point à mon avis26. »

  • 27 AN, 90 AP 34, quittance du 30 décembre 1660.
  • 28 AN, MC, LXXV, 132, traité d’office du 5 août 1666. Michel Le Peletier vendit sa charge d’avocat du (...)
  • 29 AN, 259 AP 11, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 24 février 1668.
  • 30 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 4 mai 1668.
  • 31 Voir A. Croquez, Histoire politique et administrative d’une province française, la Flandre…, Paris (...)
  • 32 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 14 février 1679.
  • 33 A. Blanchard, Les ingénieurs du « Roy » de Louis XIV à Louis XVI, Montpellier, 1979, p. 74.
  • 34 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 3 juin 1677.

10Pourtant, Michel Le Peletier, aussi appelé Le Peletier de Souzy, qui demeurait à l’époque rue Barbette avec ses frères, acheta à Christophe Leschassier, le 27 novembre 1660, l’office d’avocat du roi au Châtelet, moyennant 66 000 livres27. Il exerça cette charge pendant cinq ans, se forgeant une belle réputation, jusqu’à ce que ses frères le pressent de les rejoindre au Parlement de Paris. Les charges de conseiller au Parlement disponibles étaient si rares à cette époque que Claude Le Peletier et Michel Le Tellier envisagèrent, on l’a vu, de lui transmettre celle dont était pourvu Jérôme. Heureusement pour la paix familiale, un accord fut trouvé à temps avec Hélène Gillot, qui lui céda l’office de son défunt mari Pierre Ferrand, moyennant 100 000 livres, le 5 août 166628. À peine revêtu de cette charge, Michel accompagna Jérôme Le Peletier en Auvergne pour y terminer le jugement des Grands Jours. Sa carrière prit un tour nouveau quand, de mai à juillet 1667, à l’instigation de Le Tellier et de Louvois, il accompagna Honoré Courtin aux conférences tenues à Bréda et à Lille. Par la suite, la faveur de Michel auprès du fils du secrétaire d’État de la Guerre ne cessa de grandir, et, malgré les remarques de Colbert sur la jeunesse du benjamin des Le Peletier, Louvois obtint pour lui successivement l’intendance de Franche-Comté, le 19 février 166829, puis celle de Flandre, le 13 juin 166830. Son passage à l’intendance à Lille eut une importance décisive pour la suite de sa carrière31. Elle lui permit d’appliquer dans une province frontière tout juste réunie au royaume, et encore très attachée à ses particularismes, les talents de diplomate dont il avait fait preuve au barreau, et ainsi de composer avec les États de la province sans pour autant marchander l’autorité du roi : « Dans le pays, écrit-il à son frère, je passe pour l’homme le plus dur qui ait jamais été… M. de Louvois de son côté me croit tendre et indulgent au possible32. » Après 1678, son ressort d’activité s’accrut de Cambrai, Condé et Valenciennes, et il fut l’un des commissaires chargés de l’exécution des traités d’Aix-la-Chapelle et de Nimègue. Sa commission le mit très fréquemment en relations avec Colbert et surtout avec Louvois, y compris à l’occasion de plusieurs intendances d’armée. Elle lui permit également de s’initier aux questions des fortifications auprès du chevalier de Clerville et de Vauban, avec qui il supervisa la construction des places fortes de Menin, de Condé, de Valenciennes, de Tournai, de Cambrai et surtout de Lille33. La qualité du travail de Souzy, jointe au soutien inconditionnel de Louvois, lui valut l’estime du roi et l’octroi de gratifications. Sa position privilégiée lui procura à plusieurs reprises l’occasion de faire sa cour à Louis XIV pendant la guerre de Hollande. À Lille, au début du mois de juin 1677, en l’absence de Louvois, il rendit compte lui-même au roi de l’avancement des fortifications de Cambrai, mais, cruelle désillusion, le monarque se contenta d’écouter sans marquer sa satisfaction34. Il profita également des campagnes de la guerre de Hollande pour se faire connaître et apprécier du Grand Condé, qui l’invita plusieurs fois à Chantilly.

  • 35 Elle lui apportait 142 336 livres de dot (AN, 90 AP 34, contrat de mariage de Michel Le Peletier, (...)
  • 36 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 12 avril 1677.

11Quoique résidant à Lille avec sa femme, Marie-Madeleine Guérin, épousée le 21 août 166935, et malgré une liaison entamée vers 1681 avec Pélagie de Rohan-Chabot, veuve du prince d’Espinoy, Michel Le Peletier semble s’être vite lassé de la vie rude et incertaine d’intendant d’une province frontière. Dès 1677, dans ses lettres à son frère, il exprime son désir de revenir à Paris et lui demande d’intervenir auprès de Le Tellier et de Louvois pour lui faire obtenir une place de conseiller d’État36. Il renouvelle cette demande à chaque vacance jusqu’en 1683 et, essuyant désillusion sur désillusion, se fait de plus en plus amer :

  • 37 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 1er mai 1683.

« Je crois vous avoir mandé que j’avois écrit à M. de Louvois à l’occasion des changements que je croiois que la mort de M. Hotman pourroit causer dans les Conseils, mais je ne sais si je vous ai rendu compte de la réponse : elle a été honnête, même obligeante. Ce qu’il y a d’admirable, c’est qu’il me mande qu’il m’écrira quand il viendra quelque place à vacquer, comme s’il ne savait pas qu’il en vacque actuellement37. »

  • 38 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 7 septembre 1679.
  • 39 AN, O1 27, fo 206 vo.

12Ses autres demandes ne furent pas davantage couronnées de succès : il sollicita, en vain, des appointements extraordinaires et les charges de grand maître des eaux et forêts de Flandre, de secrétaire des commandements du dauphin et de receveur aux consignations du Conseil souverain. Excédé, il finit par demander à son neveu Michel de lui réserver une place de moine lai dans son abbaye de Jouy38. Après leur avoir rappelé qu’il était l’intendant le plus ancien en poste à l’exception de Bouchu, Michel Le Peletier provoqua son frère et son cousin secrétaire d’État en leur faisant part, en janvier 1683, de son projet d’acheter la terre de Rolancour, en Flandre, afin que son exil fût complet et définitif. Cette dernière menace valut à Souzy de subir les foudres de Claude Le Peletier, mais elle semble également avoir porté ses fruits, puisque Louvois lui procura enfin, le 17 juin 1683, la place de conseiller d’État tant désirée39. Il réglait les derniers détails de son retour à Paris quand son frère, nommé contrôleur général des finances, l’appela pour le seconder en janvier 1684.

13Au regard de l’ascension ininterrompue de leur frère, on comprend que Jérôme et Michel Le Peletier aient plusieurs fois exigé un meilleur traitement de la part de leurs protecteurs communs. En 1683, leurs situations respectives, conseiller en la grand’chambre du Parlement de Paris pour l’un, intendant de Flandre et jeune conseiller d’État pour l’autre, si elles n’avaient pas l’éclat de celle de Claude Le Peletier, étaient néanmoins solides, et ne faisaient que traduire la position dominante du futur contrôleur général au sein de sa famille. Car cette analyse du destin des frères et sœurs du futur contrôleur général entre 1651 et 1683 est révélatrice d’une stratégie d’ascension familiale classique, mais mûrement réfléchie : effacement des filles de Louis Le Peletier, envoyées au couvent afin de ne pas disperser la masse des biens du patriarche dans des dots au rendement social à long terme très incertain ; effacement du cadet, destiné à l’église, et, à un degré moindre, du benjamin, pour accroître le capital politique, pécuniaire et social attribué à l’aîné par la familia élargie, à charge pour lui de payer en retour sa famille, ses protecteurs et ses alliés.

Le mariage de Claude Le Peletier

14À l’époque moderne, le mariage constituait pour les futurs conjoints l’une des étapes les plus importantes de la vie spirituelle et symbolisait l’entrée dans le monde des responsabilités. Mais, du point de vue social, la contrainte majeure du choix du conjoint était l’homogamie : un mariage convenable supposait des époux de même qualité et de même fortune. Il arrivait cependant que des familles de condition inférieure, riches d’argent mais manquant cruellement de prestige, acceptassent de donner leur fille et une dot à un homme d’un groupe plus puissant afin d’obtenir en échange sa protection ou la respectabilité qui leur faisait défaut.

Marguerite Fleuriau et sa fille

  • 40 AN, MC, CXVII, 649, inventaire après décès de Charles Fleuriau, 18 février 1694.
  • 41 AN, 259 AP 1, contrat de mariage du 3 février 1636.
  • 42 BnF, Mss. Morel de Thoisy 149, fo 15.
  • 43 AN, 259 AP 1, contrat de mariage du 28 avril 1652.

15Le mariage de Claude Le Peletier avec Marguerite Fleuriau doit être rangé dans cette dernière catégorie. Marguerite Fleuriau était la fille unique de Charles Fleuriau (1604-1694), secrétaire du roi depuis 1633 et financier d’une certaine envergure40. Ses talents de financier lui permirent de se constituer une belle fortune qu’il consolida, devenu veuf de Marguerite Lambert, sa première femme41, par un second mariage avec Françoise Guillemin, fille de Daniel Guillemin, intendant des maisons et finances de la duchesse d’Orléans, le 22 janvier 1651. Cinq enfants naquirent de cette union, parmi lesquels Joseph-Jean-Baptiste Fleuriau d’Armenonville, futur garde des sceaux. Mais, en 1655, la carrière de publicain de Charles Fleuriau semblait pour l’essentiel derrière lui : le 25 juillet, il reçut des lettres d’honneur de secrétaire du roi et conclut un de ses derniers traités le 1er août suivant42. Quoique riche, Charles Fleuriau demeurait, aux yeux de ses contemporains, l’un de ces financiers dont l’activité, certes indispensable au fonctionnement de l’État, était dénuée de toute considération. Il entreprit de remédier à cette situation en mariant le 28 avril 1652 sa fille Marguerite à Jean de Fourcy, conseiller au Grand Conseil, membre d’une des grandes familles de la robe parisienne43. Marguerite Fleuriau, née le 16 août 1638, n’avait pas encore quatorze ans ; elle apportait une belle dot, d’un montant de 330 000 livres, mais Jean de Fourcy mourut trois ans plus tard, en octobre 1655, laissant une fille posthume prénommée Marie-Marguerite.

  • 44 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, La Fère, 6 août 1656.
  • 45 Ibidem, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, Compiègne, 28 août 1656.
  • 46 R. Descimon, « La haute noblesse parlementaire parisienne : la production d’une aristocratie d’Éta (...)
  • 47 M. Bennini et R. Descimon, « Économie politique de l’office vénal anoblissant », R. Descimon et E.(...)
  • 48 M. Marraud, op. cit., p. 384 et 404.

16Avec l’accord des Fourcy, Charles Fleuriau décida de remarier Marguerite le plus rapidement possible. Il entama donc des négociations avec Claude Le Peletier avant même la fin du veuvage de sa fille, et choisit pour le représenter Olivier Lefèvre d’Ormesson, qui avait épousé Marie de Fourcy, sœur cadette du défunt44. Le Peletier négocia de son côté par l’intermédiaire de son ami Guillaume de Lamoignon45. Plus qu’une union avec une famille tout juste sortie de la finance, les Fourcy et les Fleuriau voyaient dans ce mariage l’occasion de s’attirer la protection et les bonnes grâces du puissant et influent Michel Le Tellier, au regard desquelles la modestie présente des biens du futur époux pesait peu. Charles Fleuriau avait d’autant plus besoin de cette protection qu’il entretenait des rapports tendus avec le nouveau surintendant des finances, Nicolas Fouquet. Dans le même temps, Claude Le Peletier nouait des liens précieux avec deux familles bien implantées dans le milieu du Conseil et des cours souveraines, les Fourcy et les d’Ormesson. Il réalisait également une excellente opération financière, révélatrice de ses ambitions déjà bien affirmées en 1656 : quitter la noblesse de robe qu’il venait d’intégrer en achetant sa charge de conseiller au Parlement, pour rejoindre l’aristocratie de la robe, la « haute noblesse parlementaire46 », constituée par les présidents à mortier et les gens du roi47. Pour cela, il devait disposer de fortes sommes, immédiatement convertibles en charges de haute dignité ou de seigneuries au fort capital social, sous peine de stagner, comme tant de familles récemment entrées au Parlement, au sein de la magistrature moyenne48.

  • 49 Le Tellier ne détaille pas les motifs de cette taxe, mais Fleuriau était à cette époque en conflit (...)
  • 50 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, La Fère, 10 août 1656.
  • 51 Ibidem, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, La Fère, 18 août 1656.
  • 52 Ibidem, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, Compiègne, 28 août 1656.

17Cette affaire si bien engagée faillit échouer en raison de l’intervention de Fouquet dans la négociation. Le surintendant avait promis à l’un de ses clients d’intercéder pour lui obtenir la main de la jeune et riche veuve, mais son intervention n’avait pas produit l’effet escompté. D’Ormesson était sur le point de conclure l’affaire avec Lamoignon quand Fleuriau fut convoqué par Fouquet et chargé d’une taxe de 20 000 livres49, le surintendant lui laissant entendre qu’il n’en serait déchargé qu’à la condition de donner la main de sa fille à son candidat. Fleuriau et Le Peletier s’en plaignirent à Michel Le Tellier, qui promit d’intervenir auprès de Fouquet et conseilla à son cousin de hâter la conclusion du mariage50. L’entremise de Le Tellier porta ses fruits puisque, le 17 août suivant, Fouquet lui écrivit un billet où il écartait toute idée de contrainte et s’offusquait qu’on le crût capable d’un tel procédé51. Enfin, pour mettre un terme à la querelle, Le Peletier rendit, le 27 août, une visite de courtoisie à Fouquet, au cours de laquelle le surintendant lui avoua peut-être le nom de son rival52.

  • 53 AN, 259 AP 259, contrat de mariage du 18 octobre 1656.
  • 54 L. André, Michel Le Tellier et Louvois, Paris, 1942, p. 595 ; W. Roth, « Jean-Baptiste Colbert, ma (...)
  • 55 S. Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, 2001, en particulier p. 243 à 269 (...)

18Le contrat de mariage définitif fut signé le 16 octobre 165653. Il stipulait que Marguerite Fleuriau apportait environ 368 900 livres de dot, dont 72 000 livres devaient entrer dans la communauté. Claude Le Peletier constituait à sa femme un douaire de 3 000 livres de rente par an et prévoyait son logement pendant son éventuel veuvage. Le survivant devait prendre par préciput la somme de 12 000 livres sur les biens de la communauté, ou 12 000 livres en cas de dissolution de la communauté. La fille née du premier mariage de Marguerite Fleuriau pourrait accepter ou renoncer à la communauté, à l’égal des enfants à venir de Le Peletier, mais elle devait être nourrie et entretenue aux frais de la succession de son père. Enfin, Le Peletier devait prendre 36 000 livres sur le bien de sa femme pour régler les frais de noces. Comme c’est fréquemment le cas à l’époque, il n’est pas fait mention de son apport. La jeune veuve était très bien dotée. Par comparaison, lors de son mariage avec le marquis de Villequier, le 21 mai 1660, la dot de Madeleine-Fare Le Tellier, fille de Michel Le Tellier, fut de 500 000 livres. Celle de Catherine-Félicité Arnauld de Pomponne se montait à 400 000 livres lors de son mariage avec Colbert de Torcy, le 13 août 169954. Quelques références aux chiffres compilés par S. Beauvalet-Boutouyrie à partir d’un échantillon de 630 contrats de mariage passés devant les notaires parisiens entre 1660 et 1670 permettent de mieux prendre conscience de la puissance financière qu’apportait cette union au futur contrôleur général55. En effet, si cette dot n’a rien de remarquable dans sa composition (elle est composée à plus de 90 % par le capital des rentes et leurs arrérages), elle se distingue par son montant très élevé. Sur les 568 contrats faisant mention d’une dot, seuls 10,2 % dépassent 10 000 livres et un seul atteint 300 000 livres (la moyenne est de 5 493 livres et la médiane de 1 000 livres). Si l’on raisonne par catégorie socio-professionnelle, la dot des femmes dont les époux possèdent des offices de finance ou de robe n’est en moyenne que de 28 882 livres, et la médiane tombe à 10 000 livres.

  • 56 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.

19Cette union représentait donc une fort bonne affaire financière pour Claude Le Peletier. À l’usage, elle se révéla aussi une réussite conjugale. Aucun portrait de Marguerite Fleuriau ne semble avoir été conservé et, en raison de sa mort précoce, elle a échappé aux imprécations de Saint-Simon. Mais les quelques allusions retrouvées révèlent une jeune femme effacée, pieuse et très attachée à son mari. Comme à son habitude, le biographe anonyme de Claude Le Peletier a tendance à forcer le trait : « Car comme Mme Le Peletier étoit très sage et uniquement attachée à lui sans se dissiper dans les compagnies et les divertissements, lui étoit de son côté uni à elle avec une fidélité inviolable en sorte que c’étoit le modèle d’un mariage chrétien56. » Tous les témoignages offrent l’image d’un couple heureux et vivant sans excès, malgré l’humeur parfois massacrante du jeune conseiller au Parlement. Ils n’eurent pas moins de dix enfants, six filles et quatre garçons, au long des quinze ans que dura leur mariage. Ce chiffre, supérieur à la moyenne de l’époque (six ou sept enfants avec une naissance tous les deux ans et demi si on se limite aux familles où l’union n’est pas rompue avant la fin de la période de fécondité féminine, quatre ou cinq pour la moyenne générale), n’est pourtant pas exceptionnel : le Grand Colbert eut, par exemple, dix-sept frères et sœurs. Il s’explique par la jeunesse du couple, son aisance matérielle, et par la mise en nourrice systématique des nouveau-nés.

  • 57 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 613.
  • 58 AN, 259 AP 12, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 2 octobre 1671.
  • 59 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 613.
  • 60 AN, 259 AP 12, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 5 octobre 1671.
  • 61 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 6 octobre 1671.
  • 62 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.
  • 63 AN, 259 AP 12, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 6 octobre 1671.
  • 64 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 16 octobre 1671.

20La mort de Marguerite Fleuriau vint rompre tragiquement cette belle harmonie. Le 27 septembre 1671, alors qu’elle attendait son onzième enfant, elle commença à souffrir des symptômes de la petite vérole57. Le jour même, Le Peletier en informa Michel Le Tellier et lui annonça qu’il se consacrerait exclusivement à elle jusqu’à sa guérison58. L’état de Marguerite se dégrada lentement. Malgré une brève période de rémission et une dernière intervention du médecin Nicolas Brayer, elle fut subitement emportée le 4 octobre 1671 peu avant quatre heures de l’après-midi59. D’après la relation que l’archevêque de Reims fit à son père, la douleur de Claude Le Peletier fut extrême60. Le 6 octobre, le commis du département de la Guerre envoyé aux nouvelles par le ministre trouva porte close : le président s’était retiré à l’Oratoire61, il envisageait d’y rester et, selon son biographe anonyme, d’embrasser l’état ecclésiastique62. Michel Le Tellier abandonna alors la douceur et sermonna son cousin, le sommant de rentrer dans l’emploi de ses charges et de cesser de se complaire dans une affliction certes justifiée, mais par trop destructrice63. Marguerite Fleuriau fut inhumée dans une des chapelles de l’église Saint-Gervais, sa paroisse, et Claude Le Peletier reprit ses activités au Parlement et à la prévôté des marchands. Éprouvé nerveusement, il fit une mauvaise chute le 16 octobre et demeura immobilisé plus d’une semaine64. Malgré le soutien presque paternel de Michel Le Tellier, son deuil fut long et difficile, et cette épreuve contribua à l’assagir définitivement. En dépit de son âge – il n’avait que 40 ans en 1671 – Claude Le Peletier ne chercha pas à se remarier et préféra se consacrer à l’éducation de ses dix enfants, dont il demeurait seul responsable.

  • 65 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 298.
  • 66 AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le Peletier, au camp devant Charleroi, 10 juin 1667.
  • 67 AN, 259 AP 11, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 26 octobre 1669. Sur Hug (...)
  • 68 Lionne prévoyait de céder à son fils la survivance de sa charge de secrétaire d’État, 15 000 livre (...)
  • 69 AN, 259 AP 11, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 7 janvier 1670.
  • 70 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 9 janvier 1670. Madeleine de Li (...)

21Auparavant, il avait achevé l’établissement de la première fille de Marguerite Fleuriau. Elle reçut un tuteur en la personne de son oncle, Henri de Fourcy, président aux enquêtes du Parlement de Paris. Claude Le Peletier éprouvait pour elle une affection sincère. Pourvue des biens de son père, proche de Michel Le Tellier, elle constituait également un parti intéressant, qui attira l’attention d’un ami de d’Ormesson dès 1665, alors qu’elle n’avait que dix ans65 ! Deux ans plus tard, en juin 1667, ce fut au tour d’Achille III de Harlay, alors procureur général au Parlement, d’entamer des négociations avec Le Peletier et Fourcy66. L’affaire semblait sur le point de se conclure, mais elle traînait en longueur et fut rompue au bout de quelques jours. Le Peletier et Le Tellier acceptèrent d’autant plus mal le retrait de Harlay que ce dernier s’entendit moins de deux mois plus tard avec le premier président de Lamoignon, et épousa sa fille, Anne-Madeleine, le 12 septembre 1667. Malgré cet échec, la liste des prétendants était encore longue. Attiré par les avantages d’un mariage entre son fils et une parente de Michel Le Tellier, Hugues de Lionne se mit sur les rangs en octobre 166967. Le Peletier et Fourcy confièrent leurs intérêts à Louis Boucherat, et Le Tellier servit d’interlocuteur privilégié avec son confrère secrétaire d’État des Affaires étrangères. Un accord était imminent malgré l’opposition farouche de la femme de Lionne, Paule Payen, à ce mariage68. Une maladresse de Boucherat fit tout échouer : il communiqua à Lionne un mémoire des biens de Mlle de Fourcy, et Paule Payen remarqua qu’on lui devait plusieurs années d’arrérages pour ses rentes69. Lionne se révéla incapable de tenir tête à son épouse et se rendit à ses arguments. Il avait surtout d’importantes difficultés financières, car il négociait en même temps le mariage de sa fille et n’avait pas, selon les informateurs de Le Tellier, assez de bien pour doter convenablement ses deux enfants70. La négociation fut donc rompue le 13 janvier 1670, mais ni Le Tellier, ni Le Peletier ne semblèrent le regretter.

  • 71 AN, 259 AP 11, lettre de Le Tellier à Le Peletier, [s. l.], 27 septembre 1670.
  • 72 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 29 octobre 1670.
  • 73 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 31 octobre 1670.
  • 74 Ibidem.
  • 75 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 605.
  • 76 AN, MC, XIX, 495, contrat de mariage du 20 décembre 1670.

22Ce second échec semblait mal augurer de l’avenir de la jeune fille ; pourtant, quelques mois plus tard, Le Peletier et Fourcy signaient son contrat de mariage. Michel Le Tellier commença de traiter avec Balthazar Phélypeaux, marquis de Châteauneuf, en septembre 167071. Né en 1638, ce dernier était le second fils et survivancier de Louis Phélypeaux de La Vrillière, secrétaire d’État de la Religion prétendue réformée. L’affaire fut conclue en moins de trois mois, le principal sujet de discorde tournant autour de la somme que devait prendre La Vrillière sur les revenus de sa charge pour doter financièrement la survivance de son fils72. La Vrillière commença par refuser, puis accepta de mauvaise grâce, en y comprenant des revenus qu’il ne possédait pas73. Le Tellier découvrit immédiatement la supercherie, et Châteauneuf, honteux, lui avoua que « son père estoit difficultueux parce qu’il n’entendoit pas les affaires74 ». Le contrat fut signé le 20 décembre 1670, et le mariage célébré le lendemain, en l’église Saint-Gervais, par Charles-Maurice Le Tellier. La noce fut suivie d’un dîner d’une trentaine de couverts chez Le Peletier et d’un souper magnifique chez La Vrillière, qui se termina sur le coup de minuit75. Le roi fit l’honneur aux jeunes mariés de signer leur contrat de mariage présenté par Le Peletier, Fourcy, d’Ormesson et Colbert76.

Six filles

  • 77 Prénom retrouvé dans AN, MC, LXXV, 175, contrat de constitution du 10 mai 1675.
  • 78 Le 6 novembre d’après une fondation de messe de Claude Le Peletier (AN, MC, CXVII, 636, fondation (...)
  • 79 AN, 259 AP 9, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Lyon, 1er janvier 1659.
  • 80 Cette supposition est confirmée par la fondation de messe de Claude Le Peletier, qui porte le 26 d (...)
  • 81 AN, 259 AP 9, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Avignon, 24 mars 1660.
  • 82 BnF, Mss. fr. 32388, p. 285.

23Parmi la nombreuse progéniture que laissèrent Claude Le Peletier et sa femme figurent six filles, que la postérité a négligées au profit de leurs frères : cela est particulièrement criant pour quatre d’entre elles qui devinrent religieuses, et dont les dates de naissance et de mort sont en partie inconnues. Les félicitations qui émaillent la correspondance de Michel Le Tellier, les documents du Cabinet des titres et les actes du minutier central des notaires permettent en grande partie de remédier à ces lacunes. Leur premier enfant fut une fille, Élisabeth-Marguerite77, qui naquit à la fin de l’année 165778. À l’occasion de la naissance de son deuxième enfant, Le Tellier écrivit à Le Peletier : « Je ne suis pas fâché que vos premiers enfants soient femelles », et ajoute-t-il, « on ne (sic) s’en défait à peu de frais79 ». La date de la lettre permet de déduire qu’Anne-Thérèse Le Peletier naquit dans la deuxième quinzaine de décembre 165880. Puis, dans une lettre de mars 166081, Michel Le Tellier félicita son cousin de la naissance de sa « troisième fille », que nous savons être Françoise Le Peletier, née le 15 et baptisée le 31 de ce mois. Vinrent ensuite Michel et Louis Le Peletier, puis Catherine-Louise, née le 13 juillet 1664 et baptisée le 17, Marie, née et baptisée le 5 janvier 1666, Charles-Maurice, Claude, et enfin Marie-Madeleine, née et baptisée le 4 octobre 166982. Si, en 1671, les Le Peletier faisaient partie des couches les plus aisées de la population, ils n’étaient cependant pas assez riches pour assurer une alliance convenable à leurs dix enfants. Reprenant la stratégie matrimoniale qui avait réussi à sa génération, Claude Le Peletier préféra assurer une belle situation à certains d’entre eux et destina les autres à l’Église, tant et si bien que seuls trois enfants se marièrent.

  • 83 AN, 90 AP 36, lettre de Dormai à Michel Le Peletier, Calais, 22 décembre 1663.
  • 84 AN, MC, LXXV, 175, profession d’Élisabeth-Marguerite Le Peletier, 9 mai 1675 ; AN, MC, LXXV, 175, (...)
  • 85 AN, MC, LXXV, 181, profession d’Anne-Thérèse Le Peletier, 11 mai 1676 ; AN, MC, LXXV, 181, deux co (...)
  • 86 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.
  • 87 AN, MC, LXXV, 206, constitution du 22 mai 1681.
  • 88 AN, MC, LXXV, 215, constitution du 4 novembre 1682.
  • 89 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 16 avril 1682.
  • 90 Ibidem, testament de Claude Le Peletier, 30 mars 1684.

24Avant même la mort de sa femme, Le Peletier envoya ses filles au couvent de la Ville-l’Évêque83 où ses sœurs s’occupèrent de leur éducation, et garda avec lui ses quatre fils. Les deux aînées prononcèrent leurs vœux dans le courant de leur dix-septième année. Élisabeth-Marguerite fit profession au couvent de la Ville-l’Évêque le 22 avril 1675 sous le nom de sœur Sainte-Placide84. Sa sœur Anne-Thérèse la rejoignit le 28 avril 1676 sous le nom de sœur Anne-Thérèse de Saint-Louis85. Le Peletier préféra placer ses deux autres filles au monastère de Hautes-Bruyères, où résidait l’une des sœurs de Michel Le Tellier86. Catherine-Louise y fit donc profession le 18 mai 1681, sous le nom de sœur de Sainte-Madeleine87, bientôt suivie par Marie, le 3 novembre 168288. Les parts qui devaient leur revenir du bien de leur mère furent réparties, à mesure qu’elles entraient en religion, entre les autres héritiers. Dans son premier testament, Le Peletier affirme « qu’elles ont choisy le meilleur party89 ». Il invite aussi Marguerite, alors dans son année de probation, à toujours consulter Dieu et à toujours se détacher « des veues humaines et des foibles considérations et passagères (sic) ». Dans le deuxième, il réaffirme la justesse de leur choix et demande à ses autres enfants de leur vouer une grande amitié et de leur rendre de fréquentes visites90.

  • 91 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 16 janvier 1677.
  • 92 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 11 janvier 1677.
  • 93 La cérémonie fut célébrée le lendemain. Le mariage fut conclu le 17 janvier (AN, 259 AP 36, lettre (...)

25Plutôt que de confier ses deux dernières filles à la protection et au calme des murs d’un couvent, Claude Le Peletier conclut pour elles deux mariages qui lui permirent de renforcer sa position dans le monde de la robe. Nous parlerons plus loin du mariage de la benjamine, Marie-Madeleine, avec Étienne d’Aligre. Le mariage de sa fille Françoise, en 1677, plaça l’ancien président au Parlement dans une position doublement inédite : pour la première fois, il mariait l’un de ses enfants, et devait départager deux candidats. Conseiller d’État semestre, et bientôt ordinaire, ancien prévôt des marchands, personnage éminent du clan Le Tellier, Le Peletier jouissait d’une position qui lui permettait d’être courtisé pour lui-même, et non plus seulement en raison de l’attention que Le Tellier lui portait. Ce dernier n’eut d’ailleurs aucune part directe à la négociation. Dans l’impossibilité de choisir entre Jean-Pierre d’Argouges et une personne dont le nom n’est jamais mentionné, même s’il penchait légèrement en faveur du premier, Le Peletier eut recours aux conseils de ses proches. Michel Le Peletier recommanda d’Argouges et résuma le dilemme qui tourmentait son frère : fallait-il trancher selon les qualités personnelles des candidats, ou en fonction de leur naissance et leur fortune ? L’intendant de Flandre préférait la première solution, tout en reconnaissant qu’il pourrait être utile de « tabler sur une personne qui possède un nom de quelque état91 ». Michel Le Tellier pointa les défauts de d’Argouges, à savoir « le manque d’éducation, la nature du bien et la crainte du retour en Normandie », dont sa famille était originaire, mais en fit lui aussi son favori92. Claude Le Peletier se rangea à leurs avis et signa le contrat de mariage le 30 janvier 167793. Né le 14 août 1647, Jean-Pierre d’Argouges était le fils du second lit de défunt Jacques d’Argouges, baron de La Chapelle-la Reine, et de Geneviève de Montchal. Depuis le 10 janvier 1676, il était pourvu d’une charge de conseiller au Parlement de Paris, où officiaient plusieurs de ses cousins, au nombre desquels le premier président de Lamoignon. Le Peletier donnait à sa fille 80 000 livres en deniers comptants, qui comprenaient la part des droits auxquels elle pouvait prétendre pour les successions de sa mère et de ses sœurs, et dont un tiers entrait dans la communauté. Le Peletier promettait aussi de loger les jeunes époux pendant trois années, d’abord gratuitement, puis moyennant 2 000 livres la troisième année. Jean-Pierre d’Argouges donnait 4 000 livres de douaire préfix à sa femme et s’engageait à la loger dans une de ses propriétés en cas de veuvage, le préciput du survivant montant à 10 000 livres. D’Argouges apportait 160 672 livres provenant d’une donation entre vifs irrévocable de sa mère, qui devait en échange recevoir une rente annuelle de 3 000 livres. Ce mariage se révéla donc beaucoup moins brillant financièrement que celui de Marie-Marguerite de Fourcy, mais telle n’était pas l’ambition de Claude Le Peletier, qui cherchait bien plus à se rapprocher de la parentèle parisienne des d’Argouges.

Quatre fils

  • 94 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.
  • 95 Ibidem.
  • 96 Ibidem.

26Autant la destinée de ses filles fut réglée très tôt, puisqu’elles furent toutes mariées ou placées dans un couvent en moins de neuf ans (1675-1684), autant Le Peletier, conscient d’engager la pérennité de sa maison et de son nom, laissa lentement mûrir les desseins qu’il avait pour ses fils : les trois qui survécurent ne furent fixés sur leur sort qu’entre 1688 et 1692. Ce décalage dans le temps est à l’origine de certaines inégalités de traitement, dues à la disproportion des moyens dont disposait Le Peletier à ces deux époques, et qui ne manquèrent pas d’être soulignées par ses gendres. Après la mort de sa femme, Claude Le Peletier entreprit de se consacrer à la formation de ses quatre garçons. Il envoya tout d’abord les deux aînés, Michel et Louis, étudier au collège des Grassins sous la direction de Philippe Dormai94, alors principal du collège de Laon, puis fit suivre à Louis, qu’il destinait à la magistrature, le cursus de droit pendant trois ans. Une fois cette première étape achevée, il leur adjoignit, pour leur donner de l’émulation, de brillants sujets de leur âge, Charles Rollin, les frères Boivin, les enfants Fleuriau, et, assisté de Marc-Antoine Hersan et de Denis Léger, leur donna une série de cours particuliers dans son hôtel et à Villeneuve-le-Roi afin de remédier aux inconvénients de l’enseignement collectif pratiqué par les collèges. Il les exerça à la composition latine, à la parole, en incluant dans son programme l’histoire, la chronologie et la géographie95. Cette méthode semble avoir convenu puisqu’il éduqua ses deux derniers fils selon les mêmes principes96.

  • 97 AN, MC, LXXV, 215, transport du 1er décembre 1662.
  • 98 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.
  • 99 Ibidem.
  • 100 Cité en note dans Correspondance de Bossuet, Paris, 1909-1925, t. IV, p. 139, lettre de Bossuet à (...)
  • 101 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Chaville, 30 juillet 1676.
  • 102 AN, MC, CXVII, 680, inventaire après décès de Michel Le Peletier, 15 avril 1707.
  • 103 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Versailles, 27 novembre 1677.
  • 104 AN, MC, CXVII, 680, inventaire après décès de Michel Le Peletier, 15 avril 1707.
  • 105 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 18 août 1679.
  • 106 AN, 259 AP 29, lettre de Cordeil à Claude Le Peletier, Toulon, 23 janvier 1679.
  • 107 A. de Boislisle, Mémoires des intendants sur l’état des généralités dressés pour l’instruction du (...)
  • 108 AN, MC, LXXV, 200, bail du 4 mai 1680.
  • 109 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Versailles, 13 novembre 1678.
  • 110 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 30 mars 1684.

27Le plus brillant d’entre eux, et le préféré de son père, était sans nul doute Michel Le Peletier. Né le 4 août 166197, il eut la malchance d’être défiguré le 23 juin 1669, pendant qu’il contemplait, depuis une fenêtre de l’Hôtel de Ville, le feu de la Saint-Jean que faisait donner le prévôt des marchands : une fusée le frappa au visage et lui creva l’œil gauche, qu’il fallut remplacer par un œil de verre98. Boivin indique qu’enfant, « ses jeux favoris étoient d’imiter les plus saintes cérémonies de l’Église99 ». Il n’est donc guère étonnant que son père ait décidé d’en faire un ecclésiastique et qu’il soit entré au séminaire de Saint-Sulpice le 9 décembre 1681100. Dès 1676, Le Peletier s’efforça de lui procurer un bénéfice et, sur les conseils de Le Tellier, sollicita le P. de La Chaise pendant près de deux ans101. Finalement, le roi lui accorda un brevet de don de l’abbaye de Saint-Vincent de Metz le 20 mars 1678102, mais Le Peletier préféra l’échanger contre celle de Notre-Dame de Jouy, qui avait l’avantage d’être proche de Paris103. Entre-temps, le 17 avril 1678, le jeune abbé avait reçu des lettres de provision du prieuré de Saint-Jean et de Sainte-Cécile de La Valette104. Il ne put en prendre définitivement possession qu’en août 1679, après un long procès qui l’opposa aux héritiers du défunt prieur Jean de Gautier105. Ce bénéfice était estimé à 10 000 livres106 (alors que l’abbaye de Jouy valait 14 000 livres de rente107), mais Michel s’en sépara avant 1682 au profit de son frère Charles-Maurice. Bien conseillé par son père, Michel Le Peletier se montra un administrateur sérieux. Le 4 mai 1680, ils passèrent ainsi tous deux un bail de neuf ans avec Pierre Lefebvre pour la ferme de l’île de Pont-sur-Seine, soit 260 arpents, moyennant 3 000 livres par an108. Séduit par la tranquillité des lieux, Claude Le Peletier envisageait déjà, pendant les négociations qui aboutirent à l’échange, de s’y retirer dans ses vieux jours : « Vous avez raison de nommer pensée mélancolique la vue que vous avez sur l’abbaye de Jouy pour vieillesse109 », lui écrivit alors Michel Le Tellier. Le contrôleur général fit une place particulière à son fils aîné dans ses deux testaments. Il confia à Michel ses trois frères, et le chargea en particulier de veiller sur la vocation du jeune abbé de La Valette. Il l’institua également son successeur à la tête de la famille : « Je le constitue leur père, leur consolateur et leur conseil à ma place110. »

  • 111 AN, 259 AP 260, extrait baptistaire du 2 novembre 1662.
  • 112 AN, MC, LXXV, 215, traité de l’office d’avocat au Châtelet, 26 décembre 1682.
  • 113 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.
  • 114 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 16 avril 1682.
  • 115 Ibidem, testament de Claude Le Peletier, 30 mars 1684.

28Dans l’ombre de ce frère trop parfait, Louis Le Peletier, né le 1er novembre 1662111 et baptisé le 2, poursuivit ses études de droit et reçut de son père, le 26 décembre 1682, une charge de conseiller à l’ancien Châtelet de Paris qu’il ne commença à exercer que le 12 mai 1684112. Selon la « Vie de Claude Le Peletier », il avait toujours « montré plus de vigueur et de force de génie » que ses frères113. Claude Le Peletier n’était pourtant pas rassuré à son égard et lui conseillait de s’assujettir au travail, faute de quoi, « s’il se relâche, comme sa nature est forte, il tombera dans des inconvénients114 ». Deux ans plus tard, ces craintes n’avaient pas disparu : Le Peletier lui conseillait de « ne pas trop différer à se marier, pour assurer ses mœurs », car « si Dieu l’abandonnoit au point qu’il se laissoit aller à quelques débauches, son tempérament pouroit (sic) l’emporter, et s’il manque à Dieu qui luy a tant fait de grâces, il a beaucoup à craindre de lui-mesme115 ».

  • 116 BnF, Mss. fr. 32388, p. 285.
  • 117 Abbé Proyart, Le modèle des jeunes gens dans la vie édifiante de Claude Le Peletier de Sousi, étud (...)

29Les jeunesses de Charles-Maurice (né sans doute le 23 avril 1667) et de Claude II Le Peletier (dit Le Peletier de Souzy, né le 17 juillet 1668116), les deux derniers garçons du contrôleur général, sont inséparables. Le Peletier lui-même les lie toujours l’un à l’autre et, surtout, leurs existences ont fait l’objet, un siècle plus tard, d’un ouvrage singulier, écrit par l’abbé Proyart, Le modèle des jeunes gens dans la vie édifiante de Claude Le Peletier de Sousi, étudiant en philosophie dans l’Université de Paris, publié en 1789. Ce livre, qui connut plus de trente rééditions au XIXe siècle, décrit les destins croisés de ces deux enfants et prétend s’appuyer sur des Mémoires de Charles-Maurice Le Peletier et de l’abbé de Flamanville conservés à la bibliothèque de Saint-Sulpice117. Charles-Maurice et Claude II Le Peletier ne fréquentèrent l’Université que dans les plus hautes classes, et une formation de base leur fut donnée par leur précepteur, l’abbé Léger. Autant Charles-Maurice était d’un caractère vif et bouillant, autant Claude II se montrait docile, modeste et travailleur. Selon l’abbé Proyart, le jeune Claude désirait plus que tout se rapprocher de Dieu. Il adopta de son plein gré, après sa première communion, des résolutions sévères. Il entra au collège de Reims pour y faire sa philosophie et tapissa sa chambre de sentences tirées de l’Écriture Sainte, rendit de nombreuses visites à l’abbé de Jouy son frère, au séminaire de Saint-Sulpice, et à Hautes-Bruyères avec le P. Bourdaloue. Inspirés par son exemple, ses amis s’efforcèrent de l’imiter mais ne purent égaler sa modestie et sa générosité envers les miséreux : il donnait ainsi des leçons de catéchisme aux enfants pauvres derrière le collège de Reims. Peu à peu, il prit goût à la retraite et à la solitude (son livre de chevet était la Vie de M. de Renty), et s’infligea, malgré les interdictions de son confesseur, des mortifications de plus en plus éprouvantes. Cela se fit au détriment de sa santé : au début de 1685, il commença à cracher du sang, s’alita le 23 juin et mourut le 3 juillet suivant.

  • 118 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 16 avril 1682.
  • 119 Ibidem, testament de Claude Le Peletier, 30 mars 1684.

30À l’inverse, Charles-Maurice est présenté comme souffrant de tous les défauts : il trouble les exercices de piété de son frère, réclame sa chambre qu’il trouve à son goût et le tourne sans cesse en dérision. La mort édifiante de Claude l’aurait décidé à revenir dans le droit chemin. Doutant d’une conversion si prompte, Le Peletier s’en serait ouvert au roi, qui lui aurait conseillé de tenter le jeune homme en lui faisant miroiter la survivance d’une charge de secrétaire d’État ( !). Le désespoir qui se peignit à cette nouvelle sur le visage de Charles-Maurice aurait alors convaincu le ministre de la sincérité de sa vocation. En raison de son parti pris didactique et édifiant, ce texte correspond parfois assez mal aux caractères que laisse entrevoir Claude Le Peletier dans ses testaments. Dans le premier, le ministre demande que l’on veille à la pureté des mœurs de ses enfants et qu’on les tienne à l’écart « de la confusion et de la corruption de grand nombre des écoliers » ; dès 1682, il évoque la vocation de Charles-Maurice. De façon plus surprenante, il adjure son fils Claude de prendre garde à « n’aimer pas trop sa personne et le monde118 ». Deux ans plus tard, Le Peletier est toujours aussi perplexe à l’égard de son dernier fils : il n’ose se déterminer sur son avenir et le considère « comme la partie de ma famille la plus faible et la moins établie, mais peut-estre celle sur laquelle Dieu versera de plus véritables bénédictions119 ». On peut raisonnablement penser, en confrontant les deux textes, que Charles-Maurice Le Peletier était vers 1683 un jeune homme à la vocation ecclésiastique encore hésitante, et que les aspirations quasi mystiques de Claude Le Peletier de Souzy déconcertaient son père autant qu’elles lui laissaient espérer une existence pleinement consacrée à Dieu. Il est également certain que la mort de ce fils déroutant constitua une douloureuse épreuve pour le contrôleur général des finances.

31On le voit, Claude Le Peletier s’efforce de répéter, avec ses enfants, la stratégie familiale qui avait porté ses fruits pour sa propre génération : les filles et les garçons en surnombre sont destinés à l’Église, et l’attention de leur père se focalise sur la conclusion d’alliances avantageuses socialement avec le monde de la robe. En même temps, son fils Louis est patiemment préparé à une carrière de magistrat, alors que Michel s’engage sur une voie qui doit le mener à l’épiscopat, manière élégante d’assurer de futurs soutiens à ses frères et sœurs condamnés à demeurer hors du siècle. Bien entendu, cette stratégie n’est encore envisageable qu’avec le soutien des Le Tellier père et fils, seuls capables de capter les plus hautes faveurs royales, et le choix des prénoms de ses trois fils survivants sonne comme un vivant rappel de la fidélité qui unit les Le Peletier à la gens Telleria.

Les parents et amis : consolidation lignagère ou naissance d’une clientèle ?

  • 120 D. Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, Paris, 1984, p. 321-322.

32Dans son célèbre ouvrage sur les financiers du XVIIe siècle, D. Dessert a montré l’ampleur des liens qui unissaient les responsables politiques au monde de la finance, jusqu’à poser comme axiome « l’identité du pouvoir et de la finance120 ».

L’alliance Fleuriau, ou les impasses de la finance

  • 121 AN, 90 AP 32, livre de raison de François et Jean Leschassier.

33En raison de son alliance avec les Fleuriau, Claude Le Peletier n’y fait apparemment pas exception. Pourtant, il nous semble presque un contresens de voir dans son mariage avec Marguerite Fleuriau une tentative mûrement réfléchie d’alliance avec le monde des manieurs d’argent et d’en faire l’acte fondateur d’un clan de financiers qui aurait pour ainsi dire porté Claude Le Peletier jusqu’au contrôle général des finances. Cette union tient sans doute bien plus aux circonstances. Les Fleuriau demeuraient rue de Jouy, paroisse Saint-Gervais, soit non loin des Le Peletier ; les liens qu’entretenait Louis Le Peletier avec les Fourcy contribuent aussi à l’expliquer, puisqu’une demoiselle de Fourcy fut choisie pour être la marraine de Michel Le Peletier dès 1640121. Les Fleuriau et les Le Peletier se connaissaient sans doute, et il est presque naturel qu’ils soient entrés en négociation dès la mort de Jean de Fourcy.

  • 122 D. Dessert, Argent, pouvoir et société…, p. 543.
  • 123 Ibidem, p. 639.

34Ce mariage, il est vrai, alliait Claude Le Peletier à une famille bien introduite dans les milieux financiers. Issu de la bourgeoisie marchande de Tours, Charles Fleuriau comptait parmi ses cousins Thomas Bonneau, l’un des plus importants financiers des années 1630-1655122, et son frère Jacques Bonneau de Rubelles. Figuraient aussi Raoul Luillier, cousin de Thomas Bonneau, dont le fils Alexandre fut l’un des traitants des taxes de la chambre de justice et devint fermier général123, et Charles Drouin, trésorier de France à Tours. Fleuriau renforça ce réseau en épousant Marguerite Lambert, fille de Nicolas Lambert de Thorigny et de Marguerite Guillemeau, le 3 février 1636. Les Lambert étaient apparentés à Nicolas Doublet, receveur général des finances de la généralité de Tours, puis de celle de Caen (1657) et lui aussi futur fermier général (1674).

  • 124 AN, 259 AP 9, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Fontainebleau, 27 septembre 1661, et BnF, Mélang (...)
  • 125 AN, E 387, fo 228 et AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 22 (...)

35Le réseau d’alliance des Fleuriau semble avoir atteint son extension maximum vers 1660-1670. Pour autant, Claude Le Peletier n’entretint que très peu de relations avec sa parentèle de financiers, et si certains des maltôtiers présents au second mariage de Charles Fleuriau jouèrent un rôle important dans les trente premières années du règne personnel de Louis XIV, ils le durent davantage à leur affiliation au « lobby Colbert » après la chambre de justice, qu’à l’influence des Fleuriau via les Le Tellier-Le Peletier. En revanche, Charles Fleuriau chercha à plusieurs reprises à utiliser le crédit et les puissantes alliances de son gendre. En 1661, il demanda à Le Peletier et à Le Tellier d’intriguer en sa faveur auprès de Colbert à l’occasion du renouvellement des fermes124. Ses liens avec le secrétaire d’État de la Guerre semblent en fait l’avoir desservi puisqu’il fut compris dans la chambre de justice avec les héritiers de Jean-Baptiste Lambert. Il pria une nouvelle fois son gendre et son cousin d’infléchir la volonté de Colbert, mais vainement puisqu’il fut condamné à une taxe de 150 000 livres125. Les héritiers de Jean-Baptiste Lambert furent chargés d’une taxe d’un million de livres le 5 novembre 1665, mais l’intervention de Michel Le Tellier permit à Le Peletier d’échapper à cette condamnation :

  • 126 AN, E 386, fo 630, arrêt du Conseil du 19 avril 1666, et AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le (...)

« La visite que j’ai rendue à M. Colbert sur vos intérêts n’est à rien compter ; je lui ai parlé selon mon cœur et s’il m’a répondu selon le sien, vous serez à couvert de l’orage. Mais comme je ne juge des affaires de cette nature que par les événements, il faut observer quel train prendra la taxe de M. Lambert, ce qui s’en dira chez le roi au Conseil, dont je me promets d’être bien averti, et régler notre conduite sur celle que M. Colbert tiendra, nous taire quand on ne préparera rien contre nous, et agir sans intermission si nous apprenons qu’il y ait de la disposition à nous mal faire126. »

36Claude Le Peletier ne s’impliqua donc pas de manière soutenue dans les activités de ses parents financiers et n’entretint que des relations épisodiques avec eux. Ce groupe de traitants n’eut aucune influence sur la carrière du futur contrôleur général des finances, tout entière entre les mains de Michel Le Tellier.

Un entourage de robins et d’ecclésiastiques

  • 127 B. Barbiche et S. de Dainville-barbiche, Sully. L’homme et ses fidèles, Paris, Fayard, 1997, p. 61 (...)
  • 128 B. Barbiche, « Henri IV et la surintendance des Bâtiments », Bulletin monumental, no 142, 1984, p. (...)

37En plus d’une bonne affaire financière, son mariage avec Marguerite Fleuriau constitua pour Claude Le Peletier un moyen de se rapprocher de la famille du premier mari de sa femme, Jean III de Fourcy. Depuis le début du siècle, les Fourcy prospéraient comme l’une des grandes familles de la robe parisienne. Le grand-père de Jean III de Fourcy, Jean II de Fourcy, avait été entre 1594 et 1621 un intendant des Bâtiments dévoué au surintendant en titre, Sully, qu’il avait remplacé en 1621127. Bien introduit dans les milieux du Conseil, Jean II de Fourcy avait marié sa fille Marie au surintendant d’Effiat en 1610, et transmis son office de surintendant à son fils Henri de Fourcy128. En 1656, la situation de la famille était un peu moins brillante. Évincé de la surintendance des Bâtiments à la mort de son père, en 1638, en raison de son jeune âge, Jean III de Fourcy se contentait, au moment de son décès, d’une charge de conseiller au Grand Conseil. Les Fourcy continuaient cependant de se distinguer par leurs nombreuses alliances dans la robe, qui ne pouvaient laisser indifférentes les ambitions sociales de Claude Le Peletier.

  • 129 BnF, Mss. fr. 9549, fos 168-179 et 203-216 vo.

38Les Fourcy n’étaient qu’une des familles robines avec lesquelles Le Peletier entretenait des relations privilégiées. Grâce à son père, le futur contrôleur général disposait d’amis et de parents bien placés. On connaît ses liens avec Michel Le Tellier, Jérôme Bignon et Mathieu Molé, trois personnages dont il écrivit le panégyrique. Le second semble avoir occupé une place particulière dans les années de formation du jeune conseiller au Parlement. Ainsi débute-t-il ses Mémoires pour servir à l’histoire de messire Jérôme Bignon, conseiller d’État ordinaire et premier avocat général au Parlement, par un vibrant éloge129 :

« Je me propose de rédiger ce que j’ay receuilly avec soin touchant la vie de feu M. Bignon dont la mémoire m’est très précieuse, l’ayant toujours regardé comme le meilleur modèle d’un véritable chrestien, d’un père de famille, et d’un vertueux magistrat. Je luy devois un singulier respect à cause de l’amitié quasi sans exemple qui avoit été entre mon père et luy pendant toute leur vie fondée sur la probité de leurs mœurs, l’uniformité de leurs maximes, et leur amour pour le public. Mais je ne dois pas moins à sa mémoire, pour la bienveillance avec laquelle il m’accueillit après la mort de mon père et la confiance dont il a bien voulu m’honnorer, quoyque je fusse encore fort jeune, et incapable de la mériter. »

  • 130 Sur la charge de bibliothécaire du roi, voir J. Delatour et T. Sarmant, « La charge de bibliothéca (...)
  • 131 BnF, Mss. D. B. 515 (11, 132).
  • 132 J. Krynen, L’État de justice en France, XIIIe-XXe siècle. I. L’idéologie de la magistrature ancien (...)

39Tout, dans le portrait de l’avocat général ainsi dressé, exprime l’admiration de l’élève pour son maître : sa jeunesse prodigieuse ; ses dissertations savantes sur tous les sujets, religieux, littéraires, politiques ou judiciaires ; ses traités sur l’élection des papes et sur les antiquités romaines ; sa piété ; son érudition à la tête de la Bibliothèque du roi130. C’est donc sans surprise que nous lisons, sous la plume du biographe anonyme du contrôleur général, que Le Peletier se rendait presque tous les jours chez Jérôme Bignon jusqu’à sa mort, le 16 avril 1656, et « prenoit sur lui le principe des grands sentiment (sic) et le goût de la plus sublime jurisprudence131 ». Les Mémoires sur la vie et les actions de Monsieur Molé, garde des sceaux de France, usent du même procédé : Le Peletier y vante la piété, la charité et le désintéressement du personnage ; mais également son intégrité et sa franchise, même à l’égard de Richelieu, de Mazarin ou de Louis XIII. D’après ce témoignage, Bignon et Molé semblent s’être longuement préoccupés de l’éducation du jeune homme, lui expliquant non seulement les auteurs anciens qui justifiaient les prétentions antiques des parlementaires132, mais aussi l’introduisant auprès du premier président de Bellièvre, lui donnant les clefs nécessaires à la compréhension des codes de la robe, et instillant dans son esprit le tour d’esprit et les techniques juridiques qui devaient par la suite, à son instigation, irriguer tout son lignage.

  • 133 AN, 259 AP 259, contrat de mariage de Claude Le Peletier, 18 octobre 1656.

40Jérôme Bignon joua un rôle décisif auprès de Claude Le Peletier en lui faisant rencontrer de jeunes conseillers au Parlement, comme Pierre de Brillac et Cyprien Benard133, et maîtres des requêtes comme Olivier Lefèvre d’Ormesson et Guillaume de Lamoignon, que nous avons déjà évoqués. Issu d’un lignage qui occupait les plus hauts degrés de la robe parisienne, Guillaume de Lamoignon fut successivement conseiller au Parlement de Paris (1635), maître des requêtes (1644) et premier président du Parlement en 1658. Lamoignon et Le Peletier devinrent rapidement très proches ; cette amitié joua un rôle essentiel dans la promotion du premier en 1658 et, après cette date, son nom apparaît dans la plupart des missives échangées par Le Tellier et Le Peletier.

  • 134 L. André, Deux mémoires…, p. 124.

« Je ne sçaurois m’empescher de marquer en cet endroit que (sic) la liaison étroite que je formay avec M. de Lamoignon, lors maistre des requestes, par estime pour sa piété et pour son genre de vie, sur lequel je taschay dès lors à former le mien, quoy qu’il n’y eût plus de proportion entre nos fortunes qu’entre nos mérites. Cependant, Dieu a voulu que cela ait beaucoup contribué à faire M. de Lamoignon premier président, estant souvent auprès de M. Le Tellier134. »

  • 135 O. d’Ormesson, op. cit., t. I, p. XXVI.
  • 136 J.-P. Labatut, « Le chancelier Boucherat (1616-1699) », R. Mousnier (dir.), op. cit., p. 97-101.

41De son côté, on l’a vu, Lamoignon joua un rôle essentiel dans les négociations engagées avec Charles Fleuriau pour le mariage de Le Peletier avec sa fille. Les liens qui unissaient ces deux parlementaires dépassaient le strict intérêt professionnel ou familial. Si leurs relations se firent plus distantes à partir de la fin des années 1660, ils continuèrent de partager la même conception du monde et du service du roi. Les relations entre le célèbre Olivier Lefèvre d’Ormesson et le groupe Le Tellier-Le Peletier étaient plus anciennes. Par ses alliances avec les Hennequin, d’Ormesson se rattachait aux milieux ligueurs au sein desquels s’étaient distingués les ancêtres de Michel et de Claude. Par ailleurs, André d’Ormesson avait été commis en 1626 avec Michel Le Tellier pour faire l’inventaire des papiers de Pierre Payen135. En 1659, le réseau d’amitiés du futur contrôleur général fut encore renforcé par le mariage d’Henri de Fourcy avec Madeleine Boucherat, fille de Louis Boucherat, futur conseiller d’État et chancelier de France, l’un des clients de Le Tellier136. En 1666, Boucherat maria sa deuxième fille à Henri de Nesmond, fils de François-Théodore de Nesmond, président à mortier au Parlement, ami de Le Peletier et lui aussi membre de la clientèle des Le Tellier.

  • 137 Voir R. Mathis, Simon Arnauld de Pomponne (1618-1699), secrétaire d’État des Affaires étrangères d (...)
  • 138 BnF, Arsenal, Ms. 6036, fo 126, lettre de Le Peletier à Pomponne, 31 mars 1662 (toutes les référen (...)
  • 139 Ibidem, fo 186, lettre de Le Peletier à Pomponne, 6 novembre 1662.
  • 140 Ibidem, fo 217, lettre de Le Peletier à Pomponne, 26 janvier 1663.
  • 141 L. Delavaud, Le marquis de Pomponne, ambassadeur et secrétaire d’État, Paris, 1911, p. 5-6. La let (...)
  • 142 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 409.

42Claude Le Peletier s’était également très tôt pris d’amitié pour Simon Arnauld de Pomponne, futur secrétaire d’État des Affaires étrangères, avec lequel il échangea une correspondance soutenue de 1661 à 1699137. Après la chute de Fouquet, Pomponne reçut l’ordre de se rendre à Verdun (2 février 1662). Le Peletier et Le Tellier intervinrent en sa faveur auprès du roi dès le mois suivant138. Le Peletier se chargea de relayer auprès du ministre les demandes de l’exilé, qui promettait, si on l’autorisait à revenir à Pomponne auprès de sa femme sur le point d’accoucher, de s’y enfermer à demeure et de ne recevoir personne. La prudence habituelle du secrétaire d’État de la Guerre, qui attendait le moment le plus propice pour faire basculer la résolution du roi, ne contribua pas à accélérer le retour du proscrit139. Pourtant, Le Peletier n’épargnait pas ses efforts. Le 11 janvier 1663, il lut à Le Tellier une lettre de Pomponne « toute entière », rappela la mauvaise santé de l’exilé, les incommodités dont il souffrait à Verdun ; il parvint à convaincre Le Tellier de demander au roi un séjour à une douzaine de lieues de Paris. « Cependant, nos espérances ont été trompées, et le roy dans son stil ordinaire a tout remis à la fin du procès du prisonnier. Il y a desjà quelques jours que j’aurois pu vous mander cette nouvelle, mais comme elle me donne beaucoup de peine, je n’ay pas cru que ce fût le cas de signaler ma diligence à vous escrire un si malheureux succès du peu que j’ay tasché à faire pour vostre service140. » Enfin Louis XIV se laissa fléchir et autorisa Pomponne à revenir à Paris le 2 février 1665. Le Tellier tint à contresigner la lettre et laissa à Le Peletier la satisfaction de la transmettre à Mme de Pomponne141. Selon O. d’Ormesson, c’est également à l’instigation de Claude Le Peletier que Le Tellier proposa Pomponne pour être envoyé comme ambassadeur en Suède142.

  • 143 AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Fontainebleau, 5 juin 1666 ; BnF, Arsenal, Ms. (...)
  • 144 AN, 259 AP 13, lettre de Pomponne à Le Peletier, [s. l.], 31 novembre 1679.

43Les Le Tellier ne ménagèrent alors pas leur soutien au nouvel ambassadeur : Le Peletier intercéda avec succès auprès de Louvois pour que les gendarmes logés à Pomponne soient transférés dans une autre paroisse, pendant que Le Tellier appuyait Hugues de Lionne au Conseil et obtenait une gratification extraordinaire de 6 000 livres pour couvrir ses frais d’installation à Stockholm143. En 1667, ils multiplièrent les démarches pour adoucir la détention de Lemaistre de Sacy à la Bastille. Signalant l’indépendance de Pomponne vis-à-vis des réseaux tant des Colbert que des Le Tellier, les historiens se sont souvent étonnés de sa nomination comme secrétaire d’État des Affaires étrangères en octobre 1671. Si Pomponne faisait figure d’outsider au regard des impétrants pressentis par le public (le cardinal de Bonzi, le président de Mesmes), il est probable qu’il bénéficia du soutien des Le Tellier dès lors que leur candidat naturel, Honoré Courtin, fut écarté par Louis XIV. Dans ce cas, l’importance de l’amitié qui unissait Pomponne et Claude Le Peletier doit être soulignée, puisqu’elle contribua puissamment à la promotion du premier à la place de secrétaire d’État. La disgrâce de Pomponne en 1679 n’altéra en rien les bonnes relations entre les deux hommes144.

  • 145 AN, MC, XIX, 495, contrat de mariage de Balthazar Phélypeaux, marquis de Châteauneuf, 20 décembre (...)
  • 146 Pour l’étude des liens de parenté entre ces personnages, voir Ch. Frostin, Les Pontchartrain, mini (...)

44En 1670, le contrat de mariage de Marie-Marguerite de Fourcy et de Balthazar Phélypeaux permet de dresser un large tableau de l’entourage de Claude Le Peletier145. On y retrouve Michel Le Tellier et sa famille, Guillaume de Lamoignon, Olivier Lefèvre d’Ormesson et son fils, Louis Boucherat, Henri de Nesmond, Jérôme Bignon et Louis de La Grange, mais aussi Louis de Bailleul et Jean Molé, présidents à mortier au Parlement, Armand-Charles, duc de Mazarin, et Antoine Ruzé d’Effiat, premier écuyer du duc d’Orléans. L’alliance avec les La Vrillière renforce encore cette construction déjà impressionnante puisque, outre la nombreuse parentèle des Phélypeaux146, y figurent Gaspard de Fieubet, maître des requêtes et chancelier de la reine, et Henri-Louis Habert, seigneur de Montmort, doyen des maîtres des requêtes.

  • 147 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 431.
  • 148 Ibidem, t. II, p. 133 et 359.
  • 149 Ibidem, t. II, p. 294.

45Ces noms sont également ceux qui reviennent le plus fréquemment dans la correspondance qu’échangeaient Claude Le Peletier et Michel Le Tellier, et sous la plume d’Olivier d’Ormesson lorsqu’il évoque ses relations avec le futur contrôleur général des finances. Entre 1660 et 1670, l’auteur du Journal signale plusieurs réunions chez Le Tellier, auxquelles assistent régulièrement Le Peletier, Boucherat, Henri de Fourcy, Cyprien Benard et Pierre de Brillac147. Ce petit groupe semble avoir constitué l’entourage le plus rapproché de Le Peletier, auquel s’ajoutaient occasionnellement d’autres personnages. Le Peletier, Boucherat et d’Ormesson se promenaient régulièrement ensemble148 et se retrouvaient à dîner à l’occasion des cérémonies familiales ou d’événements importants149.

  • 150 Correspondance de Bossuet, t. I, p. 398, lettre de Bossuet à Daniel Huet, Villeneuve-le-Roi, 6 oct (...)

46Claude Le Peletier fréquenta également de manière assidue les érudits et les ecclésiastiques. Sa longue maladie des années 1662-1663 lui permit de nouer des relations suivies avec des légistes, comme Bonaventure Fourcroy, ou des historiens comme Du Cange et dom Mabillon. En 1661, le mariage de Marguerite-Louise d’Orléans avec le prince héritier de Toscane fut à l’origine de son amitié pour Pierre de Bonzi, alors évêque de Béziers. Il fréquenta le philosophe Gérard de Cordemoy, le P. Bourdaloue et Bossuet. En 1676, ce dernier fut longtemps éprouvé par une fièvre maligne malgré le quinquina que lui prescrivaient ses médecins, et Le Peletier lui offrit l’hospitalité de sa maison de Villeneuve-le-Roi afin de l’aider à se remettre150.

  • 151 L.-N. Tellier, Face aux Colbert, les Le Tellier, Vauban, Turgot et l’avènement du libéralisme, Qué (...)

47Jusqu’aux années 1680, Claude Le Peletier se constitua un réseau de connaissances et de parents dont les qualités et les origines correspondent aux traits du personnage que sa carrière nous avait déjà laissé entrevoir, cercle d’hommes de robe, d’ecclésiastiques ou d’érudits dont les Fourcy, les Boucherat et les d’Ormesson représentaient le centre. La mise en place de ces relations eut pour cadre la clientèle de Le Tellier, et pour objectif de la renforcer, à une époque où la rivalité avec le « lobby » Colbert battait son plein. Les liens de Claude Le Peletier avec le monde parlementaire furent largement utilisés pour contrebalancer la prépondérance des Colbert aux finances et à la marine, et rassembler avec succès les familles de la haute robe autour de Michel Le Tellier : tous ces personnages dominent le Parlement, le Conseil du roi et le Bureau de ville de Paris de la fin des années 1670 à la fin des années 1690151. Plus importante encore, pour l’avenir des Le Peletier eux-mêmes, est leur parfaite intégration dans les différentes manifestations de la sociabilité robine et leur parfaite assimilation de ses codes et usages. Autant Louis Le Peletier renvoyait l’image d’un financier lettré, autant ses enfants et petits-enfants, trente ans plus tard, se fondent sans difficulté dans le substrat culturel qui structure la haute robe : ils sont prêts à y faire leur entrée.

Les débuts d’une « clientèle Le Peletier » ?

48Définir des dates précises dans le domaine des fidélités et des clientèles est un exercice périlleux, car ces notions reposent sur des liens personnels dont il est malaisé de saisir l’intensité à trois siècles de distance. Les seuls éléments d’appréciation dont nous disposons sont les témoignages des contemporains et les échanges épistolaires entre un patron et son client. Claude Le Peletier n’a guère intéressé les premiers avant son accession au contrôle général des finances. Le Journal d’Olivier d’Ormesson, qui constitue pour les années 1660 notre source principale, s’interrompt peu après 1671, et Dangeau, Saint-Simon et Spanheim ne prennent la relève que quinze années plus tard. La correspondance de Claude Le Peletier et de Michel Le Tellier nous fournit heureusement de précieuses indications, complétées par les lettres qu’échangent l’ancien prévôt des marchands et son frère Michel. Ces sources suggèrent que Claude Le Peletier a commencé à rassembler autour de lui des clients auxquels l’unissait un lien personnel à partir de 1676. Cette date n’est pas fortuite : en août 1676, Le Peletier quitta la prévôté des marchands et fit sa véritable entrée au Conseil d’État. C’est également à cette époque qu’il commença à donner les premiers signes d’indépendance vis-à-vis des Le Tellier. Pour autant, faut-il y voir les débuts de la constitution d’un « clan Le Peletier » ?

  • 152 D. C. Baxter, Servants of the Sword. French Intendants of the Army, 1630-1670, Chicago, 1976, p. 2 (...)

49Le futur contrôleur général commença, naturellement, par s’appuyer sur sa famille, et en particulier sur son frère Michel. Marie Guérin des Forts, son épouse, était la fille d’Étienne Guérin des Forts, conseiller au Parlement, et de Marie Bruneau. Comme les Guérin, les Bruneau étaient bien implantés au Parlement de Paris : Robert Bruneau, oncle de la jeune épouse, et André Baron, oncle par alliance, y étaient tous deux conseillers. Les Baron comptaient également parmi leurs cousins Auguste-Robert de Pomereu, maître des requêtes. Claude Le Peletier prit cette famille sous sa protection et la fit profiter de celle de Le Tellier. En 1675, Pomereu fut envoyé en Bretagne comme intendant d’armée auprès des troupes chargées d’y rétablir l’ordre après les émeutes qui avaient suivi l’instauration du papier timbré152 ; en 1676, il succéda à Le Peletier comme prévôt des marchands et demeura huit années en cette charge.

  • 153 Le Tellier et Pontchartrain se rencontrèrent à plusieurs reprises chez Le Peletier en 1676-1677 (A (...)
  • 154 Ch. Frostin, op. cit., p. 49.
  • 155 AN, 259 AP 15, lettre de Pontchartrain à Le Peletier, s. l. n. d. [1677].
  • 156 La Bretagne ne reçut un intendant permanent qu’à partir de 1689 ; le premier président du parlemen (...)
  • 157 Ch. Frostin, op. cit., p. 49-50.
  • 158 S. Chapman, Private ambition and political alliances. The Phélypeaux de Pontchartrain and Louis XI (...)

50Outre la commission d’intendant de Pomereu, la nomination de Louis II Phélypeaux à la première présidence du parlement de Bretagne permit à Le Peletier de développer ses alliances bretonnes. Conseiller au Parlement de Paris jusqu’en 1677, Pontchartrain s’attacha rapidement à Le Peletier. Ils se donnèrent souvent rendez-vous au couvent de Hautes-Bruyères et sa femme, Marie de Maupeou, adressa plusieurs compliments à Le Peletier au sujet de ses filles religieuses. D’autres liens unissaient les deux hommes : la sœur de Pontchartrain, Suzanne Phélypeaux, avait épousé en 1656 Jérôme II Bignon, fils du mentor des jeunes années du conseiller d’État. Quoique plus ancienne, l’amitié qui avait rapproché Louis Le Peletier et Paul Phélypeaux au début du siècle n’avait pas été oubliée. Claude Le Peletier présenta donc Louis Phélypeaux à Michel Le Tellier au plus tard au début de 1676153. On peut d’ailleurs établir un parallèle entre les situations de Guillaume Lamoignon et de Louis II Phélypeaux. Tous deux furent privés de leur héritage, une charge de président à mortier au Parlement pour le premier, la charge de secrétaire d’État de son grand-père pour le second, par des parents indélicats ; tous deux subirent les conséquences de leurs prises de position courageuses à l’occasion du procès du surintendant Fouquet (dans le cas de Pontchartrain, c’est son père, Louis Ier Phélypeaux, qui vit sa carrière brisée, sans pouvoir transmettre sa charge de président à la Chambre des comptes à son fils154) ; et tous deux reçurent l’aide des Le Tellier-Le Peletier. Comment ne pas rapprocher ces destinées de la propre expérience du secrétaire d’État de la Guerre, contraint très jeune de se défendre contre les prétentions de ses oncles, avec pour seul soutien son cousin Louis Le Peletier ? En 1677, Guillaume de Lamoignon vient de s’éteindre ; Louis II Phélypeaux le remplace en quelque sorte auprès de Claude Le Peletier, comme en témoigne la centaine de lettres échangées par les deux hommes entre 1678 et 1685. Il ne fait donc pas de doute que l’intervention de Claude Le Peletier fut décisive dans le choix de Pontchartrain comme premier président du parlement de Bretagne155. Le rôle de Michel Le Tellier dans sa nomination à ce poste de confiance156 ne fait pas de doute, même si Ch. Frostin met également en avant le rôle du marquis de Châteauneuf157 et S. Chapman celui de François d’Argouges, premier président sortant158.

  • 159 Ibidem, p. 37.
  • 160 AN, 259 AP 15, lettre de Pontchartrain à Le Peletier, Vannes, 29 novembre 1678.
  • 161 S. Chapman, op. cit., p. 53.

51Entre les deux hommes se créa un véritable lien personnel. S. Chapman n’hésite pas à faire de Le Peletier le mentor du premier président du Parlement de Bretagne159. Cette suggestion est rendue plus que crédible par le ton de leur correspondance, laquelle fait un usage très fréquent du vocabulaire de la fidélité160. Pontchartrain n’hésitait pas à solliciter l’avis de Le Peletier sur des sujets personnels, comme l’éducation de son fils cadet, qu’il doutait de pouvoir parfaire en Bretagne. Il songeait à l’envoyer chez les Jésuites, à Paris, mais préférait demander conseil au futur contrôleur général, tout en exigeant le secret, sa propre épouse n’étant pas encore informée de ses projets. Le contrôleur général fut le relais principal de Pontchartrain à la Cour. En 1682, lorsque l’organisation des États de Bretagne fit éclater un conflit de préséance entre le duc de Chaulnes, gouverneur de la province, et le parlement, Pontchartrain pressa Le Peletier de lettres et de mémoires lui demandant d’intervenir auprès du chancelier en faveur de l’assemblée bretonne. L’affaire devant être jugée devant le roi au Conseil, il s’agissait de contrebalancer les liens existant entre le duc et les Colbert. Le jugement royal fut favorable au gouverneur. Pontchartrain fit part à Le Peletier de sa déception et de son désespoir et demanda à son patron de lui procurer un autre emploi puisqu’il avait perdu tout crédit dans la province et toute faveur à la Cour. Quelques semaines plus tard, Pontchartrain était revenu à de meilleurs sentiments, mais son vœu fut exaucé en 1687 lorsque Le Peletier l’appela à Paris pour servir de troisième intendant des finances161.

  • 162 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 1er septembre 1678.
  • 163 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Gand, 20 août 1678.

52En Bretagne, Louis II Phélypeaux prenait la suite de François d’Argouges, lié aux Pontchartrain par son épouse, Madeleine de Hodicq. Quelques mois plus tôt, le 30 janvier 1677, Françoise-Marie Le Peletier épousait Jean-Pierre d’Argouges, neveu du précédent. Ch. Frostin y voit une opération en deux temps : pour le remercier d’avoir négocié le mariage de sa fille avec d’Argouges, Le Peletier aurait poussé la candidature de Pontchartrain pour remplacer son parent, désireux de revenir dans la capitale. Sans exclure cette hypothèse, nous avons vu plus haut que Claude Le Peletier hésita jusqu’au bout entre deux candidats, et que ses liens avec Pontchartrain étaient suffisamment anciens et forts pour ne pas avoir recours à un échange de service aussi évident (aucun contemporain ne semble d’ailleurs le suggérer). Il nous semble donc plus vraisemblable d’estimer que la conclusion de ce mariage n’a pas décidé Le Peletier à soutenir la candidature de son ami, mais qu’elle a pu renforcer son désir de voir ses efforts couronnés de succès. Quoiqu’il en soit, ce mariage renforçait ses réseaux au sein du Parlement, puisque Jean-Pierre d’Argouges comptait parmi ses parents le premier président de Lamoignon, René Potier de Blancmesnil, président en la première chambre des enquêtes du Parlement, Thierry Bignon, maître des requêtes et président au Grand Conseil, Gaspard Lescalopier, Paul-Alexandre Petau et Jérôme Mérault, tous trois conseillers au Parlement, sans oublier le reste de la parentèle des d’Argouges. Claude et Michel Le Peletier semblent avoir très vite pris en main la carrière du jeune marié avec pour dessein de lui procurer une commission d’intendant, « assurément le chemin le plus court pour les jeunes gens pour se faire connaître », au lieu de le laisser « croupir au Palais162 ». Quelques semaines après la noce, Souzy proposa ainsi à son frère de l’envoyer passer les vacations du Parlement à ses côtés, sur la frontière163.

  • 164 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 17 mars 1676.

53Claude Le Peletier essaya également de placer les membres les plus proches de sa famille. En 1676, il s’efforça de procurer à Joseph-Jean-Baptiste Fleuriau, son jeune beau-frère, un office de commissaire des guerres afin de commencer sa formation. Malgré toute l’affection qu’ils portaient à Le Peletier, Le Tellier et Louvois refusèrent d’accéder à sa demande164. Les raisons qui motivent le refus des Le Tellier restent inconnues. On peut toutefois remarquer que la carrière de Joseph-Jean-Baptiste Fleuriau d’Armenonville ne prit véritablement son essor qu’après la mort de Michel Le Tellier en 1685.

  • 165 AN, 259 AP 24, lettre du comte d’Argenson à Le Peletier, Argenson, 2 janvier 1677.
  • 166 Ibidem, lettre du comte d’Argenson à Le Peletier, Angoulême, 2 janvier 1679.
  • 167 AN, 259 AP 33, lettre des consuls de Toulon à Le Peletier, Toulon, 16 août 1678.
  • 168 AN, 259 AP 16, lettre du cardinal Grimaldi, Aix-en-Provence, 1er juillet 1674.
  • 169 L’intendant disposait officiellement d’un secrétaire dont les émoluments étaient payés par le roi. (...)
  • 170 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, [s. l.], 27 janvier 1677. Souzy (...)
  • 171 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 11 février 1679 et ibidem(...)
  • 172 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 7 novembre 1680.
  • 173 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, [s. l.], 28 mars 1681.
  • 174 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 24 mai 1681.

54L’influence et la réputation de Claude Le Peletier grandissant, son intervention fut de plus en plus souvent sollicitée par des particuliers qui n’avaient aucun lien de parenté avec lui. René d’Argenson le remercia en 1677 pour les bons offices qu’il avait rendus à son fils, le futur lieutenant général de police de Paris165. D’Argenson, qui plaçait Le Peletier « parmi le petit nombre de [ses] plus anciens et plus solides amis », lui demanda également de lui garder ses bons offices auprès du chancelier166. En 1678, les consuls de Toulon avaient pris le parti de Le Peletier dans l’affaire qui l’opposait aux héritiers de l’abbé de La Valette. En échange de leur soutien, ils lui demandèrent d’accorder sa protection au sieur de Carqueranne qu’ils avaient député à la Cour pour régler les affaires qu’y avait leur communauté167. En 1674, le cardinal Geronimo Grimaldi-Cavalleroni le remercia après l’issue favorable d’un procès dans lequel il avait sollicité son intervention168… Mais ces lettres contenaient encore de fréquentes allusions au chancelier ou à Louvois : en sollicitant Le Peletier, leurs auteurs espéraient par la même occasion s’attirer les bonnes grâces de ses patrons. Ce ne fut guère qu’à propos de quelques emplois subalternes que le conseiller d’État put s’affranchir de la tutelle quelque peu écrasante de ses cousins. Ce changement est particulièrement visible dans la correspondance qu’il entretint avec son frère l’intendant de Flandre. Les Le Peletier utilisèrent alors les emplois dont l’intendant avait la disposition pour y installer leurs propres obligés169. En janvier 1677, Claude Le Peletier demanda ainsi à son frère de trouver un emploi à Jean Tiercelet. Le Peletier de Souzy lui proposa la recette des contributions d’Aire, mais fut obligé de retirer son offre, car Louvois lui imposa de confier cet emploi à un frère du sieur Petit, son valet de chambre : « Vous jugez bien que je n’ay pas à balancer170. » Lorsque Souzy fut choisi pour être commissaire aux limites, Louvois lui ordonna de se faire accompagner d’un procureur du roi et d’un greffier ; l’intendant demanda à ses deux frères de « partir en chasse », de se concerter et de proposer quelqu’un à Louvois171. En 1680, l’intendant écrivit à son frère : « Si vous trouviez quelque sujet qui fût un peu de mise, je pourrois quelquefois me servir de lui et lui donner de l’emploi172. » Quelques mois plus tard, il signala qu’il devait trouver un concierge pour la citadelle de Lille et un autre pour la citadelle de Cambrai, et proposa d’y employer un parent du confesseur du couvent de la Ville-l’Évêque173. En cas de désaccord, le dernier mot revenait toujours à Claude Le Peletier, qui s’affirmait une fois encore comme le chef de la famille174.

  • 175 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 20 septembre 1682.

55Rendre des services, même importants, ne fait pas une clientèle, et il semble difficile de donner ce qualificatif aux différents éléments que nous venons de présenter. Les Le Peletier semblent davantage avoir exercé des interventions ponctuelles, surtout au bénéfice de parents et d’amis proches, que s’être préoccupés de constituer leurs propres réseaux de fidélités. Ces interventions sont d’ailleurs difficiles à distinguer du rôle que jouait par ailleurs Le Peletier au sein du clan Le Tellier. Derrière cette modestie apparente se dessine, une nouvelle fois, la seule ambition de la famille, s’enraciner dans la haute robe, ambition dont la concrétisation dépendait, comme le savaient les Le Peletier, de Le Tellier et de Louvois. En témoigne la phrase suivante, venue sous la plume de Le Peletier de Souzy en 1682, après un accès de fièvre du chancelier : « J’ai été cruellement alarmé par (sic) l’intérest de l’État, de la justice, de sa maison et par le nostre propre175. »

*

  • 176 C. Chatelain, Chronique d’une ascension sociale. Exercice de la parenté chez de grands officiers ( (...)
  • 177 M. Daumas, « Les conflits familiaux dans les milieux dominants au XVIIIe siècle », Annales ESC, no(...)
  • 178 M. Nassiet, Parenté, noblesse et états dynastiques, XVe-XVIe siècles, Paris, 2000, p. 73.

56En 1683, les Le Peletier semblent toucher au but. Quelques mois plus tard, l’alliance avec la prestigieuse maison des d’Aligre et l’achat d’une charge de président à mortier viennent couronner trente années d’efforts : les voici les égaux des Lamoignon, des d’Aligre, des Harlay ou des d’Aguesseau. Le choix de l’ordre de primogéniture, tempéré exceptionnellement par le choix du meilleur, avec Louis II Le Peletier préféré à son frère Michel, la concentration du patrimoine au profit d’un seul héritier accompagnée d’une restriction de l’accès au mariage des autres enfants, expliquent ce succès et rapprochent les Le Peletier de la logique patrilinéaire à l’œuvre au sein de la noblesse d’épée176. Pourtant, cette discipline familiale a également ses côtés sombres, et la grandeur imposa aux Le Peletier des sacrifices douloureux qui marquèrent durablement l’histoire du lignage177. Les frères de Claude restèrent longtemps dans son ombre, Jérôme ne pouvant lui succéder dans sa charge de président aux enquêtes, et Michel étant obligé de s’« exiler » à Lille pour dépasser sa condition de conseiller au Parlement. Pour ce dernier, le refus de son frère de le proposer pour son successeur au contrôle général des finances en 1689 constitua une nouvelle désillusion ; peut-on écarter tout sentiment de revanche lorsqu’il favorisa à son tour l’ascension de son fils Michel-Robert Le Peletier des Forts jusqu’au sommet des finances ? Les sœurs de Louis II Le Peletier, et leurs maris, vécurent fort mal la modestie de leurs dots comparée aux biens légués à leur frère en 1688, et l’attitude de Claude Le Peletier, répartissant les biens de son épouse, multipliant les donations à ses filles et ses gendres après 1690, sonne comme une prise de conscience bien tardive de rancœurs familiales accumulées depuis des décennies. Quant à Claude II Le Peletier, ses délires mystiques peuvent également s’expliquer par la prise de conscience précoce que sa position de quatrième fils ne lui vaudrait aucun rôle dans l’histoire familiale. Au reste, la situation des garants de la solidarité familiale178, de ceux sur les épaules desquels repose le destin du lignage, divisé entre Rosanbo et Saint-Fargeau à la fin du XVIIe siècle, n’apparaît pas meilleure. Loin de l’amitié fraternelle prônée par son père, Claude Le Peletier, usé par la tension qui règne au sein de la famille et par l’obligation de rencontrer le succès, sombre dans la dépression pendant deux ans ; après six ans à la tête des finances, ayant établi ses enfants et fait entrer sa famille dans la haute robe parlementaire, il préfère, sa mission remplie, démissionner pour profiter enfin du mode de vie auquel il aspire. Devenu premier président du Parlement de Paris, ayant réalisé le rêve de son père, Louis II Le Peletier démissionne quelques mois après la mort de son géniteur, enfin libéré du poids des espérances et de la vision paternelle. Cette tension, cette fatigue originelle, ne quitteront plus la branche des Rosanbo, alors que les Saint-Fargeau, descendants de Souzy, éternels cadets, compenseront leur frustration par l’opposition, la révolte, la révolution.

Notes

1 Sur ce processus, voir M. Marraud, De la ville à l’État. La bourgeoisie parisienne, XVIIe-XVIIIe, Paris, 2009, p. 405.

2 P. Alex, « Succéder par raccroc. La résistible perpétuation des Hurault de L’Hospital », R. Descimon et É. Haddad (dir.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, 2010, p. 108-109.

3 AN, 259 AP 1, testament de Louis Le Peletier, 17 mai 1644 et 9 février 1650.

4 Ibidem.

5 AN, 259 AP 1, contrat de vêture de Louise Le Peletier, 6 mai 1652.

6 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Poitiers, 31 janvier 1652 ; AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Le Peletier, 1er avril 1652.

7 AN, MC, LXXV, 181, profession d’Anne-Thérèse Le Peletier, 11 mai 1676.

8 BnF, Mss. fr. 7659.

9 La Chesnaye des Bois, Dictionnaire de la noblesse, Paris, 1863-1876, t. XV, p. 590.

10 AN, MC, LXXV, 155, quittance du 3 avril 1671.

11 AN, 259 AP 127, certificat de tonsure, 7 mars 1644.

12 Il figure sous cette qualité dans l’inventaire après décès de son père (AN, MC, XXX, 38, inventaire après décès de Louis Le Peletier, 29 novembre 1651).

13 AN, MC, XXX, 48, traité d’office du 5 mai 1656.

14 O. d’Ormesson, Journal, Paris, 1860-1861, t. II, p. 391. Voir aussi E. Fléchier, Mémoires sur les grands jours d’Auvergne, éd. par Y.-M. Bercé, Paris, 1984.

15 Michel Le Tellier lui avait obtenu le don de cette prévôté en échange du versement d’une pension à Mathieu de Morgues (AN, 90 AP 33, don du 28 février 1656).

16 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Le Peletier, La Fère, 11 juin 1657. L’affaire fut définitivement conclue en 1659-1660.

17 Bibliothèque Mazarine, Ms. 2906, « Caractères de MM. les présidens et conseillers du Parlement de Paris sous M. le président de Lamoignon en l’année 1658 », fo 18.

18 AN, 90 AP 36, lettre de Dormai à Michel Le Peletier, [s. l.], 15 décembre 1661.

19 AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Fontainebleau, 31 juillet 1666.

20 AN, 259 AP 12, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 13 avril 1673.

21 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 18 avril 1673.

22 AN, 90 AP 32, livre de raison de François et Jean Leschassier.

23 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Le Peletier, [s. l.], 1er avril 1652.

24 AN, 90 AP 34, « Vie de Michel Le Peletier ».

25 AN, 259 AP 9, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Toulouse, 14 décembre 1659.

26 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Toulouse, 27 novembre 1659.

27 AN, 90 AP 34, quittance du 30 décembre 1660.

28 AN, MC, LXXV, 132, traité d’office du 5 août 1666. Michel Le Peletier vendit sa charge d’avocat du roi au Châtelet le 13 février 1666 à d’Ormesson, moyennant 68 000 livres (O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 434 et 445).

29 AN, 259 AP 11, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 24 février 1668.

30 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 4 mai 1668.

31 Voir A. Croquez, Histoire politique et administrative d’une province française, la Flandre…, Paris, 1912, et T. Van de Walle, Paul Barillon, ambassadeur de France en Angleterre (1677-1688), thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, 1997, dactyl. (résumée dans École nationale des chartes, positions des thèses…, Paris, 1997, p. 299-305).

32 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 14 février 1679.

33 A. Blanchard, Les ingénieurs du « Roy » de Louis XIV à Louis XVI, Montpellier, 1979, p. 74.

34 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 3 juin 1677.

35 Elle lui apportait 142 336 livres de dot (AN, 90 AP 34, contrat de mariage de Michel Le Peletier, 21 août 1669).

36 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 12 avril 1677.

37 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 1er mai 1683.

38 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 7 septembre 1679.

39 AN, O1 27, fo 206 vo.

40 AN, MC, CXVII, 649, inventaire après décès de Charles Fleuriau, 18 février 1694.

41 AN, 259 AP 1, contrat de mariage du 3 février 1636.

42 BnF, Mss. Morel de Thoisy 149, fo 15.

43 AN, 259 AP 1, contrat de mariage du 28 avril 1652.

44 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, La Fère, 6 août 1656.

45 Ibidem, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, Compiègne, 28 août 1656.

46 R. Descimon, « La haute noblesse parlementaire parisienne : la production d’une aristocratie d’État aux XVIe et XVIIe siècles », Ph. Contamine (dir.), L’État et les aristocraties, XIIe-XVIIe siècle, France, Angleterre, Écosse, Paris, 1989, p. 357-384.

47 M. Bennini et R. Descimon, « Économie politique de l’office vénal anoblissant », R. Descimon et E. Haddad (dir.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, 2010, p. 31-45.

48 M. Marraud, op. cit., p. 384 et 404.

49 Le Tellier ne détaille pas les motifs de cette taxe, mais Fleuriau était à cette époque en conflit avec ses associés du traité du 1er août 1655 (AN, 259 AP 1, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, La Fère, 6 août 1656).

50 AN, 259 AP 8, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, La Fère, 10 août 1656.

51 Ibidem, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, La Fère, 18 août 1656.

52 Ibidem, lettre de Le Tellier à Claude Le Peletier, Compiègne, 28 août 1656.

53 AN, 259 AP 259, contrat de mariage du 18 octobre 1656.

54 L. André, Michel Le Tellier et Louvois, Paris, 1942, p. 595 ; W. Roth, « Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy », R. Mousnier (dir.), Le Conseil du roi de Louis XII à la Révolution, Paris, 1970, p. 175-203. Voir également T. Sarmant et M. Stoll, Régner et gouverner. Louis XIV et ses ministres, Paris, 2010, p. 439 et 443-446.

55 S. Beauvalet-Boutouyrie, Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, 2001, en particulier p. 243 à 269 et p. 373 ; S. Beauvalet, V. Gourdon, F.-J. Ruggiu, « Réseaux et mobilités à Paris au milieu du XVIIe siècle », Histoire, Économie et Société, 1998, no 4, p. 547-560.

56 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.

57 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 613.

58 AN, 259 AP 12, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 2 octobre 1671.

59 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 613.

60 AN, 259 AP 12, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 5 octobre 1671.

61 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 6 octobre 1671.

62 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.

63 AN, 259 AP 12, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 6 octobre 1671.

64 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 16 octobre 1671.

65 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 298.

66 AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le Peletier, au camp devant Charleroi, 10 juin 1667.

67 AN, 259 AP 11, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 26 octobre 1669. Sur Hugues de Lionne, voir J. Cras, « Lionne », L. Bély et al. (dir.), Dictionnaire des ministres des Affaires étrangères. 1589-2004, Paris, 2005, p. 63-74.

68 Lionne prévoyait de céder à son fils la survivance de sa charge de secrétaire d’État, 15 000 livres de rente et la terre de Berny (AN, 259 AP 11, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 7 janvier 1670).

69 AN, 259 AP 11, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 7 janvier 1670.

70 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 9 janvier 1670. Madeleine de Lionne épousa François-Annibal d’Estrées le 10 février 1670.

71 AN, 259 AP 11, lettre de Le Tellier à Le Peletier, [s. l.], 27 septembre 1670.

72 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 29 octobre 1670.

73 Ibidem, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 31 octobre 1670.

74 Ibidem.

75 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 605.

76 AN, MC, XIX, 495, contrat de mariage du 20 décembre 1670.

77 Prénom retrouvé dans AN, MC, LXXV, 175, contrat de constitution du 10 mai 1675.

78 Le 6 novembre d’après une fondation de messe de Claude Le Peletier (AN, MC, CXVII, 636, fondation de messes, 15 décembre 1689).

79 AN, 259 AP 9, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Lyon, 1er janvier 1659.

80 Cette supposition est confirmée par la fondation de messe de Claude Le Peletier, qui porte le 26 décembre comme jour de naissance d’Anne-Thérèse Le Peletier (AN, MC, CXVII, 636, fondation de messes, 15 décembre 1689).

81 AN, 259 AP 9, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Avignon, 24 mars 1660.

82 BnF, Mss. fr. 32388, p. 285.

83 AN, 90 AP 36, lettre de Dormai à Michel Le Peletier, Calais, 22 décembre 1663.

84 AN, MC, LXXV, 175, profession d’Élisabeth-Marguerite Le Peletier, 9 mai 1675 ; AN, MC, LXXV, 175, deux contrats de constitution du 10 mai 1675.

85 AN, MC, LXXV, 181, profession d’Anne-Thérèse Le Peletier, 11 mai 1676 ; AN, MC, LXXV, 181, deux contrats de constitution du 11 mai 1676.

86 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.

87 AN, MC, LXXV, 206, constitution du 22 mai 1681.

88 AN, MC, LXXV, 215, constitution du 4 novembre 1682.

89 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 16 avril 1682.

90 Ibidem, testament de Claude Le Peletier, 30 mars 1684.

91 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 16 janvier 1677.

92 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 11 janvier 1677.

93 La cérémonie fut célébrée le lendemain. Le mariage fut conclu le 17 janvier (AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 20 janvier 1677 ; AN, 259 AP 1, contrat de mariage du 30 janvier 1677).

94 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.

95 Ibidem.

96 Ibidem.

97 AN, MC, LXXV, 215, transport du 1er décembre 1662.

98 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.

99 Ibidem.

100 Cité en note dans Correspondance de Bossuet, Paris, 1909-1925, t. IV, p. 139, lettre de Bossuet à Claude Le Peletier, Germigny, 29 octobre 1690.

101 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Chaville, 30 juillet 1676.

102 AN, MC, CXVII, 680, inventaire après décès de Michel Le Peletier, 15 avril 1707.

103 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Versailles, 27 novembre 1677.

104 AN, MC, CXVII, 680, inventaire après décès de Michel Le Peletier, 15 avril 1707.

105 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 18 août 1679.

106 AN, 259 AP 29, lettre de Cordeil à Claude Le Peletier, Toulon, 23 janvier 1679.

107 A. de Boislisle, Mémoires des intendants sur l’état des généralités dressés pour l’instruction du duc de Bourgogne, t. I : Mémoire de la généralité de Paris, Paris, 1881, p. 55.

108 AN, MC, LXXV, 200, bail du 4 mai 1680.

109 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Versailles, 13 novembre 1678.

110 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 30 mars 1684.

111 AN, 259 AP 260, extrait baptistaire du 2 novembre 1662.

112 AN, MC, LXXV, 215, traité de l’office d’avocat au Châtelet, 26 décembre 1682.

113 AN, 259 AP 127, « Vie de Claude Le Peletier », 1712.

114 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 16 avril 1682.

115 Ibidem, testament de Claude Le Peletier, 30 mars 1684.

116 BnF, Mss. fr. 32388, p. 285.

117 Abbé Proyart, Le modèle des jeunes gens dans la vie édifiante de Claude Le Peletier de Sousi, étudiant en philosophie dans l’Université de Paris, Paris, 1789.

118 AN, 259 AP 1, testament de Claude Le Peletier, 16 avril 1682.

119 Ibidem, testament de Claude Le Peletier, 30 mars 1684.

120 D. Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, Paris, 1984, p. 321-322.

121 AN, 90 AP 32, livre de raison de François et Jean Leschassier.

122 D. Dessert, Argent, pouvoir et société…, p. 543.

123 Ibidem, p. 639.

124 AN, 259 AP 9, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Fontainebleau, 27 septembre 1661, et BnF, Mélanges Colbert 103, fo 500, lettre de Le Peletier à Colbert, Paris, 1er octobre 1661.

125 AN, E 387, fo 228 et AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 22 mai 1665.

126 AN, E 386, fo 630, arrêt du Conseil du 19 avril 1666, et AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Fontainebleau, 19 juillet 1666.

127 B. Barbiche et S. de Dainville-barbiche, Sully. L’homme et ses fidèles, Paris, Fayard, 1997, p. 613.

128 B. Barbiche, « Henri IV et la surintendance des Bâtiments », Bulletin monumental, no 142, 1984, p. 19-39, et L. Boisnard, Les Phélypeaux. Une famille de ministres sous l’Ancien Régime, Paris, 1986, p. 108.

129 BnF, Mss. fr. 9549, fos 168-179 et 203-216 vo.

130 Sur la charge de bibliothécaire du roi, voir J. Delatour et T. Sarmant, « La charge de bibliothécaire du Roi aux XVIIe et XVIIIe siècles », Bibliothèque de l’École des chartes, 1994, t. CLII, p. 465-502.

131 BnF, Mss. D. B. 515 (11, 132).

132 J. Krynen, L’État de justice en France, XIIIe-XXe siècle. I. L’idéologie de la magistrature ancienne, Paris, 2009, p. 213.

133 AN, 259 AP 259, contrat de mariage de Claude Le Peletier, 18 octobre 1656.

134 L. André, Deux mémoires…, p. 124.

135 O. d’Ormesson, op. cit., t. I, p. XXVI.

136 J.-P. Labatut, « Le chancelier Boucherat (1616-1699) », R. Mousnier (dir.), op. cit., p. 97-101.

137 Voir R. Mathis, Simon Arnauld de Pomponne (1618-1699), secrétaire d’État des Affaires étrangères de Louis XIV, thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, 2007, 2 vol.

138 BnF, Arsenal, Ms. 6036, fo 126, lettre de Le Peletier à Pomponne, 31 mars 1662 (toutes les références tirées du fonds de l’Arsenal nous ont été communiquées par R. Mathis).

139 Ibidem, fo 186, lettre de Le Peletier à Pomponne, 6 novembre 1662.

140 Ibidem, fo 217, lettre de Le Peletier à Pomponne, 26 janvier 1663.

141 L. Delavaud, Le marquis de Pomponne, ambassadeur et secrétaire d’État, Paris, 1911, p. 5-6. La lettre de Le Peletier a été éditée par F. Ravaisson-Mollien, Archives de la Bastille, Paris, 1866-1904, t. II, p. 400.

142 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 409.

143 AN, 259 AP 10, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Fontainebleau, 5 juin 1666 ; BnF, Arsenal, Ms. 6037, fo 45, lettre de Pomponne à Le Peletier, Stockholm, 3 juillet 1666.

144 AN, 259 AP 13, lettre de Pomponne à Le Peletier, [s. l.], 31 novembre 1679.

145 AN, MC, XIX, 495, contrat de mariage de Balthazar Phélypeaux, marquis de Châteauneuf, 20 décembre 1670.

146 Pour l’étude des liens de parenté entre ces personnages, voir Ch. Frostin, Les Pontchartrain, ministres de Louis XIV. Alliances et réseau d’influence sous l’Ancien Régime, Rennes, 2006.

147 O. d’Ormesson, op. cit., t. II, p. 431.

148 Ibidem, t. II, p. 133 et 359.

149 Ibidem, t. II, p. 294.

150 Correspondance de Bossuet, t. I, p. 398, lettre de Bossuet à Daniel Huet, Villeneuve-le-Roi, 6 octobre 1676.

151 L.-N. Tellier, Face aux Colbert, les Le Tellier, Vauban, Turgot et l’avènement du libéralisme, Québec, 1987, p. 221.

152 D. C. Baxter, Servants of the Sword. French Intendants of the Army, 1630-1670, Chicago, 1976, p. 224.

153 Le Tellier et Pontchartrain se rencontrèrent à plusieurs reprises chez Le Peletier en 1676-1677 (AN, 259 AP 13, lettres de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 26 janvier 1676, et [ ?] février 1676).

154 Ch. Frostin, op. cit., p. 49.

155 AN, 259 AP 15, lettre de Pontchartrain à Le Peletier, s. l. n. d. [1677].

156 La Bretagne ne reçut un intendant permanent qu’à partir de 1689 ; le premier président du parlement était donc l’« homme du roi » dans la province.

157 Ch. Frostin, op. cit., p. 49-50.

158 S. Chapman, Private ambition and political alliances. The Phélypeaux de Pontchartrain and Louis XIV’s government, 1650-1715, Rochester, 2004, p. 35-36.

159 Ibidem, p. 37.

160 AN, 259 AP 15, lettre de Pontchartrain à Le Peletier, Vannes, 29 novembre 1678.

161 S. Chapman, op. cit., p. 53.

162 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 1er septembre 1678.

163 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Gand, 20 août 1678.

164 AN, 259 AP 13, lettre de Le Tellier à Le Peletier, Saint-Germain-en-Laye, 17 mars 1676.

165 AN, 259 AP 24, lettre du comte d’Argenson à Le Peletier, Argenson, 2 janvier 1677.

166 Ibidem, lettre du comte d’Argenson à Le Peletier, Angoulême, 2 janvier 1679.

167 AN, 259 AP 33, lettre des consuls de Toulon à Le Peletier, Toulon, 16 août 1678.

168 AN, 259 AP 16, lettre du cardinal Grimaldi, Aix-en-Provence, 1er juillet 1674.

169 L’intendant disposait officiellement d’un secrétaire dont les émoluments étaient payés par le roi. Submergé par sa tâche, Le Peletier de Souzy en employait trois (AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 26 mars 1679).

170 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, [s. l.], 27 janvier 1677. Souzy réussit à placer Tiercelet vers 1680 en lui obtenant le poste d’inspecteur des fermes de Flandre et Hainaut (J. Clinquart, Les services extérieurs de la Ferme générale à la fin de l’Ancien Régime. L’exemple de la direction des fermes du Hainaut, Paris, 1995, p. 113).

171 AN, 259 AP 36, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 11 février 1679 et ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 24 février 1679.

172 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 7 novembre 1680.

173 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, [s. l.], 28 mars 1681.

174 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 24 mai 1681.

175 Ibidem, lettre de Michel Le Peletier à Claude Le Peletier, Lille, 20 septembre 1682.

176 C. Chatelain, Chronique d’une ascension sociale. Exercice de la parenté chez de grands officiers (XVIe-XVIIe siècles), Paris, 2008, p. 361.

177 M. Daumas, « Les conflits familiaux dans les milieux dominants au XVIIIe siècle », Annales ESC, no 4, 1987, p. 901-923.

178 M. Nassiet, Parenté, noblesse et états dynastiques, XVe-XVIe siècles, Paris, 2000, p. 73.

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