Chapitre IX. Les diplômes militaires et l’évolution de l’armée romaine de Claude à Septime Sévère : auxilia, numeri et nationes*
p. 153-172
Texte intégral
1Il y a déjà quinze ans que E. Birley, à la suite du livre plus ancien de M. Platnauer, mettait en évidence les liens organiques entre l’armée de Septime Sévère et celle de Dioclétien1. L’armée de campagne de la Tétrarchie et de Constantin était en germe dans la « field-army » de l’empereur africain. Il y avait donc eu au IIIe siècle, non pas une transformation radicale, mais une affirmation lente de l’armée mobile dont le point de départ était la guerre civile des années 193-197. Mais E. Birley ajoutait aussitôt avec prudence : « Yet Severus, too, cannot be regarded as a complete innovator, however much he may be claimed to have developed the concept of a field-army2. » C’était donner à entendre que le règne de Septime Sévère avait aussi constitué dans l’histoire militaire romaine un point d’arrivée, de remise en ordre, autant qu’un point de départ. Toutefois, le savant anglais se plaçait d’un point de vue global et scrutait surtout les carrières des hommes de l’état-major et un état d’esprit plus qu’il ne s’attardait sur la composition détaillée de l’armée de campagne et sur les problèmes d’organisation, de tactique ou de stratégie qu’elle soulevait. Pourtant, H. Callies avait, me semble-t-il, proposé, à la suite d’une remarque d’E. Birley lui-même3, une problématique riche d’aperçus et d’enquêtes4 lorsqu’il s’était efforcé, quelques années auparavant, de montrer que l’histoire de ce qu’il appelait les « Hilfskontingente » révélait une différenciation, ancienne au sein de l’armée romaine, entre des unités qui avaient des rôles tactiques variés : il décrivait sans le dire expressément ce qu’il convient de désigner comme une protohistoire de l’armée du IVe siècle dédoublée5. Bien sûr, H. Callies mettait d’abord l’accent sur l’émergence d’unités mobiles légères autres que les ailes et les cohortes et ne prétendait en aucune façon que cette évolution avait quelque chose de linéaire et d’inéluctable. Je retiendrai pour ma part l’idée d’une continuité, c’est-à-dire d’une adaptation empirique de l’organisation militaire par le développement d’éléments marginaux au départ6.
2La colonne Trajane met assez en exergue la place et le rôle du prétoire et des légions7 pour qu’il ne soit pas utile de rappeler ici leur prépondérance. Mais la frise commémorative des victoires daciques parle-t-elle suffisamment des corps de troupes auxiliaires et des unités de renfort ? Elle reflète à n’en pas douter une hiérarchie des valeurs qui n’est pas entièrement l’expression des rôles réels au combat et simplifie le récit plus qu’elle ne vise, c’est vrai, à le déformer. Aussi, parce qu’ils privilégient les unités non légionnaires, les diplômes militaires peuvent-ils former une base solide pour retrouver les mécanismes de l’évolution militaire romaine avant Septime Sévère, alors qu’ils couvrent, au sujet des auxilia et des numeri, la période qui va du règne de Claude à l’année 2038. Il s’agit en outre de documents à valeur officielle, c’est-à-dire de témoins des habitudes et des pratiques de l’administration9. Mais là est aussi leur limite en même temps que leur ambiguïté. Leur langage est soucieux d’efficacité, de clarté et s’en tient aux formules indispensables qu’il est intéressant d’énumérer : la mention de l’autorité impériale source de la décision, les dispositions générales et les instances chargées de les faire appliquer, les dispositions particulières relatives au bénéficiaire du diplôme, la liste des témoins destinée à certifier le caractère officiel du document. La présence autant que l’absence d’une donnée quelconque prend ainsi une valeur indéniable. Pareillement, le vocabulaire employé, par ses répétitions ou ses tics ou encore ses transformations, est riche d’informations10. Mais ce qui importe peut-être davantage vient de ce que les diplômes sont mis en demeure de rendre compte en les coordonnant des niveaux multiples et complexes dont la combinaison produisait l’organisation militaire romaine. Ce discours à plusieurs voix doit être interrogé avec minutie dans sa diversité aussi bien que dans sa cohérence, mais il doit également être confronté, chaque fois que nécessaire, à d’autres types de sources11. Je pense, cependant, que les diplômes militaires offrent, mieux que d’autres documents, des indices pour saisir les conditions de l’évolution de l’armée provinciale romaine. Pour tenter de le mettre en lumière, je voudrais analyser certains renseignements fournis par les listes des unités auxiliaires puis m’attacher au contenu des diplômes relatifs aux « numeri » avant de chercher à dessiner les traits qui en résultent pour l’histoire de la stratégie impériale.
3La définition des garnisons provinciales dans les diplômes est introduite au moyen de formules simples dont le type classique est : Equitibus et peditibus qui militauerunt in alis […] et cohortibus […] quae appellantur […] et sunt in […]. En dehors du problème du temps du verbe militare, bien connu12, on décèle certaines variantes : Equitibus qui militant in alis […] et peditibus et equitibus qui in cohortibus […] quae sunt in […] (RMD, I, 4, du 12-5-91) ou equitibus et peditibus qui militauerunt in alis […] quae appellantur […] et cohortibus […] et sunt in […] (RMD, I, 47, du 27-9-154 ? ; RMD, II, 103, du 8-2-157 ; CIL, XVI, 159, du 9-1-88). S’il ne faut pas attribuer de valeur chronologique au fait d’évaluer d’abord le nombre des ailes puis d’énumérer leur nom, d’évaluer ensuite le nombre des cohortes et de recenser enfin leur nom (RMD, I, 64, du 21-7-164) par rapport au choix de donner en bloc le nombre des ailes et des cohortes et seulement ensuite le nom de chacune des unités annoncées, on observe, en revanche, que les expressions quae sunt in […] ou qui sunt in […] ne se rencontrent qu’en l’absence de quae appellantur […]. Toutefois, deux diplômes de Maurétanie Tingitane (CIL, XVI, 159 = IAM, 2, 234, du 9-1-88 ; CIL, XVI, 165 = IAM, 2, 237 de 114/117) comportent le formulaire quae appellantur […] quae sunt in […].
4Le verbe appellare, avec le sens dérivé de « donner un nom », de « désigner », appartient au vocabulaire habituel de la reconnaissance d’une identité13. La forme passive appellantur, utilisée par les rédacteurs des diplômes, est une tournure impersonnelle qui témoigne qu’en matière de dénomination c’est l’usage qui est suivi. Les noms retenus pour les unités sont donc les noms caractéristiques de l’aile ou de la cohorte qui permettaient l’identification rapide sans risque de confusion majeur. Cette méthode n’impliquait pas pour autant la répétition rigoureuse et ne uarietur des éléments considérés comme tels, car tous les éléments qui pouvaient entrer dans le nom d’une unité n’avaient pas la même valeur administrative. On note par exemple que beaucoup d’ailes ne portent pas de numéro et que le cas n’existe pas pour les cohortes. Lorsque l’ordinal de ces ailes est connu par l’intermédiaire d’un autre document, il s’agit toujours du chiffre I14. On peut conclure que la numérotation a été rendue superflue par la prépondérance d’autres indices plus significatifs comme semble en faire la preuve l’exemple de l’aile Tauriana15. La dénomination idéale de l’unité, obtenue par l’accumulation de tous les titres attestés par l’ensemble de la documentation la concernant, devait être au IIe siècle la suivante : ala I Flauia Gallorum Tauriana torquata uictrix ciuium Romanorum. Les diplômes l’appellent respectivement : (ala) Tauriana, Tauriana c. R.16, Gall. Tauriana c. R. torquata uictrix17, Tauriana uictrix18, Gall. Tauriana torquata uictrix19 ou Gall. Tauriana torquata uictrix c. R.20. Le nom Tauriana est le seul qui soit permanent ; il renvoyait au surnom d’un commandant qui avait joué un rôle dans l’histoire de l’aile. Le titre honorifique uictrix devance l’ethnique Gallorum et la mention c (iuium) R (omanorum) avec quatre occurrences contre trois pour les deux autres. La place de c. R. pouvait varier.
5Les surnoms d’origine impériale recensés aussi bien pour les ailes que pour les cohortes sont au nombre de six : Augusta, Claudia, Vespasiana, Flauia, Vlpia, Aelia. Augusta n’est pas obligatoirement lié à Auguste et peut se rapporter par exemple à Domitien. L’empereur ainsi désigné l’était ou au titre de fondateur de l’unité ou au titre d’auteur d’une récompense pour conduite en mission ou au combat21. La cohorte I Flavia Vlpia Hispanorum ∞ c. R. (CIL, XVI, 57 de 110) a reçu le surnom Vlpia en même temps que c. R. pour sa bravoure lors de la conquête de la Dacie. Le diplôme CIL, XVI, 57 du 17-2-110 lui attribue, en effet, sa nouvelle titulature complète, mais celui du 2-7-110 se contente de l’appellation I Flauia Hispanorum ∞ (CIL, XVI, 163) ; en 154 (CIL, XVI, 110), elle est dite I Flauia Vlpia Hispanorum ∞. Si l’on ajoute à cet exemple ceux de l’aile Tauriana, déjà étudiés, et de l’aile I singularium c. R. qui ne portent pas ou ne portent qu’à l’occasion Flauia sur les diplômes (CIL, XVI, 121, de 166), on peut conclure que les noms impériaux, proportionnellement peu nombreux, ne font l’objet d’une mention qu’en raison de leur valeur historique, c’est-à-dire comme mémoire des origines de l’unité. L’aile I Flauia Britannica ∞ c. R. de Pannonie inférieure ne constitue pas vraiment une exception sur le diplôme du 5-5-167 (CIL, XVI, 123) où elle se trouve désignée de deux manières : à l’intérieur, I Britan. ∞ ; à l’extérieur, II (sic) Britt. ∞ c. R. Comme on l’a remarqué22, cette nomenclature ne saurait être confondue avec celle de l’aile I Britt. c. R. mentionnée dans la même province sur le diplôme du 27-12-159 (CIL, XVI, 112). Le signe ∞ est assurément déterminant pour éviter la confusion, car la mention de l’effectif avait une importance administrative indéniable. L’absence de Flauia, unique pour les diplômes où apparaît l’aile, pourrait être le résultat de l’hésitation sur l’identité de l’unité, ce que manifeste la différence entre la face interne et la face externe23. On ne dira pas que les diplômes les plus tardifs avaient tendance à négliger la mention des surnoms impériaux, car les listes de Rhétie en 156/157 (CIL, XVI, 183 ; AE, 1978, 589 = RMD, II, 104) ou de Syrie à la même date (CIL, XVI, 106) témoignent du contraire.
6Il n’est pas surprenant qu’en dehors du numéro ce soit ou l’ethnique ou un nom équivalent du point de vue de l’origine qui ait principalement servi à distinguer les unités. Gallorum, Hispanorum, Asturum et Raetorum en sont quelques cas bien connus. Ils sont à différencier de Moesica ou Britannica, dont le caractère géographique souligne la participation à la conquête d’une province romaine le plus souvent, et des noms dérivés de commandants (Lepidiana, Tauriana). Un petit nombre d’unités échappe à ce système de nomenclature. Ce sont la cohorte I Aelia Gaesatorum milliaria (CIL, XVI, 110) de Dacia Porolissensis, l’aile et la cohorte I Vlpia contariorum de Pannonie supérieure (CIL, XVI, 104 et 178), les cohortes ciuium Romanorum et uoluntariorum (CIL, XVI, 31 et 97), les ailes praetoria (CIL, XVI, 180) et singularium (CIL, XVI, 36), l’aile Flavia Gemina (CIL, XVI, 20). On isolera le cas énigmatique de la cohorte III Campestris (CIL, XVI, 57) et des cohortes Campestrum24 qui pourraient cependant entrer dans la catégorie des noms liés à une activité militaire spécialisée symbolisée par les gaesati et les contarii25. Quant à l’aile Claudia nova miscellanea (CIL, XVI, 111), issue de l’aile Claudia nova, on la rangera au nombre des troupes formées à partir de recrues d’origine variée et on la distinguera de l’aile Flavia Gemina née de la réunion de deux unités très vraisemblablement26. Parmi les noms ethniques qui posent des problèmes de lecture ou de développement, les appellations abrégées des unités formées dans les îles Britanniques sont les plus incertaines. Les trois formes essentielles s’écrivent indifféremment avec un seul ou avec deux t : Brit(t) onum, Brit(t) annica, Brit(t) an(n) orum27. Leur signification est relativement claire : Brittonum désigne collectivement les indigènes conquis quelle que fût leur ciuitas d’origine ; Britannica rappelle le territoire romain de la province de Britannia ; Britannorum suggère qu’on se trouve en présence de Britanni, c’est-à-dire d’indigènes intégrés dans les cadres de la province romaine de Bretagne. Sur un plan voisin, on retrouve la distinction proposée par J. Beneš entre les unités de Bracari, nées du peuple indigène, et les unités de Bracaraugustani, liées à la ville même de Bracara Augusta28. J’ai été conduit par la lecture de la documentation à mettre en doute cette théorie29. Les vocables retenus sont à l’évidence interchangeables, que leur emploi soit technique ou non. En Occident, les unités portant le nom d’une ville n’existent pas à ce jour, à la différence de ce que l’on constate, en petit nombre il est vrai, en Orient. Il convient donc d’être prudent et de ne pas multiplier indûment les cohortes de Bracari ou de Bracaraugustani. Il n’en reste pas moins vrai que ces corps de troupes avaient deux origines géographiques possibles à savoir, d’une part, le peuple des Bracari proprement dit et, d’autre part le territoire soumis administrativement à la ville de Bracara Augusta devenue ensuite chef-lieu d’un conventus. Sous le nom de Bracaraugustani Rome a d’abord recruté des Bracari puis des soldats domiciliés sur tout le territoire du conventus30.
7H. Nesselhauf a rappelé avec raison que « vocabula c (iuium) R (omanorum), pia fidelis, milliaria, sagittaria, equitata, peditata modo ponuntur, modo omittuntur. Praesertim posteriore aetate in adiciendis omittendisve talibus indicationibus minus accurate observatum est31 ». Le cas des deux cohortes I Alpinorum en Pannonie apporte une première illustration. Il faut attendre l’année 139 pour que les diplômes permettent de les distinguer en leur ajoutant respectivement les qualificatifs de peditata et equitata. S’agissant d’indications techniques il est peu probable – mais non impossible – que la distinction ait eu une origine récente au début du règne d’Antonin et que l’une des deux cohortes se soit vu attribuer depuis peu un contingent de cavaliers. La promotion au rang d’unité milliaire avait une autre signification et, à ce sujet, on ne saurait s’en tenir à l’idée d’un manque de constance de la part des employés de l’administration. Il en va de même pour l’appellation c. R. C’est là un problème relativement délicat que nous posent les diplômes militaires, car le repérage de ce qui est fruit des circonstances et de ce qui tenait au contraire à l’attribution récente d’un titre est en partie dépendant de la longueur de la liste, du système retenu pour les abréviations, etc.32. C’est ainsi que la cohorte II Raetorum de Germanie, puis de Germanie supérieure, est appelée II Raetorum sous Domitien en 82 (CIL, XVI, 28) et en 90 (CIL, XVI, 36), mais est qualifiée de II Raetorum c. R. en 117 (CIL, XVI, 62). La conclusion la plus logique est que le titre c (iuium) R (omanorum) lui fut attribué entre 90 et 116 ; mais si l’inscription d’Aquae Mattiacorum, CIL, XIII, 7583, le confirme, l’épitaphe CIL, XIII, 7584, de même provenance, semble le mettre en doute. Les nombreux diplômes se rattachant à la garnison de Pannonie entre 80 et 11033 font apparaître le gain de c. R. pour l’aile Siliana après 85 et avant 98, car après cette date c. R. est mentionné régulièrement. Aussi, lorsque ces mêmes diplômes pannoniens indiquent, dans la liste de 98 et seulement à cette date, la présence d’une cohorte I Montanorum c. R. (CIL, XVI, 42) et ne citent par ailleurs qu’une cohorte I Montanorum, il ne peut y avoir de doute sur le fait qu’on a affaire à deux unités différentes dont l’une n’a appartenu qu’épisodiquement à l’armée pannonienne34. Enfin, l’adjectif sagittaria, accepté sous cette forme par H. Nesselhauf35, ne paraît pas attesté par les diplômes retrouvés à ce jour. L’abréviation la plus complète qui soit fournie pour un corps composé entièrement d’archers est sagittarior.36. Il en résulte, à mon avis, que le développement des abréviations sag. et sagitt. devrait se faire systématiquement en sagittariorum37. Les corps de troupes ainsi désignés avaient un rôle tactique précis38. C’est dans un diplôme de Maurétanie Tingitane que se rencontre pour la première fois (CIL, XVI, 159 de 88) une unité d’archers expressément nommée, la cohorte II milliaria sagittariorum. Dans le même diplôme figure l’aile I Hamiorum citée plus tard comme I Hamiorum sagittariorum (CIL, XVI, 161 = IAM, 2, 235 du 14-10-109). Sur le limes danubien, l’aile I Augusta Ituraeorum, recensée en Pannonie dès le 20-2-98 (CIL, XVI, 42), puis en Dacie en 110 (CIL, XVI, 57), est dite sag(ittariorum) en 150 (CIL, XVI, 99). À lire les diplômes, c’est à partir du règne d’Hadrien que ce type d’unité est devenu plus présent dans ces provinces39.
8À la lumière des observations qui précèdent, le caractère officiel des noms des ailes et cohortes livrés par les diplômes ne peut faire de doute. Il n’y a guère de différence en ce domaine, semble-t-il, avec les dénominations inscrites sur les épitaphes des soldats auxiliaires ou sur les dédicaces émanant des officiers et des membres de ces unités. Ces appellations rappellent l’origine, l’ancienneté et la définition tactique du corps de troupes. Les autres titres n’étaient ni ignorés ni méprisés, mais ils contribuaient surtout à la gloire d’une unité donnée et ne servaient que faiblement à préciser ou à mesurer la composition de telle ou telle garnison provinciale. Les différences de dénomination entre les ailes et les cohortes, les nomenclatures complexes qui se maintiennent dans certains cas sans véritable variation indiquent qu’il existait à l’intérieur d’une garnison auxiliaire provinciale une hiérarchie du prestige militaire en même temps qu’un dosage des unités en fonction de leur rôle tactique.
9Quel que soit le contenu réel des listes provinciales révélées par les diplômes, quel que soit l’ordre suivi, force est de constater que le soldat bénéficiaire des privilèges octroyés par décision impériale se trouve, du fait de l’énumération de tant d’ailes et de tant de cohortes, relié à une communauté militaire plus vaste que son unité située dans le cadre d’une prouincia40. Un certain nombre de diplômes éprouvent le besoin de souligner l’absence ou la présence inhabituelles de certaines unités41. Il faut aussi noter que la présentation des listes par ordre croissant de numéro constitue la règle sans exception jusqu’en 130. Ensuite, ce type de classement se modifie, mais il demeure en vigueur en Rhétie (AE, 1978, 589 = RMD, II, 104 de 156/157), dans la Pannonie supérieure des années 146-154 (CIL, XVI, 96 ; 97 ; 104) ou en Syrie (CIL, XVI, 106 de 156/157). On assiste ainsi à l’affirmation progressive de l’exercitus prouincialis que traduit aussi le traité du Pseudo-Hygin quand il parle des légions comme des militiae prouinciales fidelissimae (De mun. cast., II). La prouincia est une structure administrative stable, mais elle conserve également le caractère extensible des provinces républicaines et continue à définir des territoires délimités en fonction d’impératifs stratégiques qui échappaient aux limites proprement administratives. C’est ce processus compliqué que révèleraient les diplômes quand ils paraissent rompre avec les exigences de la simplicité administrative. Il n’était pas toujours possible de faire coïncider administration et stratégie malgré la recherche de la plus grande stabilité possible. Celle-ci fut obtenue pour les garnisons auxiliaires dès Hadrien, on le sait. Les déplacements se firent moins nombreux et les provinces administratives tendirent à devenir aussi des espaces stratégiques autonomes susceptibles d’être couplés en cas d’urgence avec une province voisine. Dans ce contexte, l’organisation des listes devait répondre à un dosage subtil et fluctuant entre les diverses nécessités liées à la vie militaire provinciale.
10Dans ce tableau, les préoccupations du recrutement, c’est-à-dire du renouvellement des unités, ne pouvaient pas être totalement absentes42. Elles étaient sans doute primordiales dans le cas des listes ordonnées selon les types d’unité eux-mêmes présentés par numéro. Pour les listes classées autrement, on peut supposer qu’entraient en ligne de compte un système d’évaluation des besoins de chaque unité et un système d’organisation des opérations du dilectus. On n’exclura pas, dans certaines provinces et à des périodes données, l’éventualité d’une classification régie par un critère d’ancienneté d’appartenance à la garnison de rattachement.
11Les diplômes contribuent donc à la mise en lumière du caractère savant de l’organisation militaire provinciale romaine et invitent à prendre la mesure d’une évolution qui obéissait à des rythmes relativement lents. Aux alentours des années 150/160, l’armée composée des auxilia avait acquis, semble-t-il, ses traits essentiels et avait conquis une autonomie stratégique. Les corps auxiliaires prévalaient surtout par la cavalerie ; ils étaient habilement répartis entre les provinces dont les garnisons étaient ainsi relativement homogènes. Malgré la diversité parfois conservée des armements et des rôles tactiques, liée à la variété des origines, les unités auxiliaires avaient trouvé leur identité collective au sein de l’armée provinciale.
12À côté des auxilia et dans certaines circonstances, les diplômes militaires énumèrent ou citent des corps de troupes qui ne sont à proprement parler ni des ailes ni des cohortes. Le dossier contient, en l’état actuel, quinze numéros :
131) CIL, XVI, 54.
14Date : 103/106.
15Garnison : [sunt in Moesia superio]re.
16Unité : (après l’énumération des cohortes) et pedi[tibus singularibus ?] Britannicianis.
172) CIL, XVI, 57 = IDR, I, no II.
18Date : 10-2-110.
19Garnison : sunt in Dacia.
20Unité : (après l’énumération des cohortes) et pedites singulares Britannici.
213) CIL, XVI, 163 = IDR, I, no III.
22Date : 2-7-110.
23Garnison : sunt in Dacia.
24Unité : (après l’énumération des cohortes) et pedites Britannici.
254) CIL, XVI, 164.
26Date : 2-7-110.
27Garnison : sunt in Pannonia inferiore.
28Unité : (après l’énumération des cohortes) et uexillationis (sic) equitum ex Syria.
295) IDR, I, no V = RMD, I, 17.
30Date : 29-6-120.
31Garnison : sunt in Dacia superiore.
32Unité : Palmyrenis sagittariis ex Syria.
33Objet : ciuitatem dedit.
34Bénéficiaire : Barici Male f. Palm.
356) CIL, XVI, 68 = IDR, I, no VI.
36Date : 29-6-120.
37Garnison : [sunt in Da] cia superiore.
38Unité : Palmyrenis sagittariis ex Syria.
39Objet : ci[uitatem dedit].
40Bénéficiaire : Hamasaeo Alapatha Palmyr.
417) RMD, I, Fragments 2, p. 102.
42Date : [29-6-120 ?] Garnison : [sunt in Dacia superiore ?].
43Unité : [Palmyrenis sagit] tariis e[x Syria].
44Objet : [ciuitatem dedit].
45Bénéficiaire : [---].
468) IDR, I, no VIII = RMD, I, 27.
47Date : 31-1 ou 12-2-126.
48Garnison : sunt in Dacia superiore.
49Unité : Palmyrenis sagittariis.
50Objet : ciuitatem dedit.
51Bénéficiaire : Perheu Athenatan f.
529) IDR, I, no IX = RMD, I, 28.
53Date : [31-1 ou 12-2-] 126.
54Garnison : sunt in Dacia superiore.
55Unité : [Palmyrenis s] ag[itta]riis.
56Objet : ciuit[at] em dedit.
57Bénéficiaire : [... Per ?]heu f.
5810) CIL, XVI, 75 = IDR, I, no X.
59Date : 22-3-129.
60Garnison : sunt in Dacia inferiore.
61Unité : (après l’aile unique) et uexillation(e) equit(um) Illyricor(um).
62Objet : ciuitatem dedit et conubium.
63Bénéficiaire : uexillatio equitum Illyricor(um), ex gregale, Eupatori Eumeni f.
64Sebastopol(i).
6511) IDR, I, no XIII = RMD, I, 39.
66Date : 13-12-140.
67Garnison : sunt in Dacia inferiore.
68Unité : (equitib. et ped. qui mi. in alis III) et num(ero) eq(uitum) Illyr(icorum) et (cohortib. VIIII, etc.).
69Objet : ciuitat(em) Rom(anam) […] dedit et conub(ium).
70Bénéficiaire : ex numero equit(um) Illyricor(um), ex gregale, Bitho Solae f. Besso.
7112) CIL, XVI, 107 = IDR, I, no XV.
72Date : 13-12-156/157.
73Garnison : [sunt in Dacia supe] r (iore).
74Unité : (après l’énumération des cohortes) [et ped] it (es) singul (ares) Brittannic(iani).
7513) CIL, XVI, 108 = IDR, I, no XVI.
76Date : 8-7-158.
77Garnison : sunt […] in Dacia super(iore).
78Unité : (après l’énumération des cohortes) et uexil(lariis) Afric(ae) et Mau[r] et(aniae) Caes(ariensis) qui sunt cum Mauris gentilib(us).
7914) CIL, XVI, 114.
80Date : 138-161.
81Garnison : [sunt in Moe] sia supe[riore].
82Unité : Mauris eq[uitib(us) ?].
83Objet : [ciuitatem dedit ?].
84Bénéficiaire : [---]
8515) RMD, II, 123.
86Date : 1-4-179 ?
87Garnison : sunt in Dacia superiore.
88Unité : (comptabilisée avec les cohortes, en dernière position) et uexillatio peditum singular(ium) Brittannicianorum.
89Les quinze documents se situent entre les années 103/106 et 179 ( ?). Ils concernent cinq provinces : la Moesia superior (nos 1, 14), la Dacia (nos 2, 3), la Pannonia inferior (no 4), la Dacia superior (nos 5, 6, 7, 8, 9, 12, 13 et 15), et la Dacia inferior (nos 10 et 11). On compte huit corps de troupes différents : les pedites singulares Britanniciani ou Britannici (nos 1, 2, 3, 12, 15), les Palmyreni sagittarii ex Syria (nos 5, 6, 7, 8, 9), la uexillatio equitum ex Syria (no 4), les equites Illyrici (nos 10, 11), les uexillarii Africae et Mauretaniae Caesariensis (no 13), les Mauri gentiles (no 13) et les Mauri equites (no 14). Le bénéficiaire du diplôme appartient à trois de ces unités pour un total de huit diplômes : les Palmyreni sagittarii (nos 5, 6, 7, 8, 9), les equites Illyrici (nos 10, 11), les Mauri equites (no 14).
90Les diplômes, par la diversité des données et des dénominations, renforcent en apparence les hypothèses de ceux qui, comme M. Speidel, pensent que le mot numerus n’a jamais eu le sens technique que beaucoup ont voulu lui donner à la suite de Mommsen43. Toutefois, il me semble que la critique de Callies et de Mommsen par M. Speidel a surtout permis de mieux cerner et délimiter les contours du problème en le débarrassant définitivement d’une hypothèque négative et simplificatrice44. Je ne suis pas sûr qu’il ait eu raison de repousser d’une phrase ou deux les objections que Callies s’était faites à lui-même sous la forme de remarques nuancées et pertinentes45.
91Personne, je crois, ne songe à nier que le mot numerus puisse s’appliquer à des corps de troupes très divers ni qu’il puisse s’appliquer à des soldats issus des légions, des ailes ou des cohortes46. Mais ce qui importe c’est qu’on ait éprouvé peu à peu et de plus en plus fréquemment, à partir du IIe siècle, dans les textes officiels et les inscriptions, le besoin de le faire apparaître pour désigner des troupes dont la situation administrative ne correspondait à aucune des catégories traditionnelles depuis Auguste, à savoir légion, aile ou cohorte. Le fait qu’on ait choisi de faire figurer ce terme sur des tuiles et sur un diplôme militaire, sur l’inscription de Iulius Possessor (CIL, II, 1180) et qu’on le retrouve dans la Notice des Dignités pour rassembler sous une dénomination commune des troupes ayant un trait commun47 me paraît mériter qu’on lui accorde plus de signification que celle vague d’unité, troupe ou contingent.
92Numerus n’avait pas un sens équivalent – c’est vrai – à legio, ala ou cohors en ce qu’il ne désignait pas une catégorie unique et administrativement définie de soldats. Le problème vient en fait du flou que chacun nous entretenons plus ou moins consciemment autour de la notion de « terme technique ». S’est-on avisé que legio, ala et cohors ne répondaient pas davantage à une définition claire et simple en dehors de la valeur administrative que leur avaient conférée une longue tradition et l’appartenance originelle à l’armée permanente créée officiellement par Auguste ? Legio, ala ou cohors exprimaient la reconnaissance de corps de troupes recrutés selon certaines normes de service, de solde, d’armement et d’organisation administrative (effectif, garnison fixe ou susceptible de le devenir, etc.). Lorsqu’il s’agissait de technique militaire, de rôle tactique ou de formation au combat, le vocabulaire était modifié. C’est ainsi que pour les légions, les termes cohors, centuria, uexillatio, equites, turma étaient mieux à même de rendre compte du rôle proprement militaire des soldats. Pour les auxilia, une ala ou une cohors ne pouvait acquérir sa pleine identité, nous l’avons vu, qu’au prix de l’addition d’un certain nombre de qualificatifs : milliaria, equitata, peditata, catafractaria, sagittariorum48. Faut-il ajouter que les soldats d’une aile ou d’une cohorte n’avaient pas tous le même statut juridique ni la même origine ethnique et que le degré de romanisation des légionnaires au sein d’une même unité était très variable ? On le voit, il n’y a pas d’incompatibilité entre l’existence d’un terme générique et l’extrême diversité des réalités qu’il prétendait recouvrir sans les uniformiser. C’est donc moins nier le sens technique de numerus qu’en trouver les frontières qui est important.
93Personnellement, je crois apercevoir deux données fondamentales. La première a trait au contexte et la seconde à l’effectif. Il me semble que le mot numerus a pour origine un sens purement tactique et désigne en somme toute fraction d’armée en action : un numerus, c’est une unité ou un contingent mais en campagne49. Que ce numerus ait été issu d’une fraction de troupe administrativement définie ou qu’il ait résulté de la dispersion en plusieurs points d’un même corps de troupes, qu’il ait été le résultat de l’addition de soldats formant ensemble une unité inhabituelle, dans tous les cas ses effectifs échappaient à la norme légionnaire ou auxiliaire50. Une confirmation en est fournie par le traité du Pseudo-Hygin qui précise (De mun. cast., XXX) :
Datos itaque numeros, qui infra scripti sunt, sic computabimus : legiones III ; uexillarii MDC ; cohortes praetoriae IIII ; equites praetoriani CCCC ; equites singulares imperatoris CCCCL ; alae miliariae IIII, quingenariae V ; Mauri equites DC ; Pannonii ueredarii DCCC ; classici Misenates D, Rauennates DCCC ; exploratores CC ; cohortes equitatae miliariae II, quingenariae IIII ; cohortes peditatae miliariae III, {miliariae} quingenariae III ; Palmyreni D, Getuli DCCCC, Daci DCC, Brittones D, Cantabri DCC ; centuriae statorum II.
94L’emploi du terme numerus ici s’explique bien par les deux éléments que j’ai déterminés à savoir la diversité tactique des troupes associées à la faveur d’une expédition et la variété des effectifs qui pour une grande part ne correspondent pas à la norme traditionnelle des unités de l’armée permanente. J’ajouterai que le Pseudo-Hygin écrivait très probablement sous Trajan et qu’on ne peut donc pas invoquer son témoignage pour préjuger de l’évolution du terme numerus51.
95C’est, en effet, le mécanisme de l’évolution qui est décisif. De même que ala et cohors et aussi legio avaient perdu leur sens originel tactique et militaire pour acquérir celui, plus général, que j’ai essayé de préciser, de même numerus a commencé à acquérir un sens administratif visant à désigner en priorité des unités extérieures aux structures de l’armée permanente d’Auguste, qui, temporaires et nées des circonstances en principe, tendaient à poursuivre leur existence en conservant un rôle tactique original et des effectifs extraordinaires au regard des normes définies à travers les légions, les auxiliaires et les prétoriens52. Il est ainsi logique que le terme ait été accolé en priorité à des contingents issus des nationes sans toutefois leur être réservé53. Je soulignerai aussi, pour finir, l’évolution comparable du terme uexillatio qui, désignant au départ des réalités très variables54, a fini par s’imposer comme le nom d’un type d’unité de cavalerie dont les prémices sont présentes dans les armées romaines du IIe siècle.
96Cette longue réflexion m’a semblé nécessaire à la clarification de ma démarche et à l’explication des quinze documents retenus.
97Avec M. Speidel, il faut insister sur l’obligation de prendre en compte tous les éléments de la nomenclature des troupes citées dans la liste. Les pedites singulares (1, 2, 3, 12 et 15) portent tantôt l’adjectif Brit(t) an(n) iciani, tantôt Britannici ; une seule fois se rencontre la forme abrégée Brittanic. (no 12). Qu’il faille probablement développer en ce cas Brittanic(ianorum) ne fait pas de doute, mais contraint à se poser la question de Britannici comme abréviation alors que Britannici est admissible comme nominatif pluriel de Britannicus55. Sans doute doit-on constater que Britannici n’apparaît qu’en 110 et est limité aux diplômes de cette année (nos 2 et 3), alors que Britanniciani est attesté dès 103/106 (no 1). Sans entrer dans la discussion possible de l’identité absolue des pedites cantonnés en Mésie et des pedites recensés quelques années plus tard en Dacie, il me semble que la forme Britannicus est défendable dans la mesure où, comme l’admet M. Speidel, ces pedites étaient issus de troupes cantonnées administrativement dans la province romaine de Britannia56. Britannicianus insiste davantage sur la distension des liens avec la province de provenance et il n’est que plus intéressant de constater qu’on connaît pour cette troupe la dénomination n (umerus) p (editum) s (ingularium)57. Dans le diplôme de 179 (no 15), c’est l’expression uexillatio qui est utilisée. S’agissant de pedites, la vexillation renvoie ici au détachement d’une fraction d’une unité et non pas à un contingent du type des vexillations équestres de la fin du IIIe siècle58. Dans tous les cas, il est remarquable que ces pedites singulares avaient gardé leur originalité et ne s’étaient pas véritablement fondus dans les corps auxiliaires traditionnels cantonnés en Dacie59. Ayant cessé de recruter en Bretagne, le corps de pedites avait préservé le rôle tactique qui était devenu le sien dans le contexte du limes dacique, théâtre de ses premiers exploits.
98On propose parfois de confondre60, malgré les incertitudes chronologiques et la différence du contexte militaire et provincial révélé par les deux diplômes, le corps des Mauri gentiles (no 13) et celui des Mauri equites (no 14). Pareillement, les uexillarii Africae et Mauretaniae Caesariensis (no 13) passent pour une vexillation de cavaliers61. Que le terme uexillarii désigne des soldats issus d’unités différentes et regroupés temporairement sous un même uexillum ne me paraît pas faire de doute62. Mais on ne peut s’empêcher de noter que, à la différence de la uexillatio equitum Illyricorum (no 10), ce n’est pas après les ailes mais après les cohortes que sont cités les uexillarii. Il ne peut s’agir au mieux que d’une troupe mixte dans laquelle l’élément de cavalerie n’était pas majoritaire et très vraisemblablement d’un corps de fantassins63. En effet, les uexillarii sont dits qui sunt cum Mauris gentilibus ; l’une des raisons de cette précision tient, je crois, au fait que les Mauri gentiles étaient des cavaliers64. L’autre raison tient à la nécessité de préciser le statut juridique des cavaliers pour éviter toute confusion avec la catégorie des soldats des autres corps de troupes énumérés. Dans ces conditions, les Mauri gentiles sont assimilables en théorie à des Mauri equites, mais le grand nombre de numeri equitum Maurorum interdit toute tentative d’assimilation entre les Mauri equites (no 14) et les Mauri gentiles (no 13).
99Enfin la relation entre numerus et uexillatio est éclairée par les diplômes de 129 et 140 (nos 10 et 11). La uexillatio equitum Illyricorum, désignée ensuite comme le numerus equitum Illyricorum, fait naturellement écho à la fonction de praepositus numeri equitum elector[um] ex Illyrico de l’inscription de Rimini (ILS, 2739). Ces faits sont assurément compatibles avec ILS, 2724 qui rappelle que M. Valerius Lollianus avait été praepositus in Mesopotamia uexillationibus equitum electorum alarum praetoriae, Augustae, Syriacae, Agrippianae, Herculianae, singularium item cohortium I Lucensium, etc. Ils doivent aussi être rapprochés du cas de L. Paconius Proculus (ILS, 2723) qui fut praef(ectus) uexillation(is) eq(uitum) Moesiae infer (ioris) et Daciae […] in expeditione Parthic(a). Sans doute aperçoit-on nettement la formation et la composition des vexillations dans le cadre d’expéditions, sans doute la vexillation reste-t-elle fondamentalement une réunion temporaire de soldats continuant à dépendre administrativement de leur unité d’origine, mais la réalité est plus nuancée. Les diplômes semblent indiquer que ces cavaliers pouvaient ensuite être maintenus ensemble et former un numerus particulier qui est la préfiguration des vexillations de cavaliers postérieures à Gallien65. C’est le signe que l’administration militaire romaine tendait à faire durer des unités nées des circonstances dans le cadre de la protection des provinces très exposées. Cette évolution, commencée, me semble-t-il, au cours du IIe siècle, n’a pris forme que très lentement et a contribué à promouvoir le terme de numerus dans le vocabulaire officiel. Toutefois, comme ces expériences ne procédaient pas d’une réforme militaire globale accompagnée ou non d’une réforme administrative, mais avaient pour raison d’être l’état fluctuant des relations entre Rome et ses voisins, la transformation décisive ne se fit qu’à la faveur de la crise des années 235-284. C’est ce que me paraît signifier aussi l’évolution du mot uexillatio qui, plus que des unités de cavaliers, a fini par désigner des unités aux effectifs originaux en majorité équestres, mais parfois aussi de fantassins66.
100Le problème de l’attribution des diplômes militaires aux soldats des numeri se posait en des termes différents selon le statut personnel de ces milites. Il est évident que les soldats regroupés à partir des corps de troupes auxiliaires (ailes et cohortes), à savoir les cavaliers des vexillations d’Illyricum (nos 10 et 11), les fantassins des unités d’Afrique et Maurétanie Césarienne (no 13), les pedites singulares (nos 1, 2, 3, 12 et 15), se trouvaient à égalité avec les vétérans auxiliaires, de même condition qu’eux, recevant la ciuitas et le conubium à l’issue du service.
101Dans ce contexte, les Mauri gentiles (no 13) ne soulèvent pas de problème particulier. Comme je l’ai dit plus haut, le rappel de leur statut les excluait, à mon sens, du bénéfice automatique des privilèges concédés par le diplôme en soulignant que leur recrutement n’avait pas répondu aux normes du recrutement auxiliaire. Ces soldats avaient été levés dans les gentes ou tribus que signalent en Afrique les praefecti gentium connus67 et la Table de Banasa68. Le qualificatif est aussi attesté pour d’autres numeri, en particulier pour les Brittones gentiles de l’inscription de Walldürn postérieure à la Constitutio Antoniniana69. Il exprime, comme on l’a dit, la reconnaissance par les Romains de l’appartenance à une communauté (gens) régie par son propre droit70 et, à ce titre, des règles d’incorporation à l’armée romaine particulières et différentes de celles qui commandaient le dilectus romain et des clauses stipulées à l’occasion d’un fœdus. Ces gentiles n’étaient pas davantage des dediticii71.
102Il est ainsi essentiel de réfléchir et d’essayer de déterminer dans quelles conditions les Palmyreni sagittarii et les Mauri equites ont reçu un diplôme (nos 5, 6, 7, 8, 9, 14). On a mis en évidence à ce sujet un certain nombre de points fondamentaux72 : en premier lieu l’absence de référence à toute autre unité que celle du bénéficiaire ; en deuxième lieu, la limitation du bienfait à la ciuitas Romana ; en troisième lieu, le lien avec des services exceptionnels rendus à Rome. Ces trois données se résument en une question : ces diplômes sont-ils assimilables à des récompenses ponctuelles pour bravoure au combat de certains soldats de l’unité nommée ou bien avaient-ils une fonction parallèle à celle des diplômes auxiliaires dans la mesure où ceux-ci ne constituaient pas des récompenses ob uirtutem73 ?
103Il me faut commencer par préciser les raisons de cette dernière affirmation. Si les diplômes auxiliaires constituaient des récompenses exceptionnelles pour fait de bravoure, ils ne passeraient pas sous silence ce motif74 alors que le diplôme du 11-08-106, délivré à Darnithithum de Dacie au soldat de la cohorte I Brittonum milliaria Vlpia torquata p. f. ciuium Romanorum (CIL, XVI, 160), M. Vlpius Novantico, explique que Trajan peditibus et equitibus […] pie et fideliter expeditione Dacica functis ante emerita stipendia ciuitatem Romanam dedit. Cette formule montre que, même s’il s’agissait d’une gratification toute spéciale, elle n’était qu’une anticipation (ante emerita stipendia) et qu’elle récompensait non pas la uirtus mais la pietas et la fides75. Ce qui l’emportait, c’était l’idée d’un contrat rempli (functi) conformément à des engagements précis, à n’en pas douter le serment prêté à l’entrée au service et renouvelé à plusieurs reprises76. Même si la cause de cette faveur avait bien été la uirtus, il est remarquable que l’expression n’ait pas été utilisée comme elle l’avait été par le père de Pompée lors de la naturalisation des cavaliers de la turma Salluitana (ILLRP, 515) qui fut faite uirtutis caussa. Il me semble qu’une explication possible de cette différence est moins la volonté de ne récompenser qu’un acte de courage que l’inexistence de corps auxiliaires permanents au moment de la guerre sociale et donc de règles fixes permettant de scinder les bienfaits et de les répartir entre décoration, titre honorifique et praemium militiae. Au fond, même dans le cas de la turma Salluitana, il n’est pas sûr que la uirtus ait été seule en jeu. Il y allait de conditions plus générales de manifestation durable de bonne volonté mise au service de Rome. À la limite, la naissance des diplômes militaires s’explique, me semble-t-il, par la nécessité de récompenses parallèles à celles que recevaient les légionnaires et les prétoriens, mais en échange d’une efficacité équivalente de la part du soldat77. Autant dire que la uirtus ne pouvait être reconnue qu’au bout d’un certain temps. La Table Claudienne de Lyon – émanant de l’inventeur des diplômes – ne montre-t-elle pas, tout comme la Tabula Banasitana, l’importance de la durée pour accéder à la reconnaissance pleine et entière d’une identité totalement romaine : nisi maximis mentis prouocata78 ?
104Je suis donc enclin à penser avec J. C. Mann79 que les diplômes des Palmyreni sagittarii s’inscrivent dans un contexte plus large que la manifestation d’une bravoure exceptionnelle lors d’une expédition. Là encore toute absence de référence à un motif précis en fournit l’indice, mais en outre on ne peut pas ignorer l’intervalle de six années entre les diplômes nos 5, 6 et 7, datés de 120, et les diplômes nos 8 et 9 de 126. Il est en effet l’indice que les brevets tenaient compte des mérites individuels de chaque bénéficiaire envers Rome qu’ils dissociaient de la simple participation à une expédition. Même si la bravoure avait pu jouer un rôle, elle n’avait pas suffi ; il avait fallu aussi que s’achève un contrat lié à une durée minimale. Je serai aussi d’accord avec J. C. Mann sur le fait que la mention ex Syria en 120, absente en 126, renvoie à la garnison précédente des archers Palmyréniens. La précision géographique ne peut, en effet, dans ce cas, désigner une aire de recrutement puisque celle-ci est incluse dans le terme de Palmyreni80. Les archers avaient été rattachés un temps à l’armée provinciale de Syrie. J. C. Mann penserait volontiers que l’unité avait été créée précisément en 114 à l’occasion de la préparation de l’expédition Parthique de Trajan, ce qui donnerait à nouveau un intervalle de six ans. Il en conclurait ainsi que les archers Palmyréniens devaient un service de six ans, dont la durée rappelle la pratique républicaine, au terme duquel ils recevraient la ciuitas Romana. Je serai réservé sur ce rythme de six ans qui montre tout au plus que Rome a sollicité des recrues auprès de Palmyre selon une périodicité de ce type. Il me semble, en effet, que non seulement la pratique républicaine n’impliquait pas de durée fixe, mais encore qu’elle prévoyait surtout une durée maximale81. Je ne vois pas pourquoi ceux qui furent naturalisés en 126 n’auraient pas été recrutés dès 100 ou 106. L’existence durable de troupes Palmyréniennes en Dacie pourrait être un signe d’une durée plus longue82.
105Ce qui me paraît acquis, c’est la liaison entre diplôme, ciuitas et contrat déterminé. Je serais alors tenté de mettre le privilège des Palmyréniens en relation avec le fœdus qui liait la cité caravanière à Rome à cette époque, ce fœdus s’expliquant par le statut particulier de Palmyre83. Dans cette hypothèse, les Mauri equites (no 14) seraient issus de tribus qui, à la différence des gentiles, étaient fédérées à Rome. Dans cette hypothèse aussi, seules les communautés fœderatae pouvaient prétendre à l’octroi de la ciuitas à l’issue d’un temps déterminé passé au service de Rome.
106Reste la limitation du privilège pour ces fœderati à la ciuitas à l’exclusion du conubium. La solution me semble résider dans le fait que les Palmyreni ou les Mauri étaient censés retourner dans leur patrie où, en dépit de leur citoyenneté romaine, ils continuaient à vivre sous le droit de leur nation, comme permet de le penser la clause saluo iure gentis de la Table de Banasa. Leurs futures épouses ne concernaient pas et n’étaient pas concernées par la loi romaine.
107Les données des diplômes militaires ainsi que les mécanismes qu’ils révèlent sur la ciuitas contribuent à éclairer le problème de l’évolution de l’armée romaine au IIe siècle et invitent à réfléchir aux solutions retenues par les autorités militaires, dans le cadre des structures du recrutement de l’armée permanente, pour l’intégration de nouvelles unités dont le rôle est à définir.
108Nous apercevons mieux, je crois, une explication plausible au sujet de la distinction entre symmachiarii et reliquae nationes du Pseudo-Hygin84. L’exercitus gentium comprenait des corps de troupes issus des peuples fédérés et des unités tirées des nationes. Les règles du recrutement qui leur étaient appliquées variaient, mais chaque corps conservait ses traditions d’armement, d’organisation tactique et son art de la manœuvre, comme il ressort du fait que tous ces contingents conservaient leurs usages linguistiques85. Les perspectives de promotion juridique ou les perspectives de carrière de ces soldats étaient certainement assez limitées et différaient de celles des soldats auxiliaires. L’existence de symmachiarii Astures sous Trajan86, alors que l’Asturia avait fourni depuis longtemps de nombreux auxilia à l’armée impériale87 en est une confirmation, même si cette réalité ne va pas sans quelque difficulté dans le contexte du Nord-Ouest hispanique connu88. Ces observations me paraissent constituer, en outre, des arguments contre l’idée que ces troupes étaient appelées à évoluer systématiquement en aile ou en cohorte89.
109L’existence des diplômes décernés aux gentiles et la présence dans les diplômes de troupes spécialisées invite assurément à réfléchir à la transformation progressive de l’armée romaine et à définir le rôle de ces contingents de renfort. Il me semble que les diplômes associés au matériel épigraphique et papyrologique90 vont à la rencontre du traité du Pseudo-Hygin pour nous aider à comprendre une évolution fondamentale quoique lente.
110Au IIe siècle, la hiérarchie militaire s’était fixée dans ses cadres provinciaux. Il convient donc de distinguer les troupes de Rome et les troupes provinciales. Les premières tiraient leur prestige de leur garnison dans la capitale glorieuse de l’Empire et de la proximité de l’empereur. Les autres se décomposaient par ordre de valeur et de dignité en légions, auxilia et gentes. Ces dernières, nous l’avons vu, regroupaient symmachiarii et nationes proprement dites. Le ressort de la hiérarchie était ainsi, en principe, le degré de romanité des unités ; il mettait en jeu la différence du statut personnel des soldats qui les composaient. Il s’y greffait une répartition étagée des devoirs et des rôles. Le prétoire et à un niveau moindre les légions, symboles de la puissance et de la pérennité de Rome, étaient voués aux tâches les plus nobles : tâches de l’administration, travaux du génie, prééminence tactique dans les batailles rangées durant lesquelles était censée s’exprimer tout particulièrement la supériorité des armes romaines. Les auxilia, corps à part entière de l’armée permanente, jouaient un rôle administratif secondaire mais réel et participaient de façon décisive à la surveillance du limes et aux phases préparatoires et terminales des combats. À la faveur de la militia dans les légions et les auxilia, à l’occasion d’un cursus militiae qui conduisait aux postes de sous-officiers, les soldats acquéraient un statut social plus ou moins privilégié porteur d’une promotion individuelle. L’exercitus gentium, sous surveillance, encadré par les précédents91, était cantonné dans son rôle tactique et devait se préparer à subir les premiers assauts, à livrer les premières attaques ou à conduire des raids périlleux en direction de l’ennemi. La mobilité ou la maîtrise d’une arme spécialisée ou d’une méthode de combat en marquaient l’originalité et l’utilité. Comme l’avait signalé Mommsen92, on y avait recours en cas d’urgence, en cas d’effort exceptionnel de conquête ou en cas de nécessaire consolidation de la défense provinciale. On comprend ainsi que les diplômes relatifs à ces contingents de renfort concernent principalement la protection du limes danubien dans le contexte de la conquête de la Dacie et de sa rédaction en forme de province93. Les contingents de renfort avaient une existence ancienne et les Raeti gaesati de l’inscription de Saintes (CIL, XIII, 1041) en constituent le meilleur exemple94.
111La hiérarchie militaire des corps des troupes en fonction des statuts politiques était de principe et à ce titre contribuait à consolider le système impérial dans sa réalité vécue et dans l’imaginaire social. Elle fondait également les règles administratives régissant l’organisation militaire et était adaptée aux exigences de l’exercitus prouincialis, paradigme de l’armée impériale. La place des contingents de renfort, marginale au départ parce que temporaire, se devait d’être définie dans ce cadre à partir du moment où l’évolution de la situation militaire de telle ou telle province exigeait non seulement l’institutionnalisation mais encore le renouvellement de l’une ou l’autre de ces unités. C’est à ce niveau que doit se situer, je pense, l’effort de compréhension du problème posé par les troupes définies comme uexillatio ou numerus. M. Speidel a noté avec raison que ces troupes, longtemps dites barbares par les historiens, avaient fini par devenir les plus prestigieuses au sein du comitatus constantinien et qu’elles avaient su défendre l’Empire longtemps encore95. J’irais plus loin en soulignant que les légions elles-mêmes ont fini par perdre leur rôle tactique traditionnel tout en maintenant la condition d’un recrutement civique. C’est dire que l’armée en campagne telle que la décrivait le Pseudo-Hygin est venue modifier les contours de l’armée provinciale organisée autour de quelques pôles stables et que là se trouvait la contradiction de l’organisation militaire romaine. Ce n’est pas un hasard si, dans la Notice des Dignités, dans des chapitres dont je n’ignore pas les discussions qu’ils ont suscitées, le terme numerus n’est appliqué qu’à des troupes comitatenses et jamais à des troupes limitanei. En ce sens, je crois que nationes, toujours employé collectivement et au pluriel, ne rend pas compte de la dimension proprement militaire du problème et exclut tous les contingents extraordinaires au regard des rôles fixés par Auguste aux légions et aux auxilia permanents96. Numerus, c’est une unité, mais une unité qui n’existe que dans l’action, qu’en fonction de son rôle tactique qui ne coïncide pas nécessairement avec un statut politique ou administratif. Je pense expliquer ainsi, en même temps, pourquoi on a tendance à assimiler numerus et natio et à parler de numeri « nationaux » : c’est le cas où l’armée pouvait faire coïncider pleinement le rôle tactique d’un numerus et la situation administrative de l’unité de renfort. Ces remarques me paraissent rendre compte également des nomenclatures compliquées des corps de troupes du IVe siècle.
112Parce que le IIe siècle est bien celui d’une rupture dans le système de défense de l’Empire, on a voulu attribuer à Hadrien la création des numeri au sens traditionnel. Il n’y a pas à privilégier le rôle d’un règne en la matière, mais à coup sûr le IIe siècle – et les diplômes en sont aussi les témoins – est celui qui a vu s’affirmer une évolution décisive que traduit la mention de plus en plus fréquente d’unités spécialisées, les numeri. Peut-être parce que ces unités avaient toujours existé, leur développement s’est-il effectué dans le cadre de la hiérarchie politique qui structurait l’exercitus impérial. L’évolution a été celle-là aussi parce que l’armée provinciale constituait la clé de l’organisation militaire.
113Contre la vraisemblance, mais au prix d’une analyse juste en théorie, les auteurs du IVe siècle ont pu avoir le sentiment d’une dégradation de l’armée romaine. Ils attestaient surtout la continuité de l’attachement de l’autorité impériale au principe de la spécialisation dans l’art militaire, combiné avec l’accoutumance à un certain type d’organisation politique et sociale. Ils oubliaient que l’art de la guerre avait toujours été considéré comme une activité noble et qu’une armée en campagne avait plus de prestige encore qu’une armée au repos. Rome mettait cependant une condition à la reconnaissance de la valeur militaire, celle de la durée. Ces données n’expliquent pas, mais éclairent à leur manière, l’ambiguïté des diplômes militaires à la fois créateurs de droits issus de l’exercice d’un métier et parés d’une dimension honorifique. Les diplômes des numeri nationaux ne pouvaient être qu’exceptionnels et manifestaient la reconnaissance par Rome d’une longue tradition de services rendus par une natio liée à elle. Il ne s’agit pas de méconnaître le rôle des troupes traditionnelles, elles-mêmes créatrices de numeri ; il s’agit de dire qu’à toutes les époques Rome a éprouvé des difficultés à trouver un équilibre entre la guerre et la paix qui fût conforme aux désirs de la société civique et toléré par les voisins de l’Empire.
Bibliographie
Post-scriptum
Bibliographie : la collection des Roman Military Diplomas (RMD), inaugurée par la regrettée M. Roxan, en est à son cinquième volume : récemment, M. Roxan et P. Holder, Roman Military Diplomas IV, Londres, Institute of Classical Studies, coll. « BICS Suppl. », 82, 2003 ; P. Holder, Roman Military Diplomas V, Londres, Institute of Classical Studies, coll. « BICS Suppl. », 88, 2006, (677-987). La documentation sur les numeri n’a guère progressé toutefois : pour une suggestion nouvelle, P. Le Roux, L’Empire romain, Paris, PUF, 2005, p. 115-118 (sur l’inscription de Walldürn en particulier). M. Reuter, « Studien zu des numeri des römischen Heeres in der Mittleren Kaiserzeit », BRGK, 80, 1999, p. 357-569, offre un bilan documentaire utile : voir cependant AE, 2000, 76.
L’intérêt pour les diplômes militaires n’a fait que croître et chaque année, grâce surtout aux détecteurs de métal, la série ne fait qu’augmenter, ce que traduit aussi la rubrique spécialisée de l’AE depuis 2001. Le caractère répétitif des informations et des formulaires rend ces documents aisés à imiter par ailleurs.
L’emploi du mot limes relève, dans cette étude, d’une convention et non de la volonté d’affirmer l’existence d’une barrière frontalière et protectrice dès l’époque flavienne. Voir surtout, infra chap. XV, p. 269, note 118, sur l’évolution historiographique de la notion de limes.
P. 157, note 30 : les conuentus existent dès la période augustéenne, mais ils n’ont jamais servi de circonscription de recrutement militaire, autant qu’on le sache ou puisse le démontrer. Bracaraugustanus ne se rapporte donc pas au conuentus comme il est dit mais à la cité et à son territoire.
P. 166-167 : sur la turma Salluitana, voir P. Le Roux, La péninsule Ibérique aux époques romaines, Paris, Armand Colin, coll. « U », 2010, p. 350-351.
P. 165 : sur les gentes et les praefecti gentium, la bibliographie a été profondément renouvelée et ne peut être citée ici. On verra principalement C. Hamdoune, Les auxilia externa africains des armées romaines : IIIe siècle avant J.-C.-IVe siècle après J.-C., Montpellier, 1999 et le travail du regretté Y. Modéran, Les Maures et l’Afrique romaine (IVe-VIIe siècle), Rome, coll. « BEFAR », 314, 2003.
P. 168, note 80 : l’intérêt renouvelé pour la géographie antique est illustré entre autres par les Actes du deuxième colloque intitulé La invención de una geografía de la Península ibérica. II. La época imperial, G. Andreotti, P. Le Roux et P. Moret (dir.), Madrid, Casa de Velázquez, 3-4 de abril de 2006, Málaga, 2007.
P. 169, note 85 : dans l’expression du Pseudo-Hygin, ut uiua tessera uocabulo suo citationes audiant, uocabulum signifie assurément « leur mot de passe » et non « leur langue ». Chaque unité en recevait un nouveau pour la journée.
P. 170, note 94 : se reporter désormais aux ILASantons (L. Maurin), p. 110-118, no 14, Bordeaux, 1994.
P. 171 : la dégradation de la qualité et de l’efficacité des armées impériales du IVe siècle est en grande majorité récusée aujourd’hui, ce qui n’est pas contradictoire avec un inventaire de faiblesses et de difficultés nouvelles à cette époque.
Notes de bas de page
1 E. Birley, 1969.
2 E. Birley, 1969, p. 67.
3 E. Birley, 1953a, p. 228.
4 H. Callies, 1964.
5 H. Callies, 1964, p. 227 principalement où l’auteur souligne à la faveur de la conclusion des idées souvent analysées dans le texte.
6 « Continuité » n’est pas « permanence » ou « immobilité » ; le mot situe l’évolution dans la très longue durée et suppose une forme de changement. Pour la stratégie, cf. E. N. Luttwak, 1976.
7 Cf. à titre d’exemple l’article ancien et réédité récemment de I. Richmond dans Sir I. Richmond, Trajan’s Army on Trajan’s Column, with a Preface and Bibliography by M. Hassal, Londres, 1982.
8 Désormais, le diplôme auxiliaire daté le plus tardif est de l’année 203 : W. Eck et H. Wolff, 1986, p. 556-575 ; cf. aussi H. Lieb, ibid., p. 343 note 175.
9 H. Wolff, 1981 ; aussi Z. Visy, 1984.
10 Cet effort ne date pas d’aujourd’hui, mais la recherche en ce sens s’est intensifiée depuis une vingtaine d’années : G. Alföldy, 1968b ; J. C. Mann, 1972 ; J. Morris et M. Roxan, 1977 ; S. Dušanić, 1982a.
11 Toutefois il y a encore beaucoup à apprendre d’une critique interne des diplômes comme le montrent quelques travaux récents parmi lesquels la communication de M. Roxan, 1986b ou le travail déjà cité de Z. Visy, 1984.
12 Militant/militauerunt : cf. G. Alföldy, 1968b, p. 217 et suiv. ; J. C. Mann, 1972, p. 233-234 ; H. Wolff, 1981, p. 406.
13 ThLL, II, 274 avec comme équivalents : uoco, nomino, significo ; aussi P. G. W. Glare, 1983, p. 151, § 7 et § 8 surtout.
14 Par exemple l’ala singularium (CIL, XVI, 22) est appelée ala I singularium dans ILS, 1364, 1374 ou 2492 ; nombreuses sont cependant les ailes pour lesquelles aucun numéro n’est attesté : ainsi l’ala Gemelliana de Maurétanie Tingitane et l’ala Siliana qui se trouvait en Pannonie entre 84 et 110. L’absence de numéro s’explique vraisemblablement par l’absence d’unité homonyme et aussi peut-être par les conditions originales du recrutement : les ailes ne portent pas de numéro supérieur à III.
15 Voir M. Christol et P. Le Roux, 1985.
16 CIL, XVI, 159 = IAM, 2, 234 (8-1-88) ; CIL, XVI, 173 (18-8-129/132).
17 CIL, XVI, 169 = IAM, 2, 239 (18-11-122).
18 CIL, XVI, 181 = IAM, 2, 242 (157).
19 AE, 1979, 553 (14-10-109) RMD, II, 84 : le texte est partiellement restitué.
20 CIL, XVI, 165 = IAM, 2, 237 (114/117).
21 P. Holder, 1980, p. 14-18 ; D. B. Saddington, 1982, p. 172 et suiv.
22 Z. Visy, 1979-1980 [1982], p. 75-85 en particulier.
23 CIL, XVI, 123 : (intus) I Britan. ∞ ; (extrinsecus) II Britt. ∞ c. R.
24 D. B. Saddington, 1982, p. 144, établit une relation avec le terrain d’entraînement (campus) et rapproche ce type de dénomination du qualificatif Equestris aussi attesté pour une cohorte.
25 D. B. Saddington, 1982, p. 58 et L. Maurin, 1978, p. 218 : Gaesati de gaesum, type de javelot. Contarii, soldats armés d’un épieu : voir par ex. N. Benseddik, 1982, p. 29.
26 D. B. Saddington, 1982, p. 170.
27 Cf. P. Holder, 1980, p. 21 et AE, 1972, 573 : si l’exemple convient pour montrer la différence d’écriture avec un ou deux t, il ne convient pas pour témoigner de la confusion qui aurait existé entre Brittonum et Britannica. La version grecque rapporte l’adjectif Βριτταννικῆϛ, mais la version latine Britt. que rien n’interdit de développer Britt(annica) : cf. expeditio Brittannica, ILS, 2726 et 9124. Il est toutefois exact que l’abréviation Britt. avec deux t permet de distinguer Britt(onum) de Brit(annica) qui s’écrit le plus souvent avec un seul t (D. B. Saddington, 1970, p. 158).
28 J. Beneš, 1970, p. 239-245.
29 P. Le Roux, 1980, p. 50-55 principalement.
30 P. Le Roux, 1980, p. 57 ; inversement le terme de Bracaraugustanus s’applique au futur territoire du conuentus avant sa mise en place.
31 CIL, XVI, 176.
32 Les éléments de comparaison font trop souvent défaut, mais les inscriptions funéraires n’utilisent pas, semble-t-il, une nomenclature très différente de celle employée par les diplômes : cf. D. B. Saddington, 1982, p. 169 et suiv.
33 CIL, XVI, 30 ; 31 ; 42 ; 47 ; 164.
34 Par exemple J. Beneš, 1978, p. 46. F. Bérard, qui prépare en particulier une étude sur l’armée sous les Flaviens dans la zone du Danube et du Rhin, nous indique aimablement par lettre que l’unité cantonnée en Mésie supérieure en 96 aurait pu obtenir le titre de c. R. en 97, lors de la guerre suébique, puis serait rentrée en Mésie avant 100.
35 CIL, XVI, 176 et aussi les indices de RMD, I, 116 : I Antiochensium sagittaria avec renvoi au no 55 où on lit seulement SAG. sur les deux faces.
36 Par ex. AE, 1979, 553 = RMD, II, 84.
37 D. B. Saddington, 1982, p. 174, voudrait introduire une nuance chronologique entre sagittariorum et sagittaria, mais il n’apporte pas de preuve et conclut simplement que sagittariorum « seems to have been the earlier form ».
38 H. van de Weerd et P. Lambrechts, 1938, p. 229-242.
39 Cf. CIL, XVI, 99 : les unités provenant des deux Pannonies ont expédié un détachement en Maurétanie césarienne : M. P. Speidel, 1977, p. 129-135 qui est à compléter par M. Christol, 1981a, p. 133-141.
40 H. Wolff, 1981, p. 406 ; M. Roxan, 1986b, p. 770 ; Z. Visy, 1984, p. 232.
41 CIL, XVI, 28 ; 61 ; RMD, I, 9.
42 Cf. les travaux déjà cités de Alföldy, Mann, Roxan, Visy qui apportent des indices en ce sens, qu’il s’agisse de la question de l’ordre suivi dans les listes ou du problème global de l’attribution des diplômes. S. Dušanić, 1982a et 1982b, a tenté de restreindre l’attribution en la limitant aux cas ob uirtutem. Il me paraît nécessaire pour en décider de ne pas oublier qu’entre 40 et 80 la multiplication des opérations guerrières a entraîné une mobilité accrue des troupes auxiliaires et a multiplié les opérations de recrutement. Aussi, en l’absence de règles précises de congé, il n’est pas étonnant que la participation à une expédition ait été une circonstance favorable pour la libération de ceux qui avaient passé souvent plus de trente ans sous les uexilla.
43 Cf. H. Callies, 1964, p. 173 et suiv. avec, en outre, la bibliographie antérieure. En dehors de la réflexion de T. Mommsen, on retiendra sur ces questions : H. T. Rowell, 1939, p. 73 et suiv. ; H. T. Rowell, « Numerus », RE, XVII, 1937, col. 1327-1341 ; J. C. Mann, 1954 ; G. Forni, 1958, p. 3 et suiv. et p. 193 et suiv. ; R. Saxer, 1967. Pour un point de vue critique sur Callies : M. Speidel, 1984 [1975].
44 M. Speidel, 1984 [1975], p. 120.
45 H. Callies, 1964, p. 184-185.
46 H. Callies, 1964, p. 173-176 ; Tacite, Agricola, XVIII, 2 : Et quibus bellum nolentibus erat, probare exemplum ac recentis legati animum opperiri, cum Agricola, quamquam transuecta aestas, sparsi per prouinciam numeri, praesumpta apud militem illius anni quies […]. L’emploi de numerus tient ici toutefois, me semble-t-il, pour une part et pour une part seulement, à la nécessité de regrouper sous un vocable compréhensible des types de troupes différentes dans leur organisation tactique.
47 D. van Berchem, 1952, p. 57-58 ; p. 19, il souligne cependant que le terme ne s’applique pas aux limitanei.
48 CIL, XVI, 176 ; pour catafractaria : ILS, 2540 et 9148.
49 C’est vrai de l’exemple de Tacite, Agricola, XVIII, 2 déjà cité. M. Speidel, 1984 [1975], p. 120 invoque en faveur de l’absence de caractère technique AE, 1927, 95 et CIL, III, 12257 (aussi proposé par Callies) ; mais le premier texte porte numerum in Asia perduxit et dans l’épitaphe de Stratonicée de Carie on peut comprendre qu’il y a la mention d’une situation administrative d’une part (cohors Lusitanorum) et celle d’une troupe en mission d’autre part (numerus).
50 En ce sens uexillatio n’est qu’une forme bien définie de numerus et traduit bien l’embarras des autorités romaines à opérer une nécessaire distinction entre troupes au repos et troupes en campagne. Exercitus, pareillement, avait désigné et désignait des troupes réunies sous un même commandement administratif ; agmen et acies avaient désigné la formation au combat à la fin de la République et au début de l’Empire.
51 M. P. Speidel, 1984 [1975], p. 121 note, à juste titre, que le discrédit jeté sur ce texte tient à l’incertitude sur sa date. Les arguments d’une rencontre entre le paragraphe XXX et AE, 1956, 124 pour situer le traité sous Marc Aurèle sont très fragiles. La date trajanienne s’accorde avec les réalités militaires connues par ailleurs pour ce règne ; elle me paraît renforcée par le nécessaire retour à l’empereur espagnol pour la datation des symmachiarii Astures : P. Le Roux, 1985a, qui montre qu’à la faveur de la conquête de la province ces soldats ont été envoyés en renfort accompagnés d’un contingent de la légion VII Gemina.
52 Ce n’était pas un phénomène nouveau, comme le montre sous la République l’exemple des archers crétois ou des funditores Baleares. On voit alors qu’il n’est pas question de surévaluer le rôle de ces unités malgré leur développement au IIe siècle.
53 H. Callies, 1964, p. 171 parle d’« irreguläre Truppe », à tort je crois, car il suppose résolu le difficile problème de la situation administrative de ces contingents. M. P. Speidel, 1984 [1975], p. 121 ne résoud pas le problème posé par la formule symmachiarii et reliquae nationes (Pseudo-Hygin, XIX et XLIII) qui montre à l’évidence que nationes n’englobait pas toutes les réalités existantes.
54 Cf. infra p. 164-166.
55 M. P. Speidel, 1978, p. 65-66, propose de développer uniformément Britanniciani et pense qu’il s’agissait de la province de garnison et non de l’aire de recrutement.
56 M. P. Speidel, 1978. Mais l’adjectif Brittanicus veut dire qui a trait au territoire de la Brittannia ; il se distingue de Britto qui, lui, précise une aire de recrutement.
57 M. P. Speidel, 1978, p. 65-66 ; 92 nos 42-43.
58 Sur uexillatio : M. P. Speidel, 1984 [1975], p. 136-138.
59 I. Piso et D. Benea, 1984, p. 292-293, pour la chronologie et la garnison.
60 CIL, XVI, 114 adn.
61 CIL, XVI, 75 adn.
62 Pseudo-Hygin, V, utilise le terme pour désigner des légionnaires, mais il n’y avait pas de légion en Maurétanie Césarienne. Dans le diplôme, il est l’équivalent de « membre d’une vexillatio » (cf. le commentaire de M. Lenoir, 1979, p. 123-124). L’expression uexil(latio) Afri(cae) et Mau[r] et (aniae) caes(ariensis) n’aurait pas grand sens et uexillationarius n’est pas attesté à ce jour à ma connaissance.
63 La composition exacte de ces troupes est difficile à cerner mais le passage déjà cité du De mun. cast., XXX incite à penser qu’il s’agissait normalement de pedites, ce qui ne veut pas dire que ces numeri ne pouvaient pas être aussi des cavaliers.
64 Cela tient aussi à l’encadrement dont ils faisaient nécessairement l’objet en vertu de la règle suivie dans l’armée romaine que relate le Pseudo-Hygin, II et XIX : cf. M. P. Speidel, 1984 [1975], p. 123-124 ; P. Le Roux, 1985a.
65 D. van Berchem, 1952, p. 77 et 81 ; J. C. Mann, 1954, p. 502 ; R. Saxer, 1967, p. 125 ; M. P. Speidel, 1984 [1975], p. 136-138.
66 M. P. Speidel, 1984 [1975], p. 138.
67 M. Bénabou, 1976a, p. 448-457 ; ces gentes étaient sous l’autorité de leurs principes : ibid., p. 457-469.
68 AE, 1971, 534 = IAM, 2, 94.
69 CIL, XIII, 6592 = ILS, 9184 ; M. Lemosse, 1981, p. 349 et suiv.
70 Cf. la Table de Banasa : ciuitatem Romanam saluo iure gentis dedimus (cf. note 68).
71 M. Lemosse, 1981, p. 352-355.
72 J. C. Mann, 1954, p. 503-506 ; H. Callies, 1964, p. 195-198 ; aussi désormais J. C. Mann, 1985, p. 217-219.
73 V. Maxfield, 1981, p. 227-232.
74 Ce qu’a exprimé aussi M. Roxan à l’occasion du colloque. Voir M. Roxan, 1986a.
75 La formule se rapproche de celle qu’on rencontre dans les diplômes des prétoriens : fortiter et pie militia functi sunt. C’est peut-être moins la bravoure proprement dite que le fait d’avoir combattu parmi les troupes qui se trouvaient à proximité de l’empereur qui a été à l’origine de la décision impériale.
76 J. B. Campbell, 1984, p. 23-32. Il attribue au sacramentum une valeur religieuse (p. 25).
77 C’est une des raisons pour lesquelles je crois que, malgré l’état de notre documentation, tout soldat qui le méritait recevait un diplôme en bronze dont la valeur était à la fois juridique, sociale et symbolique (dignitas).
78 Tabula Banasitana 1. 4-5 (AE, 1971, 534 = IAM, 2, 94). On notera également la formule de Claude à propos des Anauni : cum longa usurpatione in possessionem eius (la ciuitas Romana) fuisse dicatur […] (ILS, 206). Table Claudienne de Lyon : si quis hoc intuetur, quod bello per decem annos exercuerunt diuom Iulium, idem opponat centum annorum immobilem fidem obsequiumque multis trepidis rebus nostris plus quam expertum (ILS, 212).
79 RMD, II, p. 217-219 et aussi lors de la discussion de mon exposé à Passau.
80 Palmyreni ex Suria ne peut pas être considéré comme un équivalent de Palmyreni Suri.
81 C. Nicolet, 1977, p. 284-287 ; H. Galsterer, 1976, p. 101-110.
82 Cf. J. C. Mann, 1954, p. 504-505.
83 J. P. Rey-Coquais, 1978, p. 51. Cf. sur le statut mal connu de Palmyre au IIe siècle, mais aussi sur l’appartenance de la cité caravanière à la sphère d’influence romaine dès le règne d’Auguste ou de Tibère J. F. Matthews, 1984, p. 161-164 avec une définition de son territoire. La nature des relations nous échappe cependant, semble-t-il, jusqu’au statut de ciuitas libera sous Hadrien.
84 De mun. cast. 29 et 43 donne summacharii, mais le texte est corrompu. Pour la forme symmachiarii cf. AE, 1926, 87 = 1935, 2 = F. Diego Santos, 1959, p. 74 et suiv., note 22.
85 Pseudo-Hygin, XLIII : ut uiua tessera suo uocabulo citationes audiant.
86 P. Le Roux, 1985a = AE, 1935, 2.
87 J. M. Roldán, 1974, p. 266 et suiv.
88 Cf. par exemple A. Tranoy, 1981, p. 370-371. Cependant les symmachiarii étaient assurément des pérégrins à l’image des autres gentes de la région.
89 N. Gudea et M. Zahariade, 1980, p. 67 ; la formule utilisée est ambiguë : « its troops probably poured into ala I Asturum ». M. Roxan, 1986b, p. 770 (à propos du numerus equitum Illyricorum) exprime sa certitude : « it was eventually given normal status as ala I Illyricorum ».
90 M. P. Speidel, 1984 [1975], p. 126-138.
91 Pseudo-Hygin, II : Legiones, quoniam sunt militiae prouinciales fidelissimae […].
92 Cf. H. Callies, 1964, p. 133 et CIL, XVI, 54 adn.
93 V. Maxfield, 1981, p. 230.
94 L. Maurin, 1978, p. 211-221 en fournit un long commentaire et conclut à une date augustéenne à cause du titre singulier d’évocat et des décorations. Aussi V. Maxfield, 1981, p. 120 qui le date avant Tibère. Dans ce cas l’expression aere incisso ne saurait être rapportée aux diplômes institués par Claude, mais elle n’est pas non plus liée à un quelconque exploit puisque le texte relie la formule au congé règlementaire (stipendis emeritis XXXII). Faut-il comprendre que la liste des soldats non légionnaires congédiés était affichée périodiquement à Rome au temps d’Auguste et gravée sur le bronze sans qu’il y eût de relation avec l’octroi de la ciuitas ou bien faut-il comprendre que l’ala Atectorigiana avait reçu en partie la ciuitas et que la liste des bénéficiaires avait été publiée à Rome ? Faut-il tout simplement voir là une première tentative, abandonnée ensuite, pour instituer le diplôme militaire en faveur des auxiliaires ? On notera cependant que le nom de l’aile, la formulation de l’état civil ne vont pas sans poser des problèmes chronologiques bien qu’une date claudio-néronienne semble exclue pour cette inscription. J. C. Mann, 1954, p. 502 montre que la structure de la troupe (Raeti gaesati) apparente nettement ce corps aux futurs numeri nationaux en associant ethnique et armement. On notera cependant que la formulation la plus ancienne est : gaesati Raeti ou gaesati Raetorum.
95 M. P. Speidel, 1984 [1975], p. 147.
96 Si on admet ce raisonnement, il n’est pas étonnant que les sources nous fassent connaître un numerus equitum singularium, un numerus frumentariorum ou un numerus exploratorum : sur ce dernier point cf. R. Wiegels, 1981, p. 321 en particulier qui pose le problème de l’organisation de la troupe.
Notes de fin
* Paru dans W. Eck et H. Wolff (dir.), Heer und Integrationspolitik : die römischen Militärdiplome als historische Quelle, Cologne, Böhlau, coll. « Passauer Historische Forschungen », 2, 1986, p. 347-374.
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