Introduction. Le Conseil de François Ier (1515-1531)
p. 85-86
Texte intégral
1Les quinze premières années du règne de François Ier correspondent, dans l’histoire du Conseil, à un moment particulier qui se caractérise avant tout par la domination de la figure de Louise de Savoie. Cette situation est institutionnellement très claire à deux reprises. En 1515, lorsque François Ier se rend en Italie, et en 1525-1526 lors de la campagne de Pavie puis de la captivité du roi. Au cours de la première régence de Louise, ses pouvoirs sont limités, car le roi emporte le grand sceau en Italie. Au cours de la seconde en revanche, la situation est fort différente. Louise gouverne alors le royaume pendant près de deux ans à la tête d’un Conseil qu’elle contrôle fort bien. Quelques années plus tard, en 1529, ses pourparlers avec Marguerite d’Autriche, régente des Pays-Bas, aboutissent au traité de Cambrai, aussi appelé « Paix des Dames ». Toutefois, son influence dépasse largement aussi bien les deux périodes de régence que l’activité diplomatique de la fin de la décennie 1520.
2De 1515 à 1531, elle est une véritable alter rex, dont le poids politique est sans commune mesure avec celui que détiendront plus tard Montmorency, Chabot ou le duo Annebault-Tournon. Elle forme en effet avec son fils un couple compact dont il n’est pas toujours facile de distinguer la double composante. On trouve plus souvent dans les correspondances des contemporains (notamment dans celle de Jean Du Bellay), l’expression « le roi et Madame », plutôt que la simple expression « le roi ».
3Dans le contrôle de la composition du Conseil, la mère du roi joue un rôle déterminant. Elle confirme au début du règne des techniciens de haute volée, comme le secrétaire Florimond Robertet ou le financier Semblançay. Elle introduit et impose également au sommet des hommes nouveaux, qu’ils soient juristes comme le chancelier Antoine Duprat, ou nobles d’épée comme le gouverneur de son fils Artus Gouffier ou son propre frère, René de Savoie. À un niveau moins important, elle est à l’origine de la carrière de François de Tournon, Jean Caluau, Jean de Selve, Philibert Babou, Jean Brinon ou Gilbert Bayard. Elle s’impose donc indiscutablement comme la protectrice du Conseil dont elle contrôle les entrées et ordonne les sorties, telles celles du connétable de Bourbon ou de Semblançay dont elle provoque la perte.
4Ceci dit, outre l’arrivée d’hommes nouveaux, le début du règne se caractérise au Conseil par la sortie en douceur de quelques conseillers importants des règnes précédents. Ymbert de Batarnay, Étienne Poncher et Jean d’Albret, seigneur d’Orval quittent ainsi le Conseil assez rapidement. Pour le reste, l’essentiel de ce que seront les caractéristiques du Conseil du règne de François Ier est là dès le départ. Le Conseil est ainsi composé d’hommes d’expérience, qui, pour l’essentiel, appartiennent logiquement dans les premières années du règne, à la génération de Louise. Aux côtés de Duprat et Robertet, figurent des chefs de guerre comme La Tremoille, La Palice, Galiot de Genouillac, Odet de Foix mais aussi Artus Gouffier et Guillaume de Montmorency, et enfin des techniciens de confiance un peu effacés comme Jean de Selve ou Jean de Brinon.
5La période qui précède et qui suit immédiatement Pavie offre l’occasion à Louise de Savoie de donner toute sa mesure. L’absence du roi, puis sa captivité, encouragent les revendications des conseillers nés et du Parlement chacun entendant exploiter ses atouts dans un contexte difficile pour la royauté. On assiste alors au mariage raté des princes du sang et des parlements, lorsque le Parlement de Paris tente de pousser Charles de Bourbon, duc de Vendôme, à la tête du Conseil. Louise lui oppose alors Odet de Foix, tout en maintenant un soutien sans faille à Duprat. La coalition peu probable des princes du sang et du parlement fait donc long feu assez rapidement grâce à l’autorité et à l’habileté de la régente. Cette dernière n’en a pas moins à gérer l’opposition assez virulente du Parlement contre le concordat de Bologne et le chancelier Duprat, l’un de ses premiers bénéficiaires.
6Au cours de ces quinze premières années, la présence tutélaire de Louise de Savoie empêche sans doute que s’impose au Conseil un favori-principal ministre sur le modèle qu’illustreront dans la seconde moitié du règne Anne de Montmorency, puis Philippe Chabot et Claude Annebault. Aux côtés de la mère du roi, Artus Gouffier ou René de Savoie ont bien été, l’un après l’autre, au cours des dix premières années du règne, des sortes de chefs du Conseil, mais l’emploi du qualificatif de favori paraît impropre dans leur cas. Ainsi, si c’est bien par des mécanismes indiscutablement liés à la faveur qu’Artus Gouffier parvient à la place qu’il occupe auprès de Louise de Savoie, puis de son fils, il est plutôt un « mentor », de par ses fonctions avant l’avènement, mais sans doute aussi à partir de 1515 : s’il est omniprésent au Conseil, ce n’est pas qu’il soit omnipotent ; c’est plutôt que François Ier souhaite ne pas prendre de décision sans avoir recueilli son avis, comme il le faisait sans doute sur toutes sortes de sujets avant l’avènement. Cela étant, ce terme de « mentor » ne recouvre vraisemblablement pas toutes les dimensions de l’action d’Artus Gouffier auprès de François Ier : son activité diplomatique et son rôle dans les finances royales y échappent au moins en partie. On pourrait faire une analyse proche pour qualifier le positionnement de René de Savoie qui doit en grande partie sa position à son statut d’oncle du roi. À l’inverse, un Guillaume Gouffier ou un Odet de Foix ont indiscutablement été des favoris de François Ier dans la première moitié de la décennie 1520, mais l’on hésitera sérieusement à les qualifier de principaux ministres.
7Jusqu’à la toute fin de sa vie, Louise de Savoie, par le simple fait de sa présence, donne donc au Conseil et à ses membres les plus influents, un profil spécifique. On peut toutefois considérer que dans la seconde moitié de la décennie 1520, sa position change un peu. D’abord, le désastre de Pavie termine dans le sang le « premier règne » de François Ier. La mort du Bâtard de Savoie, de Guillaume Bonnivet et de La Palice, suivi de la mort deux ans plus tard de Robertet et de l’exécution de Semblançay, permet à une nouvelle génération de prendre son essor. Mais c’est la mort de Louise en 1531 qui ouvre véritablement la seconde phase du règne dominée par la figure du grand maître Anne de Montmorency, assisté d’une pléiade de nouveaux talents, tandis que son grand rival Philippe Chabot, en embuscade, attend son heure.
Auteur
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Cédric Michon
Université du Maine-CERHIO/Institut universitaire de France
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