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  • Chapitre I. Rome dans le temps
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    Plan détaillé Texte intégral La peur d’être asservie L’expansion contre la république L’Empire mondial L’Empire romain a-t-il disparu ? Notes de fin

    La toge et les armes

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre I. Rome dans le temps*

    p. 33-38

    Texte intégral La peur d’être asservie L’expansion contre la république L’Empire mondial L’Empire romain a-t-il disparu ? Notes de fin

    Texte intégral

    1La sagesse populaire retient que « Rome ne s’est pas faite en un jour ». L’expérience romaine se signale dans l’histoire par sa durée : une petite localité des bords du Tibre a conquis le monde et s’est identifiée à la « terre habitée » des siècles durant. L’aventure s’étend sur douze siècles. Les adversaires et les ennemis, rarement « ensemble conjurés », furent innombrables. Les dieux veillèrent. La Ville victorieuse, réécrivant son histoire au temps d’Hadrien (117-138), fixa sa naissance au 21 avril (754 ou 753 av. J.-C.) et se proclama paradoxalement « Ville éternelle » (Vrbs aeterna). Le romantisme contemporain a fait son miel du « plus dure sera la chute ». Les barbares, le dieu des chrétiens, les Romains décadents eux-mêmes, adeptes de l’esclavage et des jeux sanglants, semblèrent s’unir finalement pour jeter à bas la « reine des villes », la maîtresse du monde. Dans nos bibliothèques, un ensemble de contributions de plusieurs dizaines de volumes, consacrés par des spécialistes du dernier XXe siècle à l’histoire ancienne de Rome, porte encore le titre « Ascension et déclin ». On se doute qu’aux yeux de l’historien une telle affirmation ne peut pas être substituée au passé. Il est aussi trompeur de faire comme si l’ascension de la cité de Romulus avait été radieuse et irrésistible que de s’apitoyer sur sa décadence irrémédiable à la façon de Verlaine ou de Cavafy.

    La peur d’être asservie

    2La Rome « fangeuse » de Romulus. C’est par ces mots que Cicéron à la fin de la République la désigne et constate que, malgré sa croissance exceptionnelle (elle a déjà plus de 500 000 ou 600 000 habitants) et sa domination œcuménique, elle est indigne des capitales créées par les souverains hellénistiques. Rome a grandi lentement. Nos auteurs classiques ne s’y sont pas trompés : chez les Romains, la tragédie frappait souvent à la porte de l’histoire. La naissance autant que la croissance furent inséparables des luttes fratricides qui rythment l’affirmation hésitante d’une communauté née sous le signe de la dualité : Romulus tua son jumeau Rémus qui avait osé franchir le sillon primordial. Pour faire prospérer la ville du Palatin, il fit enlever les femmes des Sabins, voisins et rivaux. La conquérante latine fut elle-même conquise par les Étrusques et ne se libéra qu’en chassant Tarquin l’Orgueilleux pour le viol de Lucrèce (509 av. J.-C.). Entre les patriciens arrogants et la plèbe retirée, puis repliée, sur l’Aventin, il fallut beaucoup de luttes, de compromis et de révoltes pour parvenir à une communauté placée significativement sous le signe de la réconciliation au début du IIIe siècle av. J.-C. : en ce temps-là, le représentant de Pyrrhus d’Épire, un Grec de Thessalie, Cinéas, regardait déjà le Sénat de Rome comme « un parterre de rois ».

    3L’éclairage nécessaire de sources nombreuses et fiables nous manque. Dans la pénombre quelques lueurs : la défense du territoire contre les voisins et rivaux italiques, multiples, les victoires désespérées, les retournements de situation, la solidité de l’armée civique et l’art de la guerre. De la prise de Véies (396 av. J.-C.) à la fin de la guerre contre Hannibal, le Punique, viennent à l’esprit l’épisode du bouclier de Brennus (386 av. J.-C.), le Gaulois vainqueur, seulement perturbé par les oies du Capitole, les trois guerres samnites, théâtre des humiliantes Fourches Caudines (321 av. J.-C.), la longue première guerre punique, plus encore le désastre de Cannes (216 av. J.-C.), en Apulie, succédant à La Trébie et Trasimène. Chaque fois, avec entêtement, Rome a retourné les destins contraires : Hannibal ne comprit pas pourquoi, contre toutes les règles, les sénateurs refusèrent de reconnaître leur défaite, plutôt que sa victoire. Il est admissible que les divisions internes, récurrentes, aient eu pour corollaire l’attachement indéfectible à l’intégrité de la « patrie » c’est-à-dire, à Rome, de la communauté des ancêtres aux prises avec le danger. La peur de disparaître fut constante et salutaire.

    4L’organisation de la cité, redéfinie au VIe siècle par le roi étrusque Servius Tullius, imposait au citoyen la préparation et la participation à la guerre. Tous étaient concernés. Les succès, les exploits et les profits matériels engageaient à poursuivre l’aventure. L’Italie péninsulaire, qui n’atteignait pas encore le Rubicon, était entièrement contrôlée dès avant la lutte contre Carthage. Le modèle politique de la ciuitas favorisait la recherche de règles clairement établies dans les relations avec les adversaires ou les concurrents. La guerre juste, la fides (le crédit que l’on accorde à l’autre autant que la fidélité ou loyauté envers lui) servaient la domination de Rome et les intérêts des citoyens Romains en offrant simultanément au vaincu une possibilité de partager peu à peu les bénéfices du vainqueur. Une fois prononcé, le serment engageait définitivement le prestataire de la foi jurée. Comme le rappela l’empereur Claude (41-54) plus tard, de nombreux Romains parmi les plus nobles descendaient d’étrangers. La nouveauté, l’ouverture sur le monde extérieur enrichirent constamment la cité sur tous les plans : les relations et les échanges avec l’hellénisme n’attendirent pas l’époque des Gracques et des grands imperatores. La cité républicaine avait atteint son point d’équilibre quand éclata le conflit avec Hannibal.

    L’expansion contre la république

    5Carthage vaincue, les citoyens poussèrent les sénateurs à poursuivre la conquête. La peur, l’esclavage, le profit, la conviction que Rome était l’élue des dieux, le modèle de l’empire d’Alexandre ont été évoqués tour à tour et participent chacun de ce qui s’est passé. C’est un Grec, Polybe, qui a le mieux traduit l’improbable : comment, demande-t-il, comprendre que la cité vaincue à Cannes, littéralement terrassée, soit devenue, cinquante ans plus tard, la puissance incontestée du monde méditerranéen, assez sûre d’elle-même pour détruire à la fois Corinthe et Carthage (146 av. J.-C.) ? La réponse, peu surprenante, souligne l’excellence des institutions qui permettent à chaque composante de la cité, les magistrats, le Sénat et le peuple, de se sentir concernée et active et d’exercer un contrôle sur les autres sans compromettre le caractère aristocratique de la res publica, dirigée réellement par le Sénat. Le consensus, associé à la victoire et à ses conséquences favorables, sous-tendit la concorde et l’unité des décisions de la république sénatoriale. Cela ne pouvait pas durer. Quand surgirent les difficultés en Espagne ou en Sicile, quand il apparut que l’effort de guerre sur différents fronts pouvait compromettre l’équilibre et l’identité de la communauté, quand il fut évident que les inégalités croissantes risquaient de remettre en question l’expansion impériale elle-même, les divisions l’emportèrent mais à un moment où la peur d’être conquis avait disparu.

    6Le problème de la terre, placée au cœur du système politique et social, cristallisa les oppositions et les conflits. Les tribuns de la plèbe retrouvèrent leurs accents, un temps étouffés, de protecteurs des citoyens-soldats, sincèrement persuadés qu’une pénurie d’hommes menaçait les légions, réservées en principe à ceux qui étaient propriétaires (adsidui). L’ouverture sur la Méditerranée et les mondes hellénistiques produisait ses effets : l’enrichissement, le désir de briller, le luxe contrastaient avec l’entassement des prolétaires dans l’Vrbs, inadaptée et pourtant lieu unique de décision, centre exclusif de la vie politique. Le « métier de citoyen » se dévoya peu à peu au profit des clientèles éphémères et plus encore du vieux soldat, blanchi sous les enseignes, attendant en retour un lopin de terre en Italie. La question agraire se mua en récompense pour les vétérans des grands généraux. Les institutions, gardées par la nobilitas arc-boutée sur ses privilèges et sur les monopoles lucratifs des commandements, cédèrent sous la pression des problèmes accumulés : guerres multipliées par la compétition pour la gloire personnelle, guerre « sociale », révolte de Spartacus, guerres civiles. La popularité attachée au triomphe et à la générosité envers la plèbe urbaine fit le reste. Une concurrence féroce entre imperatores capables de mobiliser des armées performantes eut raison de la res publica : Marius et Sylla, Pompée et César, Antoine et Octave se combattirent tour à tour, au cours d’un long demi-siècle, les armes à la main, créant une époque de violence symbolisée par les proscriptions qui virent périr Cicéron (43 av. J.-C.), l’intellectuel voué au service de la res publica.

    7La compétition incessante pour le pouvoir, la volonté d’être le meilleur et le plus puissant, la certitude que les dieux étaient aux côtés de Rome et désigneraient le champion conduisirent à un choc d’envergure, alimenté par les richesses pillées des provinces, toujours plus étendues et plus nombreuses : c’est l’Empire tout entier qu’il fallait mobiliser pour contrôler la Ville-capitale, carrefour des cultures et reine du monde sans rivale. Ce sont de mauvaises raisons qui ont conduit le cercle d’Octave à faire croire qu’Alexandrie voulait remplacer Rome et qu’Antoine n’était qu’un jouet entre les mains de Cléopâtre. Porté par l’hellénisme ambiant et sa supériorité culturelle, Octave-Auguste utilisa toutes les ressources des monuments et de l’art pour accaparer à son profit l’héritage du monde grec et pour se proclamer le garant de l’ordre menacé en permanence par le chaos et la barbarie que la reine lagide était censée avoir incarnés. Triomphateur, puissant parmi les riches, restaurateur de la paix civile, Auguste choisit de rétablir la république, de s’appuyer sur la tradition pour mieux innover. Le pouvoir impérial prit la forme du monopole d’une famille aristocratique, la domus Augusta, parentèle élargie au gré des circonstances aux alliés plus ou moins éloignés, en charge, par l’intermédiaire de son chef, de la cité et de ses provinces dans le respect de la res publica rétablie (magistrats, Sénat, peuple). L’empereur n’était pas un dieu mais, protégé des dieux et vénéré par le biais de son génie ou de son numen (la puissance divine qui émanait de sa personne), il revêtait une dimension sacrée. Doté de pouvoirs légaux cumulés, votés par le Sénat et le peuple, il apparaissait comme le continuateur des grands hommes qui avaient sauvé Rome du danger, ce que disait le titre de « père de la patrie ».

    8À la mort d’Auguste, un nouveau régime était en place : les pouvoirs étaient redistribués et hiérarchisés ; les armées étaient éloignées à la périphérie du monde romain mais contrôlées par l’empereur seul ; les provinces, redéfinies, avaient trouvé un commencement de stabilité territoriale et institutionnelle ; la paix s’était peu à peu installée en Italie et au cœur de l’Empire ; le spectre de la guerre civile s’était estompé. Aucun adversaire ou pouvoir étranger n’était en mesure de disputer à la Rome d’Auguste, la « tête de l’empire », laissée « de marbre » et rénovée administrativement, la domination de la « terre habitée ».

    L’Empire mondial

    9Plus de deux siècles durant, quatre « maisons » dirigèrent l’imperium Romanum : les Julio-Claudiens de Tibère à Néron, contraint au suicide le 9 juin 68 ; après l’intermède des quatre empereurs (68-69), dû à la vacance du pouvoir faute d’héritier désigné, les Flaviens avec Vespasien et ses deux fils, Titus et Domitien, réincarnation aux yeux des sénateurs de Caligula et Néron ; Nerva ouvrit l’ère dite « des Antonins » qui coïncida avec un équilibre apparent de la monarchie et de la société sous le signe de la paix durable ; les Sévères entre 193 et 235 symbolisèrent, avec le recul du temps, l’ultime étape d’une histoire inaugurée sous Auguste. Issu de la guerre civile, Septime Sévère (193-211) n’hésita pas à rattacher sa famille à celle des Antonins et à donner une nouvelle impulsion à la puissance romaine ; son fils Caracalla étendit en 212 la citoyenneté romaine à toutes les personnes libres qui ne la possédaient pas encore ; le jeune Sévère Alexandre (222-235) périt pour n’avoir pas su soumettre les Germains, dévoilant que les armées n’étaient plus prêtes à soutenir un chef vaincu.

    10Les qualités et les comportements individuels des empereurs, plus ou moins influencés par leurs entourages au sein de la domus devenue diuina, n’eurent que peu d’incidence sur la marche générale des affaires et des provinces. Le jugement du Sénat détermina l’octroi d’un brevet de divinisation ou, à l’inverse, d’« abolition du nom » impérial. Il n’était pas forcément suivi ni partagé par la plèbe, les armées ou les cités provinciales. Les péripéties à l’intérieur du palais, les secrets d’alcôve ou les extravagances tyranniques des uns ou des autres signalèrent surtout qu’Auguste avait instauré une monarchie dont le contenu et la teneur variaient avec l’exercice du pouvoir. Ni monarchie hellénistique ni empire moderne, l’imperium romain était sans cesse à la recherche de la légitimité.

    11Encore au IVe siècle, Trajan passa pour le prince qui avait porté au plus haut la puissance territoriale de Rome, ce qu’attestait la colonne de son forum, le plus vaste. Le poète Virgile avait propagé dans l’Énéide l’idée augustéenne d’un « Empire sans limites définies ». Le mur d’Hadrien, placé à la lisière de l’Écosse, visait surtout à faire connaître la puissance inégalée des Romains. Le Haut-Empire témoigna que l’expansion romaine ne pouvait pas s’arrêter : Rome, garante de l’ordre universel, devait par la civilisation autant que par les armes intégrer tous ses voisins. Le rhéteur grec d’Asie, Aelius Aristide, reconnaissait que Rome avait rassemblé l’écoumène autour d’elle grâce à son art du gouvernement. Sur le plan militaire, les armées de la périphérie se contentaient de contrôler les populations jugées turbulentes. Dans l’esprit des empereurs et des sénateurs, l’Empire mondial n’avait renoncé à rien et n’avait rien à craindre. Il fallut du temps pour comprendre que les nuages s’amoncelaient et que l’empereur allait devoir s’engager personnellement dans la bataille, à la tête de ses soldats, s’il voulait rester l’empereur. L’avènement de Maximin le Thrace (235), issu des rangs de l’armée et non du Sénat, annonça l’avènement des empereurs-soldats.

    12Dans un Empire trop vaste, difficile à défendre, les armées provinciales ne prirent finalement en compte que leurs seuls intérêts immédiats et le parti à tirer d’une situation critique. Les populations extérieures, convoitant les butins et richesses que faisaient miroiter les territoires romains contribuèrent, par leurs assauts répétés et de plus en plus efficaces, à l’instabilité et à la division : les guerres civiles qui en découlèrent furent, entre 235 et 284, plus dommageables au total que les raids ennemis pour la puissance impériale et le prestige des empereurs. Dioclétien (284-305) retint la leçon. Rome ne pouvait plus être le centre unique de l’Empire. Cette logique territoriale conduisit à la création de Constantinople en 330 sur le site de la vieille cité grecque, châtiée autrefois par Septime Sévère, Byzance. La distinction entre un empire d’Occident et un empire d’Orient fut ensuite considérée comme les prémices de la chute de l’Empire romain. Le promoteur du christianisme, Constantin, fut longtemps jugé responsable.

    L’Empire romain a-t-il disparu ?

    13La fascination exercée par la chute de l’Empire romain mêle des données et des attitudes parfois opposées. Entre le châtiment divin, vécu comme tel tant par des païens que par des chrétiens, le rôle assassin des barbares et du Wisigoth Alaric qui osa mettre à sac la Ville en 410, les divisions internes de toute sorte, l’incapacité pour les Romains d’assurer leur propre défense en laissant des étrangers le faire à leur place, l’influence du christianisme ennemi de la culture antique et voué à l’avènement du « royaume des cieux », l’égoïsme des classes dirigeantes forment un éventail impressionnant d’explications complémentaires ou non. Dans tous les cas, l’identité romaine abolie est attachée à une structure politique territoriale bientôt démantelée et découpée en ensembles distincts régionalisés. La chute de Rome appartient à l’histoire de l’État-nation appuyé sur l’universalité de la citoyenneté romaine créatrice de la romanité. Paradoxalement, après avoir déploré une conquête sanglante, inique et impérialiste, on se prend à regretter sa disparition, sa chute violente, d’autant plus inacceptable et inexplicable.

    14On ne saurait échapper à un étonnement : aucune unanimité n’existe pour fixer la date fatidique. Serait-ce 395 et la séparation de l’Orient et de l’Occident ? Serait-ce 410 et le sac de Rome ? Serait-ce 476 et la déposition de Romulus « Augustulus », paré du nom du fondateur de Rome, par le Skire Odoacre soucieux de ne reconnaître que l’autorité du seul empereur de Constantinople ? Serait-ce l’échec de la reconquête de Justinien postérieur à sa mort en 565 ou le franchissement du détroit de Gibraltar par le musulman Tarik en 711 ? Force est de dire que Rome n’est pas morte en un jour – si jamais elle est morte – et que l’Empire lui-même ne s’est effacé que progressivement et longtemps après. Pour certains historiens, ce serait en 1453, à la prise de Constantinople par les Turcs qu’il faudrait fermer définitivement le chapitre de l’Empire romain, en pleine « Renaissance ». Sans aller aussi loin, on devine que l’embarras tient à une simplification de l’histoire. Ceux que l’on a appelés les Barbares, sujets d’une exposition en cours au Palais Grassi à Venise, n’étaient pas aussi éloignés du monde civilisé qu’il n’a été dit. Avant de prendre possession de portions des territoires romains au Ve siècle et ensuite, les Germains et leurs alliés avaient entretenu des relations régulières avec Rome qui avait à son tour accueilli leurs soldats et leurs techniques. Cette réciprocité, qui n’exclut pas les drames, rend compte en partie des mutations lentes qui ont présidé à une nouvelle phase de l’histoire de l’Empire romain en Occident. Autant dire qu’il n’y eut pas au sens propre de chute de l’Empire romain : la fresque hollywoodienne qui la situe sous Commode relève de l’école des déclinologues.

    15Rome n’a jamais « romanisé ». Rome n’a pas cherché à créer une identité romaine unique. L’une des clés de son destin exceptionnel fut l’exercice d’une domination indifférente aux autonomies et aux cultures étrangères quand elles ne troublaient pas l’ordre impérial. Un conglomérat de cités rassemblées autour de la Ville, des sociétés urbanisées cosmopolites et un groupe dominant bilingue et biculturel (grec et latin), une citoyenneté largement partagée produisirent une culture romaine éclectique et en constant devenir. Sur le plan religieux, les cultes ancestraux tenaient lieu de référence sans prohiber la vénération envers des divinités autres. Seul le monothéisme d’origine juive resta incompréhensible. L’héritier chrétien du judaïsme, dissocié d’une communauté ancestrale, finit par s’imposer, sans grandes perturbations au départ : au IVe siècle il est difficile de reconnaître culturellement un chrétien d’un païen. Les communautés chrétiennes s’étaient depuis longtemps coulées dans le moule des cités de l’Empire quand Constantin leur accorda la liberté en se déclarant lui-même chrétien.

    16L’histoire millénaire de Rome offre un double visage : défi d’un côté, soumission de l’autre au temps qui dicte la durée. En dénominateur commun, l’inébranlable certitude d’être au-dessus de tous et d’avoir les dieux à ses côtés. L’art de faire la guerre et de triompher de ses ennemis découlèrent d’une série de leçons tirées d’expériences malheureuses. L’expansion ne fut pour ces raisons, jamais seulement une conquête. La recherche de la paix, la volonté de contrôler sans écraser, la mise au point d’un arsenal juridique destiné à éviter les comportements excessifs plus qu’à réprimer systématiquement ont, ensemble, composé un art du gouvernement qui survivait aux circonstances. Loin de disparaître ensuite il fut enrichi par les pouvoirs successifs, ce qui donne aujourd’hui encore toute son actualité à l’histoire de Rome, surtout exceptionnelle par la permanence de ses structures étatiques et de son imperium. Celui-ci n’en est pas moins à nos yeux exotique, irrémédiablement autre.

    Notes de fin

    * Paru dans Le Point. Hors-série, « L’esprit des civilisations », no 2 : Rome, mai-juin 2008, p. 8-15.

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    * Paru dans Le Point. Hors-série, « L’esprit des civilisations », no 2 : Rome, mai-juin 2008, p. 8-15.

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    • Armani, Sabine. (2022) Quis sum ? Provincialis ?. DOI: 10.4000/books.artehis.25160
    • Perrot, Gaëlle. (2022) Pratiques religieuses, mémoire et identités dans le monde gréco-romain. DOI: 10.4000/books.pur.185106
    • Landon, Aurélien. (2017) La hiérarchie dans le recrutement militaire : l'exemple épigraphique du recrutement des tribuns militaires durant le Principat d'Auguste. Archimède. Archéologie et histoire ancienne, 4. DOI: 10.47245/archimede.0004.act.05
    • Le Roux, Patrick. (2015) Auguste et les Segobrigenses stipendiarii celeberrimi. Mélanges de la Casa de Velázquez. DOI: 10.4000/mcv.6181
    • Le Roux, Patrick. (2014) Les provinces ibériques dans les politiques romaines (70 av. J.-C.-73 apr. J.‑C.). Pallas. DOI: 10.4000/pallas.1221

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    Le Roux, P. (2011). Chapitre I. Rome dans le temps. In La toge et les armes (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.122724
    Le Roux, Patrick. « Chapitre I. Rome dans le temps ». In La toge et les armes. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2011. https://doi.org/10.4000/books.pur.122724.
    Le Roux, Patrick. « Chapitre I. Rome dans le temps ». La toge et les armes, Presses universitaires de Rennes, 2011, https://doi.org/10.4000/books.pur.122724.

    Référence numérique du livre

    Format

    Le Roux, P. (2011). La toge et les armes (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.122673
    Le Roux, Patrick. La toge et les armes. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2011. https://doi.org/10.4000/books.pur.122673.
    Le Roux, Patrick. La toge et les armes. Presses universitaires de Rennes, 2011, https://doi.org/10.4000/books.pur.122673.
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