Rumeur, circulation des nouvelles et gouvernement aux temps carolingiens
p. 133-147
Texte intégral
1La rumeur a, jusqu’à présent, essentiellement retenu l’attention des spécialistes du bas Moyen Âge, en tout cas pour ce qui concerne les historiens francophones (il est, par exemple, significatif que les communications au congrès de la Société des médiévistes sur « la circulation des nouvelles » portèrent exclusivement sur les derniers siècles de l’époque médiévale1). Or dans le domaine du haut Moyen Âge aussi, l’étude des modes de communication et du recours aux messagers fait actuellement l’objet d’investigations diverses2. Dans ce contexte historiographique en plein renouvellement, il convient de s’interroger sur la place que joua la rumeur et, plus généralement, la diffusion de nouvelles, voire la désinformation, dans la vie politique du monde carolingien, qu’on examinera plus particulièrement en ce moment de troubles qui caractérise les mois ayant suivi la mort de l’empereur Louis le Pieux. Mais pour commencer, un exemple plus récent et bien documenté illustrera l’impact potentiel de la diffusion des (fausses) nouvelles sur l’action des rois.
Louis II en Bénévent (871) : un empereur trop vite enterré
2L’annonce de la mort de Louis II constitue un bel exemple de fausse nouvelle ayant eu un impact sur les plans d’action des souverains carolingiens. En effet, en 871, l’empereur Louis II avait été victime d’un complot fomenté par le duc de Bénévent, Adalgise, auquel s’étaient semble-t-il alliés le duc de Spolète, Lambert, et un homonyme3. L’empereur, son épouse et leur fille furent attaqués nuitamment et trouvèrent refuge dans une forteresse dont ils ne purent sortir, grâce à l’entremise de l’évêque du lieu, qu’après avoir juré de ne pas se venger4. Or la nouvelle de cet assaut s’était rapidement répandue dans le monde franc, où l’on rapportait que l’empereur était mort. Alors qu’il chassait entre la Belgique et la France – pour employer des termes d’aujourd’hui – Charles le Chauve reçut des messagers que plusieurs personnes lui avaient envoyés depuis l’Italie pour lui annoncer que les gens de Bénévent avaient tué Louis II et sa famille et pour l’inviter à se rendre dans la péninsule, ce qui eut pour effet immédiat de lui faire mettre cap vers le Jura5. Charles le Chauve n’avait pas été victime d’une rumeur, au sens d’une nouvelle qui se serait répandue de manière incontrôlée, mais d’une (fausse) nouvelle lancée par des individus peut-être trop empressés, dont il convenait de vérifier la véracité avant d’engager toute action décisive, ce que fit le roi : alors qu’il résidait à Besançon, « ses propres envoyés, qu’il avait dépêchés en Italie, lui annoncèrent que l’empereur Louis était vivant et sain de corps6 ». De manière significative, c’est à ce moment qu’Hincmar relate l’entreprise du duc Adalgise, dont les membres de l’entourage de Charles eurent connaissance de la bouche des informateurs envoyés par le roi, à leur retour7. Cette fausse nouvelle circulait aussi dans le royaume de Louis le Germanique : ce dernier « ayant appris par ouï-dire (audiens) que son neveu, l’empereur Louis, était mort, envoya son fils Charles dans le territoire qu’il avait de l’autre côté du Jura pour qu’il pût imposer par serment [à la population] de lui être fidèle, ce qu’il fit8 ». Méginhard, l’auteur des Annales de Fulda, parle explicitement d’une « fausse rumeur » (falsus rumor9). Cet exemple montre bien comment la diffusion d’une nouvelle pouvait avoir une incidence sur la stratégie politique des souverains, à des fins conservatoires avant même qu’elle ne pût être confirmée (c’est le cas du déplacement en urgence de Charles le Chauve jusqu’à Besançon, ce qui lui fit parcourir plus de 500 km) ou pour tenter de forcer le destin, comme le fit Louis le Germanique non seulement en envoyant son fils, Charles le Gros, imposer fidélité à son père dans la région du lac de Genève qui dépendait jusqu’alors de l’empereur Louis, présumé mort, et, très probablement aussi, en contrôlant le col du Mont-Joux (Grand-Saint-Bernard), mais aussi en prenant diverses mesures (attestées par des chartes et diplômes) en faveur de ses fils et d’autres grands pour s’assurer leur soutien avant de partir à la conquête de la couronne impériale10. Cet exemple illustre aussi la rapidité et l’amplitude de la diffusion de certaines informations d’un impact politique majeur. Il n’y a pas lieu de revenir ici sur la question de la rapidité de circulation de l’information au haut Moyen Âge11. On sait aussi le profit que pouvait procurer la réaction rapide à un changement politique : la précipitation dont fit preuve Charles le Chauve, lorsqu’il se fit couronner à Metz en septembre 869 en réaction à la mort de Lothaire II le mois précédent12, en apporte l’illustration. Dans le cadre de ce colloque, l’on se propose plutôt d’examiner en détail la politique d’information et la circulation des nouvelles en une période particulièrement intéressante à ce propos, celle de la rivalité entre les fils de Louis le Pieux.
Un témoignage privilégié : l’Histoire des fils de Louis le Pieux par Nithard
3Le récit de Nithard fourmille de références à l’envoi de messagers et à la circulation de nouvelles plus ou moins vraies dans cette période tourmentée, riche en rebondissements et autres revirements qu’est le temps de la lutte entre les fils de Louis le Pieux13. Le comte chroniqueur offre aussi un témoignage intéressant sur la propagande politique, par exemple lorsqu’il décrit comme « une chose merveilleuse et digne d’être mentionnée (notanda) » la venue de messagers aquitains apportant, sans avoir été guidés, les insignes de la royauté à Charles le Chauve, qui venait d’arriver à Troyes, au moment même où le roi sortait du bain14 (l’interprétation politique de cette anecdote est délicate et sujette à discussion15). Nithard montre aussi tout l’attachement que les Carolingiens et leurs contemporains portaient au fait de jouir d’une bonne réputation, notamment lorsqu’il relate combien Louis le Germanique et Charles le Chauve étaient soucieux de ne pas laisser aux générations futures piètre souvenir d’eux-mêmes, alors que leurs troupes étaient fatiguées et que le combat que voulait leur imposer Lothaire s’annonçait incertain : « craignant que si, par malheur, le frère manquait de soutenir son frère, ils laissassent une mémoire indigne (indigna memoria) à la postérité, ils préférèrent souffrir les privations et la mort même plutôt que de perdre leur renom d’invincibles (nomen invictum)16 » (on a peut-être ici une allusion à la fois à la titulature princière et royale17 et à l’étymologie du nom de Franc, qui signifie « indomptable » ainsi que le rappelle Ermold le Noir18). L’attention que Nithard porte lui-même au souvenir des actions de son temps qu’entretiendra la postérité est d’ailleurs un mobile d’écriture, comme il le reconnaît au seuil de son livre troisième, après qu’il a relaté la bataille de Fontenoy : « Ne pouvant souffrir d’entendre dire du mal de notre famille19, il m’est encore bien plus pénible d’en dire moi-même. Aussi, tout en ne voulant pas manquer de respect pour les ordres reçus20, dès que je fus arrivé, selon mes vœux, à la fin du livre second, avais-je résolu en moi-même de clore définitivement cet ouvrage. Mais, dans la crainte qu’induit en erreur d’une manière ou d’une autre, il ne se trouvât quelqu’un pour entreprendre de raconter les événements de notre temps autrement qu’ils ne se sont passés, j’ai consenti à ajouter ce troisième livre sur les événements auxquels j’ai pris part21. » On ne saurait reconnaître mieux que l’historiographie est un instrument de contrôle de l’information et du souvenir, ce que les travaux récents sur les sources annalistiques prouvent éloquemment22.
La collecte des nouvelles et l’action politique
Une actualisation constante des informations
4La collecte d’information est essentielle pour décider des actions politiques à mener23. C’est ce qu’illustre l’Histoire rédigée par Nithard, qui écrit par exemple à propos des rapports de force à l’automne 840 : « Apprenant (audiens) que tous ceux que nous avons ci-dessus mentionnés avaient fait défection, que Lothaire, à la tête d’une grande armée, avait décidé de le poursuivre jusqu’à extermination et informé24, d’autre part, qu’aussi bien Pépin que les Bretons lui étaient hostiles, Charles décida avec les siens de convoquer une assemblée pour aviser ce qu’il y avait à faire et délibérer sur la situation25. » Ce passage illustre la diversité d’origine géographique des informations dont disposait Charles le Chauve, qui se trouvait alors au sud de la Loire, puisqu’il est question à la fois des contrées occidentales de la forêt Charbonnière, de la région parisienne (où se trouvait d’ailleurs Lothaire), de l’Aquitaine et de la Bretagne26.
5Le renseignement faisait partie de la politique de gouvernement, comme Nithard le reconnaît occasionnellement, par exemple lorsqu’il écrit qu’en avril 841, Lothaire, « voulant célébrer les fêtes de Pâques à Aix, envoya rapidement aux renseignements, pour savoir où et avec qui se trouvait Charles27 ». Vers la fin de l’été 841, Lothaire changea ses plans après avoir appris (ut haec audivit) que Charles le Chauve était en Vermandois et portait secours à son frère, Louis le Germanique28. On pourrait multiplier les exemples. Parfois, Nithard met l’accent sur la fiabilité des informations recueillies, comme lorsqu’il relate qu’au début de l’année 842, Louis le Germanique et Charles le Chauve « apprirent de façon certaine (certis indiciis cognovere) que Lothaire avait quitté son royaume29 ».
L’importance des messagers
6Sachant le rôle décisif que jouent les porteurs de missives, qui sont généralement les seuls détenteurs du message à délivrer alors que la lettre qu’ils portent n’est qu’un instrument d’identification et le support de déclarations d’amitié et autres mondanités30, on ne s’étonnera pas de l’importance que jouent les messagers. Diverses anecdotes en apportent l’illustration.
7Au cours de l’été 838, à la suite d’une dispute, Louis le Pieux dépouilla Louis le Germanique de tout ce que ce dernier avait « usurpé » outre-Rhin, le confinant ainsi à la Bavière. À l’automne, le fils rebelle mit le siège devant Francfort, où son père voulait passer l’hiver, le forçant ainsi à se rabattre sur Mayence : « On apprit que Louis s’était éloigné de son père et qu’il voulait obtenir pour lui tout ce qui était situé au-delà du Rhin. À cette nouvelle, son père convoqua une assemblée à Mayence et s’y rendit31 ». Dans son récit, Nithard met l’accent sur la circulation des nouvelles : nuntiatur, audiens (ce n’est d’ailleurs pas le seul moment de son récit où l’auteur fait part d’une décision prise après qu’on eut appris quelque chose par ouï-dire32). De même, au début de l’année 840, Louis le Germanique, dont le territoire avait été confiné à la Bavière lors du partage de 839, revendiqua le royaume outre-Rhin et, fort du soutien d’une partie de l’aristocratie, se rendit à Francfort en traversant l’Alémanie. « Ayant appris cela » (quo comperto) alors qu’il se trouvait en Aquitaine, Louis le Pieux prit des mesures pour contrôler la rive occidentale du Rhin avant de se rendre à Aix-la-Chapelle, où il fêta Pâques33. Prudence de Troyes, qui relate l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » par une personne dont il ne dévoile pas l’identité (sinistrum quippiam illi nuntatum est), affirme que c’est en réaction à cette « nouvelle » (nuntium) que l’empereur prit la décision de quitter précipitamment Poitiers34.
8L’Empire devait être sillonné de messagers, notamment durant cette période d’incertitude politique que représente la lutte pour le pouvoir entre les fils de Louis le Pieux dans les mois qui suivirent la mort de l’empereur, alors que chacun des rois devait sans cesse être tenu informé des derniers retournements. Ainsi, en juillet 840, Charles le Chauve tint de diverses sources son information sur la situation politique et stratégique, ainsi que l’écrit Nithard : ex omnibus nuntio recepto, que Ph. Lauer traduit par « informé des nouvelles par la rumeur publique35 ». I. Fees suppose avec vraisemblance que Charles, qui se trouvait alors à Bourges où il aurait dû rencontrer son neveu, Pépin II, fut alors informé du revirement de Lothaire36, qui préférait renoncer à affronter Louis le Germanique aux environs de Francfort pour se retourner contre son benjamin dans l’espoir de le soumettre à son pouvoir – cela suppose donc ou bien l’envoi, par des personnes favorables à Charles, de messagers devant rapidement parcourir presque 700 km ou bien le retour auprès de ce dernier d’espions dépêchés observer la situation dans les contrées orientales de l’Empire (on ne lésinait d’ailleurs pas sur le recours aux messagers, puisqu’à l’annonce de cette nouvelle, Charles dépêcha deux messagers, dont Nithard, pour tenter de dissuader Lothaire en le rappelant à ses promesses37). De même, un peu plus tard dans l’été, alors que Charles le Chauve se trouvait à Quierzy, « un messager vint d’Aquitaine annoncer que Pépin et ses partisans s’apprêtaient à assaillir [sa] mère38 », Judith, qui se trouvait peut-être à Bourges39. On pourrait multiplier les mentions de missi et autres nuntii. Ce qui est intéressant en l’occurrence, c’est qu’il s’agit non pas de l’annonce d’un acte d’ores et déjà accompli mais d’un message résultant d’une observation des mouvements de troupes ou d’une « fuite » dans l’entourage du roi d’Aquitaine. Le texte de Nithard ne contient pas le terme de rumor ; bien que sa traduction fût assez libre, Ph. Lauer avait toutefois raison de recourir à ce terme, qu’emploie un autre auteur contemporain. Raoul de Fulda écrit, en effet, que c’est nuntiorum rumore permotus, c’est-à-dire troublé dans ses projets par ce que lui glissaient à l’oreille les divers envoyés qu’il recevait, que Lothaire renonça à poursuivre Charles le Chauve au début du printemps 841, pour se retourner vers Louis le Germanique et diriger ses troupes vers Worms40.
Les déplacements du roi et de sa suite
Publicité de l’itinéraire royal
9Il n’est pas toujours évident de faire la part des choses entre ce qui relève de la rumeur, des nouvelles colportées par divers témoins, voisins ou voyageurs, et ce qui relève de la communication à des fins politiques ou administratives. L’anecdote suivante fournit matière à réflexion sur cette question.
10En 842, Lothaire, qui s’était établi dans la vallée du Rhône, chercha à négocier avec Louis le Germanique et Charles le Chauve : « il envoya un ambassadeur prévenir ses frères que, s’il savait où le faire, il leur adresserait les premiers de ses fidèles pour négocier la paix. Il lui fut répondu qu’il envoyât qui il voudrait, qu’il était facile de savoir où ils se trouvaient à n’importe quel moment. » Par sa légèreté même, cette réponse est intéressante puisqu’elle laisse entendre qu’on pouvait facilement se renseigner sur le lieu de résidence d’un souverain, comme si, outre le fait que le déplacement d’un roi et de sa suite passe rarement inaperçu, ce genre de nouvelle faisait l’objet d’une certaine diffusion. La chose est vraisemblable au moins pour des raisons d’intendance41. Une remarque de Nithard en apporte a silentio la confirmation : lorsque l’ambassade aquitaine – déjà évoquée plus haut – rejoignit Charles le Chauve, au printemps 841, le prodige tenait en partie de ce que le roi n’avait pas d’itinéraire précis, c’est-à-dire planifié : outre le fait qu’ils se déplaçaient sans guide et avaient échappé aux brigands, « ce qui, il faut l’avouer, est encore plus admirable [est], qu’ils aient pu le rejoindre juste à point, au jour et à l’heure voulus, alors que Charles lui-même ignorait l’itinéraire qu’il devait suivre avec les siens42 ».
Problème de communication ou défaut du renseignement ?
11Mais l’information ne circule pas toujours. Pour dire comment Lothaire apprit la mort de Louis le Pieux, Nithard écrit « audiens [...] patrem suum obisse43 » et Prudence de Troyes emploie l’expression « comperto genitoris obitu44 ». Le participe audiens de Nithard ne permet pas, en l’occurrence, de trancher si Lothaire fut informé par ouï-dire de l’agonie ou de la mort de son père ; il le fut probablement par des informateurs. Nous savons, grâce à l’Astronome et à l’auteur des Annales de Fulda, que Louis le Pieux, avant de mourir (le 20 juin 840), avait fait envoyer les regalia à Lothaire mais on peut se demander si la délégation envoyée par son père le trouva en Italie. L’auteur des Annales de Fulda prétend que Lothaire arriva « trop tard » (sero45) ; en revanche, Nithard – peut-être plus crédible – affirme que le fils de l’empereur « s’avança lentement, voulant savoir comment tourneraient les choses, avant de passer les Alpes46 ». En fait, Louis le Pieux avait – apparemment durant le temps de Pâques47 – décidé de réunir un plaid général à Worms le 1er juillet et il y avait convoqué Lothaire, qui se trouvait alors en Italie48. Une dizaine de jours avant le début de cette assemblée, Lothaire, dont on ignore malheureusement l’itinéraire précis durant le mois de juin, se trouvait donc certainement non loin des frontières alpines de son royaume d’Italie. Il s’y cachait peut-être. En effet, une formulation des Annales de Fulda permet de supposer que la délégation chargée de porter les regalia à Lothaire ne parvint pas jusqu’à lui, ce qui serait compréhensible si ce dernier n’était pas au lieu où l’on s’attendait à le trouver : « Les Francs accueillent Lothaire, arrivé trop tard d’Italie [lui qui], est appelé à régner (regnaturus) sur eux à la place de son père. Ils lui rapportent en effet (ferunt) que l’empereur mourant l’avait désigné pour tenir après lui le gouvernail du royaume en lui envoyant les insignes du pouvoir royal, c’est-à-dire le sceptre de l’empire et la couronne49. » Si les Francs doivent, lorsqu’il arrive, expliquer à Lothaire qu’il a été désigné par l’envoi des regalia, c’est que la délégation dépêchée au-devant de lui n’avait pas croisé son chemin. Par conséquent, la nouvelle de la mort de son père a dû lui parvenir par d’autres biais.
Propagande et désinformation
12Prudence de Troyes dénonce l’attitude de Lothaire lorsqu’il apprit le décès de Louis le Pieux, mais il ne fait intervenir aucun des grands du royaume50, à la différence de Raoul de Fulda, qui, ainsi qu’on l’a vu, relate que les Francs, accueillant le fils aîné de l’empereur défunt, lui « rapportèrent » que ce dernier, à l’article de la mort, l’avait désigné pour lui succéder (hunc enim ferunt imperatorem morientem designasse51). La volonté de Louis le Pieux était un peu plus nuancée, si l’on en croit l’Astronome : l’empereur avait certes fait remettre la couronne à Lothaire, mais il avait assorti la remise de son épée dorée sertie de pierres précieuses d’une condition, à savoir que Lothaire respectât sa fides envers Charles le Chauve et Judith et qu’il garantît les droits de son frère benjamin52. Le récit de Raoul ne reflète peut-être pas pour autant de manière infidèle la réalité, car on peut imaginer que les partisans de Lothaire ou ceux qui se rallièrent alors à lui ne lui présentèrent pas une version impartiale des dernières volontés de son père, car la pression qu’il exerçait sur les membres de l’aristocratie semble avoir été forte, d’après Nithard : « Apprenant (audiens) la mort de son père, Lothaire envoya aussitôt des messagers partout, principalement dans toute la Francia, annonçant qu’il allait venir prendre possession de l’empire qui lui avait été jadis donné et promettant de conserver les bénéfices concédés par son père, voire de les accroître53 » (Nithard décrit ici une véritable stratégie de communication de la part de Lothaire). La maîtrise de l’information semble avoir été une priorité durant les troubles qui suivirent la mort de Louis le Pieux. Il y eut assurément aussi de la désinformation, comme en témoigne la confrontation du texte de Nithard avec les Annales de Prudence de Troyes.
Des fugitifs en série
13La désinformation peut, soit viser à déstabiliser l’ennemi (comme on le verra plus tard), soit à maintenir ou remonter le moral de ses propres troupes, comme l’illustrent les exemples suivants. Vers la mi-mai 841, Charles quitta Attigny pour rejoindre sa mère à Châlons-en-Champagne. Là, il apprit la victoire que Louis le Germanique avait remportée outre-Rhin sur le comte Adalbert, le 13 mai 841. À la demande générale, Charles se porta à sa rencontre54. Selon Nithard, Lothaire interpréta ce mouvement de troupes comme une fuite et, surtout, présenta l’événement sous ce jour à ses partisans pour les galvaniser : « Lothaire, de son côté, aussitôt informé de la situation, annonça à ceux qui l’entouraient que Charles avait pris la fuite et qu’il voulait le poursuivre aussi vite que possible ; par cette nouvelle, il ranima le zèle de ses partisans, donna aux hésitants le courage d’accourir et les affermit dans son parti55. » Prudence, à propos de la même période, fait lui aussi allusion à une fuga, mais il s’agit cette fois de la désertion des propres troupes de Lothaire ! C’est, en effet, après avoir appris que les siens s’étaient enfuis et que Charles s’approchait que Lothaire quitta la vallée du Rhin. Ici encore, il s’agit de nouvelles qu’on « entend » : « audita suorum fuga Karolique aduentu56. »
La jactance
14Le recours à la désinformation comme instrument de déstabilisation politique est illustré par ce que Nithard dit des conséquences de la bataille de Fontenoy-en-Puisaye. Les vainqueurs, Charles et Louis le Germanique s’en vont, l’un tenter de s’imposer en Aquitaine et en Neustrie, l’autre regagner ses terres rhénanes. « Pendant ce temps, Alard et tous les autres que Charles avait adressés aux Francs pour savoir s’ils voulaient revenir à lui, se rendant à Quierzy, où ils avaient demandé qu’il envoyât ses députés, trouvèrent peu de monde en face d’eux. Ils disaient que, si Charles était présent, ils n’hésiteraient pas à venir à lui ; autrement, ajoutaient-ils, ils ne savaient pas s’il vivait ou non. Les partisans de Lothaire avaient, en effet, répandu le bruit que Charles avait péri dans le combat et que Louis, blessé, avait pris la fuite. C’est pourquoi ils déclaraient imprudent, dans l’incertitude où ils se trouvaient, de conclure un traité avec qui que ce fût57. » Nithard écrit : « Jactaverant [...] hi qui partis Lodharii sentiebant [...]. » Les partisans de Lothaire « jactèrent », pourrait-on dire, et lancèrent à tout va cette fausse information pour déstabiliser Charles le Chauve, dont le pouvoir était encore bien incertain. On tient là un exemple parlant de l’organisation d’une opération de désinformation et l’on retrouve ici cette caractéristique de la rumeur, « qui est plutôt une déformation à laquelle se trouve accolé le qualificatif sinistra, funeste58 ».
L’agitation politique
15Nithard apporte un précieux témoignage sur le travail de l’opinion aux temps carolingiens. Lorsqu’il évoque le mécontentement suscité par la politique de Louis le Pieux au lendemain de sa première restauration, il écrit : « Ceux que nous avons désignés plus haut le supportèrent avec peine et, se plaignant de la mauvaise direction de l’État (res publica), soulevèrent le peuple pour obtenir un gouvernement équitable59. » La traduction de Ph. Lauer passe sous silence cette dimension propagandiste : les opposants à Louis le Pieux « divulgant populumque quasi ad justum regimen sollicitant », c’est-à-dire qu’ils « font savoir », ils « dénoncent » le mode de gouvernement et « excitent » le peuple pour en obtenir un meilleur. Ce sont, dans tous les sens du terme, des agitateurs. De même, lorsqu’il relate l’entrevue, qui eut lieu en Trentin au mois de mars 838, entre Lothaire et Louis le Germanique, alors mécontents – mais sans raison juridiquement fondée – de ce que l’empereur avait doté son fils Charles et de ce que certains grands de Neustrie lui avaient juré fidélité, Nithard évoque la commotio, vite apaisée, qui avait alors agité la société politique : « Cette entrevue fit naître une assez vive agitation, mais elle se calma rapidement60. » L’annonce de la tenue de cette réunion, relayée de manière plus ou moins bienveillante, dut probablement contribuer à ce que cette affaire fît des vagues.
16L’examen des sources historiographiques relatives aux troubles qui affectèrent l’Empire carolingien vers le début des années 840 a mis en évidence l’importance des messagers et de l’oralité dans la diffusion des nouvelles et le travail de l’opinion. Bien évidemment, ce n’était pas le seul moyen de propagande et l’on sait que l’écrit joua un grand rôle, notamment au sein des élites ecclésiastiques, comme le prouve par exemple l’épave documentaire qu’est la notice, probablement destinée à Hincmar de Reims, copiée à la suite du plaidoyer rédigé par Gunthar de Cologne61, qui avait été démis de sa charge archiépiscopale en 863, en même temps que Teutgaud de Trèves, pour avoir autorisé le divorce de Lothaire II62 et qui fondait sur les saintes Écritures et l’interprétation qu’en avaient donnée les Pères l’argumentation selon laquelle il fallait faire preuve d’indulgence à l’égard de celui qui se repent : « Faites faire des copies de ce quaternion en plusieurs exemplaires ; donnez-en un à l’archevêque Liutbert [de Mayence] et faites-le parvenir à autant d’autres évêques que vous pouvez ; envoyez un exemplaire à Cologne, pour qu’il parvienne aux mains des frères et qu’ils le fassent reproduire et l’envoient aux évêques », etc. De même, dans la condamnation de Gottschalk d’Orbais, il y eut assurément, de la part de Raban Maur et d’Hincmar de Reims, le souci de contrôler l’opinion, par la parole et par l’écrit63.
17De l’enquête sommaire à laquelle on a procédé et qui mériterait d’être approfondie à divers égards, retenons principalement deux conclusions :
181. Les sources historiographiques étudiées ici se prêtent plus à l’analyse de la diffusion des nouvelles qu’à celle des opinions et des procès d’intention. On y observe une distinction assez nette entre l’information vérifiable et le bruit diffus qu’on ne peut pas contrôler. À cet égard, et sans que le mot revête forcément une « connotation subversive64 », on peut se demander si le terme de rumor n’est pas principalement connoté négativement – on rejoint ici l’idée selon laquelle la rumeur est associée à ou représente un « danger potentiel65 ». C’est, semble-t-il, en rapport avec des mauvaises nouvelles ou des nouvelles pour le moins inquiétantes qu’on emploie ce mot, tel le continuateur des Annales de Fulda – qui écrivait à Ratisbonne – lorsqu’il relate le trouble d’Arnulf de Carinthie quand, alors qu’il devait faire face à une épizootie frappant les chevaux de l’expédition militaire qu’il conduisait en Italie pour se faire couronner empereur, lui-même et ses troupes apprirent la mauvaise nouvelle (rumor malus) – qui les « ébranla » (commovit) – de la défection du roi Bérenger66. Le terme de rumor peut certes être employé de manière positive, voire laudative, au haut Moyen Âge : ainsi, par exemple, Bède le Vénérable évoque « felix industriae ac virtutis rumor » de l’abbesse Hilda de Whitby67, où rumor semble synonyme de fama68. Mais en général, la rumeur semble bel et bien être une nouvelle funeste ou un synonyme de ragot. C’est ainsi qu’Agobard, alors qu’il se trouvait écarté de son siège archiépiscopal, rédigea une lettre à l’attention du clergé de Lyon, pour se justifier69 : « Parce que j’ai appris qu’il y avait parmi certains d’entre vous des rumores et diverses suspicions, j’ai écrit ce qui suit pour que vous daigniez savoir ce que je pense devoir être observé en matière de gouvernement ecclésiastique, afin que cesse la murmuratio d’un petit nombre dès lors que ce à quoi je tends aura été dévoilé à tous70. » La plainte à mi-mot qu’est la murmuratio peut susciter des rumeurs infondées. Dans sa Règle, saint Benoît avait d’ailleurs dénoncé le « fléau du murmure71 » et condamné le moine murmurans au même titre que le désobéissant72. Agobard n’était, semble-t-il, pas le seul évêque à redouter les méfaits de la rumeur ; si l’on en croit l’auteur de la Vie de Didier, qu’on pense avoir écrit ce texte au VIIIe siècle, c’est « afin de ne pas donner prise à de sales rumeurs et de ne fournir aucune occasion aux gens pernicieux » que l’évêque de Cahors s’adonna aux œuvres de charité73.
192. Que les nouvelles circulassent au temps carolingiens et qu’on pratiquât alors tant l’effet d’annonce que la désinformation et l’espionnage n’ont, en soi, rien de bien surprenant ; ce qui est plus remarquable, c’est que des sources a priori sèches et stéréotypées nous renseignent à ce propos, dès lors qu’on veut bien les examiner sous cet angle. On pourrait assurément faire le même constat à propos d’autres auteurs, tel Flodoard dans la chronique qu’il rédige au Xe siècle et qui le montre bien informé, depuis Reims, sur la vie politique dans tout le royaume74. Pour les années 830/840, Nithard s’avère un témoin particulièrement intéressant, notamment de par la volonté qu’il a de justifier sa fidélité à Charles le Chauve et de dénoncer les agissements de Lothaire : il s’ensuit, chez lui, une attention pour le détail qui nous révèle combien la lutte entre les fils de Louis le Pieux fut, non seulement, une histoire de rivalité pour le contrôle des richesses et des hommes, mais aussi une guerre d’opinion, où la dimension psychologique de la diffusion de certaines nouvelles et l’avantage stratégique que supposait le contrôle de l’information et la désinformation jouèrent un rôle tout aussi important que le succès des armes et que l’achat des fidélités par la distribution de bénéfices. Or les clercs savent qu’il faut se méfier de la rumeur, que Raban Maur compare au vent75 ; en effet, comme l’énonce Sedulis Scottus dans la seconde moitié du IXe siècle, « la rumeur est douteuse/la renommée (fama), fragile ;/la rumeur est changeante,/elle est futile76 ».
Notes de bas de page
1 La Circulation des nouvelles au Moyen Âge, Paris, Rome 1994 ; sur l’oralité, voir Haro ! Noël ! Oyé ! Pratiques du cri au Moyen Âge, D. Lett et N. Offenstadt (dir.), Paris 2003 ; pour une analyse de cas mettant en évidence la complémentarité entre oralité et recours à l’écrit, D. Angers, « Voir, entendre, écrire. Les procédures d’enquête dans la Normandie rurale de la fin du Moyen Âge », L’enquête au Moyen Âge, Cl. Gauvard (dir.), Rome 2008, p. 169-183.
2 Par exemple S. Freund, « Boten und Briefe. Formen und Wege bayerisch-italienischer Kommunikation im Früh-und Hochmittelalter », Bayern und Italien. Politik, Kultur, Kommunikation (6.-15. Jh.). Festschrift Kurt Reindel zum 75. Geburtstag, H. Dopsch, S. Freund et A. Schmid (dir.), Munich, 2001, p. 55-103 ; V. Scior, « Veritas und certitudo oder : Warten auf Wissen. Boten in frühmittelalterlichen Informationsprozessen », Das Mittelalter, 11 (2006), p. 110-131 ; N. Drocourt, « Existe-t-il des signes distinctifs d’une culture d’ambassadeur dans le cas des contacts avec le monde byzantin (IXe-XIe siècle) ? », La culture du haut Moyen Âge, une question d’élites ?, F. Bougard, R. Le Jan et R. McKitterick (dir.), Turnhout, 2009, p. 277-302. Sur les aspects plus particulièrement institutionnels, K.-F. Werner, « Missus – Marchio – Comes. Entre l’administration centrale et l’administration locale de l’Empire carolingien », Histoire comparée de l’administration (IVe-XVIIe siècle), W. Paravicini et K. F. Werner (dir.), Munich, 1980, p. 191-239 ; V. Scior, « Bemerkungen zum frühmittelalterlichen Boten-und Gesandtschaftswesen », Der frühmittelalterliche Staat – europäische Perspektiven, W. Pohl et V. Wieser (dir.), Vienne, 2009, p. 315-329.
3 Sur cette affaire, E. Hlawitschka, « Die Widonen im Dukat von Spoleto », Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bibliotheken, 63 (1983), p. 20-92, en part. p. 51-53. L’alliance entre les « deux comtes Lambert » et Adalgise est confirmée par Erchempert, Historia Langobardorum Beneventanorum, c. 35, MGH, Scriptores rerum Langobardicarum et Italicarum saec. VI-IX, Hanovre 1878, p. 248 mais le diplôme précisant l’identification des personnes et sur lequel se fonde G. Tellenbach, « Kritische Studien zur großfränkischen und alemannischen Adelsgeschichte », Zeitschrift für württembergische Landesgeschichte, 15 (1956), p. 169-190, à la p. 190, est un faux, voir Die Urkunden Ludwigs II., K. Wanner (éd.), Munich 1994, MGH, Die Urkunden der Karolinger, 4, p. 239 (no 88).
4 Annales de Saint-Bertin, F. Grat, J. Vielliard et S. Clémencet (éd.), Paris 1964, p. 183 (a. 871).
5 Ibid., p. 182 (a. 871) : « Karolus autem per Liptinas uersus Audriacam uillam uenandi gratia repedauit. In quo itinere missos ab Italia plurimorum suscepit, qui eum inuitabant Italiam ire, quoniam nepos suus Hludouuicus imperator in Beneuento ciuitate cum uxore et filia a Beneuentanis occisus foret. Qui per Rhenum ciuitatem pergens, usque Vesontionem urbem peruenit. »
6 Ibid., p. 183 (a. 871) : « Dum autem Karolus in Vesontio moraretur, missi sui quos in Italiam praemiserat nuntiauerunt ei quod ipse imperator Hludouuicus uiueret et sanus corpore esset. »
7 Le recours à la conjonction nam rend cela particulièrement explicite (ibid., p. 183 : Nam Adalgisus [...]).
8 Ibid., p. 183 (a. 871) : « Sed et Hludouuicus rex Germaniae, audiens praefatum nepotem suum Hludouuicum imperatorem mortuum, filium suum Karolum in terram quam ultra Iurum habebat direxit, ut quos posset sacramento ad eius fidelitatem constringeret, sicut et fecit. »
9 Annales Fuldenses sive Annales regni Francorum orientalis, F. Kurze (éd.), Hanovre, 1891, MGH, SS rer. Germ., 7, p. 74 (a. 871).
10 E. J. Goldberg, Struggle for Empire. Kingship and conflict under Louis the German, 817-876, Ithaca, 2006, p. 307.
11 Sur « l’information et la transmission des nouvelles à l’âge du cheval », Y. Renouard, « Information et transmission des nouvelles », L’Histoire et ses méthodes, Ch. Samaran (dir.), Paris, 1961, p. 95-142, spécialement p. 101-130 ; considérations générales sur les déplacements d’individus au haut Moyen Âge dans : A. C. Leighton, Transport and Communication in Early Medieval Europe, AD 500-1100, Newton Abbot, 1972, p. 13-24 ; sur la vitesse de déplacement, voir P. Riché, La vie quotidienne dans l’Empire carolingien, Paris 1973, p. 34-35 ; pour une étude de cas, R. Elze, « Über die Leistungsfähigkeit von Gesandtschaften und Boten im 11. Jahrhundert. Aus der Vorgeschichte von Canossa 1075-1077 », Histoire comparée de l’administration, op. cit., p. 3-10 ; sur les infrastructures, Th. Szabó, « Antikes Erbe und karolingisch-ottonische Verkehrspolitik », Institutionen, Kultur und Gesellschaft. Festschrift für Josef Fleckenstein, L. Fenske, W. Rösener et Th. Zotz (dir.), Sigmaringen, 1984, p. 125-145.
12 Lothaire mourut à Plaisance le 8 août 869. Selon J. Nelson, c’est le 23 août, alors qu’il se trouvait à Senlis, que Charles le Chauve reçut la nouvelle de la mort de son neveu, Annals of Saint Bertin, J. L. Nelson (trad.), Manchester 1991, p. 156-157 et note 11 ; J. Nelson n’indique pas sur quelle source elle se fonde, si ce n’est qu’elle mentionne une lettre de l’archevêque Hincmar à son neveu, l’évêque de Laon, datée du 23 août (PL 126, col. 533-534). Or cette lettre n’a aucun rapport avec cette affaire. Le 5 septembre suivant, Charles le Chauve était déjà à Metz, cf. J. Nelson, Charles the Bald, Londres 1992, p. 219 ; R. Folz, « Les trois couronnements de Charles le Chauve », Byzantion, 61 (1991), p. 93-111, à la p. 98.
13 Sur l’intérêt de Nithard à ce propos voir Scior, « Bemerkungen zum frühmittelalterlichen Boten-und Gesandtschaftswesen », op. cit., p. 323.
14 Nithard, Histoire des fils de Louis le Pieux, Ph. Lauer (éd.), Paris, 1926, p. 60-63 (II, c. 8).
15 I. Fees, Die Regesten Karls des Kahlen, 840 (823) – 877, t. 1, Vienne 2007 (Die Regesten des Kaiserreichs unter den Karolingern, 751-918 (987), 2 : Die Regesten des Westfrankenreichs und Aquitaniens, 1), p. 68 (no 178).
16 Nithard, op. cit., p. 70-71 (II, c. 9).
17 Dans les sources historiographiques, les maires du palais pippinides, notamment, étaient réputés être des « princes invaincus » ; quant aux rois, ils sont, dans les diplômes, traditionnellement désignés comme « très glorieux » ; en matière de titulature, c’est Charlemagne qui renoue avec la tradition tardo-antique du souverain « absolument invaincu » (invictissimus), cf. H. Wolfram, « Lateinische Herrschertitel im neunten und zehnten Jahrhundert », Intitulatio, t. 2 : Lateinische Herrscher-und Fürstentitel im neunten und zehnten Jahrhundert, id. (dir.), Vienne, 1973, p. 19-178, à la p. 54.
18 Ermold le Noir, Poème sur Louis le Pieux et Épîtres au roi Pépin, E. Faral (éd.), Paris, 1932, p. 32-33 (v. 378-379) : « Namque ipsum nomen Francorum horresco recensens : Francus habet nomen a feritate sua. »
19 Berthe, la mère de Nithard, était une fille de Charlemagne.
20 Charles le Chauve avait commandé ce récit à Nithard.
21 Nithard, op. cit., p. 78-81 (III, préambule).
22 R. Mc Kitterick, History and Memory in the Carolingian World, Cambridge, 2004; Perceptions of the Past in the Early Middle Ages, ead. (dir.), Notre Dame, 2006 ; R. Corradini, Die Wiener Handschrift Cvp 430*. Ein Beitrag zur Historiographie in Fulda im frühen 9. Jahrhundert, Francfort/Main, 2000 ; H. Reimitz, « Der Weg zum Königtum in historiographischen Kompendien der Karolingerzeit », Der Dynastiewechsel von 751. Vorgeschichte, Legitimationsstrategien und Erinnerung, M. Becher et J. Jarnut (dir.), Münster 2004, p. 277-320 ; id., « The art of truth. Historiography and identity in the Frankish world », Texts and Identities in the Early Middle Ages, R. Corradini, R. Meens, Ch. Pössel et Ph. Shaw (dir.), Vienne, 2006, p. 87-103 ; M. Diesenberger, « Dissidente Stimmen zum Sturz Tassilos III. », ibid., p. 105-120 ; R. Corradini, « Die Annales Fuldenses – Identitätskonstruktionen im ostfränkischen Raum am Ende der Karolingerzeit », ibid., p. 121-136.
23 Sur le crédit dont devaient jouir les messagers : A. Kränzle, « Der abwesende König. Überlegungen zur ottonischen Königsherrschaft », Frühmittelalterliche Studien, t. 31 (1997), p. 120-157, en particulier p. 144-150 ; W. Georgi, « Legatio uirum sapientem requirat. Zur Rolle der Erzbischöfe von Köln als königlich-kaiserliche Gesandte », Köln. Stadt und Bistum in Kirche und Reich des Mittelalters. Festschrift für Odilo Engels zum 65. Geburtstag, H. Vollrath et St. Weinfurter (dir.), Cologne, 1993, p. 61-124.
24 Il s’agit de la continuation de la proposition introduite par le participe audiens, relancée par la conjonction autem.
25 Nithard, op. cit., p. 46-47 (II, c. 4).
26 Fees, Regesten, op. cit., p. 48 (no 123 – et sur certaines personnes ayant fait défection, no 122).
27 Nithard, op. cit., p. 60-61 (II, c. 7) : « Velociter quidem praemittit, rei veritatem, ubi et cum quibus esset, scire cupiens, Aquis pascha celebraturus. »
28 Ibid., p. 90-91 (III, c. 3).
29 Ibid., p. 116-117 (IV, c. 1).
30 Sur la correspondance et ses usages : H. Hoffmann, « Zur mittelalterlichen Brieftechnik », Siegel des Geschichte. Festgabe für Max Braubach zum 10. April 1964, K. Repgen et St. Skalweit (dir.), Münster 1964, p. 141-170 ; D. Norberg, « Remarques sur les lettres de saint Didier de Cahors », Classical, Mediaeval and Renaissance Studies in Honor of Berthold Louis Ullman, Ch. Henderson (dir.), t. 1, Rome 1964, p. 277-281; G. Constable, Letters and Letter-collections, Turnhout, 1976; R. W. Mathisen, « Epistolography, literary circles and family ties in Late Roman Gaul », Transactions of the American Philological Association, 111 (1981), p. 95-109; id., « The Letters of Ruricius of Limoges and the Passage from Roman to Frankish Gaul », Society and Culture in Late Antique Gaul. Revisiting the Sources, R. W. Mathisen et D. Schanzer (dir.), Aldershot, 2001, p. 101-115; I. Wood, « Letters and letter-collections from antiquity to the early middle ages. The prose works of Avitus of Vienne », The Culture of Christendom. Essays in medieval history in commemoration of Denis L. T. Bethell, M. A. Meyer (dir.), Londres, 2003, p. 29-43; M. Garrison, « “Send More Socks”: On Mentality and the Preservation Context of Medieval Letters », New Approaches to Medieval Communication, M. Mostert (dir.), Turnhout, 1999, p. 69-99; M. Mersiowsky, « Regierungspraxis und Schriftlichkeit im Karolingerreich: Das Fallbeispiel der Mandate und Briefe », Schriftkultur und Reichsverwaltung unter den Karolingern. Referate des Kolloquiums der Nordrhein-Westfälischen Akademie der Wissenschaften am 17./18. Februar 1994 in Bonn, R. Schieffer (dir.), Opladen, 1996, p. 109-166.
31 Nithard, op. cit., p. 28-29 (I, c. 6).
32 Ibid., p. 22-23 (I, c. 5) : en 834, Lothaire, galvanisé par la prise de Chalon-sur-Saône, se dirige sur Orléans ; « à cette nouvelle, son père (quod pater audiens) [...] ».
33 Annales Fuldenses, op. cit., p. 30 (a. 840).
34 Annales de Saint-Bertin, op. cit., p. 36 (a. 840).
35 Nithard, op. cit., p. 40-41 (II, c. 3).
36 Fees, Regesten, op. cit., p. 41 (no 108).
37 Nithard, op. cit., p. 40-41 (II, c. 2).
38 Ibid., p. 42-43 (II, c. 3) : « [...] missus ab Aquitania venit nuntians, quod Pippinus cum his qui parti su favebant super matrem Karoli irruere vellet. »
39 A. Koch, Kaiserin Judith. Eine politische Biographie, Husum, 2005, p. 196-197.
40 Annales Fuldenses, op. cit., p. 31 (a. 841).
41 C. Brühl, Fodrum, gistum, servitium regis. Studien zu den wirtschaftlichen Grundlagen des Königtums im Frankenreich und in den fränkischen Nachfolgestaaten Deutschland, Frankreich und Italien vom 6. bis zur Mitte des 14. Jahrhunderts, 2 t., Cologne 1968 ; W. Metz, Das servitium regis : zur Erforschung der wirtschaftlichen Grundlagen des hochmittelalterlichen deutschen Königtums, Darmstadt, 1978.
42 Nithard, op. cit., p. 60-61 (II, c. 8).
43 Ibid., p. 36 (II, c. 1).
44 Annales de Saint-Bertin, op. cit., p. 36 (a. 840).
45 Annales Fuldenses, op. cit., p. 30 (a. 840).
46 Nithard, op. cit., p. 38-39 (II, c. 1). Aux antipodes de cette analyse, Réginon prétend que Lothaire se précipita au nord des Alpes, Reginonis abbatis Prumiensis Chronicon cum continuatione Treverensi, F. Kurze (éd.), Hanorve, 1890, MGH, SS. rer. Germ., 50, p. 74 (a. 840) : « Statimque Lotharius Italia egressus imperium arripuit. » Lothaire est attesté à Strasbourg du 24 au 29 juillet et à Mayence le 13 août, voir Böhmer-Mühlbacher, Regesta imperii, op. cit., no 1068-1070 et 1071.
47 L’Astronome fait état de cette décision après avoir évoqué les fêtes de Pâques et avant de parler de l’éclipse survenue lors des Rogations (cf. note suivante).
48 Astronomus, Das Leben Kaiser Ludwigs, E. Tremp (éd.), Hanorve, 1995, MGH, SS rer. Germ., 64, p. 542-544 (c. 62); également Nithard, op. cit., p. 34 (I, c. 8).
49 Annales Fuldenses, op. cit., p. 31 (a. 840): « Hlutharium vero de Italia sero venientem Franci loco patris eius super se regnaturum accipiunt. Hunc enim ferunt imperatorem morientem designasse, ut post se regni gubernacula susciperet, missis ei insigniis regalibus, hoc est sceptro imperii et corona. »
50 Annales de Saint-Bertin, op. cit., p. 36 (a. 840).
51 Annales Fuldenses, op. cit., p. 31 (a. 840).
52 Astronomus, op. cit., p. 548 (c. 63).
53 Nithard, op. cit., p. 37-39 (II, c. 1) : « Audiens Lodharius patrem suum obisse, confestim nuntios ubique, presertim per totam Franciam, mittit, qui se venturum in imperium, quod olim fuerat illi datum, affirment, prmittens unicuique honores a patre concessos se concedere et eosdem augere velle. »
54 Fees, Regesten, op. cit., p. 73-75 (no 192-199).
55 Nithard, op. cit., p. 66-67 (II, c. 9).
56 Annales de Saint-Bertin, op. cit., p. 37 (a. 841).
57 Nithard, op. cit., p. 84-87 (III, c. 2).
58 Cl. Gauvard, « La fama, une parole fondatrice », Médiévales, 24 (1993), p. 5-13, ici p. 6.
59 Nithard, op. cit., p. 14-15 (I, c. 4). Sur la notion de « bien commun » aux temps carolingiens, cf. Ph. Depreux, « Nithard et la res publica : un regard critique sur le règne de Louis le Pieux », Médiévales, 22-23 (1992), p. 149-161.
60 Nithard, op. cit., p. 26-27 (I, c. 6).
61 Die Konzilien der karolingischen Teilreiche, 860-874, W. Hartmann (éd.), Hanovre, 1998, MGH Concilia, 4, p. 189. Voir E. Perels, « Propagandatechnik im IX. Jahrhundert. Ein Original-Aktenstück für Erzbischof Gunthar von Köln », Archiv für Urkundenforschung, 15 (1938), p. 423-425 ; H. Fuhrmann, « Eine im Original erhaltene Propagandaschrift des Erzbischofs Gunthar von Köln (865) », Archiv für Diplomatik, 4 (1958), p. 1-51.
62 W. Hartmann, Die Synoden der Karolingerzeit im Frankenreich und in Italien, Paderborn, 1989, p. 274-285.
63 Sur Gottschalk, voir K. Vielhaber, Gottschalk der Sachse, Bonn, 1956 ; D. E. Nineham, « Gottschalk of Orbais : Reactionary or precursor of the reformation ? », Journal of Ecclesiastical History, 40 (1989), p. 1-18 ; J. Weitzel, « Die Normalität als Frage an das Schicksal des Gottschalk von Orbais », Religiöse Devianz. Untersuchungen zu sozialen, rechtlichen und theologischen Reaktionen auf religiöse Abweichung im westlichen und östlichen Mittelalter, D. Simon (dir.), Francfort/Main, 1990, p. 211-229 ; M. de Jong, In Samuel’s Image. Child oblation in the Early Medieval West, Leiden, New York, Köln, 1996, p. 77-91 ; S. Patzold, « Hraban, Gottschalk und der Traktat De oblatione puerorum », Raban Maur et son temps, Ph. Depreux, S. Lebecq, M. Perrin et O. Szerwiniack (dir.), Turnhout, 2010, p. 105-118.
64 Comme cela a été mis en évidence par Cl. Gauvard, « Rumeur et stéréotypes à la fin du Moyen Âge », La circulation des nouvelles, op. cit., p. 157-177, à la p. 169.
65 Ibid., p. 158.
66 Annales Fuldenses, op. cit., p. 127 (Cont. Ratisbon., a. 896).
67 Bede’s Ecclesiastical History of the English People, B. Colgrave et R. A. B. Mynors (éd.), Oxford, 1969, p. 410 (IV, 23 [21]).
68 Plus généralement, voir A. Grondeux, « Le vocabulaire latin de la renommée au Moyen Âge », Médiévales, 24 (1993), p. 15-26.
69 E. Boshof, Erzbischof Agobard von Lyon. Leben und Werk, Cologne, 1969, p. 301-303 ; M. Rubellin, Église et société chrétienne d’Agobard à Valdès, Lyon, 2003, p. 202.
70 Agobardus Lugdunensis, Opera omnia, L. van Acker (éd.), Turnhout, 1981, p. 327 (De modo regiminis ecclesiastici, c. 1) : « Quia noui inter aliquos quosdam rumores et suspitiones diuersas, hec subter adiecta scripsi, per que cognoscere dignemini, que ego in actione ecclesiastici regiminis tenenda putem, cesset que paucorum murmuratio, cum omnibus mea fuerit intentio patefacta. »
71 La Règle de saint Benoît, J. Neufville et A. de Vogüé (éd.), t. 2, Paris 1972, p. 564-565 (c. 34) : murmurationis malum.
72 Ibid., p. 542-543 (c. 23).
73 Vita sancti Desiderii episcopi Cadurcensis, B. Krusch (éd.), Defensoris Locogiacensis monachi Liber Scintillarum, Turnhout, 1957, p. 360 (c. 15) : « Prima enim illi ac praecipua cura fuit dei praeceptis nihil praeterire, humilitate iactanciam superare, benignitate inuidiam subfundere. Deinde, ut nullam obsceni in se rumoris fabulam daret, nullam occasionem per quolibet modo perniciosis relinqueret, studuit summopere subuenire pauperibus, uisitare infirmos, consolare pusillanimes, gaudere cum gaudentibus, flere cum flentibus, omnibus se omnia facere, ut omnes faceret saluos. Erat enim caecorum baculus, esuriencium cybus, sicientium potus, miserorum salus, solamenlugencium lugencium ; fraequenter in ore sacra leccio, sepissima christi erat inuocatio, fraequenter humi inherens et flexo corpore, mens erecta ad deum uiam qua spiritus tendebatur monstrabat. »
74 Sur Flodoard : M. Sot, Un historien et son Église au Xe siècle : Flodoard de Reims, Paris 1993 ; S. Lecouteux, « Les Annales de Flodoard (919-966) : œuvre complète ou lacunaire ? », Revue d’Histoire des Textes, nelle série, 2 (2007), p. 181-210.
75 Hrabanus Maurus, Expositio in Matthaeum, B. Löfstedt (éd.), Turnhout, 2000, p. 222, livre 2 : « et descendit plvvia et venervnt flvmina et flavervnt venti et inrvervnt in domvm illam, et non cecidit ; fvndata enim erat svpra petram. Non ergo iste metuit ullas caliginosas superstitiones (quid enim aliud intellegatur pluuia, cum in mali alicuius significatione ponitur ?) aut rumores hominum (quos uentis comparatos puto) aut uitae huius fluuium carnalibus concupiscentiis tamquam fluentem super terram uel petram. »
76 Sedulius Scottus, Collectaneum Miscellaneum, D. Simpson (éd.), Turnhout, 1988, 80, 27 : « Dubius rumor est. /Tenuis fama est. /Rumor inconstans est. /Futilis rumor est. »
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