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    Plan détaillé Texte intégral L’ordre royal : héritage assumé ou trahi ? Liberté, Fraternité, ordre public : le consensus versaillais Notes de bas de page Auteur

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    Versailles, ville d’ordre au XIXe siècle ?

    Noëlle Dauphin

    p. 181-194

    Texte intégral L’ordre royal : héritage assumé ou trahi ? La ville se substitue au roi La ville se démarque de l’ordre royal Liberté, Fraternité, ordre public : le consensus versaillais L’ancienne ville de cour est devenue une ville de petite bourgeoisie tertiaire La défense de la paix sociale La maîtrise des événements révolutionnaires Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Ordre social, ordre public, ordre urbain... le cas de Versailles apporte un élément supplémentaire (complémentaire ?) : l’ordre esthétique. Versailles est née d’une volonté d’ordre architectural et urbanistique.

    2L’ordre spatial est censé donner ses normes à l’ordre social et assurer l’ordre public, une utopie qui trouve un démenti dès sa mise en chantier. La ville, dépendance du château, échappe à son créateur dès ses premières années ; poursuivant sa croissance sans toujours respecter les règlements ; des ordonnances successives tentent avec des succès inégaux de redonner a posteriori de la cohérence au bâti en fonction de nouveaux critères esthétiques ou philosophiques1.

    3Au XIXe siècle, le moteur de cet ordre royal a disparu. Un organisme urbain autonome s’est constitué, laissant en marge un domaine qui semble délaissé, mais qui pèse sur l’appropriation de son identité par la ville. Comme poursuivie par son ombre, la ville prétend assumer le rôle qui lui a été originellement dévolu, tout en ne se départissant pas de son esprit d’indépendance.

    L’ordre royal : héritage assumé ou trahi ?

    La ville se substitue au roi

    4Consciente de l’originalité de sa conception et du caractère prestigieux de l’ordre royal, la ville a, dès son émancipation en 1789, une politique de conservation du patrimoine sous un triple aspect : respecter la morphologie et l’ordre spatial, entretenir les bâtiments et se faire la gardienne d’un ordre public qu’elle revendique cependant désormais municipal et non plus national.

    5Jean Castex a très bien décrit l’évolution morphologique de la ville. Louis XIV avait voulu un écrin monumental pour le château ; il dominait le trident de la Place d’Armes encadrée de 6 pavillons au Nord et au Sud et des 2 écuries à l’Est. Au-delà devaient se développer deux quartiers aux habitats hiérarchisés : pavillons aristocratiques au plus près du château, puis maisons bourgeoises et maisons d’artisans, enfin espaces ruraux ou de relégation. Le projet est d’abord mis en œuvre au Nord, espace rural non bâti. Puis au sud, l’ancien village est détruit, tandis que s’édifie le quartier Saint-Louis. À la fin du XVIIIe siècle sont apparus des immeubles à appartements et l’ensemble urbain est devenu la sixième ville du royaume, avec près de 70 000 habitants. L’ordre et l’unité morphologique demeurent cependant assurés par le réseau d’avenues et boulevards et par les règlements d’urbanisme prévoyant l’emploi des matériaux, limitant la hauteur des bâtiments à quatre niveaux, avec une corniche à 16 m, une toiture à la française d’une pente de 30 %2, les mansardes étant réservées aux petits bâtiments.

    6Au XIXe siècle l’espace a globalement conservé sa hiérarchisation et son zonage, depuis le château et ses « dehors » (selon l’axe N/S des ministères), les deux « villes » complémentaires et pluriactives que sont les quartiers Notre-Dame et Saint-Louis, puis les quartiers purement résidentiels (les Prés), ou plus complexes comme le village de Montreuil comportant des résidences entourées de parcs, et des espaces d’activités économiques (services et ravitaillement, assurés notamment par blanchisseurs, aubergistes et maraîchers), enfin marges industrielles (fonderie, glacières...) et arrière plan du Grand Parc s’étendant sur les communes voisines, comme Jouy, Buc, Saint-Cyr, sous l’emprise des étangs alimentant le réseau des eaux, dont on s’efforce d’entraver la dégradation.

    7La ville veille aussi jalousement à l’entretien du château et de ses dépendances. Déjà sous la Révolution, elle s’opposa à la détérioration des armoiries, à la mutilation des statues et monuments ; elle ne put cependant empêcher la vente du mobilier ; elle s’efforça de contenir la dégradation des bâtiments en préconisant d’y installer les nouveaux organes administratifs ou judiciaires, les sociétés révolutionnaires et des institutions culturelles (musée de peinture, cabinet d’histoire naturelle, bibliothèque, école centrale) qui recueillirent les abondantes collections princières. Des ateliers de charité permirent d’assurer l’entretien du parc et le curage des pièces d’eau... Cette action se poursuivit au long du XIXe siècle. La ville occupe, entretient et parvient à acquérir certains « dehors » du château comme l’hôtel du grand Maître, devenu hôtel de ville, ou celui des Affaires Étrangères, siège de la bibliothèque municipale et des sociétés savantes. Enfin, à chaque épisode révolutionnaire ou de conflit (1830, 1848, 1870...), la ville assure la préservation du château et du domaine.

    8Bien plus, la ville reprend aussi à son compte la police du parc. Dans la tradition monarchique française, les domaines royaux sont ouverts au public. Les Versaillais eurent, dès l’origine du château, toute latitude de se promener dans les jardins et le parc jusqu’à la nuit, à la fermeture des grilles. Ni la nationalisation du domaine du château, ni son retour momentané à la Liste Civile, de 1804 à 1833 et de 1852 à 1870, ne modifièrent la tradition. Aussi la ville tenta-t-elle de consacrer le droit d’usage du Petit Parc au profit des Versaillais. Il se matérialisait, par exemple, par la perception d’une taxe sur les chaises. Des adjudications régulières avaient lieu au moins depuis le Second Empire3 ; le Petit parc tendait à se transformer en parc municipal. Le Rond Vert ne devient-il pas à la fin du XIXe siècle le « bosquet des Nourrices » ! La ville avait aussi un droit de police dans le parc sur les activités de loisirs. Elle règlementait, à la belle saison, les baignades dans le grand canal, autorisées dans le bras sud, après le départ des militaires à 21 heures4 et, à la mauvaise saison, le patinage. De la même façon, la ville, qui ne possède pas de piscine, dispose de l’usage et de l’adjudication du réservoir des Jambettes, situé à Trianon. Il s’y crée un véritable établissement de bains avec 45 cabines, fourniture de linge et buvette ; l’entrée coûte en 1874 30 centimes. C’est ainsi le Grand parc qui se laisse à son tour annexer.

    9La ville a enfin le droit d’usage et de règlementation des contre-allées de ses avenues. Ce sont des espaces de loisirs, bien que longtemps empoussiérés avant que l’on ne pave les chaussées à partir du Second Empire. Des pelouses sont aménagées entre les rangées d’arbres ; on s’y promène, on s’y repose et on y tient conversation, car elles sont équipées de bancs ; on y joue aux boules. La ville se charge de l’entretien des plantations d’arbres depuis 1793. Elle procéda à deux grandes remises en état après les guerres de 1870-1871 et de 1914-19185. Les archives ont gardé trace des contrats prévoyant taille, traitements contre les parasites et maladies, abattage et replantation6. En 1896 il y eut un projet de convention entre l’État et la ville pour la cession de ces contre-allées, les autorités militaires conservant un droit d’usage pour l’exercice de la troupe7.

    10La ville assume donc l’héritage s’il est à son avantage ; cependant, quand il représente une entrave, elle n’hésite pas à s’en affranchir, quitte à le trahir délibérément.

    La ville se démarque de l’ordre royal

    11La « ville » s’est à plusieurs reprises opposée au « Château » avant 1789 ; au XIXe siècle, son but affiché est de s’en émanciper et même, à certains égards, de le marginaliser dans son espace bâti et socio-culturel.

    12Dès l’origine le projet urbanistique de la monarchie fut aux prises avec la dynamique urbaine et l’adaptabilité fut constante8. Le « système de répartition sociale » s’est vite « enrayé » : subdivision des espaces, appendices, recomposition spontanée. Le projet prévu pour Saint-Louis avec 4 quartiers dotés chacun d’une placette subit, au retour de la Cour après la Régence, la pression immobilière ; à coup de successives dérogations, l’espace réservé aux placettes fut rapidement bâti et, jusqu’en plein XXe siècle, même la place Saint-Louis resta encombrée de baraques. Il semblait impossible de contrôler cet essor spontané. De même, les pavillons de la place d’Armes firent place à des immeubles de styles variés ; la symétrie se perdit ; la distribution sociale, qui se maintint globalement, devint plus complexe à l’échelle de chaque quartier, l’aristocratique Saint-Louis abritant les groupes sociaux les plus démunis et Notre-Dame cachant dans ses arrières-cours et autour de la Petite Place, juste à l’arrière de la façade Nord de la Place d’Armes, une cour des miracles et de sordides maisons closes.

    13Le contraste voulu de deux ordres, l’espace végétal réservé à la façade occidentale, à l’italienne, du château et l’espace minéral de la façade sur la ville, est abandonné par la ville au profit d’une esthétique adaptée aux besoins de la population. La ville réaménage donc ses places en les dépavant ; théâtre du prestige royal, elles deviennent lieu de vie et élément de confort pour les habitants. En 1854, la place Saint-Louis, exemplaire des places royales classiques, est dépavée de chaque côté de la cathédrale ; on y plante des quinconces. En 1863 on aménage un square côté Est avec une pelouse. Dans le quartier symétrique de Notre-Dame, on crée en 1853 un jardin fermé de grilles au cœur de l’ancienne place Dauphine. Il annonce le modèle parisien du square haussmannien, bien nécessaire dans ce quartier peuplé. C’est aussi le manifeste politique d’une identité reconquise sur un ordre royal révolu. La statue de Hoche, installée en 1832, y rappelle les gloires de la République. À partir de 1868, qui marque le centenaire de la naissance du héros, ce sera le lieu des manifestations républicaines et de l’affirmation municipale9. Et le fameux règlement qui contraint les bâtiments à ne pas dépasser en hauteur le niveau du balcon royal est délibérément transgressé en 1900 par le clocheton de la nouvelle mairie, la municipalité radicale affirmant ainsi la souveraineté du peuple.

    14La ville ne se démarque pas seulement de l’ordre royal, elle prend aussi son indépendance par rapport au pouvoir central qui lui a succédé. La manifestation la plus exemplaire de cette contestation reste l’affaire du chemin de fer parlementaire qui oppose en 1871 la très républicaine municipalité à la monarchiste assemblée nationale, toutes deux fraîchement élues. L’Assemblée prétend exercer des pouvoirs « régaliens », en exigeant la construction d’un chemin de fer parlementaire reliant à la gare Rive Gauche l’aile du château qui abrite sa salle de débats. Ce projet est voté par l’Assemblée nationale le 31 décembre 1875. Le maire multiplie les procédures dilatoires, tandis que l’opinion versaillaise se divise sur la question. Le 10 janvier 1877, la municipalité démissionne. L’affaire est portée devant la justice, s’y enlise et les travaux sont suspendus, avant d’être abandonnés lors du retour des Chambres à Paris, nouvelle « décapitalisation » qui laissa peu de regret...

    15La « municipalisation » de Versailles, enfin, s’accompagne de la marginalisation des anciens ordres privilégiés. La société d’Ancien Régime s’efface, contrairement à une opinion encore répandue, de l’horizon de la ville. D’ailleurs, avant même la Révolution, le monde de la Cour était très peu investi dans la ville. À la Révolution, il s’est dispersé. Sous l’Empire et la Restauration, les grandes familles de l’aristocratie s’établissent pour la plupart dans leurs hôtels parisiens ; seules les familles appauvries reviennent à Versailles où le coût de la vie et les habitudes mondaines moins dispendieuses permettent de maintenir son rang à moindres frais. Encore est-ce principalement une population d’hiver qui s’évade l’été sur ses terres. La liste électorale de 1848 comporte peu de noms d’apparence aristocratique (0,02 % de noms à particule !), tandis que les annuaires donnent un taux de 6,5 % en 1844 et 9,1 % en 186410 ; il est évident que la noblesse n’est pas électrice à Versailles, mais sur ses terres à la campagne. Elle pèse donc peu dans la gestion administrative de la ville, si elle continue, sans conteste, à donner une tonalité spécifique à la sociabilité.

    16Quant au clergé, il a très peu d’influence jusqu’aux années 1880. Le recensement de 1851 dénombre 259 ecclésiastiques et religieuses et indique que 98,7 % des Versaillais sont catholiques, mais les rapports de police les montrent peu dévots et le clergé peu estimé11. Celui-ci serait-il en fait, selon les autorités, fauteur de troubles ? En 1848, les curés de Notre-Dame et Montreuil sont notés comme attentifs au sort des ouvriers, organisant même des conférences sur le droit au travail, alors que le curé de Saint-Louis est soupçonné de vouloir gagner la troupe aux idées d’Ancien Régime. La municipalité se méfie aussi des congrégations, pourtant peu nombreuses. Il n’y a que deux congrégations masculines à Versailles à l’époque : les Frères qui ont trois écoles et les Capucins, et sept congrégations féminines : quatre hospitalières (Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, Sœurs de la Charité du Refuge, Sœurs Augustines, Sœurs de la Sainte-Famille) et trois enseignantes (Sœurs de la Sagesse, Sœurs de la Sainte-Enfance, Chanoinesses de Saint-Augustin). Leur action est diversement appréciée. La population est réticente à leur laisser les écoles. Elle s’y opposa en 1850 comme elle l’a fait en 1833. En effet le 1er octobre 1833, les écoles de la ville ont été enlevées aux Frères des Écoles Chrétiennes. On peine à démêler si l’enjeu se situe autour de l’anticléricalisme ou de querelles pédagogiques. Les Frères appliquent en effet la méthode simultanée, le conseil municipal est favorable à la méthode lancastérienne d’enseignement mutuel, par ailleurs moins coûteuse. Cependant en février 1849, la municipalité refuse aux Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul l’autorisation d’ouvrir un établissement, pour éviter qu’il leur soit fait des legs aux dépens du bureau de bienfaisance et en mars 1850, lors de la discussion de la loi Falloux, « propriétaires, boutiquiers et ouvriers » protestent contre la mainmise du clergé sur les écoles.

    17Néanmoins de nombreuses congrégations s’établissent à Versailles sous le Second Empire. On en compte une vingtaine au moment de la Séparation. Mais parallèlement s’installent des intellectuels protestants comme Edmond Scherer ou libres penseurs comme Édouard Charton, qui créent par exemple la Bibliothèque Populaire en contrepoint à la Société catholique des Bons Livres. L’esprit laïc se renforce donc et s’affirme à la municipalité dès les débuts de la IIIe République. Le maire Rameau interdit les processions et retire à toutes les congrégations les écoles municipales. Il est question de construire un nouveau cimetière éloigné des lieux de culte, de laïciser les bureaux de bienfaisance... À partir de 1871, la fête et le banquet Hoche, lancés le 24 juin 186812 à la fin du Second Empire par Jeandel et le Journal de Versailles, journal apolitique d’informations locales, qui ne voulait que rendre hommage aux célébrités de la ville, deviennent un manifeste laïc et républicain, réprouvés par le gouvernement de l’Ordre moral qui interdit le banquet en juin 1873.

    18Cependant, l’opinion se divise quand la laïcité semble menacer les libertés de conscience et de culte, inquiétant même la communauté protestante. Au tournant du XXe siècle, c’est l’enjeu des élections municipales qui voient en fin de compte le retour à la tolérance, mais pas une victoire cléricale, étrangère au consensus versaillais.

    19Versailles affirme donc ainsi au XIXe siècle une identité propre, certes marquée par le passé royal, mais construisant son ordre spécifique.

    Liberté, Fraternité, ordre public : le consensus versaillais

    20Si la ville du XIXe siècle remet en cause l’ordre conçu par le roi, elle ne devient pas pour autant un lieu de désordre. Les pratiques sociales, à la fois individuelles et collectives, assurent l’ordre public au quotidien, aussi bien que dans les circonstances d’exception propices aux désordres.

    L’ancienne ville de cour est devenue une ville de petite bourgeoisie tertiaire

    21En 1790 Versailles est choisie comme préfecture et devient aussi le siège d’un évêché. L’attractivité administrative et judiciaire, le pôle religieux créent des flux qui entraînent eux-mêmes une activité de service commercial et financier non négligeable. Le chef-lieu d’un département de Seine-et-Oise en couronne autour de celui de la Seine rayonne largement sur toute l’Ile-de-France et ses confins, trouvant sa place en dépit de l’attraction parisienne. C’est particulièrement remarquable dans le domaine de l’instruction. L’École centrale du département, devenue lycée, puis collège royal, ainsi que petit et grand séminaires recrutent bien au-delà des limites du département. Cela contribue à animer un centre-ville qui s’écarte du château. L’ouverture de l’avenue de Berry (= Général De Gaulle) en 1819 et celle de la place des Tribunaux en 1825 permettent de relier directement le quartier Notre-Dame au quartier Saint-Louis – où sont établis l’évêché, le petit et le grand séminaires – en franchissant au centre l’avenue de Paris où la mairie, à la jonction des deux anciennes paroisses, fait désormais face côté nord à la desserte des tribunaux et de la maison d’arrêt.

    22L’ancien monde de la « ville » (par opposition à la Cour), composé de commerçants, artisans et fabricants, d’étoffes notamment, fournit plus de 40 % des électeurs en 1848 et détient alors la municipalité. Il investit largement les nouvelles carrières administratives et judiciaires et, comme sous l’Ancien régime, se nourrit de nombreux apports extérieurs amenés maintenant par les mutations des fonctionnaires, qui représentent, joints aux professions libérales, 20 % des électeurs. L’examen de cette liste électorale d’avril 1848 révèle pourtant que près de la moitié des électeurs sont dispensés, pour insuffisance de revenu, du paiement de la contribution mobilière. Si l’on prend en compte, outre l’effectif des chefs d’entreprises, celui des salariés du secteur de l’artisanat, du commerce et du transport et le nombre d’hommes de peine, soit un dixième de la population, apparaît alors un monde du travail bien besogneux et d’un poids considérable pour une ville de préfecture réputée aristocratique et sans activité économique.

    23La composition de la population13 n’est pas tout à fait celle du corps politique. En effet d’une part les militaires sont recensés à part. L’effectif permanent jusqu’en 1848 est d’environ 1 800 hommes14 ; épisodiquement il se gonfle, atteignant près de 6 000 hommes15 en octobre 1848. Dans l’ensemble, le chiffre n’excède guère 10 % de la population16 et avoisine le nombre des domestiques. Sous le Second Empire, l’effectif fluctue, représentant 22 % de la population en 1861 ; sous la IIIe république, après le pic de près de 24 000 hommes en 1871-1872, on ne compte plus que 8 000 hommes, soit 13,32 % de la population en 1911. On ne peut donc caractériser Versailles comme étant essentiellement une ville de garnison. D’autre part la population masculine ne compte que pour 29 %, à côté de 44 % de femmes, écartées du suffrage et occupant 40,5 % des emplois. La part de l’activité textile, des industries de luxe et de la domesticité, mais aussi celle des propriétaires-rentiers est donc plus forte que ne le reflète la liste électorale.

    24Enfin, il ne faut pas perdre de vue la population flottante (environ 16 000 mouvements par an, soit entre 1 800 et 6 000 habitants suivant les périodes). Cette population n’est pas négligeable, puisqu’à certains moments elle double l’effectif industriel de la ville (qui compte 1 150 patrons et 2 600 ouvriers en 1848). Ce sont surtout les ouvriers du chemin de fer de l’Ouest et des journaliers. Élément virtuel de désordre, cette population est surveillée par 7 agents qui effectuent environ 200 arrestations par mois (souvent pour vagabondage 30 %, ou prostitution clandestine 27 %, notamment dans le parc et sur l’avenue de Sceaux)17. Mais la répression se double aussi d’une action préventive de lutte contre les maladies vénériennes, de distribution de secours et de répression des usuriers.

    25Est-ce la forte proportion de femmes, de femmes seules besogneuses ou âgées, qui favorise le consensus, l’accompagnement social et la résolution pragmatique des conflits quotidiens et qui donne à la ville sa sociabilité si originale ?

    La défense de la paix sociale

    26La sociabilité versaillaise est en effet marquée par le poids des institutions et œuvres d’aide sociale. La municipalité, dès les débuts du siècle, crée les outils d’une assistance et d’une promotion sociales ; comme dans toute ville, sont institués des bureaux de bienfaisance, un mont-de-piété, des caisses d’Épargne. Sont mis aussi en place très précocement les éléments d’une éducation populaire : écoles primaires gratuites et salles d’asile pour les enfants18, cours du soir pour les artisans : cours de dessin professionnel (plus de 100 élèves), cours de mécanique appliquée à la Bibliothèque, cours municipaux à l’École Normale dont l’enseignement est assuré par les élèves-maîtres de seconde année (il y a sept classes regroupant environ 600 ouvriers, la plupart du bâtiment)19. À la fin de la IIe République, la ville soutient directement ou indirectement 12 écoles, 3 crèches et maternelles, 5 cours du soir et même la société orphéonique pour les ouvriers ! Est-ce par pure philanthropie ou souci d’ordre public « pour combattre les pernicieuses suggestions de l’oisiveté et de la misère » comme l’écrit un rapport de l’époque ?

    27En période de difficultés, s’ouvrent des ateliers de charité, sont organisées des distributions alimentaires, des souscriptions, qui s’inscrivent dans une mondanité d’ancien régime. C’est particulièrement évident sous la IIe République et le Second Empire. En 1848 les autorités nouvelles mises en place sont pragmatiques. Toutes sensibilités politiques confondues, on fait appel à des chefs d’entreprise susceptibles de donner des emplois. Le 24 mars, le maire Rémilly, avocat, est remplacé par Lambinet, marchand de drap et tailleur ; puis Ramin, entrepreneur, à la fois plus ouvert aux préoccupations sociales que son prédécesseur du printemps, mais aussi plus conservateur sur le plan politique, dirige la municipalité d’août 1848 à mai 1849. La municipalité tient ouverts des ateliers jusqu’en 1852, les conseillers municipaux avançant personnellement de l’argent pour la soumission des travaux, d’emblée conçus aussi pour répondre à des besoins réels de la ville : pavage des rues, déblocage des sorties de la ville, ouverture d’une route vers Vaucresson, d’une autre vers Jouy. Par ailleurs, la municipalité finance, le 8 décembre 1848, le dégagement du mont-de-piété des vêtements et, en décembre 1852, celui des couvertures. La mesure est reproduite lors de la proclamation de l’Empire ; le maire Rémilly organise une fête somptueuse : cérémonie officielle à l’hôtel de ville, suivie d’illuminations, et d’un grand banquet de 375 couverts dans la galerie des Glaces. Ont été invités toutes les notabilités civiles, religieuses et militaires, mais aussi des dames de charité, 22 ouvriers lauréats des classes d’adultes et les lauréats des prix de tempérance. La municipalité distribue des secours extraordinaires (pain, bois, viande, vêtements) et les couvertures sont dégagées du Mont-de-piété. Cette fête est très caractéristique de l’époque et d’une tradition ancienne : les autorités attirent les notables par la sociabilité mondaine et associe le peuple par la philanthropie.

    28Les initiatives privées sont de deux ordres : l’organisation sociale mutuelle et la charité. Sous la Restauration, le mouvement des mutuelles, vivement soutenu par l’aristocratie, a en effet pris le relais des anciens compagnonnages ; il touche surtout les vieux métiers, et les plus sensibles à l’adaptation aux nouveaux usages sociaux et politiques. Le mouvement des mutuelles est encouragé sous la IIe République et le Second Empire. En 1864, les sociétés de secours mutuels représentent plus de 40 % de l’ensemble des associations mentionnées dans l’Almanach de Versailles. La Société des secours réciproques de Versailles et la Société de secours mutuels et de Prévoyance ont été créées en 1820. Les sociétés fondées entre 1847 et 1854 sont pour la plupart d’esprit « démoc-soc » à l’origine, avec une récupération par le courant bonapartiste de gauche, celui de l’auteur de L’Extinction du Paupérisme. Quant à la Société fraternelle militaire de Saint-Martin de Versailles, fondée en 1845, il semble qu’elle se rattache à une entreprise de rechristianisation de l’armée menée par le clergé légitimiste face à l’anticléricalisme de la Monarchie de Juillet. Ces mutuelles recrutent dans une petite et moyenne bourgeoisie encore peu assise et soucieuse de préserver son niveau de vie en cas de maladie ou de décès précoce. Toutes ces sociétés offrent des secours en cas d’accident, de maladie, quelquefois une pension de retraite ; elles paient les frais funéraires ; la Société de secours mutuels et de Prévoyance organise en outre des cours élémentaires et une bibliothèque populaire ; elle accorde exceptionnellement des prêts sans intérêt. Progressivement de nouvelles sociétés se créent en réponse aux nouvelles activités professionnelles, à de nouveaux besoins, à de nouveaux types de fonctionnement : comme la Ruche versaillaise, « société en participation d’épargne », constituée pour une durée de dix ans par Ferdinand de Lesseps en 1882, sous l’égide de la municipalité ; sans offrir de secours, elle propose une forme d’épargne, éventuellement en vue de la retraite, adaptée à la nouvelle économie ; il s’agit « d’achat de valeurs françaises à lots cotées à la bourse ». Ces organisations dont les adhérents, qui peuvent être largement soutenus par des membres bienfaiteurs, sont néanmoins les acteurs de leur propre sécurité dans les aléas de la vie, se différencient nettement des institutions de bienfaisance20.

    29Les sociétés de bienfaisance réunissent des notables fortunés qui mettent leur bourse et leur temps au service des pauvres traditionnels (femmes, enfants, malades, vieillards) dans un esprit de charité chrétienne et d’édification populaire. Elles sont présidées par des membres du clergé et de l’aristocratie ; elles peuvent être organisées à l’échelon paroissial. C’est par exemple La Société Saint-Vincent-de-Paul, présente en 1864 dans les trois paroisses de la ville, qui distribue dons aux pauvres méritants et secours, réunis par voie de quêtes, concerts charitables, loteries ; la Crèche de Versailles, à laquelle succède en 1874 La Société de Charité maternelle qui assiste les femmes enceintes, puis leurs nouveaux-nés, L’Œuvre des Pauvres Malades visités à domicile, signalée en 1864, La Maison de Providence et Le Refuge qui hébergent malades isolés et femmes abandonnées. Enfin l’almanach de 1874 indique les institutions d’éducation morale de jeunes, Patronage Saint-Joseph21 et Œuvre des Jeunes Économes. En 1884 est mentionnée en outre la Société de patronage des enfants délaissés et des libérés de Seine-et-Oise.

    30Cette sociabilité, où l’idéal démocratique côtoie la pratique charitable de l’Ancien régime, semble donc à même de contenir les effets sociaux des désordres économiques. Outre l’importance de l’assistance et des relations personnelles qu’elle crée, plusieurs autres facteurs de paix sociale ou du moins d’amortissement des conflits sociaux peuvent être avancés : l’existence d’un groupe intermédiaire non négligeable de très petits rentiers entre les artisans et la bourgeoisie aisée, le côtoiement de groupes sociaux de niveau très différent dans les mêmes quartiers et la mobilité sociale. Les classes populaires semblent en effet accéder facilement à la moyenne bourgeoisie. Le maire Lambinet, par exemple, est le fils d’un tailleur et d’une marchande de fruits ; il épouse une domestique ; il devient marchand de draps, accède au titre de propriétaire, est promu en 1850 président du tribunal de commerce. Autre exemple : dans les dossiers de demande de bourses pour le lycée, on voit le fils du gardien chef de la prison préparer le concours d’entrée à Saint-Cyr...

    La maîtrise des événements révolutionnaires

    31Cette capacité à prévenir le désordre joue aussi lors des troubles politiques. Certes, en 1830 et 1848, Versailles, qui n’est plus le centre du pouvoir, ne peut être touchée de la même façon qu’en 1789 par l’irruption du désordre. Cependant, la ville démontre une remarquable capacité à désamorcer les violences sans employer la force.

    32En 1830, les événements de juillet sont bien accueillis. Dès l’annonce des premières barricades à Paris le mercredi 28 juillet, tandis que la garde nationale de la ville soutient l’insurrection parisienne, Versailles arbore le drapeau tricolore et le 31 elle envoie une députation du Conseil municipal à Paris et entrave le ravitaillement des troupes royales opposées aux Parisiens. Mais elle assure aussi la protection des gardes du corps stationnés à Versailles contre d’éventuelles agressions et celle du domaine royal contre des dégradations. La révolution, oui ; mais sans violence, ni désordre. Le conseil municipal, désormais élu, affirme l’autonomie de la ville à l’égard du patrimoine royal et du clergé. Comme en écho, le député-maire Ovide Rémilly est, à la Chambre, un des champions de la réforme et des libertés parlementaires.

    33Liberté, mais ordre public. Le 26 février 1848, la République est proclamée dans le calme. La Révolution n’éclate d’ailleurs pas comme un coup de tonnerre, car une fraction de l’opinion dont témoigne Auguste Dupoty, journaliste à La Réforme, mène depuis des années campagne contre la Monarchie de Louis-Philippe. Outre Malher, un autre jeune Versaillais est tué sur les barricades de Paris. Mais à Versailles, il n’y a aucune violence. Pendant les journées d’insurrection parisiennes, l’ordre est maintenu par le maire Rémilly qui interdit à des insurgés parisiens de pénétrer dans l’enceinte du château où ils pensaient trouver Louis-Philippe. Les conseillers municipaux n’éprouvent nulle difficulté à reconnaître la question sociale, déjà posée à la fois par les démocrates, l’aristocratie et la bourgeoisie philanthropes et font face à la crise avec dévouement et initiative, s’efforçant de procurer travail et secours à la population « malheureuse ».

    34Cependant les journées de juin divisent l’opinion. La Garde Nationale est appelée contre les insurgés. Certains tentent de l’empêcher de prendre le train pour Paris, tandis que d’autres, des ouvriers même, quittent leurs travaux pour marcher contre l’insurrection. Ce clivage apparaît aussi lors des élections, sans cependant remise en cause de la république qui offre un cadre politique satisfaisant au consensus local. De 1848 à 1851, le courant bleu montre sa détermination, notamment lors de l’élection présidentielle, la ville se montrant beaucoup plus réticente que le département à l’égard de Louis-Napoléon22 ; le courant démoc-soc est par ailleurs très implanté23. Ce courant est particulièrement surveillé à la veille du coup d’État et réduit à l’impuissance le 2 décembre 1851. Le maintien de l’ordre s’identifie alors à la suspension des libertés, cet ordre est imposé de l’extérieur ; il ne semble pas rallier l’ensemble de la population ; la protestation renaît, menée par le courant libéral, s’amplifie à partir des années 1860 et triomphe localement à la veille du conflit de 1870, une coalition d’opposants libéraux et de républicains remportant la majorité aux élections municipales de juillet.

    35La révolution de septembre est donc déjà anticipée localement. Le conseil d’août 1870 a été reconduit aux deux-tiers en septembre. Mais la ville est bientôt occupée. La municipalité républicaine et patriote résiste aux exigences des occupants allemands et, en l’absence de préfet, gère la vie quotidienne non seulement de la ville, mais des communes environnantes, donnant à la ville une autorité morale et un rayonnement inattendus.

    36C’est bien cette aptitude à gérer et accompagner les changements révolutionnaires et les aléas de la guerre dans le calme qui désigne Versailles comme refuge du gouvernement pendant la Commune. Pourtant bien des Versaillais ne se reconnaissent pas dans le parti de l’Ordre. Le barreau de Versailles prend une part active à la défense des accusés de la Commune ; l’avocat Albert Joly défend Rossel ; les membres du clergé catholique, autant que le pasteur, viennent visiter les prisonniers. Les rapports de police relatent de 1872 à 1875 l’impatience des habitants de la ville à voir s’établir définitivement la république, leur crainte d’un rétablissement de la monarchie royale ou impériale.

    37La municipalité reste ancrée à gauche, soutient la présidence de Thiers, dénonce la politique d’Ordre Moral, peut-être ressentie comme le dernier avatar de l’ordre royal. Le maire Rameau et ses adjoints, figures héroïques de la résistance aux Prussiens et républicains convaincus, sont destitués et remplacés par une municipalité prise en dehors du conseil ; le banquet républicain de la fête Hoche est interdit. Le combat pour la défense de la République marque les élections municipales de 1874 et 1878. Ce qui caractérise la période, ce n’est pas, comme on pourrait l’attendre, une réaction monarchiste, mais le militantisme républicain (incarné notamment par Albert Joly, défenseur de Rossel et ami de Gambetta, et Hippolyte Deroisin) et l’intervention constante des conseillers municipaux dans les autres scrutins où ils assurent la victoire républicaine aux cantonales comme aux législatives. En 1876 comme en 1877, les circonscriptions versaillaises se situent les plus à gauche sur l’échiquier politique départemental. La minorité radicale du conseil municipal pousse à l’application la plus dure de la politique scolaire et laïque. On est loin de l’Ordre moral ! Cependant ces excès, en rupture avec le consensus libéral traditionnel, se révèlent éphémères. Si de 1879 à 1888 la municipalité reste radicale avec Deroisin, la majorité revient ensuite aux républicains libéraux et, aux législatives de 1881, les circonscriptions de Versailles passent aux opportunistes.

    38Le consensus réapparaît, l’ordre redevient un modus vivendi où chacun trouve un espace à la fois de régulation et de liberté, sans caractère répressif, promouvant toutes les actions qui contribuent à faciliter les rapports sociaux, à désamorcer les conflits, à limiter l’impact des désordres accidentels. À cet égard Versailles a été au XIXe siècle et demeure au XXIe siècle une ville d’ordre.

    39Cependant les années 1870 ont durablement marqué l’image de la ville ; la mondanité et la sociabilité aristocratiques, récupérées ou imitées par les préfets du Second Empire, ont ressurgi sous l’égide des parlementaires monarchistes et du président Mac-Mahon et imprégné les élites bourgeoises de la ville dans le dernier tiers du XIXe siècle. Tandis que le nombre d’officiers retraités s’accroît avec l’importance de la garnison, que les quartiers de Clagny et Glatigny accueillent une bourgeoisie des affaires et des professions libérales attirée par la réputation d’ordre créée par la presse dans les années 1870, que l’immigration bretonne entraînée par le développement de la gare des Chantiers dynamise la pratique religieuse dans une ville jusque là peu fervente, que l’excès d’anticléricalisme irrite les esprits libéraux demeurés influents parmi les notables et les intellectuels, Versailles, comme Paris, bascule vers la droite au moment de la crise boulangiste. Versailles devient le stéréotype d’un ordre révolu, d’une « ville royale », prisonnière de son cadre, aristocratique dans sa sociabilité, traditionaliste dans ses valeurs, stéréotype dans lequel ses habitants sont loin de majoritairement se reconnaître.

    Notes de bas de page

    1 Jean Castex, Patrick Celeste, Philippe Panerai, Lecture d’une ville : Versailles, Paris, Éd. du Moniteur, 1980.

    2 Règlement de Robert de Cotte de 1715.

    3 Archives Municipales de Versailles (A. M. pour la suite), 1 O 1739 et 1911, 1 I 1038. Dossiers des concessions de chaises : 1858-1861 et 1865-1911.

    4 A. M., 1 I 1138. Bains des Jambettes (1873-1886).

    5 A. M., 1 O 1744 : Remise en état des plantations d’arbres après la guerre de 1914.

    6 A. M., 1 O 1744-45, 1797, I O 989.

    7 A. M., C1577.

    8 Jean Castex, Patrick Celeste, Philippe Panerai, op. cit.

    9 Le 24 juin municipal s’est non seulement substitué à la royale Saint-Louis du 25 août ; il évince aussi le 14 juillet national. Cf. A. M., 1 I 1049 : Centenaire de Hoche, 24 juin 1868, et 1 I 1097 : fêtes Hoche 1880-1934.

    10 D’après le Dictionnaire des adresses des principaux habitants de Versailles 1844 et l’Almanach Gaffard 1864, taux assez semblables à ceux de Nancy.

    11 A. M., 1/46-49. Février 1850.

    12 Union Libérale et Démocratique no 52 du 27 juin 1868 : programme : matin : messe avec cantate composée par Camille Saint-Saëns sur des paroles d’Émile Deschamps, défilé militaire ; après-midi : concert au parc, visite de la maison natale de Hoche.

    13 D’après le recensement municipal de 1848. A. M., 1 F 297.

    14 A. M., 1 F 297.

    15 Archives départementales des Yvelines, 4M 1/46.

    16 La proportion est un peu moins élevée à Paris sous la monarchie de Juillet : 7 %. Cf. André Jardin et André-Jean Tudesq, La France des notables, Paris, Seuil, 1973, t. 2, p. 209.

    17 A. D., 6M 13.

    18 Dès 1820, Versailles a lancé des expériences pilotes et en 1848 elle compte 15 écoles, 38 pensions, 2 écoles normales, un lycée et 6 cours préparatoires aux grandes écoles et enfin petit et grand séminaires. La population est scolarisée à 70 %. La municipalité entretient 6 écoles primaires gratuites et l’école primaire supérieure payante, réformée en avril 1849. En février 1851, elle crée un nouvel ensemble dans le quartier ouvrier du Petit-Montreuil comprenant une école maternelle pour 130 enfants, et 2 écoles primaires (filles et garçons).

    19 En comptant les cours du soir dispensés par les trois paroisses, on atteint un effectif d’environ 1 200 élèves, ce qui représente un tiers des artisans résidents ou 1/8 de la population laborieuse (population flottante comprise).

    20 « Est-il encore nécessaire de rappeler que les sociétés de secours mutuels ne sont en réalité que des associations tontinières ou de prévoyance ? Qu’elles ne peuvent être confondues avec des comités d’assistance ? » précise la notice de la Société des Ménages prévoyants dans l’almanach de 1874. « Tous les sociétaires sont obligeants et obligés ; celui qui reçoit ne reçoit rien de personne. C’est sa propriété qu’on lui remet ; c’est son bien qu’il dépense ; il ne doit aucun remerciement ; le contrat est réciproque. N’est-il pas merveilleux de voir une légère économie mensuelle donner à ce point l’indépendance des autres et la dignité de soi-même ? » Mais cette indépendance tant souhaitée n’est permise qu’aux travailleurs aisés et les indigents doivent avoir recours à la charité.

    21 Le rapport de police du 7 novembre 1872 (A. D., 6M 17/18) signale aussi la Société de Saint-Joseph pour « faire persévérer dans le bien les jeunes apprentis et jeunes ouvriers » créée en 1859 par le curé de la cathédrale.

    22 Louis-Napoléon Bonaparte ne remporte que 72,5 % des voix (80,5 % dans le département et 74,2 % dans le pays), Cavaignac atteint 23,8 % (contre 16 %). Dans le quartier de la bourgeoisie du négoce et des artisans, le vote républicain (Cavaignac, Ledru-Rollin et Raspail) monte jusqu’à 33 %. Il y a moins de votants que dans le département (70 % de votants contre 82,85 % dans le département et 75,1 % dans le pays). Est-ce une abstention protestataire ?

    23 P. Leroux et F. Pyat s’établissent à Versailles ; les démoc-socs mènent une campagne très active pour les législatives de mai 1849. En dépit des pressions et intimidations, ils la poursuivent à l’élection complémentaire de juillet, marquée par une forte abstention (57 %), qui donne le siège au courant rallié au président, mais les « démoc-soc » ont remporté 19,6 % de voix.

    Auteur

    • Noëlle Dauphin
      Maître de conférences en histoire contemporaine à l’université d’Orléans jusqu’en juin 2009 et membre du Savours (EA 3272). Ses recherches portent sur Versailles et les Versaillais dans la seconde moitié du XIXe siècle, à la fois sur le plan politique et socioculturel. Elle a notamment contribué au deuxième volume des Grands orateurs parlementaires (1800-1870) dirigé par Eric Anceau (Colin, 2005) et rédigé plusieurs articles sur Versailles dont « Versailles, le château et la ville : deux patrimoines distincts, deux mémoires antagonistes à l’époque contemporaine ? » (Histoire Urbaine, avril 2004).
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    1 Jean Castex, Patrick Celeste, Philippe Panerai, Lecture d’une ville : Versailles, Paris, Éd. du Moniteur, 1980.

    2 Règlement de Robert de Cotte de 1715.

    3 Archives Municipales de Versailles (A. M. pour la suite), 1 O 1739 et 1911, 1 I 1038. Dossiers des concessions de chaises : 1858-1861 et 1865-1911.

    4 A. M., 1 I 1138. Bains des Jambettes (1873-1886).

    5 A. M., 1 O 1744 : Remise en état des plantations d’arbres après la guerre de 1914.

    6 A. M., 1 O 1744-45, 1797, I O 989.

    7 A. M., C1577.

    8 Jean Castex, Patrick Celeste, Philippe Panerai, op. cit.

    9 Le 24 juin municipal s’est non seulement substitué à la royale Saint-Louis du 25 août ; il évince aussi le 14 juillet national. Cf. A. M., 1 I 1049 : Centenaire de Hoche, 24 juin 1868, et 1 I 1097 : fêtes Hoche 1880-1934.

    10 D’après le Dictionnaire des adresses des principaux habitants de Versailles 1844 et l’Almanach Gaffard 1864, taux assez semblables à ceux de Nancy.

    11 A. M., 1/46-49. Février 1850.

    12 Union Libérale et Démocratique no 52 du 27 juin 1868 : programme : matin : messe avec cantate composée par Camille Saint-Saëns sur des paroles d’Émile Deschamps, défilé militaire ; après-midi : concert au parc, visite de la maison natale de Hoche.

    13 D’après le recensement municipal de 1848. A. M., 1 F 297.

    14 A. M., 1 F 297.

    15 Archives départementales des Yvelines, 4M 1/46.

    16 La proportion est un peu moins élevée à Paris sous la monarchie de Juillet : 7 %. Cf. André Jardin et André-Jean Tudesq, La France des notables, Paris, Seuil, 1973, t. 2, p. 209.

    17 A. D., 6M 13.

    18 Dès 1820, Versailles a lancé des expériences pilotes et en 1848 elle compte 15 écoles, 38 pensions, 2 écoles normales, un lycée et 6 cours préparatoires aux grandes écoles et enfin petit et grand séminaires. La population est scolarisée à 70 %. La municipalité entretient 6 écoles primaires gratuites et l’école primaire supérieure payante, réformée en avril 1849. En février 1851, elle crée un nouvel ensemble dans le quartier ouvrier du Petit-Montreuil comprenant une école maternelle pour 130 enfants, et 2 écoles primaires (filles et garçons).

    19 En comptant les cours du soir dispensés par les trois paroisses, on atteint un effectif d’environ 1 200 élèves, ce qui représente un tiers des artisans résidents ou 1/8 de la population laborieuse (population flottante comprise).

    20 « Est-il encore nécessaire de rappeler que les sociétés de secours mutuels ne sont en réalité que des associations tontinières ou de prévoyance ? Qu’elles ne peuvent être confondues avec des comités d’assistance ? » précise la notice de la Société des Ménages prévoyants dans l’almanach de 1874. « Tous les sociétaires sont obligeants et obligés ; celui qui reçoit ne reçoit rien de personne. C’est sa propriété qu’on lui remet ; c’est son bien qu’il dépense ; il ne doit aucun remerciement ; le contrat est réciproque. N’est-il pas merveilleux de voir une légère économie mensuelle donner à ce point l’indépendance des autres et la dignité de soi-même ? » Mais cette indépendance tant souhaitée n’est permise qu’aux travailleurs aisés et les indigents doivent avoir recours à la charité.

    21 Le rapport de police du 7 novembre 1872 (A. D., 6M 17/18) signale aussi la Société de Saint-Joseph pour « faire persévérer dans le bien les jeunes apprentis et jeunes ouvriers » créée en 1859 par le curé de la cathédrale.

    22 Louis-Napoléon Bonaparte ne remporte que 72,5 % des voix (80,5 % dans le département et 74,2 % dans le pays), Cavaignac atteint 23,8 % (contre 16 %). Dans le quartier de la bourgeoisie du négoce et des artisans, le vote républicain (Cavaignac, Ledru-Rollin et Raspail) monte jusqu’à 33 %. Il y a moins de votants que dans le département (70 % de votants contre 82,85 % dans le département et 75,1 % dans le pays). Est-ce une abstention protestataire ?

    23 P. Leroux et F. Pyat s’établissent à Versailles ; les démoc-socs mènent une campagne très active pour les législatives de mai 1849. En dépit des pressions et intimidations, ils la poursuivent à l’élection complémentaire de juillet, marquée par une forte abstention (57 %), qui donne le siège au courant rallié au président, mais les « démoc-soc » ont remporté 19,6 % de voix.

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    Dauphin, N. (2011). Versailles, ville d’ordre au XIXe siècle ?. In G. Rideau & P. Serna (éds.), Ordonner et partager la ville. Rennes: Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.122181
    Dauphin, Noëlle. « Versailles, ville d’ordre au XIXe siècle ? ». In Ordonner et partager la ville, édité par Gaël Rideau et Pierre Serna. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2011. doi:10.4000/books.pur.122181.
    Dauphin, Noëlle. « Versailles, ville d’ordre au XIXe siècle ? ». Ordonner et partager la ville, édité par Gaël Rideau et Pierre Serna, Presses universitaires de Rennes, 2011, https://doi.org/10.4000/books.pur.122181.

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    Rideau, G., & Serna, P. (éds.). (2011). Ordonner et partager la ville. Rennes: Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.122073
    Rideau, Gaël, et Pierre Serna, éd. Ordonner et partager la ville. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2011. doi:10.4000/books.pur.122073.
    Rideau, Gaël, et Pierre Serna, éditeurs. Ordonner et partager la ville. Presses universitaires de Rennes, 2011, https://doi.org/10.4000/books.pur.122073.
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