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    Plan détaillé Texte intégral Le renforcement de l’Intendance d’Armée Le contrôle des intendances d’armée Le contrôle de l’argent. La militarisation des Finances Royales Notes de bas de page Auteur

    Les financiers et la construction de l'État

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    La « militarisation » des finances royales d’Espagne au XVIIIe siècle

    La militarización de la Hacienda Real. Las tesorerías de ejército durante el reinado de Carlos III

    Rafael Torres Sánchez

    p. 177-198

    Résumés

    Notre hypothèse est que l’effort fait par les Bourbons au XVIIIe siècle pour contrôler les dépenses militaires a eu une influence sur le développement des finances royales d’Espagne. L’objectif principal était d’enlever aux militaires le gouvernement de l’argent pour le confier au Secrétariat aux Finances. Ainsi, une série de changements institutionnels se succèdent pendant tout le siècle, permettant d’atteindre finalement cet objectif. L’un des plus importants est le renforcement de l’Intendance d’armée et de l’intendant d’armée, mais en même temps, son contrôle par le Secrétariat aux Finances, qui vise à réduire sa capacité de gestion et à l’arracher à l’influence du Secrétariat à la Guerre. L’union comptable de la Trésorerie Générale et des Trésoreries d’armée, confirmée en 1753, permet en outre d’accroître le contrôle direct sur la circulation des fonds et des crédits dans la monarchie. Les avantages obtenus par les Finances Royales avec l’institution des Intendances d’Armées les conduisent à s’appuyer sur ces dernières pour se développer, au lieu de prendre appui sur les Trésoreries des recettes fiscales, bien moins contrôlées et moins efficaces pour ce qui est d’offrir une information sur les ressources et les mobiliser. Les Finances Royales apparaissent ainsi fortement militarisées, non seulement en raison de l’objectif essentiel de la dépense de l’État, mais parce que les institutions créées se révèlent plus efficaces et utiles pour la gestion des ressources fiscales et financières.

    Sostenemos que el intento de control del gasto militar realizado por los Borbones durante el siglo XVIII influyó en el propio desarrollo de la Real Hacienda española. El objetivo principal fue quitar el gobierno del dinero de las manos de los militares y transferirlo a la Secretaria de Hacienda. Para lograr este objetivo fue necesario una serie de cambios institucionales que se extendieron durante todo el siglo hasta hacerse finalmente una realidad. Entre los cambios más importantes fue el fortalecimiento de la Intendencia de Ejército y el intendente de ejército, pero al mismo tiempo su control desde la Secretaría de Hacienda para reducir su capacidad de gestión y para sacarlo de la órbita de la Secretaría de Guerra. La unión contable de la Tesorería General a las Tesorerías de Ejército, confirmada desde 1753, permitió, además, un aumento del control directo sobre la circulación de caudales y créditos en la monarquía. Las ventajas conseguidas por la Real Hacienda con las Intendencias de Ejército le llevaron a apoyarse en ellas para desarrollarse, en lugar de hacerlo en las Tesorerías de Rentas, mucho menos controladas y menos eficaces a la hora de ofrecer información sobre los recursos y movilizarlos. Al final, la Real Hacienda aparecía fuertemente « militarizada » no sólo por el objetivo esencial del gasto del estado, sino porque las instituciones creadas le resultaban más eficaces y útiles para la gestión de los recursos fiscales y financieros.

    Texte intégral Le renforcement de l’Intendance d’Armée Le contrôle des intendances d’armée Le contrôle de l’argent. La militarisation des Finances Royales Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1L’arrivée des Bourbons en Espagne entraîne un changement significatif dans le niveau de contrôle de la dépense militaire. L’armée et la flotte continuent de consommer presque toutes les recettes de la Couronne, mais au cours du XVIIIe siècle, les forces armées perdent de leur capacité de gestion des fonds qui leur sont assignés. Les gouvernements successifs confient la majeure partie de cette compétence au Secrétariat aux Finances. Au fil du temps, les Finances militaires deviennent un domaine de compétence de plus des Finances Royales, qui échappe à l’orbite de décision des militaires ou du Secrétariat à la Guerre. Ce processus d’appropriation par le Secrétariat aux Finances est si intense qu’il affecte l’essence même des Finances Royales. Ce qui au départ était un effort de mise en ordre de la dépense militaire, visant à l’arracher aux mains des militaires, devient l’un des axes principaux des Finances Royales au XVIIIe siècle. Notre propos est de mettre en lumière ce processus de « militarisation » des Finances Royales en analysant les structures créées par l’État pour contrôler la dépense militaire.

    Le renforcement de l’Intendance d’Armée

    2L’expérience de l’époque des Habsbourg a montré combien il était difficile de contrôler la dépense militaire et à quel point la malversation de fonds affectait tous les niveaux de l’administration et de l’activité militaire, des capitaines généraux à la mobilisation des recrues. Les réformes administratives ne parviennent pas, alors, à réduire le nombre des caisses destinées à la dépense militaire1. Aussi n’est-il pas surprenant que les Bourbons acceptent dès le début la nécessité de profondes réformes. C’est Jean Orry qui, en 1703, propose un nouveau système destiné à « rendre » le contrôle de la dépense militaire au roi2. Le système qu’il propose n’est pas neuf, à proprement parler, dans l’administration militaire espagnole, puisqu’une structure semblable de charges et de compétences militaires a été mise en œuvre au XVIIe siècle. L’objectif d’Orry, comme alors, est que le contrôle du maniement des dépenses militaires repose sur la surveillance réciproque des ordonnateurs, de ceux qui exécutent la dépense et de ceux qui la contrôlent a posteriori3. La véritable nouveauté des réformes d’Orry est plutôt, comme nous le rappelle Anne Dubet, sa ferme volonté d’enlever la gestion des dépense militaires au Conseil de Guerre et aux Capitaines Généraux, au profit du Secrétariat aux Finances et de la Trésorerie Générale de la Guerre (Tesorería Mayor de Guerra)4. Une bonne partie du processus d’implantation de ce système suppose que les contrôleurs, les payeurs et les commissaires de guerres soient placés sous le contrôle direct des responsables économiques de la nouvelle monarchie. Tout l’édifice administratif repose sur une nouvelle trésorerie, la Trésorerie Générale de la Guerre, qui reçoit ses ordres de paiement directement du Secrétaire des Dépêches à la Guerre et aux Finances, en assignant les ressources aux dépenses à faire5. Vers 1705, un nouveau système de contrôle de la dépense militaire est ainsi dessiné, qui s’articule autour de trois acteurs et de nouvelles relations entre eux : le Secrétaire à la Guerre et aux Finances, le Trésorier Général de la Guerre et des intendants qui apparaissent alors. Ce schéma simple se consolide au fil des années suivantes et devient le clef de voûte du système postérieur. Son succès avait été annoncé par Puységur qui, selon Anne Dubet, exprimait clairement le sens des réformes entreprises : « avoir ôté aux capitaines généraux le maniement de l’argent6 ».

    3Comme dans d’autres domaines du processus de création de la nouvelle administration des Bourbons, la Guerre de Succession permet de résoudre quelques-uns des problèmes posés par le système de contrôle des dépenses militaires qu’a imposé Orry. Dès le début, il est patent que la cohabitation entre une caisse particulière pour la guerre (ce qu’est au fond la Trésorerie Générale de la Guerre) et la Trésorerie Générale tout court est compliquée. Les échecs répétés de la Trésorerie Générale de la Guerre pour attirer dans sa caisse des ressources fiscales et financières conduisent à sa dissolution et à la création d’une Trésorerie Générale plus puissante, qui réunit les deux autres7. Le modèle administratif construit par Orry pour la Trésorerie Générale de la Guerre est alors adopté dans cette nouvelle Trésorerie Générale (Tesorería General). Tout le système est fixé définitivement en 1718, quand l’État délimite clairement les charges et responsabilités des principaux agents chargés de contrôler la dépense militaire8.

    4L’importance de l’Instruction Royale de 1718 dans le processus d’unification des Finances Royales des Bourbons est bien connue9, mais à notre sens, on n’a pas suffisamment souligné son rôle clef dans le processus de contrôle de la dépense militaire. Or, celui-ci ne fait pas de doute si l’on se souvient que la nouvelle structure administrative de contrôle de la dépense militaire perdure sans changement majeur jusqu’au règne de Ferdinand VI10. Nous ne disons rien de neuf ici, puisqu’un manuel des finances publiques du milieu du XIXe siècle faisait déjà ce commentaire, datant de 1718 le début d’une réorganisation des relations entre Finances Royales et Finances Militaires11.

    5En vertu de l’instruction de 1718, le contrôle de la dépense de guerre dépend des finances royales, devant s’exercer à travers le Secrétariat aux Finances, le Trésorier Général et les Intendants. Les intendants sont la clef du système. La couronne leur assigne une longue liste de fonctions et responsabilités dans le gouvernement local et régional, ainsi que la promotion économique de leurs juridictions. Le gouvernement distingue les intendants de provinces de ceux d’armée, selon qu’il y a des troupes dans leur juridiction ou pas12. Cette division n’a guère intéressé l’historiographie, plus attentive à la nouveauté des fonctions de promoteur du développement économique et social13, alors que ce sont précisément les tâches de gestion de la dépense militaire qui prévalent, nous le verrons. Ainsi, si l’on a à l’esprit le développement inégal des différents types d’intendants, il convient de dater de ce moment précis le début du renforcement des intendants d’armée.

    6Dès le début, le gouvernement affiche sa ferme intention de donner la priorité aux intendants d’armée face à ceux de provinces. De fait, les premiers bénéficient de son soutien lors de la première crise – la plus grave – de la nouvelle institution. Pour une partie de l’historiographie, ce que l’on a appelé la « crise des intendances de 172114 » met en lumière le refus des pouvoirs traditionnels de cohabiter avec les intendances. En 1720, le Conseil de Castille propose ouvertement de supprimer l’institution, se faisant l’écho des nombreuses critiques formulées par les corrégidors, de l’opposition des capitaines généraux qui, tels ceux de Catalogne et des Canaries, voient dans l’intendant une intromission dans leurs propres compétences15. Assailli par des critiques largement relayées par le Conseil de Castille, le gouvernement analyse la situation dans une junte spéciale et finit par supprimer les intendants de province, mais pas ceux d’armée16. L’interprétation donnée habituellement à cette suppression, qui, nous insistons, est partielle, est qu’elle paralyse le processus de développement de l’intendance en tant qu’institution. Ainsi, selon Gisela Morazzani, « les intendants passent au second plan, étant réduits aux fonctions des anciens surintendants des recettes royales17 ». Pour Enrique Orduña, les intendants sont comme « une réserve de fonctionnaires » dans laquelle on pourra puiser quand en 1749 se produira « l’implantation définitive des intendances18 ». Cependant, nous considérons que pour ce qui concerne le contrôle de la dépense militaire, l’on pourrait presque dire le contraire : les neuf intendants demeurés en place, ceux d’armées, conservent toutes leurs fonctions en ce qui concerne la dépense militaire et leur présence géographique19. Il est donc permis de supposer que le gouvernement a accepté de supprimer ce qui était le moins important pour conserver ce qui l’était vraiment pour l’État, à savoir le contrôle de la dépense militaire. En tout état de cause, sa persistance donne aux intendants d’armée une prééminence qui se confirme au cours des années suivantes.

    7Pendant le reste du règne de Philippe V, les intendants d’armée restent la voie principale du contrôle de l’argent de l’activité militaire, ce rôle se renforçant. La refondation en mars 1726 de la Trésorerie Générale (Tesorería General) supprimée à l’issue de la crise de 1720 permet de renforcer la suprématie indiscutable du Trésorier Général, et donc la subordination des intendants d’armée aux ordres de paiement transmis par le Trésorier Général, soit au Secrétariat des Finances20. Désormais, le contrôle direct du gouvernement sur la dépense militaire peut être, en théorie, total. La raison que l’on donne alors pour accroître le contrôle du Trésorier Général sur les trésoreries d’armées des intendances est que « dans le paiement des armées il y a toujours eu de l’irrégularité ». Pour y mettre fin, l’intendant d’armée ne pourra plus ordonner de dépense sans l’approbation expresse du Trésorier Général. Ainsi, toute la dépense militaire paraît contrôlée, pour la première fois, depuis Madrid. Toutefois, la mesure n’est que partielle, car l’on re-crée une certaine autonomie dans la comptabilité des intendances d’armée. Ainsi, les comptes de chaque intendance d’armée deviennent indépendants, « sans refondre ces comptes dans celui de la Trésorerie Générale ». L’objectif, explique-t-on, est d’« éviter les confusions » avec la comptabilité de la Trésorerie Générale. Ceci suppose qu’est accordée une certaine indépendance à la comptabilité des intendances d’armée, chose qui, nous le verrons, sera supprimée définitivement plus tard, en octobre 1726, par Joseph Patiño. En outre, l’intendant d’armée conserve toutes ses fonctions de contrôle de ce qui touche à « la paye des troupes, des Officiers Généraux, des États Majors et de l’Artillerie », de même que la capacité de contrôler directement payeurs et contrôleurs21. Ainsi, la dépendance directe des intendants à l’égard du Secrétariat aux Finances s’accroît, par le biais de la Trésorerie Générale, tandis que la figure de l’intendant d’armée s’affirme dans toute sa plénitude, se maintenant sans changement jusqu’en 1749. La « disparition » des intendances en 1721, par conséquent, n’affecte pas réellement le projet de gérer directement la dépense militaire.

    8L’utilisation des intendants d’armée comme principale voie du contrôle permanent de la dépense militaire est de nouveau confirmée en 1749. Chacun sait en effet que projet du marquis de La Ensenada repose en grande partie sur les épaules de l’intendant. Ce que nous voulons montrer ici est que ce sont ici encore les intendants d’armée qui sont renforcés par cette initiative politique. L’instruction de 1749 a certes pour objectif principal de réintroduire des intendants de provinces dotés d’une plus grande capacité de contrôle sur les recettes fiscales, mais la réforme confirme aussi la supériorité des intendants d’armée. Dans la législation et dans la pratique, les intendants de provinces sont en effet d’authentiques subdélégués des intendants d’armées. Ainsi, en cas de conflit entre des intendances proches, « les uns et les autres » doivent observer « tout ce qui leur sera indiqué par le biais de l’intendant d’armée22 ». Cette prééminence se reflète clairement dans l’échelle des salaires : tandis que la solde annuelle d’un intendant d’armée est d’environ 75 000 réaux de billon, le plus haut salaire étant celui de l’intendant d’armée de Catalogne, qui perçoit 85 000 réaux, un intendant de province touche moins de 50 000 réaux, et ceux de troisième classe seulement 30 000 réaux. En d’autres termes, le salaire d’un intendant d’armée peut être double de celui d’un intendant de province, et le salaire d’un intendant de province égal à celui que reçoit tout trésorier ou contrôleur d’armée qui travaille auprès d’un intendant d’armée. Ces importantes différences de salaire perdurent jusqu’à la fin du siècle (cf. tableau n° 123). Si le salaire est un bon indice de l’importance accordée par le gouvernement aux différents intendants, la réapparition des intendants de province met en évidence la suprématie dont jouissent les intendants d’armée.

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    Distribution géographique et salaires des intendances.
    * Les catégories « ministres » et « contrôleur » du tableau correspondent aux échelons inférieurs des emplois de responsables de l’administration des finances militaires. Le premier est employé dans de petites administrations. Le second est une réminiscence d’un emploi qui a eu plus d’importance sous les Habsbourg, puisqu’il était chargé de contrôler le commandement militaire. Au XVIIIe cet emploi n’existe plus que dans le district de la côte de Grenade.
    ** N.d.t. : Le bureau des virements royaux, créé en 1748. En 1752, les Trésoriers Généraux furent chargés d’assumer sa direction pendant l’année où ils cessaient leur exercice de Trésorier et rendaient leurs comptes (Pulido Bueno : 1994).
    Sources : données de 1750 : Portugués : 1764, fol. 293 ; données de 1793 : AHN, FC-MH, leg. 229.

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    Distribution géographique et salaires des intendances.

    9Le renforcement des intendants d’armée permet d’améliorer leur position, y compris face aux plus grandes autorités militaires, en particulier le plus grand rival de l’intendant d’armée, le capitaine général. Les études disponibles montrent que l’opposition des capitaines généraux aux intendants d’armées, manifeste dès leur création, continue pendant la première moitié du XVIIIe siècle24. Cette opposition est liée à la perte progressive de pouvoir des capitaines généraux dans le domaine de leurs responsabilités économiques. Ainsi, la suppression des gratifications traditionnelles pour l’armement, le début de la fourniture des forces armées par l’État ou la perte des paiements reçus au titre de la fabrication des uniformes dans le cadre de contrats avec des entrepreneurs réduisent les possibilités de malversation et d’affaires privées des chefs militaires. De fait, une bonne partie des besoins des différents corps sont satisfaits par le biais de contrats signés dans les intendances ou à Madrid, toujours sous le contrôle de l’intendant, et non par les autorités militaires25. D’autre part, l’apparition des inspecteurs et des directeurs généraux des différentes armes, nommés par le Secrétaire à la Guerre, contribue aussi à réduire la marge de manœuvre économique des chefs militaires26.

    10Dans ce climat de réduction des compétences économiques des capitaines généraux, le gouvernement profite de la re-création des intendants de province pour soutenir les intendants d’armées dans leurs conflits constants avec leurs rivaux. Pour parvenir à améliorer de façon significative la prééminence sociale d’un civil sur un militaire, le gouvernement accorde aux intendants d’armée le plus haut rang militaire. En 1749, Ensenada donne la condition de Maréchal de Camp aux intendants d’armée, avec l’uniforme, ordonnant que ce rang devra « leur être reconnu par les Capitaine Généraux et les Officiers Généraux27 ». Ce privilège est si important dans cette société qu’il est bientôt réclamé par le reste des intendants de province. La réponse du gouvernement aux prétentions de ces derniers ne saurait être plus claire, ne laissant aucun doute sur la hiérarchie des intendances. En effet, il déclare catégoriquement que le texte traitant de ces honneurs « ne se réfère qu’aux intendants d’armée28 ». Ainsi, si Puységur avait indiqué que l’objectif de ces réformes était d’ôter aux capitaines généraux le maniement de l’argent, Ensenada peut conclure que l’on y est parvenu grâce à l’entêtement avec lequel le gouvernement s’efforce, pendant tout le règne de Philippe V, de confier le contrôle des finances militaires aux intendants d’armée et à leurs trésoreries.

    Le contrôle des intendances d’armée

    11La principale raison d’être de la permanence et du renforcement des intendants d’armée n’est autre que la possibilité offerte au Secrétariat aux Finances d’un contrôle direct sur les ressources assignées à l’activité militaire. Toute l’organisation interne de l’intendance d’armée, ses différentes charges et son fonctionnement sont supervisés directement par le Secrétariat aux Finances au détriment du Secrétariat à la Guerre. Durant tout le siècle, ces deux Secrétariats sont en conflit ouvert, chacun voulant contrôler les intendances d’armée et la nomination de leur personnel. D’une part, le Secrétariat aux Finances ne peut tolérer l’intromission du Secrétariat à la Guerre dans les intendances d’armée, car ce serait là une source d’affrontement prévisible entre les deux Secrétariats. D’autre part, il ne peut consentir à ce que les intendances d’armée développent une capacité de gestion autonome, car ce serait revenir à la situation de départ. Le Secrétariat aux Finances doit renforcer l’intendance d’armée pour pouvoir déployer son projet de contrôle des finances militaires, mais en même temps, il est obligé de défendre l’exercice de ce contrôle face aux aspirations des militaires et de l’intendance d’armée elle-même. Pour parvenir à ce double objectif, contrôle et défense, le Secrétariat aux Finances impose une supervision rigoureuse de l’organisation de l’intendance d’armée.

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    Contrôle de la l’organisation de l’intendance d’armée.

    12Dans le schéma no 1, nous avons résumé l’organisation de l’intendance d’armée du point de vue du contrôle des finances militaires. La structure interne de l’intendance repose sur quatre charges : l’intendant, le contrôleur, le trésorier et les commissaires ordonnateurs et commissaires des guerres. Au sommet, l’intendant d’armée, dont les fonctions demeurent fondamentalement celles qui lui sont assignées en 1718, soit « la subsistance, économie et police en général de toute l’Armée », ce que l’instruction explique : « ce qui consiste en la fourniture de leur avoir en argent et de leur entretien en vivres29 ». Ce qui est important du point de vue du contrôle est que toute son activité est déterminée par les ordres du Secrétariat aux Finances et l’assignation de ressources distribuées par la Trésorerie Générale. Ce double système de contrôle (Secrétariat aux Finances et Trésorerie Générale) se révèle très efficace pour brider toute autonomie de l’intendant.

    13La fonction complémentaire donnée à l’intendant en 1749, de contrôle du recouvrement des recettes fiscales dans ses juridictions, aurait pu renforcer son autonomie. Cette capacité financière de l’intendant comporte un danger réel, car son accès direct au recouvrement des impôts pourrait conduire l’intendant à établir des priorités de dépense qui contredisent les ordres donnés par le Trésorier Général. Sans parler de malversation, les intendants peuvent, par exemple, considérer qu’il est plus opportun ou urgent de payer la troupe dans leur juridiction que de réserver les fonds pour un paiement postérieur ou une dépense au loin accordée par la Trésorerie Générale. La couronne essaie de prévenir expressément ce risque en ordonnant en 1750 que l’intendant ne puisse sous aucun prétexte disposer d’un paiement sans en informer préalablement « le Ministre des Finances royales pour son approbation et que l’avis nécessaire soit transmis au Trésorier Général pour qu’il consigne un fonds30 ». Un intendant qui pourrait agir en marge du Trésorier Général ou du Secrétariat aux Finances invaliderait l’essence même du contrôle que le Secrétariat aux Finances prétend exercer sur les ressources financières et la dépense militaire. Cependant, certains éléments montrent que malgré les précautions initiales prises par l’État, la tension entre intendants et Trésorerie Générale, qui s’affrontent pour le maniement des fonds, est croissante, jusqu’au moment où le conflit est tranché en faveur du Trésorier Général, soutenu explicitement par le Secrétariat aux Finances31. De la sorte, le tout puissant intendant d’armée ne parvient pas à échapper à la tutelle du Secrétariat aux Finances. Au contraire, l’année 1749 est à la fois l’apogée et le début d’un lent déclin de la figure de l’intendant comme figure politique dotée de capacité et d’autonomie32.

    14En dessous de l’intendant d’armée, se trouve le contrôleur, responsable du bureau de contrôle de l’armée établi dans chaque intendance d’armée. Sa fonction est de contrôler l’entrée et la sortie des fonds publics destinés à l’entretien de la troupe et à l’activité militaire, tout en jouant le rôle d’un contrôleur des contrats militaires passés par les intendants33. Même si, organiquement, ce fonctionnaire est placé sous les ordres de l’intendant, il convient de signaler qu’il a un haut niveau d’autonomie face à lui34. Tout d’abord, parce que le contrôleur contrôle tous les paiements ordonnés par l’intendant (et autorisés par la Trésorerie Générale), sans quoi ces paiements ne pourraient être matérialisés. Ensuite, parce que le contrôleur ne rend compte de sa gestion qu’au Secrétariat aux Finances, à travers la Grand Chambre des Comptes, et non à l’intendant. Comme l’a indiqué Rafael Gibert, le pouvoir et l’autorité du contrôleur peut être supérieur à celui que l’on pourrait attribuer à un subordonné de l’intendant. De fait, à la différence de l’évolution des intendants, le pouvoir des contrôleurs va croissant quand, à partir de 1763, outre le contrôle de la dépense militaire, chaque contrôleur se voit confier le contrôle des finances municipales, devant envoyer des résumés mensuels de son bureau au gouvernement à partir de 178735. Ainsi, ce ministre est un authentique contrepoids de l’intendant dans l’intendance d’armée, qui dépend toujours du Secrétariat aux Finances.

    15La figure du contrôleur d’armée se situe aussi nettement au-dessus de celle de l’autre grand fonctionnaire de l’intendance d’armée, le trésorier d’armée, sur lequel il a une claire prééminence sociale. La tâche fondamentale des trésoriers d’armée est de rendre effectifs les ordres transmis par l’intendant et visés par le contrôleur. Le gouvernement prévient la moindre possibilité que les trésoriers agissent en marge du Secrétariat aux Finances en accord avec l’intendant. Les trésoriers d’armée dépendent directement du Trésorier Général, qui les nomme et les paye, et leur promotion est supervisée, en outre, par le Secrétaire aux Finances. Cela dit, le contrôle des trésoriers d’armée par le Trésorier Général n’est pas une réalité depuis le début. Comme on l’a vu plus haut, la réorganisation de la Trésorerie Générale en mars 1726 a ouvert la voie à une dangereuse marge d’autonomie comptable des trésoreries d’armée, dont les comptes étaient alors révisés exclusivement par la Grand Chambre des Comptes. La séparation de fait entre les comptabilités de la Trésorerie Générale et les Trésoreries d’Armée est alors justifiée par le souci d’éviter la confusion des comptes36, mais il ne fait aucun doute que son maintien peut faire obstacle au contrôle du Trésorier Général sur ces trésoreries. Cette situation est finalement résolue en octobre 1726, lorsque, nous le verrons, les trésoriers d’armée sont placés sous le contrôle total du Trésorier Général, une disposition expressément confirmée en 1748. Cette même année, en outre, est implanté dans les Trésoreries d’armée un système d’alternance annuelle, qui est mis en œuvre au niveau de la Trésorerie Générale en 1753 et contribue puissamment à renforcer le contrôle exercé sur le travail de ces trésoriers. Comme le rappelle le Ministre des Finances en 1775 : « L’alternance entre trésoriers accroît toujours la sécurité des fonds car il est logique qu’à la fin du mois de décembre de chaque année on coupe le compte de celui qui est en exercice, comme on le fait dans les trésoreries d’armée, le tout étant placé sous le contrôle obligatoire du contrôleur et de l’intendant37. »

    16Plus tard et pendant le reste du siècle, les trésoriers d’armée sont de simples appendices de la Trésorerie Générale. Les Trésoriers Généraux eux-mêmes se chargent de rappeler à tout moment que ces trésoriers d’armée servent leur charge exclusivement et littéralement « au nom du sieur Trésorier Général38 ». Ce lien entre le Trésorier Général et les trésoriers d’armée est si étroit que les cas ne sont pas rares où un trésorier d’armée est en conflit ouvert avec son intendant d’armée, comme le trésorier d’armée d’Aragon, en 1774, quand « ce trésorier a publié dans cette Ville (Saragosse) qu’aucun chef n’est supérieur aux Trésoriers Généraux39 ». Ainsi, tout autorise à croire que le trésorier d’armée préfère satisfaire les demandes du Trésorier Général, plutôt que celles de l’intendant, ce qui, uni au déclin progressif de la figure de l’intendant et au renforcement du contrôleur, peut avoir contribué à empêcher toute évolution qui aurait permis aux trésoriers d’armée d’échapper au contrôle direct du Secrétaire aux Finances.

    17Ainsi, les trois grandes charges de l’intendance d’armée demeurent sous le contrôle direct du Secrétariat aux Finances. La situation est plus confuse au dernier échelon de l’intendance d’armée, celui des commissaires. Les commissaires ordonnateurs, qui travaillent dans les intendances d’armées, et ceux des guerres, que l’on peut envoyer partout où il y a des troupes, sont les fonctionnaires les plus proches des troupes. Ils sont chargés de « faire la revue », soit de faire les inspections et les vérifications nécessaires du nombre des hommes et des animaux, d’évaluer les matériaux et les installations militaires. Ce groupe de fonctionnaires est le seul dans l’intendance d’armée à échapper au Secrétariat aux Finances, puisqu’il dépend du Secrétariat à la Guerre. Cela dit, ici aussi, l’on peut observer la même tendance interventionniste que pour les autres fonctionnaires de l’intendance d’armée. Le Secrétariat aux Finances ne renonce pas au contrôle des commissaires, d’où un conflit avec le Secrétariat à la Guerre, surtout pendant la seconde moitié du siècle. Tout semble indiquer que la présence d’Esquilache au gouvernement permet de remettre en cause la tutelle traditionnellement exercée par le Secrétariat à la Guerre sur les commissaires. D’après un rapport de 1787, « ces emplois ont été pourvus par le Secrétariat à la Guerre jusqu’en 1760, où il a été ordonné qu’ils le soient par celui des Finances. La résolution a pris effet et on les a pourvus par cette voie jusqu’en 1766 ». La chute d’Esquilache et l’entrée de Muniain au Secrétariat à la Guerre met fin aux avancées obtenues par le Secrétariat aux Finances. Cependant, de façon significative, à l’arrivée d’un autre Secrétaire aux Finances connu pour son interventionnisme, Lerena, les postes de commissaires sont à nouveau réclamés par le Secrétariat des Finances et échappent à celui de la Guerre. La question n’est pas tranchée facilement. D’après le même document, en raison du fait que « le Ministère de la Guerre avait réclamé les commissariats, en conséquence, on a opté pour le moyen terme suivant : que le Ministre de des Finances et celui la Guerre les pourvoient tour à tour40 ». En réalité, Lerena prétendait accroître encore le contrôle du Ministère des Finances sur les intendances d’armée, de sorte qu’aucune des charges de l’intendance d’armée ne lui échappe. S’il finit par accepter un compromis, et pour les seuls commissaires, c’est pour obéir à la décision de Floridablanca, soumis à des pressions41.

    18De la sorte, l’État non seulement entretient l’institution de l’intendance d’armée tout au long du XVIIIe siècle, mais exerce un contrôle effectif sur les principaux agents chargés de sa gestion. Il évite qu’un intendant d’armée renforcé puisse atteindre une certaine autonomie sous le prétexte de l’importance stratégique accordée à sa capacité de dépense et à son contrôle des recettes. L’État préfère que l’intendant et l’intendance d’armée soient soumis à un double contrôle, externe – celui du Trésorier Général – et interne – celui du trésorier d’armée et du contrôleur. Le Secrétariat aux Finances obtient ainsi un contrôle absolu des intendances d’armée, qu’il étend même aux commissaires, dernier échelon de l’intendance qui lui a échappé pendant la première moitié du siècle. Le contrôle de la dépense militaire n’échappe pas aux mains des militaires pour se perdre dans les structures complexes de l’administration civile. Au contraire, notre conclusion est que la dépense militaire est sous le contrôle d’un tout petit nombre de fonctionnaires supervisés directement par le Trésorier Général et par extension le Secrétaire aux Finances.

    Le contrôle de l’argent. La militarisation des Finances Royales

    19Nous sommes convaincu que ce processus de contrôle croissant du Secrétariat aux Finances sur les intendances d’armées est à l’origine d’une symbiose surprenante entre les finances royales et militaires. Nous allons tenter de le montrer, les structures administratives construites pour contrôler la dépense militaire sont aussi utilisées par les finances royales dans leur développement. Pour des raisons encore mal connues, les finances royales préfèrent utiliser ces structures au lieu d’en créer de nouvelles ou de solliciter d’autres structures existantes, comme les Directions Générales des Recettes. Le résultat est, selon notre hypothèse, une « militarisation » des finances royales qui va bien au-delà de l’objectif initial de contrôle de la dépense militaire.

    20Après le contrôle des emplois chargés de la gestion de la dépense militaire, le second front est le contrôle de l’argent employé dans la dépense militaire, de sa circulation et de sa comptabilité. De fait, nous pensons que la circulation des fonds est bien le moteur qui conduit à la « militarisation » des finances royales. L’une des étapes majeures dans la prise de contrôle de l’argent est l’initiative prise par la Trésorerie Générale pour mettre fin à l’autonomie comptable qui subsiste dans les trésoreries d’armées. Dans la continuité des dispositions adoptées par Patiño à partir de 1726, le Trésorier Général Nicolás de Francia, lorsqu’il présente au roi le compte de la Trésorerie Générale de l’année 1752, souligne combien il est difficile d’obtenir une connaissance exacte et actualisée des dépenses de la couronne, désignant comme principaux coupables les trésoriers d’armées42. En effet, ils présentent leurs comptes tard et mal. Leurs comptabilités sont pensées pour passer l’épreuve du contrôle de la Grand Chambre des Comptes et non pour informer rapidement le Trésorier Général. D’après Nicolás de Francia, la seule solution est que les comptes des trésoriers d’armée, qui, déjà, « sont refondus dans celui du Trésorier Général », soient soumis à des règles plus rigoureuses et plus explicites, rendant ces comptes plus homogènes. Sa proposition, finalement approuvée fin 1753, est simple. Désormais, tous les trésoriers d’armées utiliseront la même comptabilité que la Trésorerie Générale43. Pour y parvenir, le marquis de La Ensenada accepte que toutes les parties du compte, tant de la dépense que de la recette, soient classées en fonction de leur nature, tout comme dans la Trésorerie Générale.

    21Cette unification comptable facilite le contrôle du Trésorier Général, qui peut réunir plus rapidement l’information issue de toutes les trésoreries d’armée à tout moment et connaître la situation réelle des fonds et dépenses, sans devoir attendre que la Grand Chambre des Comptes informe la Trésorerie Générale plusieurs mois ou plusieurs années après. Pour rendre plus facile cette présentation uniforme et rapide de rapports, le Trésorier Général propose que dans les cas où les trésoreries d’armée ont une comptabilité précise par régiment, comme c’est leur obligation, elles doivent désormais faire des résumés mensuels par corps « comme on le fait dans la Trésorerie Générale » et les remettre directement à celle-ci « après qu’ils auront été contrôlés et visés par les contrôleurs et les intendants d’armée ». de la même façon, leur compte final doit être présenté directement à la Trésorerie Générale, avec les mêmes catégories que le compte du Trésorier Général, dans des délais brefs et impératifs44. La règle est maintenue sans coup férir pendant le reste du siècle.

    22En même temps, cette unification comptable ouvre la voie au contrôle de la circulation de l’argent, essentielle au développement des finances royales. Ainsi, les trésoriers d’armée enregistrent toute recette comme si l’argent leur était remis par le Trésorier Général, tandis que toute dépense est supposée faite par lui. Cela suppose d’instituer le principe sur lequel se fonde la connaissance de la circulation des fonds dans les finances royales : le contrôle comptable. En d’autres termes, s’il est important d’envoyer les fonds physiquement d’une trésorerie à l’autre, il l’est plus encore que le Trésorier Général sache à tout moment où sont les fonds, soit en argent soit en crédit. À travers la comptabilité, le Trésorier Général peut connaître et distribuer les fonds en fonction de l’urgence du moment. Il suffit de compenser fonds disponibles ou crédits entre trésoreries, ce qui réduit considérablement le mouvement physique de l’argent. Grâce à l’unification comptable, tout fonds entré dans la caisse d’un trésorier d’armée est tenu pour effectif dans la Trésorerie Générale, et inversement. Il est probable que ce choix d’un contrôle comptable obéit avant tout à des raisons économiques, car il revient moins cher de savoir où sont les fonds que de les transporter. Mais en outre, il ne fait nul doute que cette organisation permet aux trésoreries d’armée de se comporter comme des agences des finances royales détachées sur le territoire45.

    23Il convient de se demander si au milieu du XVIIIe siècle, il existait une alternative à ce choix de faire reposer la Trésorerie Générale sur des trésoreries d’armée. Or, on aurait pu envisager de faire reposer ce contrôle qu’exerçait la Trésorerie Générale sur les Directeurs Généraux des Recettes. Les Bourbons ayant unifié leurs recettes fiscales et mis en régie directe une partie d’entre elles, on peut raisonnablement penser qu’il était possible de faire passer le contrôle de la circulation de l’argent par les trésoreries des recettes fiscales, et avec ce contrôle, la coordination des finances royales. Ces trésoreries et ces administrations des recettes présentaient en outre un avantage sur les trésoreries d’armée, leur vaste implantation géographique, qui aurait permis au Trésorier Général d’atteindre le moindre recoin du royaume. En d’autres termes, il existait bien, en théorie, une alternative aux trésoreries d’armée. Si on l’avait voulu, l’on aurait pu articuler tout le contrôle autour des figures de Directeurs Généraux des Recettes, et de là remettre les fonds nécessaires à la dépense militaire. Ceci aurait entraîné un plus grand développement de finances royales plus « civiles ». Cependant, l’on opte au contraire pour le renforcement des trésoreries d’armée.

    24Les finalités immédiates de l’administration fiscale, la satisfaction et le contrôle de la dépense militaire, pèsent lourdement sur ce choix de soutenir les trésoreries d’armée. Le Trésorier Général Nicolás de Francia lui-même indique quel est le sens fondamental de la circulation de l’argent en Espagne : des trésoreries des recettes à celles d’armée, directement. Il n’est même pas nécessaire que les fonds transitent par Madrid. Il faut les transporter ou les mettre à disposition des trésoriers d’armée par le biais de crédits et d’harebuenos46, comme s’ils avaient été remis au Trésorier Général47. On considère donc que les trésoreries des recettes locales ou principales ne sont que des étapes transitoires, la destination finale de l’argent étant la trésorerie d’armée.

    25La possibilité que les trésoreries des recettes connaissent une évolution différente disparaît définitivement en 1759, lorsque se met en place ce que la documentation appelle « la façon de faire les paiements des consignations du Trésorier Général48 ». Depuis 1753, la prétendue unification comptable du Trésorier Général s’est faite de façon très inégale. Le Trésorier Général a constaté plus souvent qu’il n’aurait voulu que des consignations et des harebuenos émis sur des trésoreries de recettes ne pouvaient être payés faute de fonds disponibles sur place. Le problème est que le Trésorier Général ne connaît pas précisément les disponibilités de ces trésoreries. Aussi, les « faillites » de celles-ci se sont-elles multipliées. Pour assurer « la sécurité des fonds du roi et la satisfaction rapide de ce qui est consigné et assigné, pour la conservation de la cause publique », le comte de Valparaiso ordonne aux Directeurs Généraux des Recettes de faire remettre à l’avenir par tous les trésoriers des recettes les fonds qui leur resteront aux trésoriers d’armées les plus proches, après paiement des consignations ordinaires, et ce « immédiatement ». Il s’agit de concentrer les ressources dans quelques mains supervisées directement par le Trésorier Général. Les trésoriers d’armée se chargeront de faire directement tous les paiements et « là où il n’y a pas de ces trésoriers on ne peut suivre cette règle, aussi faut-il que ce soient les trésoriers d’armée ou de marine, suivant la même règle, qui distribuent par leurs harebuenos la consignation du fonds disponible dans la caisse des trésoriers des recettes49 ». Ainsi, toute la gestion de la dépense est principalement aux mains des trésoriers d’armée, qui ont les fonds physiquement et la capacité de consigner. Les trésoreries des recettes sont là pour satisfaire leurs demandes, ce qui confirme leur fonction d’étape transitoire dans la circulation de l’argent.

    26Les choses deviennent plus nettes encore pendant le ministère du marquis d’ESquilache. Le nouveau Secrétaire aux Finances finit de vider les trésoreries des recettes de leur contenu, au profit des trésoriers d’armée. En 1760 sont réorganisées les régies des recettes. L’on établit alors que chaque trésorier des recettes, une fois payés les salaires et frais d’administration, a la responsabilité de faire parvenir les fonds restants dans sa trésorerie aux trésoreries d’armée auxquelles « il faut transmettre immédiatement tout ce qui sera disponible en fin de mois50 ». Les fonds ne peuvent donc rester dans les trésoreries des recettes plus d’un mois, tout devant être versé aux trésoreries d’armées. Par cette mesure, Esquilache réduit la capacité de dépense des trésoreries des recettes et la possibilité pour elles d’évoluer vers une fonction autre que le recouvrement des impôts. Au cours des années suivantes, le Secrétariat aux Finances insiste pour maintenir ce flux constant et rapide de fonds des trésoreries des recettes vers celles d’armées. Miguel Múzquiz ordonne en 1768 aux Directeurs Généraux des Recettes et à l’Administrateur Général de la recette du tabac de ne différer l’envoi sous aucun prétexte : ils feront envoyer « sans retard aux trésoreries d’armée qui conviendront tous les fonds existants51 ». Ces ordres ne sont pas des décisions ponctuelles motivées par l’urgence, mais sont présentées comme la norme à suivre en tout temps. Cela dit, en cas d’urgence, le séjour de l’argent dans les trésoreries des recettes peut être encore abrégé. Cela se produit lors de la guerre contre la Grande-Bretagne en 1781. Múzquiz demande alors qu’on n’attende pas la fin du mois pour faire les envois aux trésoreries d’armées. Il faut envoyer chaque « semaine, tout le rendement liquide des recettes du roi, dans les espèces où elles seront perçues, sans rien laisser dans leurs trésoreries52 ». La priorité de la guerre et de ses urgences contribuent à alimenter l’afflux des fonds vers les trésoreries d’armée, réduisant d’autant les possibilités des trésoreries des recettes.

    27Tout semble indiquer qu’aucune administration de recette n’a dans ses trésoreries de capacité suffisante, et que les fonds recouvrés n’y restent pas assez longtemps pour que ces trésoreries connaissent une évolution différente. Sans aucun doute, c’est celle de la recette du tabac, un monopole fiscal, qui a été le plus près d’y parvenir. Comme l’a montré Agustín González Enciso, la recette du tabac peut jouer le rôle d’intermédiaire financier des finances royales, notamment en satisfaisant des crédits et des consignations sur les fonds qu’elle recouvre53. Pourtant, même dans ce cas-là elle n’échappe pas tout à fait à la dépendance envers les trésoreries d’armée. Au contraire, les finances royales semblent se freiner elles-mêmes au moment de destiner ces recettes au paiement de plus de consignations et d’hypothéquer leur revenu, essentiellement parce que celui-ci est indispensable au soutien de l’armée54. La recette du tabac ne parvient jamais à aller au-delà de sa dimension fiscale ni à échapper à sa fin ultime, mettre ses fonds à disposition du Trésorier Général et des trésoriers d’armée. En outre, pour les Trésoriers Généraux, cette recette est bien la seule à accomplir efficacement la tâche confiée à tous les trésoriers de recettes, remettre sans tarder les fonds recouvrés aux trésoriers d’armée. Ainsi le marquis de Zambrano, Trésorier Général, demande aux Directeurs Généraux de veiller à « cette disposition générale, si souvent répétée, et si indispensable au gouvernement de la Trésorerie Générale (Tesorería Mayor, sic) : de transmettre en fin de mois aux trésoreries d’armées Tous les produits des recettes, comme le fait la Recette du Tabac55 ».

    28Un autre élément peut avoir contribué à renforcer les trésoreries d’armée au détriment de celles des recettes, la plus grande difficulté pour le Trésorier Général d’un contrôle des administrations des recettes. Les trésoriers d’armée sont peu nombreux (neuf) et sont nommés par le Trésorier Général. Les administrateurs et agents des recettes sont des milliers et sont contrôlés par les Directeurs Généraux des Recettes. En outre, les relations entre le Trésorier Général et les Directeurs des Recettes se font par l’intermédiaire du Secrétaire aux Finances, dans un climat de rivalité et de méfiance.

    29Les réticences des Trésoriers Généraux pour l’emploi ou la mobilisation de ressources existantes sont liées au manque d’information sur les fonds réellement disponibles. Les exemples sont infinis, mais un cas permettra d’illustrer la difficulté à laquelle ils sont confrontés quand ils demandent des détails précis aux Administrateurs Généraux des Recettes. Il existe alors un fond dit de « milices », prélevé par le biais d’une taxe supplémentaire sur le sel et destiné aux milices provinciales. Ces forces étant réparties sur des territoires étendus, le Trésorier Général donne des ordres exprès de conserver les fonds dans les trésoreries des recettes, à sa disposition. Or, lors d’une occasion où il a un besoin urgent du fonds, il demande aux Directeurs Généraux des Recettes de l’informer sur la quantité disponible et sa localisation géographique. Pour son plus grand dépit, les Directeurs lui répondent ne pas pouvoir l’informer avant huit mois car ils ont l’habitude de ne faire le décompte général de ce fonds qu’en « août de chaque année56 ».

    30Il est difficile de travailler avec un flux d’information dont la lenteur est parfois même favorisée par la loi. Ainsi, ce n’est que depuis 1755 que les trésoreries des recettes sont obligées de présenter leur compte au Tribunal de la Grand Chambre des Comptes « tous les deux ans57 ». Certes, en pratique, une plus grande agilité dans la circulation de l’information sur les fonds existants dans les trésoreries s’impose, toujours avec l’idée de faire des visites de caisse et d’informer chaque fin de mois. La comptabilité mensuelle de la Recette du Tabac est un succès à cet égard. Pourtant, pour le Trésorier Général, travailler avec les trésoreries des recettes revient à évoluer sur un terrain instable où l’imprécision des informations est la règle.

    31De la même façon, les responsables du Secrétariat aux Finances perçoivent le monde des administrations des recettes comme un secteur des finances royales qui échappe à tout contrôle, où l’on parle trop souvent de malversation de fonds dans les trésoreries des recettes. Ainsi, les accusations sont fréquentes, les Secrétaires aux Finances invitant les Directeurs des Recettes à faire en sorte que les administrateurs contrôlent leurs « agents » et adoptent une économie rigoureuse. Les cas sont variés, mais l’accusation principale adressée aux administrateurs et trésoriers des recettes est celle de maniement personnel et frauduleux des fonds. Ainsi, par exemple, on leur reproche de se livrer au commerce de grains avec les fonds de leur caisse, d’où des ordres sévères du Secrétaire aux Finances aux Directeurs Généraux des Recettes, pour qu’ils renforcent la vigilance sur la « conduite des administrateurs et trésoriers des recettes qui manient les fonds des finances royales dans le royaume, afin de prévenir les effets de la cupidité58 ». Dans ces maniements particuliers des administrateurs des recettes, on parle souvent de pure spéculation monétaire. En 1767, Miguel Múzquiz doit remédier en Aragon à la pratique qui veut que « les administrateurs et trésoriers des recettes de ce royaume font du commerce avec les recettes recouvrées, d’où il résulte non seulement ce préjudice que l’argent est payé avec beaucoup de retard à la trésorerie d’armée, mais en outre, que presque tout est remis en billon, de sorte que si on n’y remédie pas les finances royales devront payer le change en monnaie d’argent, ce qu’il faut éviter ». Pour résoudre ce problème « et d’autres cas », la solution, une fois de plus, est de faire mettre « dans des caisses toutes les semaines les fonds qui seront produits par les recettes dans les monnaies où ils auront été reçus, les administrateurs généraux devant remettre en fin de mois aux trésoriers des armées ce qu’ils auront au titre de ces recettes59 ».

    32Il semble que la spéculation des trésoreries des recettes se fait avec toute sorte de monnaie, même les vales reales. Ainsi, le Trésorier Général se plaint à plusieurs reprises au Secrétaire aux Finances en 1782 du « nombre excessif de billets royaux que les trésoriers des recettes remettent aux trésoriers d’armées... il croit que les trésoriers font des affaires avec ces billets car il n’est pas normal qu’ils lui en remettent autant60 ». Dans certains cas, les marges de bénéfices sont significatives61. On peut en conclure que pour les finances royales, le maintien des fonds dans les trésoreries des recettes n’est pas une voie possible d’organisation de gestion des fonds, mais bien un problème, puisqu’il y a un risque réel de malversation des fonds par des agents peu contrôlés. Du point de vue du contrôle et de la confiance, pour le Trésorier Général, au contraire, les trésoreries d’armée offrent des avantages inverses. Par conséquent, elles sont plus efficaces et contribuent plus positivement à la gestion des finances royales. C’est pourquoi les trésoreries des recettes ne peuvent constituer une alternative efficace à celles des armées pour la gestion et le contrôle de la dépense.

    33Étant donné cette supériorité indiscutable des trésoreries des armées, il semble raisonnable que les finances royales multiplient les voies qui conduisent tout type de fonds dans leurs caisses. Ainsi, lorsque les évêchés qui ont l’administration de la contribution de l’Excusado62 indiquent au roi qu’ils ont du mal à trouver « une caisse ou trésorerie pour garder les recettes », la solution adoptée est de les envoyer aux trésoreries d’armées63. De la même façon, quand le Secrétariat aux Finances, en 1762, veut intensifier son contrôle sur la Généralité de Valence, il ordonne l’extinction de la « trésorerie indépendante » existante, afin que les fonds soient dorénavant déposés dans la trésorerie d’armée de Valence64. D’autres mesures vont dans le même sens, tel l’ordre donné en 1769 aux « administrateurs établis dans les villes où il y a des trésoreries d’armées » de leur remettre directement le produit des ventes des fabriques royales de San Fernando, Guadalajara et Brihuega65. En somme, par des voies très variées, les finances royales renforcent le flux des fonds destinés aux trésoreries d’armées, et par ce biais les fonctions et possibilités de ces trésoreries. En outre, les trésoreries d’armée jouent un rôle central dans quelques-unes des nouveautés majeures de la seconde moitié du XVIIIe siècle, la prise de contrôle des comptabilités municipales66, la localisation des dépôts publics et privés, mobilisés pour créer une dette publique67 ou encore l’articulation d’un marché des vales reales68.

    34Résumons-nous. L’effort de contrôle de la dépense militaire conduit l’État Bourbon à créer des structures administratives spécifiques, à les soutenir et à accroître leur capacité d’action. Ce processus permet d’arracher aux militaires le contrôle de la dépense de guerre, tout en permettant aux finances royales de tirer un parti nouveau des possibilités de contrôle offertes par ces structures. Le succès des réformes tient au soutien ferme et constant donné aux intendances d’armées, face à d’autres pouvoirs ou agents de la monarchie, tels le Conseil de Castille, les Capitaines Généraux, les intendants de province, et au contrôle étroit et direct exercé sur tous les emplois de chaque intendance d’armée. Pour éviter de donner un pouvoir excessif et une capacité d’autonomie aux intendants d’armée, le Secrétariat aux Finances et la Trésorerie Générale renforcent et contrôlent directement les contrôleurs, trésoriers et même commissaires, rivalisant ici avec le Secrétariat à la Guerre. Sur la base du renforcement des intendances d’armées et du contrôle de leurs principaux emplois, les finances royales préfèrent leur confier la gestion et le contrôle des fonds, plutôt qu’aux Administrations des recettes. Le gros des finances de la monarchie finit par circuler sous la supervision des intendances d’armée, car la finalité des finances royales est bien de soutenir l’armée, mais aussi parce que ce sont là les structures de contrôle les plus efficaces et les plus faciles à contrôler. Sans nul doute, les grands vainqueurs de cette « militarisation » des finances royales des Bourbons sont le Secrétariat aux Finances et la Trésorerie Générale. Les perdants sont les Administrations des recettes et la possibilité d’une structure financière plus civile et plus étendue.

    Notes de bas de page

    1 Sur l’effort de contrôle de la dépense militaire sous les Habsbourg, Esteban Estríngana, 2002 ; Rodríguez Hernández, 2007.

    2 Dubet, 2009, p. 159.

    3 La répartition des fonctions est similaire entre les officiers dits de la solde, les veedores, chargés du contrôle visuel des opérations et des revues, et les contrôleurs chargés de leur enregistrement et de la tenue des livres, et les payeurs. Esteban Estríngana, 2003 ; Rodríguez Hernández, 2007.

    4 Dubet, 2009, p. 184.

    5 Dubet, 2005.

    6 Dubet, 2009, p. 252.

    7 Torres Sánchez, 2009b.

    8 Real Ordenanza de Intendentes, 4-7-1718, Portugués, 1764, t. X, p. 3-142.

    9 Dedieu, 1994, p. 95.

    10 C’est à partir de 1813 que le système est modifié. Il est radicalement transformé après 1828. Pour une bonne analyse de ce changement, Teijeiro, 1995 ; Corpas, 2006.

    11 L’auteur, Toledano, écrit : « Ce fut l’origine dès lors (1718) de graves discussions entre les financiers et les hommes de gouvernement du siècle passé et du nôtre, sur la question de savoir s’il est opportun que l’armée ait ses pagadories particulières et son recouvrement distinct du recouvrement général ou si, au contraire, il est plus simple, plus économique et s’il n’y a pas d’inconvénient à ce que la direction et l’administration de toutes les finances de l’armée soit centralisée, sujette aux mêmes instructions et aux mêmes rouages administratifs que les finances publiques en général, question de la plus haute importance. » Selon l’auteur, elle fut résolue par la séparation entre administration militaire et administration des finances commune. Toledano, 1859, t. I, p. 636.

    12 « ma volonté est d’avoir des intendants d’armées séparées ou unis à ceux des provinces. Si vous êtes nommés intendant d’armée, seront à votre charge la subsistance, l’économie et la police en général de toute l’armée », Portugués, 1764, t. X, no 68, p. 55.

    13 Corona Marzol, 1990.

    14 Orduña Rebollo, 1997, p. 72.

    15 Castro, 2004, p. 359. Le conflit entre le général Valhermoso et l’intendant Ceballos, aux Canaries (1718-1724), fut particulièrement violent. Álamo Martell, 2000, p. 264.

    16 Pérez Fernández-Turégano, 2006, p. 83.

    17 Orduña Rebollo, 1997, p. 72.

    18 Ibid., p. 76-77.

    19 Les intendants d’armée sont toujours les neuf existants depuis 1718, ceux d’Aragon (Saragosse), Catalogne (Barcelone), Valence (Valence), Navarre (Pampelune), Majorque (Palma de Mallorca), Andalousie (Séville), Galice (La Corogne), Estrémadoure (Badajoz) et Castille (Salamanque).

    20 Torres Sánchez, 2009b.

    21 « Instrucción i Ordenanza para el gobierno de la Tesorería General sobre cuyo pie ha de continuar », El Pardo 19-1-1726. Autos Acordados, tome II, livre IX, titre III, Art. II, Madrid, 1745 (rééd. Lex Nova, Valladolid, 1982, pp. 400-404).

    22 RO 13-10-1749, Portugués, 1764, t. X, p. 231-303, p. 293.

    23 Salaires détaillés dans l’ordre du RO 23-1-1750 au Trésorier Général, Portugués, 1764, t. X, p. 316-317.

    24 Pradells Nadal et Giménez López, 1989. Andújar Castillo, 2004a.

    25 Torres Sánchez, 2002b.

    26 Andújar Castillo, 2004a.

    27 RO 13-10-1749, Portugués, 1764, t. X, p. 301.

    28 RO 13-10-1749, Portugués, 1764, t. X, p. 231-303, RO 29-7-1750, Portugués, 1764, t. X, p. 301.

    29 1718, Portugués, 1764, t. X, p. 55.

    30 1750, 13-1-1750, Portugués, 1764, t. X, p. 315.

    31 Torres Sánchez, 2009b.

    32 Nombre d’auteurs ont signalé le déclin de la figure de l’intendant pendant le dernier tiers du XVIIIe siècle. La perte de fonctions, comme celles de justice et de police, en 1776, les affrontements avec les militaires et le fait que la fonction est progressivement assignée, sinon vendue, à des militaires, en font foi. Abbad, 1976. Teijeiro, 1995, p. 37-40.

    33 Portugués, 1764, t. X, p. 117-142. Canga Argüelles, 1968, p. 268, Raquejo Alonso, 1992, p. 363-383.

    34 Corona Marzol, 1988.

    35 Gibert, 1976, p. 165.

    36 D’après l’instruction, « parce qu’il ne serait pas faisable d’incorporer les comptes dans celui du Trésorier Général sans confusion grave et sans occasionner un retard qu’il convient d’éviter absolument, chacun présentant son propre compte devant la Grand Chambre des Comptes » (« Instrucción i Ordenanza para el gobierno de la Tesorería General sobre cuyo pie ha de continuar ». Autos Acordados, tome III, livre IX, titre III, art. II, Madrid, 1745 (Editorial Lex Nova, Valladolid, 1982, p. 400-404).

    37 Miguel Múzquiz à Arriaga, Madrid, 2-3-1775, AGS, SSH, leg. 50.

    38 Nicolás de Francia à Julián Arriaga, Madrid, 18-12-1753, AGI, Arribadas, leg. 524.

    39 L’intendant d’armée Goyeneche à Miguel Múzquiz, Saragosse, 8-3-1774, AGS, SSH, leg. 267.

    40 Note datée de 1787. AHN, FC Hacienda, legajo 229.

    41 Sur ce conflit, Cepeda Gómez, 1990, p. 38.

    42 Nicolás de Francia à Julián Arriaga, Madrid, 18-12-1753, AGI, Arribadas, leg. 524.

    43 Ordre royal du 10-12-1753 signé par le marquis de La Ensenada.

    44 « Deux mois pour les trésoriers d’armée de Galice, Estrémadoure, Castille et le payeur des petits présides ; trois mois pour ceux d’Aragon, Catalogne, Valence, Majorque, Andalousie, Oran, Ceuta et le Dépositaire des fonds des Indes, en dépit de ce que prescrivent l’ordonnance de 1718 et les suivantes ».

    45 Les trésoreries d’armées offrent un terrain fructueux aux recherches sur les finances, en particulier en raison de leur dimension régionale. Jusqu’ici, les analyses les plus rigoureuses ont porté sur la réception des recettes fiscales dans ces trésoreries. Voir le cas de Valence étudié par Franch Benavent (2003) et les travaux détaillés de Solbes Ferri (2007a et b). Voir aussi González Enciso, 2005.

    46 N.d.t. : Des documents émis par le caissier du Trésorier Général à Madrid, à l’intention des trésoriers de recettes ou d’armée, qui fonctionnent comme des promesses de passer en compte une dépense. Associés à l’ordre de dépense, ils permettent aux trésoriers d’armée de justifier leurs dépenses dans les comptes qu’ils rendent au Trésorier Général.

    47 « Si les Administrateurs Généraux ou Directeurs de cette recette ou les autres donnent des crédits en faveur des Trésoriers Généraux et qu’ils sont endossés sur le compte d’un trésorier d’armée, ils doivent être enregistrés dans le chapitre de cette recette » (Nicolás de Francia à Julián Arriaga, Madrid, 18-12-1753, AGI, Arribadas, leg. 524).

    48 AHN, FC. Livre 8021, RO 31-7-1759.

    49 Comte de Valparaiso aux Directeurs Généraux des Recettes, 31-7-1759, AHN, FC. livre 8021.

    50 Instruction des 10 et 22 de novembre 1760, communiquée aux intendants et à la direction générale des recettes. Reproduite par Ripia, 1795, t. III, p. 238.

    51 AHN, FC Hacienda AHN, 22-2-1768, livre 8025, p. 70.

    52 Miguel Múzquiz, 29-10-1781. Gallardo, 1805, p. 252.

    53 González Enciso, 2000.

    54 À la fin du siècle, le total des consignations accumulées (juros, hôpitaux, académies, dette publique) représente une charge annuelle d’à peine 6,1 % du total des recettes. Torres Sánchez, 2006b, p. 97.

    55 Marquis de Zambrano à Miguel Múzquiz, Madrid, 5-10-1781, AGS, SSH, leg. 747. Múzquiz aux Administrateurs Généraux de la Recette du Tabac, San Lorenzo 29-10-1781.

    56 Le trésorier du Fonds des milices est Francisco Rubalcaba, 31-12-1775, AGS, SSH, leg. 270.

    57 Ordonnance du 15-12-1755, AGS, SSH, leg. 485.

    58 AHN, FC Hacienda AHN, 25-8-1768, livre 8025, p. 290.

    59 Miguel Múzquiz aux Directeurs Généraux des Recettes, AHN, FC Hacienda 14-3-1767, livre 8024, p. 49.

    60 Miguel Múzquiz aux Directeurs Généraux des Recettes, 5-10-1782, livre 8033, f. 318. AHN, FC Hacienda. Múzquiz accorde de l’importance à l’information donnée par le Trésorier Général Francisco Montes sur les malversations commises dans les Trésoreries des recettes. On ouvre ainsi une enquête dont la conclusion est que les fonctionnaires des recettes acceptent des vales en paiement d’impôts, en échange d’un bénéfice personnel, avec la complicité de commerçants. AGS, SSH, leg. 275.

    61 On accuse le trésorier des recettes de San Lúcar de Barrameda de « changer les recettes recouvrées pour des billets, avec un bénéfice de 7 %, le taux actuel, au lieu de les transmettre dans les espèces où il les reçoit aux trésoreries » (AGS, SSH, leg. 1638. Madrid, 13-8-1782).

    62 N.d.t. : Une contribution de l’Église consentie « gracieusement » par le pape en 1567.

    63 El Pardo 25-2-1762, AHN, FC Hacienda, 62, livre 8022, p. 281.

    64 Franch Benavent, 2005.

    65 Miguel de Múzquiz aux Directeurs Généraux des Recettes, Palais Royal, 5-1-1769, AHN, FC Hacienda, livre 8026, f. 1.

    66 Torres Sánchez, 2008.

    67 Torres Sánchez, 2005.

    68 Torres Sánchez, 2009a.

    Auteur

    • Rafael Torres Sánchez
      Professeur, Universidad de Navarra, Pampelune.
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    1 Sur l’effort de contrôle de la dépense militaire sous les Habsbourg, Esteban Estríngana, 2002 ; Rodríguez Hernández, 2007.

    2 Dubet, 2009, p. 159.

    3 La répartition des fonctions est similaire entre les officiers dits de la solde, les veedores, chargés du contrôle visuel des opérations et des revues, et les contrôleurs chargés de leur enregistrement et de la tenue des livres, et les payeurs. Esteban Estríngana, 2003 ; Rodríguez Hernández, 2007.

    4 Dubet, 2009, p. 184.

    5 Dubet, 2005.

    6 Dubet, 2009, p. 252.

    7 Torres Sánchez, 2009b.

    8 Real Ordenanza de Intendentes, 4-7-1718, Portugués, 1764, t. X, p. 3-142.

    9 Dedieu, 1994, p. 95.

    10 C’est à partir de 1813 que le système est modifié. Il est radicalement transformé après 1828. Pour une bonne analyse de ce changement, Teijeiro, 1995 ; Corpas, 2006.

    11 L’auteur, Toledano, écrit : « Ce fut l’origine dès lors (1718) de graves discussions entre les financiers et les hommes de gouvernement du siècle passé et du nôtre, sur la question de savoir s’il est opportun que l’armée ait ses pagadories particulières et son recouvrement distinct du recouvrement général ou si, au contraire, il est plus simple, plus économique et s’il n’y a pas d’inconvénient à ce que la direction et l’administration de toutes les finances de l’armée soit centralisée, sujette aux mêmes instructions et aux mêmes rouages administratifs que les finances publiques en général, question de la plus haute importance. » Selon l’auteur, elle fut résolue par la séparation entre administration militaire et administration des finances commune. Toledano, 1859, t. I, p. 636.

    12 « ma volonté est d’avoir des intendants d’armées séparées ou unis à ceux des provinces. Si vous êtes nommés intendant d’armée, seront à votre charge la subsistance, l’économie et la police en général de toute l’armée », Portugués, 1764, t. X, no 68, p. 55.

    13 Corona Marzol, 1990.

    14 Orduña Rebollo, 1997, p. 72.

    15 Castro, 2004, p. 359. Le conflit entre le général Valhermoso et l’intendant Ceballos, aux Canaries (1718-1724), fut particulièrement violent. Álamo Martell, 2000, p. 264.

    16 Pérez Fernández-Turégano, 2006, p. 83.

    17 Orduña Rebollo, 1997, p. 72.

    18 Ibid., p. 76-77.

    19 Les intendants d’armée sont toujours les neuf existants depuis 1718, ceux d’Aragon (Saragosse), Catalogne (Barcelone), Valence (Valence), Navarre (Pampelune), Majorque (Palma de Mallorca), Andalousie (Séville), Galice (La Corogne), Estrémadoure (Badajoz) et Castille (Salamanque).

    20 Torres Sánchez, 2009b.

    21 « Instrucción i Ordenanza para el gobierno de la Tesorería General sobre cuyo pie ha de continuar », El Pardo 19-1-1726. Autos Acordados, tome II, livre IX, titre III, Art. II, Madrid, 1745 (rééd. Lex Nova, Valladolid, 1982, pp. 400-404).

    22 RO 13-10-1749, Portugués, 1764, t. X, p. 231-303, p. 293.

    23 Salaires détaillés dans l’ordre du RO 23-1-1750 au Trésorier Général, Portugués, 1764, t. X, p. 316-317.

    24 Pradells Nadal et Giménez López, 1989. Andújar Castillo, 2004a.

    25 Torres Sánchez, 2002b.

    26 Andújar Castillo, 2004a.

    27 RO 13-10-1749, Portugués, 1764, t. X, p. 301.

    28 RO 13-10-1749, Portugués, 1764, t. X, p. 231-303, RO 29-7-1750, Portugués, 1764, t. X, p. 301.

    29 1718, Portugués, 1764, t. X, p. 55.

    30 1750, 13-1-1750, Portugués, 1764, t. X, p. 315.

    31 Torres Sánchez, 2009b.

    32 Nombre d’auteurs ont signalé le déclin de la figure de l’intendant pendant le dernier tiers du XVIIIe siècle. La perte de fonctions, comme celles de justice et de police, en 1776, les affrontements avec les militaires et le fait que la fonction est progressivement assignée, sinon vendue, à des militaires, en font foi. Abbad, 1976. Teijeiro, 1995, p. 37-40.

    33 Portugués, 1764, t. X, p. 117-142. Canga Argüelles, 1968, p. 268, Raquejo Alonso, 1992, p. 363-383.

    34 Corona Marzol, 1988.

    35 Gibert, 1976, p. 165.

    36 D’après l’instruction, « parce qu’il ne serait pas faisable d’incorporer les comptes dans celui du Trésorier Général sans confusion grave et sans occasionner un retard qu’il convient d’éviter absolument, chacun présentant son propre compte devant la Grand Chambre des Comptes » (« Instrucción i Ordenanza para el gobierno de la Tesorería General sobre cuyo pie ha de continuar ». Autos Acordados, tome III, livre IX, titre III, art. II, Madrid, 1745 (Editorial Lex Nova, Valladolid, 1982, p. 400-404).

    37 Miguel Múzquiz à Arriaga, Madrid, 2-3-1775, AGS, SSH, leg. 50.

    38 Nicolás de Francia à Julián Arriaga, Madrid, 18-12-1753, AGI, Arribadas, leg. 524.

    39 L’intendant d’armée Goyeneche à Miguel Múzquiz, Saragosse, 8-3-1774, AGS, SSH, leg. 267.

    40 Note datée de 1787. AHN, FC Hacienda, legajo 229.

    41 Sur ce conflit, Cepeda Gómez, 1990, p. 38.

    42 Nicolás de Francia à Julián Arriaga, Madrid, 18-12-1753, AGI, Arribadas, leg. 524.

    43 Ordre royal du 10-12-1753 signé par le marquis de La Ensenada.

    44 « Deux mois pour les trésoriers d’armée de Galice, Estrémadoure, Castille et le payeur des petits présides ; trois mois pour ceux d’Aragon, Catalogne, Valence, Majorque, Andalousie, Oran, Ceuta et le Dépositaire des fonds des Indes, en dépit de ce que prescrivent l’ordonnance de 1718 et les suivantes ».

    45 Les trésoreries d’armées offrent un terrain fructueux aux recherches sur les finances, en particulier en raison de leur dimension régionale. Jusqu’ici, les analyses les plus rigoureuses ont porté sur la réception des recettes fiscales dans ces trésoreries. Voir le cas de Valence étudié par Franch Benavent (2003) et les travaux détaillés de Solbes Ferri (2007a et b). Voir aussi González Enciso, 2005.

    46 N.d.t. : Des documents émis par le caissier du Trésorier Général à Madrid, à l’intention des trésoriers de recettes ou d’armée, qui fonctionnent comme des promesses de passer en compte une dépense. Associés à l’ordre de dépense, ils permettent aux trésoriers d’armée de justifier leurs dépenses dans les comptes qu’ils rendent au Trésorier Général.

    47 « Si les Administrateurs Généraux ou Directeurs de cette recette ou les autres donnent des crédits en faveur des Trésoriers Généraux et qu’ils sont endossés sur le compte d’un trésorier d’armée, ils doivent être enregistrés dans le chapitre de cette recette » (Nicolás de Francia à Julián Arriaga, Madrid, 18-12-1753, AGI, Arribadas, leg. 524).

    48 AHN, FC. Livre 8021, RO 31-7-1759.

    49 Comte de Valparaiso aux Directeurs Généraux des Recettes, 31-7-1759, AHN, FC. livre 8021.

    50 Instruction des 10 et 22 de novembre 1760, communiquée aux intendants et à la direction générale des recettes. Reproduite par Ripia, 1795, t. III, p. 238.

    51 AHN, FC Hacienda AHN, 22-2-1768, livre 8025, p. 70.

    52 Miguel Múzquiz, 29-10-1781. Gallardo, 1805, p. 252.

    53 González Enciso, 2000.

    54 À la fin du siècle, le total des consignations accumulées (juros, hôpitaux, académies, dette publique) représente une charge annuelle d’à peine 6,1 % du total des recettes. Torres Sánchez, 2006b, p. 97.

    55 Marquis de Zambrano à Miguel Múzquiz, Madrid, 5-10-1781, AGS, SSH, leg. 747. Múzquiz aux Administrateurs Généraux de la Recette du Tabac, San Lorenzo 29-10-1781.

    56 Le trésorier du Fonds des milices est Francisco Rubalcaba, 31-12-1775, AGS, SSH, leg. 270.

    57 Ordonnance du 15-12-1755, AGS, SSH, leg. 485.

    58 AHN, FC Hacienda AHN, 25-8-1768, livre 8025, p. 290.

    59 Miguel Múzquiz aux Directeurs Généraux des Recettes, AHN, FC Hacienda 14-3-1767, livre 8024, p. 49.

    60 Miguel Múzquiz aux Directeurs Généraux des Recettes, 5-10-1782, livre 8033, f. 318. AHN, FC Hacienda. Múzquiz accorde de l’importance à l’information donnée par le Trésorier Général Francisco Montes sur les malversations commises dans les Trésoreries des recettes. On ouvre ainsi une enquête dont la conclusion est que les fonctionnaires des recettes acceptent des vales en paiement d’impôts, en échange d’un bénéfice personnel, avec la complicité de commerçants. AGS, SSH, leg. 275.

    61 On accuse le trésorier des recettes de San Lúcar de Barrameda de « changer les recettes recouvrées pour des billets, avec un bénéfice de 7 %, le taux actuel, au lieu de les transmettre dans les espèces où il les reçoit aux trésoreries » (AGS, SSH, leg. 1638. Madrid, 13-8-1782).

    62 N.d.t. : Une contribution de l’Église consentie « gracieusement » par le pape en 1567.

    63 El Pardo 25-2-1762, AHN, FC Hacienda, 62, livre 8022, p. 281.

    64 Franch Benavent, 2005.

    65 Miguel de Múzquiz aux Directeurs Généraux des Recettes, Palais Royal, 5-1-1769, AHN, FC Hacienda, livre 8026, f. 1.

    66 Torres Sánchez, 2008.

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    • (2014) Histoire de l'argent à l'époque moderne. DOI: 10.3917/arco.legay.2014.01.0203
    • Lazhar Gharbi, Mohamed. (2015) Mahmoud Ben Ayyed. Méditerranée. DOI: 10.4000/mediterranee.7641
    • Baubeau, Patrice. (2018) Les inégalités, entre bonne et mauvaise finance. Revue d'économie financière, N° 128. DOI: 10.3917/ecofi.128.0091

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    Sánchez, R. T. (2011). La « militarisation » des finances royales d’Espagne au XVIIIe siècle. In A. Dubet & J.-P. Luis (éds.), Les financiers et la construction de l’État (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.124374
    Sánchez, Rafael Torres. « La “militarisation” des finances royales d’Espagne au XVIIIe siècle ». In Les financiers et la construction de l’État, édité par Anne Dubet et Jean-Philippe Luis. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2011. https://doi.org/10.4000/books.pur.124374.
    Sánchez, Rafael Torres. « La “militarisation” des finances royales d’Espagne au XVIIIe siècle ». Les financiers et la construction de l’État, édité par Anne Dubet et Jean-Philippe Luis, Presses universitaires de Rennes, 2011, https://doi.org/10.4000/books.pur.124374.

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    Dubet, A., & Luis, J.-P. (éds.). (2011). Les financiers et la construction de l’État (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.124311
    Dubet, Anne, et Jean-Philippe Luis, éd. Les financiers et la construction de l’État. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2011. https://doi.org/10.4000/books.pur.124311.
    Dubet, Anne, et Jean-Philippe Luis, éditeurs. Les financiers et la construction de l’État. Presses universitaires de Rennes, 2011, https://doi.org/10.4000/books.pur.124311.
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