L’improbable parcours d’un évêque de noblesse récente

1Charles Hémard de Denonville appartient à une famille de noblesse récente1. Sa mère, Jehanne Fesnières, fille du seigneur de Morainville, est issue d’une famille qui, pour sa branche Morainville, est noble avant 1400, mais dont la branche Fesnières est anoblie au cours du XV^e siècle. Du XV^e au XVII^e siècle, cette famille réside sur ses terres et ne s’illustre pas dans le service du roi. Le père de Charles est également issu d’une famille anoblie au XV^e siècle. La famille de Denonville entre au service du roi à la génération de Charles. Le frère du cardinal, Seigneur de Denonville et Chevenelle, écuyer d’Écurie du roi, Chevalier, capitaine et gouverneur de la ville et château de Châteaudun et pays Dunois (Châteaudun se trouve à 60 kilomètres du château de Denonville) est ensuite lieutenant de la compagnie de gens d’armes de François d’Orléans, marquis de Rothelin. Rien ne destinait pourtant les deux frères à s’illustrer ainsi au service de leur souverain. Dans la première moitié du XVI^e siècle, sur l’ensemble de la noblesse beauceronne, seuls 11 % des individus s’orientent vers une carrière militaire, administrative ou ecclésiastique. Les autres vivent la paisible existence du gentilhomme campagnard. Cela doit inciter à ne pas forcer les causalités : l’époque et le milieu de naissance de Charles Hémard de Denonville ne le prédisposent en rien au service du roi. Les chances qu’il devienne évêque, puis cardinal, et qu’il siège au Conseil royal sont presque inexistantes2. On sait peu de chose sur les débuts de sa carrière. Il aurait été attaché au cardinal Philippe de Luxembourg, légat du Saint Siège entre août 1516 et août 1518, comme secrétaire. Après la mort de son protecteur cette année, il devint le secrétaire du cardinal de Boisy, évêque de Coutances, grand aumônier de France et légat à partir du 23 mars 15193. Il est alors chanoine et archidiacre de Coutances. En 1520, il est nommé protonotaire apostolique. Il siège au Grand Conseil à partir du 18 avril 15294.

2Dépourvu semble-t-il de parentèle influente, Denonville incarne l’option des allégeances multiples qui consiste à ne pas faire de choix politique et à solliciter l’ensemble des courtisans influents de l’entourage royal : Montmorency5, Chabot6, les chanceliers Duprat7 ou Du Bourg8 même s’il semble, au départ, plutôt un client de Montmorency, dont il est peut-être le chapelain9. Par ailleurs, Charles établit des rapports étroits avec Jean Du Bellay dont il soutient les intérêts à Rome10. La période la mieux documentée de la vie du cardinal est en effet celle qu’il passe comme ambassadeur à Rome de novembre 1533 à juin 153811. À son retour, Charles Hémard de Denonville rejoint la cour12. C’est alors qu’il se rapproche du Conseil.

Conseiller

3C’est en effet à son retour de Rome que Charles Hémard de Denonville, cardinal de Mâcon se rapproche du cœur du pouvoir. Il est, avec le cardinal Du Bellay, l’un des spécialistes des affaires italiennes au Conseil durant les 2 années qui précèdent sa mort (1539-1540). Il est cité près de 20 fois pour les seules années 1539-1540 par l’ambassadeur de Ferrare et 30 fois par le nonce pour la même période. En 1539, il est évoqué comme un personnage qui compte dans la correspondance adressée au duc de Mantoue13. Du Bellay et Hémard de Denonville sont d’ailleurs étroitement associés et présentés comme travaillant ensemble et discutant ensemble avec l’ambassadeur de Ferrare14. Le 22 octobre 1539 Charles Hémard de Denonville est présent au Conseil15. Il joue alors un rôle important pour essayer d’obtenir le paiement de ce qui est dû au duc de Ferrare16. Il intervient également dans des Conseils dévolus à des questions techniques telles que l’édit touchant la juridiction des maîtres des requêtes (août 1539) ou celui traitant de l’apanage de monseigneur d’Orléans17. L’ambassadeur d’Angleterre confirme sa présence régulière au Conseil18.

4La présence au Conseil de Charles Hémard de Denonville s’explique donc par son expertise italienne et son support technique tandis que sa trajectoire se caractérise par un certain isolement et une grande brièveté au sommet (moins de deux ans). Son destin aurait pu peut-être changer de nature si une mort précoce n’avait mis un terme à son ascension. Au début de l’été 1540 en effet, Charles Hémard de Denonville entreprend une tournée dans l’ouest du royaume pour visiter ses abbayes en compagnie du cardinal Du Bellay. Quittant Angers, ils arrivent au Mans le 21 juillet 1540. Le cardinal de Mâcon y tombe malade et meurt le 23 août 154019.