Chapitre VIII. L’importance de Nantes dans l’activité des ports environnants
p. 251-272
Texte intégral
1Il convient maintenant de renverser l’analyse et de s’intéresser à la place de Nantes dans l’activité globale des ports situés à proximité. Une analyse peut être proposée grâce aux données quantitatives des sièges d’amirauté installés dans ces ports, en étudiant l’importance de la destination nantaise. Toutefois, à la différence du port de Nantes pour lequel les registres d’amirauté sont surabondants au XVIIIe siècle, tous les havres de la proche façade atlantique ne disposent pas d’un greffe d’amirauté. Les havres inclus dans l’espace considéré dépendent de trois sièges d’amirauté : Vannes, Nantes et Les Sables-d’Olonne.
2Le ressort de l’amirauté de Vannes comprend
« toutes les costes de l’Evesché du mesme nom et les isles adjacentes de Groix, Bel Isle, Houät, Hoëdic en mer, et celles d’Ars et des Moines dans le Mor-Bian ou la baye de Vannes, ce qui forme l’etendue des departemens de Vannes et de Port Louis dans lesquels se trouvent les quartiers des Classes de Vannes, de Port Louis et de Bel Isle en Mer1 ».
3Elle s’étend sur la portion de littoral allant de l’embouchure de la Laïta à la Vilaine, jusqu’au port de Redon. En avril 1782, un siège d’amirauté est implanté à Lorient, avec une juridiction allant de la Laïta à la rivière d’Etel, en englobant l’île de Groix2. Parmi les sièges « obliques » de l’amirauté de Vannes, on retrouve des bureaux à Redon, Vieille-Roche, Muzillac et Billiers, Penerf, Port-Navalo, l’île-aux-Moines, Locmariaquer, Auray, Carnac, Quiberon, Belle-Île (sert aussi pour les îles de Houat et Hoëdic), Port-Louis (supprimé en 1785) et Hennebont.
4Le siège nantais englobe
« toutes les costes maritimes du comté nantois et celles dus duchez ou baronnie de Retz, et de Coislin, enclavés dans l’Evesché de Nantes et qui forme l’etendue du departement de Nantes, où se trouvent les quartiers des Classes du Croisic, de Nantes, de Paimbeuf, et de Bourgneuf3 ».
5Le descriptif signale un conflit de juridiction entre les officiers de l’amirauté de Nantes et ceux de Vannes. Selon les prétentions des premiers, leurs prérogatives s’étalent
« depuis Messac à la rive sud-est de la Vilaine descendant ladite riviere par la Roche Bernard jusques à la pointe de Penestin au sud qui forme l’entrée de la Vilaine à l’ouest. Cependant au egard aux termes de l’ordonnance les officiers de l’amirauté ne devroient comencer leur ressort qu’au Port de la Roche vis à vis Langon où la marée se fait sentir ».
6Des commis sont établis dans les ports obliques suivants : La Roche-Bernard, Mesquer, Le Croisic, Le Pouliguen, Saint-Nazaire, Paimbœuf, Le Pellerin, Pornic et Bourgneuf.
7Enfin, le siège des Sables-d’Olonne contient
« toutes les costes maritimes de la province du Poitou et s’étend allant du nord à l’ouest depuis la rive du sud-est du canal qui forme le Port de la Roche jusques et compris la partie de la ville de Marans qui se trouve à la rive du nord de la riviere de Sevre4 ».
8Le problème majeur est la conservation des archives de ces ports. De nombreuses lacunes sont à déplorer. S’agissant, par exemple, des greffes « obliques » du siège de l’amirauté de Nantes, quasiment aucun registre ne couvre la seconde moitié du XVIIIe siècle. De plus, les fonds du greffe établi à Mesquer ne sont pas déposés aux Archives départementales de la Loire-Atlantique5. Dans le cas de Vannes, très peu de registres portuaires sont parvenus jusqu’à nous. Quant aux fonds de l’amirauté du Poitou, dont le siège était installé aux Sables-d’Olonne, nous l’avons déjà signalé, ils ont très majoritairement disparu.
9Dans le cadre de ce développement, les situations des ports de Hennebont, Vannes, La Roche-Bernard, Mesquer, Le Croisic, Le Pouliguen et Bourgneuf sont successivement examinés. L’objectif de cette présentation est de donner des éclairages ponctuels sur les départs d’embarcations de ces ports en direction de Nantes et de déterminer, dans la mesure du possible, la place de ce trafic dans leurs mouvements d’ensemble.
Hennebont : de l’aire portuaire de Nantes au complexe portuaire lorientais
10Pour Hennebont, nous disposons de quelques registres du greffe d’amirauté établi dans ce port sont de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle, qui ont donné à une étude dont sont tirés le tableau 21 et le graphique 106.

Tableau 21 – Congés du port de Hennebont de 1697 à 17137.
11Au total, 2 760 congés, représentant 46 767 tx, sont délivrés au greffe d’Hennebont entre le 15 avril 1697 et le 5 octobre 1713, soit une moyenne annuelle de 162 enregistrements pour un tonnage de 2 751 tx8. Les oscillations du trafic sont en relation avec le contexte international : les périodes d’essor se situent dans les années de paix entre la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697) et la guerre de Succession d’Espagne (1702-1713). Par ailleurs, le trafic augmente de manière importante à partir de 1708, pour atteindre son maximum en 1709, année du terrible hiver, la région d’Hennebont, et plus largement la Bretagne, étant alors relativement épargnées par rapport à l’intérieur du royaume.
12Le commerce des grains est le premier trafic hennebontais. Deux périodes sont à distinguer de 1697 à 1708, les exportations de blés sont très fluctuantes d’une année à l’autre (98 % du nombre de bateaux en 1704, 48 % en 1705 et 26 % en 1706) ; ensuite, de 1709 à 1713, les départs de céréales représentent l’immense majorité des congés. Il s’agit avant tout de seigle : 24 465 tx contre 848,5 tonneaux de froment et seulement 214,5 tonneaux pour les autres grains (avoine, orge, blé noir, méteil)9.

Graphique 10 – Tonnage total des bâtiments recevant des congés à Hennebont de 1697 à 1713.
13De 1697 à 1713, la destination essentielle est Nantes qui, reçoit 18 780 tx de seigle, soit 76,8 % du tonnage total de cette céréale au départ d’Hennebont ; le deuxième port réceptionnaire est Bordeaux, à un niveau très inférieur : 3 940 tonneaux, soit 16,1 % du tonnage total10. La forte attraction de Nantes tient à la nature même des produits envoyés et au rôle de la cité ligérienne en tant que principal marché aux grains de la province de Bretagne11. En outre, les aspects législatifs et le contrôle exercé par les autorités sur le commerce des grains doivent également être pris en considération, en particulier la limitation des exportations de céréales vers l’étranger et même en direction des autres provinces du royaume. Hennebont est l’une des composantes de l’aire portuaire de Nantes au début du XVIIIe siècle.
14Les entrées du port d’Hennebont révèlent la supériorité quantitative du vin de Bordeaux par rapport au vin venu de Nantes. Sur 431 arrivées d’embarcations entre 1700 et 1705, 200 cargaisons sont composées au moins en partie de boissons et d’alcools (vin, eau-de-vie, cognac et cidre) ; le vin représente à lui seul 187 chargements12. Les vins de Bordeaux et de l’estuaire de la Gironde représentent 44,9 % des entrées contre 21,4 % pour les vins venus de Nantes. Cependant que certains vins de Bordeaux peuvent avoir été chargés à Nantes après avoir été acheminés depuis la Gironde.
15Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les entrées du port de Nantes en 1772 attestent la baisse des arrivées en provenance du site du Blavet (7 unités totalisant 299 tx contre 40 et 838 tx en 1702). L’année 1769 confirme cette tendance avec 14 entrées, 6 caboteurs partis de Lorient et 4 du Port-Louis apportent également des céréales, ce qui conduit à nuancer l’impression de réduction de la contribution des ports du Blavet à l’approvisionnement de la cité ligérienne. En dépit de cette nuance, l’attraction de Nantes sur Hennebont cède la place à celle de Lorient13. En 1766, les édiles de Hennebont le soulignent en affirmant que leur ville
« a été de tout temps commerçante mais que son commerce se trouve journellement diminué par la proximité de Lorient […]. Ces trois villes (Lorient, Port-Louis et Hennebont) ayant la même embouchure à la mer n’ont été regardées que comme un seul et même port14 ».
L’activité du port de Vannes : une influence nantaise sensible
16À partir des années 1730, Vannes est le deuxième port exportateur de céréales de la province de Bretagne, très loin cependant derrière Nantes15. Pendant la décennie précédant la Révolution, l’administration royale y suppute des expéditions annuelles moyennes d’environ 4 000 à 5 000 tx de seigle et de froment, soit environ 69 000 à 86 000 hectolitres16, d’une valeur moyenne de 800 000 l. à 1 000 000 l., la production céréalière dans le Vannetais s’étant accrue entre la décennie 1720-1729 et celle de 1780-178917.
17Les archives de Vannes conservées ne comptent qu’un seul registre de rapports des capitaines et maîtres de barques couvrant les années 1780 à 178618. Le tonnage total des entrées dans le port de Vannes entre janvier 1781 et janvier 1786 est de 31 513 tx pour 1 386 déclarations, soit une moyenne d’environ 25 tx par embarcation19. L’étude des provenances des embarcations met en évidence l’importance de la cité ligérienne : 39 % des arrivées viennent de Nantes (538 bâtiments sur 1 386). 80 % des cargaisons de Nantes sont composées de vins en provenance du vignoble nantais mais également de la région de Bordeaux et de la Gascogne redistribués par l’intermédiaire de négociants du port ligérien20. Ces chiffres globaux masquent de profondes disparités en fonction des années. Ainsi, de 1781 à 1784, les entrées en provenance de Nantes chutent de manière très nette, de 142 à 50. Les mauvaises récoltes et les descentes des Anglo-normands le long de la côte sud de la Bretagne expliquent cette baisse.
18Les rapports des capitaines et maîtres de barques faits à Vannes, à défaut des congés délivrés, attestent de l’importance des relations entre le port du golfe du Morbihan et la cité ligérienne. En 1772, l’absence d’envois de céréales vers Nantes résulte d’un accident conjoncturel. Durant la décennie 1780, le trafic se maintient en volume (plus de 2 800 tx).
19Pour les caboteurs de l’amirauté de Vannes, les registres de réception des maîtres de barques permettent de connaître leurs destinations pour les années 1720-1725 à 175121. Lors de leur admission à la maîtrise, les candidats doivent justifier de 48 à 60 mois de navigation sur des bâtiments marchands. Un corpus de 4 886 destinations a été établi. Elles se répartissent tout le long de la façade occidentale du continent européen, mais avec une fréquence vers Nantes et Bordeaux22. La cité ligérienne arrive en tête avec 900 mentions (18,4 %), talonné par Bordeaux avec 874 citations (17,9 %). Ces deux destinations cumulent 36,3 % des voyages et témoignent d’une orientation du cabotage de l’amirauté vers le sud. Arrivent ensuite Port-Louis (281 occurrences auxquelles il est possible d’ajouter 8 mentions pour Lorient et 3 pour Hennebont), la rivière de Seudre (193 citations auxquelles on peut additionner les 170 de Marennes), Bayonne et Saint-Jean-de-Luz (respectivement 217 et 66 occurrences), Brest (143 cas), Rochefort (134 mentions). Soulignons l’importance des ports situés entre Brest et Saint-Jean-de-Luz dans les destinations et le caractère « court rayon » du cabotage pratiqué par les marins de l’amirauté de Vannes.
20Ces résultats paraissent nuancer l’idée d’une domination nantaise exercée sur cet espace. Cependant, notre source révèle avant tout les activités des bâtiments et non les mouvements portuaires ; certains ports du golfe du Morbihan disposant de leurs flottilles de services.
21En toile de fond, se pose la question de la place relative de Vannes qui au XVIIe et XVIIIe siècle « fut une petite ville, en train de rétrécir, en terme relatifs et absolus, dans le réseau urbain breton23 ». D’un point de vue maritime, l’élévation en 1782 de Lorient au rang de siège d’amirauté porte un coup au contrôle administratif que Vannes devait exercer sur l’ensemble du diocèse. Cette décision, évoquée dès le début du XVIIIe siècle, a donné lieu à de vives polémiques entre les deux ports. Force est de constater que le développement du pôle lorientais rétrécit l’influence de la ville de Vannes, déjà touchée par le retour du Parlement de Bretagne à Rennes, après une période d’exil, et la sédentarisation des États provinciaux dans cette ville au XVIIIe siècle. La ville de Lorient compte 18 000 habitants en 1790 contre un peu plus de 9 000 à Vannes24.
La Roche-Bernard : lieu d’escale entre Nantes et Redon
22Au XVIIIe siècle, le greffe de La Roche-Bernard est le plus occidental de l’amirauté de Nantes. Il est situé sur la Vilaine, dont l’essentiel du bassin relève de l’amirauté de Vannes. Ce découpage spatial n’est pas sans poser des difficultés pour appréhender les relations entre Redon, port dominant de la Vilaine, considéré comme l’avant-port de Rennes, et La Roche-Bernard, gardien de l’entrée de la rivière.
23Pas moins de sept registres de rapports et de congés ont été conservés. Ils couvrent la période 1698 à 1756 avec deux lacunes : les années 1708 à 1723 et 1730 à 1734. D’autre part, les cahiers ne couvrent pas systématiquement les entrées et les sorties. Trois sondages ont été réalisés en s’intéressant aux départs de bâtiments : les années 1703 et 1704 ; les années 1725 à 1727 ; enfin, 1750 à 175225 (tableau 22).
Années | Nombre de départs | Tonnage (en tonneaux) |
1703 | 47 | 1 114 |
1704 | 42 | 642 |
1725 | 64 | 1 667 |
1726 | 56 | 1 314 |
1727 | 67 | 1 132 |
1750 | 91 | 2 150 |
1751 | 94 | 2 120 |
1752 | 108 | 2 220 |
Tableau 22 – Sorties d’embarcations du port de La Roche-Bernard en 1703, 1704, 1725 à 1727 et 1750 à 1752.
En 1703, le tonnage de six bâtiments n’était pas indiqué. Dans le calcul du tonnage total, le tonnage moyen des 41 autres unités leur a été affecté, soit 24 tx.
En 1704, le tonnage de deux bâtiments n’était pas indiqué. Dans le calcul du tonnage total, le tonnage moyen des 40 autres unités leur a été affecté, soit 15 tx.
En 1726, le tonnage d’un bâtiment n’était pas indiqué. Dans le calcul du tonnage total, le tonnage moyen des 55 autres unités lui a été affecté, soit 23 tx.
En 1727, le tonnage d’un bâtiment n’était pas indiqué. Dans le calcul du tonnage total, le tonnage moyen des 66 autres unités lui a été affecté, soit 17 tx.
En 1750, le tonnage d’un bâtiment n’était pas indiqué. Dans le calcul du tonnage total, le tonnage moyen des 90 autres unités lui a été affecté, soit 24 tx.
24Le tableau met en évidence la croissance des départs à partir du port de La Roche-Bernard entre les années 1720 et le début de la décennie 1750. Le tonnage total des embarcations quittant le site croît également de manière significative : très variable entre 1725 et 1727 (entre 1 100 et 1 600 tx), il est supérieur à 2 100 tx pour chacune des trois années dépouillées ensuite. Il faut peut-être y voir le signe du développement du port et plus globalement de l’ensemble des havres de la Vilaine au XVIIIe siècle.

Tableau 23 – Principales destinations des embarcations au départ de La Roche-Bernard en 1703, 1704, 1725 à 1727 et 1750 à 1752.
Le tonnage total des années 1703-1704 est de 1 756 tx, celui des années 1725 à 1727 de 4 113 tx, enfin celui des années 1750 à 1752 de 6 490 tx.
25La présentation des principales destinations souligne le caractère de proximité de la navigation pratiquée par les bâtiments quittant La Roche-Bernard. Les ports localisés du golfe du Morbihan jusqu’à l’embouchure de la Loire attirent la majorité des embarcations. Les liens entre La Roche-Bernard et Redon se renforcent au cours de ce premier XVIIIe siècle (13,2 % du tonnage total en 1703-1704, 21,6 % en 1725-1727, 33,2 % en 1750-1752), alors que les départs en direction de Nantes diminuent. Le décrochage intervient entre les années 1703-1704 (46 % du volume global) et 1725-1727 (8,2 %). Cependant, ces valeurs sont à nuancer ; les déclarations enregistrées au greffe montrent la place importante des déchargements en deux temps (les maîtres signalent le dépôt d’une partie de leur cargaison à l’entrée de la rivière puis se rendent ensuite à Redon avec le reste de leur chargement) et il n’est pas sûr que les sites d’où arrivent les bateaux soient systématiquement indiqués. Quoi qu’il en soit en 1750, 37 mentions (559 tx) sur 91 précisent que les bâtiments transportent du vin nantais. En 1751, l’origine du vin n’est pas toujours donnée, rendant cette évaluation délicate. En 1752, quelque 32 maîtres sur 108 (pour 465 tx) attestent venir de Nantes. Les chargements sont très largement composés de vin mais également de tuffeaux et de chaux. Manifestement, les relations entre La Roche-Bernard et Nantes sont sous-estimées par la présentation des sorties de ce havre.
26Les cargaisons destinées à la cité ligérienne sont presque exclusivement faites de céréales en 1703-1704. La Roche-Bernard exporte les productions de grains du bassin de la Vilaine. Les autres années, quelques chargements de seigle côtoient ceux de bois et de feuillards. Un nombre non négligeable de bateaux partent également à vide. Ils sont huit pour 86 tx en 1751 et sept totalisant 90 tx en 1752.
27À ces relations vers Nantes, il convient d’ajouter celles vers Paimbœuf entre les années 1720 et 1750, qui portent essentiellement sur des « feuillards ». Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, les ports de la Vilaine continuent leur développement, dynamisés par la montée en puissance de Redon. Les allers-retours avec Nantes augmentent : en 1772, 19 arrivées (648 tx) proviennent de La Roche-Bernard et surtout 67 (2 091 tx) de Redon. La faiblesse des relations entre La Roche-Bernard et le pôle Lorientais est à souligner dans la première moitié du siècle. Pourtant, la Compagnie des Indes entretient des rapports réguliers avec les fournisseurs et producteurs bretons de bois, surtout de la région de Redon26. Sans doute que les relations entre Redon et Lorient se font directement sans que La Roche-Bernard y soit associée, ayant pour résultat que cette zone appartienne également à l’aire portuaire lorientaise27.
Mesquer : un port du pays guérandais davantage tourné vers Redon que vers Nantes au début du XVIIIe siècle
28Deux registres de congés délivrés aux capitaines de navires et maîtres de barques du greffe d’amirauté de Mesquer, ont été consultés. Le premier débute le 26 janvier 1704 et s’achève le 10 mai 1716 ; le second commence le 8 mai 1706 pour se terminer le 12 septembre 1715. En fait, le premier cahier couvre les périodes du 26 janvier 1704 à 8 mai 1706 et de septembre 1715 à mai 1716. Il est possible de présenter des départs de Mesquer de 1704 à 1715. Un sondage couvrant les années 1704, 1705 et 1706 a été effectué.

Tableau 24 – Sorties d’embarcations du port de Mesquer en 1704, 1705 et 1706 d’après les registres du greffe d’amirauté établi sur place.
En 1704, le tonnage d’un bâtiment n’était pas indiqué. Dans le calcul du tonnage total, le tonnage moyen des 181 autres unités lui a été affecté, soit 19 tx.
En 1705, le tonnage d’un bâtiment n’était pas indiqué. Dans le calcul du tonnage total, le tonnage moyen des 174 autres unités lui a été affecté, soit 20 tx.
En 1706, le tonnage de trois bâtiments n’était pas indiqué. Dans le calcul du tonnage total, le tonnage moyen des 200 autres unités leur a été affecté, soit 17 tx.
29Les congés délivrés témoignent d’une relative régularité du trafic. Le tonnage total se situe autour de 3 500 tx par an. Le nombre de congés est légèrement inférieur à 100 en 1710 et dépasse à peine les 70 en 1711.
30Les embarcations partent très majoritairement avec du sel. Les bâtiments ne déclarant que ce produit comme chargement représentent 94,4 % du tonnage total des départs en 1704, 95,1 % en 1705 et 88,8 % en 1706. Cette légère inflexion correspond à une augmentation des cargaisons de vin. En ce qui concerne les destinations de ces bâtiments, la domination de Redon est sans appel. Le port de la Vilaine attire 148 bâtiments (2 833 tx) en 1704, 127 (2 542 tx) en 1705 et 267 (2 897), soit respectivement 80,7 %, 72,5 % et 84,4 % du volume total des départs. Nantes arrive très loin derrière : 6 bateaux (149 tx) en 1704, 16 (378 tx) en 1705 et 4 (68 tx) en 1706. Ces résultats sont conformes aux données des entrées du port de Nantes en 1702 : 15 unités (310 tx). Le port de Mesquer au début du XVIIIe siècle est sous la domination de Redon.
31Il est difficile d’extrapoler l’évolution du mouvement de ce port dans la seconde moitié du XVIIIe siècle en l’absence de cette source locale. Les entrées du port de Nantes de 1772 suggèrent un renforcement des liens avec la cité ligérienne (26 bateaux et 600 tx).
Le Croisic et Le Pouliguen : une influence directe de Nantes limitée
32Pour le XVIIIe siècle, douze registres du greffe d’amirauté installé du Croisic sont conservés. Ils s’étendent de 1720 à 1762, avec une lacune entre 1729 et 1735. Sur la même période, douze registres du greffe établi au Pouliguen sont parvenus jusqu’à nous. Ils couvrent les années 1717 à 1756, avec une lacune entre 1728 et 174128. Dans les deux cas, les cahiers ne couvrent pas systématiquement les entrées et les sorties. Cette présentation est davantage fondée sur les sources du Pouliguen. Deux périodes de sondages ont été retenues pour les départs du Pouliguen : les années 1723, 1724, 1725 et 1748, 1749, 175029.

Tableau 25 – Sorties d’embarcations du port du Pouliguen en 1723, 1724, 1725 et 1748, 1749, 1750, d’après les registres du greffe d’amirauté établi sur place.
33Une progression du nombre de congés et du tonnage total des embarcations sorties du Pouliguen est observable entre les deux périodes de sondages30. On passe de 7 000 à 7 500 tx dans les années 1720 à 8 500 à 10 000 tx à la fin des années 1740. Le tonnage moyen des bâtiments enregistrés se situe autour de 25 à 26 tx pendant les trois premières années, et baisse ensuite : moins de 23 tx en 1748, 20,5 tx en 1749 et 16 tx en 1750. Cette situation s’explique par le départ de nombreuses chaloupes de faible port chargées de « menu sel » pour aller à la pêche à la sardine31. L’activité du port du Pouliguen semble progresser au XVIIIe siècle.
34Dans le cas du Croisic, la progression du mouvement portuaire apparaît plus forte que celle du Pouliguen : 174 sorties en 1721, 200 en 1722, 120 en 1723 et 1 033 en 175032. Une bonne part de cette augmentation est à attribuer aux départs de chaloupes de 2 à 6 tx chargées de sel pour la pêche sardinière. Toutefois, les chiffres avancés pour les années 1720 sont sujets à caution dans la mesure où les indications sont éparpillées dans plusieurs registres différents. Les données sont plus fiables pour le milieu du XVIIIe siècle. Le tonnage total des bâtiments sortis du port du Croisic dépassent les 27 000 tx en 1749 et avoisinerait les 39 000 tx en 175033. Le trafic de ce port est largement supérieur à celui du Pouliguen au même moment.
35La domination du sel est sans partage. Ce produit est l’unique cargaison déclarée de 89 % du tonnage des bateaux au départ du Pouliguen en 1723, 92 % en 1724, 93 % en 1725, 99 % en 1748, 98 % en 1749 et 98 % en 175034. Il en est de même pour Le Croisic : entre 1736 et 1747, le bureau de l’amirauté délivre chaque année 228 congés totalisant 10 900 tx de sel (soit l’équivalent de 11 400 à 12 650 tonnes), le sel comptant pour 95 % du volume expédié35.

Tableau 26 – Destinations des embarcations au départ du Pouliguen en 1723, 1724, 1725 et 1748, 1749, 1750, d’après les registres du greffe d’amirauté établi sur place. Les tonnages sont exprimés en tx.
36D’après les données des registres portuaires, la majorité des bâtiments quittant le port du Pouliguen se rend dans un port français : 812 unités (20 390 tx) entre 1723 et 1725, 1 356 (19 373 tx) entre 1748 et 1750. Cependant, la majorité des embarcations navigant en direction de Paimbœuf déchargent leurs cargaisons de sel à bord de navires étrangers. Ces derniers, de tonnage trop élevé, ne pouvant pas entrer dans le port du Pouliguen, mouillent à l’entrée de la Loire en attendant de recevoir leur chargement. Paimbœuf est le site le plus fréquenté par les bateaux partant du Pouliguen pendant les six années considérées. Aussi, pour mesurer les exportations de sel, convient-il d’additionner les cargaisons des bâtiments rendant à Paimbœuf à ceux en partance pour l’étranger, soit 5 843 tx durant la première période et 19 259 tx pour la seconde. Ces chiffres mettent en évidence un renforcement des exportations : 26,5 % du tonnage total dans les années 1720 ; 67,2 % à la fin des années 1740 ; les exportations de sel en direction de la Baltique ayant été fortement perturbées durant la seconde guerre du Nord (1700-1721), les données des années 1723 à 1725 reflètent une situation de sortie de crise. Les « autres ports du royaume » font les frais de la croissance des départs en direction de l’étranger : leur part chute de 27 % du tonnage total à seulement 2,5 %. Encore faut-il être prudent dans cette analyse. Entre 1723 et 1725, 49 navires (3 300 tx) partent pour Bayonne, 22 (775 tx) vers Saint-Jean-de-Luz et 16 (541 tx) en direction de Socoa36, soit des ports localisés à proximité de la frontière espagnole ; ils peuvent gagner ensuite le royaume ibérique.
37Les exportations vers Nantes progressent en volume entre les deux périodes mais stagnent autour de 6,5 % du tonnage total des sorties. L’attraction directe de la cité ligérienne sur Le Pouliguen est limitée dans la première moitié du XVIIIe siècle. La comparaison avec les congés à destination des autres ports bretons est délicate à effectuer pour les années 1723 à 1725 puisque 214 déclarations (4 950 tx) indiquent comme destination « les côtes de Bretagne », sans plus de précision. En revanche, entre 1748 et 1750, les 168 départs (1 902 tx) vers Nantes peuvent être confrontés aux 572 sorties (1 517 tx) à destination de Belle-Île, aux 37 bâtiments (1 219 tx) vers Brest, ou encore aux 36 embarcations (1 049) à destination de Saint-Malo. La réduction des départs vers les ports de la Bretagne entre les deux périodes de sondage est sensible : de 8 743 tx à 6 477 tx. La contraction en valeur relative est encore beaucoup plus nette, passant de 39,7 % à 22,6 % du tonnage total.
38Les départs vers la cité ligérienne peuvent être comparés aux entrées enregistrées à Nantes en 1732 (33 et 553 tx) et 1772 (118 et 1852 tx). Les chiffres de 1732 sont relativement proches de ceux du Pouliguen des années 1720 (467 tx de moyenne) et de la fin des années 1740 (634 tx). Les éléments se rapportant à 1772 attestent d’une augmentation des relations entre Le Pouliguen et la cité ligérienne dans la seconde moitié du siècle. Encore faut-il rester prudent, tant les conclusions fondées sur des années isolées peuvent être sujettes à caution.
39Le sel constitue 90 % des chargements des bâtiments naviguant du Pouliguen jusqu’à Nantes ; s’y ajoutent quelques cargaisons de céréales, de viande de bœufs en barriques, de ballots de laine ou encore d’agrées et d’apparaux pour navires37.
40Pour Le Croisic, l’étude des principales destinations des embarcations sorties en 1749 et 1750 révèle la place prépondérante des ports étrangers. En 1749, 150 congés (15 263 tx) sont délivrés à des navires en partance pour l’étranger, soit 55,6 % du volume total des sorties ; en 1750, le chiffre passe à 183 départs (22 288 tx), soit 57,7 % du tonnage total. Les ports du nord de l’Europe, notamment ceux riverains de la mer Baltique se taillent la part du lion38. Les ports du sud de l’Angleterre sont également représentés, à un niveau toutefois inférieur : vers Falmouth, par exemple, partent 20 bâtiments (870 tonneaux) en 1749 et 26 embarcations (1 226 tx) en 1750. Les registres du Croisic entre 1736 et 1747, révèlent la prépondérance des Hollandais sur le trafic du sel. Parmi les 2 737 « congés pour sorties » délivrés à des capitaines et maîtres de barques ou de chaloupes, 786 voguent sous pavillon des Provinces-Unies, soit 29 %. En 1741, par exemple, sur 357 bâtiments quittant Le Croisic, 151 viennent des Pays-Bas, soit 42,2 %. Ils enlèvent 12 584 tx représentant 57,4 % du tonnage des sels exportés. De 1736 à 1747, avec une moyenne de 4 679 tx embarqués, les Hollandais réalisent à eux seuls entre 24 et 68 % des expéditions de sel à partir du Croisic. Cette domination hollandaise caractérise les soixante premières années du XVIIIe siècle, ensuite les Scandinaves prennent le relais39.
41La place des ports de Nantes et de l’estuaire de la Loire est réduite. La cité ligérienne est notée comme destination de 85 bateaux (437 tx) en 1749 et de 87 bâtiments (520 tx) en 1750, soit seulement 1,6 % et 1,3 % du tonnage total des départs. Paimbœuf ne fait pas mieux : 34 unités (460 tx) en 1749 et 17 bateaux (352 tx) en 1750. À la différence du Pouliguen, les navires étrangers viennent directement charger leurs cargaisons de sel au Croisic. Les chiffres du greffe pour le milieu du XVIIIe siècle sont toutefois inférieurs aux entrées du port de Nantes en 1732 (42 et 761 tx) et 1772 (36 et 932 tx). Les écarts, importants en pourcentage, sont moins marqués en volume. Au milieu du siècle, les ports ligériens sont largement distancés par les havres de la côte nord de la Bretagne comme Saint-Malo ou Saint-Brieuc. En 1749, à destination de Saint-Malo, grand port morutier, partent du Croisic 83 embarcations (3 468 tx) et, en 1750, 81 bâtiments (3 460 tonneau), soit 12,6 % et 9 % du volume des sorties. D’autre part, les départs vers Bordeaux sont plus importants que ceux en direction de Nantes : 181 (739 tx) en 1749 et 137 (569 tx) en 1750.
42À partir du Croisic, d’autres produits sont acheminés vers la cité ligérienne comme du charbon de terre en provenance d’Angleterre ou des sardines en barriques. Vers Paimbœuf, outre le sel, sont expédiés des chargements de pains biscuits destinés à être embarqués dans des navires en partance pour des voyages au long cours.
43Les archives des greffes d’amirauté établis au Croisic et au Pouliguen confirment les impressions tirées des sources nantaises. Les relations directes entre les ports du pays guérandais et la cité ligérienne ne représentent qu’une part peu importante de l’activité de ces sites. Le Pouliguen trafique toutefois davantage avec Nantes que Le Croisic. Du côté nantais, la contribution des marais de Guérande dans les arrivées de sel ne dépasse pas le tiers du tonnage des embarcations apportant du sel. Le commerce international du sel constitue « la » grande affaire de ces ports.
44Les marchands locaux s’impliquent peu dans le commerce d’exportation du sel. Ils sont avant tout des commissionnaires qui achètent des sels pour le compte de marchands français ou étrangers. Aidés de commis, ils supervisent toutes les opérations facilitant leur emport. Ils agissent sur ordre direct de commanditaires ou sont mandatés par des marchands de Nantes40. Plusieurs noms peuvent être cités : ainsi, entre 1709-1714, Jean de Gennes du Croisic est en relation avec de nombreux Nantais, la plupart d’origine irlandaise (Thobie Clarck, Thomas et Daniel Macnemara, Jacques Macnemara et Thomas White, ou encore Luc O’Schiell41).
45Une vague d’immigration de familles catholiques en provenance d’Irlande survient à la fin du XVIIe siècle, au moment de l’exil en France du roi de Grande-Bretagne et d’Irlande, Jacques ii Stuart, chassé du trône par la « Glorious Revolution ». Plusieurs de ces familles étrangères choisissent l’Ouest de la France et quelques-unes Nantes pour s’implanter : Walsh, O’Schiell, Macnemara, Joys, Clarke, Dullon, Lée, Sarsfield42… Certains de ces négociants ont été naturalisés : par exemple Thomas (1659-1727) et Daniel (1670-1725) Macnemara, tous les deux en 1705, ou Luc O’Schiell (1677-1745) en 1707 ; Jacques Macnemara (1657-1742) pour sa part n’a pas fait de demande en ce sens. L’intégration de ces personnalités au milieu commerçant nantais est facilitée par leur religion catholique.
46Pour ces négociants, le commerce du sel n’est qu’un aspect de leurs activités. Ils sont par ailleurs investis en particulier dans les armements en droiture effectués depuis Nantes43. À travers les marchands étrangers installés en son sein, Nantes joue un rôle, peut-être indirect mais bien réel, dans le commerce international du sel. Toutefois, les relations avec l’étranger peuvent se faire sans le relais nantais, directement entre des négociants croisicais et l’étranger. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, plusieurs sociétés d’import-export se mettent en place au Croisic : ainsi, le 1er janvier 1771, Alexis-Thomas Le Bel, négociant du Croisic, s’établit en société avec le Lübeckois, Daniel Godeffroy Hintz, arrivée au Croisic, semble-t-il, en juillet 177144.
Bourgneuf : des échanges soutenus avec Nantes
47Dix registres du greffe d’amirauté de Bourgneuf sont conservés, couvrant les années 1715 à 1755, avec deux lacunes : les années 1727 à 1730 et 1742 à 1745. Trois périodes de sondages ont été retenues : les années 1723, 1724, 1725, les années 1736 et 1737, enfin les années 1750, 1751, 175245.
48La très bonne corrélation entre les données recueillies pour Bourgneuf et celles de Nantes est à signaler. En 1732, sur les 29 rapports faits à Nantes déclarant une arrivée de sel (27 déchargements à Nantes et 2 au Pellerin), 28 sorties ont été retrouvées dans les cahiers du bureau de Bourgneuf46.
Années | Nombre de congés | Tonnage (en tonneaux) |
1723 | 345 | 13 163 |
1724 | 296 | 13 733 |
1725 | 463 | 20 312 |
1736 | 386 | 10 834 |
1737 | 287 | 11 176 |
1750 | 151 | 10 157 |
1751 | 97 | 12 036 |
1752 | 138 | 10 015 |
Tableau 27 – Embarcations quittant Bourgneuf dans la première moitié du XVIIIe siècle, d’après les registres du greffe d’amirauté établi dans ce port. Le nombre d’inscriptions comprend les congés délivrés et les « relâches » de bâtiments.
49En 1723, 1724, 1725 et en 1736-1737, des congés annuels sont délivrés à des bâtiments, généralement de tailles modestes (8 à 10 tx), pour aller faire la « pesche du poisson frais le long des costes de Bretagne pendant la presente année ». Ces embarcations ne sont mentionnées qu’une fois par an dans les cahiers, malgré de possibles entrées et sorties supplémentaires.
50Les données du greffe (tableau 27) rendent compte de l’irrégularité du mouvement du port de Bourgneuf d’une année à l’autre mais également du maintien des sorties au-dessus des 10 000 tx tout au long de ce premier XVIIIe siècle. Une baisse très nette du nombre d’inscriptions est observable entre les années 1720 et le début de la décennie 1750. Cet effondrement ne se traduit pas vraiment par une baisse du tonnage total des bâtiments fréquentant le port de Bourgneuf. Cette double évolution traduit une forte hausse du tonnage moyen des navires mentionnés dans les registres du greffe : 46,4 tx en 1724 et 72,6 en 1752. L’activité du port de Bourgneuf est supérieure à celle du Pouliguen mais se situe en deçà de celle du Croisic, d’après les résultats établis pour ce dernier port pour le milieu du siècle.
51Le sel domine très largement les cargaisons des navires au départ. En 1724, 250 embarcations (12 325 tx) partent avec un chargement de sel, soit 89,8 % du tonnage total47. En 1736, elles sont 298 (7 904 tx), soit 73 %48. Enfin, en 1751, 68 bâtiments (11 401 tx) sont dans ce cas, soit 94,7 %.

Tableau 28 – Principales destinations des bâtiments au départ de Bourgneuf, d’après les registres du greffe d’amirauté de ce port.
* Les bâtiments sont envoyés en direction de Dunkerque principalement, mais également vers Boulogne, Calais et Étaples.
Le %/t. tot. correspond au pourcentage du tonnage total des sorties de Bourgneuf pour l’année considérée. Les tonnages sont exprimés en tonneaux.
52La répartition des principales destinations des bâtiments quittant Bourgneuf révèle l’importance du trafic avec les ports étrangers : ils représentent 49,8 % du tonnage total en 1724, 43,1 % en 1725 ; cette proportion croît à 77,5 % en 1750 et même 90 % en 1751. Ce trafic est assuré, presque exclusivement, par des gros porteurs étrangers, originaires notamment de ports riverains de la mer Baltique, venant s’approvisionner en sel. Les raisons de la chute du nombre des inscriptions sont à rechercher dans la quasi-disparition des départs en direction de Dunkerque et des ports du nord du royaume, ainsi que dans la forte baisse des envois en direction de Nantes. Ce dernier flux, très irrégulier, représente 134 embarcations en 1723, 62 en 1724, 217 en 1725, 69 en 1750, 4 seulement en 1751, enfin 75 en 1752. Il convient de mettre ces données en parallèle avec les entrées du port de Nantes en 1732 et 1772. Si les chiffres de 1772 (19 arrivées) semblent attester d’une accentuation de la baisse des envois de sel à Nantes par rapport aux chiffres du greffe de Bourgneuf du début de la décennie 1750, les indications de 1732 (27 arrivées) viennent un peu à contre-courant des départs enregistrés pour les années 1723, 1724, 1725 et même 1736-1737. Le nombre de 27 rapports apparaissant faible ; il peut s’expliquer par l’irrégularité de la production salicole, très dépendante des fluctuations météorologiques. Si les envois de sel en direction de Nantes représentent une part importante du nombre de sorties, il ne concerne qu’une portion plus faible du tonnage total des bâtiments quittant la rade de Bourgneuf. Pour les années considérées, le maximum est atteint en 1736 avec tout de même 29,7 % du tonnage total des sorties.
53La baisse des envois de sel à partir du port de Bourgneuf vers la cité ligérienne, entre la décennie 1720 et le début des années 1750, doit être expliquée. La diminution de la production salicole peut être invoquée si l’on en croit une requête des habitants de Bourgneuf, datant de 1752, selon laquelle ils demandent pour quelques années la remise du vingtième et des deux sols par livre du dixième « par la raison que les marais salants n’ont presque rien produit depuis huit ans »49. Or, dans le même temps, les navires étrangers qui viennent chercher du sel sont pratiquement aussi nombreux au début des années 1750 que lors de la décennie 1720, et les volumes emportés apparemment supérieurs. Peut-être faut-il penser que ces bâtiments étrangers viennent mouiller dans la Baie proche de Bourgneuf, mais qu’ils emportent du sel de Bouin, site localisé à proximité ? Certes, les rapports du greffe des années 1736-1737 et 1750 à 1752 ne mentionnent pas de chargement de sel provenant de Bouin dans des bâtiments étrangers, mais en 1736 et 1737, respectivement 20 et 35 bâtiments partent de Bourgneuf pour aller charger du sel à Bouin, à Beauvoir ou à Bois-de-Céné, dans l’intention affichée d’aller ensuite aux salorges de Nantes (ils n’apparaissent pas dans le tableau 29 dans la colonne des bâtiments destinés à Nantes).
54En outre, pour les années 1723, 1724 et 1725, des bâtiments prennent un congé au greffe de Bourgneuf alors qu’ils sont chargés de sel de Bouin ; cette situation concerne, pour la seule année 1725, 13 bâtiments partant pour le nord du royaume (Dunkerque…), et 28 allant vers un port étranger. Le rapport rédigé par Rostan en août 1724 pour l’île Bouin paraît confirmer cette impression lorsqu’il souligne :
« Il se fait en cette isle année commune 7 000 à 8 000 charges de sel, une charge peze 6 000 l, il se vend d’ordinaire vingt cinq livres la charge, on le porte aux gabelles du roy, en Flandre, et en Hollande, cette isle vend son sel une pistolle par charge toujours plus cher que les autres lieux voisins, à cause de la commodité du transport, en ce que les bastimens de 400 tx viennent mouiller près le port du sud vis à vis Bourneuf50. »
55Ces chargements à Bouin ont dû se poursuivre sans être pour autant signalés en l’absence de greffe d’amirauté à Bouin qui dépend du siège de Nantes. L’évolution des conditions nautiques du port de Bourgneuf explique encore la baisse de l’activité de ce port :
« Le plus gros souci des commerçants de Bourgneuf était le comblement progressif de leur rade. Ils se répandaient en doléances à ce sujet et accusaient le délestage des navires d’être une des causes de leurs malheurs51. »
56D’autres marchandises que le sel, sont acheminées de Bourgneuf en direction de Nantes pendant la période étudiée. Par exemple en 1723, trois embarcations partent avec des céréales et deux avec du goudron. En 1737, quatre bâtiments gagnent Nantes à vide et un autre apporte du froment. En 1750, deux bateaux amènent du vin pour le décharger à Nantes. Les mouvements vers l’estuaire de la Loire sont également à signaler : pour la dernière année citée, onze embarcations vont à Paimbœuf dont dix avec du sel.
57Les relations entre Bourgneuf et Nantes sont plus importantes que celles existantes entre les ports pays guérandais et le port ligérien. Elles témoignent de l’étroitesse des liens entre Nantes et la Baie. Cependant, le port de Bourgneuf poursuit son déclin dans la seconde moitié du XVIIIe siècle tandis que d’autres sites, comme Noirmoutier ou Bouin, s’en tirent mieux. Les lacunes de la documentation ne permettent pas de rendre compte avec précision de ces évolutions. Pour Noirmoutier toutefois, Rostan estime la production de l’île en août 1724, pour une « année commune », à « environ 2 000 charges, une charge pezant 6 000 l. et se vend communément 15 l. la charge52 ». L’écart avec Bouin est très important, cette île produisant apparemment quatre fois plus de sel que Noirmoutier, « année commune ». Rappelons que les registres d’entrées du port de Nantes de 1732 placent Noirmoutier largement au-dessus de Bouin pour l’approvisionnement de la cité ligérienne. Sans écarter la possibilité d’une erreur d’appréciation de Rostan, ni celle d’une crise de production des marais de Bouin en 1732, l’explication est à trouver dans l’orientation des courants commerciaux des deux îles : Bouin expédie son sel « aux gabelles du roy, en Flandre, et en Hollande », tandis que Noirmoutier en vend « la plus grande partie aux gabelles de Nantes ».
58L’étude des registres d’amirauté de ces différents ports de la façade atlantique montre que la cité ligérienne ne constitue pas le seul débouché du trafic de ces sites. L’attraction nantaise est marquée dans le cas des ports céréaliers comme Hennebont (au début du XVIIIe siècle) et Vannes (sans doute tout au long du siècle). En revanche, l’influence du port ligérien est, semble-t-il, plus restreinte sur « les ports à sel » et en particulier sur ceux du pays guérandais. Mesquer paraît davantage tourné vers Redon au début du XVIIIe siècle, même si les entrées du port de Nantes enregistrées en 1772 témoignent d’arrivées en hausse depuis ce havre. Le Croisic envoie peu de sel à Nantes ; Le Pouliguen en expédie davantage sans que la destination nantaise ne représente un tonnage sensible dans les départs enregistrés au bureau local de l’amirauté. Le port de Bourgneuf entretient visiblement des liens plus étroits avec la cité ligérienne, ce que laissaient déjà présager les entrées du port de Nantes et l’importance de la contribution des ports de la Baie dans l’approvisionnement en sel de la cité ligérienne. Le déclin du site de Bourgneuf dans la seconde moitié du siècle ne doit pas masquer la poursuite de ces relations pour d’autres ports comme Bouin et Noirmoutier. Quant au site de La Roche-Bernard, exportateur vers Nantes de bois et ponctuellement de céréales, il apparaît comme une étape sur la ligne Nantes-Redon.
59Cette lecture de l’importance de la destination nantaise dans l’activité des ports situés à proximité présente toutefois deux inconvénients majeurs. Le premier, qui fait l’objet de plus larges développements dans le prochain chapitre, touche à la non-prise en considération des bâtiments assurant le trafic de ces ports suivant les destinations. En d’autres termes, une éventuelle mobilisation des flottilles locales dans le cadre des échanges avec la cité ligérienne doit être étudiée. Dans le cas des ports à sel, les départs à destination des ports du nord de l’Europe sont quasi-exclusivement assurés par des navires étrangers de forts tonnages. Seul le trafic avec l’Espagne mobilise en partie des bâtiments du royaume. Le deuxième problème concerne les acteurs du commerce des ports environnants, et plus précisément des Nantais, impliqués dans des transactions que les registres d’amirauté pourraient considérer comme extérieures à Nantes. L’exemple du sel est à ce titre révélateur.
Notes de bas de page
1 Arch. nat. France, fonds Marine, C/4 170, sans date, peut-être rédigé à la fin de la décennie 1730 ou au début des années 1740, f° 53.
2 Le Goff S., « L’Amirauté de Vannes (1691-1792) », Bulletin et mémoires de la Société Polymathique du Morbihan, t. 125, 1999, p. 121-135.
3 Arch. nat. France, fonds Marine, C/4170, f° 120.
4 Ibidem, Fonds Marine, C/4159, sans date, peut-être rédigé à la fin de la décennie 1730 ou au début des années 1740.
5 Michon B., Les relations…, op. cit., p. 37-39. Jacques Péneau nous a informé du fait que plusieurs cahiers sont conservés dans un fonds privé non versé aux Archives départementales. Il a eu la gentillesse de nous communiquer ses notes prises sur ces documents. Qu’il en soit remercié.
6 Arch. dép. Morbihan 9 B 66 à 71, années 1697 à 1713 ; Le Mouel N., Le commerce d’exportation à Hennebont de 1697 à 1713, maîtrise d’histoire, université de Rennes 2 ; Le Coldroch H., Le trafic du port d’Hennebont et le monde du commerce 1700-1705, maîtrise d’histoire, université de Bretagne-Sud, 1997.
7 Le Mouel N., Le commerce d’exportation…, op. cit., p. 15.
8 Les chiffres avancés par N. Le Mouel ne sont pas exempts de critique, en particulier les tonnages retenus. H. Le Coldroch fournit des données différentes : entre 1700 et 1705, 734 bateaux jaugeant 11 817 tx seraient sortis du port d’Hennebont (et non 693 pour 12 337 tx) – et signale 50 tonnages inconnus. Au-delà de ces disparités entre les deux études, les ordres de grandeurs semblent en place et ne paraissent pas être bouleversés par les erreurs commises.
9 Le Mouel N., Le commerce d’exportation…, op. cit., p. 72.
10 Ibidem, p. 74.
11 Letaconnoux J., Les subsistances…, op. cit., p. 345-346.
12 Le Coldroch H., Le trafic…, op. cit., p. 54.
13 Nières C., Les Villes de Bretagne…, op. cit., p. 69-70.
14 Arch. mun. Hennebont, BB 24, 17 septembre 766, cité par Nières C., Les Villes de Bretagne…, op. cit., p. 70.
15 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, C 1677, cité par Letaconnoux J., Les subsistances…, op. cit., p. 370-371. En 1734, les exportations de grains en direction de l’étranger montent à 22 863 tx à Nantes, 6 039 à Vannes, 3 468 à Saint-Malo et 1 915 à Pont-l’Abbé. En 1734, trois des quatre premiers sites d’exportations sont les mêmes : Nantes 23 837 tx, Vannes 4 937, La Roche-Bernard 3 189 et Pont-l’Abbé 2 388.
16 Au sujet du rapport volume/poids des grains, l’auteur indique : 1 perrée = 1,717 hectolitre ; 1 tonneau = 10 perrées = 17,17 hectolitres.
17 Le Goff T. J. A., Vannes et sa région…, op. cit., p. 262.
18 Arch. dép. Morbihan, 9 B 82, années 1780 à 1786.
19 Hamery I., L’armement au cabotage et le petit commerce maritime dans l’Amirauté de Vannes (1781-1789), maîtrise d’histoire, université de Rennes 2, 1988, p. 112.
20 Ibidem, p. 114.
21 Arch. dép. Morbihan, 9 B 10 à 15, années 1730 à 1732.
22 Boraud G., Le cabotage dans l’Amirauté de Vannes 1730-1752, maîtrise d’histoire, université de Rennes 2, 1995, p. 12-21.
23 Le Goff T. J. A., Vannes et sa région…, op. cit., p. 326.
24 Nières C., Les Villes de Bretagne…, op. cit., p. 33-34 et 556-557.
25 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 5059, années 1701 à 1707 ; B 5061, années 1721 à 1729 ; B 5064, années 1749 à 1756.
26 Le Bouëdec G., « Les approvisionnements… », op. cit., p. 408.
27 Id., « Le réseau portuaire… », op. cit., p. 119.
28 L’année 1732 n’est pas couverte par les registres, empêchant tout recoupement avec les données d’entrées du port de Nantes, que ce soit pour Le Croisic ou Le Pouliguen.
29 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 5053, années 1722 à 1724 ; B 5054, années 1724 à 1727 ; B 5056, années 1747 à 1752.
30 Chevillot M., Le port du Pouliguen…, op. cit., p. 118. Les chiffres donnés par cet auteur sont sensiblement différents de ceux présentés dans le tableau. Elle retient le nombre de 273 sorties en 1723, 297 en 1724, 280 en 1725, 429 en 1748, 404 en 1749 et 601 en 1750.
31 Elles sont 169 en 1748, 113 en 1749 et 290 en 1750.
32 Primot K., Le port du Croisic…, op. cit., p. 148.
33 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 5030, années 1749 à 1573. En 1749, 1 027 inscriptions représentant 42 140 tx sont portées sur le cahier : 17 cumulant 951 tx sont en réalité des entrées ; 92 totalisant 12 281 tx sont des déclarations de la jauge de bâtiments ; 15 pour 444 tx concernent des relâches ; 903 jaugeant 27 464 tx peuvent être considérées comme des sorties. En 1750, 1 390 mentions représentant 59 299 tx sont portées sur le document : 6 cumulant 462 tx sont en réalité des entrées ; 138 totalisant 19805 tx sont des déclarations de la jauge de bâtiments ; 20 pour 370 tx concernent des relâches ; 1 226 jaugeant 38 662 tx peuvent être considérées comme des sorties. L’écart entre ces indications et celles données par K. Primot pour l’année 1750 (1 033) mérite d’être souligné, sans que la ou les cause(s) de cette situation puisse(nt) être débrouillée(s).
34 D’autres déclarations mentionnent le sel avec un autre chargement. C’est le cas de 15 congés jaugeant 520 tx en 1723, 11 représentant 319 tx en 1724, 4 totalisant 164 tx en 1725, 2 cumulant 16 tx en 1748 et 1 pour 32 tx en 1750.
35 Buron G., Bretagne des marais…, op. cit., t. II, p. 98.
36 Le port de Socoa se trouve à l’ouest de Saint-Jean-de-Luz, juste à la sortie de la baie.
37 Chevillot M., Le port du Pouliguen…, op. cit., p. 138. Cette présentation s’appuie sur un recensement des sorties enregistrées en 1717, entre 1722 et 1727, enfin entre 1743 et 1750.
38 Buron G., « Le commerce des sels de Guérande (XVIIe-XVIIIe siècles) », in Hocquet J.-C., Sarrazin J.-L. (dir.), Le sel de la Baie…, op. cit., p. 273-291. Ces résultats qui se fondent sur les péages du Sund, tiennent compte du fait que de nombreux navires se rendent d’abord en Frise pour recevoir des renseignements pour savoir où aller décharger leurs cargaisons.
39 Id., Bretagne des marais…, op. cit., t. II, p. 94-95.
40 Ibidem, p. 100.
41 Ibidem, p. 101.
42 Mathorez J., « Notes sur la colonie irlandaise de Nantes du XVIe au XVIIIe siècle », Bulletin de la Société Archéologique de Nantes et de Loire-Atlantique, t. 53, 1912, p. 169-195 ; Chazé S., Les négociants irlandais à Nantes à la fin du règne de Louis XIV : 1685-1715, maîtrise d’histoire, université de Nantes, 1999 ; Hervé É., Une famille de négociants-armateurs irlandais à Nantes au XVIIIe siècle : les O’Schiell (1689-1799), maîtrise d’histoire, université de Nantes, 2003 ; Sablé M., Une famille d’Irlandais en France au XVIIIe siècle : les Macnemara, maîtrise d’histoire, université de Nantes, 2004.
43 Malgré les incertitudes documentaires liées à la conservation des rôles d’armements du système des classes et aux archives de l’amirauté de Nantes dans les premières décennies du XVIIIe siècle, Luc O’Shiell par exemple arme 94 navires entre 1703 et 1745, dont 72 pour des traversées en droiture vers la Martinique principalement, 11 pour des voyages de traite négrière et 9 pour des circuits de cabotage.
44 Buron G., Bretagne des marais…, op. cit., t. II, p. 102-103. La place nantaise n’est pas très loin comme en témoigne la société fondée par Éric Gardeman, consul de Suède en poste au Croisic et Jean Bocandé : « Dès 1756, Éric Gardeman, natif d’Uddevella, est présent au Croisic et traite les affaires du sieur Hemelberg, un autre Suédois, négociant à Nantes. En société, Jean Bocandé de Kerolland et Éric Gardeman suivent, entre autres correspondances, celle de Pierre Jabut junior et Compagnie, négociants à Nantes et commissionnaires de Jacob Wennerberg de Göteborg. Les associés sont également en affaires avec les firmes Thanlars & Cervin et Murphy & d’Haveloose de Nantes. »
45 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 5015, années 1722 à 1726 ; B 5018, années 1735 à 1737 ; B 5019, années 1737 à 1740 ; B 5022, années 1746 à 1755.
46 Ibidem, B 5016, années 1731 à 1734.
47 En 1724, 46 bâtiments (1 408 tx) quittent Bourgneuf sans sel dont 17 (807 tx) après une relâche ; 4 bâtiments (38 tx) obtiennent un congé annuel pour la pêche.
48 En 1736, 88 bâtiments (2 930 tx) quittent Bourgneuf sans sel dont 18 (653 tx) après une relâche ; 13 bâtiments (128 tx) obtiennent un congé annuel pour la pêche.
49 Arch. dép. Loire-Atlantique, C 141, années 1752 à 1763.
50 Arch. nat. France, fonds Marine, D/2 55, août 1724.
51 Guilloux F., Histoire de la conquête…, op. cit., p. 56.
52 Arch. nat. France, fonds Marine, D/2 55, août 1724.
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