Gaullisme et gaullistes
| ,Troisième partie. Personnel politique et élections
Les héritages alsaciens et lorrains du gaullisme
Texte intégral
1Il y a eu une relation particulière entre le gaullisme et les départements deux fois recouvrés d’Alsace et de Lorraine. Cette constatation n’est pas originale. Elle mérite en revanche d’être approfondie car la question qu’elle pose est à double sens et d’implications multiples. L’Alsace et la Moselle ont été une terre du gaullisme mais non sans ambiguïté. D’un point de vue inverse, le gaullisme leur doit plus que l’emprunt d’un symbole passif. Les limites de son émanation locale sont paradoxalement un révélateur de ce qu’il put être en un autre sens, dépassant les balises politiques. C’est pour cette raison qu’on partira ici du plus étroit : l’Alsace et la Moselle ont vu naître la première organisation politique se réclamant du gaullisme.
L’UNAR, première organisation d’un gaullisme politique en France
- 1 L’Alsace libérée, 20.12.1944.
- 2 L’Alsace libérée, 23.6.1945.
2La première organisation prétendant traduire le gaullisme sur le terrain politique est née à Strasbourg en décembre 1944 sous le nom d’Union alsacienne de Rénovation, plus commodément contracté en un sigle : l’UNAR1. Elle fut suivie de celle de l’UAR (Union des anciens Résistants) dans le Haut-Rhin et de l’ULR (Union lorraine de Rénovation) dans la Moselle, qui se présentèrent comme les autres sections départementales d’une seule Union de Rénovation. Le 18 juin 1945, « jour de la Résistance », fut proclamée, sous le même sigle UNAR, l’Union nationale de Rénovation : l’élargissement de son ambition était matérialisé par l’annonce que son siège serait à Paris ; « des groupes de résistants du Doubs, des Vosges, de Lyon et même de Paris » étaient « en pourparlers et en voie de constitution pour se joindre au mouvement national2 ». Il semble que les initiateurs aient eu également des contacts régionalistes en Bretagne. Cet essai d’élargissement n’a guère laissé d’autre trace, en raison apparemment de la vacuité des partenaires extérieurs aux provinces recouvrées. Ce gaullisme autoproclamé était au surplus privé de la moindre caution du général, qui gouvernait sans nuage apparent à cette date. En cette absence, il se limitait à exalter l’union nationale autour du Libérateur et la péremption des luttes partisanes.
- 3 Nous ne pouvons exclure la présence d’ex-PPF à l’UNAR, faute d’identifier le passé de tel dirigean (...)
3Pas plus qu’aucune formation politique l’UNAR n’était née d’une génération spontanée. Si son souvenir a sombré dans l’oubli, son origine est repérable par le chercheur. Elle était notoire pour le public local de l’époque : officiellement née de l’organisation unitaire de la résistance en Alsace (les FFIA – sigle soigneusement distingué de celui de FFI) et en Moselle, elle était pilotée par d’anciens cadres du Parti social français du colonel de la Rocque et peuplée dans une forte proportion de leurs amis. Les polémiques de la gauche contre « les ex-PSF de l’UNAR » le rappelèrent vite à ceux qui auraient pu l’ignorer, leur ajoutant la mention d’autres – dont des PPF hypothétiques3.
- 4 F1cIII 1224, Bas-Rhin, Rapport mensuel du préfet, juillet 1945 – également rapport de juin sur les (...)
- 5 L’UNAR, encore isolée, fit élire trois conseillers municipaux à Strasbourg ainsi que des conseille (...)
- 6 Claude Guy, En écoutant de Gaulle. Journal 1946-1949, Paris, Grasset, 1996, p 154. (la note de l’é (...)
4L’héritage PSF et l’ancrage alsacien et lorrain conféraient au gaullisme de l’UNAR une saveur bien particulière : le plus original était sa revendication régionaliste. Elle n’était du reste pas dénuée de contradictions. Accusés de perpétuer un particularisme d’avant-guerre, voire d’autonomisme, souffrant de l’impossibilité de se rattacher à une organisation nationale représentée au CNR, ses fondateurs firent assaut de bonne volonté unificatrice aux États généraux de la Renaissance française en juillet 1945 : ils y firent adopter, à l’unanimité, une résolution demandant l’introduction dans les trois départements recouvrés de la législation française… toutefois modernisée et rénovée sous l’inspiration du droit alsacien et lorrain4. La recherche d’un ancrage national aida le mouvement à surmonter sa réticence à briguer des élections autres que locales – censément non politiques5. La présentation de René Capitant à l’élection législative d’octobre 1945 lui fut demandée sans détour par le général de Gaulle, dont le ministre de l’Éducation nationale était proche6. Les presque 17 % des suffrages recueillis par sa Liste démocratique de Rénovation française permirent à l’intéressé de siéger à l’Assemblée constituante. Au même moment l’ULR mosellane faisait élire Jacques Baumel derrière son président le chef départemental FFI Alfred Krieger : le parachuté, ancien secrétaire général des Mouvements unis de Résistance et dirigeant de l’UDSR, se mouvait lui aussi dans l’entourage du Libérateur. Tous les députés unaristes ou apparentés siégèrent au groupe de la Résistance démocratique et socialiste (UDSR), alors une pépinière de gaullistes.
- 7 AD Bas-Rhin, D489-49, UNAR, 15.10.1945, 10.02.1947.
- 8 AD Bas-Rhin, D489-49, dossier « UNAR ». Participation de 30 à 100 dans les sous-préfectures en 194 (...)
- 9 L’Alsace libérée du 7 juillet 1945 donne une liste impressionnante des permanences des CDN. AD Bas (...)
- 10 F1cIII 1224, Bas-Rhin, Rapport mensuel du préfet, juin 1945.
5L’UNAR fut une formation politique de masses. Les Renseignements généraux ont recueilli des chiffres cités dans des réunions internes, dans des conditions semblant exclure trop de déformation : 8 345 inscrits dans le Bas-Rhin en octobre 1945 ; 5 233 cotisants effectifs en février 1947 (plus 792 n’ayant pas encore payé) dans un contexte démobilisateur7. L’organisation mosellane n’était pas en reste. Les réunions publiques et l’activité propagandiste générale observées par les mêmes RG8, ainsi que la structuration de ses sections de quartier à Strasbourg, confirment sa réalité militante, comme le fait indirectement la densité des Comités de défense contre le nazisme (CDN), satellites créés au printemps 19459. Hors de la métropole, le préfet Cornut-Gentille, peu suspect de sympathie, soulignait « l’importance prise par l’UNAR dans les campagnes […] seul mouvement de résistance connu des habitants10 ».
6Fortement exposée devant les enjeux du moment et isolée par son étrangeté, l’UNAR fut prise sous les feux croisés des concurrents et adversaires. Elle ne trouva d’ouverture qu’auprès de quelques notables patriotes manquant de base : avant tout les démocrates, parti d’une bourgeoisie protestante étroite et du maire de Strasbourg, Charles Frey ; encore n’était-ce pas sans un mépris discret et réciproque nourri de styles opposés. Une rivalité inégalement âpre l’opposa au MRP : à côté de « nationaux » plus proches d’elles, elle y reconnaissait les héritiers d’un particularisme qui avait marqué l’Alsace d’avant-guerre sous la couverture catholique de l’UPR (Union populaire républicaine). Le conflit restait ambigu : les démocrates chrétiens, non moins en querelle, s’accommodaient de sa présence dans la coalition municipale strasbourgeoise. Les gauches l’observèrent quelques mois, dans l’espoir de l’instrumenter contre le MRP naissant ou de la plumer. Puis socialistes et communistes engagèrent les hostilités. À Strasbourg fut mis en cause le passé du secrétaire général, Louis-Philippe Orttner, dans la mouvance autonomiste républicaine de l’ancien député Camille Dahlet… qui n’attaquait pas moins les épurateurs unaristes. Du Haut-Rhin fusèrent de plus sonores amalgames, prétendant établir une continuité de tous les « fascismes » d’avant-guerre aux gaullistes en passant par les services secrets, la Cagoule, Vichy… et Jacques Soustelle.
7Avec des hauts et des bas selon les départements et entre les trois scrutins nationaux de 1945 et 1946, l’UNAR trouva une force électorale surprenante pour une formation sans enracinement ancien. Le sectarisme de sa section bas-rhinoise et le silence persistant du général ne l’empêchèrent pas de percer en novembre 1946 avec 31 % des suffrages, il est vrai sur une liste d’Union gaulliste l’associant aux démocrates, à l’UDSR et au MLN. Dans la Moselle, la liste analogue, confrontée au MRP de Robert Schuman et à la concurrence de diverses droites dans la séquelle de l’élection du général Giraud en juin précédent, était réduite à 24,5 % ; le Rassemblement gaulliste du Haut-Rhin, où la continuité unariste était moins visible, obtenait 22,5 %. À défaut encore de la caution du général, ces résultats reflétaient la montée d’une attente. Elle était moins impure qu’ailleurs – étant entendu que les futurs bastions du RPF dans toute la France mêlaient à ce moment une part variable de gaullisme à la recherche plus prosaïque d’un rempart des droites.
- 11 André Bord, rare adhérent direct de l’Union gaulliste, reconnaissait la prépondérance locale de l’ (...)
8L’attente du général était constitutive de l’UNAR. De ce point de vue elle était moins un mouvement alsacien et lorrain que la variante régionale d’un gaullisme brut souvent (quoique non exclusivement) de filiation droitière : d’aucuns avaient regretté mezza voce le cours trop faiblement autoritaire du gouvernement provisoire de la France en 1945. Mais ce courant était partout mêlé à d’autres, dans des configurations politiques héritées. Entre Rhin et Moselle seulement il était chimiquement pur et l’UNAR était sa seule expression dans tout le pays. La fondation de l’Union gaulliste lui conféra un intérêt stratégique : il en fut la seule force militante véritablement organisée, quoiqu’agrégeant quelques militants d’autres provenances11 ; ailleurs le mouvement créé par René Capitant n’avait guère d’existence propre et était tributaire de formations politiques ambiguës, en général de droite, plus rarement de centre gauche – non sans conflits. Les dirigeants de l’UNAR, Paul Kalb, Émile Cremer, Alfred Krieger, Louis-Philippe Orttner, tous membres du comité directeur de l’Union gaulliste, la concevaient comme destinée à susciter l’engagement politique tant attendu du Libérateur.
- 12 Dans les Bas-Rhin l’UNAR avait formellement fusionné avec l’évanescent mais électoralement utile p (...)
9À défaut que Charles de Gaulle ait jamais été susceptible de se laisser forcer la main, il sut utiliser à son heure le tremplin unariste. Il lança l’appel au rassemblement du peuple français à Strasbourg non seulement pour le symbole que représentait la métropole de l’Alsace mais autant en considération de l’instrument opérationnel que lui avait fait valoir Émile Cremer. La première réunion d’organisation du Rassemblement fut tenue sur place le soir même du 7 avril 1947, une semaine avant son lancement officiel par un communiqué du 14 avril : autour des principaux collaborateurs du général, elle se composait en majorité des cadres alsaciens et mosellans de l’UNAR12 ; Alfred Krieger et Émile Cremer furent les présidents des premiers comités RPF, régional et départemental. Pendant quelques jours un flot d’adhésions convergea de toute la France à la permanence de Strasbourg, dans la croyance qu’elle était le siège du mouvement.
10Ce gaullisme pionnier ne s’inscrivait pas moins dans une relation paradoxale avec les deux provinces symboles.
Héritages et déchirements
11On doit remonter bien en deçà de l’UNAR pour comprendre dans quel héritage contradictoire s’ancrait le gaullisme local.
12L’histoire de l’Alsace et, dans une mesure atténuée, de la Lorraine leur avait forgé une personnalité assumée. La culture du « petit pays » était ambivalente : dans l’entre-deux-guerres, seule une minorité étroite croyait devoir fonder le retour à la grande patrie française sur la dénégation de sa part germanique. Cette identité avait été blessée par quelque sectarisme linguistique, scolaire, législatif ou religieux de la France républicaine, paraissant renier les engagements pris 1919 : on sait que la crise fut ouverte par les projets d’uniformisation nourris par le Cartel des gauches – sans préjudice du jeu moins visible mais larvé des maladresses administratives, étendues jusqu’aux conditions de réintégration dans la nationalité. Le « malaise alsacien » assombrissant l’unité française devint alors un objet de préoccupation commun à une partie des droites, nationales et locales, et aux patriotes alsaciens et lorrains de diverses tendances. Mais le patriotisme recoupait transversalement le microcosme politique régional non sans contradictions. La locution « les nationaux » y était d’une polysémie inconnue dans le reste du pays, où elle était devenue l’autodésignation banale des droites. Sur les bords du Rhin, elle pouvait désigner aussi bien tous ceux, jusqu’aux socialistes, qui acceptaient sans réserve le retour des provinces recouvrées ; d’autre part les nationalistes au sens le plus étroit s’en couvraient comme d’une étiquette politique, souvent décriée pour son ostentation heurtant la sensibilité locale. En pratique une certaine droite s’avéra plus apte à synthétiser le patriotisme français et la particularité régionale : sa culture propre allait au-devant d’elle.
- 13 Émile Baas, Situation de l’Alsace, Strasbourg, F -X Le Roux.
13La culture régionale dominante était empreinte d’une conception organique de la société. Elle était véhiculée en premier lieu par les formations catholiques occupant le secteur central de la vie électorale (UPR et sa scission « nationale » l’APNA en Alsace, chrétiens sociaux populaires en Moselle), et renforcée par leur long contact avec le catholicisme social et politique allemand : les solidarités fondamentales au-delà de la famille y étaient pensées autant comme horizontales, dans le cadre du « pays » (Heimat), que verticales à travers la trame sociale. La fragmentation de la scène alsacienne agrégeait jusqu’à un certain point les libéraux protestants du parti démocrate à un modèle compatible. Les droites traditionalistes pouvaient s’y reconnaître. L’Action française avait été la première à trouver quelque succès dans les années vingt en associant le nationalisme français à une revendication décentralisatrice épousant sans réserve les aspirations de la province. La condamnation pontificale relayée par l’évêque de Strasbourg ne touchait pas les protestants ; et son influence sous-jacente aurait été durable selon certains observateurs13 ; mais son style extrémiste traçait aussi ses limites. Il fut plus naturel à une droite recentrée, en l’espèce du PSF, d’élaborer une synthèse séduisant une part de l’opinion alsacienne et lorraine, découpée à travers toutes les communautés et empiétant même sur les autonomistes.
- 14 L’influence de l’Alsace dans une France des années vingt se lit dans la dénomination UPR donnée en (...)
14Parti millionnaire que certains voyaient porté par une vague irrésistible à la fin des années trente, le PSF profita de la synergie entre son image nationale et sa sympathie affichée pour le régionalisme : la caution patriotique qu’il lui apportait et la force parlementaire future dont on le créditait par présomption semblaient garantir l’aboutissement de la cause. Il donna une grande résonance à une idée qui n’était pas nouvelle au bord du Rhin : les particularités de l’Alsace et de la Lorraine en faisaient les institutrices virtuelles de la France entière14. On devrait y transposer ce qui, du statut scolaire et confessionnel au respect des langues régionales en passant par la législation sociale léguée par l’empire allemand, s’avérait supérieur. Cette « rénovation » du pays serait garantie par une décentralisation générale. Quoique le fond discrètement catholique social de l’idéologie PSF s’y retrouvât, ses fédérations alsaciennes et mosellane jouèrent un rôle décisif dans l’adoption de ce programme à son congrès de Lyon en 1937. On remarquera qu’elles agissaient sous la supervision du député-maire de Sarrebourg, Émile Peter, membre du Comité exécutif du parti : on le retrouvait en 1947 à la tête de la commission des élus RPF de la Moselle, passant la main à une nouvelle équipe municipale.
- 15 Par exemple l’abbé Noeppel, personnalité ecclésiastique et résistant des premières heures au côtés (...)
- 16 Bernard Vogler, Histoire culturelle de l’Alsace, Strasbourg, La Nuée bleue, DNA, 1994, p. 443 sq.
- 17 Bernard Vogler, op. cit., p. 438, « un Colmarien a eu le courage de le dire [à] Hermann Göring […] (...)
15Si le PSF en son temps réalisa la moins imparfaite synthèse d’un patriotisme dans son cas bruyant et des aspirations alsaciennes et lorraines, toutes les formations politiques régionales de part et d’autre de la seconde guerre mondiale furent marquées par quelque ambivalence. La mouvance catholique comptait, même au sein de l’UPR, une aile « nationale » (au sens alsacien) ; et la majorité plus particulariste de la dite UPR, à l’exception de la tendance franchement autonomiste suivant le député de Colmar Joseph Rossé, ne reniait pas les nécessités nationales : elles s’imposaient d’autant plus à la veille de la guerre que le cousin allemand présentait dorénavant un visage barbare écartant toute perspective européenne. Après la Libération, la même palette se retrouvait dans le MRP, où s’imposa vite un Pierre Pflimlin passé naguère par les Jeunesses patriotes ; et même dans son ébauche plus localiste, le PRP (Parti républicain populaire) : on trouvait entre autres dans ce parti qui ne fut que transitoire le chanoine Hincky ; issu d’une famille catholique très nationale et futur zélateur du RPF, il n’était pas moins très hostile à l’ingérence des missionnaires envoyés de Paris. En quelque sens, l’UNAR était une sœur ennemie, elle aussi ambiguë quoiqu’évoluant à l’opposé. Des chrétiens démocrates issus de l’ancienne mouvance UPR étaient présents lors de sa naissance à partir du Comité départemental de Libération du Bas-Rhin15 ; mais le contexte de la Libération avait poussé les fondateurs de UNAR plus loin que ceux du MRP alsacien dans la mise en réserve de certains aspects du régionalisme. Le recul semblait parfois définitif et s’imposait d’une manière ou d’une autre aux deux formations rivales : ainsi en était-il de la promotion du français par l’école et dans la presse. L’opinion majoritaire l’acceptait, pas seulement par un « complexe alsacien » évoqué par Bernard Vogler16. Ceux qui l’exprimaient à l’époque revendiquaient ce refoulement comme légitimé par l’usage inverse que l’Allemagne avait établi : l’expérience brutale de la dernière occupation avait fermé des portes plus étanches qu’autrefois17. Dans la presse bilingue, plus du quart de la surface imprimée devait légalement être rédigé en français. Les organes de l’UNAR étaient plus francophones encore, assignant généralement le dialecte ou l’allemand aux choses locales, en portion congrue. Ce n’était pas faute pourtant de locuteurs germanisants et dialectophones, à commencer par les anciens orateurs populaires du PSF. Le chemin parcouru depuis l’avant-guerre éclaire l’accentuation des ruptures.
- 18 Appuyée par nécessité au départ sur le SR de Vichy, puis sur l’ORA, la résistance alsacienne et mo (...)
16L’UNAR était loin de représenter toute l’Alsace et toute la Lorraine patriotes, mais elle se réclamait à bon droit de la résistance locale. Ceux qui refoulés, expulsés ou réfugiés depuis 1940, avaient résisté au-delà des Vosges, et les nombreux Alsaciens et lorrains de la France libre ou venus de l’armée d’Afrique, pouvaient avoir une autre expérience (quoique cette typologie, parfois invoquée par polémique, soit approximative18). Couvrant certes quelques ouvriers plus tardifs, les pionniers affichaient à la Libération la devise du Taciturne : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre » ; c’était rappeler que leur résistance avait été l’une des plus précoces de France et sans doute la plus organisée à ce stade.
- 19 Jacqueline Rocher Schott, fille de Louis Schott, précurseur du réseau Bareiss dès l’automne 1940, (...)
- 20 Des propos immodérés de la plume du MRP militant Charles Blondel, par ailleurs Commissaire de la R (...)
- 21 AD Bas-Rhin, 98AL 674-2, 9.5.1938, rapport du Contrôleur général de police spéciale auprès du Serv (...)
17Le souvenir des heures sombres19 nourrit des sentiments abrupts chez certains, qui accusèrent en 1945 les vieux dirigeants de l’UPR d’avoir composé avec la situation. Héritant du défunt parti catholique, le MRP naissant répondit sur un même ton. On ne peut démêler, dans des rumeurs pas toujours écrites, qui, « gaulliste » ou démocrate chrétien, eut l’initiative du crescendo polémique dont les traces sont lisibles dans les rapports du Commissaire de la République. On ne doit avaliser aucune version excessive, même contre l’UNAR dont le sectarisme fut réel. Elle appela à une épuration parfois maladroite, affirmant récuser les dénonciations anonymes mais distinguant mal la complexité des cas ; mais d’aucuns avaient bien été témoins naguère de rodomontades philonazies. Ses Comités de défense contre le nazisme naquirent à contretemps ; mais on doit se rappeler que la contre-offensive allemande avait laissé la situation militaire dans l’incertitude encore au début de 1945 : au moment où l’idée en vint, le réseau d’information nazi était ressenti comme une menace actuelle, y compris pour les familles alors que de nombreux Alsaciens et Lorrains étaient en résidence forcée en Allemagne ou incorporés dans la Wehrmacht. La polémique semble plus franchement déformante dans l’imputation qui leur fut faite de reproduire le réseau des Ortsgruppen nazis20 : cette organisation par quartier rappelait en fait l’expérience d’encadrement politique ramifié mis en place autrefois par le PSF dans ses bastions et notamment en Alsace21. En fait l’UNAR était le bouc émissaire d’autres procès qui ne pouvaient être formulés, dont celui de l’abandon dans lequel s’étaient trouvées l’Alsace et la Lorraine.
- 22 Charles Béné, L’Alsace dans les griffes nazies, Raon-L’étape, Fetzer, 1982-1984, tome IV, p. 311 s (...)
- 23 Ils se heurtèrent au gaulliste Gilbert Grandval, chef de la Région C de l’Armée secrète.
18Faisant maladroitement rebondir un déchirement, ce gaullisme d’extraction localiste s’inscrivait pourtant dans la continuité. La résistance unitaire, d’un modèle inconnu dans le reste de la France, avait forgé une idéologie « apolitique » et même un programme régionaliste un peu naïvement organiciste, conçu comme allant de soi par positivisme implicite : l’inspiration était une synthèse des courants cités d’avant-guerre, de l’UPR au PSF, voire à une réminiscence culturelle d’Action française. Selon un modèle déjà vu, l’Alsace était « désignée pour servir de laboratoire d’expérience » à la rénovation du pays tout entier22. Certains de ses hérauts autoproclamés furent giraudistes23 ; mais la prétention de privilégier la seule action militaire et patriotique maintint la majorité dans une ambiguïté en définitive gaulliste. C’est malgré ces héritages idéologiques renforcés que l’UNAR fut amenée à quelques abandons forcés. Là encore on doit se garder des polémiques suscitées par son conflit avec le MRP : la plus déformante, prolongée jusque contre le RPF à la fin des années 1940, fut l’accusation de vouloir brader la tradition d’école confessionnelle. Elle interprétait librement les propos peu lisibles tenus lors des États généraux de la Renaissance française et la propulsion électorale de René Capitant en octobre 1945… Homme de gauche, le ministre venait pourtant de mettre de l’eau dans le vin laïque en défendant les crédits de l’école libre et les aumôniers scolaires devant l’Assemblée consultative.
19En définitive la faiblesse de ce pré-gaullisme, dans sa version bas-rhinoise plus qu’alsacienne et lorraine en général, fut une faute majeure selon un gaullisme idéal certes théorique : n’avoir pas su se dégager des divisions révolues.
Le gaullisme au-delà des balises : un échange débordant l’appartenance, un baume, des symboles croisés
- 24 La référence d’origine est mal connue mais on trouve une citation précoce dans les archives du RPF
- 25 On découvre l’enrobage de ce rôle providentiel dans de surprenantes circonlocutions de modestie, d (...)
20La boutade de Charles de Gaulle est connue : « Tout le monde a été, est ou sera gaulliste24. » Il se heurtait certes à ses propres contradictions en souhaitant que ce qu’on appelait ainsi fût autre chose qu’une étiquette politique. Il reste que ce qu’il représentait historiquement permit l’existence d’un gaullisme large, d’un consensus à vrai dire peu défini25. Le terrain de l’Alsace et de la Lorraine s’y prêtait : le sentiment y dépassa largement l’appartenance balisée.
21Le gaullisme alsacien et lorrain fut à facettes. Sa première version officiellement définie fut celle du RPF. Le nom de Rassemblement ne pouvait le préserver d’un héritage aussi encombrant qu’irrécusable : les unaristes en formèrent le noyau plus ou moins majoritaire. Les militants, ingénus ou même passés par l’UNAR, manifestèrent parfois un recul : parmi les « anciens », ils marquèrent leur préférence pour ceux, tel le sénateur Radius, dont le passé ou le style était plus discret. Ce fut le cas après une première crise infantile dans le Bas-Rhin – en soi banale au RPF en beaucoup d’autres lieux du pays, mais là plus déchiffrable. Le premier délégué départemental, pourtant désigné par Émile Cremer, fut vite le boutefeu d’une offensive anti-unariste qu’il eût voulu coordonner avec une illusoire connivence MRP. Il fut éliminé dès mars 1948 mais son imprudence, et la semonce par laquelle le vote militant récusa provisoirement la candidature du dirigeant unariste Louis Orttner au Conseil départemental, exprimaient bien le regret de ce qui n’avait pu être.
22Le succès électoral du RPF dans les provinces recouvrées semble indexé sur son ouverture : 31 % seulement dans le Bas-Rhin aux législatives de 1951 (quand même 9 points au-dessus de la moyenne nationale) ; contre 44 % dans la Moselle et 38 % dans le Haut-Rhin – avec un record gaulliste absolu de 65 % aux cantonales de 1949 dans ce dernier département où la récupération du tissu MRP allait alors bon train au point de tarir le vivier de ses candidats. Au reste, le groupement du Bas-Rhin était loin d’être fermé, plutôt ballotté entre deux attitudes. Sa crise de 1948 manifestait son ambivalence : à la même époque, les renseignements généraux, certes à prendre avec prudence, insistaient sur son recrutement d’hommes « jeunes et nouveaux » et d’éléments MRP. Les va-et-vient entre les deux formations furent de toute l’histoire ultérieure. De belles pièces au tableau du RPF furent les retournements, qui ne semblent pas de pur opportunisme, d’Albert Bur, président du Conseil général du Bas-Rhin, en 1949 ; et de l’ancien député du Haut-Rhin Albert Bas en 1951. D’autres suivirent, jusque sous la Ve République : ainsi l’ancien sénateur Ehm, qui fut député UNR. Il est vrai qu’une partie des démocrates chrétiens présumés avait un passé « national ». Bur avait été élu à cette fonction avec l’appui de l’UNAR en 1945, contre le sénateur Oberkirch – MRP mais surtout usé et qui n’eût point été battu sans le concours de nombreux autres conseillers généraux de son propre parti. Le maire de Sarrebourg Émile Peter, membre du MRP en 1945, adhérant du Rassemblement dès avril 1947, était aussi l’ancien député PSF du lieu – le MRP était en Moselle le parti de Robert Schuman, ce qui représentait une nuance par rapport à l’Alsace. L’héritage exceptionnel du catholicisme politique dans les trois départements explique en partie – seulement – qu’il contribua si fortement à la récupération gaulliste. Mais le RPF y fut aussi divers qu’ailleurs. Son attraction sur un catholicisme populaire ne l’empêcha pas de passer pour le pôle politique du protestantisme alsacien. De l’une ou l’autre confession, lui furent apparentés des notables qui avaient souvent manifesté leur sympathie au PSF précédemment : indépendants de droite patriotes (Rodolphe Thormann, qui succéda à Bur à la présidence du Conseil général du Bas-Rhin) ; Démocrates autour du maire de Strasbourg Charles Frey ; catholiques nationaux de l’APNA… De l’autre côté, des éléments de gauche fournissaient une contribution plus militante. Le socialisant André Bord fut le plus visible de cette origine ; mais on ne saurait négliger un gaullisme populaire de la banlieue de Strasbourg, ni les socialistes haut-rhinois Jean-Jacques Rinck et Charles Klein – conseiller général de Mulhouse.
- 26 Rappelé par Alphonse Irjud, personnalité du journalisme et historien de l’Alsace, également témoin (...)
- 27 Bernard Vogler, Histoire politique de l’Alsace, Strasbourg, La Nuée bleue, 1995, p. 296.
23On doit revenir à la discrète parenté du gaullisme avec le MRP – dans sa version régionale. La logique nationale des partis ne pouvait que faire avorter la greffe dont certains avaient rêvé mais elle eut assez de crédit en 1947 pour donner longue vie à une plaisanterie amalgamant les sigles : « MRPF26 ». De surcroît localement, quelques sectaires extrêmes des deux bords nourrissaient des procès symétriques en infamie – qu’il vaut mieux ne pas citer. MRP et gaullistes furent toujours les grands concurrents de la scène alsacienne et lorraine ; et pas moins associés dans tant d’alliances de gestion, à commencer par celle de la mairie de Strasbourg, de Charles Frey à Pierre Pflimlin. L’évidence est que les deux s’adressaient au même public substantiellement, d’autant plus susceptible de glisser de l’un à l’autre que des valeurs fondamentales leur étaient communes. Du point de vue électoral, l’histoire de la région jusqu’en 1969 fut celle de flux et ressacs selon la présence directe ou non du général de Gaulle dans l’enjeu des scrutins. Bernard Vogler en a noté le superlatif : « L’électorat MRP vote toujours massivement gaulliste lors des référendums27 » ; et observé ce qui le fondait « le souvenir de 1940-45 […] le fait qu’il a sauvé l’Alsace en janvier 1945 », mais aussi : « le goût de l’ordre, de la stabilité et de l’efficacité. » On doit souligner qu’il s’agit d’un échange et que l’image que renvoyait la province, en faisait un modèle selon le gaullisme. Elle ne fut pas fortuitement le bastion de la fidélité, monolithique dans les élections de la fin des années 1960, plus encore à contretemps de la tendance nationale en apportant une adhésion massive à l’ultime referendum sur la régionalisation en 1969 – La Moselle suivait.
- 28 RPF 32, 21.1.1948, propos rapporté par le président départemental du Haut-Rhin.
24La fidélité n’allait pas qu’au Libérateur. Elle était aussi la reconnaissance d’une Alsace et d’une Lorraine par lui respectées. Sans doute le public ignorait-il ses confidences sur une idée de statut scolaire national inspiré du modèle régional, imaginé dès 1945 et finalement « remise pour des raisons d’opportunité politique28 ». Mais bien des signes rendaient évidente sa considération ; et le baume versé sur leurs plaies lors du procès d’Oradour en 1953 restait dans les mémoires. Gaullistes et MRP se trouvèrent entièrement d’accord à cette occasion – et jusqu’avec des résistants communistes alsaciens démissionnaires de leur parti (Léonard Keim et d’autres conseillers municipaux de Strasbourg ; Maître Lux, avocat des Malgré-nous). La déclaration du général de Gaulle, premier homme d’État à s’exprimer, avant le président du Conseil et avant même le ministre Pierre Pflimlin, se distinguait : « Quel Français ne comprendra la douleur irritée de l’Alsace ? […] à la suite de la capitulation de Vichy, ayant subi l’affreuse épreuve de voir ses jeunes gens incorporés de force […] ce qui doit être avant tout évité, c’est qu’après avoir perdu dans la tragédie d’Oradour tant de ses enfants assassinés par l’ennemi, la France laisse, de surcroît, infliger une blessure amère à l’unité nationale. »
- 29 Témoignage cité d’Alphonse Irjud, qui garde un souvenir tout autre de Kalb que de l’UNAR.
- 30 Entretien avec Serge Kalb, 6.7.1995.
25Il y eut bien un échange symbolique. Mieux que quelques zélateurs maladroits de 1945, une figure de l’Alsace l’exprimait : Paul Kalb (1898-1964), inspirateur moral de l’UNAR mais de plus haute tenue29. Sa carrière mérite d’être retracée : engagé volontaire à 17 ans, lieutenant à vingt ans en 1918, de l’état-major de Mangin en Allemagne, officier des services spéciaux (comme tant d’Alsaciens…), protestant et un temps monarchiste, avocat anti-autonomiste lors du procès de Nancy, bâtonnier du barreau de Colmar, président de la Fédération des Engagés volontaires d’Alsace et de Lorraine depuis 1932, président du comité d’arrondissement PSF de Colmar, fondateur du GERAL (Groupement d’entraide des réfugiés d’Alsace et de Lorraine) en 1940 à Lyon en même temps que plaque tournante des communications de la résistance alsacienne avec le réseau Kléber (SR de Vichy) mais aussi avec le BCRA, enlevé en avion en mars 1943 pour Londres, où il fut sous le pseudonyme de Jacques d’Alsace le porte-parole radiophonique des provinces arrachées, membre du cabinet du général de Gaulle à Alger, chargé du Service d’Alsace et de Lorraine reconstitué, directeur du cabinet militaire de Charles Blondel (fonction modeste acceptée pour des motifs politiques régionaux), vice-president du Sénat, choisi par les parlementaires gaullistes fidèles comme leur candidat le plus emblématique pour se compter au premier tour de l’élection présidentielle de décembre 1953 (115 voix)… Le charisme local de cette personnalité aujourd’hui oubliée était celui d’un gaullisme alsacien, vibrant, un peu solennel, héritant aussi de projets réconciliateurs plus anciens. Membre du conseil de direction du RPF, il fut un confident assez régulier à Colombey, au côté de Monseigneur Hincky : selon son fils, qui leur servait de chauffeur, il plaidait devant le général un peu sceptique mais ouvert en faveur d’une régionalisation30. Qui sait quel cheminement eut cette idée dans l’esprit de son interlocuteur ? – point étranger à quelques conceptions organiques proches si on se réfère à son discours de Saint-étienne de 1948.
26Quoi qu’il en ait été, l’Alsace et la Lorraine sont ici l’observatoire d’un aspect partiel mais profond la culture gaulliste.
Notes
1 L’Alsace libérée, 20.12.1944.
2 L’Alsace libérée, 23.6.1945.
3 Nous ne pouvons exclure la présence d’ex-PPF à l’UNAR, faute d’identifier le passé de tel dirigeant, dont le commandant François, chef FIA du Bas-Rhin ; toutefois, les troupes de Doriot avaient été bien minces dans l’Alsace d’avant-guerre. La presse socialiste et communiste pratiqua vite un crescendo, imputant aux gaullistes jusqu’au temps du RPF tous les héritages fascistes : la rafale des noms lancés à fonction d’amalgame les décrédibilise.
4 F1cIII 1224, Bas-Rhin, Rapport mensuel du préfet, juillet 1945 – également rapport de juin sur les critiques du particularisme.
5 L’UNAR, encore isolée, fit élire trois conseillers municipaux à Strasbourg ainsi que des conseillers généraux : leur nombre est incertain en l’état de notre information sur les adhérents effectifs ou personnalités simplement soutenues.
6 Claude Guy, En écoutant de Gaulle. Journal 1946-1949, Paris, Grasset, 1996, p 154. (la note de l’éditeur indiquant 1946 est erronée : ce parrainage fut bruyamment mis en avant dans la campagne de l’UNAR pour Capitant en octobre 1945).
7 AD Bas-Rhin, D489-49, UNAR, 15.10.1945, 10.02.1947.
8 AD Bas-Rhin, D489-49, dossier « UNAR ». Participation de 30 à 100 dans les sous-préfectures en 1946 mais réunions répétées en même lieu. Réunion électorale de l’UNAR au Palais des Fêtes à Strasbourg : 1 200. Une autre en octobre 1946 : 1800, en présence de René Capitant et dans le contexte de l’Union gaulliste, dépassant en principe l’UNAR. Réunion de l’UNAR en mai 1945 pour la création des comités de défense contre le nazisme : 2 500 personnes, voir infra les chiffres sensiblement plus élevés des réunions de quartiers des CDN.
9 L’Alsace libérée du 7 juillet 1945 donne une liste impressionnante des permanences des CDN. AD Bas-Rhin, D589-49, dossiers « UNAR » et « UNAR Divers ». Seize réunions du 11 au 14 juin 1945 ; 60 à 500 participants selon les lieux, les chiffres en centaines correspondant aux quartiers populaires.
10 F1cIII 1224, Bas-Rhin, Rapport mensuel du préfet, juin 1945.
11 André Bord, rare adhérent direct de l’Union gaulliste, reconnaissait la prépondérance locale de l’UNAR (entretien, 19.9.1995).
12 Dans les Bas-Rhin l’UNAR avait formellement fusionné avec l’évanescent mais électoralement utile parti démocrate, dans l’Union démocratique de Rénovation. Les acteurs cités étaient en fait tous unaristes.
13 Émile Baas, Situation de l’Alsace, Strasbourg, F -X Le Roux.
14 L’influence de l’Alsace dans une France des années vingt se lit dans la dénomination UPR donnée en 1925 à son mouvement girondin par l’abbé Bergey, député et orateur de la fédération nationale catholique, qui venait de parler à Strasbourg devant 50 000 auditeurs de la défense catholique.
15 Par exemple l’abbé Noeppel, personnalité ecclésiastique et résistant des premières heures au côtés d’anciens PSF notamment catholiques (peut-être eux-mêmes d’origine UPR plus lointaine, tel Louis Schott qui excipait de cette étiquette au CDL). On remarque que les ex-PSF qui ne pouvaient se réclamer d’une autre appartenance antérieure affichaient l’appellation générique de « démocrates-chrétiens », suscitant la plainte courroucée des dirigeants UPR, transmise par le commissaire de la République Charles Blondel, missionnaire notoire du MRP (F1a3299, CDL 2.2.1945).
16 Bernard Vogler, Histoire culturelle de l’Alsace, Strasbourg, La Nuée bleue, DNA, 1994, p. 443 sq.
17 Bernard Vogler, op. cit., p. 438, « un Colmarien a eu le courage de le dire [à] Hermann Göring […] les nazis ont réussi en six mois ce que les Français n’avaient su faire en vingt ans […] faire bousculer l’attitude nationale des Alsaciens définitivement du côté français ». Même formule de sources diverses : RPF, Dossiers départementaux, Haut-Rhin, 10.06.1946 : « d’après les dires mêmes de Pétain [sic], “ce que la France n’avait pu faire de 1918 à 1939, l’Allemand l’a fait en trois mois, il a fait de l’Alsace une province essentiellement française” ».
18 Appuyée par nécessité au départ sur le SR de Vichy, puis sur l’ORA, la résistance alsacienne et mosellane eut une unité inconnue ailleurs, surtout après sa réorganisation par Paul Freiss en 1942. Articulée selon les trois départements en 1943-44, elle l’était aussi avec les Groupes mobiles d’Alsace, implantés des Vosges au Sud-Ouest ou passés en Suisse. Lestée à droite, elle ne rassemblait pas moins bien au-delà (on citera les plus visibles : les ex-PSF émile Cremer, Paul Kalb, Paul Freiss, Xavier Haas ; le catholique national indéterminé Charles Bareiss ; Paul Winter, sans doute plus droitier ; le socialiste Jean-Jacques Rinck…). Seuls les communistes résistaient à part.
19 Jacqueline Rocher Schott, fille de Louis Schott, précurseur du réseau Bareiss dès l’automne 1940, nous a donné un témoignage très spontané (28.10.1996) sur le contexte poignant de cette époque.
20 Des propos immodérés de la plume du MRP militant Charles Blondel, par ailleurs Commissaire de la République (F1a 4027, 18.5.1945).
21 AD Bas-Rhin, 98AL 674-2, 9.5.1938, rapport du Contrôleur général de police spéciale auprès du Service d’Alsace et de Lorraine.
22 Charles Béné, L’Alsace dans les griffes nazies, Raon-L’étape, Fetzer, 1982-1984, tome IV, p. 311 sq ; Archives de l’ORA, rapports de chefs d’unité, entre autres commandant Georges, Historique de la Résistance alsacienne (s. d., automne 1944).
23 Ils se heurtèrent au gaulliste Gilbert Grandval, chef de la Région C de l’Armée secrète.
24 La référence d’origine est mal connue mais on trouve une citation précoce dans les archives du RPF.
25 On découvre l’enrobage de ce rôle providentiel dans de surprenantes circonlocutions de modestie, dans des propos non publics : « je n’ai pas le sens de le cacher… à cause de ce qui s’est passé, à cause du passé, à cause des événements, à cause des faits historiques… » (LNC, juin 1951-mai 1958, p. 153).
26 Rappelé par Alphonse Irjud, personnalité du journalisme et historien de l’Alsace, également témoin depuis sa jeunesse résistante et qui avoue sa sympathie démocrate chrétienne (entretien, 5.7.1995).
27 Bernard Vogler, Histoire politique de l’Alsace, Strasbourg, La Nuée bleue, 1995, p. 296.
28 RPF 32, 21.1.1948, propos rapporté par le président départemental du Haut-Rhin.
29 Témoignage cité d’Alphonse Irjud, qui garde un souvenir tout autre de Kalb que de l’UNAR.
30 Entretien avec Serge Kalb, 6.7.1995.
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