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Ordonner et partager la ville

 | 
Gaël Rideau
, 
Pierre Serna

Deuxième partie. Ordre religieux et partage de la ville

La construction d’un ordre en marche : les processions à Orléans (XVIIe-XVIIIe siècles)

Gaël Rideau

Texte intégral

  • 1 Archives départementales du Loiret (AD45), Fonds Jarry, 2J 1748, Documents préparatoires pour le p (...)

1En 1734, au moment de l’entrée de l’évêque d’Orléans dans sa ville et de la procession qui l’incarne, les membres du Bailliage se retirent faute de place pour défiler à la même hauteur que le Corps de Ville en raison de l’étroitesse de la rue. De même, suite à une sentence défavorable à la Prévôté face à la Maréchaussée pour le même sujet, le prévôt royal ne paraît pas le jour de l’entrée, ce qui entrave le bon déroulement du cérémonial. Enfin, à cette même entrée, l’évêque doit régler lui-même une querelle entre l’Université et le chapitre de Saint-Pierre-le-Puellier pour savoir qui prendra le pas sur l’autre1.

  • 2 Christian Jouhaud, « Imprimer l’événement. La Rochelle à Paris », dans Roger Chartier (dir.), Les (...)

2Nous sommes là dans le domaine des querelles de préséances, primordiales dans le déroulement des processions, car elles fixent la hiérarchie et incarnent l’ordre social en marche, chaque corps défilant à son rang dans une cascade de dignités et de prestige où l’usage entraîne le droit, dans la mesure où « les positions occupées dans le cortège ont une fonction fondamentale de classement : elles serviront de précédent » pour reprendre Christian Jouhaud2. Les juristes du XVIIIe siècle s’y sont attachés au cours d’interminables procès, reconduits de procession en procession et clos momentanément par des accords amiables qui ne sauraient préjuger de l’avenir selon l’expression consacrée.

  • 3 Fanny Cosandey (éd.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, EHESS, 2 (...)
  • 4 AD45, Fonds de l’Évêché, 50J 8, Registre des mandemens et ordonnances commencé le 28 mai 1774, man (...)
  • 5 Paul d’Hollander, La Bannière et la rue. Les processions dans le Centre-Ouest au XIXe siècle (1830 (...)
  • 6 Des livrets régulièrement réimprimés permettent d’en saisir les évolutions. Ils sont tous intitulé (...)

3Ce point est connu et constitue une dimension importante de la lecture de la procession selon la problématique de l’ordre, notamment social3. Le convoi mortuaire de Louis-Sextius de Jarente de la Bruyère, évêque d’Orléans de 1758 à 1788, en donne une image spécifique, appliquée à la société religieuse de la ville à la fin de l’Ancien Régime, elle aussi ordonnée à côté de la société institutionnelle (voir annexe 1)4. Cependant, cette approche ne sera pas celle choisie ici, au profit d’une réflexion sur la procession dans son ensemble, de son organisation à son déroulement. En effet, dans la volonté d’interroger la notion d’ordre au sens large, que ce soit dans sa déclinaison sociale, publique ou urbaine, la procession revêt une place importante, comme l’un des vecteurs de la construction pratique de l’ordre. Paul d’Hollander a ainsi rappelé que la procession repose à la fois sur le caractère public du culte mais rencontre également les impératifs de police et donc de l’ordre public : la relation entre ces deux pôles est de nature dialectique5. Pour en avoir une image globale, il convient de s’interroger sur toutes les processions, qu’il s’agisse du convoi mortuaire, de la solennisation d’une canonisation ou d’une fête, de la sollicitation de la protection de saint Aignan ou la célébration du 8 mai qui, par sa régularité, permet de mieux mesurer les évolutions. Ce parcours, continué jusqu’à aujourd’hui, commémore la libération d’Orléans par Jeanne d’Arc en 1429 et s’insère dans un cycle festif codifié et rigoureux. Au cours de cette procession, tous les corps et communautés de la ville vont de la cathédrale aux Augustins et retour6. Or, dans la répétition annuelle de ce déroulement, la problématique de l’ordre s’avère centrale et connaît des évolutions majeures que confirment les autres cortèges. La procession est d’abord une mise en ordre de l’espace urbain. Son organisation nous place également au centre d’une réflexion sur les rapports politiques au sein de la ville et elle devient elle-même un enjeu politique à différentes échelles. Enfin, la procession est objet d’ordre public, à la fois dans son versant religieux et laïc. Or, l’intervention des autorités provoque un changement de nature de la procession elle-même.

La procession comme mise en ordre de l’espace urbain

  • 7 Bibliothèque Municipale d’Orléans (BMO), Ms 1428, Mandements de Mgr Fleuriau, statuts synodaux de (...)
  • 8 Nicolas Delamare, Traité de la police, Amsterdam, 1729, livre II, titre X, « des processions ».
  • 9 Le vêtement en est une autre composante. En 1779, le drapier orléanais Pierre-Étienne Brasseux not (...)
  • 10 AD45, Fonds paroissial de Saint-Paul, 122J 6, Dossier sur les processions.
  • 11 AD45, Fonds de l’Évêché, 50J 8, op. cit., mandement du 31 mai 1779, p. 135-136.

4Seules les processions les plus importantes sortent de l’espace ecclésial, comme l’indique le statut synodal du 19 mai 1711, dont l’article VII interdit aux processions du Saint-Sacrement de sortir de l’église, à l’exception de la Fête-Dieu ou de permission expresse7. Lorsque c’est le cas, la procession marque l’espace urbain. En effet, le temps de la procession est un temps d’exception qui se marque dans la ville par le nettoyage et le décor. Avant chaque cortège, les ordonnances affluent qui appellent chacun à nettoyer la rue, ce qui constitue l’un des thèmes majeurs des développements de Delamare sur les processions8. Le décor est encore plus important : tapisseries et reposoirs doivent orner les rues et transformer l’espace urbain, le transfigurer en quelque sorte9. Ainsi, à Saint-Paul en 1784, des plumes, des perles et des pierres de couleur viennent orner les rues de la procession du Saint-Sacrement10. L’enjeu est tellement important que les habitants de Saint-Pierre-Empont demandent une modification du parcours de la procession de la Fête-Dieu, dans la mesure où ils ne trouvent personne pour effectuer un reposoir décent (le mot y est) rue de Semoy. La solution serait un détour par la rue des Gobelets où un habitant se propose d’établir un reposoir11.

  • 12 Idem, mandement du 18 septembre 1777, p. 110-112.
  • 13 Gaël Rideau, De la Religion de tous à la religion de chacun. Croire et pratiquer à Orléans au XVII (...)

5Ces transformations et décors répondent à deux finalités. D’abord, il s’agit d’assurer le bon déroulement de la procession et de lutter contre les obstacles matériels les plus concrets. Ainsi, les habitants de Cléry demandent la fermeture du petit cimetière attenant à l’église et surelevé par rapport à elle, car il est coupable « de rendre l’église humide [...] le chemin très mauvais pour faire la procession12 ». Nous retrouvons ainsi une logique proche du discours paroissial pour justifier le pavage des églises afin d’éviter les chutes de l’officiant portant le Saint-Sacrement13. Cependant, cette mise en ordre est aussi, et c’est la seconde finalité, un moyen de transfigurer l’espace urbain, d’inscrire la procession dans un cadre différent et inhabituel. La lutte contre les troubles qui viennent entraver la bonne marche du cortège devient une priorité. La procession incarne la société, unie, en marche et tout obstacle à cette représentation doit disparaître. Dans ces deux aspects, la notion d’ordre est essentielle et préside à l’organisation de la procession, tant pour l’horaire que pour le parcours.

  • 14 AD45, 3E6773, acte d’assemblée du 24 juin 1764.
  • 15 AD45, 50J 8, op. cit., mandement du 10 mars 1775, p. 19-20.
  • 16 Alain Cabantous, Histoire de la nuit, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 2009.
  • 17 BMO, Ms 1428, statut du 10 mai 1712, article X, fo 125 sq.

6L’horaire est en effet une composante majeure. En 1758, la procession de Notre-Dame-de-Recouvrance rencontre celle de Saint-Paul au cours du cheminement. Par assemblée du 4 juin, les habitants obvient à cet inconvénient, en inversant le sens du parcours et en fixant le départ à sept heures précises14. La concurrence entre les cortèges vient en effet entraver l’image de la piété urbaine. L’autorité ecclésiastique veille ainsi au bon ordonnancement des processions, y compris dans le cadre plus resserré de l’église. Ainsi, en 1775, les habitants de Saint-Donatien demandent-ils l’accord de l’évêque pour la fondation d’une procession du Très Saint-Sacrement à Pâques à 4 heures 30 du matin. L’ordonnance l’accorde sous condition qu’elle aura lieu à 5 heures 15 pour éviter de concurrencer celle de Sainte-Croix qui a lieu à 5 heures15. Le temps de Pâques est particulier et ouvre un nouvel espace à la vie religieuse, le temps nocturne16. Pourtant, cela reste exceptionnel. En effet, tous les processions et saluts doivent être finis assez tôt pour éviter les retours de nuit17. La procession est donc régie par un ordre temporel assez rigide afin d’éviter tout trouble. L’attention aux parcours est également très présente.

  • 18 AD45, 3E6765, assemblée du 11 juin 1747.

7Ainsi, les paroissiens de Notre-Dame de Recouvrance modifient le parcours de leur procession en 1747 pour « évitter à l’avenir le trouble et l’indécence qui a esté causée jeudy dernier au Vieux Marché de cette ville au sujet du tour que la procession du Saint-Sacrement doit faire18 ». Trouble que les sources ne permettent pas d’élucider. Le nouveau règlement trace un autre trajet et prévoit quatre reposoirs.

  • 19 AD45, Fonds paroissial de Saint-Donatien, 61J 5, Délibération des paroissiens de Saint-Donatien, a (...)
  • 20 AD45, 50J 8, op. cit., mandement du 7 août 1786, p. 284 sq.

8Nous retrouvons cet ordre urbain à Saint-Donatien19. La modification de parcours sollicitée en 1781 s’enracine dans l’étroitesse et la saleté des rues de la Courroierie et Pavé d’Andouille et veut déplacer la procession vers des axes mieux entretenus. L’évêque accepte par un mandement du 11 juin. Tout un ensemble de décisions conjointes vient renforcer ce déplacement, au nom du « bon ordre ». Au niveau paroissial, la procession est donc un facteur d’ordre et contribue à une construction de l’espace urbain. Celui-ci s’organise sous deux angles complémentaires : la beauté et la commodité. Les discussions autour des reposoirs de Saint-Paul nous ont montré la dimension esthétique. La notion de commodité s’impose elle dans les documents des années 1780. Le règlement édicté par l’évêque au sujet de l’usage des nouveaux cimetières de la ville en est une sorte de résumé, puisqu’il demande aux curés de mener les convois par les rues les plus commodes20.

  • 21 AD45, Archives communales d’Orléans, O Suppl. 15BB18, assemblée du 8 mai 1746, fo 175 ; O Suppl. 1 (...)
  • 22 Jacques Debal (dir.), Histoire d’Orléans et de son terroir, t. II : XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles (...)

9Le parcours du 8 mai élargit ces conclusions et souligne la construction par la procession d’un ordre urbain incarné dans la pierre21. En 1746, la municipalité se plaint de l’étroitesse des rues par lesquelles passe la procession et affirme « qu’il seroit convenable d’en abreger le cours pour la commodité de ceux qui la font, ou qui doivent y assister ». Le nouveau tracé avantage alors la rue Sainte-Catherine, au détriment des rues plus étroites et marque un axe rue de Bourgogne/rue Sainte-Catherine. En 1772, cette dernière est abandonnée au profit de la rue Royale, nouvellement percée et le long de laquelle se dressent les façades uniformes, emblème de l’urbanisme XVIIIe siècle à Orléans avec le nouveau pont qui enjambe la Loire, principale réalisation architecturale de la municipalité. De plus, le monument en l’honneur de Jeanne d’Arc y a été déplacé. Enfin, en 1785, les travaux des quais motivent un nouveau circuit qui évite les bords de Loire et les rues annexes au profit d’un axe unique rue de Bourgogne/rue Royale22. Le nouvel ordre urbain est ainsi résumé dans la jonction de l’axe romain (la rue de Bourgogne), par lequel l’héroïne de la journée est entrée, et le nouveau visage architectural de la ville.

  • 23 Ceci est notamment patent au cours des fêtes de canonisation. Pour une semaine, le couvent de l’or (...)

10Tout cortège est donc bien une reconstruction de l’ordre urbain et une hiérarchisation en son sein23. Par conséquent, la procession est à la fois une mise en ordre de l’espace urbain et une image de ce dernier. Seules les plus belles rues (encore embellies par les reposoirs) et les plus commodes peuvent servir de cadre au cortège et en expriment toute la portée. Dans cette volonté, transparaissent également d’autres motivations, notamment au cours de la procession du 8 mai porteuse du prestige de la ville. L’emprise du corps de ville sur les processions générales est en effet une dynamique essentielle.

La police de la procession et la naissance d’un ordre laïcisé

  • 24 AD 45, archives communales d’Orléans, O Suppl. 15D24B, 14 février 1791, fos 167-168.
  • 25 ADL, O Suppl. 15 D24A, Délibérations du Bureau et conseil municipal, assemblée du 7 mai 1790, fo 1 (...)
  • 26 Alain Duran, Noblesse et notabilités à Orléans au tournant des Lumières (vers 1780-1820), Thèse de (...)

11La réorganisation du parcours de la procession du 8 mai à l’époque révolutionnaire concrétise la mainmise municipale sur le cortège, dans un cadre apparemment stable. En 1791, en effet, « la municipalité considérant qu’il est bien nécessaire de conserver l’usage de ces processions qui doivent leur origine à la piété de nos ancêtres » adresse une requête à l’évêque pour les perpétuer24. Or, en 1790 l’initiative est prise de ne plus sortir par la porte sud mais au nord de la cathédrale en raison de l’affluence de la population et de l’étroitesse des rues des anciens quartiers, ce qui sacrifie l’axe ancien, au profit de la rue d’Escures et de la place du Martroi. Ce détournement s’explique par un souci esthétique et utilitaire, mais aussi et surtout politique, puisque en 1790 la municipalité s’installe sur ce parcours. Toutes les paroisses centrales de la ville sont ainsi évitées par ce dessin qui cerne un espace profane, en rupture définitive avec l’ancien tracé. Le 15 mars 1791, l’assemblée municipale décide que la procession de Quasimodo ne sera plus dirigée vers Notre-Dame-de-Recouvrance, comme décidé un an auparavant, mais vers Saint-Paterne par les rues de la Bretonnerie, Bannier et d’Escures, en raison de la beauté de ces rues25. Nous retrouvons dans ces nouveaux parcours le triangle d’or, défini par Alain Duran, celui des hôtels particuliers des grandes familles de la ville et de l’échevinage26. Par conséquent, le déplacement du parcours processionnel renvoie à un jeu de miroir social.

  • 27 Pour une image inversée, Paul d’Hollander, La Bannière et la rue. Les processions dans le Centre-O (...)
  • 28 La procession se déplace ainsi d’un clivage entre cérémonie religieuse et fête à une lecture polit (...)

12Dès lors, ce ne sont plus les enracinements historiques et religieux qui guident les cortèges, mais l’inscription de la déambulation municipale dans l’image d’un prestige urbain27. Cette primauté de l’expression du pouvoir de la Ville se marque dès 1790 dans une distinction entre les cérémonies dont les invitations sont faites par le corps municipal et celles où la Ville est invitée par les corps ecclésiastiques. Dans le premier cas, les notables doivent s’associer au Corps de Ville, pour fournir une image de l’unanimité, alors que dans le second, seul le Corps de Ville, symbole du pouvoir municipal, se déplace. Dès lors, les processions générales ne portent plus, selon nous, qu’une dimension politique et enregistrent une mutation déjà entamée avant 1789 dans les relations entre Ville et Évêché. Elles participent pleinement de la construction d’un ordre urbain laïcisé28.

  • 29 Cette reconstitution est permise grâce aux archives communales qui enregistrent précisément, et av (...)
  • 30 Cette dimension de solidarité face à une épreuve collective et de recours à la communauté est le s (...)

13En effet, la ville a la haute main sur l’organisation de ces processions générales. Or, dans les textes, l’organisation résulte d’une collaboration entre évêque et corps municipal. Tous les épisodes qui célèbrent l’unanimisme urbain soulignent une image d’entente et de coopération des deux corps. La procession du 8 mai en est un exemple connu dans lequel Ville et Église jouent pleinement leur rôle. Le Corps de Ville est ainsi présent aux matines de la veille tenues à la cathédrale, à la prédication et à la messe du jour même. Les variations de parcours qu’a connues cette déambulation sont également le fait d’une volonté commune que résument les livrets par la mention d’une demande des maire et échevins et une sanction par l’évêque. Dans les faits, la municipalité l’emporte, nous l’avons vu par les changements de parcours et l’affirmation du souci de prestige. Ces modifications successives enracinent la procession dans une lecture politique, du moins municipale. Nous retrouvons cet équilibre dans la procession de Saint-Aignan organisée en cas de besoins, essentiellement météorologiques. La tenue de neuvaines à Saint-Aignan marque également la complémentarité : l’initiative émane de la Ville qui demande au pouvoir ecclésiastique la tenue de la cérémonie29. Après accord de l’évêque, la Ville s’adresse aux chanoines de Saint-Aignan pour leur demander de mener la châsse à Saint-Laurent, lieu où le corps de l’évêque aurait été enterré. La procession ne se tient qu’après le mandement de l’évêque et l’invitation officielle faite par les chanoines. Ce jeu d’institutions et la dévotion de la population participent de la création d’une unanimité urbaine30. Dès lors, les deux pouvoirs semblent moins concurrents qu’associés dans ces deux temps forts, supports d’une dimension d’unanimité reconstruite pour le bien de la ville dans des moments de difficultés, vécus ou réactivés.

14De cette unité dépend l’efficacité de la demande et de la procession dans la lecture épiscopale. Le problème climatique est en effet une punition, un « signe du dérèglement des mœurs » (1713), une réponse « aux mauvaises dispositions de cœur » et « aux rechutes dans le péché » (1770) et appelle comme solution une réforme de vie et une pénitence réelle, seuls gages d’efficacité de la demande à saint Aignan.

  • 31 BMO, Ms 1428, mandement du 1er juillet 1719, fos 258-259.
  • 32 Idem, fos 256-257.

15Ainsi, en 1719, l’évêque précise que si les pluies tant attendues sont finalement venues, cela s’explique par une procession menée par « un concours édifiant dans cette pieuse et auguste cérémonie, une modestie exemplaire et une sainte émulation31 ». Les mandements épiscopaux replacent donc toujours la demande de la municipalité dans une lecture religieuse, comme l’explique très précisément le mandement du 10 juin 1719 qui rappelle la requête de la municipalité mais qui précise tout de suite que « au-delà de la procession » seules la foi et la soumission aux pasteurs porteront favorablement la prière32. Que ce soit en 1706 ou 1719, les textes font ressortir une très étroite collaboration, exprimée en termes différents dans les registres municipaux ou épiscopaux. Or, à partir de 1725, la procession disparaît pour 45 ans et revient en 1770 dans un climat de ferveur renouvelée.

16Pourtant, quelque chose change fortement au sein des cercles municipaux entre ces deux dates. Si les édiles continuent à assumer les frais de la cérémonie, celle-ci apparaît plutôt comme une mesure d’apaisement. Le procès-verbal mentionne une décision prise sous la pression populaire. En effet, au moment des neuvaines, « il se trouva dans l’église et dans le cloistre un grand concours de peuple qui demanda avec beaucoup d’instance et à grands cris et même quelques uns avec menace la procession de la châsse à Saint-Laurent ». De plus, l’officier municipal relie très nettement cette sollicitation au prix du grain qui a fortement augmenté. Nous sommes loin d’une ferveur partagée.

17Dans cette lecture, la procession devient une dimension d’ordre public et une distance apparaît. Les édiles ne croient plus aux vertus de la procession dans la demande de pluie. Au contraire, l’évêque continue d’interpréter la calamité en termes religieux. Dans une comparaison avec le Déluge, le mandement explique que l’aléa climatique est une punition et qu’il convient de faire appel à la miséricorde divine par la conversion sincère et un cœur contrit et docile. De ce fait, les processions générales attestent du mouvement de laïcisation, mais aussi du statut du religieux dans la société. Il est conservé dans sa forme, mais vidé de son contenu. La dimension strictement religieuse est inscrite dans une organisation politique.

18Dès lors, la lecture des processions souligne un équilibre de pouvoirs et la construction d’un ordre politique urbain et municipal que sanctionnait déjà le changement de parcours. La procession est un véritable enjeu politique, ce que confirme la Révolution, et une voie d’affirmation du pouvoir laïc face au clergé. Dans le même temps, la procession change de signification au sein même de la pastorale cléricale. Elle est de plus en plus régie par l’ordre et la moralisation qui l’emportent sur la ferveur, selon un net basculement de terminologie entre modestie et décence.

Une mise en ordre religieuse de la procession : de la modestie à la décence

  • 33 Cette dimension de reconstitution est pleinement illustrée par les cortèges consécutifs par exempl (...)
  • 34 Sur ce point, Louis Châtellier, La Religion des pauvres. Les sources du christianisme moderne, XVI(...)

19La procession est création ou reconstitution d’un ordre religieux33. Le cortège organisé dans la paroisse de Saint-Péravy-la-Colombe l’illustre totalement dans une recomposition de l’histoire du monde (annexe 2). Ce récit, teinté de la critique jansénisante à l’égard des manifestations baroques, n’enregistre pas moins la mise en ordre qu’opère la procession34.

  • 35 Bernard Dompnier (dir.), Les Cérémonies extraordinaires du catholicisme baroque, Clermont-Ferrand, (...)
  • 36 ADL, 3E 10976, assemblée du 12 juillet 1761.
  • 37 BMO, Ms1439, Lettres historiques et ecclésiastiques du diocèse d’Orléans, t. III, 20 juin 1761, p. (...)

20Celle-ci devient ainsi un enjeu, un marqueur de l’espace, objet d’une lutte entre les partisans d’une religion baroque et d’une emprise sur la rue et ceux qui veulent en limiter les excès35. Ainsi, à Saint-Sulpice, annexe de Saint-Maclou, selon une transaction de 1628, la procession du Saint-Sacrement s’inscrivait dans l’église. En 1745, plusieurs habitants sollicitent de l’évêque la permission de la faire dans le cloître, en raison de la quantité de spectateurs. En 1761, les notables concluent au manque de décence de la procession au sein du cloître et optent pour sa restriction à l’église, suivant les anciens usages. Toutefois, plusieurs habitants s’y opposent et assignent les marguilliers au bailliage. Une nouvelle assemblée est donc convoquée le 12 juillet. À cette occasion, le prieur-curé et la plupart des habitants se prononcent, contre les marguilliers, en faveur du trajet au sein du cloître et affirment que la procession s’est déroulée avec toute la décence nécessaire36. La rédaction même de l’acte témoigne d’une diversité nette. Le discours des marguilliers souligne l’indécence du cortège, le manque de titres, le seul souci d’une procession « plus pompeuse » comme motif d’une extension du parcours. Il alterne significativement les mots de « notables », réservé aux tenants du cortège dans l’église, et « d’habitants », qui s’y opposent. Les Lettres historiques du diocèse d’Orléans, écrit antijanséniste, expliquent ce clivage. Selon son auteur, les gagiers sont membres du parti et manifestent leur zèle pour une religion épurée de toute manifestation trop ostentatoire37. L’auteur précise que les marguilliers de Saint-Sulpice sont allés jusqu’à arracher les tapisseries et clouer la porte de l’église. Dès lors, il s’agit bien de l’affrontement de deux conceptions religieuses qui souligne l’attachement d’une partie de la population à une forme plus expressive, dans laquelle la procession revêt une importance toute particulière, enjeu d’ordre et de décence.

  • 38 BMO, Ms 1428, statut du 4 juin 1726, article IX, fos 331 sq.
  • 39 Idem, statut de 1707, article XVI, fos 38 sq.
  • 40 Ibid., statut du 26 mai 1716, article XII, fo 331 sq.

21De ce fait, la bonne tenue des processions a fait l’objet d’une attention constante des évêques orléanais selon trois axes nets : la défense de la procession comme acte religieux, la lutte contre la dissipation et la surveillance de l’attitude des ecclésiastiques. Dès le début du siècle, les statuts diocésains insistent sur l’obligation faite aux porteurs de dais des cortèges du Saint-Sacrement de communier38. Ceci renouvelle les préconisations faites en 1707 de n’accorder ce droit qu’aux « recommandables par leur piété » en faisant défense aux débauchés et aux non-pascalisants39. Cette mesure limitée aux porteurs de dais n’est qu’une composante de la mise en ordre religieuse de la procession. Les statuts de 1712 exigent ainsi la dévotion et la modestie, la séparation des hommes et des femmes et la nécessaire autorisation pour accomplir les parcours qui excèdent une lieue. Le texte vise à ôter les motifs de dissipation et de profanation du cortège, comme l’indique la demande de suppression des repas au cours de la procession du Saint-Sacrement en 1707. Nous pouvons en rapprocher la demande de prédication contre les assemblées des corps saints et les désordres qu’ils occasionnent dans les vendanges40. Par tous ces textes, l’évêque défend l’idée d’un cortège raccourci et fervent, véritable image de la piété en marche.

  • 41 ADL, Pièces imprimées, G2, 2 octobre 1777.
  • 42 Illustration de la distinction du sacré et du profane. Alain Cabantous, La Fête et le clocher, op. (...)

22Louis-Sextius Jarente de la Bruyère systématise ces mesures par son règlement de 1777, dans la mesure où « dans une grande partie des Paroisses de notre Diocèse, les Processions avoient dégénéré en des courses tumultueuses, dont les longueurs faisoient tout le mérite [...] qu’il y régnoit une confusion scandaleuse entre les personnes des deux sexes41 ». Le règlement remédie ainsi aux causes de la décadence (la longueur et la dissipation) par la réaffirmation du contrôle ecclésiastique, indispensable pour autoriser une procession, la limitation du parcours à une petite lieue inscrite dans les limites paroissiales (à l’exception des paroisses urbaines), afin d’éviter toute occasion de sociabilité festive, la séparation des sexes et l’appel au recueillement et à la décence concrétisée par l’absence des dépenses de bouche42. Les Rogations notamment doivent se plier à ces injonctions. La déambulation est ainsi inscrite entre deux messes. Ce texte opère donc bien une remise en ordre religieuse de la procession.

  • 43 BMO, Ms 1428, statut du 4 juin 1726, article X, fo 331 sq.
  • 44 Idem, mandement du 24 avril 1724, fo 298.
  • 45 BMO, Ms 733, op. cit., p. 144.

23S’y ajoute de ce fait une autre composante : celle de la participation des ecclésiastiques, générale et assidue. L’évêque y insiste à deux reprises. En 1726, il place l’oraison latine dans sa chapelle et avant la procession du synode afin d’obliger les prêtres à y assister43. De même, en 1724, l’évêque annonce une mission à Romorantin, ouverte par une procession du Saint-Sacrement à laquelle devront assister tous les ecclésiastiques de la région44. L’unité ecclésiastique est ici un renforcement de la dimension religieuse du parcours à laquelle les laïques sont très sensibles, comme le montre le drapier Pierre-Étienne Brasseux qui souligne en 1770, lors de la procession de saint Aignan, que « Tous les chapitres assisterent a la procession a lexception de celuy de Ste Croix qui voulut se distinguer et qui sattira les murmures de tout le peuple45 ». Là encore, Louis-Sextius Jarente de la Bruyère systématise cette attention.

  • 46 AD45, Fonds Jarry, 2J 1756, mandement du 21 mai 1760.
  • 47 BMO, H1429.5, 21 mai 1779.
  • 48 AD45, 50J8, op. cit., mandement du 6 juin 1789.
  • 49 AD45, G2, Imprimés.

24Dès 1760, il oblige les curés, vicaires d’Orléans et faubourgs d’être présents à la procession générale le jour de la Fête-Dieu en renouvelant un règlement de 1734. Dans ce même texte, il exhorte les paroissiens à y assister avec décence et dévotion et si possible avec des flambeaux46. Les deux composantes, laïque et ecclésiastique, de la procession sont ici conjointes. Enfin, en 1779, il édicte un règlement général destiné aux ecclésiastiques pour les processions générales d’Orléans47. Au nom de la décence, chapitres et communautés doivent assister au cortège jusqu’à sa fin, les curés d’Orléans et leur clergé doivent également être présents, tout comme les séminaristes. Le clergé doit montrer l’exemple. Ce texte est étendu à Meung en 1789 pour résoudre un usage contraire à la décence, à savoir que les clergés de la collégiale et de la paroisse se réunissent en chemin au lieu de partir ensemble, « c’est un relâchement des regles qui ne peut être justifié par aucune raison plausible48 ». Pourtant, cette volonté se heurte aux usages et privilèges. En 1780, le chapitre de Saint-Aignan fait publier un mémoire contre l’évêque et le chapitre Sainte-Croix au sujet de l’ordonnance de 177949. Les chanoines condamnent le droit accordé par l’évêque à Sainte-Croix de marcher à droite dans la procession. Un arrêt du 28 août confirme l’ordonnance de l’évêque et entérine l’ordre défini. Quoiqu’il en soit, nous voyons ici que la remise en ordre religieuse de la procession se heurte à la force de l’usage et du privilège. De Louis-Gaston Fleuriau à Louis-Sextius Jarente de la Bruyère, tout au long du XVIIIe siècle, la procession fait donc l’objet de la pastorale épiscopale qui l’ordonne, la recompose, la limite. Pourtant, la continuité n’est qu’apparente.

  • 50 Jean-Pierre Jessenne (dir.), Vers un ordre bourgeois ? Révolution française et changement social, (...)
  • 51 AD45, 50J 8, op. cit., mandements des 22 janvier et 20 août 1785, p. 258-259 et 273.

25D’une part, la place de la procession change. Elle ne constitue qu’une part de la pastorale de Louis-Gaston Fleuriau, beaucoup plus centrée sur la confrérie, alors que celle de Louis-Sextius Jarente de la Bruyère repose sur les processions, expression de l’Église en mouvement, dans le cadre privilégié de la paroisse et communion de tous les fidèles et du clergé dans un rite d’unité et d’ordre teinté de morale bourgeoise50. D’autre part, le statut de la procession, et donc son rapport à l’ordre, change. Au début du XVIIIe siècle, les actes épiscopaux se concentrent sur le religieux, alors que sous Louis-Sextius Jarente de la Bruyère la procession est inscrite étroitement dans la problématique de l’ordre urbain et de l’ordre public. La commodité devient la notion clé, comme l’a montré le transfert des cimetières. La paroisse Saint-Marceau en connaît une application concrète51. Alors que les habitants s’opposent au choix des chemins les plus courts pour mener les convois funéraires, l’évêque ordonne de les privilégier comme étant plus commodes dans la mesure où « sans aucun motif raisonnable on fait de longs circuits pour se rendre à l’église, circuits inutiles et le plus souvent à charge aux personnes qui accompagnent les corps morts ».

  • 52 Michel de Certeau, L’Écriture de l’Histoire, Paris, Gallimard, NRF, 1975, p. 164-171.
  • 53 AD45, 50J 8, op. cit., 12 avril 1783, p. 203-205 et 29 janvier 1785, p. 259-263.

26Nous sommes là pleinement dans le domaine de l’ordre public et retrouvons le passage décrit par Michel de Certeau, celui de la formalité des pratiques à l’éthique des Lumières où le modèle administratif laïc influence fortement la pratique religieuse et la politique épiscopale52. Le ton est très net à Beaugency. En 1783, les deux paroisses de la ville réclament une modification de l’ordre des processions de la vingtaine (25 avril au 5 mai) et de l’octave du Saint-Sacrement pour trois raisons. D’une part « actuellement elle est refroidie, puisque les jours non fêtés il ne se trouve à ces processions avec le clergé que quelques femmes et un nombre d’enfants ». D’autre part, la procession de la Fête-Dieu est trop longue « ce qui empêche les ouvriers des deux paroisses de s’occuper à leurs travaux ». Enfin, ils cherchent à « éviter les inconvéniens inséparables de telles processions et faire oublier cette expression triviale et impie de procession des trois bons dieux ». La solution est alors simple : concentrer la ferveur sur quelques cortèges seulement. Cette remise en ordre est complétée en 1785 au sujet des Rogations à la demande de l’Abbaye pour établir une organisation propice à la piété. L’évêque répond en insistant sur l’union du cortège et la nécessité des curés d’aller jusqu’à l’Abbaye53.

  • 54 AD45, Registres paroissiaux de la Chapelle-Saint-Mesmin, acte du 18 mai 1778.
  • 55 Il est ainsi possible de s’interroger sur la portée des réductions de parcours avancées par l’évêq (...)
  • 56 AD45, 50J 8, op. cit., mandement du 19 mars 1779, p. 131-132.
  • 57 Idem, 27 mars 1779, p. 132-133.

27En effet, le prélat participe pleinement à cette moralisation de la procession qui obéit aux impératifs de l’ordre urbain, tel que l’a défini la municipalité pour les cortèges du 8 mai. L’ordonnance de 1777 a ainsi motivé une forte réorganisation des parcours, notamment dans les paroisses rurales au moment des Rogations. Le 18 mai 1778, les curés des paroisses de la Chapelle-Saint-Mesmin, Ormes, Ingré et Saint-Jean-de-la-Ruelle réclament à l’évêque l’abolition de la réforme de l’année précédente et le rétablissement de « la liberté de joindre leurs prières comme par le passé et de célébrer les saints offices dans leurs paroisses respectives. Comme ils n’ont jamais rien aperçu de contraire à la décence de ces processions et qu’ils entrevoient beaucoup de mal du changement54 ». Cette doléance illustre un attachement à une pratique commune, facteur d’unité dans le cadre d’une sociabilité festive55. L’ordonnance s’accompagne en effet d’une normalisation qui rompt toutes les pratiques anciennes. Ainsi, les habitants de Saint-Pierre de Meung avaient-ils l’habitude d’aller à l’église de Messas le jour de la saint Jean-Baptiste selon un vœu immémorial. Or, à partir de 1779, le parcours s’arrête à la collégiale de Meung56. Les décisions suivantes sont à l’avenant. L’ordonnance de réglementation de la procession de Saint-Grégoire à Pithiviers témoigne de cette évolution. Le curé demande une permission spéciale suite au mandement de 177757. Or, l’évêque accepte ce maintien, mais aux conditions expresses de décence et au risque de suppression complète. Il précise ainsi que personne ne devra précéder la croix ou être à côté de la châsse. Les hommes devront défiler en ordre immédiatement après le clergé le long du chemin public et non dans les terres. Les femmes suivent dans le même ordre et dans une stricte séparation des deux sexes. Enfin, la procession ne doit pas servir de prétexte pour l’établissement de tentes et de débits de boisson ni de danses.

  • 58 « La modestie est la réflexion d’un cœur honnête, qui condamne son ambition et ses autres fautes, (...)
  • 59 Idem, article « décence », 4, p. 664.

28Ainsi, « considérant que dans le saint temps de Pâques ou la plupart auroient peut être deja satisfait a leur devoir paschal et les autres se disposeront a y satisfaire ils ne pourront montrer qu’un recueillement profond qui reglera tout leur exterieur ». C’est maintenant l’extérieur qui compte, l’image de la bonne tenue et de l’ordre moral. La logique laïque est ici reprise et amplifiée. Ce basculement s’illustre dans un changement de mot important. Sous Louis-Gaston Fleuriau, la procession doit se faire avec modestie, « modération de l’esprit » qui revêt une réelle dimension intérieure58. Par ce trait, elle se situe sur un autre plan que la décence et que la commodité affirmées par Louis-Sextius Jarente. Selon l’Encyclopédie, la décence « est la conformité des actions extérieures avec les lois, les coutumes, les usages, l’esprit, les mœurs, la religion, le point d’honneur, et les préjugés de la société dont on est membre59 ».

29De ce fait, il ressort nettement de tout ceci une dimension administrative et quasi policière qui vise à une procession type avec quelques principes : la séparation des sexes, celle du clergé et des laïcs, l’unité des ecclésiastiques dans le cortège, la hiérarchisation de la sainteté, la lutte contre les débordements profanes. Ces traits ne relèvent rien de nouveau, mais le ton même de ces actes et leur justification changent au profit d’une logique administrative et inscrivent cette lutte dans le cadre de l’ordre public, entendu comme mesure de préservation. Cette lutte contre l’indécence et les excès des processions affaiblit à terme le contenu même de cette dernière dont la dimension de sociabilité fait partie intégrante. Si, dans un premier temps, l’ordre religieux s’impose à la ville par l’organisation de processions extérieures et d’une emprise sur l’espace urbain, les valeurs de l’ordre urbain s’affirment et deviennent la règle d’organisation des processions.

  • 60 Pour une lecture de l’entrée des évêques d’Orléans, Gaël Rideau, « Ville et clergé dans la traditi (...)
  • 61 AD45, 2J 1748. Pour une lecture juridique de cet acte, Jacques-Yves Guérold, Le Droit de grâce des (...)
  • 62 Le marchand-drapier orléanais Pierre-Étienne Brasseux précise en 1753 que « Cest la derniere qui a (...)
  • 63 Lawrence Bryant, The King and the City in the Parisian royal Entry ceremony, Genève, Droz, 1986.

30Les cortèges relatifs aux entrées d’évêques sanctionnent cette évolution. La procession elle-même est une image de l’ordre urbain dans la structure du cortège, nous l’avons vu, mais aussi dans les étapes que doit accomplir l’évêque, témoignage de la prise de fonction au travers des relations avec les différents corps ecclésiastiques essentiellement60. L’un des fondements de son succès réside dans la libération des prisonniers détenus dans les prisons d’Orléans le jour du convoi. Cependant, ce modèle change brutalement au cours du XVIIIe siècle. Les attaques judicaires, anciennes, contre ce privilège se multiplient et se systématisent au cours du siècle. En 1734, une lettre circulaire du chancelier conteste la validité même du privilège face au peu de rigueur de son application et affirme que l’abolition des peines est un droit régalien. Cette première étape vise à circonscrire la portée du privilège, que la pratique a accrue de façon exponentielle. Un nouveau pas est franchi par l’édit de novembre 1753, en prévision de l’entrée de Louis-Joseph de Montmorency-Laval61. Le privilège est limité, au motif que l’usage n’est pas soutenu par des titres suffisants et en raison de l’absence de forme régulière. Le texte procède donc à une légalisation et à une limitation : l’intervention de l’évêque ne peut concerner que les crimes commis dans le diocèse et il ne peut s’agir que d’une demande d’intercession auprès du roi, en aucun cas d’une pleine grâce de l’évêque lui-même. Cette mainmise de la justice royale et la limitation subséquente du privilège relèvent de la reconstruction de l’ordre public et de l’équilibre des pouvoirs. Or, cette transformation vide en quelque sorte la procession de sa substance, ce qui se traduit de manière très concrète. En 1753, l’entrée n’a pas lieu, ou du moins pas avec le même lustre, car aucun récit ne nous est parvenu à ce sujet62. L’entrée des évêques d’Orléans s’inscrit ainsi dans la conjoncture globale des entrées victimes de la réaffirmation du pouvoir royal63.

  • 64 AD45, Registre des scéances de la municipalité de Chécy, 1791-an IV.

31Par conséquent, le rapport entre procession et ordre public s’enrichit. Non seulement, la première est un facteur de construction d’un nouvel ordre, mais les transformations de ce dernier ont de fortes conséquences sur le contenu même de la procession. À Saint-Sulpice en 1761, une mesure de police enferme la procession dans l’église et entraîne un dépérissement de son déroulement à terme. Cela est encore plus net pour la décision épiscopale de 1777. Au nom de l’ordre et de la décence, la procession change de nature et perd de sa vitalité, comme le montrent les sources paroissiales dans la décennie 1780. Cela ne signifie pas la disparition des processions, mais une banalisation, de l’ordre de la sociabilité, comme le souligne la situation de Chécy. Les processions font toujours l’objet de toutes les attentions. Le 17 juin 1791, afin de donner plus de splendeur à la procession du Saint-Sacrement, « qui se fait ordinairement extérieurement et avec la plus grande pompe », le corps municipal mobilise toute la garde nationale en armes. Toute l’octave est ainsi marquée par la présence d’au moins un détachement de ce corps mais dans une affirmation au moins égale du nouveau pouvoir municipal et de la ferveur religieuse64. Les entrées d’évêques sont elles victimes de la réaffirmation de l’ordre public à son plus haut niveau, la reprise du monopole judiciaire.

32La procession est porteuse, voire créatrice, d’ordre social, comme l’ont montré les querelles de préséances. Cependant, le rapport du cortège et de la mise en ordre ne s’arrête pas à ce simple lien. La procession contribue à l’ordre urbain, sur le plan immédiat de l’espace et de son organisation, de sa hiérarchisation, mais aussi sur le plan politique et de l’équilibre des pouvoirs. À Orléans, ce dernier atteste d’une certaine laïcisation et d’une emprise accrue de la municipalité dont témoignent d’autres aspects. Ceci fait donc apparaître un autre ressort de l’ordre, à savoir l’ordre religieux. Ce dernier ne disparaît pas, mais change de statut. Il n’est plus à part, mais intégré dans la définition large de l’ordre urbain ou de l’ordre public. Le mandement de 1777 manifeste ces mutations, puisque le discours strictement religieux s’accompagne de tonalités que n’aurait pas reniées la municipalité, comme les idéaux de décence et de dignité.

  • 65 Jacqueline Thibault-Payen a fait de cette initiative municipale une spécificité orléanaise, à la d (...)
  • 66 Ce constat dépasse Orléans puisque « malgré la complexité du tableau que nous avons tracé, une lig (...)

33Nous en retrouvons les échos dans la procédure de transfert des cimetières du centre ville à la suite de la déclaration du 10 mai 1776. La ville conduit les opérations en collaboration avec le pouvoir épiscopal65. Cependant, l’initiative échappe toujours à l’évêque. L’ordonnance épiscopale de 1786 ne fait ainsi que reprendre les articles proposés par le corps municipal et, surtout, sanctionne l’autorité des édiles sur les nouveaux enclos66. Au-delà de ces rapports institutionnels, le transfert des cimetières entérine également celui de compétence en cette matière de l’Église à la Ville : l’enclos, la profondeur et l’emplacement des fosses, l’organisation des convois, le prix sont définis par celle-ci. L’ordre urbain prend ici toute sa place, comme le montre l’exemple du cimetière de Notre-Dame-de-Recouvrance, pourtant situé hors les murs, fermé car il se situe dans la ligne d’une promenade publique et qu’il nuit au projet de décoration de la ville.

34Dès lors, les relations entre Église et élites laïques sur le plan de l’administration municipale sont à la croisée, d’une part, d’une rivalité d’institutions désormais commune également entre les corps laïques, et d’autre part, d’une volonté de réduire le rôle du clergé à sa seule dimension spirituelle et religieuse, élément essentiel de la redéfinition de l’ordre urbain au XVIIIe siècle.

Annexes

ANNEXE I. La procession comme image de l’ordre social : le convoi funéraire de Louis-Sextius Jarente de la Bruyère (1788)

– les soldats du guet et de la cinquantaine ;

– les pauvres de l’Hôpital général sur deux lignes dont 60 avec des flambeaux ;

– les pèlerins romains et de Saint-Jacques sur deux lignes avec leurs bâtons et le roi du bâton avec chasuble noir et blanc ;

– 12 sœurs de l’hôpital puis les frères ;

– les administrateurs du bureau de l’hôpital ;

– les Minimes, les Capucins, les Récollets, les Augustins, les Carmes anciens, les Prêcheurs avec leur croix ;

– le séminaire sur deux lignes ;

– les chantres et les bas-chœurs des paroisses ;

– les tonsurés, sous-diacres et diacres de la ville ;

– les vicaires et chapelains de l’Hôpital général et de l’Hôtel-Dieu ;

– les curés de la ville et de la campagne ;

– à droite : le bas-chœur et les chapelains de Sainte-Croix et l’Université ;

– à gauche : le bas-chœur et les chapelains de Saint-Aignan ;

– le chapitre Saint-Pierre-Empont sur deux lignes ;

– le chapitre Saint-Euverte sur deux lignes ;

– à droite : le chapitre de Sainte-Croix ; à gauche : le chapitre de Saint-Aignan ;

– le nouvel évêque d’Orléans avec sa crosse portant un crêpe et les gens de sa maison en grand deuil ;

– 7 jeunes ecclésiastiques du séminaire pour porter les chandeliers, la mitre, la croix pectorale, le cordon bleu et la crosse ;

– le corps porté par six religieux mendiants : trois prêcheurs, un augustin, deux récollets ; les carmes anciens avec des flambeaux ;

– les cordons tenus par les dignitaires de Sainte-Croix ;

– les officiers et domestiques du défunt en grand deuil ;

– la compagnie du guet, les officiers du bailliage et du bureau de l’Hôtel-Dieu ; à gauche : la cinquantaine, la Ville ;

– un détachement du guet et de la cinquantaine.

Source : Archives départementales du Loiret, Fonds de l’Évêché, 50 J 8, Registre des mandemens et ordonnances commencé le 28 mai 1774, mandement du 4 juin 1788, p. 323.

ANNEXE II. La mission comme reconduction de l’histoire sainte : la mission de Saint-Péravy selon une lettre de Robert-Joseph Pothier à Daniel Jousse (1739)

« Adam marchait à la tête de la procession : on avait choisi pour le représenter l’homme le mieux fait de la paroisse [...] ; il tenait à la main une grande branche d’arbre à laquelle on avait attaché cinq ou six pommes [...] ; venait ensuite une image de la Vierge portée sur un brancard par deux filles qui avaient chacune une grande nappe sur la tête en forme de voile et par dessus une couronne de fleurs et beaucoup de rubans. Suivaient 24 vierges, 12 petites de 9 à 10 ans et 12 grandes, de 15 à 20 ans [...] ayant également des couronnes de fleurs sur la tête. Venait ensuite saint Jean-Baptiste, couvert de peaux de moutons et tenant à la main une croix de bois ; il était suivi par les 11 apôtres, car on avait exclu Judas de la procession ; ces apôtres étaient vêtus d’aubes avec de grands rubans rouges passés en croix, par devant et par derrière [...]. Chacun, pour signifier l’apôtre qu’il représentait en particulier, portait à la main, quelque marque ; l’un portait une épée, l’autre une hache, un autre portait une scie [...]. Les apôtres étaient suivis du Saint-Sacrement portés sous un dais, à l’ordinaire. Ensuite venait la croix de la mission [...]. Elle était portée par les six derniers mariés de la paroisse, revêtus d’aubes et nuds-pieds. C’est dans cet ordre que la procession a été au lieu où la croix a été plantée au bruit de toute la mousqueterie du village. Le bon missionnaire vient apparemment de Flandre où l’on fait des processions beaucoup plus ridicules que celle-ci. Au ridicule près, tout s’est passé avec assez de dévotion. »

Source : Denis Lottin, Recherches historiques sur la ville d’Orléans depuis Aurélien, l’an 274, jusqu’en 1789, tome 2, De la Saint-Barthélemy à la Révolution, Orléans, Alexandre Jacob, 1837, p. 290-291.

Notes

1 Archives départementales du Loiret (AD45), Fonds Jarry, 2J 1748, Documents préparatoires pour le procès-verbal du 2 mars 1734.

2 Christian Jouhaud, « Imprimer l’événement. La Rochelle à Paris », dans Roger Chartier (dir.), Les Usages de l’imprimé, Paris, Fayard, 1987, p. 391.

3 Fanny Cosandey (éd.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, EHESS, 2005. Notamment l’article de Fanny Cosandey, p. 169-189.

4 AD45, Fonds de l’Évêché, 50J 8, Registre des mandemens et ordonnances commencé le 28 mai 1774, mandement du 4 juin 1788, p. 323.

5 Paul d’Hollander, La Bannière et la rue. Les processions dans le Centre-Ouest au XIXe siècle (1830-1914), Limoges, PULIM, 2003.

6 Des livrets régulièrement réimprimés permettent d’en saisir les évolutions. Ils sont tous intitulés Ordre de la Procession générale qui se fait tous les ans le huitième de May. Nous avons utilisé les éditions de 1718 (François Rouzeau), 1750 (Pierre Rouzeau), 1780 (Rouzeau-Montaut) et 1790 (Rouzeau-Montaut).

7 Bibliothèque Municipale d’Orléans (BMO), Ms 1428, Mandements de Mgr Fleuriau, statuts synodaux de 1711, fo 331 sq.

8 Nicolas Delamare, Traité de la police, Amsterdam, 1729, livre II, titre X, « des processions ».

9 Le vêtement en est une autre composante. En 1779, le drapier orléanais Pierre-Étienne Brasseux note que, pour la première fois, les membres du bailliage ont revêtu la robe rouge pour la grande procession des Carmes. BMO, Ms 733, Mémorial pour mes enfans, p. 430. Sur le rôle du vêtement dans ce contexte, Isabelle Paresys, « Le noir est mis. Les puys d’Amiens, ou le paraître vestimentaire des élites urbaines à la Renaissance », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 56-3, 2009, p. 66-91.

10 AD45, Fonds paroissial de Saint-Paul, 122J 6, Dossier sur les processions.

11 AD45, Fonds de l’Évêché, 50J 8, op. cit., mandement du 31 mai 1779, p. 135-136.

12 Idem, mandement du 18 septembre 1777, p. 110-112.

13 Gaël Rideau, De la Religion de tous à la religion de chacun. Croire et pratiquer à Orléans au XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 66.

14 AD45, 3E6773, acte d’assemblée du 24 juin 1764.

15 AD45, 50J 8, op. cit., mandement du 10 mars 1775, p. 19-20.

16 Alain Cabantous, Histoire de la nuit, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 2009.

17 BMO, Ms 1428, statut du 10 mai 1712, article X, fo 125 sq.

18 AD45, 3E6765, assemblée du 11 juin 1747.

19 AD45, Fonds paroissial de Saint-Donatien, 61J 5, Délibération des paroissiens de Saint-Donatien, assemblée du 10 juin 1781, fo 36 et Fonds de l’Évêché, 50J 8, op. cit., mandement du 11 juin 1781, p. 170.

20 AD45, 50J 8, op. cit., mandement du 7 août 1786, p. 284 sq.

21 AD45, Archives communales d’Orléans, O Suppl. 15BB18, assemblée du 8 mai 1746, fo 175 ; O Suppl. 15BB11, assemblée du 8 mai 1785, fo 65.

22 Jacques Debal (dir.), Histoire d’Orléans et de son terroir, t. II : XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles par Jean Vassort et Christian Poitou, Roanne, Horvath, Histoire des villes de France, 1982.

23 Ceci est notamment patent au cours des fêtes de canonisation. Pour une semaine, le couvent de l’ordre du nouveau saint est le centre de la vie religieuse et de l’espace de la ville. Toutes les paroisses, tous les ordres masculins, toutes les collégiales s’y rendent en procession à leur tour. Il en est de même pour les processions à saint Aignan qui viennent réclamer selon les cas un temps plus clément ou les pluies salutaires.

24 AD 45, archives communales d’Orléans, O Suppl. 15D24B, 14 février 1791, fos 167-168.

25 ADL, O Suppl. 15 D24A, Délibérations du Bureau et conseil municipal, assemblée du 7 mai 1790, fo 108 et O Suppl. 15 D24B, f ° 191.

26 Alain Duran, Noblesse et notabilités à Orléans au tournant des Lumières (vers 1780-1820), Thèse de Doctorat, Paris I, 2003, p. 190 sq.

27 Pour une image inversée, Paul d’Hollander, La Bannière et la rue. Les processions dans le Centre-Ouest au XIXe siècle (1830-1914), Limoges, PULIM, 2003, p. 113 sq.

28 La procession se déplace ainsi d’un clivage entre cérémonie religieuse et fête à une lecture politique de l’événement, manifestation de l’autorité laïque. Alain Cabantous, Entre fêtes et clochers. Profane et sacré dans l’Europe moderne XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 2002, p. 40-44.

29 Cette reconstitution est permise grâce aux archives communales qui enregistrent précisément, et avec continuité, les différentes éditions de la procession, mais jamais son parcours précis en raison de sa stabilité.

30 Cette dimension de solidarité face à une épreuve collective et de recours à la communauté est le soubassement habituel de toute dévotion collective. A. N. Galpern, The Religions of the People in 16th Century Champagne, Cambridge, University press, 1976, p. 69-94. Ces pratiques de recours sous forme de procession s’inscrivent également dans une logique topographique de « recharge sacrale » définie par Alphonse Dupront.

31 BMO, Ms 1428, mandement du 1er juillet 1719, fos 258-259.

32 Idem, fos 256-257.

33 Cette dimension de reconstitution est pleinement illustrée par les cortèges consécutifs par exemple aux actes iconoclastes ou encore par les processions parisiennes après la mort du duc de Guise. Olivier Christin, Une Révolution symbolique. L’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Paris, Éd. de Minuit, 1991 ; Denis Richet, « Politique et religion : les processions à Paris en 1589 », De la Réforme à la Révolution : études sur la France moderne, Paris, Aubier, 1991, p. 69-82 ; Denis Crouzet, Les Guerriers de Dieu. La violence au temps des guerres de religion, Seyssel, Champ Vallon, 1990.

34 Sur ce point, Louis Châtellier, La Religion des pauvres. Les sources du christianisme moderne, XVIe-XIXe siècles, Paris, Aubier, 1993, p. 270-276.

35 Bernard Dompnier (dir.), Les Cérémonies extraordinaires du catholicisme baroque, Clermont-Ferrand, PU Blaise Pascal, 2009.

36 ADL, 3E 10976, assemblée du 12 juillet 1761.

37 BMO, Ms1439, Lettres historiques et ecclésiastiques du diocèse d’Orléans, t. III, 20 juin 1761, p. 15-18.

38 BMO, Ms 1428, statut du 4 juin 1726, article IX, fos 331 sq.

39 Idem, statut de 1707, article XVI, fos 38 sq.

40 Ibid., statut du 26 mai 1716, article XII, fo 331 sq.

41 ADL, Pièces imprimées, G2, 2 octobre 1777.

42 Illustration de la distinction du sacré et du profane. Alain Cabantous, La Fête et le clocher, op. cit. et Georges Provost, La Fête et le sacré. Pardons et pèlerinages en Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Cerf, 1998.

43 BMO, Ms 1428, statut du 4 juin 1726, article X, fo 331 sq.

44 Idem, mandement du 24 avril 1724, fo 298.

45 BMO, Ms 733, op. cit., p. 144.

46 AD45, Fonds Jarry, 2J 1756, mandement du 21 mai 1760.

47 BMO, H1429.5, 21 mai 1779.

48 AD45, 50J8, op. cit., mandement du 6 juin 1789.

49 AD45, G2, Imprimés.

50 Jean-Pierre Jessenne (dir.), Vers un ordre bourgeois ? Révolution française et changement social, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.

51 AD45, 50J 8, op. cit., mandements des 22 janvier et 20 août 1785, p. 258-259 et 273.

52 Michel de Certeau, L’Écriture de l’Histoire, Paris, Gallimard, NRF, 1975, p. 164-171.

53 AD45, 50J 8, op. cit., 12 avril 1783, p. 203-205 et 29 janvier 1785, p. 259-263.

54 AD45, Registres paroissiaux de la Chapelle-Saint-Mesmin, acte du 18 mai 1778.

55 Il est ainsi possible de s’interroger sur la portée des réductions de parcours avancées par l’évêque en 1777 sur la vitalité paroissiale dans les campagnes. Les contestations des curés de l’ouest orléanais semblent ouvrir sur une interrogation plus vaste, à savoir l’effet déstabilisateur de la réforme épiscopale motivée par un souci d’ordre, faut-il le rappeler.

56 AD45, 50J 8, op. cit., mandement du 19 mars 1779, p. 131-132.

57 Idem, 27 mars 1779, p. 132-133.

58 « La modestie est la réflexion d’un cœur honnête, qui condamne son ambition et ses autres fautes, indépendamment de la censure d’autrui. Il me paroît de-là qu’un homme véritablement modeste, l’est aussi bien lorsqu’il se trouve seul qu’en compagnie [...]. La modestie est blessée dans la recherche outrée des honneurs, dans l’appréciation orgueilleuse de ses talents, dans l’indécence de l’extérieur ». Encyclopédie ou Dictionnaire raisonnée des Sciences, des arts et des métiers, 3e édition, Genève, Jean-Léonard Pellet, 1779, article « modestie ».

59 Idem, article « décence », 4, p. 664.

60 Pour une lecture de l’entrée des évêques d’Orléans, Gaël Rideau, « Ville et clergé dans la traditionnelle entrée des évêques d’Orléans (XVIIe-XVIIIe siècles) », dans Noëlle Dauphin, Jean-Pierre Guilhembet, Françoise Michaud-Fréjaville (dir.), Entrer en ville, actes du colloque d’Orléans (26-27 octobre 2001), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 245-266. Pour un autre exemple, Stéphane Gomis, « Les entrées solennelles des évêques dans la France des XVIIe et XVIIIe siècles », dans Bernard Dompnier (dir.), Les Cérémonies op. cit., p. 509-524.

61 AD45, 2J 1748. Pour une lecture juridique de cet acte, Jacques-Yves Guérold, Le Droit de grâce des évêques d’Orléans, Orléans, thèse de Doctorat, 1969.

62 Le marchand-drapier orléanais Pierre-Étienne Brasseux précise en 1753 que « Cest la derniere qui ait eté faite avec toutte la pompe et tous les privileges », BMO, Ms 733, op. cit., p. 23.

63 Lawrence Bryant, The King and the City in the Parisian royal Entry ceremony, Genève, Droz, 1986.

64 AD45, Registre des scéances de la municipalité de Chécy, 1791-an IV.

65 Jacqueline Thibault-Payen a fait de cette initiative municipale une spécificité orléanaise, à la différence de la procédure initialement prévue, beaucoup plus favorable aux autorités judiciaires. Les Morts, l’Église et l’État dans le ressort du Parlement de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Fernand Lanore, 1977, p. 280-281.

66 Ce constat dépasse Orléans puisque « malgré la complexité du tableau que nous avons tracé, une ligne de crête se dégage : l’érosion certaine du pouvoir épiscopal », idem, p. 357.

Auteur

Maître de conférences en Histoire moderne à l’université d’Orléans et membre du Savours (EA 3272). Ses recherches portent sur l’étude des relations entre le religieux et la sphère politique au XVIIIe siècle, notamment dans le cadre municipal, et sur les évolutions des pratiques religieuses. Il a notamment publié De la religion de tous à la religion de chacun. Croire et pratiquer à Orléans au XVIIIe siècle (PUR, 2009) et a dirigé un numéro de la revue Parlement (s) consacré à « Clergé et politique en France (XVIe-XIXe siècles) » en 2010.

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