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Quand la valeur se dérobe ! La « bonne qualité », le « juste prix » et la concurrence « avilissante ». Les exemples de la chaussure, du gant et de la porcelaine en France durant les années 1930
p. 303-318
Texte intégral
1Le paradoxe peut surgir, parmi un ensemble de contributions ayant pour thème « les Français et l’argent », s’agissant de construire une démonstration autour d’un axe sensiblement différent que celui de l’argent stricto sensu, par l’évocation de la valeur des produits. Ce paradoxe n’est en fait qu’apparent. En effet, la monnaie circulante possède pour le moins deux versants, deux points d’arrimage, deux étalonnages de nature différente : l’équivalence en or et/ou en argent, équilibre ou déséquilibre du circuit, c’est selon ; mais également l’équivalence en valeur-produit, ou valeur-service, raison d’être du système de l’échange. Il ne s’agit cependant pas d’aller jusqu’à ce que le conseiller en organisation Charles Bedaux, au début des années 1940, nomme « l’équivalisme », et qui pourrait être défini selon lui sur la base « d’unités d’efforts humains », en quelque sorte une unité de compte prenant appui sur la valeur-travail ; sans aller jusque là, puisque cette utopie, aurait justement visé à la suppression du recours à la monnaie dans les échanges1. Remarquons surtout que l’équivalence en valeur-produit relève tout autant d’une convention ou d’un faisceau de conventions que le premier type d’étalonnage évoqué, à savoir la valeur-monnaie.
2Que valent les produits ? Le prix des matières premières qu’ils incorporent ? Le prix de leur conception, de leur réalisation, de leur distribution ? Une succession de coûts majorée par une succession de valeurs ajoutées ? Un ensemble de conventions ? L’argent représente un des éléments de l’échange ; le produit en est manifestement un autre. La notion de valeur les associe. Valeur de l’argent, valeur du produit. Cette valeur suppose confiance, tout comme l’échange argent/produit suppose cette même confiance. Celui qui vend doit avoir confiance en la monnaie qu’il reçoit ; celui qui achète, confiance dans le produit qu’il acquiert.
3Le texte de Francis Démier dans le présent volume s’achève sur un monde des boutiquiers parisiens durant le premier XIXe siècle, singulièrement des boulangers, investissant en proportion telle dans leur commerce, qu’il est loisible de percevoir dans cet investissement une dimension de nature identitaire. La présente démarche prolonge cette observation, partant du constat que le produit, à travers sa définition, son processus de création, de fabrication et de commercialisation, constitue l’une des composantes de l’identité d’une partie des agents économiques. Il s’agit dès lors d’observer les implications économiques et sociales d’une forme d’essentialisation du produit par des groupes de producteurs, ici précisément des fabricants de chaussures, des gantiers et leurs fournisseurs en peaux tannées. Par ailleurs, des données et des observations concernant la porcelaine de Limoges permettront d’élargir les perspectives de réflexion.
4La séquence étudiée s’avère celle des années 1930. Les périodes de crise économique et de crise politique nous offrent l’opportunité d’analyser les remises en cause des multiples visages de la confiance (d’aucuns à l’époque auraient même pu dire « des valeurs », le terme possédant une puissante polysémie), remises en cause qui peuvent se traduire selon différentes modalités. Partant du point de vue des professionnels concernés, nous en décrirons deux états et en proposeront une évaluation : un symptôme, autour de la question des prix ; des germes, à travers la dénonciation de la concurrence ; un diagnostic établi par l’historien autour d’un constat d’essentialisation du produit. Deux expressions semblent traduire au mieux l’état d’esprit des producteurs considérés : dénoncer un « avilissement » des prix, de la qualité ; affirmer la nécessité de se « protéger » contre ledit « avilissement ».
Le symptôme : les prix
Un constat « d’avilissement »…
5Rappelons d’abord un constat, qui n’a rien de neuf à propos des années 1930. Un large effondrement des prix s’observe d’une manière générale, mais aussi notamment s’agissant du cours des cuirs. Les prix se trouvent au plus bas durant les années 1932-1935 (fig. 1). Cette tendance générale affecte l’ensemble de la branche ; les différents secteurs (tannerie, chaussure – fig. 1, ganterie, maroquinerie, etc.) étant conditionnés dans leur activité par le marché du cuir brut. En effet, la matière première intervient pour une part importante dans le prix de revient des produits fabriqués. Dans le cas des fabriques de Limoges, celle-ci représente 54 % du prix de revient d’une paire de chaussures type et 37 % de son prix de vente2. En 1945, une évaluation plus large précise que les matières premières et les fournitures entrent pour 48 % dans le prix de revient moyen d’une chaussure fabriquée par l’industrie française3. Par ailleurs, le cuir participe pour 40 % dans le prix de revient d’une paire de gants en peau d’agneau (auquel il faut ajouter 50 % pour le coût de la main-d’œuvre4).
6La juxtaposition du cours des cuirs verts, c’est-à-dire avant le travail de tannerie, et de celui des chaussures trépointes, soit des chaussures de qualité, pour la période 1920-1940, nous indique une tendance générale allant dans le même sens, ainsi que de nombreuses inflexions parallèles (fig. 1). Signalons que les affaissements de la courbe des prix des cuirs verts (en 1921, en 1928 et entre 1930 et 1934) correspondent à des poussées de crise qui concernent l’ensemble de la branche. La tendance générale des prix s’avère à la baisse.
7S’agissant de séries de données à notre disposition concernant le prix de la chaussure en France durant les années 1930, nous pouvons pareillement constater une tendance générale à la baisse des prix : le prix moyen des chaussures trépointe diminue de 34 % entre 1929 et 1935 (fig. 1) ; le prix moyen d’une paire de chaussures à la fin des années 1930 ne retrouve pas son niveau du début de la décennie (fig. 2). Notons les fortes disparités entre fabricants, avec ici des écarts de prix allant de 15 à 25 %, il est vrai pour des types de chaussures et des qualités de produits sensiblement différents. Ainsi, l’écart se renforce entre les grandes entreprises, intégrées rationalisées (André, Bata, Pillot, etc.) et les fabriques petites et moyennes (Morel et Gâté à Fougères, etc.).
8Enfin, dans la ganterie, le nombre de peaux produites diminue de 17 % entre 1930 et 19335. La courbe du chiffre d’affaires des quatre-vingt ganteries de Millau (40 % de la production française, devant les quelques 30 % de Grenoble) complète cette image de régression considérable de l’activité : le volume d’affaires connaît une diminution, en francs constants, de 48 % entre 1930 et 1934 (figure 3). La plus grande entreprise du secteur (la ganterie Tréfousse à Chaumont dans la Haute-Marne et ses quelques 7 % de la production totale) connaît quant à elle une réduction de 33 % de son chiffre d’affaires, quasiment dans la même période (1932-1934).
9La situation de la ganterie se trouve particulièrement entravée par la situation internationale. Les exportations millavoises ne représentent plus en 1933 que 30 % en valeur des exportations de l’année 1929. La chute des exportations à destination des États-Unis s’avère encore plus importante, puisqu’elle est de 81 %. D’une part, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont considérablement augmenté les droits de douanes imposés sur les paires de gants. Ainsi, pour une douzaine de paires de gants d’agneau (la douzaine étant l’unité de compte dans la ganterie), l’augmentation des droits de douane aux États-Unis est de 15 %6. D’autre part, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et la Tchécoslovaquie concurrencent les fabriques françaises et les supplantent sur les marchés internationaux avec des produits de moins bonne qualité, mais moins coûteux.
10La position de la porcelaine de Limoges n’est guère plus florissante : « Les anciens gros clients de l’étranger n’achètent que parcimonieusement. Alors que les exportations vers les États-Unis s’élevaient à 74 millions (francs de 1928) en 1907, elles n’atteignaient plus que 450 mille francs en 1934. Le Canada n’achète presque plus depuis les accords d’Ottawa7. Enfin nombre de pays disposés à acheter sont sujets à des restrictions de change. […] la moitié de l’industrie porcelainière est arrêtée. Au lieu de 7 000 ouvriers et ouvrières en 1929, on n’en comptait plus que 3 000 au travail en 19348. » Le mouvement des prix à la baisse s’avère toutefois complexe à restituer dans le cas des produits porcelainiers, d’autant que s’affirme de plus en plus la disjonction entre articles de qualité « moyenne » et porcelaine fine et de luxe.
… et l’une de ses traductions : le repli
11La position des entreprises qui parviennent à se maintenir en activité, se trouve de toute manière ébranlée par le contexte économique d’ensemble. Toutefois les modalités de réaction des entrepreneurs ne se réduisent pas, lorsque même il s’agit de cela, à une réduction du personnel et/ou à une refonte de leurs sources d’approvisionnement, de leurs processus de production ou de leurs modes de distribution. Cet effort d’adaptation face à la crise peut être l’une des réponses patronales, à titre individuel. Les observateurs de la place de Limoges en soulignent la limite :
« En face de cette situation les usiniers n’ont point fait, pour la plupart, preuve d’esprit d’initiative, ne songeant guère à améliorer un outillage et des procédés de fabrication assez archaïques et restant hostiles à toute action d’ensemble. À l’heure actuelle, les seules entreprises qui ne chôment pas, ou peu, sont celles qui se sont modernisées à temps et ont su mettre au point des produits de série à des prix modérés9. »
12Ainsi s’agissant d’une partie notable des patrons et plus encore du patronat collectif, représentant la constellation des PME de ces secteurs, le repli est de mise sur ce qui serait la « vérité » des pratiques. Une expression postérieure, dans l’esprit des années 1940, résume tout à fait le sentiment en cours parmi eux et ce dès le début des années 1930 : « la qualité est comme la terre, elle ne ment pas10 ». Vérité de la qualité, mensonge des prix.
13L’univers agricole et terrien structure encore les esprits, y compris dans l’espace de la petite entreprise. La ganterie Fischl de Grenoble a été créée en 1903. En juin 1929, en prévision de l’ouverture d’une nouvelle usine en remplacement de l’ancien atelier sombre et étroit, l’entreprise présente sa future devise : « Livrer vite et bien » (fig. 4). Toutefois, sous l’effet de la crise, celle-ci est finalement modifiée, pour devenir : « Sa qualité fait sa valeur » (fig. 5). Au centre de l’affiche, le produit stylisé recouvre l’usine. Outre, « le petit poisson » (fischlein en allemand), marque commerciale de l’entreprise, surgit l’inscription de la fabrique dans un territoire, quasiment un terroir : « Fischl frères = Grenoble = France ». Territoire et produit (sous-entendu produit de qualité) constituent deux modes d’ancrage face à une réalité quelque peu évanescente.
14Ce repli sur les pratiques et sur le produit s’avère le contrepoint de ce qui est dénoncé comme une atteinte aux prix. Les fabricants de chaussures, encastrés dans des territoires industrieux spécialisés (Fougères, Limoges, Romans, etc.), choisissent ainsi, de manière collective, même si des attitudes individuelles divergentes peuvent surgir, de dénoncer « l’avilissement » des prix. À travers ce terme « d’avilissement », « d’avilir » intervient une représentation qui déborde l’approche en termes d’économie positive pour introduire une dimension morale. S’il y a bien une perception morale de l’argent, il y a également une perception morale de l’acte d’échange. « Avilir » les prix, vendre à vil prix, c’est à la fois signifier qu’un objet est désormais sans valeur, mais c’est par là-même atteindre à l’identité propre du producteur ainsi rendu « vil », indigne d’estime, méprisé… méprisable.
15Les analyses qui fleurissent dans les milieux professionnels du cuir, s’inscrivant dans une tendance corporatiste assumée, intègrent alors la dimension du « juste prix ». Citons l’un des principaux responsables du syndicalisme patronal, tanneur à Bordeaux, nous expliquant le rôle de l’institution corporative s’agissant des prix. Elle devra s’appliquer, nous dit-il,
« à ne pas vendre trop cher, soit par raréfaction voulue et concertée de ses produits, et l’État, arbitre suprême11, pourra lui enjoindre de modérer ses prix de vente quand il sera démontré qu’ils sont trop élevés ; à ne pas vendre à trop bas prix, car le manque de profit de la direction, qui se répercute inévitablement sur les salaires du travail et les intérêts du capital, entraîne une sous-consommation, ce qui constitue la porte ouverte à la crise et à la misère. C’est la réalisation du juste prix12 ».
16Les producteurs s’emparent ainsi de thèmes de réflexion anciens de l’économie morale et politique13 pour tenter de leur conférer une valeur performative. Il faudrait sans doute, en vue de prolonger le raisonnement, y intégrer une réflexion, du point de vue des représentations sociales, autour de la stabilité du franc germinal (1803) durant un long XIXe siècle et de l’attente d’un retour à cette stabilité après 1914 : le « juste prix », avec son corollaire la stabilité des prix, effet de la stabilité de la monnaie et, finalement, source postulée de stabilité de la société14.
Les germes : la concurrence
Dénoncer le concurrent…
17Derrière cette mise en cause de « l’avilissement » des prix et cet appel à l’organisation corporatiste de l’économie, se profile la dénonciation d’une concurrence présentée comme « effrénée », i. e. une concurrence « avilissante », ne s’inscrivant pas dans la « vérité des prix », ne prenant pas en compte le « juste prix ».
18En 1935, un inspecteur de la Banque de France indique concernant Grenoble :
« L’année a été particulièrement mauvaise pour la ganterie de luxe qui, aux époques les plus prospères de l’après-guerre, occupait 25 000 ouvriers et produisait près de dix millions de paires de gants, dont 80 % vendues à l’étranger. Comme toutes les industries exportatrices, les vieilles manufactures grenobloises, naguère de réputation mondiale, voient de plus en plus leurs débouchés extérieurs se fermer. C’est une source de richesse déjà morte en pratique. Sa disparition paraît d’autant plus irrémédiable que les principaux acheteurs d’autrefois, États-Unis d’Amérique et Angleterre notamment, ont envoyé leurs jeunes gens apprendre sur place à l’École de Ganterie la technique dauphinoise et fabriquent maintenant des articles capables de concurrencer en qualité et en prix la meilleure production grenobloise15. »
19L’auteur de ces lignes, tout en restant sobre et mesuré, préfère à d’éventuels facteurs endogènes, des causes exogènes pour interpréter les difficultés.
20L’explication par la copie par l’étranger des « bonnes pratiques » des professionnels français peut toutefois très vite céder la place à la dénonciation des « mauvaises pratiques ». Rappelons les propos du président du Syndicat général des cuirs et peaux de France, qui, lors de l’exposition universelle de 1937, proteste
« contre la firme Bata [d’origine tchécoslovaque] qui a installé à l’Exposition un stand où le prix de chacun de ses articles est affiché. Ce sont des prix extrêmement bas. Et le public, mal informé sur les conditions de production de Bata et sur les difficultés de la production française, ne comprend pas comment cette maison arrive à obtenir des prix aussi bas par rapport aux prix français. Ce stand ne se contente pas d’afficher ses prix, contrairement au règlement intérieur de l’Exposition, mais il se livre à un véritable racolage de la clientèle, grâce à une publicité habile qui consiste en particulier, à faire donner gratuitement des soins aux visiteurs par des pédicures. Le Syndicat général des cuirs et peaux de France a d’ailleurs adressé à ce sujet une protestation à M. le Commissaire général de l’Exposition16 ».
21La concurrence, ainsi mise en cause et rejetée, n’est pas analysée sous le jour d’une difficulté croissante à conquérir les marchés, à attirer le chaland, mais sous celui de pratiques de productions déloyales visant à éliminer les producteurs quant à eux loyaux, contribuant par là même à « avilir » les pratiques, le métier. Retrouvons notre tanneur bordelais précédemment cité : « L’organisation professionnelle et corporative vise à la limitation des vastes entreprises, au maintien des exploitations individuelles et familiales qui tend à redonner à l’artisanat son ancienne valeur et surtout son indépendance17. » De manière transparente à l’époque, sont visés ici le groupe Bata, mais aussi André, Pillot… tout ce que la chaussure et le cuir compte de grands groupes intégrés, aux processus de production rationalisés par le biais du travail à la chaîne ou des méthodes de chronométrage des tâches sous le contrôle notamment des bureaux de Charles Bedaux en France (lui-même déjà évoqué).
22Cette fièvre de la dénonciation gagne jusqu’aux instances politiques, comme en témoigne cette déclaration de Georges Bonnet, ministre du Commerce, qui lors d’un débat à la chambre des députés, en février 1936, concernant le secteur de la chaussure, indique qu’il « prend bien volontiers l’engagement […] de réorganiser la production dans l’industrie de la chaussure, car j’y ai constaté [dit-il] une grande anarchie à laquelle il importe de mettre très rapidement un terme18 ». Ce que les représentants du patronat du cuir traduisent de manière autoritaire : « nous pensons que n’importe qui n’a plus le droit de fabriquer n’importe quel article, n’importe où, n’importe quand et par n’importe quelle méthode, dans n’importe quelle qualité, qu’il pourra vendre n’importe quel prix, par n’importe quel procédé.19 » Le retour à l’ordre, à l’équilibre, à la stabilité, aux valeurs passent par des mesures de réaction, dans toutes les acceptions de ce terme.
… s’en protéger, s’en prémunir
« Industriels et commerçants du cuir, le moment est venu pour vous de décider si vous voulez faire quelque chose, si vous vous voulez rester des chefs d’entreprise, si vous voulez assurer la prospérité de vos professions, en même temps que la prospérité de tous vos collaborateurs, ingénieurs, contremaîtres, employés et ouvriers, ou si au contraire vous préférez attendre dans le désordre général, la mort […]20. »
23Cette déclamation s’inscrit dans l’esprit de l’exhortation de Claude-Joseph Gignoux dirigeant de la Confédération générale du patronat français (la CGPF réorganisée en réaction à l’accord Matignon de juin 1936) : « Patrons, soyez des patrons21 ! »
24Surtout, elle n’est pas sans avoir connu de premières applications pratiques. Ainsi peut-on observer la mise en place dès 1931-1932, sous la pression des syndicats patronaux, de toute une série de mesures de contingentement des importations de chaussures et de relèvements des droits de douanes. En mars-avril 1936, les mêmes organisations obtiennent le vote par le parlement de deux lois malthusiennes interdisant l’augmentation des capacités de production, de distribution et de réparation de chaussures22.
25Par ailleurs, se multiplient et se développent les réflexions sur l’organisation de modes de régulation sous une forme corporatiste, régulation qui viserait en premier lieu à exclure ceux qui n’auraient pas les bonnes pratiques, les étrangers à la famille professionnelle et souvent, dans un contexte xénophobe et antisémite, les étrangers tout court. Ainsi, les intérêts des professionnels du cuir n’apparaissent pas concordants : pour les tanneurs, il faut limiter les importations de cuir tanné ; pour les fabricants, il faut lutter contre les importations de chaussures, l’installation de groupes étrangers en France, le travail à façon des étrangers ; pour les détaillants indépendants, il faut empêcher le développement de réseaux de succursales de ventes et la commercialisation de produits en cuir dans des magasins non spécialisés ; enfin pour les réparateurs, il faut interdire aux fabricants de réparer également les chaussures. Dans l’ensemble, tous les changements, toutes les novations sont en cause et les différents sous-secteurs de la chaussure ne peuvent s’entendre qu’autour du plus petit dénominateur commun : la dénonciation de l’étranger, qu’il soit artisan, façonnier ou qu’il se nomme Bata.
« La concurrence des fabricants étrangers établis en France. À Paris leur nombre est excessif ; particulièrement dans les industries des cuirs et peaux, de la chaussure, de la maroquinerie, du vêtement et de la fourrure. […] Ce qu’ils fabriquent. Comment ils vendent. D’après les renseignements que nous avons cités, ces étrangers, qui font le plus grand tort aux maisons similaires françaises, ne fabriquent généralement que des articles de rebut : ils achètent quelques peaux et, dès leur transformation, offrent leurs produits à n’importe quel prix, laissant au besoin à 30 francs des chaussures de 50 francs, car le paiement immédiat est pour eux indispensable. Leur clientèle se compose surtout non des magasins (qui ont leurs fournisseurs attitrés) mais des marchands ambulants, qui pullulent aussi dans certains quartiers de Paris23. »
26Dénonciations de la concurrence dite « déloyale », stigmatisation de l’étranger sous toutes ses formes (l’antisémitisme représentant l’une des notables dimensions de cette xénophobie), antienne sur les bénéfices attendus du corporatisme, aboutissent au dépôt d’un projet de loi visant dès mars 1939 à constituer un comité d’organisation de la chaussure. À l’horizon de la guerre, il est cependant trop tard et le comité d’organisation qui est effectivement créé en octobre 1940 par le gouvernement de Vichy et avec l’approbation de l’occupant allemand, l’est dans un tout autre contexte et avec un rôle effectif sensiblement différent.
27Dans la ganterie et la porcelaine le rapport à l’étranger ne peut être, dans une large mesure, le même puisque il s’agit le plus souvent d’y chercher à exporter sa production. Ainsi, en 1928, l’essentiel des fabricants de porcelaine de Limoges fonde le « Groupement de défense de la porcelaine de Limoges. Association syndicale des fabricants de Porcelaine de Limoges et de la Région Limousine, pour la Défense de la Porcelaine de Limoges, et l’institution d’une marque unique, “Limoges unique”. » L’existence de ce groupement est avérée au moins jusqu’en 1938. Il est présidé par un céramiste, Eugène Alluaud et se trouve placé sous le patronage de la chambre de commerce de Limoges. L’objet de ce groupement s’avère très précisément de renforcer la visibilité du produit « porcelaine de Limoges » ; le moyen envisagé est le recours à la publicité ; l’argument essentiel repose sur l’affirmation que l’union fait la force et que l’image de marque collective doit venir renforcer le crédit de chaque entreprise prise individuellement.
« Vous vous êtes rendu compte que dans le domaine commercial si étroitement lié au domaine économique général, les risques de friction avec la concurrence qui nous intéresse, c’est-à-dire avec la porcelaine qui n’est pas limousine, sont loin d’être nuls, attendu qu’il y a lutte entre l’expansion industrielle et commerciale de la France et celle des nations voisines. Nous ne sommes pas sans savoir combien l’industrie et le commerce allemands, en particulier, sont formidablement organisés et, j’insiste sur le mot “ardemment animés” : les unions, les syndicats, les ententes, les groupements surgissent de toutes parts. Si Limoges ne se plie pas à cette obligation imposée par les méthodes modernes, Limoges risque de se trouver vaincu sans s’être battu : les avantages que Limoges possède encore par son nom et son activité industrielle risquent de lui être arrachés. Si Limoges tombe sous les coups de la concurrence, sous les roues du progrès, il sera écrasé. Une fois écrasé on ne vaut pas grand chose. Certains d’entre vous avec lesquels j’ai eu le plaisir de m’entretenir disent même que si Limoges ne réagit pas ce n’est plus un risque, c’est une certitude de déchéance. Vous êtes donc décidés à vous unir et disposés à étudier un programme de publicité collective sous la forme de la marque unique24. »
28Le vocabulaire employé, de même d’ailleurs que le rapport à l’innovation, ne sont pas les mêmes dans la porcelaine et dans la chaussure ; pour autant, les solutions retenues renvoient à un même repli sur le produit.
Un diagnostic : « l’essentialisation » du produit
Une dimension morale…
29Ainsi, alors que la valeur monétaire des biens se dérobe, une attitude répandue au sein de certains milieux professionnels consiste à se replier sur ce qui serait l’essence des produits. Ce repli peut prendre plusieurs formes. À Limoges « le vent souffle du large » et la participation de la maison Haviland au groupement « Limoges unique », maison à laquelle la ville doit pour une large part sa notoriété depuis le milieu du XIXe siècle, arrime résolument la place productive à l’Amérique du nord ainsi qu’à ses novations en matière de marketing. Du côté du cuir, c’est vers le politique, l’appel au protectionnisme, au corporatisme et à l’exclusivisme que le patronat se tourne. Pour autant, de part et d’autre, la nature du produit n’est pas en cause, qu’il s’agisse d’en faire la publicité ou bien de dénoncer la supposée dépréciation de la production concurrente qui rejaillirait sur l’ensemble des fabricants. À Fougères, en pleine crise économique, les fabriques de chaussures, affichent fièrement « manufacture de luxe » sur l’entête de leur papier à lettre, lorsque leur production de catégorie intermédiaire s’avère en fait dédiée à des classes moyennes paupérisées.
30Il faut souligner que cette essentialisation du produit concerne des secteurs dédiés aux biens de consommation durable et dominés numériquement par les PME ; surtout, qu’il s’agit de biens en familiarité avec la production artistique et le sur-mesure à l’unité : évoquons, par exemple, les décors des pièces de porcelaine (Jean Dufy, Suzanne Lalique pour la maison Théodore Haviland25), les gants de luxe (Pierre Andry-Farcy, auteur de l’affiche, figure 4, conservateur du musée d’art de Grenoble, ayant participé à l’introduction de l’Art moderne en France26) et les chaussures de la haute botterie (pensons au bottier Pierre Yantorny et à son « soulier en plumes » d’oiseau du Japon27). L’ameublement, notamment avec le faubourg Saint-Antoine, pourrait d’ailleurs donner lieu à des développements du même ordre28. Les ébénistes, les bottiers, les gantiers, les céramistes donnent alors le ton à la fabrique, et par conséquent au commerce, autour d’une matière première et d’un savoir-faire à l’image valorisée, bien plus que la nécessité d’une adaptation des conditions de production aux nouveaux besoins de la consommation.
31Lorsque en 1931, détaillants et fabricants de chaussures s’opposent autour de la question du relèvement des droits de douane, le représentant des détaillants souligne alors, leur
« intérêt commun à ce que l’industrie de la chaussure soit défendue ; mais le détail tient grand compte de l’élément prix et souhaite que les mesures prises ne provoquent pas l’augmentation des prix. Si les marchandises importées en France sont souvent moins chères, c’est en partie grâce à l’organisation générale des industries étrangères. Il serait à souhaiter que l’industrie française fut organisée de façon analogue, ce qui contribuerait à mettre le détaillant d’accord avec le fabricant contre l’infiltration étrangère29 ».
32La question de la modernisation du secteur par refonte du processus de production est clairement perçue, précisément posée. Le président de la Fédération des fabricants lui répond qu’il existe, selon lui, une différence primordiale entre l’industrie étrangère et l’industrie française : « Chez nous, la production en grandes séries est possible pour certains articles classiques, mais ne répond pas dans l’ensemble aux besoins de la consommation. Une telle concentration de la production n’est pas non plus souhaitable chez nous, car elle ferait perdre à notre industrie le caractère de diversité et de fantaisie qui constitue l’un des ses attraits30. »
33Notons l’évidente contradiction dans ces propos, entre ce que seraient les « besoins de la consommation », sous-entendu une consommation de produits de qualité, tenant compte des évolutions de la mode et justifiant le maintien en France d’une fabrication en petites séries, et les raisons même des échanges entre détaillants et fabricants, à savoir les difficultés rencontrées face à la concurrence étrangère. Nous retrouvons là une conception mise à jour par les travaux de Philippe Minard31 et de Jean-Claude Daumas32, à savoir que « la qualité fait le débouché ». Ainsi, écrit J.-C. Daumas,
« dans cette optique, la concurrence déchaînée conduit mécaniquement à l’avilissement de la qualité, le mauvais fabricant employant des matières premières inférieures pour vendre moins cher […]. Du coup, cette doctrine […] paraît incapable d’envisager la commercialisation durable de marchandises de bas de gamme et stigmatise l’aveuglement de clients qui préfèrent le prix à la qualité33 »…
34La position de l’important syndicat des fabricants de chaussures se moule toute entière dans cette conception qui met en cause tout à la fois le concurrent déloyal et le client infidèle, pour expliquer les difficultés de l’heure. Ce « dogme de la qualité34 », ainsi poussé dans son extrême retranchement, entrave jusqu’aux conditions d’adaptation des fabriques face aux évolutions des besoins et des marchés.
… aux implications économiques
35Cette évaluation faussée des difficultés n’est pas sans effets négatifs et pervers sur la situation économique des entreprises concernées.
36Nous avons déjà signalé que la fabrique Morel et Gâté de Fougères supportait des coûts de production et de distribution supérieurs de 25 % à ceux des grands groupes. L’entreprise a bien tenté de s’inspirer de certaines de leur méthode de production, en installant en 1932 une chaîne de montage dans son usine. Cette installation s’est toutefois très vite avérée un échec aboutissant en quelques mois à son abandon. Plusieurs facteurs peuvent expliquer celui-ci, mais l’essentiel est que l’entreprise a souffert de l’indécision de ses dirigeants qui, tout en instaurant le travail à la chaîne, ont maintenu des productions en petites et moyennes séries. Ceux-ci veulent bien adopter la chaîne pour réduire le prix de revient de leur production, mais ne veulent absolument pas transiger sur la nature de leur produit. C’est leur marque de fabrique, le fondement de leur identité professionnelle. Or, la chaîne n’est efficace, notamment en termes de coût, que pour de grandes séries.
37Lucie Fléjou dans son article sur « les forces et les fragilités du modèle économique de la porcelaine de Limoges » souligne la disjonction progressive durant l’entre-deux-guerres entre politique des prix et politique de la qualité, qui, associées, avaient fait le succès de la place au tournant des XIXe et XXe siècles. Alors que l’essentiel de la production, désormais réalisée sur un mode standardisée (fours « à flamme renversée », décoration par décalcomanie, etc.), se trouve destinée à ce que l’on appelle aujourd’hui les classes moyennes supérieures, la principale entreprise de la place, Théodore Haviland, développe résolument une image de marque haut de gamme autour d’une production artistique et luxueuse. Cette image de marque, qui retient les clients parmi les plus riches, ne peut compenser la perte de l’essentiel de la clientèle, rebutée par des prix élevés s’agissant du luxe, mais également de la production courante qui souffre d’un défaut de modernisation, c’est-à-dire l’essentiel de la production censée entretenir le chiffre d’affaires. Ainsi, précise L. Fléjou son « chiffre d’affaires de 1927, maximum de l’entre-deux-guerres pour l’entreprise, ne représente que 79 % de celui de 1913 ; celui de 1937, minimum historique, s’élève à 25 % seulement de celui de 1913. […] [L’entreprise] est même constamment déficitaire de 1929 à 194035 ».
38Les cultures patronales des mondes du cuir et de la porcelaine diffèrent incontestablement. Pour autant, elles partagent à l’époque une même essentialisation du produit aggravant plutôt que résolvant les difficultés traversées par leurs entreprises.
39Quand la valeur se dérobe, le remède n’apparaît pas évident. Encore faut-il pouvoir déterminer l’essence de cette valeur. Émerge-t-elle du processus de production et de la chaîne de commercialisation, grâce à un savant dosage entre coûts et valeurs ajoutées ? Réside-t-elle dans la définition intrinsèque du produit, dans une qualité qui serait objectivement observable tout autant que perçue par le consommateur au travers d’une image de marque construite ? Pour n’avoir pas su distinguer entre ces deux aspects de la valeur du produit, pour s’être résolument attachés à en défendre l’image plutôt que la modernisation du processus de production, nos fabricants de chaussures, de gants, de porcelaine, se sont enfoncés dans les affres de la crise économique.

Figure 1 – L’évolution quasi parallèle des cours des cuirs verts et du prix moyen d’une catégorie de chaussures36. En francs constants 1938.

Figure 2 – La diminution du prix des chaussures en France durant les années 193037.

Figure 3 – La chute du chiffre d’affaires de la fabrique de gants à Millau38.

Figure 4 – Affiche prévue pour l’ouverture de la nouvelle usine Fischl, 1929. Source : collection Archives départementales de l’Isère, 153J, fonds ganterie Fischl.

Figure 5 – Affiche retenue pour l’ouverture de la nouvelle usine Fischl, 1930. Source : Collection Archives départementales de l’Isère, 153J, fonds ganterie Fischl.
Notes de bas de page
1 Yves Levant, Marc Nikitin, « De l’atelier à l’utopie. Consultants et projets de société dans la tourmente (1930-1944) », J. G. Degos, S. Trébucq (éd.), L’entreprise, le chiffre et le droit, Bordeaux, 2005, p. 237-256.
2 Archives de la Banque de France (ABdF), rapport d’inspection (RI) succursale de Limoges, 1934.
3 Centre des archives économiques et financières (CAEF), archives Gaston Cusin, 5A64, dossier 562, articles chaussants, t. IV, chap. I, p. 8, Service des monographies françaises, datant vraisemblablement de 1946.
4 ABdF, RI Millau, 1930.
5 Ibid., 1935.
6 ABdF, RI Grenoble, 1930.
7 Il s’agit de douze accords commerciaux négociés à Ottawa du 20 juillet 1932 au 20 août 1932 par le Royaume-Uni et les membres du Commonwealth et reposant sur le principe du traitement préférentiel entre nations associées. Voir Henri Grimal, Le Commonwealth, Paris, coll. « Que sais-Je ? », PUF, 4e éd. refondue, 1982.
8 ABdF, RI Limoges, 1935.
9 Ibid.
10 Bulletin du cuir, janvier 1944, p. 5.
11 Différents types de corporatisme se présentent, entre rejet total de l’intervention de l’État et, au contraire, appel à une intervention prédominante de celui-ci. Voir en première approche Louis Baudin, Le corporatisme, Paris, 1941.
12 Cf. Gaston Tainturier, Vers la corporation du cuir, Paris, Dunod, 1938, p. 102.
13 Le thème du « juste prix » apparaît dans la Somme théologique de Thomas d’Aquin (XIIIe siècle).
14 Voir notamment des pistes de réflexion dans Robert O. Paxton, Le temps des chemises vertes. Révoltes paysannes et fascisme rural, 1929-1939, Coll. L’univers historique, Seuil, p. 58-63.
15 ABdF, RI Grenoble, 1935.
16 Archives nationales (AN), Conseil national économique (CE) 36, section professionnelle du cuir, séance du 30 juillet 1937. Voir à ce sujet, Florent Le Bot, « La ‘‘Famille’’ du cuir contre Bata. Malthusianisme, protectionnisme, xénophobie et antisémitisme dans le monde de la chaussure en France, 1930-1950 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52-4, octobre-décembre 2005, p. 131-151.
17 Cf. G. Tainturier, op. cit., p. 132.
18 Ibid., p. 138.
19 Archives privés, Roger-Jean Gaulon, « De l’ordre dans la maison, essai sur l’économie ordonnée », 1938, manuscrit non publié, p. 39. Parmi les ouvrages publiés par ce permanent patronal des milieux du textile et du cuir, voir à la recherche de l’équilibre perdu. S’organiser ou disparaître, préface de Paul Jourdain, Paris, 1936.
20 Cf. G. Tainturier, op. cit., p. 139.
21 Cf. Claude-Joseph Gignoux, Patrons, soyez des patrons !, Paris, Flammarion, 1937.
22 « Loi tendant à protéger l’industrie et le commerce en détail de la chaussure », Journal Officiel de la République française (JORF), 24 mars 1936 ; « Loi ayant pour but de protéger l’artisanat de la chaussure », JORF, 8 avril 1936.
23 Cf. Le moniteur de la cordonnerie, no 6, 25 février 1934.
24 Archives départementales de la Haute-Vienne (ADHV) Limoges, 1ETPP32 (en cours de classement), archives de la succursale de la Banque de France à Limoges, Contentieux sociétés, 1900 à 1935. Assemblée générale constitutive du 6 juillet 1928, allocution du président Alluaud.
25 Jean est le frère de Raoul Dufy et Suzanne est la fille de René Lalique, elle est par ailleurs mariée à un Haviland. Cf. Lucie Fléjou, « Qualité, image de marque et exportations : forces et fragilités du modèle économique de la porcelaine de Limoges (1880-1940) », Entreprises et histoire, no 46, avril 2007, p. 85-97.
26 Voir Daniel Bal, Hélène Vincent, Andry-Farcy : un conservateur novateur. Le musée de Grenoble de 1919 à 1949, Grenoble, Musée de peinture et de sculpture, 1982.
27 Musée international de la chaussure de Romans, Pierre Yantorny, le bottier le plus cher du monde, Romans, mai 2006.
28 Voir en première approche, Florent Le Bot, La fabrique réactionnaire. Antisémitisme, spoliations et corporatisme dans le cuir, 1930-1950, Paris, Presses de Sciences Po, 2007, p. 159-161.
29 Bulletin du Syndicat général de l’industrie de la chaussure de France, no 65, octobre 1930.
30 Ibid.
31 Philippe Minard, La fortune du colbertisme. État et industrie dans la France des Lumières, Fayard, Paris, 1998.
32 Jean-Claude Daumas, Les territoires de la laine. Histoire de l’industrie lainière en France au XIXe siècle, Presses universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2004, p. 339-353.
33 Ibid., p. 341.
34 Ibid., p. 340.
35 Cf. L. Fléjou, op. cit., p. 93.
36 Source : SAEF, 5A64, dossier 562, déjà cité et Annuaire statistique de la France, Paris, INSEE, 1951.
37 Source : « Histoire du groupe André », vol. 1, p. 26 et 64. Paul Leroy, L’industrie de la chaussure. Économie libérale, économie dirigée, Nancy, 1943, p. 91. Archives municipales de Fougères, 24Z184, fonds Morel et Gâté. Archives du groupe Crédit agricole, Crédit lyonnais, direction des études économiques et financières, 61071, Chaussures françaises Pillot. Archives de Paris et de la Seine, 1320W85 127-2417AF, Parquet de la cour de justice du département de la Seine, information suivie contre Aubaut, Ribes, Fenestrier.
38 Source : ABdF, RI Millau, 1935.
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Les Français et l'argent, XIXe-XXIe siècle
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