Républiques sœurs
|Deuxième partie. L'Amérique en question : des révolutions aux Républiques atlantiques
Une vice-royauté américaine face au système des révolutions atlantiques : la Nouvelle Espagne à l’époque du Directoire
Texte intégral
- 1 Je suis consciente de l’historicité de la catégorie spatiale et juridico-politique de « Nouvelle E (...)
- 2 Le débat sur la notion de « révolution atlantique » compte parmi les thèmes classiques de l’histor (...)
1La vice-royauté de la Nouvelle Espagne1 compte parmi les protagonistes de l’âge des « révolutions atlantiques2 ». Un protagoniste réticent, pouvons-nous ajouter, obligé par la force même de la conjoncture internationale à se mesurer avec les grandes transformations géopolitiques, politico-institutionnelles et économico-commerciales qui parcourent le monde atlantique dans les dernières décennies du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle.
- 3 Voir David Patrick Geggus, « Slavery, War and Revolution in the Great Caribbean », in David Barry (...)
2En raison de sa position stratégique au sein d’un système impérial espagnol qui continue malgré tout à s’étendre de Séville à Manille, grâce au « pont » mexicain. En raison également de sa contiguïté, de plus en plus étroite, avec les tous jeunes États-Unis qui voisinent avec la Louisiane, acquise par l’Espagne à la fin de la guerre des Sept Ans, dès l’éruption de la Révolution française, la vice-royauté de la Nouvelle Espagne prend, en effet, en charge sur le terrain des opérations le rôle, pour ainsi dire, de rempart de la présence et de l’influence hispanique en Amérique du Nord et sur une aire caraïbe que l’internationalisation de la Révolution française ne tardera pas à transformer en épicentre d’un conflit, militaire, économico-commercial et politico-idéologique destiné à marquer profondément toutes les entités qui donnent sur le golfe du Mexique3.
3Toutefois, le cadre est bien plus complexe et il serait réducteur de se limiter à évaluer l’impact exercé par l’âge des « révolutions atlantiques » sur la Nouvelle Espagne d’un point de vue exclusivement impérial et hispano-centré.
- 4 La bibliographie sur l’âge des Réformes dans l’empire espagnol et particulièrement en Nouvelle Esp (...)
4Bien loin de se configurer comme un simple prolongement américain de l’Espagne, à la fin du XVIIIe siècle la vice-royauté apparaît comme une macro-région bien articulée parcourue par d’importantes transformations et tensions, pour ainsi dire, locales. Des transformations liées d’une part à des dynamiques d’ordre démographique et économique et d’autre part à l’impact exercé sur l’ancien ordre colonial par les réformes bourboniennes qui désormais ne peuvent plus être différées, par l’issue de la guerre de Sept Ans et par la guerre d’Indépendance américaine4.
- 5 Le but des réformes est évidemment d’ordre politique. L’historiographie a toutefois établi une dis (...)
5Si on les considère d’un point de vue néo-hispanique, de telles mesures exercent, sur les sociétés locales, des effets bien plus révolutionnaires que les premiers échos de l’indépendance des États-Unis et de la Révolution française5. Au point d’alimenter dans les milieux coloniaux, par ailleurs bien moins imperméables que ne les a longtemps dépeints l’historiographie aux orientations culturelles du « siècle des Lumières », une résistance tenace dès l’expulsion des Jésuites en 1767 et bien au-delà de l’introduction de la réforme des intendants en 1786.
- 6 En faisant référence à la fin du XVIe siècle, David Brading écrit : « Desde el principio, los crio (...)
6En Nouvelle Espagne, la résistance au centralisme bourbonien se nourrit évidemment d’instances extrêmement variées, se distinguant d’après les différentes composantes socio-ethniques de la population. Elle va toutefois favoriser le renforcement d’un sentiment toujours plus conscient d’opposition entre les intérêts des vasallos, non moins profondément divisés entre eux, et les intérêts métropolitains. Il s’agit d’un contraste qui ne surgit pas à la fin du XVIIIe siècle, mais que la nouvelle conjoncture engagée par la paix entre l’Espagne et la France du Directoire contribue à transformer irréversiblement de nature6.
- 7 Je me réfère évidemment au second traité de Bâle. L’Espagne cède à la France la partie orientale d (...)
- 8 Voir Luis Navarro García, « La situación prerrevolucionaria en México (1788-1808) » ; O. R. Marti, (...)
7L’alignement franco-espagnol suite à la Paix de Bâle7 couronné en 1796 par le traité de San Ildefonso transforme paradoxalement la Nouvelle Espagne, où à partir de 1789, on a enregistré des exécutions, des confiscations et des expulsions à l’égard de Français présents dans la vice-royauté et on a accentué les mesures de contrôle à l’encontre de la propagande révolutionnaire8, en un partenaire de la République française et puis, jusqu’en 1808, de Napoléon même. Un partenaire tout à fait réticent, qui, après 1796, se trouvera dans la situation de devoir contenir la diffusion d’une autre forme de propagande. Je fais référence à la propagande soutenue par les agents anglais et puis anglo-américains adressée à un monde colonial qui était exaspéré par la pression croissante exercée sur ses ressources par la Métropole pour défendre l’intégrité de son empire.
- 9 Pour une introduction au sujet, avec une attention particulière aux transformations de la frontièr (...)
8Dans ma contribution, je chercherai, autant que possible, à tracer un profil de l’impact produit sur l’ordre colonial néo-hispanique par l’alignement de l’Espagne sur la France après la Paix de Bâle. Je considère qu’une analyse de brève période, à partir d’une perspective atlantique, attentive à l’interaction entre local et global, géopolitique et relations internationales, facteurs institutionnels et dynamiques économico-sociales, tout comme au problème du transfert des modèles politiques, idéologiques et culturels, puisse contribuer à mieux éclairer, sans rhétorique ni freins idéologiques, les origines de l’indépendance du Mexique. Ainsi qu’à expliquer comment prend forme, dans ce contexte, la grande question territoriale et politico-idéologique de la « frontière » entre le Mexique et les États-Unis9.
- 10 Miguel de la Grúa Talamanca de Carini y Branciforte (Palerme, 1755 ca – Marseille, 1812) a fait un (...)
9Tout comme le rapport entre objectif et subjectif, le rapport entre brève et longue période se configure comme le noyau même de la méthodologie de la recherche historique et c’est dans cet esprit que j’ai abordé la Nouvelle Espagne à l’époque du Directoire ; et plus précisément au moment où, en France, s’éteignent les derniers feux de la Terreur. Car c’est le 29 avril 1794 que s’embarque pour le Mexique le marquis de Branciforte10, le vice-roi sous le gouvernement duquel s’accomplira l’alignement de l’Espagne sur la France du Directoire.
- 11 « En teoría, [les intendants], sólo respondían a las más altas instancias ejecutivas, específicame (...)
10La nomination de Branciforte au prestigieux poste de vice-roi, une fonction que la réforme des intendants a, si l’on regarde de près, déclassé seulement sur le papier en Nouvelle Espagne11, s’insère dans le cadre du nouveau cours politique inauguré par Charles IV, qui en novembre 1792, après avoir écarté Aranda, a nommé ministre le jeune Godoy, dont Branciforte est le beau-frère.
- 12 Juan Vicente Güemes y Pacheco de Padilla (La Havane, 1740 – Madrid, 1799). Voir M. L. Díaz-Tranchu (...)
11Dès son arrivée au Mexique, le 12 juillet 1794, à quelques semaines du 9 Thermidor, Branciforte ne manque pas de prendre ses distances du vice-roi sortant. C’est-à-dire Juan Vicente de Güemes Pacheco, deuxième comte de Revillagigedo12.
- 13 Instrucción reservada que el Conde de Revilla Gigedo dió a sucesor en el mando, Marqués de Brancifo (...)
12Un bilan de l’action de Revillagigedo, qui a alimenté très tôt la formation d’une sorte de leyenda rosa autour de la personnalité et de l’œuvre de ce vice-roi, se trouve dans l’Instrucción reservada al Marqués de Branciforte (1794)13. La relation est un document d’un intérêt extrême. En filigrane, elle nous restitue un profil de l’état de estos reinos de la Nouvelle Espagne chronologiquement très proche du terminus a quo de notre reconstruction. Le vice-roi y présente les réformes bourboniennes, avec leur veine philanthropique ambiguë.
- 14 « Hace mucho tiempo que se trabaja en España, un nuevo código de leyes para estos reinos, y segura (...)
13Ces réformes se révèlent en effet dans les pages de l’Instrucción reservada d’authentiques interventions révolutionnaires par rapport à l’ancien ordre colonial. C’est pourquoi dans le texte on fait appel aux clauses antes, antiguamente en opposition à ahora, en mi tiempo, mais on admet aussi la charge que représente une action de gouvernement contrainte à prendre en compte un corpus de normes et de lois stratifié au point de devenir ingérable14.
14À une décennie de la fin de la guerre d’Indépendance américaine, les conflits nés de la Révolution française débouchent sur une vision atlantique. Dans l’Instrucción reservada de Revillagigedo la perspective de référence est toutefois essentiellement interne. La Nouvelle Espagne est un monde à part entière. Une région très vaste, qui s’étend, du moins virtuellement, de l’Oregon jusqu’à Panama, tout en exerçant une considérable projection commerciale et de contrôle sur l’orthodoxie spirituelle vis-à-vis des Philippines.
- 15 Ibid., p. 151.
15Que les pages de l’Instrucción reservada de Revillagigedo soient essentiellement consacrées à la situation interne de la vice-royauté ce n’est pas, somme toute, si surprenant. Il s’agit d’un monde qui est décrit sous le signe de l’inhospitalité et de l’amplitude des territoires. Des aspects qui dégagent la « mucha dificultad para los establecimientos y obras de público beneficio15 ». Tout aussi négativement, selon la meilleure tradition du réformisme éclairé, l’on considère l’état de la population, son extrême dispersion au sein du territoire et surtout son organisation socio-ethnique stratifiée.
- 16 Ibid., p. 151.
« Pero aún hay otro principio que los desune y separa entre sí, y éste es la diferencia de castas y división, que entre ellas han sustenido las leyes mismas, privando a las especies, de vivir en los pueblos de indios, y conservando por tales medios a éstos en su ignorancia, a aquéllos en su altivez, y el desprecio de las ocupaciones materiales […] y casi de todo trabajo corporal, lo cual ha perjudicado no poco, a la agricoltura16 »,
- 17 Les cuadros de castas du XVIIIe siècle classifient de façon très suggestive la mosaïque socio-ethn (...)
16lit-on dans le texte, pour sous-tendre l’existence d’une véritable mosaïque socio-ethnique17 qui semble paralyser, avec ses divisions internes, objectives et subjectives, les perspectives de développement de la vice-royauté.
17Les Noirs sont durement dépeints dans les pages de l’Instrucción reservada.
- 18 Ibid., p. 151.
« Al paso que se prohibió en América, la entrada de los europeos, personas blancas, que hubieran mejorado de muchos modos la raza de indios ; se han conducido a grande costa, negros que en todos sentidos han afeado y empeorado la casta india, y han sido el origen y el principio de […] castas deformes, como se ven en estos reinos18. »
18Toutefois, le document ne manque pas de souligner aussi avec précision les effets positifs, soit d’un point de vue métropolitain soit d’un point de vue néo-hispanique, des réformes relatives à la circulation des biens au sein du système impérial espagnol.
- 19 Sur les réformes en matière de comercio libre y protegido, voir Instrucción reservada, cit., passi (...)
« El libre comercio ha proporcionado mayor subdivisión de las fortunas. […] Van por las causas expuestas, aspirando todas las clases de que se compone la población de estos reynos, a mejorar su suerte, excepto los indios que con mucha dificultad y lentitud, saldrán de su esfera, costumbres y usos, porque ellas mismas los separan de aspirar a lograr mejores comodidades19. »
- 20 Ibid., p. 152.
19Tandis que l’évaluation des effets produits par les réformes en matière d’immigration vers la Nouvelle Espagne est différente. En effet, d’un côté, on souligne comment l’afflux d’europeos à l’intérieur d’une structure socioethnique déjà si stratifiée pose des problèmes inédits. « La misma abundancia », observe-t-on « es causa de que no hallen como antiguamente, destinos decentes para subsistir20 », dans le but d’affirmer, contre l’ancien mythe de la richesse des Indes, l’existence, parmi les peninsulares, d’individus qui mènent une existence des plus modestes.
- 21 Ibid.
« Los europeos han ido a proporción, degradándose como es preciso, al paso que los demás han ido subiendo. Se les ve ya trabajar en los oficios más mecánicos, y alternando con los criollos de todas castas, y se han visto obligado a acomodarse algunos a toda clase de servicio doméstico21. »
- 22 Ibid.
20D’autre part, dans le document on recommande la plus grande attention vis-à-vis de l’immigration des étrangers. D’après ce que l’on déclare dans l’Instrucción reservada, les étrangers en Nouvelle Espagne seraient toutefois vers 1794 très peu et employés presque exclusivement pour d’humbles travaux, « de modo que son muy poco temibles hasta ahora22 ».
21L’arrivée de Revillagigedo en Nouvelle Espagne coïncide de toute façon avec les débuts de la Révolution française. Un événement dont la portée n’a pas échappé au fonctionnaire d’une monarchie qui, de son côté, a par ailleurs choisi, dans le sillon de la tradition des Pactes de Famille, de rester jusqu’à la fin aux côtés de Louis XVI.
22Bien que son successeur Branciforte ne tarde pas à accuser Revillagigedo de sympathie avec les idéaux de la Révolution, il faut remarquer que ce dernier s’est fait, bien au contraire, promoteur dès 1789 d’une politique de contrôle sur la circulation des livres, feuilles volantes et pamphlets qui ont commencé à arriver dans le pays américain à travers les localités côtières, perméables, qui donnaient sur le golfe du Mexique : in primis le grand port de Vera Cruz, véritable carrefour d’échange avec le monde caraïbe.
23Si l’on tient compte de la mobilité des agents des États-Unis et français, contenir la propagande révolutionnaire n’est pas une mince affaire. D’après le portrait tracé dans l’Instrucción reservada destinée à Branciforte, Revillagigedo semble toutefois enclin à ne pas considérer que la Nouvelle Espagne est, en tant que telle, mûre pour un renversement de l’ordre établi.
- 23 Revillagigedo applique la « real orden muy reservada de 21 de mayo de 1790, que disponía la expuls (...)
- 24 Madrid appuie la révolte des esclaves de Saint-Domingue dès 1791 afin de récupérer les territoires (...)
24La crise dans le contexte des Caraïbes est bien plus inquiétante aux yeux du fonctionnaire de la Couronne23. Un phénomène qui absorbe de manière toujours plus considérable les ressources financières et militaires de la vice-royauté si on tient compte de l’engagement de l’Espagne à Saint-Domingue24.
- 25 M. L. Díaz-Tranchuelo Spinola, C. Pajarón Parody et A. Rubio Gil, « Juan Vicente de Guëmes Pacheco (...)
25Dans ce cadre, la nouvelle de l’exécution de Louis XVI constitue évidemment selon Revillagigedo un élément de véritable fracture, au point qu’il en vient à observer dans une lettre, citée dans le profil du vice-roi publié dans le volume de José Antonio Calderón Quijano, Virreyes de Nueva España en el reinado de Carlos IV, que « son mucho más temibles los franceses con sus disparatadas revoluciones y máximas de libertad imprudente que no los insulares con sus bien combinadas expediciones, sus proyectos y pretensiones en las costas del Nord Oeste de este continente25 ».
- 26 Pendant la crise de Nootka, Floridablanca s’est tourné vers la France, tout en invoquant l’applica (...)
26Les insulares sont les Anglais, dont les revendications sur l’océan Pacifique septentrional, en particulier dans la zone du détroit de San Juan de Fuca, ont auparavant inquiété la Couronne. Le problème de Nootka a même conduit l’Espagne à un pas de la guerre avec l’Angleterre, une guerre évitée, comme on l’a observé, grâce à la sagacité de Floridablanca26.
27Dans la Instrucción reservada, on manifeste d’autre part une crainte considérable à l’égard des revendications russes et on analyse les coûts de la gestion de ces disputes qui cachent encore une fois l’incessante recherche par les puissances européennes d’un « passage » entre les Océans.
- 27 Instrucción reservada, op. cit., passim.
- 28 Ibid., p. 247.
28C’est à la crise de Saint-Domingue et à ce contexte géopolitique qu’il faut reconduire le projet de réforme de l’armée dont on retrouve une description détaillée dans le document que nous examinons27 et un programme de fortification, sur le Pacifique, des ports de Monterrey, San Diego, San Francisco, Bodega « y la entrada de Eceta o río de la Colombia ; si se quiere por allí atajar los intentos de las naciones que pueden pensar en establecerse28 ».
- 29 « Une historiographie trop sensible aux difficultés maritimes de l’Espagne néglige souvent un fait (...)
- 30 Pour une introduction à la frontière hispano-américaine, voir : Alistair Hennessy, The Frontier in (...)
- 31 « La guerra que en ellas se hace, es por un orden distinto que lo que se acostumbra en las nacione (...)
29Une partie des ressources de la vice-royauté, qui dans de nombreux paragraphes de l’Instrucción reservada se présente comme une réalité caractérisée par un dynamisme économique interne destiné à se consolider dans le courant des dernières années du XVIIIe siècle, est, en effet, drainée dans le but de garantir un approvisionnement difficile et la défense des territoires septentrionales de la Nouvelle Espagne au Texas et en Floride jusqu’en Louisiane29. Des territoires qui apparaissent comme une véritable frontière30, dans le sens le plus large du terme, entre sédentaires et nomades, entre civilisation et barbarie31, entre l’Espagne et les États-Unis, mais aussi entre les autres puissances européennes présentes en Amérique du Nord.
- 32 M. L. Díaz-tranchuelo Spinola, C. Pajarón Parody et A. Rubio Gil, « Juan Vicente de Guëmes Pacheco (...)
30L’alliance de l’Espagne avec l’Angleterre dans le cadre de la Première Coalition complique évidemment le tableau, tout en rendant le problème de la Louisiane de plus en plus épineux. « Juzgo », écrit explicitement Revillagigedo « que la Louisiana en el sistema presente es una colonia sospechosa por la clase de sus habitantes, por sus constitución y por su inmediata vecindad a los Estados Unidos32 ».
- 33 Sur les dynamiques démographiques de la Louisiane à l’époque espagnole, voir Antonio AcostaRodrígu (...)
31La plupart des colons de la Louisiane33 sont en effet français. Ce qui n’est pas moins à redouter selon Revillagigedo, outre leur nationalité, c’est la proximité avec les États-Unis qui justement en 1793 déclarent leur neutralité devant la crise intercontinentale en cours. Onéreux, mais bien inférieurs par contre, sont les coûts d’entretien de la Floride, dispensés en large mesure en « regalos y agasajos o pensiones que se pasaban a los indios amigos, para tenerlos propicios antes los frecuentes ataques de los indios bárbaros ».
32L’Instrucción reservada s’achève par une formule de congé dans laquelle, au-delà de toute finalité rhétorique, il n’y a aucune référence explicite aux risques politico-sociaux sous-jacents aux révolutions et aux transformations géopolitiques en cours dans le monde atlantique.
- 34 Instrucción reservada, op. cit., p. 254.
33Revillagigedo a d’autre part déjà declaré que « la situación de este reino, le pone a cubierto de que sea invadido por las naciones europeas, sin muchos costos y riesgos34 ». Il prend ainsi congé de sa fonction en souhaitant à son successeur :
- 35 Ibid., p. 370.
« Todas las felicidades que no dudo merecerán sus esmeros y aciertos en el gobierno de estos reinos, dignos en realidad de que se mejore la infeliz situación y atraso que han vivido por siglos enteros, unos vasallos tan fieles a su soberano, tan obedientes a sus jefes, y tan agradecidos a lo que éstos hacen en su beneficio, como irá experimentando V. E. con aquella satisfacción que da el obrar bien, y conocer que se logra el fruto de las tareas, que se toma en el mejor servicio del rey utilidad del público ; la cual es la mayor recompensa que se saca de las molestias que son inseparables del mando35. »
- 36 Luis Navarro García et M. Del Pópulo Antolín Espino, « El virrey Marqués de Branciforte (1794-1798 (...)
34Un congé signé le 30 juin 1794 qui semble ignorer l’existence d’une disposition, datée 19 mars 1794, dans laquelle Madrid, comme le signale Luis Navarro García, demande expressément aux autorités de la vice-royauté de procéder à l’embargo de tous les biens des Français qui ne soient pas naturalisés ou qui résident illégalement dans le Royaume, « formandose los corrispondendientes inventarios36 ».
- 37 « Nada más te digo », écrit-il à Godoy, « sino que todos aquí detestan de él, llamandole unos jaco (...)
35Le nouveau vice-roi ne sera pas tendre avec son prédécesseur, il en viendra même à l’accuser, comme nous l’avons déjà remarqué, de sympathies révolutionnaires37.
36Homme de Godoy, Branciforte devra gérer en 1794-1795 une situation particulièrement complexe. Le gros de l’armée coloniale est désormais employé dans les campagnes de Saint-Domingue. Il peut donc garantir la sécurité interne en utilisant seulement quelques milliers de soldats.
- 38 « El autor del texto “sedicioso y seductor”, en palabras del virrey, debió ser español, no francés (...)
37Le vice-roi s’engage simultanément au cours de la période prise en examen à réprimer la circulation des idées révolutionnaires et l’idéologie républicaine qui se diffuse dans la Nouvelle Espagne au moyen de publications et de manifestations verbales. Branciforte choisit la voie de la répression alors que fleurissent des feuilles volantes dans lesquelles on soutient par exemple que « [l] os mas sabios son los franceses. El seguirlos en sus dictámenes no es absurdo. Por mucho que hagan las Leyes, nunca podrán sofocar los gritos que inspira Naturaleza ». C’est ce qu’écrit significativement l’auteur anonyme de la feuille38.
- 39 « Un español, Guerrero, había concebido lo que poco después comenzaría a llamarse un “golpe de est (...)
- 40 Comme nous le signale encore une fois Navarro García, le projet dans ce cas vise à transformer, av (...)
38Toujours en 1794, on s’alarme d’une première conjuration, connue comme la Conjuración de Guerrero39, un Espagnol, comptable sur le dernier bateau pour Manille. Parallèlement un autre groupe d’afrancesados, espagnols et créoles, est isolé ; certains d’entre eux sont des ecclésiastiques qui, apprendon, connaissent bien les textes philosophiques et politiques français40.
39Les manifestations publiques en faveur des idées révolutionnaires et des victoires militaires de la République ne manquent donc pas parmi les Espagnols, les Créoles et les Français présents dans la Nouvelle Espagne. Que le texte de La Marseillaise arrive très tôt en Nouvelle Espagne, grâce aux contacts que justement ces derniers entretiennent avec la France par Philadelphie, n’est donc pas surprenant.
40Par ailleurs, c’est le profil sociologique et professionnel de ces Français qui préoccupe le vice-roi Branciforte. Il s’agit pour la plupart de militaires, de cuisiniers, d’hôteliers, de commerçants, de gérants de salles de billard qui se trouvent par leur condition même en mesure d’exercer une certaine influence sur le soi-disant « petit peuple ». D’où la prolifération des contrôles et des mesures d’expulsion contre les Français indésirables.
41La politique engagée par Branciforte a un caractère capillaire. Le vice-roi enjoint aux intendants des diverses provinces de procéder à l’expulsion de tous les Français qui ne sont pas à même d’exhiber la licence avec laquelle ils sont parvenus dans la vice-royauté et la carta de naturaleza, à savoir le document de naturalisation, que leur a octroyé le roi. Cette politique se confond avec la confiscation des biens dans laquelle Branciforte a la main lourde.
42Il va même jusqu’à décréter l’emprisonnement ou l’arrestation de tous les résidents français, à l’exception de personnages distingués, pour le 15 janvier 1795. Une disposition que le gouvernement métropolitain approuve ex post, invitant toutefois à la prudence.
43Le vent est en train de changer de direction. Comme cela arrive souvent dans les empires coloniaux à l’époque moderne, la distance contribue toutefois à différer et à déformer le sens du changement. Au point qu’en 1795, au moment même où l’Espagne signe avec la France du Directoire la Paix de Bâle, on enregistre à Mexico un Auto de fé. Y sont condamnés aussi quatre Français.
- 41 Voir Instrucción reservada, passim.
- 42 Ibid., p. 241.
44À côté d’une telle répression des foyers de propagande, sur fond de guerre entre la France et l’Espagne, Branciforte s’engage à rendre effective la réorganisation de l’armée présentée point par point dans les paragraphes de la Instrucción reservada que lui avait adressée Revillagigedo41. Par rapport à ce dernier, qui, dans son document, a significativement insisté en plusieurs endroits sur la nécessité, en cas de conflit, du soutien de régiments métropolitains – europeos les a définis Revilagigedo42 – Branciforte procède au renforcement des milices coloniales. Il s’agit d’un choix qui contribue à une mobilité socio-ethnique inédite, tout en acheminant la transformation des militaires en acteurs fondamentaux dans le cadre de la dialectique des pouvoirs à l’époque de l’indépendance.
45Il faut toutefois remarquer qu’également pour le nouveau vice-roi, qui prend ses fonctions dans le contexte de la crise de Saint-Domingue, de la pression anglaise sur le Pacifique du Nord et l’inconnue que représente la Louisiane, la guerre continue à apparaître comme un phénomène essentiellement lié à une menace extérieure. Pour Branciforte également la loyauté des vasallos américains vis-à-vis de la Couronne ne semble donc pas être en question.
- 43 Sur l’histoire de la Californie à l’époque espagnole, voir Silvia L. Hilton, La alta California es (...)
46Ce qui inquiète plutôt Branciforte, ce sont les risques sous-jacents à l’alliance « conjoncturelle » entre l’Espagne et l’Angleterre, qui a conduit à l’ouverture des ports du Pacifique aux Anglais. Branciforte ne voit pas d’un bon œil la présence des Anglais en Californie43.
47La nouvelle de la paix avec la France arrive en Nouvelle Espagne seulement à la fin de 1795. Cependant l’alignement de la Métropole au Directoire ne change pas le fond des orientations de Branciforte. Sur le plan, pour ainsi dire, intérieur, le vice-roi maintient un contrôle serré sur la circulation de la presse et des idées révolutionnaires jusqu’à la fin de son mandat.
- 44 La projection désormais planétaire des rapports et des antagonismes européens favorise une circula (...)
48La situation apparaît toutefois désormais en fonction d’une transformation révolutionnaire si on la considère selon les effets produits par le traité de San Ildefonso. Après 1796, l’état de guerre localisé au monde atlantique se transforme en effet en un conflit virtuellement planétaire44, du moment que la Grande-Bretagne menace l’empire hispano-américain du golfe du Mexique aux Philippines, de l’Atlantique du Sud au Pacifique du Nord.
49Branciforte en est bien conscient et, en prévision d’une attaque anglaise à Veracruz, il est le promoteur du cantonnement militaire d’Orizaba. Toujours en fonction anti-anglaise, le vice-roi encourage la colonisation de la Haute Californie, en procédant, simultanément, au renforcement de la voie Mexico-Veracruz et en mettant en œuvre une série de projets en vue de l’élargissement du réseau routier intérieur du centre mexicain de la vice-royauté.
- 45 Connu aux États-Unis comme Traité Pinckney, l’accord diplomatique concerne la question des frontiè (...)
50De même, le problème de la Louisiane continue à être à l’ordre du jour. Dans leurs dépêches, les autorités coloniales insistent sur les constantes violations de la part des Nord-Américains. En fait, le traité de San Lorenzo en 179545 n’a pas résolu le problème de la pression nord-américaine sur la Louisiane espagnole. De même, après le traité Jay, la crainte d’un possible alignement de l’Angleterre et des États-Unis qui visent un accès sur le golfe du Mexique, est tout aussi importante.
- 46 Voir infra.
51Si on la considère du point de vue néo-hispanique, la tentative de régler avec les outils de la diplomatie l’expansion des colons et des commerçants américains prend des caractères différents, tout en traçant les contours du grand problème de la frontera norte du Mexique avec les États-Unis46.
- 47 Voir encore Luis Jáuregui, La real hacienda de Nueva España. Su administración en la época de los (...)
52La croissante menace anglaise rend de plus en plus lourde la pression de l’Espagne. Branciforte intensifie en effet de manière substantielle par rapport à son prédécesseur – qui par ailleurs était déjà enclin à puiser dans les ressources humaines et financières de la Nouvelle Espagne – la politique de subordination explicite aux exigences de Madrid. Ce choix contribue à déclencher la crise du pacte colonial47. Une crise qui prendra les caractéristiques d’une véritable guerre civile aussi à cause du renforcement des milices coloniales dont Branciforte se fait le promoteur au cours de son mandat.
53Une telle mainmise métropolitaine sur les ressources de la Nouvelle Espagne s’effectue toutefois paradoxalement dans le cadre de la crise du système des échanges et des communications dans l’empire espagnol. La défaite de la flotte espagnole par les Anglais à Cabo San Vicente en 1797 et le blocus de Cadiz rendent en effet les liaisons très difficiles. Ce qui a forcé Godoy, avant sa sortie, au choix obligé, formalisé le 18 novembre 1797, d’ouvrir les ports « indiens » aux pays neutres. Un choix provisoire, qui paradoxalement avantage l’ennemi anglais, qui a occupé Trinidad, et les dynamiques États-Unis, mais tout aussi révolutionnaire pour la Nouvelle Espagne qui se relie de manière aurorale il est vrai, mais néanmoins irréversible, au monde extérieur.
54C’est dans ce contexte que s’intensifient la circulation et la diffusion des idées et des langages politiques forgés par les révolutions américaine et française. Des idées et des langages qui sont graduellement adoptés dans le but de donner une voix au mécontentement croissant de ces vasallos que dans son Instrucción reservada de 1794 Revillagigedo a décrit comme naturellement loyaux à l’Espagne.
- 48 « La conjuración que el 10 de octubre de 1799 delató Teodoro Francisco Aguirre al virrey, implicab (...)
55À la fin du Directoire, ce mécontentement commence désormais à alimenter les premiers projets politiques dans les milieux créoles. Au-delà de l’« obsession des origines » ou de la rhétorique de circonstance qui ont déterminé la valorisation de ces épisodes dans les études sur l’indépendance du Mexique, pour l’origine socio-ethnique de ses membres et le langage dans lequel elle est formulée, la Conjuración de los machetes48 en 1799 constitue un événement que l’on peut qualifier de révolutionnaire.
56Il faut toutefois souligner que le républicanisme ne devient l’expression d’un projet politique plus vaste qu’en 1813-1814, lors de la phase finale de l’Insurgencia et sur la base d’un rapport d’émulation-dépassement par rapport à la Constitution de Cadiz.
- 49 Il faut mentionner aussi la révolte des Indiens de la partie orientale de la Sierra Tamaulipas.
- 50 Plus précisément le troisième traité de San Ildefonso, le premier datant de 1777 et le deuxième de (...)
57Après la Conjuración de los machetes et la révolte indienne de Tepic en 180149 – une révolte probablement fomentée par les Anglais qui se teinte de traits messianiques indo-chrétiens destinés à exploser dans le contexte de l’Insurgencia – le lien qui a unit la grande région américaine à l’Espagne dès le XVIe siècle résiste dans le fond aussi à l’aigrissement incessant de la politique centraliste de la Métropole, qui restitue la Louisiane à Napoléon avec le traité de San Ildefonso50 en 1800. Il s’agit d’une politique soudée à l’émergence et désormais essentiellement vidée de l’élan réformateur, par ailleurs perçu au-delà de l’Atlantique comme véritablement révolutionnaire par rapport à l’ancien ordre colonial, qu’on retrouve en filigrane dans les pages de l’Instrucción reservada.
58Il faut cependant souligner que le procès aux membres de la Conjuración de los machetes se déroule pendant des années, tout en démontrant l’inquiétude des autorités et leur volonté d’éviter toute forme d’émulation.
- 51 Pour une introduction au sujet, je renvoie à l’étude classique de Luis Villoro, El proceso idéolog (...)
59L’historiographie a d’autre part largement souligné comme la tradition et le sens d’appartenance à une communauté impériale hispanique jouent un rôle fondamental dans le débat sur la souveraineté qui s’amorce en Nouvelle Espagne au lendemain de la nouvelle des abdications des Bourbons en 180851. De sorte que, et cela malgré l’éclipse du pouvoir monarchique, les membres de l’administration métropolitaine restent à leur poste, se faisant plutôt, au moins en principe, les porte-parole des intérêts des europeos à savoir des Espagnols qui résident au-delà de l’Atlantique. Les cabildos se chargent par contre des intérêts des criollos, chez qui la doctrine du « contrat » d’origine néo-thomiste et jus-naturaliste est favorable à l’autonomie, autonomie qui toutefois n’est pas, pour l’heure, synonyme de l’indépendance de la Nouvelle Espagne.
- 52 Comme le rappelle Ernesto de la Torre, « [s]e presentaron teorías y fórmulas jurídicas y políticas (...)
60Dans un tel cadre idéologique et juridique, le débat sur la « nation » prend évidemment un caractère distinct par rapport à l’universalisme de la tradition révolutionnaire et républicaine française. Durant la période qui précède l’Insurgencia de Hidalgo et Morelos, la catégorie de nation ne semble pas prendre forme en Nouvelle Espagne ni comme équivalent de « volonté générale » ni de « peuple » désormais affranchi de toute distinction de rang52.
61L’horizon reste, de fait, éminemment celui d’une société corporative qui plonge ses racines dans l’histoire de la jonction traumatique entre la tradition communautaire hispanique et la mosaïque multi-ethnique de l’univers indigène. Dans la généalogie des institutions de la vice-royauté, les cabildos deviennent ainsi aux yeux des Créoles l’expression de l’autorité des Espagnols en Amérique la plus ancienne et donc la plus légitime.
62La thèse du « contrat », soutenue par un parti créole d’ailleurs très divisé en son sein sur le plan social et idéologique, est considérée révolutionnaire par la Real Audiencia, le tribunal suprême de la vice-royauté constitué de hauts fonctionnaires métropolitains. Le choix du vice-roi Iturrigaray de louvoyer entre un parti et l’autre, qui a conduit à la convocation de la Junta, ne tarde pas ainsi à déterminer une fracture profonde entre criollos et europeos.
63Le coup d’État de Yermo, un riche marchand et hacendado espagnol, le 15-16 septembre 1808, suivi par la destitution du vice-roy Iturrigaray et la désignation d’un nouveau vice-roi, Garibay – qui gouverne avec une main de fer le virreinado pendant quelques mois – semblent être favorables à ces derniers.
64Cependant, le choix de la Junta espagnole de substituer Garibay par l’archevêque de Mexico Francisco Javier de Lizana est évidemment un moyen pour réduire les aspérités du conflit au sein de la vice-royauté. Il ne s’agit pas de fait d’un choix définitif puisque le nouveau vice-roi est destitué à son tour et en conséquence l’ardeur pour l’indépendance grandit.
- 53 Je rappelle en particulier la conjuración de Valladolid à la fin de 1809 dont les buts étaient : l (...)
65L’apport des militaires et du clergé créole aux conjurations53 qui constellent cette période est déterminant. Si à Caracas, Buenos Aires, Bogotá et Quito ce sont les cabildos qui prennent en main le contrôle du gouvernement, la solidité de l’autorité du vice-roi, qui contrôle la capitale, contraint les créoles de la Nouvelle Espagne à recourir à l’insurrection avec la participation des masses paysannes, indigènes et castas.
66D’où l’écart par rapport aux orientations originairement liées à un horizon sociopolitique d’ancien régime de la Cospiración de Querétaro, à laquelle participe, dans une position éminente, le religieux Miguel Hidalgo. Ce sera même cet ecclésiastique éclairé, prototype du letrado, qui invoquera dans le Grito de Dolores la participation des masses populaires. Un appel au nom de la Virgen de Guadalupe qui transformera le mouvement en faveur de l’indépendance en une révolte destinée à faire tache d’huile et à bouleverser les sociétés de la Nouvelle Espagne.
- 54 « El saqueo de Guanajuato […] marca el punto decisivo de la revuelta ; de ahí en adelante decayó e (...)
67Toutefois, l’abrogation de la part de Hidalgo des tributs pesant sur les masses rurales indigènes et métisses, des distinctions de castas, de l’esclavage, la restitution aux communautés indigènes des terres, la confiscation des biens des Européens et l’éclatement de la violencia54 ne tardent pas à alimenter dans les milieux coloniaux favorables à l’indépendance de grosses inquiétudes, qui contribueront à la rupture du front qui s’oppose aux autorités métropolitaines.
68La crise de Saint-Domingue et la naissance de la république de Haïti ont, en effet, laissé une trace profonde, mais ambiguë dans les milieux coloniaux. La vice-royauté s’organise ainsi militairement pour contenir la menace de l’Insurgencia. L’affrontement se produit dans le centre et dans le Nord du Mexique. Hidalgo est fait prisonnier et ensuite exécuté à Chihuahua à la fin du juillet 1811.
- 55 Voir aussi Robert L. Paquette, « Revolutionary Saint Domingue in the Making of Territorial Lousian (...)
69Il faut remarquer que l’Insurgencia s’est propagée aussi dans les territoires septentrionaux les plus proches de la nouvelle frontière avec les États-Unis, qui en 1803 ont acquis la Louisiane de Napoléon. Le purchase de Jefferson55 constitue un autre fait révolutionnaire pour la vice-royauté puisqu’il transforme les États-Unis, dont le territoire a énormément augmenté, en une république au développement virtuellement continental. Une république américaine, faut-il ajouter, qui est déterminée à faire valoir ses revendications territoriales et ses « standards » de civilisation dans ses rapports avec la Nouvelle Espagne qui désormais est voisine.
- 56 Voir Virginia Guedea, « Autonomía e independencia en la provincia de Texas. La Junta de gobierno d (...)
- 57 Voir l’étude déjà mentionnée de David J. Weber, Frontera Norte, op. cit. Cf. Carlos Bosch García, (...)
70L’instabilité et la déstructuration de l’ordre colonial favorisèrent la pénétration des colons américains dans le Norte Lejano et au Texas56, créant ainsi les préambules pour les guerres, perçues comme un véritable « affrontement de civilisation », qui entraîneront le Mexique à la perte de la moitié de son territoire avant 184857.
71L’exécution de Hidalgo ne met pas fin à l’Insurgencia, dont l’épicentre se déplace vers le sud du reino. À la tête de cette constellation de révoltes nous trouvons un autre ecclésiastique : José María Morelos.
- 58 Voir Manuel Chust, « Legislar y revolucionar. La trascendencia de los diputados novohispanos en la (...)
- 59 « Mariano Mendiola formó parte de la Diputación Permanente, una especie de órgano ejecutivo de las (...)
72Les succès du caudillo Morelos réveillent l’attention des milieux créoles à l’égard de l’option indépendantiste, tandis qu’à Cadiz les représentants mexicains58 se mesurent, sur le terrain, avec la rédaction de la Constitution. Il faut rappeler qu’un secteur important des créoles de la Nouvelle Espagne a accueilli de manière optimiste l’Instrucción para las elecciones de América y Asia du février 1810 invitant les colonies à participer au premier congrès constituant espagnol. Les représentants de la Nouvelle Espagne sont ainsi nombreux à Cadix, tout en occupant des charges politiques très importantes59.
- 60 Ibid., p. 31. Voir aussi infra.
73Comme le rappelle Teresa García Godoy, « los esfuerzos parlamentarios de la diputación mejicana se dirigieron a descentralizar la administración española, a liberalizar la política económica y, sobre todo, a luchar por el derecho de la representación de los castas60 ».
- 61 « [E]n consecuencia, las Cortes podrán conceder carta de ciudadano a los que hayan hecho servicios (...)
74Cette proposition toutefois n’est pas acceptée. L’article 22 de la Constitution de Cadiz prévoit en effet que « [a] los españoles que por qualquier línea traen origen de Àfrica, para aspirar a ser ciudadanos les queda abierta la puerta de la virtud y del merecimiento61 ».
75Par conséquent, nous pouvons affirmer que ce sont les lacunes structurales de la Constitution de Cadiz en ce qui touche la représentation des Américains et leur autonomie effective dans le cadre de l’empire espagnol ainsi que l’attitude « contre-révolutionnaire » des autorités coloniales de la Nouvelle Espagne qui favorisent une connexion entre l’Insurgencia et le républicanisme.
- 62 Acta de Independencia de Chipalcingo (1813), dans « Apendice documental », in Ernesto de la Torre, (...)
- 63 La constitution de Cadiz prévoit un régime monarchique fondé sur la séparation des pouvoirs. « Por (...)
76C’est dans ce contexte qu’en septembre 1813, au congrès de Chipalcingo, Morelos déclare l’indépendance62. L’année suivante la première constitution du Mexique – la Constitution d’Apatzingán63 – s’inspire justement à la forme républicaine. Il s’agit d’une constitution qui puise, par le truchement de la Constitution de Cadiz, dans les constitutions françaises de 1791, 1793 et de 1795.
77Quant à l’influence exercée par la Constitution Américaine de 1787, María Teresa Godoy observe que
- 64 Teresa Garcia Godoy, Las Cortes de Cádiz y América, op. cit., p. 48.
« [p]ese a la vecindad, no fue la Nueva España el virreinato más influido por las cartas norteamericanas. Con todo, los constituyentes de Apatzingán tuvieron un mayor contacto con el constitucionalismo estadounidense que los doceañistas gaditanos. No sólo conocieron la Constitución de los Estados Unidos de América de […] 1787, sino también la Constitución […] de Massachusetts […] de 1780 y la Constitución […] de Pennsylvania […] de 179064 ».
- 65 Dans le sillage de la Constitution de Cadiz, l’article 3 de la constitution de « los Estados-Unido (...)
78La tradition du « contrat » de dérivation néo-scolastique et jus-naturaliste dont on retrouve l’écho même dans l’Acta de Independencia de Chipalcingo de 1813 reste toutefois une référence fondamentale sur le plan juridique comme sur le plan idéologique pour les créoles de la Nouvelle Espagne. On puisera justement à cette tradition quelques années plus tard, lors de l’indépendance de la Nouvelle Espagne en 1821. Une indépendance à l’allure conservatrice, dans le sens le plus étymologique du terme, qui conduira à la fondation de l’Empire mexicain. C’est le chant du cygne d’un monde hispano-américain d’ancien régime bouleversé par les « révolutions atlantiques », ajoutera-t-on, si on tient compte que l’Empire mexicain, qui a perdu en 1823 les territoires correspondants aux États centraméricains, devient, en 1824, une république fédérale à l’américaine65 dans un contexte d’instabilité et de conflictualité interne désormais endémique.
79Les États Unis, qui ont acheté la Floride dans le cadre du traité Adams-Onís en 1819, ont soutenu l’option républicaine grâce à leur special envoy au Mexique Joel Poinsett. Cette option n’effacera toutefois les divisions socio-ethniques de longue et très longue durée dans lesquelles s’enracine la Révolution mexicaine de 1910.
80Au terme de cet itinéraire, je retiens utile d’ajouter au moins quelques mots sur les transformations issues de la conjoncture atlantique et internationale à l’époque du Directoire sur la revendication orgueilleuse d’autochtonie mexicaine dont, en particulier après l’expulsion des Jésuites en 1767, les milieux coloniaux – notamment les milieux ecclésiastiques – se sont fait les promoteurs.
- 66 Voir les études de Brading déjà mentionées et B. Keen, The Aztec Image in Western Thought, New Bru (...)
- 67 Dans ce sens, la figure du dominicain Fray Servando Teresa de Mier (1763-1827) se révèle exemplair (...)
81Il s’agit de transformations tout aussi significatives que la diffusion de l’idiome républicain66. Au point que durant l’Insurgencia la propagande « patriotique » cherchera, à tout prix, à valoriser la continuité avec le passé mexicain, en transformant de fait l’Empire aztèque en préfiguration du Mexique indépendant67. Une attitude dont on retrouve l’écho dans le discours de Morelos au Congrès de Chipalcingo. Le caudillo y invoquera même ouvertement Moctezuma et Cuahuatémoc, en les invitant à célébrer avec des chants et des danses l’ouverture des travaux. Il ira même bien plus loin puisqu’il établit une sorte de continuité mystique entre la date d’ouverture du Congrès qui s’était réuni pour sanctionner l’indépendance du Mexique et la date de la chute de Tenochtitlan en 1521.
- 68 Razionamiento de general Morelos, en la apertura del Congreso de Chipalcingo, 14 de septiembre de (...)
¡Día grande ! Fausto y venturoso día es éste, en el que el sol alumbra con luz más pura, y aun parece que en su esplendor muestra regocijo en alegrarnos. ¡Genios de Moctezuma, de Cacamatzin, de Cuauhtemotzin, de Xicoténcatl y Catzonzi, celebrad, como celebrasteis el momento en que fuesteis acometidos por la pérfida espada de Alvarado, este dichoso instante en que vuestros hijos se han reunido para vengar vuestros desafueros y ultrajes, y librarse de las garras de la tiranía y fanatismo que los iba a absorber para siempre ! Al 12 de agosto de 1521, sucedió el 14 de septiembre de 1813. En aquél, se apretaron las cadenas de nuestra servidumbre en México Tenoxtitlán ; en éste, se rompen para siempre en el venturoso pueblo de Chipalcingo. […] Vamos a restablecer el Imperio Mexicano, mejorando el gobierno : vamos preparando el asiento que debe occupar nuestro desgraciado príncipe Fernando VII, recobrando que sea el cautiverio en que gime ; vamos a ser el espéctaculo de las naciones cultas que nos observan ; vamos, en fin, a ser libres e indipendientes68. »
82En 1813, l’indigénisme, ou plus précisément, si l’on se reporte à la période prise en examen, l’aztéquisme, apparaît comme un mythe national naissant. Un mythe fondateur, pourrait-on dire, appelé à unir une réalité divisée par de frontières socio-ethniques très profondes. Un mythe utilisé de manière ambiguë par les élites qui prennent la direction d’un pays marqué par des temporalités stratifiées et des âpres contrastes régionaux.
- 69 Sur le rôle des images, de l’imaginaire et des représentations collectives dans l’histoire des rel (...)
83Le rôle du « passé indigène » et la dialectique « Indien réel – Indien imaginé » constituent de fait deux composantes fondamentales de l’expérience et du discours politiques mexicains, tout en exerçant jusqu’à nos jours une influence considérable sur la conscience collective et l’image inter69du pays hispano-américain.
84Entre aztéquisme et républicanisme, les origines de l’indépendance du Mexique puisent donc dans le contexte de brève période que nos venons d’évoquer. L’alignement de l’Espagne à la France du Directoire se présente de ce point de vue comme un tournant fondamental. C’est justement dans le cadre d’un conflit atlantique et planétaire que se produit la crise du pacte colonial et qu’on enregistre le transfert culturel des mots, des idéologies et des modèles politiques des révolutions américaine et française.
Remerciements
85En préparant cette communication, j’ai cherché à enchaîner dans un développement unitaire des histoires qui ont pour fondement des traditions d’études étoffées et accréditées, mais qui restent encore souvent désunies. Il s’agit à l’évidence d’un travail en cours. Les prochaines célébrations du bicentenaire du début de l’Insurgencia (1810) et du centenaire du début de la Révolution mexicaine (1910) pourront, en partant de ce point de vue, devenir une occasion propice pour un réexamen approfondi de la dimension atlantique et planétaire, là où se manifeste la décomposition de l’ordre colonial de la Nouvelle Espagne et prend forme l’indépendance du Mexique. Je suis particulièrement reconnaissante à Pierre Serna (Institut d’histoire de la Révolution française, université Paris 1), à Manuela Albertone (université de Turin) et à Antonino De Francesco (université de Milan) pour m’avoir permis de commencer à réfléchir et à me mesurer avec des thématiques si passionnantes.
Notes
1 Je suis consciente de l’historicité de la catégorie spatiale et juridico-politique de « Nouvelle Espagne ». Dans cette contribution, je vais donc employer cette dénomination de manière « souple » afin d’indiquer soit la vice-royauté hispano-américaine dans son ensemble soit le reino de Nouvelle Espagne – Mexique. Comme chacun sait, pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, à la suite de l’expansion des autres puissances européennes et des néo-nés États-Unis ainsi que des réformes bourboniennes, la géographie politico-administrative de la vice-royauté et du même reino connaît des transformations profondes. Voir Ernesto de la Torre, La independencia de México, Madrid, Mapfre, Colección de Iberoamérica, 1992, p. 41-44. Cf. Peter Gerhard, Geografía histórica de la Nueva España, 1519-1821, Mexico, UNAM, 1986 et Horst Pietschmann, La reformas borbónicas y el sistema de las intendencias en Nueva España. Un estudio político-administrativo, Mexico, Fondo de cultura económica, 1996. Voir aussi le « grand livre » de David A. Brading, Orbe indiano. De la monarquía católica a la república criolla, 1492-1867, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1991 et Teresa García Godoy, Las Cortes de Cádiz y América. El primer vocabulario liberal Español y Mejicano (1810-1814), Séville, Diputación de Sevilla, 1998.
2 Le débat sur la notion de « révolution atlantique » compte parmi les thèmes classiques de l’historiographie. On peut retrouver ses origines à la fin du XVIIIe siècle dans la juxtaposition/opposition entre les deux révolutions – américaine et française. C’est toutefois à Godechot et Palmer qu’on doit la formulation d’une interprétation « atlantique » de la période des révolutions. Cette formulation a été accusée d’être idéologiquement orientée dans le climat des années cinquante. La croissance imposante en Amérique et en Europe des études sur la formation historique du monde atlantique à l’âge moderne permet aujourd’hui de revenir sur la notion de révolution, ou mieux, au pluriel, de révolutions atlantiques d’une façon articulée et polyphonique. Utile et équilibré, de ce point de vue, le volume de Bernard Bailyn, Atlantic History : Concept and Contours, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2005. Sur Palmer et Godechot, cf. Anna Maria Rao, « Jacques Godechot » ; « Robert Palmer », in Bruno Bongiovanni et Luciano Guerci (dir.), L’albero della Rivoluzione. Le interpretazioni della rivoluzione francese, Turin, Einaudi, 1989, p. 228-231 et p. 515-519.
3 Voir David Patrick Geggus, « Slavery, War and Revolution in the Great Caribbean », in David Barry Gaspar et David Patrick Geggus, A Turbolent Time. The French Revolution and the Greater Caribbean, Bloomington/Indianapolis, Indiana University Press, 1997, p. 1-50.
4 La bibliographie sur l’âge des Réformes dans l’empire espagnol et particulièrement en Nouvelle Espagne est riche. Pour une comparaison avec le monde anglo-américain, voir John H. Elliott, Empires of the Atlantic World. Spain and Britain in America, 1492-1830, New Haven/Londres, Yale University Press, 2006, notamment p. 253-411. Sur la Nouvelle Espagne à l’époque considérée, voir Enrique Florescano et Isabel GIL Sánchez, « La época de las reformas borbónicas y el crecimiento económico, 1750-1808 », Historia general de México, Mexico, El Colegio de México – Harla, 19873, p. 471-589 ; Horst Pietschmann, La reformas borbónicas y el sistema de las intendencias en Nueva España, op. cit. Voir aussi F. J. Rodriguez Garza et C. Gutierrez Herrera (coord.), Ilustración española, reformas borbónicas y liberalismo temprano en México, Azcapotzalco, UAM, 1992 ; J. F. Román Gutiérrez, Las Reformas borbónicas y el nuevo orden colonial, Mexico, Colección biblioteca del INAH, 1998. Cf. David Brading, Orbe indiano, op. cit., p. 456-552 et passim.
5 Le but des réformes est évidemment d’ordre politique. L’historiographie a toutefois établi une distinction entre les réformes « encaminadas a transformar el régimen político implantado por los Habsburgos, las que afectaron al cuadro administrativo encargado de aplicar esa política, y las destinadas a modificar la economía y las haciendas coloniales » (cf. Enrique Florescano et Isabel Gil Sánchez, « La época de las reformas borbónicas y el crecimiento económico, 1750-1808 », art cit., p. 492). L’Église coloniale est le premier « pouvoir » affecté par la nouvelle politique des Bourbons. II suffira de rappeler ici l’expulsion de la Compagnie de Jésus de la Nouvelle Espagne et de l’empire espagnol en 1767, premier acte d’une politique anticléricale bien plus articulée qui suscitera des réactions importantes dans les colonies hispano-américaines. Non moins fort c’est l’attaque déclenchée par les Bourbons aux structures commerciales, fiscales et administratives de la vice-royauté. Dans ce cadre, libériste et centraliste, s’insèrent d’un côté la réduction des pouvoirs du Consulado de México et de l’autre l’introduction de la figure de l’Intendente et avec elle, la réorganisation de la géographie politico-administrative du reino et de la vice-royauté. En dépit des résistances à son application, la Real Ordenanza de Intendentes (1786) impliquera une polarisation croissante entre les différents groupes d’intérêt locaux et métropolitains. Il ne faut pas enfin oublier les réformes concernant le secteur militaire et leur influence sur le renforcement de l’armée en tant que « corps » à l’intérieur de la société coloniale. Sur le rôle joué par les militaires dans l’Insurgencia et l’indépendance du Mexique, voir infra.
6 En faisant référence à la fin du XVIe siècle, David Brading écrit : « Desde el principio, los criollos parecen haberse considerado como herederos desposeídos, robados de su patrimonio por una Corona injusta y por la usurpación de inmigrantes recientes, llegados de la Península. En parte, su resientimiento se derivaba de los conquistadores, de hombres como Bernal Díaz del Castillo, quienes acusaron a la Corona de no haber sabido recompensar adecuadamente sus heroicos servicios. En parte, se debió a la incapacidad de muchos criollos para aprovechar las oportunidades que les ofreciera la expansión de una economía de exportaciones basada en la minería de la plata, el comercio transatlántico y la apertura de nuevas fronteras. Pero también expreso las quejas de una élite colonial a la que se le negaba su derecho de cuna : el gobierno de su patria y el goce de los privilegios y los beneficios derivados del dominio político. Los memoriales de este periodo, dirigidos a la Corona, reiteran anteriores quejas, y a la vez introducen temas que habrían de obsesionar el espíritu criollo hasta la llegada de la Independencia » (David Brading, Orbe Indiano, op. cit., p. 323). Sur la polarisation des conflits entre criollos et peninsulares, voir aussi id., The Origins of Mexican Nationalism, Centre of Latin American Studies, University of Cambridge, 1985 et infra.
7 Je me réfère évidemment au second traité de Bâle. L’Espagne cède à la France la partie orientale de Saint-Domingue.
8 Voir Luis Navarro García, « La situación prerrevolucionaria en México (1788-1808) » ; O. R. Marti, « La revolución francesa y México. Epistemología de las influencias », Les révolutions ibériques et ibéro-américaines à l’aube du XIXe siècle, 1991, Paris, CNRS Éditions, p. 215-233 et p. 259-269 ; Solange Alberro, Alicia Hernández Chávez et Elías Trabulse, La Revolución Francesa en México, Mexico, El Colégio de México/Centro de estudios mexicanos y centroamericanos, 1992 et infra. Cf. aussi Jean Meyer, Francia y América, Madrid, Mapfre 1992, p. 147-184, passim.
9 Pour une introduction au sujet, avec une attention particulière aux transformations de la frontière entre colonie et indépendance, voir David J. Weber, La frontera norte de México, 1821-1846. El sudoeste norteamericano en su época mexicana, Madrid, Colecciones Mapfre, 1992.
10 Miguel de la Grúa Talamanca de Carini y Branciforte (Palerme, 1755 ca – Marseille, 1812) a fait une brillante carrière dans les rangs de l’armée royale. C’est toutefois le mariage, probablement concerté, avec la sœur de Godoy, qui marquera un tournant dans la carrière de Branciforte. Pour les informations dans les pages qui suivent, je dois beaucoup aux études contenues dans le volume de José Antonio Calderón Quijano, Virreyes de Nueva España en el reinado de Carlos IV, Séville, Escuela de Estudios Hispano-americanos, 1972, I-II t. Il s’agit d’un recueil d’études tout à fait indispensable, bien qu’il soit désormais un peu âgé sur le plan historiographique. Voir aussi Luis Navarro García, « México en la política de Godoy », Revista de Estudios Extremeños, vol. 57, no 3, 2001, p. 1155-1168. Sur Branciforte, voir en particulier : Luis Navarro García et M. Del Pópulo Antolín Espino, « El virrey Marqués de Branciforte (1794-1798) », ibid., p. 366-625.
11 « En teoría, [les intendants], sólo respondían a las más altas instancias ejecutivas, específicamente la Secretaría de Despacho, que a su vez experimentaron su propria reforma, lo que disminuía autoridad al virrey. Sin embargo, por consideraciones prácticas, los intendentes se vieron obligados a rendir cuentas a los virreyes, lo que aunado a la decentralización fiscal virreinal, dio enorme poder a estos funcionarios y al asiento de su poder. Así, se descentralizó para fortalcer el gobierno central, pero el resultado no recayó exclusivamente sobre la corona sino también sobre la más alta autoridad colonial. Para finales del siglo XVIII el virrey contaba con un mayor poder, lo que por factores políticos sin duda contribuyó a los conflictos de la primera década del siglo XIX » (Luis Jáuregui, La real hacienda de Nueva España. Su administración en la época de los Intendentes, 1786-1821, Mexico, Unam, 1999, p. 56). Voir encore ibid., p. 82-85.
12 Juan Vicente Güemes y Pacheco de Padilla (La Havane, 1740 – Madrid, 1799). Voir M. L. Díaz-Tranchuelo Spinola, C. Pajarón Parody et A. Rubio Gil, « Juan Vicente de Guëmes Pacheco, Segundo Conde de Revillagigedo, 1789-1794 », in José Antonio Calderón Quijano, Virreyes de Nueva España en el reinado de Carlos IV, op. cit., p. 85-366.
13 Instrucción reservada que el Conde de Revilla Gigedo dió a sucesor en el mando, Marqués de Branciforte sobre el gobierno de este continente en el tiempo que fue su virrey, Mexico, Imprenta de la Calle de las Escalerillas a cargo del C. Augustín Guiol, 1831, rééd. de José de Bravo Ugarte.
14 « Hace mucho tiempo que se trabaja en España, un nuevo código de leyes para estos reinos, y seguramente hace ya multa falta, porque son tantas las reales cédulas y órdenes, que es imposible que les sepan los que les debían observar, pues sólo las que hay en la colección del archivo de la secretaría de este virreinato, componen ciento cincuenta tomos en folio y es un volumen bastantemente abultado » (ibid., p. 150).
15 Ibid., p. 151.
16 Ibid., p. 151.
17 Les cuadros de castas du XVIIIe siècle classifient de façon très suggestive la mosaïque socio-ethnique du reino de la Nouvelle Espagne. Sur la taxonomie du métissage, de la fin du XVIIIe siècle à l’aube de l’indépendance, voir Teresa Garcia Godoy, Las Cortes de Cádiz y América, op. cit., p. 319-323.
18 Ibid., p. 151.
19 Sur les réformes en matière de comercio libre y protegido, voir Instrucción reservada, cit., passim.
20 Ibid., p. 152.
21 Ibid.
22 Ibid.
23 Revillagigedo applique la « real orden muy reservada de 21 de mayo de 1790, que disponía la expulsión de negros y castas procedentes de las “islas extranjeras”, quienes podían difundir las ideas revolucionarias » (M. L. Díaz-Tranchuelo Spinola, C. Pajarón Parody et A. Rubio Gil, « Juan Vicente de Guëmes Pacheco, Segundo Conde de Revillagigedo, 1789-1794 », op. cit., p. 313). Dans une lettre confidentielle à Floridablanca, Revillagigedo écrit : « Desde que empezaron las locuras de los franceses recele que se proporcionaba con ellas la ocasión que desearía la Inglaterra de un rompimiento, y me será en extremo sensible no se haya podido evitar porque me parece no debemos esperar buenos resultados de la guerra según el estado actual de todos nuestros ramos y la confusión en que se halla la Francia, que debe ser siempre nuestra aliada » (ibid., p. 314).
24 Madrid appuie la révolte des esclaves de Saint-Domingue dès 1791 afin de récupérer les territoires de l’Ouest. Toussaint Louverture compte justement parmi les chefs pro-espagnols. Son passage de l’Espagne à la France se déroule entre mai et juillet 1794. Après la paix entre France et Espagne en 1795 et la cession à la France de la partie espagnole de Saint-Domingue, Louverture se tournera contre les Anglais. Voir Alain Yacou (dir.), Saint-Domingue et la révolution nègre de Haïti. Commémoration du Bicentenaire de la naissance de l’État d’Haïti (1804-2004), Paris, Karthala, 2007 et infra.
25 M. L. Díaz-Tranchuelo Spinola, C. Pajarón Parody et A. Rubio Gil, « Juan Vicente de Guëmes Pacheco, Segundo Conde de Revillagigedo, 1789-1794 », op. cit., p. 314.
26 Pendant la crise de Nootka, Floridablanca s’est tourné vers la France, tout en invoquant l’application du Pacte de Famille. « Cette démarche donne à l’Assemblée nationale l’occasion de définir sa position en matière de relations diplomatiques : elle accepte de reconduire l’alliance avec l’Espagne, mais avec cette précision : la France ne reconnaît que les traités signés entre les nations, pas ceux conclus entre rois » (Joseph Pérez, Histoire de l’Espagne, Paris, Fayard, 1996, p. 485).
27 Instrucción reservada, op. cit., passim.
28 Ibid., p. 247.
29 « Une historiographie trop sensible aux difficultés maritimes de l’Espagne néglige souvent un fait essentiel en Amérique : l’extension prodigieuse de la superficie contrôlée, qui double jusqu’à atteindre quatre-vingts millions de kilomètres carrés entre 1740 et 1790. Il s’agit soit de la conquête de territoires nouveaux, soit de terres laissées à l’abandon parce qu’elles n’avaient pas d’intérêt minier, mais qui maintenant intéressent en raison de leurs qualités agricoles » (Jean-Pierre Bois, Nouvelle histoire des relations internationales – 3. De la paix des rois à l’ordre des empereurs, 1714-1815, Paris, Seuil, 2003, p. 225). Voir aussi José Antonio Calderón y Quijano, Las fortificaciones españolas en América y Filipinas, Madrid, Mapfre, 1996 et J. G. Landers, « Rebellion and Royalism in Spanish Florida : The French Revolution on Spain’s Northern Colonial Frontier », in David Barry Gaspar et David Patrick Geggus, A Turbolent Time. The French Revolution and the Greater Caribbean, op. cit., p. 156-177.
30 Pour une introduction à la frontière hispano-américaine, voir : Alistair Hennessy, The Frontier in Latin American History, Londres, Edward Arnold, 1978 ; B. Schröter, « La frontera en hispanoamérica colonial : un estudio historiográfico comparativo », Colonial Latin American Review, vol. 10, été 2001, no 3, p. 351-385 ; Beatriz Vitar, « Las fronteras “bárbaras” en los virreinatos de Nueva España y Perú. Las tierras del norte de México y oriente del Tucumán en el siglo XVIII », Revista de Indias, 1995, vol. LV, no 20, p. 33-66. Voir aussi David J. Weber, Frontera Norte, op. cit.
31 « La guerra que en ellas se hace, es por un orden distinto que lo que se acostumbra en las naciones cultas, porque es preciso acomodarse al carácter y modo de hacerla a los salvajes, con quienes por regla general, siempre es preferible la paz, debiendo sólo hacerles la guerra para castigarlos y escarmentarlos ; por la falta a las paces que hubieran tratado, y volvérselas a conceder de nuevo » (Instrucción reservada, op. cit., p. 254). Voir David J. Weber, Bárbaros. Spanish and their Savages in the Age of Enlightenment, New Haven/Londres, Yale University Press, 2005.
32 M. L. Díaz-tranchuelo Spinola, C. Pajarón Parody et A. Rubio Gil, « Juan Vicente de Guëmes Pacheco, Segundo Conde de Revillagigedo, 1789-1794 », op. cit., p. 331. Sur l’histoire de Louisiane à l’époque espagnole, voir Paul E. Hoffmann, Luisiana, Madrid, Mapfre, 1992.
33 Sur les dynamiques démographiques de la Louisiane à l’époque espagnole, voir Antonio AcostaRodríguez, La población de Luisiana española (1763-1803), Madrid, Ministerio de Asuntos Exteriores, 1979.
34 Instrucción reservada, op. cit., p. 254.
35 Ibid., p. 370.
36 Luis Navarro García et M. Del Pópulo Antolín Espino, « El virrey Marqués de Branciforte (1794-1798) », op. cit., p. 389.
37 « Nada más te digo », écrit-il à Godoy, « sino que todos aquí detestan de él, llamandole unos jacobino, otros francmasón, por haberle visto seguir en este mando las máximas de Aranda, a quien llama su padre, amigo, maestro y protector ; y atribuyen más a la malicia que a l’ignorancia el haber dejado esto reino interamente indefenso en el actual estado de guerra » (cité dans ibid.).
38 « El autor del texto “sedicioso y seductor”, en palabras del virrey, debió ser español, no francés, y de no escaso nivel cultural, y eso mismo daba pie para pensar que un sordo, pero vivo e intenso debate debía estarse produciendo en determinados sectores de la sociedad mexicana sobre los sucesos de Francia cuando la polémica afloraba en forma de letreros a las mismas paredes de la ciudad. Esto y no otra cosa es lo que percibió el mismo maqués [Branciforte] » (Luis Navarro García, « La situación prerrevolucionaria en México », op. cit., p. 220).
39 « Un español, Guerrero, había concebido lo que poco después comenzaría a llamarse un “golpe de estado” para hacerse con el gobierno de México. […] Una de las ventaja que el país obtendría con este golpe sería la de que no volvería a salir de él un real para España, mientras que por entonces salían anualmente gran cantidad de millones » (ibid., p. 221).
40 Comme nous le signale encore une fois Navarro García, le projet dans ce cas vise à transformer, avec l’aide de six mille colons nord-américains, la Nouvelle Espagne en une république, en la subdivisant en douze provinces. D’après les actes du procès, l’un des conjurés aurait nié le droit du roi d’Espagne à exercer son autorité sur le Mexique, un territoire conquis par la violence au XVIe siècle et soumis à un système de domination vexatoire. Les conjurés auraient manifesté leur approbation pour l’exécution des rois de France et leur hostilité vis-à-vis de Charles IV, de la reine et de Godoy.
41 Voir Instrucción reservada, passim.
42 Ibid., p. 241.
43 Sur l’histoire de la Californie à l’époque espagnole, voir Silvia L. Hilton, La alta California española, Madrid, Mapfre 1992. Cf. José Antonio Calderón y Quijano, Las fortificaciones españolas en América y Filipinas, op. cit., p. 146-156, passim.
44 La projection désormais planétaire des rapports et des antagonismes européens favorise une circulation des idées révolutionnaires et des hommes qui va bien au-delà de l’Atlantique. Je me limiterai ici à évoquer les vicissitudes du jacobin écossais Thomas Muir, par ailleurs bien connues, qui débarque en Californie en 1796 après une fuite aventureuse à travers le Pacifique à bord d’un navire marchand des États-Unis. Dans The Fatal Shore. The Epic of Australia’s Founding (1987), Robert Hughes évoque efficacement l’histoire de Muir, qui compte parmi les premiers déportés politiques en Australie. Le rôle des bateaux américains dans la fuite de Muir et l’attraction exercée par Philadelphie démontrent le rôle révolutionnaire que les États-Unis naissants jouent dans la circulation intercontinentale des idées et des hommes, rôle que notre cas isolé ne peut qu’évoquer. Un rôle que les États-Unis jouent évidemment avec un tout autre mordant dans les Amériques où l’état de guerre permanent entre les anciennes puissances impériales leur ouvre un espace de manœuvre inédit. La nouvelle alliance de l’Espagne avec la France du Directoire ne joue pas en faveur de Muir. En tant que sujet du Royaume-Uni, il est de fait emprisonné et embarqué pour l’Espagne. Blessé lors de l’attaque anglaise du bateau sur lequel il voyageait, il est ensuite libéré sur intercession des républicains français. Talleyrand en personne traite sa libération et Muir vivra à Paris jusqu’à sa mort, en 1799. Le manuscrit de ses aventures circule largement et suscite un grand intérêt du fait de la guerre entre la France du Directoire et l’Angleterre.
45 Connu aux États-Unis comme Traité Pinckney, l’accord diplomatique concerne la question des frontières entre l’empire hispano-américain et la république fédérale nord-américaine, tout en régissant les droits de navigation sur le Mississippi.
46 Voir infra.
47 Voir encore Luis Jáuregui, La real hacienda de Nueva España. Su administración en la época de los Intendentes, op. cit., p. 164-171, passim.
48 « La conjuración que el 10 de octubre de 1799 delató Teodoro Francisco Aguirre al virrey, implicaba, exclusivamente, al parecer, a un grupo de criollos. Criollos, por otra parte, de escasa consideración social en un país de tan brillante élite colonial como era Nueva España. […] El proyecto había sido delatado al virrey tan en sus incios que todavía no había tenido lugar el primero encuentro de los cospiradores [… A] la secunda [réunion…] entendieron que los asistentes se lamentaron de la opresión que el país sufría por los peninsulares, lo que les llevaba a ver la necesidad de ganar su independencia, y seguidamente hablaron de la manera de conseguir armas, de apoderarse del palacio y del virrey, y de soltar los presos de la cárcel de la Corte, que suponían se les unirían [… L] os mismos instructores de la causa denominaron [la conjuration de Machetes] “conspiración de criollos contra gachupines” » (Luis Navarro García, « La situación prerrevolucionaria en México », cité dans Les révolutions ibériques et ibéro-américaines, op. cit., p. 228-229, passim).
49 Il faut mentionner aussi la révolte des Indiens de la partie orientale de la Sierra Tamaulipas.
50 Plus précisément le troisième traité de San Ildefonso, le premier datant de 1777 et le deuxième de 1796.
51 Pour une introduction au sujet, je renvoie à l’étude classique de Luis Villoro, El proceso idéologico de la revolución de independencia, Mexico, Unam 19672. Voir aussi David Brading, Orbe Indiano, op. cit., p. 576-648, passim et id., The Origins of Mexican Nationalism, cit., passim. Cf. Jaime E. Rodríguez, « La revolución francesa y la independencia de México », in Solange Alberro, Alicia Hernández Chávez et Elías Trabulse, La revolución francesa en México, op. cit., p. 137-153. Pour une introduction aux transformations des catégories politiques et à la lexicographie de la politique en Espagne et au Mexique entre la crise de l’ordre colonial et les origines de l’indépendance, voir l’étude déjà mentionnée de Teresa García Godoy, Las Cortes de Cádiz y América, op. cit. Voir enfin Roberto Breňa, El primer liberalismo espaňol y los procesos de emancipacíon de América, 1808-1824. Una revison historiogràfica del liberalismo hispànico, Mexico, El Colegio de Mexico, 2006.
52 Comme le rappelle Ernesto de la Torre, « [s]e presentaron teorías y fórmulas jurídicas y políticas diversas, desde las de las Partidas y otros cuerpos jurídicos tradicionales, hasta las de Rousseau y otros tradistas ilustrados » (Ernesto de la Torre, La independencia de México, op. cit., p. 79). Pour une première introduction aux sources, voir les documents en appendice dans le volume, p. 175-282.
53 Je rappelle en particulier la conjuración de Valladolid à la fin de 1809 dont les buts étaient : la constitution d’une Junta de gouvernement créole, l’éloignement des Espagnols de leurs postes et la confiscation de leurs biens. Les conjurés promettent aussi l’abolition du tribut pour les indigènes et un dégrèvement des charges fiscales et de travail.
54 « El saqueo de Guanajuato […] marca el punto decisivo de la revuelta ; de ahí en adelante decayó el entusiasmo por el movimiento. A la seis semanas del Grito de Dolores, la mayoría de los criollos, mestizos, comunidades indígenas y castas ripudiaron a Hidalgo. En última instancia, la rebelión de Hidalgo fracasó porque si bien hacía un llamado a defender los intereses de la clase alta, desencadenó una revuelta de la clase baja rural. Todos los grupos que tenían algo que perder la rechazaron » (Jaime E. Rodríguez O., « La revolución francesa y la independencia de México », art. cit., p. 148).
55 Voir aussi Robert L. Paquette, « Revolutionary Saint Domingue in the Making of Territorial Lousiana », in David Barry Gaspar et David Patrick Geggus, A Turbolent Time. The French Revolution and the Greater Caribbean, op. cit., p. 204-225.
56 Voir Virginia Guedea, « Autonomía e independencia en la provincia de Texas. La Junta de gobierno de San Antonio de Béjar, 1813 », in ead. (dir.), La Independencia de México y el proceso autonomista novohispano 1808-1824, Mexico, UNAM/Instituto de Investigaciones Doctor José María Mora, 2001, p. 135-183.
57 Voir l’étude déjà mentionnée de David J. Weber, Frontera Norte, op. cit. Cf. Carlos Bosch García, « 1819-1836 : la expansión norteamericana. Análisis global de las relaciones entre la Nueva España, y después México, con Estados Unidos durante el periodo comprendido entre la firma del Tratado Adams-Onís y el conflicto de Texas », Secuencia. Revista de Historia y ciencias sociales, no 20, mayoagosto de 1991, p. 25-33 et Norman Graebner, « The American-Mexican Cultural Clash and the Mexican War », in Pierre SAVARD et Brunello Vigezzi (éd.), Multiculturalism and the History of International Relations from the 18th century up to the Present, Milan, Edizioni Unicopli/Presses universitaires de Ottawa, 1999, p. 191-202.
58 Voir Manuel Chust, « Legislar y revolucionar. La trascendencia de los diputados novohispanos en las Cortes hispanas 1810-1814 », in Virginia Guedea (dir.), La independencia de México y el proceso autonomista novohispano, op. cit., p. 23-82.
59 « Mariano Mendiola formó parte de la Diputación Permanente, una especie de órgano ejecutivo de las Cortes ; 4 novohispanos ocuparon la Presidencia, la máxima dignidad del Congreso (José María Gutiérrez de Terán, Mariano Mendiola, José Siméon Uria, Joaquín Maniau y José Miguel Gardoa) ; y uno Secretario (José María Gutiérrez de Terán) » (Teresa García Godoy, Las Cortes de Cádiz y América, op. cit., p. 30).
60 Ibid., p. 31. Voir aussi infra.
61 « [E]n consecuencia, las Cortes podrán conceder carta de ciudadano a los que hayan hecho servicios eminentes a la patria o a los que se distingan por sus talentos, su aplicación y su conducta, bajo condición, respeto de estos últimos, de que sean hijos de legítimo matrimonio, de padres ingenuos, de que estén ellos mismos casados con mujer ingenua y avecindados en lo dominios de España y de que ejerzan alguna profesión, oficio o industria util con un capital propio, suficiente a mantener su casa y educar sus hijos con honradez » (Constitución política de la monarquía española promulgada en Cádiz a 19 de marzo de 1812).
62 Acta de Independencia de Chipalcingo (1813), dans « Apendice documental », in Ernesto de la Torre, La Independencia de México, op. cit., p. 248-249.
63 La constitution de Cadiz prévoit un régime monarchique fondé sur la séparation des pouvoirs. « Por el contrario, los diputados de Apatzingán formulan un sistema de gobierno republicano y administrativamente centralista. La división de poderes concede la supremacía al legislativo (el Supremo Congreso, formado por una sola cámara) que elegía a los miembros de los demás poderes. El poder ejecutivo (el Supremo Gobierno) es colegiado y lo asumen tres miembros que se turnan periódicamente en la presidencia : el poder judicial recae en el Supremo Tribunal de Justicia » (Maria Teresa Godoy, Las Cortes de Cádiz y América, op. cit., p. 49). Sur les sources juridiques de la constitution, voir Ernesto de la Torre Villar, « La revolución francesa y su influencia en la constitución de Apatzingán de 1814 », in Solange Alberro, Alicia Hernández Chávez et Elías Trabulse, La Revolución Francesa en México, op. cit., p. 155-160 et id., La independencia de México, op. cit., p. 100-114.
64 Teresa Garcia Godoy, Las Cortes de Cádiz y América, op. cit., p. 48.
65 Dans le sillage de la Constitution de Cadiz, l’article 3 de la constitution de « los Estados-Unidos Mexicanos » du 1824 reconnaît cependant la religion catholique romaine comme religion d’État. « Sólo el prestigio de que gozaban las doctrinas escolásticas en una y otra margen del Atlántico y el arraigo, en estos lugares, de un concepto de vida católico pude explicar la singular mixtura de principios religiosos e ideas revolucionarias en el pensamiento liberal hispánico ; así se entiende, también, que en el constitucionalismo de estirpe hispánica se armonicen dos elemento contradictorios desde el punto de vista del Derecho : el principio de la soberanía popular y el de origen divino del poder » (María Teresa Godoy, Las Cortes de Cádiz y América, op. cit., p. 53). Voir Constitución federal de los Estados-Unidos Mexicanos, 1824.
66 Voir les études de Brading déjà mentionées et B. Keen, The Aztec Image in Western Thought, New Brunswick, Routger University Press, 1871, en particulier p. 260-336, passim. Je me permets de renvoyer aussi à Maria Matilde Benzoni, La cultura italiana e il Messico. Storia di un’immagine da Temistitan all’Indipendenza, Milan, Edizioni Unicopli, 2004, en particulier p. 286-369, passim. Voir aussi ead., « The Idea of Europe and the “Dispute of the New World”. Some Reflections between History and Historiography », History of European Ideas, 2008, vol. 34, Issue 4, décembre 2008, p. 375-382.
67 Dans ce sens, la figure du dominicain Fray Servando Teresa de Mier (1763-1827) se révèle exemplaire. Le 12 décembre 1794, le jour de la Virgen de Guadalupe, cet ecclésiastique a soutenu dans un célèbre sermon que le christianisme était arrivé au Mexique avant la Conquête. Dans son Historia de la revolución de Nueva España antiguamente Anáhuac, publiée à Londres en 1813, Mier a d’ailleurs résolument retouché les contours de son anti-hispanisme. Si, en 1794, il s’était limité à nier que l’Espagne avait porté au Mexique le don du christianisme, en 1813, il nie ouvertement le fait que l’Espagne ait développé une quelconque mission civilisatrice en Amérique, tout en exaltant la civilisation de l’empire aztèque. Sur Fray Servando Teresa de Mier, voir les pages de David Brading : id., The Origins of Mexican Nationalism, op. cit., p. 24-65 et id., Orbe Indiano, op. cit., p. 627-648 et passim.
68 Razionamiento de general Morelos, en la apertura del Congreso de Chipalcingo, 14 de septiembre de 1813, dans « Apendice documental », in Ernesto de la Torre, La Independencia de México, op. cit., p. 248-249.
69 Sur le rôle des images, de l’imaginaire et des représentations collectives dans l’histoire des relations internationales du XVIe siècle à nos jours, je me permets de signaler : Maria Matilde Benzoni, Robert Frank et Silvia Maria Pizzetti, Images des peuples et histoire des relations internationales, Milan, Edizioni Unicopli/Publications de la Sorbonne, 2008.
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