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    Plan détaillé Texte intégral La première génération : l’affermage de recettes fiscales et l’approvisionnement aux armées à l’époque des Habsbourg Le marquis de Santiago : un homme correspondant aux profils privilégiés par Orry Le patrimoine culturel du marquis de Santiago dans la construction d’un lignage idéal Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Les financiers et la construction de l'État

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Négoce, culture et sens de l’opportunité dans la construction d’un lignage. Le premier marquis de Santiago pendant la Guerre de Succession1

    Negocios, cultura y oportunidad en la construcción de un linaje : el marqués de Santiago durante la Guerra de Sucesión española

    Carmen Sanz Ayán

    p. 105-124

    Résumés

    Ce texte analyse la trajectoire des membres les plus remarquables de la famille Rodríguez de los Ríos. Cette famille, dont les premières affaires de finances connues remontent à la fin du règne de Philippe IV, est à la tête de l’une des plus grosses firmes associées au financement de la Guerre de Succession d’Espagne, dans le camp de Philippe V.
    Il s’agit avant tout de mesurer l’espace qu’elle occupe dans le monde financier espagnol à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, ainsi que d’identifier les moyens que les Rodríguez de los Ríos mirent en œuvre pour parvenir à s’intégrer tout à fait à la société de privilèges et les limites auxquelles ils se heurtèrent. On s’attachera tout particulièrement au rôle joué par l’élément culturel, la « culture exhibée », dans l’organisation de leur réseau complexe de relations socio-économiques.

    Este trabajo pretende dar a conocer la trayectoria de los miembros más destacados de la familia Rodríguez de los Ríos ; importante firma asentista de la Guerra de Sucesión al lado de Felipe V que hunde sus orígenes negociadores en los años finales del reinado de Felipe IV.
    Se trata en primer lugar de valorar su importancia en el entramado financiero de finales del siglo XVII y de comienzos del XVIII y también de conocer de qué elementos se sirvieron, cuanto tiempo invirtieron y qué límites encontraron hasta culminar con éxito su completa integración en la sociedad de privilegio. Se prestará especial atención al papel que pudo jugar el elemento cultural – la cultura exhibida –, en la configuración de su exitosa y compleja red de relaciones socio-económicas, decisiva para catapultar el éxito definitivo del clan familiar.

    Texte intégral La première génération : l’affermage de recettes fiscales et l’approvisionnement aux armées à l’époque des Habsbourg Le marquis de Santiago : un homme correspondant aux profils privilégiés par Orry Le patrimoine culturel du marquis de Santiago dans la construction d’un lignage idéal Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    La première génération : l’affermage de recettes fiscales et l’approvisionnement aux armées à l’époque des Habsbourg

    1Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos, premier marquis de Santiago depuis 1706, était le fils aîné d’une famille de fermiers des salines d’Atienza, Cuenca et Espartinas depuis l’époque de Philippe IV. Son père, Juan Rodríguez, acquit un office de trésorier de ces recettes royales, tout en diversifiant ses investissements et ses affaires jusqu’à devenir une des figures fortunées de la capitale2. Marié à Francisca Bernal de los Ríos, qui était aussi fille d’un financier ayant des contrats avec l’État (asentista), il eut quatre enfants : Francisco Esteban, qui était l’aîné, puis Juan, Manuel et Francisca. Cette dernière épousa un haut fonctionnaire (un second officier) du secrétariat du Conseil des Finances, tandis que les deux autres frères s’occupaient des affaires familiales dans divers lieux de la péninsule, comme le prouve le fait que Juan était déclaré domicilié à San Lúcar et a été enterré à Séville. Les trois frères furent secrétaires du roi, un poste que l’on pouvait acquérir ad honorem depuis l’époque de Philippe IV, moyennant finances, et que leur père s’était procuré pour eux.

    2Durant la dernière partie du règne du cinquième Habsbourg, Charles II, les affaires de cette entreprise familiale se maintenaient à un niveau convenable. Celle-ci put même sortir indemne des effets de la suspension de paiements décrétée le 14 août 16623, grâce à une manœuvre complexe proposée par Juan Rodríguez au Conseil des Finances. S’arrêter un instant sur cet épisode qui est loin d’être une simple anecdote, permet de comprendre les fondements du succès de cette entreprise dans le contexte financier de la deuxième moitié du XVIIe siècle. Trois traits peuvent être relevés : tout d’abord souplesse et capacité manœuvrière dans le monde de l’affermage des impôts, ensuite une connaissance précise des différents procédés utilisés pour accroître le capital, et enfin des contacts politico-financiers privilégiés avec les milieux politiques qui dirigeaient les finances royales.

    3Le 13 mars 1663, Juan Rodríguez, qui était alors fermier de la recette du sel, remit un pli au Conseil des Finances dans lequel il proposait de prendre à sa charge la ferme de la recette du tabac pour dix ans, d’avril 1663 à avril 1673. Sa proposition de 64 millions de maravédis par an représentait une augmentation de deux millions par rapport au montant auquel la rente était alors affermée à Diego Gómez de Salazar. Il promettait aussi d’avancer 240 000 écus, 100 000 au comptant et le reste en quatorze mensualités au cas où le contrat lui serait concédé. Après l’ouverture du processus de concession de l’affermage, un troisième personnage entra en lice, Juan Bautista Carafa, qui offrit au final un million de plus et finit par l’emporter. D’après l’accord passé avec les services des finances royales, déclencher des démarches pour entamer des enchères et obtenir une révision du prix permettait à Juan Rodríguez d’obtenir un profit de 6 400 000 maravédis, même dans le cas où il ne remporterait pas le marché. Le simple fait de jouer le rôle d’accélérateur dans le processus de révision du montant à la hausse de la concession comportait donc un bénéfice et dénotait une connivence claire avec l’administration des finances durant toute l’opération. À la fin ce cette dernière, Juan Rodríguez renonça à sa récompense mais fut exempté des effets du décret de suspension des consignations de l’année antérieure, sans à avoir à assumer un quelconque service économique supplémentaire. Toutefois, là n’était pas son seul objectif. Afin de rester activement lié aux affaires financières de la monarchie, il s’engagea à fournir à la cour 50 000 écus de 10 réaux de billon, 342 500 réaux au comptant et les 157 500 restants sous la forme de 1 500 uniformes qu’il devait livrer à raison de 500 tous les quinze jours. Le remboursement de ces sommes et le prix des vêtements devaient se faire avec un intérêt de 8 % et des frais de conduite de 6 %, une rétribution qui serait inscrite dans les consignations de 1663 et 1664 sur l’impôt des medias annatas4 et sur d’« autres effets appartenant à V. M. ». De la sorte, les 42 millions de maravédis que le Trésor royal lui devait pour des contrats antérieurs et qui étaient soumis à la suspension des paiements de 1662 se trouvaient de fait reconnus dans le cadre de ce nouveau contrat.

    4Ce type d’opération ne lui permit pas seulement de survivre mais aussi d’améliorer sa position dans les négociations avec la monarchie et d’accroître son patrimoine, malgré les turbulences de la fin du règne de Philippe IV et du règne de Charles II. Installé à Madrid dans quelques-unes des principales maisons de la rue de Cedaceros, au coin de la rue del Sordo (aujourd’hui rue Zorrilla), qui seront aussi durant un certain temps celles du premier marquis de Santiago, il conquit une reconnaissance et un statut économique de premier plan, qui servirent d’assise aux affaires importantes de son successeur.

    Le marquis de Santiago : un homme correspondant aux profils privilégiés par Orry

    5À partir de 1677, Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos, futur marquis de Santiago, devint le chef de l’entreprise familiale. Né en 16485 et marié en premières noces avec Doña María Bueno y Mansilla, il eut sept enfants, mais six seulement parvinrent à l’âge adulte, dont seulement un garçon. Deux filles, María Antonia et Angela, entrèrent très jeunes au couvent de l’ordre de Notre-Dame de la Merci de Don Juan de Alarcón, tandis que les autres consolidèrent les liens avec des membres de l’aristocratie financière du début du XVIIIe siècle. Francisco Esteban étendit ses prises à ferme de salines en ajoutant à celles d’Atienza, Espartinas et Cuenca, celles de Zamora et de Vieille Castille. Il conserva cette activité durant le règne de Philippe V, jusqu’en 17176, une activité apparemment peu lucrative en temps de guerre, dans la mesure où les recettes affermées dépendaient du commerce et de la consommation qui, inévitablement, étaient déstabilisés et plus réduits durant la Guerre de Succession. Ces circonstances furent mises en avant par des fermiers comme Francisco Esteban Rodríguez pour négocier les contrats à la baisse. Ces diminutions ne signifiaient pas que les fermiers, une fois les contrats négociés et malgré leur plaintes, ne parvenaient pas à tirer des profits de leur gestion. Le rendement des recettes était inférieur pour les finances royales qui se retrouvaient perdantes, mais il n’est pas sûr qu’il en fût de même pour les fermiers. Les financiers gagnèrent en outre une capacité de manœuvre et une autonomie grandissantes dans la gestion face à l’administration royale des finances, alors même que le discours officiel s’employait à démontrer le contraire. Les termes du contrat par lequel Francisco Esteban Rodríguez parvint à proroger l’affermage de la recette des salines le prouvent, dans la mesure où plusieurs des mécanismes de contrôle mis en place depuis 1690 se retrouvaient désactivés. Concrètement, la cédule royale du 11 juillet 1690 prévoyait qu’il fallait vérifier les raisons qui étaient données pour expliquer les retards dans les versements que devaient recevoir les fermiers d’après leurs contrats. On supposait que ces retards n’étaient dus à aucun accident, mais qu’ils étaient intentionnels et avaient pour unique objectif d’augmenter les intérêts de la dette. Toutefois, cette norme ne s’appliqua pas au cas de Francisco Esteban Rodríguez car il fut décidé par le Conseil de l’

    « exempter de ce qui est prévu dans la dite cédule royale et, pour exécuter ce point, que, à propos des comptes finaux des affermage échus ou en cours que le dit marquis doit fournir, l’on ne compte pas d’intérêts de retard de versements et que l’on n’ajoute ni ne retranche le moindre maravédi pour cette raison, en dérogation avec la cédule royale du 11 juillet 1690. Quant à l’exécution de ces décisions, il sera promulgué une cédule, selon le même mode que celui utilisé pour les autres affermages à sa charge7 ».

    6Il ne s’agissait pas là d’une procédure différente de celle qui était appliquée à d’autres hommes d’affaires qui, sous Philippe IV ou Charles II, étaient exemptés des dispositions contenues dans les décrets de suspension des versements, dans les remises sur les medias annatas de juros, ou qui en guise de comptes se contentaient de remettre un état certifié. Il faut ainsi insister sur la continuité avec les usages antérieurs qui transformaient l’exception en norme afin de maintenir la machine financière de la monarchie en état de fonctionnement. Le sort de ces hommes d’affaires dépendait en dernière instance des prérogatives d’exceptionnalité que le monarque leur concédait et, par conséquent de leur capacité à accéder à la faveur royale tant qu’ils étaient jugés utiles.

    7Dans ce contexte, Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos conserva les activités traditionnelles de la famille mais entama aussi son accession définitive dans le monde de la haute finance lié à la nouvelle dynastie des Bourbons, en entrant en relation avec la nouvelle équipe des finances de la monarchie, au travers de l’approvisionnement aux armées pendant la Guerre de Succession.

    8Après le décret de mobilisation générale édicté par Philippe V en mars 1703, dans lequel il ordonnait le recrutement de troupes dans la péninsule, la préoccupation principale du nouveau monarque consista à s’assurer des rentrées régulières répondant aux exigences de la guerre. La première réponse institutionnelle à cette situation de guerre fut l’établissement, le 2 octobre 1703, d’une Trésorerie générale de la guerre (Tesorería Mayor de Guerra) ou, ce qui revient au même, d’un organisme spécial chargé d’administrer les ressources disponibles afin qu’elles soient canalisées prioritairement aux urgences militaires8. L’idée venait de celui que l’on décrivait à Madrid comme un « praticien » serviteur du roi de France dans le domaine des finances, un homme aux manières grossières, doté d’un évident complexe de supériorité qui lui avait gagné l’antipathie de l’aristocratie française. Jean Orry (1652-1719) arriva à Madrid, envoyé expressément de Paris par Louis XIV pour s’occuper des finances de la monarchie espagnole. Après une première prise de contact, il décida qu’il était nécessaire de créer un nouvel organisme d’intermédiation et de contrôle qui resterait intégré à l’organigramme administratif antérieur, entre le Conseil des Finances et les munitionnaires aux armées, aux présides ou places fortes, des hommes qui avaient jusqu’alors maintenu une relation directe avec le principal organe directeur de l’administration des finances royales castillanes. Le trésorier général à la guerre, sous l’autorité du tout nouveau Secrétaire des Dépêches chargé de la Guerre, contrôlé par Orry, devait se charger d’encaisser les ressources venant des impôts, effectuer les versements et remettre ses comptes.

    9L’historiographie espagnole récente9 qui s’est intéressée à Orry a permis de mettre en relief son réformisme appliqué d’une part aux conseils, aux côtés de Macanaz, d’autre part à la composition et à l’organisation des Gardes Royaux, et enfin et surtout aux mécanismes administrativo-financiers hérités des Habsbourg. Toutefois, peu de choses ont été écrites sur l’origine de ses connaissances en matière financière, si ce n’est pour souligner qu’il avait été un homme d’affaires familiarisé à l’approvisionnement aux armées pour avoir exercé entre autres fonctions celle de munitionnaire des troupes de Louis XIV dans le nord de l’Italie entre 1690 y 169810.

    10Né à Paris le 4 septembre 1652, Orry s’installa à Madrid sous le modeste et récent titre de seigneur de Vignory, mais il bénéficiait de l’appui du tout puissant grand-père de Philippe V. Il devait avoir comme principales actions dans le domaine des finances les tentatives de centralisation de l’affermage des recettes provinciales en 1713 et des recettes générales (tirées des taxes douanières) au début de 1715. Il se révéla l’homme d’affaires qu’il n’avait jamais cessé d’être au travers d’autres initiatives. Il proposa ainsi en 1703 la création d’une compagnie composée uniquement de Français qui se destinerait à l’exportation de la laine espagnole11, probablement à l’image et sur le modèle de la Compagnie de la Traite des Nègres12 qui avait été créée peu de temps auparavant sous la forme d’un consortium de commerçants français. Malgré l’appui de l’ambassadeur de France Amelot et de la Princesse des Ursins, il ne put résider continuellement en Espagne durant la guerre de Succession13. Le calendrier approximatif de ses séjours dans la péninsule est le suivant :

    Arrivées

    départs

    durée du séjour

    21 juin 1702

    Septembre 1702

    Environ 3 mois

    Décembre 1702

    Juin 1703

    Environ 6 mois

    Fin Juillet 1703

    Fin août 1704

    Environ un an

    25 mai 1705

    Juillet 1706
    7 ans d’absence jusqu’ en 1713

    Environ 14 mois

    Début 1713

    7 février 1715 par destitution

    Environ 14 mois

    11L’opposition à son action venait de différents fronts. Tout d’abord de l’entourage aristocratique de Versailles, mais aussi de ce que l’on appelait le « parti national », c’est-à-dire les hommes qui avaient travaillé depuis Madrid à l’intronisation de Philippe V, avec parmi eux le cardinal Portocarrero14 qui, très vite, se sentit mis sur la touche. Une partie des autorités françaises installées à la cour espagnole critiquait aussi sa gestion et ses méthodes, comme par exemple le cardinal d’Estrées, ambassadeur de Louis XIV, qui, en 1704, rendait un rapport sur Orry dans lequel il le décrivait comme un maître de l’intrigue qui cherchait à accumuler le plus de pouvoir possible en matière financière, politique ou militaire et comme « l’homme le plus indigne du monde »15.

    12Orry, conscient de ses appuis, ce dont il se prévalait fréquemment, mais aussi de ses ennemis, rechercha à Madrid des collaborateurs qui répondaient à son profil socioprofessionnel. Il recruta une partie de ses collaborateurs parmi des gens issus du monde du commerce et des affaires qui avaient obtenu depuis peu un titre de noblesse.

    13La personne qu’il choisit pour diriger la toute récente Trésorerie générale de la guerre fut Juan de Orcasitas16 (ou Horcasitas), vicomte puis comte de Moriana del Río, à partir de 169817. Originaire de Biscaye (Vallée de las Encartaciones), son père, Pascual de Orcasitas, était à la tête d’un clan familial étendu qui se consacrait au commerce et à l’exportation de fer et de laine, à la ferme des recettes sur les poissons18 et les salines19, et particulièrement à celle des douanes au nord de la péninsule20. Tel était l’univers commun dont était issu Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos, tout comme le nouveau trésorier général à la guerre. En 1672, après la mort de l’aîné des frères Orcasitas21, le principal bénéficiaire du testament fut Juan de Orcasitas, qui connut une ascension sociale en entamant une carrière au service de la monarchie, liée aux activités du monde de la finance pratiquées par sa famille22.

    14Chevalier de l’ordre d’Alcántara, échevin perpétuel de Guadalajara et gouverneur de la forteresse militaire de Campo de Calatrava, il occupa en 1681 l’office d’alguacil mayor du Conseil des Ordres Militaires, puis obtint sous le règne de Philippe V un poste à la cour : celui de Gentilhomme de la chambre du roi. Au sein de l’appareil administratif de la monarchie, les nominations de trésorier général à la guerre et de conseiller au Conseil des Finances représentèrent le zénith de cette carrière au service de la monarchie. Tout comme chez Orry, cette accumulation d’offices publics n’empêcha pas qu’il conservât des activités de financier privé. Quelques procès qui lui furent intentés par des particuliers en 1712 démontrent qu’il reçut des dépôts contre promesse d’intérêts annuels, ou, ce qui revient au même, qu’il exerça comme banquier privé23 alors qu’il occupait la fonction de trésorier général à la guerre. Il avait ainsi, par l’origine de sa fortune et par son ascension sociale et professionnelle, un profil très proche de celui d’Orry en France, car le ministre français put lui aussi rendre compatibles ses charges administratives et ses affaires privées, tout en accédant à la noblesse. La seigneurie de Vignory passa à son fils Philibert qui devint comte du même lieu et qui exerça de plus, dans le prolongement des postes qu’avait occupés son père, l’office de contrôleur général des finances de France à l’époque de Louis XV.

    15La présence de « praticiens » dans la gestion des affaires financières de la monarchie espagnole ne fut pas une nouveauté introduite par l’administration des Bourbons ou par Orry. Nommer conseillers au Conseil des Finances des individus qui appartenaient à des clans influents de financiers était une pratique commune au XVIIe siècle, en particulier à partir du règne de Philippe IV24. Il s’agissait d’une pratique et surtout d’une nécessité des états absolutistes de l’époque, qui exista presque sans interruption durant le règne de Charles II. La seule nouveauté dans l’action d’Orry consistait à rechercher ceux à qui il pouvait accorder sa confiance, au détriment de ceux à qui il ne le pouvait pas25.

    16La nouvelle institution mise sur pied par Orry et supervisée par Juan de Orcasitas, la Trésorerie générale de la guerre, servait de pont entre le Conseil des Finances et les munitionnaires aux armées et devait recevoir en théorie tout l’argent qui, venant des finances royales, était destiné à financer le conflit dans la péninsule. Elle fut en service durant douze mois, d’octobre 1703 à octobre 170426, ce qui correspond dans la pratique au troisième séjour d’Orry en Espagne et accentue encore le caractère « personnel » de la réforme du ministre de Louis XIV.

    17À cette même époque, Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos inaugurait sa brillante fonction de munitionnaire aux armées d’Estrémadure, entrant ainsi dans un groupe de privilégiés et en devenant même durant une période le plus important d’entre eux.

    18À partir de 1704, l’archiduc Charles se trouvait à Lisbonne, prêt à prendre la tête des troupes qui se destinaient à le porter sur le trône espagnol. Le débarquement de 10 300 hommes d’infanterie et de 7 000 hommes d’artillerie donna le véritable départ des opérations guerrières dans la péninsule. Désormais, la lutte se concentra tout le long de la frontière hispano-portugaise. L’objectif principal de Philippe V était la conquête de Lisbonne et le contrôle du Portugal. Toutefois, après quelques succès, les déficiences dans l’approvisionnement aux troupes ralentirent les attaques, de sorte que Philippe V revint à Madrid en juillet 1704 sans atteindre son objectif. La leçon tirée de l’échec de ces opérations militaires fut de considérer le financement de cette première phase comme insuffisant et surtout mal canalisé. 11,6 % des ressources de la Trésorerie générale étaient destinées à l’approvisionnement en céréales et en d’autres produits alimentaires pour l’armée sur les différents fronts de la guerre. Cet approvisionnement était en principe à la charge de Manuel López de Castro, qui avait signé un contrat le 31 octobre 1703, confirmé ensuite le 23 décembre. Il y était chargé de l’approvisionnement pour les armées d’Andalousie, d’Estrémadure, de Vieille Castille et de Galice27.

    19Cet homme d’affaires qui se consacrait avec sa famille aux fermes des recettes de la monarchie, avait en réalité pour nom Manuel López de Castro Paz Coronel y Quirós. Originaire du royaume de Galice, plus précisément de l’archevêché de Saint-Jacques (peut-être de Betanzos), mais domicilié à Madrid, il était en relation avec des clans de négociants d’origine judéo-converse très actifs à l’époque de Charles II, comme les Montesinos et les Cardoso28. Ceci fut révélé des années plus tard, en 1723, dans un procès inquisitorial entamé contre des judéo-convers, qui permit aux finances royales de réaliser d’importantes économies dans la mesure ou une bonne partie des accusés étaient des créditeurs de l’État. Un frère de Manuel mourut sur le bûcher et trois de ses sœurs furent condamnées29.

    20Tout semble indiquer que le contrat avec Manuel López de Castro obéissait à une pratique routinière, dans la mesure où celui-ci était déjà installé dans les affaires d’approvisionnement depuis la dernière décennie du règne du dernier Habsbourg. Orry sembla accepter cette situation, accepta des dons de l’homme d’affaires et défendit même celui-ci30. Après son premier échec, Orry modifia sa position et choisit de nouveaux munitionnaires dans les rangs de financiers de confiance qui étaient en relations étroites d’affaires ou de « pays » avec le trésorier général de la Guerre. Parmi ceux-ci se trouvait Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos qui disposait de son propre réseau professionnel au sein de la Grand Chambre des comptes (Contaduría Mayor de Cuentas) à laquelle il appartenait et où il pouvait bénéficier d’un autre appui privilégié, celui de Juan de Sesma, qu’Orry avait intégré dans un de ses groupes de travail en 170231.

    21Quelques mois avant cette relève dans les affaires de l’approvisionnement aux armées d’Estrémadure, le futur marquis de Santiago était parvenu à s’apparenter directement avec les Goyeneche (voir généalogie ci-dessous). Sa fille, Josefa María Rodríguez de los Ríos, épousa en 1703 Juan Tomás de Goyeneche (1681-1721), neveu de Juan de Goyeneche. La fiancée apporta au couple une dot de 119 504 réaux de billon uniquement en bijoux et diamants. Francisco Esteban était alors familier du Saint-Office et s’était installé dans les demeures qui avaient appartenu à son père, non sans avoir été en procès avec ses frères à propos de l’héritage. Le destin matrimonial de ses enfants témoignait d’une stratégie courante de consolidation sociale dans le monde du privilège. Pendant que son unique fils, Fernando Agustín, était fait chevalier de l’ordre de Saint-Jacques et Gentilhomme du roi, l’une de ses deux autres filles, doña María Nicolasa, épousa en première noce Juan de Sesma, secrétaire de la présidence du Conseil des Finances, administrateur général des recettes des dîmes et des « ports de terre ferme » (Puertos Secos) et Contrôleur des restes de la Grand Chambre des Comptes. Devenue veuve après 1714, elle épousa Antonio de Pontejos, chevalier de l’ordre de Saint-Jacques et valet de chambre de Philippe V. La deuxième fille de Francisco Esteban, doña Eugenia, épousa en 1712 Felix de Salabert y Sora, héritier de la maison de Valdeolmos et petit-fils de José Aguerri. L’étroit consortium de munitionnaires aux armées qui s’était constitué au début du XVIIIe siècle était ainsi soudé par d’étroits liens familiaux.

    22Dans la seule première période de son contrat de fournisseur en grains des armées de Castille et d’Estrémadure, jusqu’à la fin de 1704, Francisco Esteban Rodríguez de los Rios reçut 26 872 296 réaux de billons qui représentaient vingt-six versements de la Trésorerie générale de la guerre32. Parmi les sommes destinées à la guerre durant la période 1704-1705, la priorité paraît avoir été donnée à l’entretien de l’armée d’Estrémadure (11,9 %), suivi de celle d’Andalousie dont avait la charge Aguerri (9,5 %), puis de celle de Vieille Castille (7 %). Les trois représentent presque 30 % du budget de la Trésorerie générale. Quant à la distribution des dépenses de 1705 à la fin de 170633 reconnues par la Trésorerie générale de la guerre, il apparaît un déficit de 5 millions de réaux de billon. Les dépenses les plus importantes étaient constituées en premier lieu par le paiement des munitionnaires des différentes armées à qui l’on destinait près de 17 % des ressources, dont pour les principaux bénéficiaires, 12 % en faveur de Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos, chargé de l’approvisionnement des armées de Castille et d’Estrémadure, et 3,4 % au marquis de Valdeolmos, Cristóbal de Aguerri, chargé de celles d’Andalousie34.

    23Durant ses deux premières années de gestion de grand munitionnaire des armées de Castille et d’Estrémadure, Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos apparut assez méritant pour recevoir le titre de marquis de Santiago le 20 décembre 170635. Désormais, son importance comme homme d’affaires ne cessa de croître. Si son accession à l’approvisionnement aux armées s’était faite au détriment de Manuel López de Castro, son entrée dans l’administration de la Sainte Croisade se fit au détriment d’une autre maison d’affaires historique, celle du marquis de Francavila, c’est-à-dire, de la firme de Francisco María Piquinotti. La lutte entre les deux entreprises apparaît à partir de la faillite de Juan del Solar, caissier des deux hommes d’affaires dans la gestion des rentes de la Croisade, en 170836. Rodríguez de los Ríos sortit vainqueur du concours de créanciers face à Piquinotti car, d’après la déclaration finale des créanciers de Juan del Solar, « le rejet de la maison de Francavila et l’affection à l’égard du marquis » étaient patents37.

    24En 1707, le marquis de Santiago était considéré comme le plus efficace des adjudicataires de la fourniture aux armées. Le 4 octobre de cette année-là, Ciudad Rodrigo était prise, ce qui eut pour conséquence un recul important de l’intensité des combats en Estrémadure, jusqu’à un quasi arrêt. Le marquis de Santiago obtint cette même année un contrat pour l’approvisionnement des armées d’Aragon et de Catalogne, c’est-à-dire des zones où se déroulait désormais la plupart de la campagne38 et où se produisit, à la fin novembre, la prise de Lérida. Toutefois, au milieu de l’année 1708, Francisco Esteban Rodríguez décida d’interrompre l’approvisionnement en arguant de l’absence de ponctualité dans le versement des consignations. Il avait déjà refusé en 1707 de signer un contrat pour l’approvisionnement des troupes françaises en Espagne. C’est à ce moment-là qu’Amelot décida d’organiser une nouvelle compagnie de fournisseurs avec quatorze financiers de Madrid. Les difficultés étaient apparues à partir de 1705 quand José Grimaldo, Secrétaire des Dépêches ayant le département des Finances et de la Guerre depuis juillet 1705, avait ordonné à Moriana de payer à Francisco Esteban Rodriguez ce qui lui était dû et que la Trésorerie avait expliqué que ces fonds avaient été destinés à des dépenses plus urgentes39. Dans ce contexte, il est possible que la concession du marquisat ait été un moyen de paiement, à défaut d’autres ressources40. Le début du retrait du munitionnaire coïncida avec l’absence d’Orry d’Espagne où il ne revint pas avant le début de 1713. Désormais, le marquis était gestionnaire de la Sainte Croisade et, comme point culminant de sa carrière, acquit en 1727 la gestion de l’impôt des tercias reales de la province de Valence pour plus de 17 millions de réaux41. Ce contrat lui fut confié en compensation de ce que la couronne lui devait toujours des anciens approvisionnements de la Guerre de Succession42.

    Le patrimoine culturel du marquis de Santiago dans la construction d’un lignage idéal

    25Le 16 janvier 1728 mourait le marquis de Santiago dans sa résidence principale de la rue San Jerónimo qui, à cette époque, occupait pratiquement un pâté de maisons, dans la mesure où elle avait des sorties rue de los Peligros (aujourd’hui rue Sevilla) et rue Gitanos (aujourd’hui rue d’Arlabán). Un immeuble que le marquis avait acheté en 1714 permettait de l’identifier définitivement comme l’un des plus importants potentats de la cour. Il demanda dans son testament43 à être enterré dans le monastère de l’ordre des filles de la Merci de Don Juan de Alarcón, dans la crypte qui se trouvait sous le chœur de ce monastère, c’est-à-dire dans une fondation qui avait curieusement été achevée et enrichie un demi-siècle plus tôt par une autre famille d’hommes d’affaires au service des Habsbourg, les Cortizos44.

    26Le 22 du même mois de janvier, les peintres Miguel Meléndez et Valero Iriarte évaluèrent la riche collection de peintures qui se trouvait dans la demeure du marquis lors du processus de répartition de ses biens. Un total de 243 œuvres fut recensé auquel il faut rajouter 39 autres qui se trouvaient incrustées dans les murs de l’oratoire, et 18 qui étaient intégrées dans le plafond du salon principal. L’évaluation de l’ensemble s’élevait à 150 316 réaux de billon45, même si seulement 35 des œuvres avaient, et parfois de manière peu claire, la mention du nom de leur auteur. Parmi les peintres mentionnés se trouvaient Murillo, le Gréco, Tintoret, Caravage, Herrera le jeune, Antonio Palomino ou Antolínez.

    27Il semble que le peintre et auteur de traités Antonio Palomino (1653-1726) était l’auteur des huit tableaux qui décoraient le salon principal. Quatre d’entre eux étaient de grande taille (trois aunes et demi de hauteur sur une aune et demi de largeur46) et racontaient l’histoire de Saint-Jacques, le saint qui n’était qu’associé indirectement au titre du marquis mais qui se révéla très efficace et utile pour l’image qu’il souhaitait projeter de lui-même.

    28La seigneurie qui initialement était liée au marquisat se situait à Uterviejo, dans la province de Cuenca, tout près de Caracenilla et Huete. Au milieu du XVIe siècle, ce lieu comptait quatre-vingt habitants, puis s’était progressivement réduit à la moitié au début du XVIIe siècle jusqu’à devenir inhabité au XVIIIe siècle. Dans sa juridiction, se trouvait un endroit, lui aussi inhabité, désigné sous le nom de Cuevas de los Moros qui, après le processus de la reconquête s’appela officiellement Cuevas de Santiago, même si le nom antérieur ne fut pas oublié par les habitants de la zone. Ce fut cette dénomination officielle « de Santiago » qui fut utilisée pour donner assise et prestige au titre de Francisco Esteban Rodríguez, à partir du 31 décembre 1706.

    29L’intérêt de lier l’image du lignage à celle de l’apôtre Saint-Jacques est évident. Depuis l’époque de l’empereur Charles Quint, Saint-Jacques remplissait un rôle central dans la définition de l’image mythique de la couronne, pour une bonne part sous l’impulsion du goût artistique et de la mentalité des cercles courtisans qui adoptèrent ce lien mythico-religieux médiéval entre le saint et la monarchie hispanique. Si le patronage unique de Saint-Jacques fut mis en cause durant le règne de Philippe III, à partir du milieu du règne de Philippe IV, il redevint indiscutable et Philippe V, premier roi de la nouvelle dynastie, le renforça le 7 septembre 1726 pour légitimer son propre trône et se relier avec les plus anciennes traditions hispaniques47.

    30Les trois principales iconographies utilisées et reproduites dans le salon étaient celles de Saint-Jacques chevalier ou Matamore (« Santiago Matamoros »), image qui s’était intensifiée durant la Guerre de Succession à cause du caractère de lutte contre le protestantisme pris par l’affrontement et qui permettait de faire un lien avec l’ancienne religiosité militante de la Contre-Réforme, avec l’image de Saint-Jacques conducteur des âmes, et en dernier lieu avec le symbole de l’homme qui réunissait d’une part les vertus chrétiennes et stoïciennes et d’autre part les idéaux de la vie de cour48. En définitive, toute une déclaration d’intention et de vie.

    31À côté de la série de l’apôtre Saint-Jacques et dans le même salon, se trouvaient douze lunettes, dans lesquels apparaissaient les portraits de Philippe V et d’Élisabeth de Farnèse, évalués chacun à 400 réaux, ainsi qu’une représentation de la Vierge del Pilar et, une fois de plus, de Saint-Jacques, défunt dans une barque49. Se déployait ainsi un discours en image du marquis : loyauté à la couronne, protection et lien direct avec le saint patron national, symbole de la monarchie et de ses vertus, parmi lesquelles la piété catholique.

    32Les peintures de l’oratoire, elles aussi d’Antonio Palomino, étaient consacrées à la figure de la Vierge et à ses mystères. La conception, l’incarnation, la fuite en Égypte et la Trinité sur terre étaient représentées. Tous les tableaux étaient de trois aunes de hauteur, achevés en forme d’arc dans leur partie supérieure. À côté d’eux, se trouvaient deux peintures en plein cintre qui représentaient la Nativité et l’adoration des rois mages, évalués chacun à 500 réaux, ainsi qu’une autre figurant la venue de l’Esprit Saint. Vingt-quatre petits tableaux d’histoire sacrée et d’autres saints achevaient la décoration de cette chapelle domestique. Dans celle-ci, ne pouvaient pas non plus manquer des représentations des quatre évangélistes et des quatre archanges. Le reste des peintures détenues par le marquis renforçait son image de chevalier pieux, mais aussi riche.

    33Le second peintre de renom présent dans la collection était Bartolomé Esteban Murillo, dont les peintures étaient évaluées au niveau le plus élevé parmi celles mentionnées dans l’inventaire. Un François de Paule « [...] en pied avec des anges, de deux aunes et demi de haut pour deux de large, avec un cadre noir aux contours dorés à 6 000 réaux de billon », prix auquel étaient aussi évalués chacun des autres tableaux attribués à Murillo, par exemple « [...] un François d’Assise, soulevé par un petit ange lui montrant le monde et plus particulièrement un pays ». S’y ajoutaient deux peintures avec personnages en pied : « [..] l’une de François-Xavier et l’autre de Saint-Joseph à l’enfant », plus une Vierge à l’enfant et une annonciation.

    34Palomino évoque lui même certains de ces tableaux dans son Museo Pictórico dont le marquis conservait un exemplaire dans sa bibliothèque :

    « Une très belle image en pied de la vierge avec son saint enfant contre elle. Ce giron possédé aujourd’hui par le marquis embellit et enchante par sa séduisante beauté50. »

    35Les Murillo faisaient toujours partie du patrimoine de la maison du marquis à l’époque de Charles III, car Antonio Ponz y fait référence dans son Voyage d’Espagne51.

    36La collection du marquis comprenait aussi six œuvres de Juan de Arellano aux thèmes religieux. L’un de la Vierge à l’enfant avec un ovale de fleurs évalué à 600 réaux de billons. L’autre, conçu pour être relié au précédent, avec les même fleurs et au centre un Saint-Joseph52, plus quatre autres fonctionnant par paires représentant des vases de fleurs avec des cadres noirs et cartouches dorées. Il est significatif de voir dans l’inventaire une mention de cinq œuvres attribuées au Gréco qui, d’après le goût de l’époque, n’étaient pas évaluées à un niveau très élevé : un Saint-François, deux Saint-Dominique dont l’un en élévation à côté de la Vierge, et deux Saint-François d’Assise dont l’un « méditant devant un crâne, avec un religieux en contrebas ».

    37Il est aussi fait mention à une descente de Croix de Tintoret évaluée à 1 500 réaux, d’un Saint-Pierre attribué au Caravage et d’une copie de La Gloria de Titien évaluée à 1 000 réaux. Deux autres artistes, dont les œuvres sont moins clairement identifiables, sont mentionnés dans la collection : Herrera le jeune et José Antolínez. Une peinture de Saint-Antoine abbé et une autre de Saint-Antoine de Padoue sont attribuées à Herrera. Antolínez est présenté comme l’auteur de deux tableaux apparentés, une Concepción et un Saint-François, ainsi que d’un Saint-Jérôme.

    38On voit que la peinture religieuse domine très largement, comme il était courant dans les collections espagnoles de cette époque, même si figurent aussi quelques peintures profanes comme par exemple un Incendie de Troie, une Fable d’un Satyre écorché – probablement la fable d’Apollon et Marsyas – et deux scènes faisant allusion aux Enchantements de Médée. On trouvait aussi quatre toiles consacrées à des scènes de mœurs : « Encierros » de taureaux à Madrid53 et Promenade sur les rives du Manzanares, et même deux scènes de carnaval des Pays-Bas, deux autres de Jeunes enfants prenant leur goûter ainsi que sept portraits, dix-sept vases avec fleurs s’ajoutant à ceux d’Arellano, huit fruitiers, cinq natures mortes, dix batailles, deux scènes de chasse, trois paysages et sept perspectives. Toutefois, le poids de la piété exhibée restait écrasant dans la collection.

    39Cette piété était aussi un élément important de la généalogie officielle du marquis de Santiago qui avait été reconstruite dans l’ouvrage écrit par Juan Feliz Francisco de Rivarola y Pineda, édité en 1736 et intitulé Parte segunda. Monarquía española blasón de su nobleza54. Le livre, dédié au sérénissime prince catholique don Ferdinand de Bourbon, décrivait sur le mode suivant le lignage du marquis de Santiago :

    « L’antique et brillante famille de ce nom qui exerça son patronage dans l’église paroissiale de Saint-Barthélémy de Séville où on les trouvait en l’an 1248, avec prérogative de conquistadors. Il utilise dans ses armoiries les bâtons rouges ; celles qui se voient aussi sur la dalle funéraire se trouvant sur la sépulture de Don Juan Rodríguez de los Ríos, chevalier de l’ordre de Saint-Jacques, qui gît en l’église des pères de la congrégation de l’Oratoire de Saint-Philippe Néri55 de cette ville, tout comme aussi dans un écu de bois sculpté doré et coloré sur la porte de la chapelle Saint-Joseph de l’église de Saint-Herménégilde des Carmes déchaussés de Madrid, où sont conservées deux stèles funéraires noires avec des lettres dorées dont l’une évoque Don Francisco Esteban de los Ríos, familier du Saint-Office [depuis 1689], et Doña María Bueno, sa femme. Ils la dotèrent pour les années 1676 et 1695 et l’on mentionne une écriture publique dudit patronage tout comme des fondations de messes perpétuelles laissées par Don Juan Rodríguez de los Ríos son père et on peut lire sur une autre stèle comment Doña María Bueno, épouse de Don Francisco Rodríguez de los Ríos, et Don Fernando Rodríguez de los Ríos y Bueno ont fondé d’autres messes perpétuelles dans cette chapelle dont ils sont les patrons.
    Don Francisco Rodríguez de los Ríos, premier marquis de Santiago créé par sa majesté, qui fit bâtir à ses frais la magnifique chapelle de Notre-Dame de la Nativité, dans le couvent de Notre-Dame de la Charité de l’ordre de Saint-Jean de Dieu, que l’on appelle communément du Vénérable Antón Martín de Madrid, et dont le patronage ainsi que celui de ses descendants est attesté par une écriture passée devant Gabriel de Nevares, notaire public, à laquelle il est fait référence sur la corniche de l’autel principal de la dite chapelle où l’on voit ses armes dans les triangles de la coupole. Il épousa Doña María Bueno, et tous deux sont les parents de Don Fernando, second marquis. »

    40Tel est le lignage réinventé du marquis et revendiqué au travers de ses actes de patronage pieux comme par exemple la fondation du couvent des Agonisantes créé sous l’invocation de Sainte Rosalie et qui se trouvait situé aussi dans la rue d’Atocha jusqu’à l’époque des désamortissements du XIXe siècle56.

    41Quant à sa véritable origine, on en trouve quelques détails moins brillants dans l’enquête menée en 1717 lors de l’octroi de l’habit de Saint-Jacques à son fils, Fernando Agustín Rodríguez de los Ríos57. À cette période, le marquis était fermier de la rente des magistères (mesas maestrales) des ordres militaires c’est-à-dire à un bon moment pour obtenir la croix de l’apôtre.

    42Le premier témoin cité dans cette enquête, Don Luis de Salazar y Castro, procurateur général de l’ordre de Calatrava, rapportait l’origine madrilène des parents du sollicitant. Son grand-père paternel, le fondateur du clan, était originaire d’après son propre testament, de San Felices de los Gállegos, dans l’évêché de Ciudad Rodrigo, dans l’actuelle province de Salamanque, puis on décida finalement qu’il venait de Lumbrales, un lieu très proche du premier et qui était dans tous les cas frontalier avec le royaume du Portugal. On rechercha à partir de ce lieu de la région de Salamanque les ancêtres du grand-père paternel mais en insistant sur le fait que

    « toutes les personnes qui appartiennent à sa généalogie sont vertueuses et charitables, en particulier le marquis de Santiago qui, après de nombreuses aumônes secrètes, manifesta sa piété par différentes œuvres pieuses et publiques58 ».

    43Après des efforts remarquables de recherches, l’enquête affirme l’existence d’ancêtres à Buitrago, un endroit beaucoup plus central et proche de la cour où ils n’étaient pas inscrits sur les registres du recensement des roturiers. Toutefois, le marquis s’était préoccupé d’être généreux avec la population et avec les paroisses des villages frontaliers du Portugal, surtout durant les années qui correspondaient aux enquêtes effectuées pour obtenir une nomination de familier du Saint-Office. Dans chacun de ces lieux, il avait distribué d’importantes aumônes, fait des donations et l’on gardait un très bon souvenir de lui. Dans l’enquête destinée à intégrer l’ordre de Saint-Jacques, il n’existe pas de mention du lignage datant de la reconquête dont il est question dans la généalogie imprimée. On ne parle pas non plus de Don Juan Rodríguez de los Ríos (en principe l’oncle du sollicitant) cité dans cette dernière comme chevalier de Saint-Jacques enterré dans l’oratoire de Saint-Philippe Neri de Seville.

    44En l’absence de références à une origine hidalga, ce fut le nom « de los Ríos » qui servit à justifier l’ancienneté de la maison et à conférer la légitimité nécessaire à l’obtention de l’habit de Saint-Jacques. « De los Ríos » était relié aux montagnes de Burgos, en terres de Reinosa où l’on disait qu’ils étaient d’« une famille illustre et connue » et où existait l’hidalguía universelle. L’enquête s’achève sur ce point avec, à défaut d’autres mérites, d’abondantes références à des fondations, œuvres pieuses et aumônes comme expression d’un lignage.

    45Le discours religieux et culturel soutenu par ce nouveau noble apparaît aussi dans le contenu de sa grande bibliothèque. Un inventaire réalisé après la mort du marquis mentionne 472 volumes59 dont les thèmes sont apparemment variés, bien qu’un examen plus approfondi permette de relever l’absence de livres en latin ou en une autre langue, et la rareté des œuvres de fiction. Il n’y a par exemple aucun Don Quichotte, seulement un Guzmán de Alfarache, et aucune pièce de théâtre. Seul Lope de Vega avait droit de cité dans le genre poétique héroïco-biographique. Les livres d’histoire dominent, singulièrement ceux des royaumes de la couronne d’Aragon (Zurita, Lanuza, Zayas, Argensola), ainsi que des histoires locales, y compris de diverses régions d’Amérique ou de territoires européens qui avaient appartenu à la monarchie hispanique, par exemple le royaume de Naples ou les Pays-Bas. Cet ensemble représente 12 % de la collection. On trouve également quelques œuvres philosophiques ou même artistiques comme le Museo Pictórico de Palomino déjà mentionné. Parmi tous ces volumes, quatre seulement (1,3 %) peuvent être qualifiés de « professionnels » car liés aux activités financières. Un Ripia, la Práctica de rentas reales ([Pratique des recettes royales] 1ère édition en 1676) évalué à 12 réaux, un Carranza intitulé Proporción de las monedas de oro, plata y cobre [Proportion des monnaies d’or, d’argent et de cuivre] (1629) évalué aussi à 12 réaux, une Premática para que los mercaderes y hombres de negocios y cambios públicos y sus factores [...] (1590)60 et enfin un Compendio matemático [Somme de mathématique] (1707) du Père Tosca qui était un ouvrage fort courant à cette époque. Il est possible que les « trente-trois livres in-quarto abimés correspondant à différents traités » soient aussi des ouvrages professionnels détériorés par l’usage. On pourrait inclure dans cette catégorie l’Instrucción política [Instruction politique] de Villadiego (1612, plusieurs rééditions aux XVIIe et XVIIIe siècles), dans la mesure où ce dernier était membre de la Grand Chambre des comptes et où il était question dans cet ouvrage du fonctionnement des tribunaux et Conseils de la monarchie. Sont aussi mentionnés quelques ouvrages de théorie politique comme les Empresas [Emblèmes] de Saavedra Fajardo, deux ou trois livres de musique, un Atlas de Blaeu et surtout des livres aux thèmes religieux. 31 % du total des ouvrages étaient des vies de saints, de papes ou des récits de miracles, 16 % portaient sur la morale ou la doctrine chrétienne. Ainsi, les livres aux thèmes religieux représentaient près de la moitié de la bibliothèque. La question reste à étudier avec plus de précision, mais il semble qu’il existe parfois un lien entre certains des livres portant sur les saints ou les miracles et les toiles de la collection du marquis, ce qui constituerait la preuve d’un intérêt véritable pour connaître la vie des saints qui ornaient les murs de sa demeure.

    Conclusion

    46L’exemple du marquis de Santiago montre comment les stratégies de consolidation d’un lignage de gens de finances à travers les pratiques culturelles évoluent entre le XVIIe siècle et les premières années du XVIIIe siècle. Le chemin suivi pour bénéficier du patronage royal n’a guère changé. Les services économiques, et les pratiques professionnelles traditionnelles qui y sont associées restent très appréciés de la monarchie et débouchent souvent sur l’acquisition d’un titre de noblesse, avec une accélération du processus dans la situation de guerre et d’instabilité dynastique qui existait durant les premières années du XVIIIe siècle. La nouveauté vient des moyens utilisés par la noblesse récente pour consolider son privilège social. Ce ne sont plus tant la présence à la cour ou une personnalité brillante pour sa connaissance de la littérature ou sa participation à des académies de poésie qui donnent lustre et assise à un titre de noblesse. La personnalité du monarque, source de patronage, est très liée au chemin à suivre et aux modalités du déploiement de ces stratégies. À cette période, il semble que la piété exhibée, les œuvres de charité, les fondations pieuses et les chapellenies, et en particulier les supports culturels qui y sont associés (tableaux et livres), constituent dans le cas du marquis de Santiago, les voies de consolidation de la famille ainsi que de sa reconversion et de sa représentation en un lignage d’une vénérable noblesse61.

    Image

    Fratrie et descendance du premier marquis de Santiago.

    Notes de bas de page

    1 Ce travail s’inscrit dans le projet Circulación, patrimonio y poder de Elites en la Monarquía Hispánica (1640-1715). ministerio de ciencia e innovación. Ref. HAR2009-12963-C03-01 (subprograma HIST).

    2 AGS, CMC, 3a ép., leg. 1731.

    3 Pour la trajectoire connue de cette famille sous le règne de Charles II, Sanz Ayán, 1988, p. 386-387.

    4 N. du t. Prélèvement portant sur les juros (des rentes délivrées par le roi) et sur les successions aux titres de noblesse ainsi que sur les revenus de certains offices pourvus par le roi, les vices-rois ou les capitaines généraux. Une définition complète dans Dubet, 2008b, p. 310.

    5 Sur le personnage, Lasso de la Vega, 1945, p. 381-435.

    6 AGS, CCGG, leg. 192 (Don Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos. Traslado). La dénomination de la recette était : « Rentas de Salinas de los partidos de Castilla la Vieja y Zamora y Real por fanega della y nuevos impuestos acrecentados de 6 reales en cada una por tiempos de diez años » [Recettes des salines des districts de Vieille Castille et de Zamora et du réal par fanègue de sel et des nouveaux impôts de 6 réaux par fanègue créés pour dix ans]. Il devait payer 50 100 000 maravédis par an, 2 % étant en argent avec une prime de 50 %. Pour les nouveaux impôts augmentés, il devait payer 22 306 296 maravédis.

    7 AGS, CCGG, leg. 192. Lettre F.

    8 Kamen, 1974, p. 225.

    9 Martínez Shaw et Alfonso Mola, 2001, p. 221.

    10 Ozanam, 1989, p. 61-98.

    11 Orry proposa que ceux qui intégreraient la compagnie payent 60 réaux de billons pour chaque 25 livres de laine fine. Les commerçants français n’acceptèrent pas ce prix, ne voulant aller au delà de 48 réaux et le plan échoua. Kamen, 1974, p. 150.

    12 À propos du fonctionnement de la compagnie en général, Scelle, 1906, vol. II, p. 339-450 et Fernández Duro, 1895-1903, p. 291-294. D’après cet auteur, Ducasse et Chateaurenaut, deux des membres les plus importants de la compagnie, opérèrent à partir de 1701 avec le titre de capitaines généraux de la flotte des Indes. Sur la composition de la compagnie et son facteur en Espagne, Sanz Ayán, 2002, p. 565-581.

    13 Dubet, 2008b, p. 302.

    14 Bacallar y Sanna, 1957, p. 46. « Jean Orry œuvra sans aucun respect pour les individus et acquit une autorité qui devint despotique et qui éclipsa toute autre autorité ; même le cardinal commençait à se plaindre de son arrogance. »

    15 Baudrillart, 2001, p. 153.

    16 AGS, Quitaciones de Corte leg. 28.

    17 AHN, Consejos leg. 619, E fol. 11 vo.

    18 AGS, CMC 3a ép. leg. 3002 no 6 (années 1665-1668) et leg. 133 no 11 (années 1669-1674).

    19 AGS, CMC 3a ép. leg. 3479. 1671 Affermage des salines de Galice, 1671.

    20 AHN, Consejos leg. 38.197 no 7 (1691). En 1691, Simón de Orcasitas entama un procès contre l’administrateur de la maison qui venait de prendre à sa charge l’affermage des impôts des « ports de terre ferme » et de la dîme de mer, D. Bernardo de Paz y Castañeda, représentant de la firme Éminente. Dans ce procès, il apparaît que que les Orcasitas avaient donné en sous-ferme des douanes de Santoña et Castro Urdiales à Bernardo de Paz y Castañeda qui était lui-même l’homme de paille de la firme Éminente.

    21 Bravo Lozano, 1986, p. 497-521.

    22 Sanz Ayán, 1988, p. 423-425.

    23 « La requête de D. Antonio de Lemos pour que le Comte de Moriana lui restitue et lui paye les 14 109 pesos qu’il lui avait confiés en juin 1710 lorsqu’il partit en Nouvelle-Espagne, ainsi que les intérêts de 5 % qui avait été promis et enregistrés par le comte. » RAH 14/11538(14)

    24 Le chapitre écrit ici par Carlos Álvarez Nogal en offre un bon exemple.

    25 Ce renforcement de la figure du financier a été aussi mise en relief dans l’analyse de la Trésorerie générale de la guerre de Dubet, 2008a.

    26 Sur cette période d’activité de la Trésorerie voir Sanz Ayán, 2006, p. 135-158.

    27 Kamen, 1974, p. 81.

    28 Sur ces clans, voir dans ce livre le chapitre de Jean-Pierre Dedieu.

    29 Ces procès peu connus qui ont eu lieu après la fin de la guerre de succession furent très durs, en particulier pour les créanciers de la monarchie. Caro Baroja, 1978, p. 78-79 et p. 60.

    30 Dubet, 2008b, p. 98. Il semblerait qu’il ait habillé ses domestiques et lui ait offert des chevaux, deux domaines dont López de Castro était un fournisseur professionnel.

    31 Dubet, 2008b, p. 109.

    32 AGS, TMC, leg. 1879.

    33 Recette et dépense de la période 1705-1707, AGS, TMC, leg. 1874.

    34 Juan de Dios y Río González, marquis de Campoflorido, avait en charge l’approvisionnement des troupes de Galice et José de Soraburu celui de celles de Navarre. Sur les activités de cette dernière famille d’entrepreneurs, Hernández Escayola, 2004.

    35 AHN, Consejos, lib. 2753, no 60 et leg. 8976, no 186.

    36 « Por Don Francisco Esteban Rodriguez de los Ríos, marqués de Santiago, thesorero general que ha sido de la santa cruzada de los reinos de Castilla y León, en el pleito con Francisco María Piquinoti administrador de la Casa del marqués de Francavila. Sobre los efectos que al tiempo de la quiebra de Juan del Solar, cajero de ambas casas, se inventariaron y hallaron en la pieza de la caxa del marqués. » [Par don Francisco ESEsteban Rodríguez de los Ríos, marquis de Santiago, ancien trésorier général de la Sainte Croisade des royaumes de Castille et de Léon, dans son procès contre Francisco María Piquinotti, administrateur de la maison du marquis de Francavila. Sur les effets dont on a fait l’inventaire, les ayant trouvés dans le local de la caisse du marquis, lors de la faillite de Juan del Solar, caissier des deux maisons]. RAH, 14/11535 (17), fol. 362-389.

    37 RAH, 14/11535 (17), fol. 366.

    38 Kamen, 1974, p. 81-82.

    39 Castro, 2004, p. 188.

    40 C’est aussi l’hypothèse de Francisco Andújar Castillo (2008, p. 208 et 243) et Santiago Aquerreta (2001, p. 63). Ces pratiques d’échanges entre capital monétaire et capital social étaient courantes depuis le XVIIe siècle.

    41 Ochoa, 1840, p. 71. Les tercias reales étaient une contribution prélevée sur les rentes du clergé.

    42 Cos Gayón, 1851, p. 254 : « Il ne fut pas possible de payer complètement les munitionnaires de la Guerre de Succession et le marquis de Santiago conformément aux contrats et il fut nécessaire pour le faire d’attribuer à cet effet en 1727 tous les tercios diezmos d’Aragon et de Valence. »

    43 AHPNM, Protocolo leg. 14.521, fol. 671-691.

    44 Sanz Ayán, 2008, p. 81.

    45 Galindo, 1989, p. 220-226.

    46 L’aune castillane ou « de Burgos » représentait environ 84 cm.

    47 Il garantit par une lettre exécutoire la continuité des offrandes annuelles de la couronne en faveur de l’apôtre. López, 2008, p. 50.

    48 Sur les trois modèles iconographiques de l’apôtre, Gómez López, 2004, p. 87-100.

    49 AHPNM, Protocolo 14.529, fol. 48-49.

    50 Palomino, 1797, p. 623 « Obras célebres de Murillo en esta Corte ». Il s’agit probablement de celle qui se trouve aujourd’hui au Metropolitan Museum de New York.

    51 Ponz, 1792, p. 307.

    52 Sur l’importance à cette époque du culte de Saint-Joseph comme message d’exaltation du travail et de la force de la famille, conformément au thèses de certains donneurs d’avis de la seconde moitié du XVIIe siècle, Yun Casalilla, 2008, p. 187-207.

    53 Divertissement en usage dans les fêtes populaires : les taureaux étaient conduits à travers les rues de la ville jusqu’aux arènes pour y être enfermés dans le toril, les jeunes gens courant devant eux.

    54 Rivarola y Pineda, 1736.

    55 Marchand devenu saint qui mourut en 1595 et fut canonisé en 1622.

    56 Mesonero Romanos, 1833, p. 159. « [...] l’autre couvent des Agonisantes sous l’invocation de Sainte-Rosalie est situé rue d’Atocha et fut fondé par le marquis de Santiago dans les années 1720 ».

    57 AHN, OM Caballeros de Santiago, exp. 7146.

    58 AHN, OM Caballeros de Santiago, exp. 7146, fol. 5 ro.

    59 AHPNM, prot. 14.529. Barrios Moya, 1989.

    60 Prematica para que los mercaderes y hombres de negocios y cambios publicos y sus factores que trataren de hazer compromissos para remission o espera de lo que deuieren o hizieren pleyto de acreedores esten pressos y no sean sueltos hasta que los pleytos se acaben y ayan dado fianças de pagar lo que deuen, como que el plazo no exceda de cinco años. [Pragmatique pour que les marchands et les gens d’affaires et changeurs publics et leurs facteurs qui tenteraient de passer des compromis pour la rémission ou le paiement différé de leurs dettes éventuelles ou auraient des procès pour dettes soient emprisonnés et ne soient pas relâchés avant la fin des procès et avant d’avoir donné des cautions en garantie de leurs remboursements, à condition que le délai de ces derniers n’excède pas cinq ans]. À Alcalá de Henares, chez Juan Gracián, en vente chez Blas de Robles..., 1590. RAH, 14/8603(7).

    61 Il est nécessaire d’étendre cette analyse à d’autres familles de financiers liés aux finances de l’État anoblies à cette période pour obtenir des résultats plus concluants. Il s’agit de l’objectif prioritaire du projet de recherche mentionné au début de cet article.

    Auteur

    • Carmen Sanz Ayán
      Real Academia de la Historia/Professeur, Universidad Complutense, Madrid.
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    1 Ce travail s’inscrit dans le projet Circulación, patrimonio y poder de Elites en la Monarquía Hispánica (1640-1715). ministerio de ciencia e innovación. Ref. HAR2009-12963-C03-01 (subprograma HIST).

    2 AGS, CMC, 3a ép., leg. 1731.

    3 Pour la trajectoire connue de cette famille sous le règne de Charles II, Sanz Ayán, 1988, p. 386-387.

    4 N. du t. Prélèvement portant sur les juros (des rentes délivrées par le roi) et sur les successions aux titres de noblesse ainsi que sur les revenus de certains offices pourvus par le roi, les vices-rois ou les capitaines généraux. Une définition complète dans Dubet, 2008b, p. 310.

    5 Sur le personnage, Lasso de la Vega, 1945, p. 381-435.

    6 AGS, CCGG, leg. 192 (Don Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos. Traslado). La dénomination de la recette était : « Rentas de Salinas de los partidos de Castilla la Vieja y Zamora y Real por fanega della y nuevos impuestos acrecentados de 6 reales en cada una por tiempos de diez años » [Recettes des salines des districts de Vieille Castille et de Zamora et du réal par fanègue de sel et des nouveaux impôts de 6 réaux par fanègue créés pour dix ans]. Il devait payer 50 100 000 maravédis par an, 2 % étant en argent avec une prime de 50 %. Pour les nouveaux impôts augmentés, il devait payer 22 306 296 maravédis.

    7 AGS, CCGG, leg. 192. Lettre F.

    8 Kamen, 1974, p. 225.

    9 Martínez Shaw et Alfonso Mola, 2001, p. 221.

    10 Ozanam, 1989, p. 61-98.

    11 Orry proposa que ceux qui intégreraient la compagnie payent 60 réaux de billons pour chaque 25 livres de laine fine. Les commerçants français n’acceptèrent pas ce prix, ne voulant aller au delà de 48 réaux et le plan échoua. Kamen, 1974, p. 150.

    12 À propos du fonctionnement de la compagnie en général, Scelle, 1906, vol. II, p. 339-450 et Fernández Duro, 1895-1903, p. 291-294. D’après cet auteur, Ducasse et Chateaurenaut, deux des membres les plus importants de la compagnie, opérèrent à partir de 1701 avec le titre de capitaines généraux de la flotte des Indes. Sur la composition de la compagnie et son facteur en Espagne, Sanz Ayán, 2002, p. 565-581.

    13 Dubet, 2008b, p. 302.

    14 Bacallar y Sanna, 1957, p. 46. « Jean Orry œuvra sans aucun respect pour les individus et acquit une autorité qui devint despotique et qui éclipsa toute autre autorité ; même le cardinal commençait à se plaindre de son arrogance. »

    15 Baudrillart, 2001, p. 153.

    16 AGS, Quitaciones de Corte leg. 28.

    17 AHN, Consejos leg. 619, E fol. 11 vo.

    18 AGS, CMC 3a ép. leg. 3002 no 6 (années 1665-1668) et leg. 133 no 11 (années 1669-1674).

    19 AGS, CMC 3a ép. leg. 3479. 1671 Affermage des salines de Galice, 1671.

    20 AHN, Consejos leg. 38.197 no 7 (1691). En 1691, Simón de Orcasitas entama un procès contre l’administrateur de la maison qui venait de prendre à sa charge l’affermage des impôts des « ports de terre ferme » et de la dîme de mer, D. Bernardo de Paz y Castañeda, représentant de la firme Éminente. Dans ce procès, il apparaît que que les Orcasitas avaient donné en sous-ferme des douanes de Santoña et Castro Urdiales à Bernardo de Paz y Castañeda qui était lui-même l’homme de paille de la firme Éminente.

    21 Bravo Lozano, 1986, p. 497-521.

    22 Sanz Ayán, 1988, p. 423-425.

    23 « La requête de D. Antonio de Lemos pour que le Comte de Moriana lui restitue et lui paye les 14 109 pesos qu’il lui avait confiés en juin 1710 lorsqu’il partit en Nouvelle-Espagne, ainsi que les intérêts de 5 % qui avait été promis et enregistrés par le comte. » RAH 14/11538(14)

    24 Le chapitre écrit ici par Carlos Álvarez Nogal en offre un bon exemple.

    25 Ce renforcement de la figure du financier a été aussi mise en relief dans l’analyse de la Trésorerie générale de la guerre de Dubet, 2008a.

    26 Sur cette période d’activité de la Trésorerie voir Sanz Ayán, 2006, p. 135-158.

    27 Kamen, 1974, p. 81.

    28 Sur ces clans, voir dans ce livre le chapitre de Jean-Pierre Dedieu.

    29 Ces procès peu connus qui ont eu lieu après la fin de la guerre de succession furent très durs, en particulier pour les créanciers de la monarchie. Caro Baroja, 1978, p. 78-79 et p. 60.

    30 Dubet, 2008b, p. 98. Il semblerait qu’il ait habillé ses domestiques et lui ait offert des chevaux, deux domaines dont López de Castro était un fournisseur professionnel.

    31 Dubet, 2008b, p. 109.

    32 AGS, TMC, leg. 1879.

    33 Recette et dépense de la période 1705-1707, AGS, TMC, leg. 1874.

    34 Juan de Dios y Río González, marquis de Campoflorido, avait en charge l’approvisionnement des troupes de Galice et José de Soraburu celui de celles de Navarre. Sur les activités de cette dernière famille d’entrepreneurs, Hernández Escayola, 2004.

    35 AHN, Consejos, lib. 2753, no 60 et leg. 8976, no 186.

    36 « Por Don Francisco Esteban Rodriguez de los Ríos, marqués de Santiago, thesorero general que ha sido de la santa cruzada de los reinos de Castilla y León, en el pleito con Francisco María Piquinoti administrador de la Casa del marqués de Francavila. Sobre los efectos que al tiempo de la quiebra de Juan del Solar, cajero de ambas casas, se inventariaron y hallaron en la pieza de la caxa del marqués. » [Par don Francisco ESEsteban Rodríguez de los Ríos, marquis de Santiago, ancien trésorier général de la Sainte Croisade des royaumes de Castille et de Léon, dans son procès contre Francisco María Piquinotti, administrateur de la maison du marquis de Francavila. Sur les effets dont on a fait l’inventaire, les ayant trouvés dans le local de la caisse du marquis, lors de la faillite de Juan del Solar, caissier des deux maisons]. RAH, 14/11535 (17), fol. 362-389.

    37 RAH, 14/11535 (17), fol. 366.

    38 Kamen, 1974, p. 81-82.

    39 Castro, 2004, p. 188.

    40 C’est aussi l’hypothèse de Francisco Andújar Castillo (2008, p. 208 et 243) et Santiago Aquerreta (2001, p. 63). Ces pratiques d’échanges entre capital monétaire et capital social étaient courantes depuis le XVIIe siècle.

    41 Ochoa, 1840, p. 71. Les tercias reales étaient une contribution prélevée sur les rentes du clergé.

    42 Cos Gayón, 1851, p. 254 : « Il ne fut pas possible de payer complètement les munitionnaires de la Guerre de Succession et le marquis de Santiago conformément aux contrats et il fut nécessaire pour le faire d’attribuer à cet effet en 1727 tous les tercios diezmos d’Aragon et de Valence. »

    43 AHPNM, Protocolo leg. 14.521, fol. 671-691.

    44 Sanz Ayán, 2008, p. 81.

    45 Galindo, 1989, p. 220-226.

    46 L’aune castillane ou « de Burgos » représentait environ 84 cm.

    47 Il garantit par une lettre exécutoire la continuité des offrandes annuelles de la couronne en faveur de l’apôtre. López, 2008, p. 50.

    48 Sur les trois modèles iconographiques de l’apôtre, Gómez López, 2004, p. 87-100.

    49 AHPNM, Protocolo 14.529, fol. 48-49.

    50 Palomino, 1797, p. 623 « Obras célebres de Murillo en esta Corte ». Il s’agit probablement de celle qui se trouve aujourd’hui au Metropolitan Museum de New York.

    51 Ponz, 1792, p. 307.

    52 Sur l’importance à cette époque du culte de Saint-Joseph comme message d’exaltation du travail et de la force de la famille, conformément au thèses de certains donneurs d’avis de la seconde moitié du XVIIe siècle, Yun Casalilla, 2008, p. 187-207.

    53 Divertissement en usage dans les fêtes populaires : les taureaux étaient conduits à travers les rues de la ville jusqu’aux arènes pour y être enfermés dans le toril, les jeunes gens courant devant eux.

    54 Rivarola y Pineda, 1736.

    55 Marchand devenu saint qui mourut en 1595 et fut canonisé en 1622.

    56 Mesonero Romanos, 1833, p. 159. « [...] l’autre couvent des Agonisantes sous l’invocation de Sainte-Rosalie est situé rue d’Atocha et fut fondé par le marquis de Santiago dans les années 1720 ».

    57 AHN, OM Caballeros de Santiago, exp. 7146.

    58 AHN, OM Caballeros de Santiago, exp. 7146, fol. 5 ro.

    59 AHPNM, prot. 14.529. Barrios Moya, 1989.

    60 Prematica para que los mercaderes y hombres de negocios y cambios publicos y sus factores que trataren de hazer compromissos para remission o espera de lo que deuieren o hizieren pleyto de acreedores esten pressos y no sean sueltos hasta que los pleytos se acaben y ayan dado fianças de pagar lo que deuen, como que el plazo no exceda de cinco años. [Pragmatique pour que les marchands et les gens d’affaires et changeurs publics et leurs facteurs qui tenteraient de passer des compromis pour la rémission ou le paiement différé de leurs dettes éventuelles ou auraient des procès pour dettes soient emprisonnés et ne soient pas relâchés avant la fin des procès et avant d’avoir donné des cautions en garantie de leurs remboursements, à condition que le délai de ces derniers n’excède pas cinq ans]. À Alcalá de Henares, chez Juan Gracián, en vente chez Blas de Robles..., 1590. RAH, 14/8603(7).

    61 Il est nécessaire d’étendre cette analyse à d’autres familles de financiers liés aux finances de l’État anoblies à cette période pour obtenir des résultats plus concluants. Il s’agit de l’objectif prioritaire du projet de recherche mentionné au début de cet article.

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    Ce livre est cité par

    • (2014) Histoire de l'argent à l'époque moderne. DOI: 10.3917/arco.legay.2014.01.0203
    • Lazhar Gharbi, Mohamed. (2015) Mahmoud Ben Ayyed. Méditerranée. DOI: 10.4000/mediterranee.7641
    • Baubeau, Patrice. (2018) Les inégalités, entre bonne et mauvaise finance. Revue d'économie financière, N° 128. DOI: 10.3917/ecofi.128.0091

    Ce chapitre est cité par

    • González Enciso, Agustín. (2020) Guerra y movilización de recursos económicos en el siglo XVIII. Un ensayo historiográfico. Cuadernos Dieciochistas, 21. DOI: 10.14201/cuadieci2020211543

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    Ayán, C. S. (2011). Négoce, culture et sens de l’opportunité dans la construction d’un lignage. Le premier marquis de Santiago pendant la Guerre de Succession. In A. Dubet & J.-P. Luis (éds.), Les financiers et la construction de l’État (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.124356
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