Chapitre XXVII. Les inscriptions militaires*
p. 489-502
Texte intégral
1L’histoire militaire de la péninsule Ibérique romaine fut celle de territoires provinciaux passés sous contrôle romain pour l’essentiel sous la République, à la suite de guerres répétées et de longueur variable. Les derniers peuples encore libres furent pacifiés et soumis dans la première décennie du régime impérial. Celui-ci, en 13 av. J.-C., institua officiellement les armées provinciales permanentes. L’époque julio-claudienne peut être comprise comme une phase définie par le passage d’un contrôle étroit et dissuasif des populations situées dans une large zone nord-ouest à une surveillance commandée par le seul souci d’affirmer l’autorité de la res publica romaine et de maintenir l’ordre public1. L’éloignement de Rome de régions en grande partie montagneuses, propices aux activités minières et au brigandage, la taille de l’Espagne citérieure et la diversité des tâches qu’elle impliquait conseillèrent à Vespasien de conserver une force armée de 7 500 à 8 000 hommes environ, tous cantonnés en Asturie-Galice2. Tant que l’autorité du pouvoir impérial y fut reconnue, les espaces péninsulaires demeurèrent intégrés au dispositif militaire de l’Empire : les réaménagements dus à Dioclétien et surtout Constantin modifièrent l’organisation traditionnelle et eurent pour conséquence l’introduction des nouvelles unités mobiles (les unités comitatenses)3. Quand l’effacement du pouvoir impérial mit fin, à une date indéterminée au cours du Ve siècle, à l’armée traditionnelle des provinces péninsulaires, celle-ci n’était déjà plus qu’une force à caractère régional concurrencée par d’autres corps de troupe plus aguerris et sans doute mieux entraînés, dont l’armée mobile régionale.
2L’absence durable d’événements militaires de grande ampleur sur le sol péninsulaire éclaire l’indifférence fréquente des historiens anciens envers l’exercitus hispanicus de l’époque impériale. La guerre civile des années 68-69 apr. J.-C. elle-même, dont l’enjeu était la conquête du pouvoir à Rome, ne l’a guère propulsé au premier plan. La documentation épigraphique permet de pallier, dans une modeste mesure, les lacunes parfois immenses de nos connaissances ; son importance ne se dément pas dans la phase actuelle de recherche qui se caractérise surtout par l’essor de l’archéologie militaire en quête de camps permanents, forts ou installations provisoires et attentive aux occupations successives des sites, aux architectures et plans des édifices4. La notion d’« inscription militaire » ne concerne pas n’importe quel texte ou monument épigraphique mentionnant l’armée romaine et ses activités, mais les documents émanant directement des acteurs, individuellement ou collectivement, ou des responsables militaires des unités provinciales autres que les officiers supérieurs. Le bilan proposé est volontairement limité aux inscriptions péninsulaires attestant la présence et l’intervention de personnes ou de groupes relevant, à un moment ou un autre, de l’armée provinciale et de ses missions propres. Les documents extérieurs à la péninsule ne sont pas directement pris en compte.
3Les lieux militaires péninsulaires par excellence étaient les camps des légions et les forteresses des corps auxiliaires, les deux capitales provinciales, Tarragone et Mérida, sans oublier, selon les périodes, Asturica Augusta (Astorga), Lucus Augusti (Lugo) et, dans une mesure moindre, Bracara Augusta (Braga), les centres d’exploitation minière du Nord-Ouest, les stations routières. Hors de ces contextes immédiatement identifiables, on retient des documents qui renseignent sur les déplacements individuels ou collectifs des soldats, sur les choix des vétérans pour leur retraite, sur les pratiques épigraphiques des militaires et leur signification sociale. Après un inventaire succinct et nécessairement incomplet des contenus les plus parlants des séries épigraphiques existantes, on s’attachera au bilan critique des apports d’une documentation chaque fois mieux évaluée pour enfin mettre en évidence les orientations nouvelles de l’analyse historique fondée au départ sur les monuments inscrits.
Des témoins divers et dispersés
4Les études d’épigraphie militaire ont grandement bénéficié de l’activité programmée et dynamique des chercheurs et universitaires spécialistes de l’Hispania, mais on doit ajouter des découvertes fortuites lors d’opérations d’urbanisme ou de travaux agricoles. Depuis trente ans, date d’achèvement de mon livre5, le corpus des inscriptions militaires n’a pas cessé de s’enrichir. G. Alföldy propose ce que sont les dernières découvertes à Tarragone6. Plutôt que de tenter un classement discutable sur l’importance respective des documents récents, dont l’apport est variable et croisé, il a semblé plus profitable de suivre chronologiquement la documentation relative à l’armée provinciale et de mettre en exergue les données les plus caractéristiques.
5La période julio-claudienne offre un corpus très lacunaire sur les légions et plus encore sur les unités auxiliaires. Un soldat de la VIe légion originaire de Dyrrachium dont le père et le frère sont décédés à Tarragone à l’époque d’Auguste retient l’attention7. Une épitaphe de Norba (Cáceres), dont le dédicant est un soldat prétorien, confirme que les colonies des provinces ibériques participèrent précocement au recrutement du prétoire de l’empereur8. Replacée dans son contexte archéologique, la plaque des Voconii d’Augusta Emerita, unique en son genre (fig. 1) jusqu’à présent dans les provinces d’Hispania, cesse d’être négligée à cause de son bas-relief figurant des décorations militaires en l’absence de toute indication relative à une unité9. Comme le document de Tarraco, l’épitaphe de Mérida suggère que des enfants de soldats provinciaux dotés de la citoyenneté romaine embrassèrent à toutes les périodes le métier de leur père. C’est aussi une inscription funéraire de la capitale de la Lusitanie qui a révélé un soldat d’une unité auxiliaire inconnue auparavant, la cohorte Antistiana praeto10, probablement reliée à l’origine à C. Antistius Vetus, l’un des légats d’Auguste des guerres asturo-cantabres (fig. 2). Malgré P. Holder11, l’aile fantomatique dite Tautor(um), qui n’est autre en réalité que l’aile Tau(riana) tor(quata), continue à être citée dans des contributions récentes.
6L’instrumentum inscriptum trouvé au cours de fouilles a permis de préciser certains points de la géographie militaire, toujours très incomplète, de la période d’Auguste à Néron. L’emplacement du camp de la légion IIII Macedonica, faute d’épitaphes ou d’inscriptions parlantes12, repose sur les estampilles sur céramique italique au nom de L. Terentius13, apparues en grand nombre à La Chorquilla, à proximité immédiate de l’agglomération moderne de Herrera de Pisuerga, non loin de ce qui était le site du camp légionnaire. Ce sont des marques de briques et de tuiles (fig. 3) qui ont révélé la présence d’une ala Parthorum dans la même agglomération mais à l’époque claudienne, c’est-à-dire postérieurement au départ définitif de la légion pour Mogontiacum14. L’épitaphe de l’eques duplicarius d’Herrera, L. Antonius Pudens de Lugudunum, datable des années 50-79 apr. J.-C. (fig. 4), énigmatique jusqu’à présent, peut désormais être mise, semble-t-il, en relation avec le séjour de l’aile des Parthes en Cantabrie15. L’hospitium contracté par un préfet de l’aile avec la cité de Clunia indiquait que l’ala I Augusta était, vers 40 apr. J.-C., en garnison dans la province. Deux inscriptions votives d’Añavieja (Soria), non loin d’Augustobriga, invitent à placer le camp dans ce secteur emprunté par la route Caesaraugusta-Asturica Augusta16.
7Les blocs de grand appareil marqués de sigles légionnaires, qui ne se distinguent pas toujours des chiffres employés par les carriers, continuent à alimenter les débats sur la localisation durable ou temporaire des garnisons et sur l’implication des légions dans les travaux routiers et urbains. Le pont de Martorell en est l’illustration, mais aussi le bloc de granit inscrit de Lucus Augusti qu’il a été proposé de comprendre, sans raison suffisante à mon avis, comme la preuve de l’existence d’un camp précoce de la VIe légion Victrix à Lugo17. Si, en revanche, il n’est pas douteux que les marques lisibles sur deux grands blocs d’architecture découverts à Astorga hors contexte se rapportent à la Xe légion Gemina18, elles ne prouvent pas qu’Asturica Augusta lui ait servi de camp durablement, d’autant que leur date serait contemporaine de celle des castra permanents de Sansueña/Rosinos. L’affectation de soldats détachés au service de l’administration suffit à en rendre compte.
8La phase dite « de la paix » correspond, dans la péninsule, aux années 68 à 260 apr. J.-C., date de la capture de Valérien et de l’avènement de Postume, empereur des Gaules. Galba et Othon exerçaient leur gouvernement en Espagne citérieure et en Lusitanie au moment de la chute de Néron. La pierre funéraire d’un miles Otonianus décédé à Clunia dans les premiers mois de 69 témoigne, avec d’autres inscriptions19, de l’implication des armées de la province dans les luttes civiles de « l’année des quatre empereurs20 ». L’époque suivante, celle de la redistribution flavienne progressive des forces, n’offre que peu de repères chronologiques fiables concernant le passage à une armée provinciale stabilisée, composée de la légion VII Gemina Felix21, d’une aile, l’ala II Flauia Hispanorum c. R., installée sur le camp de la Xe légion partie pour le Danube sous Néron, et de quatre cohortes dont seulement deux camps sont localisés : celui de la cohorte I Celtiberorum à Cidadela (Sobrados dos Monxes, La Corogne), par des marques sur brique et tuile en particulier22 ; celui du site dit Porto Quintela (Baños de Bande, Orense), qui manque de données épigraphiques confirmant et le camp et le nom de l’unité23. Il ne paraît pas nécessaire d’aller au-delà de la fin du Ier siècle pour conclure à un dispositif durablement fixé.
9En dehors des secteurs miniers24, il semble que les soldats auxiliaires furent peu appelés à intervenir loin de leurs bases, à la différence des légionnaires, plus nombreux et davantage sollicités. Ceux-ci se déplaçaient en majorité à partir de Tarraco et de Legio VII Gemina, individuellement ou en vexillation ou étaient affectés à une station ou poste de contrôle et surveillance plus ou moins éloigné. L’autel de Lugo, découvert en 2003 et dédié à Mithra sous Caracalla par un centurion de la légion VII Gemina accompagné de deux de ses affranchis (fig. 5), mentionne une statio Lucensis pour la première fois25. Plutôt qu’à un lien avec la réorganisation provinciale, il convient de penser au développement d’une institution destinée à lutter contre le brigandage et le crime suivant des développements administratifs observables dans d’autres provinces. Non mentionné expressément comme militaire, l’architecte G. Sevius Lupus, originaire d’Aeminium (Coïmbre), signale par son remerciement à Mars Auguste l’intervention de la main-d’œuvre militaire pour la construction du phare de Brigantium, sans doute à l’époque flavienne26. Comme en écho, on enregistre la colonne commémorative de la construction du pont du municipe d’Aquae Flauiae sur le Tamega avec la participation de la légion VII Gemina27.
10À l’époque tardive, les inscriptions militaires se font très rares. L’épitaphe versifiée d’Abla (Guadix) est une exception qui concerne un officier anonyme, originaire sans doute de la péninsule, sorti du rang et devenu comes domesticorum après avoir commencé son parcours sous Constantin et obtenu, au bout de plusieurs décennies, ses promotions décisives sous Julien Auguste28. Le document rappelle opportunément que les valeurs militaires n’avaient pas déserté la péninsule au IVe siècle.
Questions de méthode
11Les inscriptions militaires de la péninsule sont inégalement réparties dans l’espace et dans le temps et sont au total assez peu nombreuses. À l’exclusion des fragments de diplôme militaire, réduits à quelques unités comptables et étrangers aux corps de troupe péninsulaires29, et de l’instrumentum inscriptum, le corpus disponible atteint environ 290 à 300 documents d’inégale importance30 et, pour une petite partie, sans relation directe avec les armées provinciales d’Hispania. Plusieurs dizaines de termini pratorum, tous datés de la période julio-claudienne, constituent un dossier sans véritable parallèle dans le reste de l’Empire jusqu’à présent31. Par ailleurs, Tarraco et ses alentours concentrent près du quart du total et Augusta Emerita, capitale d’une province impériale dépourvue d’unités propres permanentes, un dixième. La majorité provient des trois conventus du Nord-Ouest, mais le secteur de la Cantabrie et celui de la moyenne vallée de l’Èbre représentent un apport non négligeable qui s’accroît régulièrement en pourcentage32.
12C’est vers 50 av. J.-C. que la pratique épigraphique des soldats et vétérans a commencé à se développer en Italie puis dans l’Empire. Les colonies romaines ont donné le ton dans les provinces dès Auguste et sur ce point Augusta Emerita apparaît, en l’état actuel du dossier, plus précoce et mieux représentée que Tarraco33. C’est surtout à partir de Tibère que les soldats élevèrent des épitaphes dans les nécropoles voisines des forts ou dans leurs lieux d’origine ou de retraite (les vétérans). La période 70-235 apr. J.-C. correspond à la plus grande expansion de l’épigraphie militaire funéraire dans la péninsule Ibérique aussi, notamment chez les légionnaires beaucoup plus représentés que les auxiliaires. Il faut attendre l’époque claudienne pour recenser des inscriptions militaires votives dont la proportion par rapport aux inscriptions funéraires est cependant moindre que dans la population civile.
13Sans qu’il s’agisse de formuler des lois, des tendances concernant les pratiques épigraphiques des soldats sont perceptibles. Dans la phase d’installation de l’armée provinciale permanente, le statut de miles sans autre qualification était prestigieux et se référait à un métier où la guerre était primordiale d’autant que la mobilité des unités était la règle. À partir de Vespasien, la stabilité s’imposa assez rapidement, même pour les unités auxiliaires plus étroitement cantonnées aux activités de guerre et à sa préparation que les légionnaires. À l’image de ce que l’on observe dans d’autres secteurs plus exposés, la carrière prit le pas sur les risques du métier et au seul titre militaire se substitua peu à peu, comme signe de la réussite, l’énumération des différents postes et grades occupés par le soldat. Ceux des milites qui prétendaient à la uitis et ceux qui atteignaient le centurionat continuaient, eux, à changer à maintes reprises d’unité et de secteur provincial, accumulant les expériences autant voire plus que les promotions. Entre 100 et 235 apr. J.-C., le service militaire, notamment dans une légion, apportait la fierté au titulaire et méritait la reconnaissance sociale d’une activité passée entièrement au service de l’empereur et de la perpétuation de la puissance de l’empire de Rome. On parlerait volontiers de signes d’une symbiose nouvelle du soldat et de la société provinciale.
14Le matériel épigraphique militaire n’a pas toujours, loin de là, la transparence souhaitée en dehors même du problème toujours frustrant des datations lâches. Le laconisme des textes, leur caractère allusif nuit à la qualité de l’interprétation dans l’ignorance de la date précise et du contexte34. Les conclusions qu’autorisent une épitaphe ou une inscription votive mais également une pièce dite d’instrumentum, on l’a vu, sont en grande majorité affectées d’un coefficient d’incertitude. D’une manière générale, les pierres funéraires des soldats et des sous-officiers soulèvent diverses questions quand elles ne se présentent pas dans un contexte clair et familier. On se heurte parfois à un terme dont le contenu n’est pas sûr et dont la présence vient brouiller la compréhension d’ensemble du document35. À l’inverse, l’inscription rupestre du phare de La Corogne, bien que ne comportant aucune mention directe d’une unité, ne prend tout son sens, comme on l’a rappelé, qu’en liaison avec l’intervention de l’armée. Enfin, l’inscription funéraire (fig. 6) d’un centurion de la légion VII Gemina, élevée à Mérida par les soins d’un autre centurion dont l’unité n’est pas indiquée36, suggère que l’élément militaire dans la capitale de la Lusitanie était plus important qu’on ne l’avait pensé aux époques antonines et sévériennes37. Elle n’éclaire ni les circonstances du décès ni les activités des deux sous-officiers.
15En l’absence d’instrumentum inscriptum ou d’indices extérieurs invitant à conclure soit à la proximité d’un camp, soit à une sépulture dans la région d’origine du soldat, soit à une mission pour le compte du légat provincial ou de l’unité elle-même, une épitaphe ou une inscription votive isolées contraignent à envisager les diverses hypothèses possibles (mission, origine, congé, stationnement temporaire, etc.) et à ne manier qu’avec prudence l’argument onomastique. Quand le matricule complet est fourni, il y a beaucoup de probabilité pour que le militaire ait été en service. L’analyse est compliquée par le fait que, selon les périodes, les habitudes épigraphiques ont changé et que certaines indications manquent alors qu’à une date plus précoce elles auraient figuré. On peut ajouter que l’appartenance à une vexillation identifiée ou l’accomplissement d’une mission de police ne peuvent être détectés avec certitude que si des traces autres que vagues ou subjectives existent38. Un dernier exemple concernant un ancien légionnaire permet de prendre la mesure des difficultés (fig. 7)39 : le vétéran aujourd’hui anonyme de la VIIe légion s’est apparemment retiré dans le secteur de Borrenes, dans le Bierzo, peu éloigné des mines d’or de Las Médulas. Le texte se réfère à une sépulture familiale incluant les parentes, soit le père et la mère. Avant de privilégier la piste d’une reconversion dans des activités lucratives liées aux exploitations minières, on ne peut pas ignorer l’hypothèse d’un retour à la terre natale ni l’achat à titre personnel d’une propriété rurale dans une région dont les ressources agricoles n’étaient sûrement pas inexistantes sans être exceptionnelles40.
16Du point de vue formel, les stèles militaires de la péninsule semblaient offrir proportionnellement moins d’ornements, de décorations ou de reliefs sculptés que les monuments des secteurs limitrophes du Rhin et du Danube, ce qui n’est pas exactement le cas, compte tenu des pourcentages. On ne saurait continuer à affirmer que les supports des épitaphes des soldats ont adopté des formules ou des modèles empruntés aux populations locales. Comme l’a montré une analyse récente41, ce furent les pierres funéraires d’origine militaire qui influencèrent les productions dites « indigènes » et non l’inverse. C’est particulièrement vrai des stèles à sommet arrondi et à décor géométrique mais aussi à motif de pampre de vigne avec ou sans oiseau ou à scène de banquet. C’est au Ier siècle de n. è. que s’élabora une typologie, mais par la suite les stèles des soldats évoluèrent aussi au contact des civils, principalement dans les villes romaines, sans toutefois rompre complètement avec la tradition comme le signale le relief de la stèle de Sulpicius Placidinus trouvée à Astorga composant une panoplie militaire rappelant des documents d’Italie du Nord (fig. 8)42. Reste un fragment de relief peu connu conservé au musée d’Astorga, d’où il provient sans autre précision. Il s’agit de la partie supérieure ou inférieure d’une plaque ou funéraire ou (moins probablement) votive portant les enseignes légionnaires encadrant l’aigle, tête tournée vers la gauche et ailes déployées, adossé au fronton d’un édifice, petit temple ou chapelle (fig. 9)43.
17La part de l’épigraphie militaire et des formes monumentales qui lui étaient liées est quantitativement assez médiocre comparée à l’ensemble des documents épigraphiques livrés par la péninsule. Le poids des armées provinciales, même d’Auguste à Galba, ne fut jamais encombrant mais le pouvoir impérial n’imagina à aucun moment de ne pas conserver dans la péninsule une forme de contrôle militaire dans l’intérêt de l’imperium. Quand on peut l’approcher par l’analyse des inscriptions, on observe que l’état d’esprit des soldats d’Hispania n’était ni différent ni singulier, s’agissant des tâches à accomplir et des relations avec le reste de la population, par rapport à d’autres armées provinciales plus exposées aux dangers.
Épigraphie militaire et histoire provinciale
18Malgré ses insuffisances, le dossier des unités péninsulaires contribue à améliorer nos connaissances sur l’organisation et la hiérarchie militaires des armées provinciales. Les légions, mais aussi les unités auxiliaires, favorisèrent en outre le brassage de soldats d’origine diverse non seulement ethnique mais également sociale. Toutes véhiculèrent les comportements dominants, les valeurs et les pratiques des citoyens romains. L’exercitus hispanicus fut surtout un auxiliaire efficace au service de l’administration provinciale et de l’empire dont il garantissait la pérennité et la puissance. Les inscriptions militaires ne reflètent qu’épisodiquement les grands événements de l’histoire impériale, même lorsque l’Hispania y occupait une place centrale.
19Les épitaphes sont la source principale de l’histoire du recrutement des militaires et du rôle social de l’armée. Il ne semble pas que les légions péninsulaires aient dû, sauf circonstances exceptionnelles, recourir habituellement à l’enrôlement forcé de recrues ne possédant pas la citoyenneté romaine. Le volontariat, facilité par l’expansion de la citoyenneté dans les provinces, moins par le droit latin que par d’autres voies, semble-t-il, a été le plus souvent la règle. La diminution des effectifs installés dans la province à partir de Vespasien explique que la légion de León ait pu se contenter en grande partie d’un recrutement régional et hispanique. Jamais on ne constate toutefois de repli sur le Nord-Ouest : l’armée d’Espagne citérieure demeura ouverte sur l’ensemble de la péninsule et sur l’Empire et des ressortissants de la province firent eux-mêmes carrière hors de l’Hispania. Il est difficile d’établir des principes clairs qui auraient été suivis par les administrations romaines successives en matière de recrutement en dehors d’un pragmatisme fondé sur des critères militaires et culturels, ce qui ne veut pas dire ethniques. D’une manière générale, les soldats des unités auxiliaires sont peu représentés et très mal connus. La période durant laquelle les provinciaux des Espagnes contribuèrent fortement au recrutement des ailes et des cohortes assignées à d’autres régions de l’Empire, essentiellement le Ier siècle apr. J.-C., n’a pas non plus laissé autant de traces épigraphiques qu’attendu. Entre pertes et destructions et le fait que l’usage des monuments inscrits n’était pas totalement entré dans les habitudes réside sans doute une partie de l’explication. Toutefois, on a repéré des indices de l’existence précoce d’ateliers militaires qui produisaient inscriptions et stèles de divers types44. C’est donc du côté de la mobilité des individus et de la stabilisation lente des armées provinciales permanentes qu’il faut en outre chercher la solution.
20Si les monuments funéraires laissent entrevoir la marque du milieu militaire et une certaine influence sur les populations civiles à l’échelon régional, il est toujours épigraphiquement malaisé de mesurer ce que l’on pourrait appeler l’« impact » de l’armée et de ses valeurs sur la société civile dont les soldats partageaient un certain nombre de traits culturels quotidiennement. Légionnaires et auxiliaires, en matière de consommation, d’hygiène ou de religion, participaient des habitudes urbaines et devaient apprendre à maîtriser la langue latine écrite pour progresser dans la carrière. Dès César, le testament militaire avait acquis une légitimité et ce n’est que lentement qu’un droit militaire spécifique émergea des normes civiques45. Les colonies césariennes et augustéennes de vétérans collaborèrent assurément à acclimater des modes de penser et d’agir assimilés par les colons au cours du service militaire. On ne peut pas affirmer qu’elles ancrèrent chez les habitants et dans la région d’installation une attitude de dévouement particulier envers la chose militaire et le métier de légionnaire. Le volontariat n’y connut pas beaucoup plus de succès que dans d’autres communautés d’origine civile. Enfin, les sociétés des populations conquises plaçaient autant que Rome la guerre au centre de leurs préoccupations.
21Le dossier péninsulaire n’éclaire que médiocrement la question de la promotion sociale des soldats à titre personnel ou même de leurs descendants. L’insertion sociale des légionnaires et auxiliaires se mesurait surtout après le service. Or, il n’y a que très peu de vétérans des unités cantonnées in Hispania qui ont ensuite revêtu des fonctions municipales46. Quoi qu’il en soit, la militia in Hispania conférait au citoyen romain une dignité équivalente à celle d’un décurion de cité modeste47. Sans entrer dans les détails, il est notable que la documentation épigraphique de villes telles que les grandes capitales ou les chefs-lieux de conventus du Nord-Ouest ne traduit pas la prééminence de l’élément militaire au regard d’une promotion sociale rapide. Ce que signalent davantage les monuments funéraires est assurément le mérite (la dignitas) qu’exprimaient les épitaphes des soldats. Rapprochés de ceux des affranchis, ces témoins reflètent une volonté de trouver après la mort une reconnaissance sociale qui ne fut que mitigée au cours de l’existence. En offrant aux serviteurs de leurs armées les moyens matériels d’apparaître comme des symboles d’une réussite, les empereurs parvenaient à maintenir un lien étroit entre les civils et l’institution militaire dont le renouvellement exigeait l’engagement de volontaires autres que les héritiers des militaires. Quoi qu’il en soit, on retire aussi l’impression que la présence, et donc l’influence, sociale des familles de militaires répondit à une géographie de plus en plus précise qu’il faudrait mieux étudier et analyser autrement qu’en fonction du seul appât du gain.
22Plus sûrement, le soldat quel qu’il fût, pourvu qu’il respectât les règles essentielles présidant au déroulement normal d’une carrière, tirait sa force et son prestige de la protection impériale en retour de tâches consacrées au bon fonctionnement du pouvoir. Outre l’observation des rites de la vie militaire fondée sur l’entraînement régulier, la discipline, l’esprit de corps et l’attachement aux valeurs proprement militaires exprimées par la uirtus, les soldats participaient au sein de leurs unités ou dans le cadre d’affectations extérieures à l’organisation de la vie quotidienne incluant la nourriture, le logement, l’entretien des bâtiments collectifs, l’hygiène. C’est ce que révèlent au premier chef les briques et tuiles marquées au nom des unités48. On ajoutera qu’il n’y a en Hispania que peu de témoignages précis de l’intervention des unités militaires au service des communautés civiles, ce qui suggère qu’il fallait, pour ces interventions, l’accord de l’autorité romaine ou de son représentant. Les opérations de police, les escortes des magistrats et des responsables de la justice et des finances, la surveillance des lieux publics sont autant d’activités dont l’éventail rend compte de la dispersion et de la variété qualitative d’une épigraphie pourtant assez peu fournie. Il est surprenant que la présence des détachements militaires dans les mines soit relativement ciblée chronologiquement à lire la série des autels de la région de Villalís et de Luyego49. Une hypothèse fondée sur un rapprochement avec les carrières de porphyre d’Égypte pourrait être la politique romaine qui adaptait l’exploitation aux circonstances et aux nécessités du moment : en ce cas, la surveillance et l’intervention militaire pour une assistance technique signifieraient une intensification de la production pendant un demi-siècle.
23Dans la péninsule Ibérique comme ailleurs en Égypte ou sur le Danube, la vie militaire était faite d’imprévus et de contributions variées à la bonne marche des provinces. L’institution militaire pesait davantage par les moyens mis à sa disposition et par les valeurs culturelles qui étaient celles de ses membres que par ses effectifs et par ses caractères identitaires indéniables face aux civils. L’hétérogénéité sociale du recrutement doit être soulignée de même que la diversité des parcours individuels. Le service de l’empereur et la participation au maintien de la puissance de Rome furent les ferments de la cohésion d’une société militaire encore mal connue.
24Aujourd’hui comme hier et peut-être plus encore qu’hier, les inscriptions militaires de la péninsule Ibérique révèlent une histoire des armées provinciales mieux intégrée à l’armée romaine impériale, à son organisation et ses pratiques culturelles, grâce en particulier à l’attention nouvelle portée à l’archéologie des camps et aux sites militaires. Parallèlement, loin des théâtres de la guerre, les unités en service en Hispania soulignent l’importance des aspects politiques et administratifs de l’activité des armées provinciales. L’évolution des études épigraphiques toujours plus étroitement associées aux contextes archéologiques locaux et régionaux ouvrent désormais la voie à une réflexion d’ensemble sur le fait militaire romain et son influence dans les provinces sur le plan social et culturel.

Fig. 1. – Inscription de Voconius portant un jeu de décorations militaires (Cliché MNAR Mérida)

Fig. 2. – Épitaphe nommant la cohorte Antistiana (Cliché MNAR Mérida)

Fig. 3. – Herrera de Pisuerga. Marques de l’ala Parthorum (D’après C. Pérez González, 1996)

Fig. 4. – Herrera de Pisuerga. Stèle du cavalier originaire de Lyon (D’après A. García y Bellido et al., 1962)

Fig. 5. – Autel à Mithra mentionnant la statio Lucensis

Fig. 6. – Plaque funéraire du centurion C. Valerius Flavus (Cliché MNAR Mérida)

Fig. 7. – Borrenes, près de Las Médulas : stèle anonyme d’un vétéran de la L. VII G. F. (Cliché J. Sánchez-Palencia, 1996)

Fig. 8. – Stèle de Sulpicius Placidinus avec panoplie en relief (Astorga, Museo de los Caminos. Cliché T. Mañanes, 1982)

Fig. 9. – Fragment sculpté d’une stèle (Astorga, Museo de los Caminos. Cliché MAS)
Bibliographie
Post-scriptum
Bibliographie : voir chap. XX.
Notes de bas de page
1 P. Le Roux, 2005.
2 L’histoire militaire de la péninsule Ibérique d’époque romaine n’est pas celle d’une « petite armée » ni d’une « grande armée », ce qui du point de vue romain n’avait guère de sens. Elle est celle de l’adaptation de l’usage de la force militaire à une réalité provinciale plus ou moins contrôlable suivant les conjonctures, la « paix » ne signifiant jamais, dans l’esprit de l’autorité administrative, l’abandon de toute forme de présence militaire.
3 P. Le Roux, 2004a, p. 176-177.
4 Il n’est pas toujours possible de distinguer, sur les plans, les parties observées en fouille (ou visibles sur la photographie aérienne puis confirmées au sol) et les parties reconstituées à partir de schémas connus.
5 P. Le Roux, 1982a (version presque inchangée de l’ouvrage dactylographié de 1979).
6 G. Alföldy, 2006b. La parution annoncée du deuxième volume du CIL, II2, 14 comprenant la cité de Tarragone devrait offrir de nombreux compléments et nouveautés.
7 AE, 1995, 974 = HEp, 6, 900.
8 E. Cerrillo, P. Le Roux et J. L., Ramírez Sádaba, 2004, p. 158-159.
9 Voir P. Le Roux, 2000a, p. 274-275 (l’éditeur a malencontreusement oublié d’inclure la photographie [infra fig. 1, p. 499]). Le document date des années 40 ou 50 apr. J.-C. très vraisemblablement, malgré L. Keppie, qui retient sans justification une date augustéenne : HAE, 1634 = AE, 2000 a, 691 (avec les critères chronologiques). L’enrôlement dans une cohorte prétorienne n’est pas exclu, même à une date aussi haute.
10 J. L. Ramírez et P. Le Roux, 1993, p. 85-86.
11 P. Holder, 1980, p. 275. Voir également, M. Christol et P. Le Roux, 1985, p. 16-17.
12 Les termini pratorum d’époque augustéenne au nombre d’une vingtaine définissent un périmètre, non le lieu du camp lui-même.
13 Voir déjà R. F. J. Jones, 1976, p. 49-50. Il convient de renoncer à Aguilar de Campo. La relation entre le fort légionnaire et la Pisoraca des itinéraires n’est encore pas clairement établie en l’état actuel des publications.
14 C. Pérez González, 1998, p. 550. Il s’agit très vraisemblablement de l’ala I Augusta Parthorum déplacée ensuite vers la Maurétanie césarienne. On note un certain parallélisme avec l’aile Tauriana transférée par Vespasien en Maurétanie tingitane.
15 P. Le Roux, 1982a, no 45, p. 183 ; C. Pérez González et E. Illarregui, 1992, p. 78-79 et 90. Un eques duplicarius ne peut être qu’un cavalier auxiliaire ou à la rigueur légionnaire et non un fantassin (malgré Pérez-Illarregui). Il convient d’évoquer ici le débat autour d’une inscription sur disque métallique (voir AE, 2003, 966 = Journal of Roman Military Equipment Studies, 12/13, 2001/2002, p. 47-51) provenant de Herrera : il ne s’agit sûrement pas d’un umbo mais d’une applique de harnachement d’un cheval. Le texte au pointillé est d’interprétation délicate et de datation incertaine. Il paraît hasardeux d’interpréter les lettres C I, hypothétiques, comme cohors I, à plus forte raison coh. I Gallica. Deux noms, celui d’un cheval et celui du cavalier, constituent une possibilité non envisagée jusqu’à présent.
16 P. Le Roux, 1992b, p. 233.
17 Martorell : IRC, I, 1 a-c = AE, 1984, 607 (les inscriptions portent seulement L. IIII, L. VI et L. X sans le surnom de l’unité mais avec une ponctuation intermédiaire selon les éditeurs) ; P. Le Roux, 1992b, p. 248. Lucus Augusti : AE, 1998, 758 ; voir en outre A. Rodríguez Colmenero, 1996a, p. 298 (on lirait L. VI F C, selon l’auteur, ce que ne confirme pas clairement le document alors que rien n’interdit d’y voir un reste d’inscription funéraire).
18 Á. Morillo Cerdán et V. García Marcos, 2000, p. 598-599 (marque L X G).
19 Par exemple AE, 1969-1970, 274 également de Clunia.
20 AE, 2000, 769 = P. Le Roux, 2000b.
21 Voir en dernier lieu P. Le Roux, 2000c.
22 P. Le Roux, 1992b, p. 252. La date d’arrivée de l’unité ne serait pas antérieure au IIe siècle d’après la stratigraphie, ce qui n’est pas décisif et n’exclut pas la fin du Ier siècle. Le règne d’Hadrien constitue la limite supérieure de l’installation (voir AE, 1972, 282).
23 P. Le Roux, 1992b, p. 233 ; A. Rodríguez Colmenero, S. Ferrer Sierra et F. M. Herves Raigoso, 1998, p. 891-910 ; T. Vega Avelaira, 2002, p. 395-406 : l’hypothèse qu’il s’agit du fort de la cohorte I Gallica repose sur l’inscription AE, 1968, 237, trouvée à une vingtaine de kilomètres de Porto Quintela. Pour les problèmes de méthode, P. Le Roux, 2002, p. 113-115.
24 Une question mal résolue et absente de la documentation péninsulaire est celle des singulares (equites et pedites) des gouverneurs dont ils assuraient la garde rapprochée : rien n’indique que ces soldats formaient une unité à part (voir aussi P. Le Roux, 1997-1998 [2000], p. 91). Sur les mines : P. Le Roux, 1989, p. 176 et 180.
25 HEp, 9, 418 ; AE, 2003, 949 = 2005, 843 = 2006, 663. P. Le Roux, 2007b = AE, 2007, 800.
26 P. Le Roux, 1990b, p. 134-135. L’hypothèse d’un architectus naualis se heurte à l’argument du silence (le qualificatif aurait dû être gravé), à la formulation du texte qui évoque les légions et à la dédicace qui n’aurait pas été adressée à Mars mais à Neptune ou à une autre divinité. [Voir supra chap. XIX.]
27 CIL, II, 2477 = 5616 ; AE, 1983, 586.
28 T. Drew Bear et C. Zuckerman, 2004, p. 426-428 qui révisent AE, 1992, 1074.
29 Sauf peut-être le fragment concernant des prétoriens du IIIe siècle : voir AE, 2000, 739 = HEp, 9, 630. En outre, proviennent de la péninsule trois fragments de diplômes du IIIe siècle se rapportant à la classis praetoria présente en Bétique à un moment donné : CIL, II2, 7, 127 a = AE, 1999, 900.
30 Soit moins de 2 % de l’ensemble de l’épigraphie péninsulaire.
31 Ils concernent la légion IIII Macedonica (en Cantabrie) et la cohorte IIII Gallorum (dans le secteur de La Bañeza, León) : Le Roux, 1982a, p. 109-114 (à compléter par les nouvelles découvertes et les révisions intervenues depuis lors).
32 Le camp d’Herrera aurait ainsi perduré au Haut-Empire, à l’image de Rosinos de Vidriales, selon des documents en cours de publication (information aimablement communiquée par Á. Morillo), mais la présence d’au moins deux unités auxiliaires sur un même site soulève plusieurs questions non résolues, ne serait-ce que de chronologie, d’identification et de circonstances du séjour.
33 C’est à Mérida que les inscriptions militaires augustéennes et julio-claudiennes sont les plus nombreuses. La colonie d’Auguste fut l’œuvre de légionnaires congédiés après de rudes combats contre les Astures et les Cantabres remportés sous la conduite du premier empereur, ce qui rend partiellement compte peut-être d’une empreinte militaire plus marquée qu’ailleurs et en particulier qu’à Tarragone.
34 Il n’est pas possible de s’étendre ici sur les critères et les obstacles créés par certaines datations.
35 Je pense par exemple aux uenatores de l’inscription votive de S. Pedro de la Viña (AE, 1998, 766) ou au discens armat(urarum) de Tarragone (AE, 1989, 482) ou même au curator ffll de Legio VII Gemina (CIL, II, 5684).
36 AE, 1999, 872.
37 Ce que viennent confirmer des découvertes récentes : voir P. Le Roux et J. L. Ramírez Sádaba, 2009, p. 297-306.
38 Un texte se référant à une époque différente de celle de l’inscription, l’indication vague d’un site antique quelconque à proximité, un petit nombre de monnaies ne remplacent jamais vraiment une notation précise dans une inscription : ainsi, l’épitaphe honorifique AE, 1985, 622 de Liria, par l’expression bellum Mauricum qu’elle emploie, montre que la guerre qui a vu mourir le primipile s’est déroulée nécessairement sur le territoire des Maures, comme le bellum Gallicum sur le territoire des Gaulois.
39 AE, 1999, 916 = HEp, 9, 404.
40 Le Bierzo forme géographiquement une dépression au cœur d’une région montagneuse et constituait à l’époque romaine une zone de passage commode entre la meseta à l’est et l’ouest galicien. Le lieu de découverte, Voces, relevait en outre très certainement d’un chef-lieu de cité, peut-être Interamnium Flauium, dont le vétéran était citoyen ancien ou récent ou incola.
41 J. A. Abásolo, 2002.
42 P. Le Roux, 1982a, no 228, p. 237 ; EE, IX, 292 ; IRPLeón, 132. Pour des panoplies sculptées de même type : C. Franzoni, 1987, planches 1 à 28. Les critères chronologiques orientent vers une datation du monument au IIe siècle, mais le support offre quelques exemples de typologie voisine localement (une plaque en forme d’autel dont le fronton et les volutes ont en grande partie disparu). Le décor végétal issu d’une jarre sur chacun des côtés évoque les stèles à rameau de vigne (ici sans les grappes, mais il ne s’agit pas de feuilles de lierre, malgré P. Le Roux, 1982, p. 237) du conventus de Clunia. L’armement indique un légionnaire ou un prétorien (la présence de deux boucliers de type scutum pour l’un, apparemment ovale pour l’autre, n’est peut-être pas réaliste) dont le grade n’est pas décelable.
43 T. Mañanes, 1983, no 6, p. 124-125. Les dimensions conservées sont : 25 × 36,5 × 6 à 7 cm (ce ne peut donc pas être un décor latéral ni le socle d’un monument quelconque). On note la présence d’une mouluration à gauche. Le motif est bien attesté (voir par exemple la colonne Trajane) mais n’offre pas de véritable parallèle dans les monuments funéraires ou votifs d’Italie ou des zones militaires occidentales (on peut signaler cependant le monument de la cité de Tusculum du primipile et préfet de camp M. Pompeius Asper (CIL, XIV, 2523 = ILS, 2662). Une dédicace religieuse est possible, mais on pensera aussi aux restes de la stèle d’un aquilifer (les représentations figurées des soldats sont rares dans la péninsule : voir ERPSoria, 86) ou d’un officier subalterne voire d’un ancien prétorien passé dans une légion. La date, d’après la facture, se situe entre 50 et 150 apr. J.-C.
44 J. A. Abásolo, 2002.
45 J. Vendrand-Voyer, 1983.
46 Par exemple : CIL, II, 2853 de S. Pedro de Arlanza près de Lara de los Infantes, Burgos.
47 P. Le Roux, 2000a, p. 275.
48 P. Le Roux, 1999, p. 120-122 en particulier. On peut regretter la faiblesse de la documentation amphorique dans les camps, ce qui nuit à la compréhension des circuits de ravitaillement.
49 Essentiellement une cinquantaine d’années entre 140 et 191 apr. J.-C.
Notes de fin
* Paru dans Á. Morillo Cerdán (dir.), El ejército romano en Hispania. Guía arqueológica, León, Universidad de León, 2007, p. 481-501. Version française inédite.
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