Le voisin et le migrant
|Première partie. « Vivre en bons voisins » ? De l’identité et de la solidarité dans les Pyrénées (XVIe-XIXe siècle)
Chapitre III. Nous et les autres. La conscience communautaire
Texte intégral
1Dans les Pyrénées, la vie s’organisait à l’intérieur de chaque vallée, cadre à la fois politique, économique et social dans lequel le poids des contraintes collectives était fort. Ce système assurait une cohésion et une identité politico-institutionnelle pour les gens du « groupe » duquel l’étranger et le simple habitant étaient exclus. Les travaux anciens qui se sont intéressés à ce sujet ont souvent assimilé, un peu hâtivement, les vallées à de « petites républiques » plus ou moins indépendantes qui auraient maintenu le haut degré d’autonomie et l’esprit d’indépendance des Pyrénéens. Si cette vision n’est pas tout à fait fausse dans la mesure où les populations pyrénéennes possédaient une certaine capacité à s’autogouverner, elle est toutefois bien idéalisée car les pouvoirs extérieurs avaient pénétré dans les vallées et la société y était foncièrement inégale. Malgré tout, l’identification aux structures de pouvoir local, nécessaires à la vie agro-pastorale des montagnards, et à un territoire défini, garantissait l’union des membres de la communauté. Celle-ci offre tout un édifice de solidarités internes, de la vallée au sommet, à la maison à la base, solidarités horizontales mais aussi verticales par l’existence de véritables clans familiaux et leur clientèle.
2Ce chapitre s’intéressera à l’organisation institutionnelle des vallées à partir de quelques exemples, afin de faire ressortir le lien qu’entretient le groupe avec les organes qui le représentent et le territoire qu’il défend, les armes à la main en cas de besoin. En ce sens, le banditisme, les conflits et les guerres, en particulier celles de Religion, ont joué un rôle important dans le renforcement des solidarités internes.
L’identité politico-institutionnelle des vallées
- 1 Ce sont les rares terres arables dans les fonds de vallée qui font l’objet d’une appropriation pri (...)
- 2 Voir deux exemples de ce démembrement progressif des communautés de vallées dans A. Zabalza Seguin (...)
- 3 Sur la maison, voir A. Zink, L’héritier de la maison. Géographie coutumière du Sud-Ouest de la Fra (...)
- 4 Pour la partie occidentale des Pyrénées, E. González Dios, « Casa y vecindad como elementos de org (...)
3La communauté de vallée était l’organisation générale dans les Pyrénées. Son origine, ancienne, s’explique par la nécessité de gérer le patrimoine commun, c’est-à-dire les ressources naturelles, montagnes, bois, pâturages, etc., qui représentait, à l’époque moderne, environ 90 % de la superficie des vallées1. Ce ne serait que par un processus ultérieur que les vallées se seraient progressivement divisées en « districts » (les terçons puis sesterçons aranais, les paroisses ou comuns andorrans, les quarts de la vallée de Ribes, les denes de la vallée de Barravés, les vics des vallées béarnaises par exemple), puis en communautés locales ou universités (lòcs aranais, quarts andorrans, etc.)2. Tous ces niveaux d’organisation, peu à peu structurés, avaient pour fonction de représenter la maison (la casa pyrénéenne)3, cellule de base de la société montagnarde, à laquelle l’appartenance permettait de jouir des droits politiques (assistance aux conseils de la communauté) et économiques (possibilité de bénéficier des biens collectifs autour desquels s’organisaient les communautés) des vesins, veïns ou vecinos4 suivant les aires linguistiques.
- 5 Dans le système de l’aînesse absolue, l’aîné est héritier quel que soit son sexe.
- 6 Pour le Val d’Aran, ces prises à ferme étaient réservées aux seuls membres de la communauté alors (...)
- 7 Entraient en ligne de compte, l’origine communautaire ou extracommunautaire de la personne admise, (...)
- 8 Ce sont les alifares, arrifalhas, arrifalles, arrifares, rifalles, rifares.
4Pour accéder aux affaires publiques, il fallait être hilh dera vila ou òme de conselh (Val d’Aran), prohom andorran…, c’est-à-dire propriétaire-héritier, car nous sommes dans le système de l’héritier unique avec aînesse absolue5 ou non, ou, dans certaines conditions, après avoir été accepté par le conseil (système du parrainage, afillament, ahijamiento), cabalèr deth lòc (Aran), casaler (Andorre), etc. Ces derniers formaient les cases noves catalanes et casas navas gasconnes face aux premiers membres des cases velles ou casas vielhas, expressions qui restent encore vivantes de nos jours dans les anthroponymes. Généralement, les membres des cases velles, casas vielhas, c’est-à-dire les plus anciennes maisons, celles que l’on faisait volontiers remonter aux origines de la communauté, montrant en cela l’importance de la lignée, de la généalogie et du nom, avaient des prérogatives de type protocolaire et décisionnel sur les nouveaux intégrés des cases noves, casas navas. Pour prétendre aux droits politiques et économiques de la communauté, statut qui permettait en plus de participer aux décisions des conseils et d’accéder aux biens communaux, de prendre à ferme les moulins, fours, boucheries, tavernes6…, il fallait plusieurs conditions. D’abord, être chef de famille (cap de casa, cap d’ostal), résidant et propriétaire – la propriété est signe d’intégration –, ce qui excluait un nombre considérable de personnes, puis que le conseil de la communauté veuille bien intégrer de nouveaux membres, et enfin s’acquitter d’un droit d’entrée plus ou moins élevé suivant les cas, les époques et les communautés7, généralement accompagné d’un repas destiné à célébrer l’événement8.
- 9 C. Desplat, « La société pyrénéenne moderne entre autonomie et dissidence (Pays d’États des Pyréné (...)
- 10 L’auteur note toutefois que la fille aînée est héritière d’autant plus facilement qu’elle est fill (...)
- 11 Ici, la presque totalité des héritières étaient des filles uniques.
5Les femmes pouvaient transmettre le statut de leur maison lorsqu’elles étaient héritières d’une casa vella/vielha (la pubilla catalane). Ainsi une héritière faisait de son mari le chef de la casa mais, en aucune manière, en tout cas dans le Val d’Aran, une femme ne pouvait être « chef de maison », même dans le cas d’une veuve présidant aux destinées de sa maison, c’est l’héritier, majeur ou non, qui dans les faits en avait le titre. Sans héritier masculin, la maison pouvait perdre son statut. Mais une telle extrémité n’était généralement pas atteinte puisque les héritières épousaient les cadets d’autres maisons qui pérennisaient la casa. Dans les Pyrénées occidentales, les cas sont fréquents ; Christian Desplat9 dénombre 43,3 % de mariages entre héritières et cadets dans le pays d’Ossès en Basse-Navarre, dans le respect apparent de l’aînesse absolue coutumière10, près de 18 % en vallée d’Aspe et près de 9 % dans la vallée de Barétous11.
- 12 Les modes d’élection des magistrats municipaux étaient assez divers : tour de rôle (vallée de Baïg (...)
- 13 Gessa se trouve dans le terçon de Pujòlo (Haut-Aran) le seul dans lequel le conseiller du terçon a (...)
- 14 Llibre de la història de Gessa, manuscrit de J. Moga Pont (1936), p. 47.
6Les vesins ainsi définis participaient au conseil de leur communauté (assemblée générale des habitants ou vesiau) et désignaient, généralement tous les ans, les consuls ou jurats12, le plus souvent au nombre de deux à quatre, dont l’essentiel des pouvoirs consistait en l’exercice de la police et en la gestion des biens communaux. L’assemblée avait en charge l’affermage des montagnes, des ports, de la vente de la viande, de l’exploitation du bois, le recrutement du maître d’école, parfois du médecin, etc. Le llibre de la història de la communauté aranaise de Gessa, manuscrit, donne des indications intéressantes sur la manière dont était convoquée l’assemblée des habitants, le lieu de réunion et l’obligation d’y assister ; la convocation se faisait « ab un sen[y]all especial de toc de campana que denotabe reunió de Consell al tocar la anxelus lo escolá del dia antes de la reunió era avisat per lo Prió13 per fer dit sen[y] all y la hora que debie tenirse dit Consell se tocaba la campana grosa ab docse batallades y lo puesto señalat destinat per dita reunió ere en lo cementeri, apenas ne faltabe ningú y en cas de faltar debie elegá el motiu de no haber asistit y en cas de ser per negligencia ó espresadament ere castigat14 ». Ici la réunion se déroulait dans le cimetière, lieu courant pour cela ; ailleurs ce pouvait être une place, le porche de l’église voire l’église elle-même car les maisons communes (casa de la vila, casa consistorial, etc.) ne s’imposèrent que peu à peu et, somme toute, assez tardivement.
- 15 Le terme de vesiau est polysémique ; il peut désigner l’ensemble des habitants (vesins), la commun (...)
7Les droits des vesins s’accompagnaient aussi de devoirs liés à l’existence de la communauté, particulièrement la participation aux travaux collectifs (souvent appelé vesiau dans les Pyrénées gasconnes15), comme la réparation des chemins et des ponts, et au paiement des dettes et impositions de la collectivité.
- 16 A. Arizcún Cela, Economía y sociedad en un valle pirenaico del antiguo régimen. Baztán, 1600-1841,(...)
8À côté des familles des maisons « vieilles » ou « neuves », les simples habitants, estadants du Val d’Aran, fills cabalers d’Andorre, habitantes ou moradores du Baztán et d’ailleurs, ne possédant pas, ou très peu, de terre, n’avaient aucun privilège politique ni prestige social. Ce groupe est très difficile à saisir car il est absent en très grande partie des sources puisqu’on ne le retrouve pas, par définition, dans les listes des présents aux conseils. De plus, même lors des dénombrements de population, il n’est pas sûr qu’il soit recensé. Toutefois, par des recoupements de sources, de noms (listes des confirmations épiscopales par exemple comparées aux listes des présents aux conseils), etc., c’est-à-dire indirectement, on peut se faire une idée du poids qu’il représente. Le résultat auquel nous sommes arrivé pour le Val d’Aran correspond à celui obtenu par Alejandro Arizcún pour le Baztán16 soit environ 70 % de familles de vesins/vecinos et 30 % de familles de simples habitants sans droits politiques et économiques ; dans de nombreux cas, il s’agit de population allogène. Non-propriétaires de terre et de bétail ou possesseurs de faibles quantités insuffisantes pour vivre, ces familles devaient fournir les journaliers au service des grands propriétaires des maisons anciennes. Finalement, cette société pyrénéenne est, au moins, doublement inégalitaire puisqu’elle laisse de côté les non-héritiers qui trouvent leur salut dans des activités de compensation (cléricature, émigration, commerce, etc.) et les simples habitants.
9Un peu partout, il existait un échelon intermédiaire entre la communauté de base, le village, et le sommet, la vallée. En vallée d’Aran ce sont les terçons qui, comme le nom l’indique, étaient trois à l’origine jusqu’à leur division à la fin du XVe siècle et au cours du XVIe siècle qui porta leur nombre à six. Chaque terçon possédait un conseil qui représentait environ un feu sur trois et dont le rôle était de discuter préalablement des sujets abordés ensuite dans le conseil général de la vallée auquel le conseiller du terçon apportait l’avis de son district.
- 17 Pour plus d’informations, voir P. Poujade, Une vallée frontière dans le Grand Siècle. Le Val d’Ara (...)
10À leur sommet, toutes les vallées avaient une « Cour générale » souvent appelée conseil général ou junte générale qui assurait la gestion locale et administrait les droits d’usage à leur échelle. En Andorrre ou en Aran, la plus importante organisation politique qui symbolisait l’autonomie des montagnards se nomme, encore aujourd’hui, conseil général, ou aussi en Andorre, Consell de la Terra, présidé par un syndic général. En Andorre, le Consell de la Terra créé en 1419, est formé par deux consuls et deux conseillers de chacune des six paroisses, soit 24 personnes, plus le syndic général dont le titre était réservé, semble-t-il, aux plus riches familles des vallées. Dans le Val d’Aran, depuis les réformes institutionnelles introduites par les Ordinaciones royales de 1616, le Conselh generau est composé d’un conseiller et d’un lieutenant par terçon et présidé par le syndic général, soit au total treize personnes. Les charges de conseillers et de syndic sont annuelles et pourvues par tirage au sort (système de l’insaculación) ce qui a renforcé le poids d’une oligarchie : le tirage au sort se faisait à partir d’une liste de personnes choisies en 1616 par la monarchie parmi celles considérées les plus « aptes » pour exercer les fonctions en question. Il semblerait qu’avant 1616, comme cela avait dû être le cas dans les autres vallées dès les origines de l’institution, la représentation au conseil général d’Aran était plus large, plus ouverte aux chefs de famille17.
- 18 Si l’Andorre a aussi sa Casa de les Valls depuis 1580, en revanche, dans les autres vallées les ré (...)
- 19 I. Alonso et al., Àneu a pams. El capbreu de les Valls d’Àneu de 1669, Esterri d’Àneu, Quaderns de (...)
11Dans les exemples de l’Andorre et de l’Aran, la présence seigneuriale était inexistante contrairement à la vallée d’Àneu, dépendant du marquis de Pallars. Ici, la Cort, organe de gouvernement unissant tous les villages de la vallée, était formée de quatre membres appelés braços de cort, renouvelés par moitié tous les ans à la Saint-Michel, choisis parmi les chefs de maison (Bon Consell) qui ne survécurent pas à la réorganisation institutionnelle de la Catalogne de 1716, contrairement au conseil général d’Aran ; au XVIIe siècle, les braços de cort se réunissaient à la Casa de la Terra i Vall18. Leur rôle se limitait à la gestion des affaires communes et à l’application de la justice mais surtout, de plus en plus à l’époque moderne, à la responsabilité des poids et mesures et à l’entretien des voies de communication pour le marquis de Pallars19.
- 20 Jusqu’en 1594, la charge d’Alcalde était perpétuelle et de nomination royale.
- 21 A. Arizcún, op. cit., p. 42-46 et p. 335.
12Plus à l’ouest, au Baztán dont l’hidalguía collective de la vallée fut reconnue en 1440, tous les habitants possédant des droits politiques, c’est-à-dire les vecinos, composaient la Junta general qui se réunissait normalement quatre fois par an pour défendre les intérêts collectifs et décider et approuver les accords avec les autres communautés. Il s’agit donc d’une représentation bien plus large que celle que l’on rencontre en Andorre, en Aran ou en vallée d’Àneu mais cela ne doit pas faire illusion car, entre les réunions de la Junta general, un conseil restreint (Junta particular) composé d’alcaldes et de jurados s’occupait de l’administration. De plus, le pouvoir royal était plus présent car l’alcalde qui présidait ce conseil avait le titre de juge ordinaire, était capitaine des troupes de la vallée et était nommé, dès la fin du XVIe siècle, pour trois ans, par le vice-roi20, comme l’était en Aran le gouverneur militaire et politique qui, lui, ne s’occupait pas des affaires du conseil général, en tout cas jusqu’au XVIIIe siècle. Au Baztán, seuls les jurados étaient élus par l’assemblée des vecinos ou bazarre, tous les ans, le dimanche le plus proche de la Saint-Michel. Dans cette vallée navarraise il y a imbrication d’institutions qui ailleurs sont souvent séparées, c’est-à-dire institutions de la terre, d’autogouvernement, et institutions royales21.
- 22 H. Lefebvre, La vallée de Campan. Étude de sociologie rurale, Paris, PUF, 1963, 224 p.
13La vallée bigourdane de Campan, étudiée par Henri Lefebvre, élisait ses consuls, à la fois juges, dirigeants politiques, administrateurs et députés de la vallée aux États de Bigorre, ses gardes, nommait le maître d’école, gérait les tavernes, boucherie, moulins ; la présence seigneuriale y était nulle car la vallée de Campan était elle-même une seigneurie collective qui possédait « noblement » la montagne et s’était dégagée de l’emprise du comte de Bigorre22. À l’extrême sud-est du pays de Foix, à la frontière du Capcir et du Languedoc, le Donnezan était une sorte de « fédération » de neuf communautés, réparties en trois consulats (Quérigut, Lavail, Les Masiers), deux paroisses (Rouze correspondant au consulat de Lavail et Saint-Felix de Donnezan) et chapeautées par un conseil général qui avait en charge la gestion des affaires de la communauté.
14Ces quelques exemples n’ont d’autre ambition que de montrer la réalité de l’organisation politico-institutionnelle dans le cadre des vallées. Au XVIe siècle, il est encore fréquent que les vallées ne soient pas divisées ; mais peu à peu l’éclatement devient la règle générale et les communautés locales acquièrent une certaine autonomie de gestion avec la division du patrimoine de la vallée. On aurait pu citer d’autres exemples comme le Castillonnais, dans le Couserans, avec ses six consulats et ses trente-cinq communautés, le Vicdessos dans le pays de Foix, la vallée de Carol en Cerdagne ou celle de Roncal en Navarre, mais cela serait revenu à citer toutes les vallées pyrénéennes.
- 23 C. Desplat, art. cit., La montagne à l’époque moderne, p. 16.
15L’identité collective s’appuie aussi sur les textes des privilèges dont les souverains ont doté les vallées et qu’elles défendent contre les agressions des pouvoirs centraux, qu’il s’agisse, par exemple, des fòrs de Béarn ou de Navarre qui s’appuyaient sur un « mythe républicain des origines » et contenaient un caractère pactiste affirmé23 ou la Querimònia aranaise de 1313, qui précise les « libertés » de la vallée. L’identification au territoire s’exprime par le cri « Visca la Terra ! », peut-être marque de souveraineté populaire, tellement que, au Val d’Aran, les Ordinaciones royales de 1616 (p. 216) interdisent de le proférer mais qu’il est remis en usage pendant la révolte catalane des années 1640-1650 quand la vallée et la Catalogne se détachent de l’autorité de Madrid et qu’il est repris par les Angelets de la Terra du Vallespir, soulevés contre la politique de Louis XIV de 1663 à 1672.
- 24 Ibid., p. 25.
- 25 A. Arizcún, op. cit., p. 337-339.
16Dans tous les cas, si les montagnards sont fiers de leur « indépendance » et du peu d’emprise seigneuriale qui leur permet de jouir de droits d’usages étendus, il ne faut pas oublier que les institutions de la vallée étaient contrôlées par les « maîtres de maison qui ont voix délibératrice » comme le dit Christian Desplat pour la vallée de Baigorry24, c’est-à-dire les « bonnes maisons » pastorales qui occupaient une position privilégiée et qui avaient besoin de l’accès aux pâturages. Le contrôle des terres par une oligarchie de vecinos est évidente aussi à Baztán ; c’est elle qui, en 1658, arrive à faire limiter à cent le nombre d’assistants aux juntas (14 % des vecinos) puis à cinquante (6,75 % des vecinos) en 1683, nombre confirmé par les ordonnances de 169625. Il s’agit d’une fermeture du conseil comme celle que nous observâmes pour l’Aran après 1616. Pour ces habitants puissants, les « ennemis » étaient les étrangers, les forains, et les cadets – sacrifiés – accusés de porter atteinte aux espaces d’usage commun (les èrms des Pyrénées gasconnes) en voulant fonder une nouvelle maison ce qui oblige parfois à vendre un morceau de communal et, forcément, à partager avec une famille de plus les vacants communs. Il en va donc, par le contrôle des admissions et leur éventuelle fermeture, du maintien de l’identité du groupe des plus puissants.
Renforcement des solidarités et structuration de l’identité. Le rôle de la défense et de la guerre
17Le Pyrénéen est généralement un frontalier, situation qui l’expose aux menaces de la guerre, mais aussi à toute sorte d’attaques, de razzias de bétail, de représailles, etc., venues des vallées voisines. La vallée offre une capacité forte d’autodéfense qui est, pour le montagnard, une condition de ce qu’il considère être son « indépendance » d’autant plus que, pour la mémoire collective ou la légende – la première se nourrissant souvent de la seconde – ce droit aurait été gagné de haute lutte à la fin du haut Moyen Âge en libérant le territoire des Sarrasins. C’est, en particulier, le cas de l’Andorre dont l’identité repose sur l’existence d’institutions propres (le conseil de la terre puis conseil général) et sur un mythe, qui se retrouve dans d’autres vallées, celui de la naissance et de la conquête des libertés au moment de la reconquête carolingienne des hautes terres sur les musulmans, comme nous l’avons dit dans notre introduction générale.
La militarisation de la population
- 26 M. Brunet, Le Roussillon, une société contre l’État (1780-1820), Perpignan, El Trabucaire, 1990, p (...)
- 27 C. Desplat, La guerre oubliée. Guerres paysannes dans les Pyrénées (XIIe-XIXe siècles), Biarritz, (...)
18Les montagnards frontaliers sont les défenseurs naturels de leur terre. Dans les Pyrénées, le port d’armes est très général ; il s’agit pour les habitants d’un privilège, auquel ils sont particulièrement attachés, qui se justifie par des raisons militaires et par des prétextes de vie quotidienne. Les raisons militaires se résument au rôle de garde-frontière qu’exercent les montagnards dans leur royaume respectif alors que la nécessité de se protéger des bêtes féroces, comme les ours, est certainement un prétexte qui cache la volonté des Pyrénéens de ne pas renoncer à leur droit. Celui-ci, pour la partie qui nous occupe, est inscrit, par exemple, dans les Usatges de Barcelone ou dans les coutumes de la ville de Perpignan, ce qui explique que, malgré les politiques des monarchies – des deux côtés de la frontière –, le port d’armes soit resté profondément ancré dans les mentalités durant tout l’Ancien Régime ; en Roussillon, les habitants y sont encore très attachés au XVIIIe siècle26. Partout, comme le souligne Christian Desplat, le port d’armes indiquait le degré de liberté, de souveraineté politique et de dignité d’une population qui le tenait pour « un droit civique, inscrit dans les constitutions pyrénéennes27 ». Pour ces raisons, malgré leurs nombreuses tentatives, les pouvoirs français ou espagnol n’ont pas pu venir à bout de cette réalité.
- 28 A. Brives, La vallée de Barèges et l’Espagne du XVIIIe siècle à nos jours, Argelès-Gazost, Société (...)
- 29 Texte publié dans Bulletin de la société ariégeoise des sciences, lettres et arts, 1893, p. 263-26 (...)
- 30 C. Vassal-Reig, La guerre en Roussillon sous Louis XIII (1635-1639), Paris, Éditions Occitania, 19 (...)
- 31 Voir V. Lespy, Dictionnaire béarnais, ancien et moderne, 1886, réédition Pau, Marrimpouey, 1998, a (...)
- 32 J. M. Vidal i Guitart, Història d’Andorra, Barcelone, Antalbe, 1984, p. 75, d’après ACA reg. 4.760
- 33 En 1636, le conseil général précise qu’il ne veut plus qu’il y ait de capitaine dans les terçons m (...)
- 34 En Catalogne, le sometent fut supprimé en 1716 par le décret de Nueva Planta et éphémèrement ressu (...)
- 35 M. Palau Martí, Andorra. Le pays et les hommes, Paris, Maisonneuve et Larose, 1978, p. 122-123.
19À Barèges, la garde de la frontière est assurée, du moins en temps de guerre, par une centaine d’hommes armés que les consuls choisissent parmi les célibataires âgés de 20 à 40 ans, éventuellement renforcés par les milices venues du Lavedan28. Dans la reconnaissance des privilèges du bourg couserannais de Seix par Henri II en 1547, il est mentionné que « les habitans de laquelle [la communauté de Seix] en temps de guerre sont ordinairement contraints, tant de nuit que de jour, de faire le guet et demeurer en armes pour obvier aux surprinses des ennemys et leur coupper et empescher le passage et entrée en nostre royaume29 ». Dans les Fenouillèdes, à la frontière avec la Catalogne, les habitants devaient accourir, en cas de besoin, vers les trois châteaux principaux défendant le pays : Puylaurens, Fenouillet et Quéribus30. En Catalogne, l’ensemble des hommes armés se réunissait aussi dans une sorte de milice villageoise, le sometent dont la convocation se faisait au son des cloches (so metent c’est-à-dire « en mettant du son ») et aux cris de Via Fora ! qui donnaient l’alerte ; le cri « Via fora ! » se retrouve en Béarn sous la forme gasconne « Via hòra ! » qui conserve, aujourd’hui, le sens d’appel au secours31. Normalement, le sometent catalan n’intervenait que dans le cadre du territoire communal ou dans celui, un peu plus large, de la viguerie ; exceptionnellement, en cas de crise grave – comme une guerre –, dans l’ensemble de la Catalogne. En septembre 1588, les Andorrans mobilisent un sometent général pour repousser l’invasion de trois compagnies de « protestants » voulant traverser l’Andorre pour aller à la Seu d’Urgell32. En Aran, le cadre territorial du sometent sont les terçons qui reçurent en 1635 un capitaine chacun, nommés par le conseil général mais démis un an plus tard33. Cette organisation ancienne survécut en Andorre jusqu’en plein XXe siècle34 puisque, encore dans les années 1970, tous les hommes majeurs – ou à défaut un par famille – possédaient un fusil et devaient se tenir prêts à toute réquisition du desener (chef de groupe de dix personnes) et du capitaine de la paroisse pour des tâches de maintien de l’ordre ; pour des événements graves, le sometent (mobilisation générale de tous les hommes portant les armes) pouvait être levé ce qui fut le cas en 1933 et en 194435.
- 36 A. Ayats, Les guerres de Josep de la Trinxeria (1637-1694). La guerre du sel et les autres, Perpig (...)
- 37 Prats-de-Mollo compte, vers 1650-1700, autour de 290-330 familles (A. Ayats, op. cit., p. 23).
- 38 C. Desplat, La guerre oubliée. Guerres paysannes dans les Pyrénées (XIIe-XIXe s.), Biarritz, J. et (...)
- 39 P. Poujade, Une vallée frontière, op. cit., p. 108-109.
20Alain Ayats36 donne une idée du sometent de Prats-de-Mollo dans le Vallespir, où en 1661, 75 % des 276 participants – sans doute les chefs de famille37 – sont personnellement armés ou en voie de l’être. Le taux est légèrement inférieur à celui que donne Christian Desplat (autour de 85 %) pour des villages des Pyrénées occidentales à la fin du XVIIIe siècle38. Dans le Val d’Aran, qui compte autour de 800 feux au XVIIe siècle, le visiteur royal Juan Francisco de Gracia pense, en 1613, que les Aranais conservent eux-mêmes quelque 700 arquebuses dont la possession, ici comme ailleurs, est justifiée par les besoins de se défendre des incursions des guerres de Religion et de la guerre franco-espagnole de la fin du XVIe siècle39. D’ailleurs, le même visiteur royal décrit les Aranais, à l’instar certainement d’autres Pyrénéens, armés de sortes d’arquebuses courtes – les fameux pedrenyals – et de dagues. L’origine des armes présentes dans le Val d’Aran, soit entre les mains des habitants, soit entreposées dans les forteresses, soit en possession des autorités locales, est triple : une partie provient du royaume d’Aragon (par exemple celles venant de Saragosse en 1636), une autre des autorités de la généralité de Catalogne (celles envoyées par ordre de Philippe II à la fin du XVIe siècle) et une autre des conseillers de la ville de Barcelone (300 armes à feu que les Aranais se plaignent d’avoir été obligés d’acheter pour faire face aux incursions gasconnes de la fin du XVIe siècle).
- 40 L’encadrement, au niveau local, était dévolu à un capitaine qui commandait des centeners (chefs de (...)
- 41 B. Bennassar, « Mentalités, comportements et croyances », Les Pyrénées de la Montagne à l’Homme, T (...)
- 42 16 réaux = 4 livres françaises ; cette somme équivalait au prix de 50-70 litres de blé.
21L’existence d’une telle milice, qui maintenait un encadrement militaire hiérarchisé de la population40, impliquait l’entraînement périodique de celle-ci, sa formation continue, à l’instar de la vallée de Roncal où les hommes valides âgés de 14 à 60 ans étaient régulièrement recensés, armés et soumis à un entraînement41 ou de ce que les Ordinaciones aranaises de 1616 prévoient. Dans le Val d’Aran, tous les 3 mai (jour de la Sainte-Croix), tous les hommes aptes avaient l’obligation de se rendre au chef-lieu de leur terçon où le conseiller leur remettait des arquebuses avec lesquelles ils s’entraînaient à tirer sur une cible. Le meilleur recevait un prix d’une valeur de 16 réaux à la charge du terçon42. En Aran, le terçon était le cadre territorial du sometent : il semble que, traditionnellement, ce soient les bailes, c’est-à-dire des autochtones représentants locaux du gouverneur royal, qui commandaient ces groupes armés.
- 43 N. Sales, Els segles de la decadència, segles XVI-XVIII, Barcelone, Edicions 62, 1989, p. 353 et V (...)
- 44 Texte du décret dans J. de Camps i Arboix, El decret de Nova Planta, Barcelone, Dalmau, 1982 (seco (...)
22Au cours du soulèvement catalan (1640-1652) lorsque la généralité s’est donnée à Louis XIII, selon les négociations avec les Français la Catalogne devait fournir un « Bataillon » de 5 500 hommes – qui ne put être en totalité levé – pour remplacer les sometents et combattre auprès des Français ; cet épisode a montré que le sometent restait la meilleure façon de lever des hommes car sa capacité de mobilisation, face à un péril dans le temps et dans l’espace rapproché, était très supérieure à celle du « Bataillon43 ». Le sometent fut supprimé en Catalogne par le décret de Nueva Planta, promulgué par le nouveau roi Philippe V le 16 janvier 1716, dans son article 39 : « Por los inconvenientes que se han experimentado en los sometens, y juntas de gente armada, mando, que no haya tales sometens, ni otras juntas de gente armada, sopena de ser tratados como sediciosos los que concurriesen o interveniense44. » En revanche, l’institution survécut en Andorre jusqu’au XXe siècle puisque le décret de Nueva Planta ne s’y appliqua pas.
- 45 R. Sala, Dieu, le roi, les hommes. Perpignan et le Roussillon (1580-1830), Perpignan, El Trabucair (...)
- 46 M. Gourdon, « Les tours à signaux ou tours de guets dans le haut-comté de Comminges », Revue de Co (...)
- 47 « Relation de la mission faite en 1642 en la vallée d’Aran », Revue de Comminges, 1893.
- 48 B. Druène, « Combats pour Castèl-Leon. Contribution à la chronique du Val d’Aran de 1642 à 1649 »,(...)
- 49 B. Druène, « Notes pour l’histoire de Vénasque », Revue de Comminges, 1954, p. 115 et « Une étude (...)
- 50 N. Sales, Els segles de la decadència, op. cit., p. 87.
- 51 Memorial cité par J. Iglésies, El fogatge de 1553, Barcelone, Fundació Salvador Casajuana, 1979, t (...)
23La sécurité du village de la frontière s’appuie aussi sur un dense réseau de tours de défense ou de guet, de châteaux, d’églises et de villages fortifiés. La communication entre ces éléments défensifs, se faisait au moyen d’un système de signaux de fumée (le jour) et de feu (la nuit), voire, dans certains cas, de coups de canons, de sorte que sur une distance d’environ 45 kilomètres à vol d’oiseau, couverte par un jour de marche, l’information circulait en moins d’une heure45. Pour le Haut-Comminges, Maurice Gourdon a publié il y a plus d’un siècle un inventaire complet des châteaux et tours de défense46. Dans le triangle frontalier Marignac-Saint-Béat-Fos, on dénombre sept édifices pour environ 40 km2 alors que les 130 km2 de l’axe habité de la vallée d’Aure en comptent une dizaine. Dans la vallée pallaraise d’Àneu, le système défensif ne repose que sur le seul château de València et dans le Val d’Aran il est organisé autour de la forteresse de Castèth-Leon, résidence du gouverneur royal et siège d’une garnison. Grâce à sa position, sur un éperon à 900 mètres d’altitude, cette place contrôlait le chemin royal entre la France et la Catalogne et aussi le passage vers l’Aragon. En 1594, dans sa politique de renforcement de toute la frontière pyrénéenne dans le contexte des guerres religieuses, Philippe II demanda de placer à Castèth-Leon quarante hommes, mais le visiteur royal Juan Francisco de Gracia n’y en trouva que 25 en 1613. Outre ce château situé dans le terçon de Lairissa dans le Bas-Aran ouvert sur la France, quatre autres terçons possèdent un château et des tours de défense ; au total, l’Aran compte cinq châteaux et 23 tours soit une construction défensive pour un peu plus de 22 km2 (ou 4 km2 en ne prenant en compte que la surface utile et habitée de la vallée) ou pour 30,5 feux de 1613 ; c’est au centre de la vallée que la densité de tours et châteaux est la plus forte où l’on compte 22-23 feux défendus par édifice. Par ailleurs, comme l’a remarqué le père Forcaud, jésuite qui visite la vallée en 1642 au nom de l’évêque de Comminges, la localité de Salardú (dans le Haut-Aran) « est la seule murée de la vallée47 » non pas parce qu’elle est ceinte de murailles mais parce que les maisons sont accolées les unes aux autres. Ce système de protection était adopté dans beaucoup de villes pyrénéennes sans enceinte48, comme Bénasque ou Saint-Béat, dont l’ingénieur Thierry dit, en 1688, que ces bourgs ne sont fermés d’aucune muraille, seulement par les maisons49, Organyà (« murada de les cases mateixes »), Àreu (« les cases fan muralla closa »), etc.50. Le père Forcaud avait remarqué aussi que nombre d’églises aranaises étaient fortifiées et servaient de forteresse (parfois d’ailleurs les tours de défense étaient les clochers des églises) ou de lieu de refuge. Grâce à l’inspection menée en 1555 par Joanot Selva, à la demande du lieutenant et capitaine général du Principat de Catalogne et comtés de Roussillon et Cerdagne, qui en laissa un « Memorial de los lugares de la Vall Darán y vezinos naturales51 », nous savons que ces églises sont édifiées à Salardú (« église forte entourée de murs »), Arties (« église forte »), Betren (« église forte »), Vielha (« église forte comme un château ») et Vilac (« église forte avec artillerie »). En cas d’alerte les habitants des villages voisins y accourent ainsi qu’à la place de Castèth-Leon. Il s’agit là du système connu partout, au nord et au sud des Pyrénées comme ailleurs, de la « reculhida », « recolleta » ou « recollita » : les ruraux des villages dépendants d’une fortification devaient y travailler à l’entretien des murailles et y faire le guet (voir l’exemple de Seix cité plus haut) en échange de quoi ladite fortification leur servait de refuge, de retraite, pour se mettre à l’abri avec leur famille en cas de menaces sur leur village. Dans l’exemple aranais, chaque asile devait être capable d’accueillir, selon les données que nous avons de la population moderne de cette vallée, de 250 à 550 personnes en général, soit autour d’une moyenne de 400 habitants.
- 52 G. Géraud Parracha, Histoire du pays de Couserans, Saint-Girons, 1994, p. 59.
- 53 Pour l’Aragon frontalier qui est dans la même situation que ce qui vient d’être dit, voir G. Colás (...)
24Castèth-Leon, qui commande le système de défense aranais, s’intègre dans l’ensemble plus vaste des forteresses pyrénéennes catalanes et aragonaises ; la forteresse est comprise dans les presidios d’Aragon de la même façon que celle, voisine, de Benasque ou celle, plus lointaine, de Jaca. Cette ligne de défense répond à celle du nord des Pyrénées dont les châteaux de Saint-Béat, Castillon ou Seix sont des pièces maîtresses. Au début du XVIIe siècle cette frontière n’est pas de « fer » à l’image de celle que Vauban dressera un peu plus tard sur les frontières septentrionales du royaume de France. Même si la volonté d’un roi comme Philippe II de renforcer, voire de fermer la frontière, est évidente, la réalisation se heurte aux difficultés matérielles : entretien des fortifications peu suivi, équipement nécessaire parfois manquant, garnisons peu nombreuses comme nous le vîmes à Castèth-Leon ou comme c’est aussi le cas dans le château de Castillon (Couserans) qui ne contient que six soldats en 1674 alors qu’il devrait en compter 2552. N’oublions pas toutefois, que les monarchies comptaient sur la force de mobilisation des populations montagnardes, à qui elles avaient dû reconnaître le privilège du port d’armes, quoique ces populations n’étaient pas toujours très fiables dans la mesure où des accords les liaient avec leurs voisins du royaume limitrophe53.
Au temps des guerres de Religion
25Le fait d’assurer sa défense contre les agressions « militaires » extérieures renforce la cohésion des vallées face aux ennemis de dehors et il nous semble que, pour cela, les guerres – en tout cas certaines – sont des moments essentiels dans la création, ou du moins le renforcement, d’une certaine identité des vallées.
Un contexte de violences entre vallées
- 54 C. Pailhès, D’or et de sang. Le XVIe siècle ariégeois, Foix, 1992, p. 115.
- 55 Parmi les capitaines cités, nous trouvons Benito Marco connu par ailleurs car le roi Jean II de Ca (...)
- 56 X. Torres i Sans, Nyerros i Cadells : bàndols i bandolerisme a la Catalunya moderna (1590-1640), B (...)
- 57 En juillet 1542, les hostilités reprennent entre les deux souverains, qui avaient pourtant signé u (...)
- 58 Voir, par exemple, C. Desplat, La guerre oubliée. Guerres paysannes dans les Pyrénées (XIIe-XIXe s (...)
26Des violences entre vallées, nous en sont parvenus des témoignages pyrénéens comme ceux que cite Claudine Pailhès pour le pays de Foix et le Couserans54 : par exemple, à Seix, en Couserans, en 1540, les habitants rappelaient que, trois fois en cent ans, des bandes armées venant d’Espagne avaient pillé leur communauté, fait des prisonniers et exigé des rançons55. Dans le Vicdessos (pays de Foix), une bande menée par Antoine del Marques et Bernard Dengerma dit Palhole reclamait un « droit de chevauchée » au milieu du XVIe siècle. D’autres exemples peuvent être empruntés a Xavier Torres i Sans56 : en 1542, une compagnie d’infanterie espagnole, avec des Cerdans, passe en France et s’empare de 400 vaches, sans doute en représailles d’une attaque contre Puigcerdà ; en 1544, 3 000 Français menés par le bandit catalan Antoni Roca dévastent Via, Bajanda et Ro. Une partie de ces actions est imputable à une « économie de pillage » encore active dans ces marges montagnardes mais ces deux exemples prennent place aussi dans une des guerres entre François Ier et Charles Quint57. Plusieurs autres auteurs donnent des exemples de violences pastorales et « locales » entre vallées d’un même royaume dans le Béarn, en Aragon ou en Catalogne58.
27La période des guerres de Religion de la deuxième moitié du XVIe siècle nous semble être une étape essentielle dans l’affirmation des solidarités internes face à des ennemis extérieurs, favorisant l’émergence d’une identité construite dans ces luttes. Il est vrai que la fin du XVIe siècle est particulièrement agitée sur la frontière pyrénéenne par ce qu’elle implique de liaisons, de collusions, de complicités, véritables ou supposées, entre « banditisme » (pensons à la figure mythique du bandoler catalan) et attaques religieuses comme on peut s’en rendre compte dans la chronologie indicative que nous avons recueillie (voir pages ci-après).
- 59 En Aragon ou dans le royaume de Valence (bandolerisme opposé au lladronici de camí ral), par exemp (...)
28De cette chronologie ressortent bien les relations conflictuelles entre les terres occitanes et les terres catalanes, secondairement aragonaises, au cours des guerres de Religion et dont la plus grande partie est due à l’agissement des bandits, les fameux bandolers. Deux réalités bien différentes se cachent derrière le banditisme pyrénéen. Tout d’abord, les lladres c’est-à-dire les bandits ordinaires, les brigands (saltejadors de camins en Catalogne) ; ensuite, les bandolers, bien étudiés par Xavier Torres i Sans, qui sont les suiveurs d’une bande (bàndol ou bandositat), produits de la lutte des factions et de la guerre privée59. Souvent, ces bandolers étaient des suiveurs occasionnels mobilisés par les seigneurs qui, eux, menaient les quadrilles. Les troupes de bandolers étaient majoritairement d’extraction rurale (paysans pauvres, journaliers, fils non-héritiers) mais on y rencontrait aussi des gens issus des villes, spécialement du travail du textile. Les zones de recrutement étaient, en Catalogne, aussi bien la montagne que la plaine. Une différence essentielle entre bandolers et simples bandits tient au nombre de membres des quadrilles, à leur mobilité et à leur durée d’action, ce qui se remarque aussi bien en Catalogne qu’en Aragon, d’autant que la frontière des deux territoires était vite franchie par les groupes. Xavier Torres cite des bandes, à cheval, de 100, voire 200, hommes armés du fameux pedrenyal (sorte d’arquebuse courte), qui ont agi, souvent avec de fréquents déplacements, une trentaine d’années.
- 1 Jean-Claude de Lévis d’Audou, chef des protestants du pays de Foix, est nommé gouverneur du pays d (...)
Chronologie indicative du « banditisme » pyrénéen
1562
– La Seu d’Urgell faillit tomber dans les mains des huguenots.
– Siège de Toulouse par les huguenots : parmi les troupes qui défendent la ville on trouve des Aranais, Benasquais, Pallarais, gens de Tena.
– Perot de Llupià, à la tête de 700-800 « bandolièrs » gascons et espagnols, lutte aux côtés du maréchal de Joyeuse contre les protestants à Montagnac et Pézenas, et meurt au siège de Montpellier
1562-1563
– Des bandolers participent au siège de Montauban.
1564
– Incursions françaises à Perpignan.
1565
– La quadrilla de Joan Forties, alias « Lo Luterà », agit à Lérida et Urgell.
1567
– Incursions françaises à Perpignan.
1568
– Attaque des huguenots à Puigcerdà.
1569
– Incursions françaises à Perpignan.
– Menaces huguenotes à Canfranc (Aragon).
1570
– Mars : entrée, en Roussillon, du comte de Foix, roi de Navarre, avec 18 000 hommes (cavalerie française et reîtres allemands).
– Incursion huguenote à Perpignan (vers le 9 avril).
– Incursions huguenotes à Estagel.
– Andorre : le conseil de la terre faisant valoir les menaces huguenotes obtient de l’évêque le port d’armes pour les Andorrans (25/08/1570), obligeant même ceux qui n’en avaient pas à s’en procurer.
1571-1572
– L’Inquisition accuse un bandoler de Ripoll (Joan Escuder alias « El Luterà ») d’avoir participé à la prise de Tarascon et d’y avoir été fait consul par les huguenots
1573
– Les huguenots s’emparent du diocèse d’Alet.
1576
– La Guarda del Reino (Aragon) garde les passages de peur d’invasions.
1577
– Les huguenots s’emparent du diocèse d’Alet.
1580 – Menaces huguenotes à Jaca.
1581
– À Bagà, entrée de 300-400 huguenots aux ordres de Galceran Cadell.
– 326 Français huguenots et autres, menés par G. Cadell, attaquent Puigcerdà.
– 7 mai : G. Cadell s’empare de l’hôtel de ville de la Seu d’Urgell.
1583
– 650 Français attaquent la vallée de Carol, conduits par des Carolans qui venaient de prendre la ville et le château de Puigcerdà (parmi eux, il y a beaucoup d’huguenots).
– Décembre : une bande se dirige vers la Seu d’Urgell.
1583 et 1584
– La Guarda del Reino (Aragon) garde les passages pyrénéens de peur d’invasions.
1583-1584
– Hiver : une troupe de protestants est passée par Puigcerdà puis par la Seu d’Urgell.
1585
– Sur ordre d’Audou1, arrestation et exécution de Plumette, « vieil brigand du pays » d’Ax.
1587
– Saccage, par des « huguenots », des églises andorranes.
1588
– Tentative de 600 huguenots fuxéens sur la Cerdagne
– Saccage de la cathédrale d’Elne
– Fin mars-début avril : El Plometa, avec 20 à 30 Français protestants et quelques bandits, attaque la Seu d’Urgell
– Vaine tentative de gens armés de s’emparer du château de Formiguères (Capcir)
1589
– Incendie des ornements sacrés de la cathédrale d’Elne.
1590
– Les soldats de Mérens, « tots igonaus », font une razzia en Cerdagne, aidés par des bandits de la vallée de Carol.
1591
– Incursion en Cerdagne de gens d’Ax et Mérens avec complices de la vallée de Carol.
– Été : selon une information des Andorrans au comte, des soldats français d’Audou auraient pris du bétail dans le Pallars, vicomté de Vilamur et seraient passés en Andorre (bétail pris à des Andorrans).
– Fin : tentative échouée de Tomàs de Banyuls d’assiéger Ax avec 500 habitants.
1592
– Avant décembre : pillage de l’église de Sant Cerní de Canillo (le document qui en fait mention date de décembre 1592).
– Après le deuxième siège du château d’Arsèguel, Cadell et les siens doivent se réfugier dans le comté de Foix.
– Des bandits, gascons et huguenots, agissent dans le pla d’Urgell empêchant les récoltes.
– Des « luthériens » pillent l’église d’Esterri d’Àneu.
– Casalucas d’Ax, le capitaine Lostet de la Bastida, mossur de Castelet, saccagent la ville et l’église de Vinçà (Roussillon), tuent des habitants, pillent la maison du chevalier Macià d’Orís.
– Entrée d’hérétiques béarnais dans les montagnes de Jaca.
1592 à 1597
– Les huguenots et des bandits auraient saccagé et incendié des lieux du Conflent, Roussillon, Aran, Àneu, Tena.
1596
– Des bandits fuxéens entrent à Molig et Mosset.
– Des soldats du gouverneur de Languedoc entrent à Estagel et Salses.
1597
– Le vicomte de Lacourt, mossur de Durban et d’autres capitaines, saccagent Esterri et son église ; riposte : entrée en « France » et incendie de trois ou quatre lieux.
– Ravage de la Vall Ferrera par 1 600 « luterans » fuxéens plus 3 300, une semaine plus tard.
– Assauts hérétiques contre Perpignan (août : incursion d’Alfonso Corso pour le roi de France ; septembre : références à de nouvelles invasions).
– Août : Puigcerdà demande de l’aide au vice-roi de peur d’Audou « ab mil arcabussos i cavalls ».
– Novembre : le vicomte de Saint-Girons (Aymeri de Narbonne) attaque l’Aran et le Pallars ; saccage de villages montagnards du Pallars.
1598
– Assauts hérétiques contre Ille (Roussillon).
– En Cerdagne, invasion de 3 000 « Français » menés par mossur Durban, le vicomte de Lacourt et « molts altres cavallers francesos » (vols d’églises) et fuite par le Puymorens.
– Capcir : des Français avec mossur de Fontçosa (Fonsusa de Mumoranci), « matando y robando en muchos lugares », prennent les châteaux d’Òpol et Salvaterra (vers 19 mars – Semaine Sainte – : 50 hommes exécutés et lieux brûlés) ; siège du château de Formiguères par les Français.
– Vers février-mars : mossur de Viver est à Bulaterranera/Bouleternère et à Vinça.
– Vers début avril : les Français sont à Mosset et brûlent les maisons, et à Espira dans le Conflent (morts d’habitants, vol de bétail et blé).
– Mai : les barons d’Eroles et d’Erill plus des vassaux, des Aranais et des Pallarais attaquent les hautes vallées du Couserans catholique.
– 19 mai : le sieur Cazaux attaque les « Espagnols » limitrophes du pays de Foix.
– 22 mai : 3 000 Français attaquent Puigcerdà et sont repoussés.
- 60 G. Colás Latorre, J. A. Salas Ausens, op. cit., p. 153-159.
- 61 Ibid., p. 160.
29Il semble que l’on puisse dater le début du bandolerisme, que nous venons rapidement de définir, des années 1530-1540 en Catalogne comme en Aragon. Dans ce royaume, si les termes de bando et bandolero existaient avant, ils désignaient jusqu’alors des réalités locales (bandes du lieu) comme à Barbastro, par exemple60. À partir du début des années 1530, les mots de bandolero et bandolerismo tendent à désigner un nouveau type de délinquance, de sorte que dans les années 1540, parfaitement formé, ce type de banditisme commence à avoir des répercussions sur la vie de l’Aragon. Dès lors, à partir du milieu du XVIe siècle, les documents donnent les premiers noms de quadrilles et de leurs chefs, dont Guillén de Jossa qui vers 1550 après avoir commis des délits à Barcelone, passa en Aragon depuis le Val d’Aran avec plus de 50 hommes61. Dans les années 1560, la partie orientale du royaume d’Aragon (Ribagorça, Llitera, Barbastro…) était la plus touchée par le bandolerisme, avant une accalmie possible suggérée par le silence des sources entre 1572 et 1578. Dans les années 1580, comme ailleurs dans le monde méditerranéen, on assiste à une explosion du banditisme qui se dilue, en Ribagorça, dans le mouvement anti-seigneurial, événement sur lequel nous devons nous arrêter à cause de son importance pour notre sujet.
- 62 Nous nous appuyons totalement sur l’article de X. Torres i Sans, « Alteracions aragoneses i bandol (...)
30La Ribagorça était un foyer endémique de violence et de banditisme favorisé par la géographie et la frontière avec la Catalogne. Dans ce contexte, quelques seigneurs de la montagne possédaient leur quadrilla, comme les Latrás, Mur ou Bardaxí62. Or, en 1579, éclate une révolte contre le comte de Ribagorça qui, pour récupérer le comté, est aidé par quelques membres de la petite noblesse (les Bardaxí de la vallée de Benasque), des mossurs de la frontière et des cavallers catalans (en particulier le baron de Nyer en Conflent). Dans le camp des révoltés, on trouve Lluís Valls à la tête d’un réseau de seigneurs bandolers dont le quartier général est le château d’Arsèguel, en Cerdagne, de la juridiction de Joan Cadell. Pour aller vite, disons que, durant cette guerre de Ribagorça, les bandes se sont rangées derrière le seigneur de Nyer ou derrière Cadell : les uns ont été dénommés « Nyerros » et les autres « Cadells » ce qui a permis la diffusion et la fixation supralocale de ces deux dénominations, à l’origine locales. Ainsi, au début des années 1590, on rencontre des Nyerros et des Cadells dans la vicomté de Castellbò, dans le Pallars, le Segrià, la Segarra (région de Lérida). Par le jeu des liens vassaliques ou autres solidarités verticales, ces désignations deviennent, selon Xavier Torres, de 1590 à 1640, le miroir de toutes sortes de divergences cachant des conflits de natures très diverses car aucun de ces deux « partis » ne peut se définir idéologiquement (centraliste ou foraliste) ou par sa composition par rapport à l’autre (il n’y en a pas un plus populaire ou plus aristocratique, etc.).
- 63 Par exemple au XVe siècle pendant l’occupation française en Roussillon ou en 1527 au cours du sac (...)
31La confusion plus ou mois volontairement entretenue, entre les bandolers et les protestants, nombreux dans le Béarn et le comté de Foix, qui indique toutefois les connexions qui existaient entre banditisme et guerres de Religion sur la frontière pyrénéenne, met en évidence la présence occitane dans les bandes catalanes et sans doute aragonaises, en même temps qu’elle trahit les fondements très peu religieux des constitutions des bandes et de leurs opérations, la plupart du temps plus proches des razzias de bétail et des guerres paysannes que du prosélytisme et de l’esprit missionnaire. Néanmoins, les textes catalans parlent de « huguenots », très souvent de « luthériens » alors même que le protestantisme pyrénéen était calviniste, ce qui ne révèle en rien l’appartenance religieuse de ceux que l’on désigne ainsi. Dans les territoires placés sous la domination espagnole d’un Philippe II essayant d’isoler et de débarrasser ses terres de la contamination protestante, en particulier en faisant des Pyrénées une frontière hermétique, tous ces termes à connotation hérétique (huguenot, luthérien, etc.) ont cristallisé toutes les « déviations », religieuses certes, mais aussi sociales (le banditisme) provenant du royaume de France dans lequel toutes les violences ne pouvaient être imputables qu’aux fauteurs de trouble, c’est-à-dire les protestants dont les troupes françaises ne peuvent être qu’infestées même s’il s’agit de soldatesques pratiques qui sont attestées un peu partout bien avant la naissance et la diffusion du protestantisme63.
Une péninsule menacée
- 64 J. L. Palos, « El protestantisme a Catalunya », L’Avenç, no 58, 1983, p. 15.
- 65 Le Béarn de Jeanne d’Albret est passé à la Réforme en 1561 ; le roi de Béarn est aussi comte de Fo (...)
- 66 Sebastià García Martínez, Bandolers, corsaris i moriscos, Valence, E. Climent, 1980, p. 85 et suiv
32Le protestantisme n’a pas été totalement ignoré dans la péninsule Ibérique du XVIe siècle. Dans les sources inquisitoriales, la première mention en Catalogne date du 14 février 1542 mais il faut attendre la deuxième partie du siècle pour qu’il y ait des procès64. La plus forte répression correspond ainsi au règne de Philippe II alors que son successeur sera plus occupé par les Morisques qu’il expulsera en 1609-1610. La présence protestante, importante dans les régions pyrénéennes telles que le Béarn65 ou le comté de Foix, représentait pour la monarchie espagnole un danger d’autant plus grave que les bandes de bandolers étaient mêlées d’éléments souvent assimilés à des huguenots. Il a souvent été dit que, pour Philippe II, l’Espagne faisait figure d’une forteresse assiégée dont l’unité religieuse se fissurerait, sous la pression de cette « cinquième colonne ». En effet, dès les débuts de son règne, la menace musulmane se précise dans toute la Méditerranée (les Turcs assiègent Malte en 1565, envahissent Chypre en 1570), relayée par la révolte des Morisques de Grenade (1568-1570). L’angoisse était telle que le monarque craignait même que, le soulèvement grenadin s’étendant chez les Morisques valenciens puis aragonais, une connexion avec les protestants se réalisât, mettant en péril la cohésion de ses territoires66.
- 67 J. Reglà, Els virreis de Catalunya, Barcelone, Vicens-Vives, 1987 (1re éd. 1956), p. 84 et suiv.
- 68 H. Lapeyre, « La dernière croisade », L’Espagne au temps de Philippe II, Paris, Hachette, 1965, p. (...)
- 69 Ibid., p. 157.
33Joan Reglà parle de grand virage de 1568-1571 pour qualifier la politique de Philippe II confronté à une crise qui culmine dans ces années-là après la rébellion des Pays-Bas. Ce tournant se caractérise, aux yeux de l’historien catalan, par le passage de l’Espagne du « cosmopolitisme humaniste » de Charles Quint à celle du « nationalisme hispanique » de son fils, facteur qui différencie profondément l’Espagne des autres pays européens marqués par la « Renaissance critique et la Réforme protestante67 ». Comme l’a écrit Henri Lapeyre, l’idée de croisade et la volonté de réaliser l’unité religieuse de l’Espagne ne sont, finalement, que le prolongement de la Reconquête68, de sorte qu’après Lépante (7 octobre 1571) et la trève avec la Turquie, signée en 1578 et renouvelée en 1581, le monarque espagnol devient « le grand adversaire du protestantisme européen69 ».
Les incursions
- 70 X. Torres, Nyerros i cadells, op. cit., p. 150-152.
- 71 Sans doute dans les années 1560. Voir P. Poujade, Une vallée frontière, op. cit., p. 126.
- 72 G. Colás, J. A. Salas, op. cit., p. 197-200.
34Durant les guerres de Religion françaises, qui débutent en 1562 et ne s’achèvent qu’en 1598, les bandes « huguenotes » font des incursions en territoire catalan ou aragonais où elles peuvent bénéficier d’appuis. D’autre part, certains bandolers sont signalés dans la lutte contre les protestants, par exemple, en 1562 aux côtés du maréchal de Joyeuse ou en 1562-1563 au siège de Montauban. En 1571-1572, au contraire, l’Inquisition espagnole accuse un bandoler catalan de Ripoll, Joan Escuder alias « El Luterà », d’avoir participé à la prise de Tarascon, dans le comté de Foix, et d’avoir été fait consul par les huguenots. Les terres fuxéennes sont réputées servir de refuge habituel aux bandits catalans, comme c’est le cas du village de Mérens où, selon les consuls de Puigcerdà à la fin du XVIe siècle, se réfugient de nombreux cadells tels que Cua de Llop ou Barbafina, mais aussi, selon les sources catalanes, Ax, L’Hospitalet ou Luzenac. Dans ces montagnes, le bandolerisme pouvait se greffer sur un banditisme autochtone faisant de ces lieux des « sanctuaires » des quadrilles catalanes selon les mots de Xavier Torres70. Les exemples d’unions de Fuxéens et de bandits catalans sont nombreux. En 1581, plus de 300 protestants aux ordres du bandit catalan Galceran Cadell attaquent Bagà et Puigcerdà, en Catalogne. Plus tard, en 1592, des partisans de Cadell se réfugient dans le comté de Foix après la destruction du château d’Arsèguel, se mêlant aux prétendus protestants. Dans le Val d’Aran, ce serait la bande du baile de Vilac et de Joan Arjó de Pierres qui aurait dans ses rangs « luteranos con los quales profanaron y robaron algunas iglesias y otras casas particulares y mataron a un governador della llamado Melchor de Bardaxí71 ». Pour l’Aragon, Gregorio Colás Latorre et José Antonio Salas Auséns ont constaté la présence de « Gascons » dans les groupes de bandits et ont noté les craintes, réelles ou supposées, que faisaient peser les huguenots béarnais dans le royaume72.
- 73 Dietaris de la Generalitat de Catalunya, Barcelone, Generalitat de Catalunya, 1990, tome II.
35Ces quelques exemples, pris de la liste que nous avons établie à partir de la documentation et de la bibliographie, montrent très clairement les connexions qui existent entre banditisme et guerres de Religion, en même temps qu’ils soulignent les imbrications et la complexité des solidarités entre les bandes. Il ne semble pas que l’unité de religion ou la lutte religieuse soient les critères principaux dans le choix des bandes. La constitution des bandes telle que nous pouvons l’appréhender met très nettement en évidence la présence occitane. Si l’on prend en compte la « Relación de los delates que se han muerto y sentenciado y están presos para hacer lo mesmo desde 14 de abril hasta 24 de mayo 1573 » du Dietari de la généralité de Catalogne73, sur un total de 36 noms de bandits écartelés, pendus, tués ou faits prisonniers, plus de 44 % sont des Occitans (la plupart du temps qualifiés de « gascón », plus rarement de « bearnés »). En établissant la liste de tous les bandits mentionnés tout au long de l’année 1573 dans ce Dietari, soit un total de 140 dont 95 d’origine indiquée, près de 55 % de ceux dont on connaît l’origine sont des Occitans pour 24 % de Catalans et 21 % d’Aragonais. On sait que ces Occitans étaient parfois assez jeunes (un a 17 ans, un autre 18 ans), que plusieurs étaient bergers (5 cas indiqués), paysan (1 cas), muletier (1), tailleur (1).
- 74 Pour l’Aragon, G. Colás et J. A. Salas avaient noté une accalmie (due aux lacunes des sources ?) d (...)
- 75 Si nous nous référons à la chronologie des huit guerres de Religion près de 16 % des faits que nou (...)
36La liste des incursions protestantes et des attaques « huguenotes » que nous avons établie, même si elle ne peut prétendre à l’exhaustivité donc à un traitement « statistique », permet toutefois de dégager une certaine périodisation peut-être due uniquement – des études ultérieures pourraient le préciser – aux sources utilisées. De 1562 à 1598, au cours des guerres de Religion, on dénombre en moyenne 1,59 fait par an, ce qui est, somme toute, assez peu. Quatre périodes apparaissent : 1562-1570 : 1,6 fait par an ; 1571-1580 : 0,5 fait par an74 ; 1581-1590 : 1,5 par an ; 1591-1598 : 3 faits par an ; ces périodes correspondent, plus ou moins, aux huit guerres de Religion que connut la France, redoublées, de 1595 à 1598, par la guerre que déclare Henri IV à l’Espagne (de 1596 à 1598, notre chronologie dénombre une moyenne de 5 exactions par an, soit un peu plus d’un quart du total répertorié entre 1562 et 1598)75.
Qui sont les « huguenots » et « luthériens » ?
- 76 N. Sales, « “Bandoliers espaignols” i guerres de religió franceses », L’Avenç, no 82, mai 1985, p. (...)
- 77 X. Torres i Sans, Nyerros i cadells, op. cit., 439 p.
- 78 C. Bourret, Les Pyrénées centrales du IXe au XIXe siècle. La formation progressive d’une frontière (...)
37Les lignes précédentes nous amènent, après Núria Sales76, Xavier Torres i Sans77 ou Christian Bourret78, à nous poser la question de la définition de ces prétendus huguenots, souvent même dénommés « luthériens » (luterans).
- 79 Ibid., p. 102.
- 80 N. Sales pense la même chose des Ossalois qui sont intervenus dans la guerre de Ribagorça, mais po (...)
- 81 Archivo General de Simancas, Estado Francia, K. 1588, novembre 1592.
- 82 J. Coromines, El parlar de la Vall d’Aran. Gramàtica, diccionari i estudis lexicals sobre el gascó(...)
- 83 M. Palau Martí, Protestantisme i inquisició a Andorra al segle XVI. Problemes de competències i co (...)
38La documentation parle de protestants, parfois de « luterans », mot repris par certains auteurs, alors que le protestantisme pyrénéen et généralement occitan a été calviniste. Comme le fait remarquer C. Bourret79, le vicomte de Saint-Girons, Aymeri de Narbonne, qui attaque l’Aran et le Pallars en novembre 1597, fut un des derniers fidèles de la Ligue et ne reconnut Henri IV que très tard : il serait abusif d’en faire un protestant même si les documents parlent de « més de tres cents lluterans ». Pour N. Sales, tous ces « envahisseurs » huguenots seraient, en fait, et majoritairement, des catholiques du Comminges et du Couserans qui, auparavant, auraient lutté contre les protestants fuxéens et béarnais80. De plus, les villages attaqués en représailles, par exemple en mai 1598, par les barons d’Eroles et d’Erill, dans les hautes vallées du Couserans ne paraissent pas avoir été protestants, ce que savait la monarchie espagnole comme nous avons pu nous en rendre compte dans un document de 1592 adressé par le marquis de Villars au roi catholique81. Le texte est clair puisqu’il dit que toute la région autour de Saint-Girons, Saint-Lizier, Salies et autres lieux proches du Val d’Aran, c’est-à-dire le Comminges et le Couserans, suit le parti espagnol ! En définitive, les qualificatifs de « huguenot » ou de « luthériens » ne sont pas révélateurs de l’appartenance religieuse de ceux à qui ils sont attribués et ont parfois servi à couvrir de vulgaires pillages d’églises. Il est tout à fait significatif que la définition du mot igonaus donnée par Joan Coromines dans son livre sur la langue du Val d’Aran soit : « Membres de bandes gasconnes provenant de France qui avaient attaqué le Val d’Aran82 », sans aucune référence religieuse, en tout cas dans les années 1930 lorsque le linguiste catalan fit son enquête. Selon Montserrat Palau Martí, le même mot servait à Gérone au début du XIXe siècle pour injurier les Français83 ce qui corrobore, en partie, les propos de Joan Coromines dans la mesure où le mot ne comporte pas de référence religieuse mais s’applique aux ressortissants du pays voisin apparemment dans un usage voisin du catalan gavatx ou du gavach en vallée d’Aran. Il faut, sans doute, penser à une équivalence entre huguenot et « Français » comme entre luthérien et bandit, aggravée par la forte présence occitane en Catalogne.
L’émigration occitane en Catalogne et Aragon84
- 84 Pour des développements, C. Bourret, « Les migrants des Pyrénées centrales françaises en Catalogne (...)
- 85 J. Nadal et E. Giralt, La population catalane de 1553 à 1717, Paris, SEVPEN, 1960, 354 p. et La im (...)
- 86 V. Gual Vilà, « Gavatxos », gascons, francesos. La immigració occitana a la Catalunya moderna (el (...)
- 87 J. Peytaví Deixona, Antroponímia, poblament i immigració a la Catalunya moderna. De la identitat p (...)
- 88 Voir C. Langé, op. cit.
39La présence occitane en Catalogne est connue depuis longtemps grâce aux travaux de Jordi Nadal et Emili Giralt, publiés dans les années 196085, poursuivis et renouvelés depuis les années 1980 par des chercheurs comme Jaume Codina, Valentí Gual i Vilà86 ou, beaucoup plus récemment, Joan Peytaví, dont les intéressants travaux sur la Catalogne du Nord mettent très clairement en évidence le poids numérique de cette immigration et la profondeur des relations entre pays occitans et catalans à l’époque moderne87. Les listes de « Français » présents sur la côte catalane en 1637, établies à la demande des autorités vice-royales, permettent de dessiner un rapide portrait de groupe. Un peu plus de la moitié de ces migrants (53,50 %) provenait des évêchés jalonnant le nord des Pyrénées, de Bayonne à Alet ; le diocèse de Comminges, à lui tout seul, en fournissait 20 %. Un peu plus d’un quart (21,55 %) venait du bassin aquitain, c’est-à-dire le triangle formé par Toulouse, Bordeaux et Dax alors que 16 % arrivaient des hautes terres du Massif central et ses contreforts et que le reste se répartissait entre quelques diocèses languedociens, voire provençaux ou dauphinois. Il est remarquable que 99 % d’entre eux étaient originaires des pays de langue occitane. L’émigration vers l’Aragon se limitait beaucoup plus, en comparaison, aux évêchés pyrénéens ou pré-pyrénéens les plus occidentaux dont Oloron, Lescar et Tarbes qui fournissaient, respectivement, 34 %, 22 % et 13 % des immigrants localisés en Aragon et à celui d’Auch (12 %)88.
40Pour ce qui concerne les occupations professionnelles de ces migrants, près de 58 %, en Catalogne pour le moins, trouvaient à s’employer dans l’agriculture ou l’élevage. Les quelque 17 % qui exerçaient dans l’artisanat se trouvaient, d’abord, dans le bois et la construction, qui apparaissait comme une spécialité des gens des hautes terres du Massif central presque à égalité avec les activités agricoles ou pastorales. Ce sont, certainement, les maçons et les scieurs que l’on voit parfois passer, en groupe, avec leurs outils. En revanche, ces activités artisanales étaient très peu pratiquées par les Pyrénées et les Aquitains que l’on retrouve très nombreux comme travailleurs agricoles ou bergers. Très minoritaires, les activités commerciales étaient presque exclusivement le fait de Limousins et d’Auvergnats. En Aragon, on constate aussi le poids des métiers du bois et de la construction chez les migrants d’Auvergne et du Limousin, mais aussi celui du textile aussi bien chez les mêmes que chez les Pyrénéens et les Aquitains. De plus, nombreux étaient les Pyrénéens du royaume de France à pratiquer, de façon bien organisée, les migrations saisonnières vers la péninsule Ibérique : moissons, vendanges mais aussi, de novembre au printemps, activité « commerciale », au moment où les travaux agricoles étaient en sommeil. Il faut aussi noter les migrations temporaires, qui pouvaient devenir définitives, de migrants spécialistes comme les chaudronniers de Haute-Auvergne qui exerçaient leur industrie dans l’ensemble des Pays catalans et au-delà. Mais ce qui est le plus important ce sont les migrations définitives qui font qu’une grande partie des hautes terres occitanes de l’époque moderne s’est vidée vers les terres catalanes.
- 89 P. Poujade, « La population du Val d’Aran au XVIIe siècle », Revue de Comminges, 2e trimestre 1998
- 90 V. Gual Vilà, Justícia i terra. La documentació de l’Arxiu de Poblet (armari II), Valls, Cossetàni (...)
- 91 Voir, par exemple, O. Baulny, « À propos de l’émigration des Pyrénéens à Castellon à la fin du XVI (...)
41Le Val d’Aran était-il une porte d’entrée vers la Catalogne ? Il abrite, à l’époque moderne, une population allogène constituée de Couserannais, Commingeois, Bigourdans89. Ceux-ci sont-ils attirés par des possibilités offertes par l’exploitation de ressources naturelles, comme les forêts, aux mains des marchands du haut Comminges, ou sont-ils sur le chemin de la migration vers la Catalogne ? Ces Gascons, favorisés par la langue, avaient-ils aussi l’espoir d’être engagés comme bergers transhumants par les grands propriétaires de troupeaux qui estivaient dans les Pyrénées et hivernaient dans les plaines de l’intérieur de la Catalogne ? En effet, nombreux sont les documents qui font référence aux bergers gascons présents dans ces terres du sud de la Catalogne et à qui il arrive des « mésaventures » par lesquelles on peut savoir qu’ils sont présents, quand ils ne sont pas eux-mêmes des acteurs du banditisme90. D’autre part, le Béarn a aussi fourni, dans la Couronne d’Aragon et au-delà, des marchands91. Le haut pays de Foix était aussi une zone de transit vers la Catalogne pour toutes sortes de travailleurs migrants, maçons, chaudronniers, marchands, venant d’Auvergne et du Limousin. Les colonies marchandes formées par les Haut-Auvergnats ou les Bas-Limousins tenant boutique en Andorre ou en Catalogne, poursuivant souvent leur avancée à l’intérieur de la péninsule feront l’objet d’une attention plus poussée dans la deuxième partie de cet ouvrage. Pour l’instant contentons-nous de les présenter comme des acteurs très actifs, et certainement devenus indispensables, du commerce transpyrénéen grâce à leurs incessantes campagnes de part et d’autre de la frontière entre les deux monarchies.
- 92 Archives nationales K. 1690, F. de Beaumont à l’impératrice, Perpignan, 20 août 1536 cité par F. B (...)
- 93 W. Monter, « Els immigrants francesos i la Inquisició de Barcelona, 1550-1650 », L’Avenç, no 120, (...)
- 94 W. Monter, art. cit., p. 10.
- 95 Constitucions de Catalunya, livre IX, Corts de Monzon, 1510, 1534, 1542.
42Déjà, en 1536, selon un document espagnol, plus de la moitié de la population de Perpignan viendrait du royaume de France92 ; en 1542, le capitaine général de la frontière dénombre 1 256 Français à Perpignan et 7 000 ou 8 000 dans le Roussillon, indispensables à l’économie93. En 1572, à la Seu d’Urgell, l’Inquisition estimait que la majorité des familles étaient formées par celles des immigrants94. Très tôt dans le XVIe siècle, tous ces « gascons, biarnesos, limosins, foxencs, donesans e altres francesos » ont fait l’objet d’une surveillance leur interdisant, par exemple en 1510, de « portar ballestas, ni armas algunas en alguna part del Principat de Cathalunya, e Comtats de Rosselló, e Cerdanya, exceptat que pugan portar un bastó, e un ganivet spuntat95 ».
- 96 E. Serra i Puig, « Perpinyà, una vila a Corts catalanes (Montsó, 1585) », Afers, 28, 1997, p. 584.
- 97 J. L. Palos, art. cit., p. 16.
- 98 W. Monter, art. cit., p. 12-13.
43La peur du protestantisme entraîne un durcissement de la politique vis-à-vis des immigrés. Ainsi à Perpignan, les autorités locales durcissent leur position au sujet du délai de 10 ans de résidence permettant l’accès aux charges royales ou municipales, le mariage avec une Catalane ou le fait d’avoir un descendant catalan ; la méfiance s’étendait aux enfants de migrants mariés avec des Catalanes : la restriction d’accès aux charges municipales de la capitale roussillonnaise allait jusqu’à la troisième génération96. C’est justement cette forte présence et le fait que les zones d’émigration occitane soient parfois protestantes qui ont facilité l’assimilation « Français » = hérétique. Il est vrai que les statistiques qui peuvent être tirées des archives inquisitoriales ne disculpent pas les immigrés. Ainsi, Joan Lluís Palos97 met en évidence la prépondérance française parmi les protestants mis en cause par l’Inquisition en Catalogne de 1560 à 1600. Sur 389 protestants, dont 78 d’origine inconnue, 267 provenaient du royaume de France soit plus de 68 % (ou plus de 85 % de ceux dont l’origine est établie), loin devant les 21 Catalans ou 15 Anglais. Selon les sources utilisées par l’auteur, il y aurait, en 1570, quelque 200 « luteranos » à Perpignan et plus de 1 200 dans le comté de Roussillon. William Monter écrit que, de 1563 à 1578, 95 % des personnes brûlées en personne ou en effigie par l’Inquisition de Barcelone étaient nées dans le royaume de France, tout comme 93 % de ceux condamnés aux galères, pour des raisons religieuses. Mais les immigrants français étaient aussi majoritaires dans les condamnés aux galères pour bigamie ou pour bestialité98.
- 99 J. Reglà, El bandolerisme català del barroc, Barcelone, Edicions 62, 1966, p. 67 et p. 79 selon Ar (...)
- 100 N. Sales (Els segles de la decadència, op. cit., p. 117) mentionne que l’on rencontre peu de Catal (...)
- 101 Le culte marial est à l’origine de nombreux sanctuaires comme, par exemple, ceux de Roncevaux (Nav (...)
- 102 Voir D. Baisset, « La diffusion du protestantisme en Roussillon ou le choc avec un catholicisme ma (...)
44La présence française dans les tribunaux favorise l’assimilation entre « francesos, facineros lutherans huguenots enemichs de nostra Sancta Fe Cathòlica » rapportée par Joan Reglà, de sorte que les bandolers sont considérés comme étant pires que les Maures car ils sont en contact avec les huguenots99. Sans ignorer un protestantisme autochtone en Catalogne100, il est évident que le culte réformé n’y rencontrait pas un terrain favorable. Dans le Roussillon, la Catalogne et les Pyrénées en général, la Vierge et les saints faisaient l’objet d’un culte profond101, la dévotion pour les reliques était réelle, les processions, pèlerinages et fêtes religieuses rythmaient l’année et les superstitions étaient nombreuses, autant d’éléments que rejetaient les protestants et contre lesquels ils s’insurgeaient en termes blasphématoires pour les catholiques. Ainsi, il n’est pas étonnant que, dans les mentalités populaires, les huguenots soient assimilés à des gens de peu102.
Mossurs de la frontière et contrebande des chevaux
- 103 Sur ce point, plus particulièrement pour l’Aragon, voir P. Sánchez, « La Inquisición y el control (...)
- 104 G. Colás Latorre et J. A. Salas Ausens, Aragón en el siglo XVI, op. cit., p. 198-199 et p. 220-227
45Si le banditisme et l’émigration sont des facteurs mettant en péril l’unité religieuse de l’Espagne et montrant la réalité des relations frontalières, il est un autre élément à prendre en considération qui met en relief la complexité des engagements. Il s’agit du rôle des mossurs de la frontière, apparentés de chaque côté de la ligne de partage politique et s’adonnant au lucratif commerce des chevaux, d’Espagne vers la France, alors même que Charles Quint en 1542 et Philippe II ensuite avaient déclaré ce négoce illégal et punissable103. Leurs relations commerciales et familiales les font souvent suspecter d’hérésie à l’instar de l’Aragonais Felipe de Bardaxí. Cet infanzón (petit noble) fut dans les années 1550-1560, accusé, à la fois, d’être huguenot, de faire de la contrebande de chevaux avec les protestants, d’organiser des raids dans la vallée de Gistaín à la tête d’une bande de Gascons. Poursuivi et jugé par l’Inquisition, condamné en 1563 à être brûlé en effigie, il prouva son innocence en devenant espion pour l’Espagne dans le Sud de la France et au moment où des Béarnais – protestants ou réputés tels – lui incendièrent sa maison et tuèrent toutes ses montures à San Juan de Plan104.
- 105 D’après les articles de J. Bourdette, « Notice du pays et des seigneurs de Larboust », Revue de Co (...)
- 106 X. Torres, Nyerros i Cadells, op. cit., p. 87 ; références à M. d’Agut dans G. Colás Latorre, J. A (...)
- 107 P. Poujade, Une vallée frontière, op. cit., p. 118-119.
46En Ribagorça, pendant la révolte des années 1580, on voit agir du côté du duc de Villahermosa, comte de Ribagorça, opposé aux révoltés, Jacques d’Aure, frère du seigneur de Larboust105 ou mossur d’Agut, capitaine français, parent des Bardaxí, qui fournit un groupe de 25 Béarnais106. Dans le Val d’Aran, favorisé par sa situation géographique, c’est le baile de Vilac qui vend des chevaux en France sans qu’il soit puni à la hauteur de son délit par les autorités locales alors que, lui-même, était familialement allié de l’autre côté de la frontière qui lui servait – avec sa bande – de zone de repli107.
47La pression protestante par le nord, mêlée au banditisme et renforcée par l’émigration et des relations commerciales parfois illicites, a des conséquences profondes sur la frontière que Philippe II voudrait hermétique à toute influence religieuse extérieure et qui donc se renforce.
1598 : la fin des troubles ?
- 108 13 avril : édit de Nantes ; 2 mai : paix de Vervins ; 13 septembre : mort de Philippe II.
481598 est une date importante dans les relations franco-espagnoles108 spécialement dans les Pyrénées où une grande partie des troubles était attribuée, à tort ou à raison, aux protestants qui gonflaient les bandes. Ce faisceau d’événements signifie-t-il pour la zone un arrêt des hostilités et des violences dont une partie au moins était assimilée à des raids protestants ?
- 109 En 1614-1615, la documentation du conseil d’Aragon (Arxiu de la Corona d’Aragó, CA llig. 98) signa (...)
49En premier lieu, notons que l’interruption officielle du conflit n’implique pas la fin des incursions. Ainsi, en juillet 1598, Aranais et Pallarais entrent en Comminges et Couserans où ils prirent du bétail et firent des victimes ; il est vrai qu’ils répondaient de cette façon à des incursions « protestantes » datant du début de l’année. D’autre part, et l’exemple aranais que nous avons plus particulièrement étudié le montre, les troubles frontaliers continuent après 1598109, aggravés bien évidemment par la déclaration de guerre de la France à l’Espagne le 19 mai 1635 puis par le soulèvement catalan de 1640. Ce dernier, appuyé par la France contre la monarchie hispanique des Habsbourg se ramène à un simple affrontement franco-espagnol après la reddition de Barcelone en 1652. L’intérêt de ces événements ne réside pas, pour notre propos, dans les faits militaires en eux-mêmes, puisque, en période de guerre entre deux pays, il est normal que les exactions contre ceux qui sont les ennemis soient nombreuses. Ce qui nous retiendra plutôt sont les conséquences « psychologiques » de certains d’entre eux, qui font que les Français, dans les années 1640-1660, comme dans les années 1560-1600, sont rejetés : nous voulons parler des profanations d’églises, des destructions d’images saintes qui s’apparentent fort à l’iconoclasme protestant. Plusieurs témoignages peuvent être sollicités à titre d’illustration.
- 110 Noticia universal de Cataluña, édition établie par X. Torres, Vic, Eumo, 1995, 147 p. Chapitres xv (...)
- 111 P. Sanz Camañes, « Fronteras, poder y milicia en la España moderna. Consecuencias de la administra (...)
50Dès 1640, un partisan du soulèvement catalan et de la soumission de la Catalogne à Louis XIII tel que Francesc Martí Viladamor ne peut malgré tout s’empêcher, dans sa Noticia universal de Cataluña, de dénoncer (chapitre XV) « los excessos, atrocidades, sacrilegios y heregías que en ella [Catalogne] han cometido los soldados de nuestro gran monarca [Louis XIII] » et que (chapitre XVI) « entre las atrocidades que han cometido los soldados en Cataluña, han incurrido en crimen de heregía y de lesa magestad ». Parmi ces atrocités, citons ces soldats « que cortaron a un devoto Christo un braço, los otros que en Castelló de Empurias acuchillaron a otra imagen de Christo crucificado, los que en Perpiñán acuchillaron una bendita imagen de la Virgen de Montserrate y después la quemaron juntamente con su santa iglesia y casa110 ». De la même façon, Porfirio Sanz Camañes constate que les profanations d’églises et de couvents, les destructions d’œuvres d’art religieux, etc., par les troupes françaises, comme à Tortosa en juillet 1648, aidèrent à forger une image négative du Français, en Aragon, où il est assimilé au contrebandier, à l’hérétique, au bandolero111.
- 112 P. Poujade, op. cit., p. 220.
- 113 A. Pladevall et A. Simon, Guerra i vida pagesa a la Catalunya del segle XVII (segons el « Diari » (...)
51En février 1654, des troupes françaises sont entrées en vallée d’Aran où elles ont incendié le bourg de Les et son église. À Bossòst, à quelques kilomètres de là, l’église servit d’étable aux chevaux de la soldatesque112. En 1654 encore, dans les régions catalanes de la Plana de Vic et de l’Empordà, Joan Guàrdia signale dans son journal des profanations et destructions d’églises par les Français113. L’importance, pas seulement matérielle, de ces agissements conduit plusieurs évêques, comme ceux de Vic et de Gérone, à excommunier les soldats français après la campagne militaire de 1654. Les termes de l’excommunication prononcée par l’évêque de Gérone le 5 décembre 1654 sont clairs : « Contra molts soldats del exèrcit francès que los mesos pasats a l’invadir Catalunya han romput y posat foch a les portas de moltas iglésias del bisbat, rompent molts sagraris, retaules y fonts babtismals, trepitjan aras consagradas, robat el Santíssim Sagrament, calses y vasos de plata i tot quan tenian ditas iglésias, donant bastonadas als sacerdots. » La sentence d’excommunication de l’évêque de Vic du 21 avril 1655 reprend les mêmes arguments : « Constant aver dits soldats desbotadas y rompudas las portas de diversas iglésias, sacraris y fonts baptismals, y haver posat foc a alguna de aquellas, y haver robat sacrílegament lo santíssim cos presiós de Christo Senyor Nostre sacramentat y haver-lo donat a menjar ignominiosament a un cavall […] y donats colps a algunas personas ecclesiàsticas », et recense les délits des soldats français entre le 10 novembre et le 9 décembre 1654 soit 29 méfaits.
52Ces quelques exemples sont tout à fait parlants pour comprendre le rejet dont ont pu être « victimes » les Français dans leur ensemble puisqu’il est très facile – les cas sont si nombreux – de les assimiler à des hérétiques. C’est d’ailleurs « de heregía » dont parle F. Martí Viladamor : près d’un siècle après le début des guerres de Religion, le même discours peut être utilisé, sans pour autant que les uns soient plus – ou moins – protestants que les autres.
- 114 Voir, par exemple, P. Sahlins, Fronteres i identitats : la formació d’Espanya i França a la Cerdan (...)
- 115 M. J. Condó Sambeat, Era isla des diamants, Escolo deras Pirenéos, 1981, p. 225-227.
53Notre tour d’horizon séculaire montre une conflictualité des relations frontalières, mais aussi des solidarités que distendent les guerres. Le rejet des immigrés occitans, les atteintes aux privilèges tel que le port d’armes dans la lutte contre le banditisme, la volonté de l’Inquisition de s’introduire partout, la mise hors-la-loi de ces petits nobles s’adonnant au commerce des chevaux, même dans les zones des lies et passeries, portent un coup aux relations transfrontalières. Le rôle des guerres de Religion, en particulier, est capital dans la mesure où elles favorisent le renforcement d’une ligne de séparation entre les deux monarchies qui se disputent l’hégémonie européenne dans la période que nous avons étudiée. On ne peut totalement croire que la religion serait l’unique motif des agissements de la fin du XVIe siècle mais dans le contexte phobique dans lequel était plongée la péninsule Ibérique, les guerres religieuses ont favorisé l’apparition de l’équation « Français » (en réalité Gascon ou Languedocien) = protestant (appelé parfois luthérien !), parallèle de « Espagnol » = catholique, faisant naître par là même une sorte de nationalisme qui s’appuie sur les différences religieuses, réelles ou supposées. Ces dénominations, pour la plus grande partie erronées, ont connu une postérité et un retentissement qui, à notre avis, s’enracinent dans les événements de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, dont l’incidence fut importante, jouant un rôle, croyons-nous, dans la construction de l’identité de certaines vallées. Le Val d’Aran nous semble bien illustrer ce processus qui touche aussi d’autres régions frontalières114. Ainsi, le poète aranais Josep Condó Sambeat (1867-1919), dans son épopée intitulée Victòria des aranesi er an 1597, qualifie-t-il de protestants les attaquants venant du royaume de France en diffusant le lieu commun, né à la fin du XVIe siècle, de l’affrontement religieux entre les Aranais, défenseurs de la « gran fe cristiana » et les Gascons de France hérétiques. Citons un extrait de son poème dans sa graphie originale115.
¡Ara pla, qu’ès ben a planhe, |
Tu es maintenant bien à plaindre, |
Oh poulida Bal d’Aran! |
Oh jolie Val d’Aran ! |
S’ères un jardin hasta ára, |
Si jusqu’alors tu étais un jardin, |
Sounqu’un desèrt nou seras; |
Tu ne seras plus qu’un désert ; |
È de ta gran fé cristiana |
Et de ta grande foi chrétienne |
Ne rastre t’en quedará. |
Il ne t’en restera pas de trace. |
P’et Port d’Hurét era França |
Par le col d’Huret la France |
Un lauét d’omes t’a embiat; |
T’a envoyé une avalanche d’hommes ; |
De Sant-Girouns et Bisconde |
Le vicomte de Saint-Girons |
Tam us tres mil proutestants. |
Avec quelque trois mille protestants. |
Nou-an dichat rifa ne rafa |
Ils n’ont rien laissé |
Pr’aoun eri an passat; |
Où ils sont passés ; |
An saquejat cauqui pobles, |
Ils ont saccagé quelques villages, |
È’n d’auti, et houéc i-an calat… |
Dans d’autres ils ont mis le feu… |
¡Ara pla, qu’ès ben a planhe, |
Tu es bien à plaindre |
Oh poulida Bal d’Aran! |
Oh jolie Val d’Aran ! |
¡Desbelháts-bous, Aranési, |
Réveillez-vous, Aranais, |
Es armes touti agarrats! |
Prenez tous les armes ! |
¡Desbelháts-bous, oh campanes, |
Réveillez-vous, oh cloches, |
Campanes des campanaus! |
Cloches des clochers ! |
È toutes at cop en aire, |
Et toutes à la fois, |
Lèu, a soumetent, toucats, |
Vite, sonnez l’alarme, |
Que a’t pè de Salardú arribe |
Car au pied de Salardú arrive |
Et lauét des proutestants… |
L’avalanche des protestants… |
Pró es de Salardú nou dormen, |
Mais les habitants de Salardú ne dorment pas, |
È an barrat es tres pourtaus |
Et ils ont fermé toutes les portes |
Ta bira-se des Gabátchi, |
Pour se protéger des gavaches, |
Des Gabátchi proutestants. |
Des gavaches protestants. |
Nou soun arren que cincouanta |
Ils ne sont que cinquante |
Es souldats que laguens i-a; |
Les soldats qu’il y a à l’intérieur ; |
Mès soun prou, encára que pógui, |
Mais ils sont assez, bien que peu nombreux, |
Ta dá-ne as Francési en nas. |
Pour affronter les Français. |
Eri, tam et son Sant-Crístou |
Eux, avec le Christ |
Que miracgles hè quan cau, |
Qui fait des miracles quand il le faut, |
Bric de pôu nou-an as erètges, |
Ils n’ont pas peur des hérétiques, |
Bric de pôu nou-an as Gabats. |
Ils n’ont pas peur des gavaches. |
Es omes tam bounes armes |
Les hommes avec de bonnes armes |
Arturen en es pourtaus; |
s’arrêtent aux portails ; |
È’s hénnes ban tara glèisa |
Et les femmes vont à l’église |
A’t Sant-Crístou ta pregá: |
Pour prier le Christ : |
È moult será que nou pousque |
Et le Ciel pourra plus que |
Mès et Cèu qu’es proutestants… |
les protestants… |
¡Hort, hort! Arrougants Francési! |
Allez, allez ! Arrogants Français ! |
¡Acró ben que bous está! |
C’est ce que vous méritez ! |
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- 116 Voir Arxiu de la Corona d’Aragó, Consell d’Aragó, llig. 98, 13/03/1598 qui rappelle les événements (...)
- 117 Si le mot catalan gavatx, dont l’étymologie n’est pas clairement fixée mais qui semble d’origine o (...)
54Josèp Condó Sambeat qui, parce qu’il est un des rares poètes aranais, fait l’objet encore aujourd’hui d’une certaine « vénération », veut conter comment les Aranais ont repoussé une invasion en 1597 : l’attaque du vicomte de Saint-Girons, Aimeric de Narbonne, qui entra en Aran le 6 novembre 1597 avec trois mille hommes, ce que confirme la documentation archivistique116, qui parle de « més de tres mil trescents lluterans » ou « d’enemichs de nostra Sancta fe cathòlica ». Toutefois nous savons que jamais le Couserans ou le Comminges ne furent protestants et que le vicomte Aimeric de Narbonne, accusé de luthérianisme (rappelons que le protestantisme occitan est calviniste et non luthérien), est en réalité un des derniers fidèles de la Ligue catholique qui reconnut Henri IV bien tard : il n’est pas possible de lui coller l’étiquette de « protestant ». D’autre part, comme le Couserans et le Comminges sont catholiques, la plupart des attaquants étaient aussi des catholiques. Donc, il y a une confusion d’identité, une assimilation entre gens de France et protestants, due au contexte des guerres de Religion, de la guerre franco-espagnole, du banditisme catalan, de la contrebande des chevaux, de l’émigration occitane en Catalogne et de la politique de Philippe II qui veut renforcer la frontière pyrénéenne pour que ses domaines soient fermés aux néfastes influences huguenotes. Ainsi, Condó Sambeat qualifie de protestants, qui n’en étaient pas ou très minoritairement, les attaquants : dans son poème, sur dix-huit qualificatifs pour les désigner, il utilise le terme « protestants » dans 28 % des cas, « erètges » dans 16,5 %, « gavachi/gavachs117 » dans 16,5 %, « francesi » dans 39 %, termes qui s’opposent à « cristians » et « aranesi », défenseurs – selon le lieu commun – de la « gran fe cristiana » contre les Gascons hérétiques. Ainsi une telle identité peut se forger sur le mythe d’une cohésion alors que nous savons par les sources historiques que le Val d’Aran des guerres de Religion et du début du XVIIe siècle ne formait pas non plus un bloc uni : nous y trouvons des contrebandiers de chevaux (commerce interdit par Philippe II) et des meneurs de bandes comportant des Gascons de l’autre côté de la frontière (appelés aussi « luterans ») qui profanaient et volaient les églises.
B
55Les solidarités internes, c’est-à-dire à l’intérieur de chaque vallée, sont très fortes dans la société pyrénéenne, comme dans toute société. Elles sont renforcées par les événements, en particulier les guerres de Religion qui ont créé une distance plus forte entre des populations géographiquement, linguistiquement, économiquement proches. Les conflits, créateurs d’une organisation militaire de la population, sont générateurs d’institutions et de solidarités. Si nous avons vu que les contraintes sont importantes pour les ruraux frontaliers, plusieurs questions restent en suspend en particulier en ce qui concerne le coût financier et économique, voire humain, d’une telle organisation. En effet, que coûte l’achat et la détention d’armes ? Comment les financer, comment obtenir les hommes appelés à entretenir les édifices fortifiés, à faire le guet et surveiller les cols alors qu’ils délaissent, de ce temps, leur activité – généralement l’agro-pastoralisme – ? Quel est le poids des contributions forcées, du « tour de vis fiscal » ? Ce sont là quelques interrogations auxquelles il est difficile de répondre globalement. Compte tenu de toutes les perturbations que la guerre entraîne, on comprend que les Pyrénéens tentent de maintenir la paix dans les relations qu’ils entretiennent avec leurs voisins. Ainsi, il ne faut pas oublier qu’il existe de vieilles solidarités externes, nécessaires à la survie économique du pyrénéen et constituant aussi un élément important des relations humaines.
Notes
1 Ce sont les rares terres arables dans les fonds de vallée qui font l’objet d’une appropriation privée mais sur elles aussi pèsent de lourdes contraintes collectives (irrigation, passage des bêtes, etc.).
2 Voir deux exemples de ce démembrement progressif des communautés de vallées dans A. Zabalza Seguin, « L’espace et l’homme : le contrôle des ressources naturelles dans les Pyrénées navarraises (XVIe-XVIIIe siècle) » et M. A. Sanllehy, « Le Val d’Aran : la frontière et les frontières (XVIe-XVIIIe siècle) » dans Pays pyrénéens et pouvoirs centraux (XVIe-XXe s.), Foix, 1995, tome I, p. 150 et p. 473.
3 Sur la maison, voir A. Zink, L’héritier de la maison. Géographie coutumière du Sud-Ouest de la France sous l’Ancien Régime, Paris, EHESS, 1993, 542 p.
4 Pour la partie occidentale des Pyrénées, E. González Dios, « Casa y vecindad como elementos de organización en el territorio : algunos ejemplos de comunidades guipuzcoanas en época moderna », Habitants et peuplement dans les Pyrénées au Moyen Âge et à l’époque moderne, travaux du groupe RESOPYR III, Toulouse, CNRS/université de Toulouse-Le Mirail, coll. « Méridiennes », 2009, p. 277-289 et J. M. Imízcoz, « Voisinage et habitat dans les communautés des Pyrénées occidentales entre le XVe et le XVIIIe siècles : de la croissance au blocage », Habitants et peuplement dans les Pyrénées, op. cit., p. 327-352.
5 Dans le système de l’aînesse absolue, l’aîné est héritier quel que soit son sexe.
6 Pour le Val d’Aran, ces prises à ferme étaient réservées aux seuls membres de la communauté alors que les locations des bois et des pâturages, gérés par le conseil, étaient ouvertes aux étrangers tels que les Commingeois, Couserannais, Catalans, Aragonais.
7 Entraient en ligne de compte, l’origine communautaire ou extracommunautaire de la personne admise, ses liens familiaux, le fait d’être ou non marié avec une fille de la communauté, etc.
8 Ce sont les alifares, arrifalhas, arrifalles, arrifares, rifalles, rifares.
9 C. Desplat, « La société pyrénéenne moderne entre autonomie et dissidence (Pays d’États des Pyrénées occidentales) », La montagne à l’époque moderne, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 1998, p. 27-28.
10 L’auteur note toutefois que la fille aînée est héritière d’autant plus facilement qu’elle est fille unique (35 % des cas) ou l’aînée de filles (18 %) ; il ne reste donc que 47 % des cas où la fille est héritière en tant qu’aînée de garçons. Dans 53 % des cas, même sans aînesse absolue, une fille aurait été de toute façon héritière.
11 Ici, la presque totalité des héritières étaient des filles uniques.
12 Les modes d’élection des magistrats municipaux étaient assez divers : tour de rôle (vallée de Baïgorry), cooptation (vallées d’Aure ou d’Ossau), tirage au sort (Lavedan) ; voir J. Pomarède, « Les communautés de vallées dans les Pyrénées françaises du Moyen Âge au XIXe siècle », Pyrénées, no 114, avril-juin 1978, p. 179.
13 Gessa se trouve dans le terçon de Pujòlo (Haut-Aran) le seul dans lequel le conseiller du terçon au conseil général de la vallée portait le titre honorifique de Prior. Faut-il penser que c’était le conseiller du terçon qui prenait la décision de convoquer un conseil de communauté ?
14 Llibre de la història de Gessa, manuscrit de J. Moga Pont (1936), p. 47.
15 Le terme de vesiau est polysémique ; il peut désigner l’ensemble des habitants (vesins), la communauté (la vesiau), le travail commun, la réunion de certaines communautés, les droits à payer en qualité de vesin. C’est aussi un adjectif qui désigne ce qui appartient à la communauté (prat vesiau : pré de la communauté).
16 A. Arizcún Cela, Economía y sociedad en un valle pirenaico del antiguo régimen. Baztán, 1600-1841, Pampelune, Gobierno de Navarra, 1988, p. 42-46.
17 Pour plus d’informations, voir P. Poujade, Une vallée frontière dans le Grand Siècle. Le Val d’Aran entre deux monarchies, Aspet, Pyrégraph, 1998, « Les institutions de la Terre », p. 24-56.
18 Si l’Andorre a aussi sa Casa de les Valls depuis 1580, en revanche, dans les autres vallées les réunions se déroulaient le plus souvent dans des lieux, habituels certes, mais prévus pour d’autres usages : places, églises, cloîtres, etc.
19 I. Alonso et al., Àneu a pams. El capbreu de les Valls d’Àneu de 1669, Esterri d’Àneu, Quaderns del Consell Cultural de les Valls d’Àneu, 1995, p. 19.
20 Jusqu’en 1594, la charge d’Alcalde était perpétuelle et de nomination royale.
21 A. Arizcún, op. cit., p. 42-46 et p. 335.
22 H. Lefebvre, La vallée de Campan. Étude de sociologie rurale, Paris, PUF, 1963, 224 p.
23 C. Desplat, art. cit., La montagne à l’époque moderne, p. 16.
24 Ibid., p. 25.
25 A. Arizcún, op. cit., p. 337-339.
26 M. Brunet, Le Roussillon, une société contre l’État (1780-1820), Perpignan, El Trabucaire, 1990, p. 473.
27 C. Desplat, La guerre oubliée. Guerres paysannes dans les Pyrénées (XIIe-XIXe siècles), Biarritz, J. et D. Éditions, 1993, p. 47 et 53. Selon cet auteur, à la fin du XVIIIe siècle, environ 85 % des habitants des Pyrénées occidentales possédaient une arme.
28 A. Brives, La vallée de Barèges et l’Espagne du XVIIIe siècle à nos jours, Argelès-Gazost, Société d’études des Sept Vallées, 1984, p. 59.
29 Texte publié dans Bulletin de la société ariégeoise des sciences, lettres et arts, 1893, p. 263-265 d’après les archives du parlement de Toulouse.
30 C. Vassal-Reig, La guerre en Roussillon sous Louis XIII (1635-1639), Paris, Éditions Occitania, 1934, p. 101.
31 Voir V. Lespy, Dictionnaire béarnais, ancien et moderne, 1886, réédition Pau, Marrimpouey, 1998, article « biahore ».
32 J. M. Vidal i Guitart, Història d’Andorra, Barcelone, Antalbe, 1984, p. 75, d’après ACA reg. 4.760.
33 En 1636, le conseil général précise qu’il ne veut plus qu’il y ait de capitaine dans les terçons mais qu’en cas de guerre ce soient les bailes (représentants dans chaque terçon du gouverneur royal) qui commandent.
34 En Catalogne, le sometent fut supprimé en 1716 par le décret de Nueva Planta et éphémèrement ressuscité pendant les guerres de la Révolution française (1793-1795) et l’invasion napoléonienne (1808-1814).
35 M. Palau Martí, Andorra. Le pays et les hommes, Paris, Maisonneuve et Larose, 1978, p. 122-123.
36 A. Ayats, Les guerres de Josep de la Trinxeria (1637-1694). La guerre du sel et les autres, Perpignan, El Trabucaire, 1997, p. 28-29.
37 Prats-de-Mollo compte, vers 1650-1700, autour de 290-330 familles (A. Ayats, op. cit., p. 23).
38 C. Desplat, La guerre oubliée. Guerres paysannes dans les Pyrénées (XIIe-XIXe s.), Biarritz, J. et D. Éditions, 1993, p. 49-50.
39 P. Poujade, Une vallée frontière, op. cit., p. 108-109.
40 L’encadrement, au niveau local, était dévolu à un capitaine qui commandait des centeners (chefs des compagnies de 100 hommes), cinquanteners et deseners. En Andorre, selon le Manual digest de 1748, p. 228-231, les capitaines étaient choisis, pour chaque paroisse (généralement un par paroisse), tous les ans, la semaine avant la Pentecôte par le conseil général et avaient, sous leurs ordres, les deseners ou deners choisis, à la même époque, par les conseils de chaque paroisse.
41 B. Bennassar, « Mentalités, comportements et croyances », Les Pyrénées de la Montagne à l’Homme, Toulouse, Privat, 1974, p. 214.
42 16 réaux = 4 livres françaises ; cette somme équivalait au prix de 50-70 litres de blé.
43 N. Sales, Els segles de la decadència, segles XVI-XVIII, Barcelone, Edicions 62, 1989, p. 353 et V. Estanyol Bardera, El pactisme en guerra (L’organització militar catalana als inicis de la guerra de separació, 1640-1642), Barcelone, R. Dalmau, 1999, p. 56-64.
44 Texte du décret dans J. de Camps i Arboix, El decret de Nova Planta, Barcelone, Dalmau, 1982 (seconde édition), p. 47.58.
45 R. Sala, Dieu, le roi, les hommes. Perpignan et le Roussillon (1580-1830), Perpignan, El Trabucaire, 1996, p. 45-46. L’auteur cite le cas de la communication entre Saint-Laurent-de-Cerdans et Perpignan.
46 M. Gourdon, « Les tours à signaux ou tours de guets dans le haut-comté de Comminges », Revue de Comminges, 1907 et 1908.
47 « Relation de la mission faite en 1642 en la vallée d’Aran », Revue de Comminges, 1893.
48 B. Druène, « Combats pour Castèl-Leon. Contribution à la chronique du Val d’Aran de 1642 à 1649 », Annales du Midi, 1959, p. 21-42.
49 B. Druène, « Notes pour l’histoire de Vénasque », Revue de Comminges, 1954, p. 115 et « Une étude de géographie pyrénéenne au XVIIe siècle. Les “devis” de l’ingénieur Thierry, capitaine au régiment d’infanterie de Beauvaisis », Revue de Comminges, 1950, p. 102 et p. 109.
50 N. Sales, Els segles de la decadència, op. cit., p. 87.
51 Memorial cité par J. Iglésies, El fogatge de 1553, Barcelone, Fundació Salvador Casajuana, 1979, tome 1, p. 293-294.
52 G. Géraud Parracha, Histoire du pays de Couserans, Saint-Girons, 1994, p. 59.
53 Pour l’Aragon frontalier qui est dans la même situation que ce qui vient d’être dit, voir G. Colás Latorre, « Los valles pirenaicos aragoneses y su colaboración con la monarquía en la defensa de la frontera », Argensola, 20, 1978, p. 5-24 et J. Camón Aznar, « La situación militar en Aragón en el siglo XVII », Cuadernos de historia Jerónimo Zurita, 8-9, 1955-1956, p. 71-143.
54 C. Pailhès, D’or et de sang. Le XVIe siècle ariégeois, Foix, 1992, p. 115.
55 Parmi les capitaines cités, nous trouvons Benito Marco connu par ailleurs car le roi Jean II de Catalogne-Aragon lui concéda le titre de baron de Les (Val d’Aran) le 15 avril 1478 pour avoir repoussé une invasion de 500 fantassins et 300 cavaliers menés par les seigneurs d’Armagnac, d’Aure et de Comminges.
56 X. Torres i Sans, Nyerros i Cadells : bàndols i bandolerisme a la Catalunya moderna (1590-1640), Barcelone, Reial Acadèmia de les Bones Lletres-Quaderns Crema, 1993, p. 161.
57 En juillet 1542, les hostilités reprennent entre les deux souverains, qui avaient pourtant signé une trêve de dix ans à Nice en juin 1538, et cessent au traité de Crépy le 18 septembre 1544.
58 Voir, par exemple, C. Desplat, La guerre oubliée. Guerres paysannes dans les Pyrénées (XIIe-XIXe siècles), Biarritz, J. et D. Éditions, 1993, 203 p. ; G. Colás Latorre et J. A. Salas Ausens, Aragón en el siglo XVI. Alteraciones sociales y conflictos políticos, Saragosse, université, 1982, p. 69-93 ; X. Torres i Sans, La Vall de Torelló als segles XVI i XVII : una història de paraires i bandolers, Vic, Eumo, 1995, 190 p.
59 En Aragon ou dans le royaume de Valence (bandolerisme opposé au lladronici de camí ral), par exemple, on retrouve la même distinction.
60 G. Colás Latorre, J. A. Salas Ausens, op. cit., p. 153-159.
61 Ibid., p. 160.
62 Nous nous appuyons totalement sur l’article de X. Torres i Sans, « Alteracions aragoneses i bandolerisme català. “Nyerros” i “cadells” a les terres de Ponent (1579-99) », Recerques, no 22, 1989, p. 137-154.
63 Par exemple au XVe siècle pendant l’occupation française en Roussillon ou en 1527 au cours du sac de Rome par les Impériaux du connétable de Bourbon.
64 J. L. Palos, « El protestantisme a Catalunya », L’Avenç, no 58, 1983, p. 15.
65 Le Béarn de Jeanne d’Albret est passé à la Réforme en 1561 ; le roi de Béarn est aussi comte de Foix et coseigneur d’Andorre, vicomte de Nébouzan, comte de Bigorre, etc., c’est dire s’il est menaçant dans les Pyrénées.
66 Sebastià García Martínez, Bandolers, corsaris i moriscos, Valence, E. Climent, 1980, p. 85 et suiv.
67 J. Reglà, Els virreis de Catalunya, Barcelone, Vicens-Vives, 1987 (1re éd. 1956), p. 84 et suiv.
68 H. Lapeyre, « La dernière croisade », L’Espagne au temps de Philippe II, Paris, Hachette, 1965, p. 135.
69 Ibid., p. 157.
70 X. Torres, Nyerros i cadells, op. cit., p. 150-152.
71 Sans doute dans les années 1560. Voir P. Poujade, Une vallée frontière, op. cit., p. 126.
72 G. Colás, J. A. Salas, op. cit., p. 197-200.
73 Dietaris de la Generalitat de Catalunya, Barcelone, Generalitat de Catalunya, 1990, tome II.
74 Pour l’Aragon, G. Colás et J. A. Salas avaient noté une accalmie (due aux lacunes des sources ?) de 1572 à 1578.
75 Si nous nous référons à la chronologie des huit guerres de Religion près de 16 % des faits que nous avons rapportés auraient eu lieu en dehors de ce contexte et près de 60 % dans la dernière des huit guerres (juillet 1585-juin 1598).
76 N. Sales, « “Bandoliers espaignols” i guerres de religió franceses », L’Avenç, no 82, mai 1985, p. 46-55.
77 X. Torres i Sans, Nyerros i cadells, op. cit., 439 p.
78 C. Bourret, Les Pyrénées centrales du IXe au XIXe siècle. La formation progressive d’une frontière, Aspet, Pyrégraph, 1995, 461 p.
79 Ibid., p. 102.
80 N. Sales pense la même chose des Ossalois qui sont intervenus dans la guerre de Ribagorça, mais pour lesquels le comte de Ribagorça fut accusé d’avoir fait intervenir des huguenots béarnais.
81 Archivo General de Simancas, Estado Francia, K. 1588, novembre 1592.
82 J. Coromines, El parlar de la Vall d’Aran. Gramàtica, diccionari i estudis lexicals sobre el gascó, Barcelone, Curial, 1990, p. 515.
83 M. Palau Martí, Protestantisme i inquisició a Andorra al segle XVI. Problemes de competències i conflictes jurisdiccionals, Andorra, 1996, p. 28-29.
84 Pour des développements, C. Bourret, « Les migrants des Pyrénées centrales françaises en Catalogne aux XVIe-XVIIe siècles : minorité souvent assimilée mais aussi minorité victime et suspecte », Tolérance et solidarités dans les pays pyrénéens, op. cit., p. 413-430, et V. Gual i Vilà, « La immigració occitana a la Catalunya moderna », Les fronteres catalanes i el Tractat dels Pirineus, Cabrera de Mar, Galerada, 2009, p. 125-139 ; pour le cas aragonais, voir les articles de G. Redondo et C. Langé dans l’ouvrage collectif Les Français en Espagne à l’époque moderne (XVIe-XVIIe siècles), Toulouse, CNRS, 1990 (p. 7-44) et C. Langé, La inmigración francesa en Aragon (siglos XVI-XVII), Saragosse, Institución Fernando el Católico, 1993, 190 p.
85 J. Nadal et E. Giralt, La population catalane de 1553 à 1717, Paris, SEVPEN, 1960, 354 p. et La immigració francesa a Mataró durant el segle XVII, Mataró, 1966, 142 p.
86 V. Gual Vilà, « Gavatxos », gascons, francesos. La immigració occitana a la Catalunya moderna (el cas de la conca de Barberà), Barcelone, Dalmau, 1991, 89 p.
87 J. Peytaví Deixona, Antroponímia, poblament i immigració a la Catalunya moderna. De la identitat patronímica als Comtats catalans moderns (segles XVI-XVIII), thèse de doctorat en études catalanes, université de Perpignan, 2002 et Catalans i occitans a la Catalunya moderna (Comtats de Rosselló i Cerdanya, s. XVI-XVII), Barcelone, Òmnium cultural/Antiga Fundació Salvador Vives i Casajuana, 2005, 2 volumes, 413 et 435 p.
88 Voir C. Langé, op. cit.
89 P. Poujade, « La population du Val d’Aran au XVIIe siècle », Revue de Comminges, 2e trimestre 1998.
90 V. Gual Vilà, Justícia i terra. La documentació de l’Arxiu de Poblet (armari II), Valls, Cossetània Edicions, 2003, 943 p.
91 Voir, par exemple, O. Baulny, « À propos de l’émigration des Pyrénéens à Castellon à la fin du XVIIIe siècle. Remarques concernant les structures du Béarn sous l’Ancien Régime », Actes du 1er colloque sur le Pays valencien à l’époque moderne (Pau, avril 1978), université de Pau, 1980, p. 329-337 ; G. Lemeunier et M. T. Pérez Picazo, « Les Français en Murcie sous l’Ancien Régime (v. 1700-v. 1850). Des migrations populaires au grand commerce », Les Français en Espagne à l’époque moderne, Paris, Éditions du CNRS, 1990, p. 111-138 ; F. Brumont, « Gascons et Béarnais dans l’Espagne du Nord au XVIe siècle », Bulletin de la société archéologique du Gers, 1995, p. 497-508 ; A. M. Azcona Guerra, Comercio y comerciantes en la Navarra del siglo XVIII, Pampelune, Gobierno de Navarra-Departamento de Educación y Cultura, 1996, p. 335-339 et p. 439-488 ; V. Montojo y Montojo et F. Maestre de San Juan Pelegrín, « Relaciones sociales y actividades económicas de los comerciantes procedentes de los Pirineos franceses en Cartagena a lo largo del siglo XVIII », Circulation des marchandises et réseaux commerciaux dans les Pyrénées (XIIIe-XIXe siècle), Toulouse, CNRS/université de Toulouse-Le Mirail, 2005, p. 191-211 ; J. I. Gómez Zorraquino, « Une colonie marchande béarnaise de Huesca au XVIIe siècle » et V. Montojo y Montojo et F. Maestre de San Juan Pelegrín, « Le Béarn et le Levant espagnol », Revue de Pau et du Béarn, no 32, 2005, p. 195-213 et 215-228.
92 Archives nationales K. 1690, F. de Beaumont à l’impératrice, Perpignan, 20 août 1536 cité par F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, A. Colin, réed. 1987, tome I, p. 381.
93 W. Monter, « Els immigrants francesos i la Inquisició de Barcelona, 1550-1650 », L’Avenç, no 120, novembre 1988, p. 10. Le fogatge de 1553 attribue 1 755 familles à Perpignan : les Français représenteraient 15 à 20 % de la population.
94 W. Monter, art. cit., p. 10.
95 Constitucions de Catalunya, livre IX, Corts de Monzon, 1510, 1534, 1542.
96 E. Serra i Puig, « Perpinyà, una vila a Corts catalanes (Montsó, 1585) », Afers, 28, 1997, p. 584.
97 J. L. Palos, art. cit., p. 16.
98 W. Monter, art. cit., p. 12-13.
99 J. Reglà, El bandolerisme català del barroc, Barcelone, Edicions 62, 1966, p. 67 et p. 79 selon Arxiu de la Corona d’Aragó.
100 N. Sales (Els segles de la decadència, op. cit., p. 117) mentionne que l’on rencontre peu de Catalans jugés par l’Inquisition de Barcelone alors qu’il y en a à Toulouse, Saragosse, Madrid ou Valence ; elle suggère que les Catalans sont peu poursuivis chez eux parce que, les autorités catalanes acceptant mal le tribunal de l’Inquisition, il s’agirait de ne pas attirer une hostilité supplémentaire.
101 Le culte marial est à l’origine de nombreux sanctuaires comme, par exemple, ceux de Roncevaux (Navarre), Boltaña ou Bielsa en Aragon, Àneu, Urgell, Núria en Catalogne, Mig Aran dans le Val d’Aran, Meritxell en Andorre…
102 Voir D. Baisset, « La diffusion du protestantisme en Roussillon ou le choc avec un catholicisme marqué par la religiosité hispanique », Le Roussillon de la Marca hispanica aux Pyrénées-Orientales (VIIIe-XXe siècles), Perpignan, 1995, p. 341-367.
103 Sur ce point, plus particulièrement pour l’Aragon, voir P. Sánchez, « La Inquisición y el control de la frontera pirenaica en el Aragón de la segunda mitad del siglo XVI », Historia Social, no 11, automne 1991, p. 3-22.
104 G. Colás Latorre et J. A. Salas Ausens, Aragón en el siglo XVI, op. cit., p. 198-199 et p. 220-227.
105 D’après les articles de J. Bourdette, « Notice du pays et des seigneurs de Larboust », Revue de Comminges, 1911, un Jacques d’Aure fut le demi-frère du seigneur Jean II de Larboust (1553-1575).
106 X. Torres, Nyerros i Cadells, op. cit., p. 87 ; références à M. d’Agut dans G. Colás Latorre, J. A. Salas Ausens, op. cit., p. 139, 145-146.
107 P. Poujade, Une vallée frontière, op. cit., p. 118-119.
108 13 avril : édit de Nantes ; 2 mai : paix de Vervins ; 13 septembre : mort de Philippe II.
109 En 1614-1615, la documentation du conseil d’Aragon (Arxiu de la Corona d’Aragó, CA llig. 98) signale les agissements du baile aranais de Vilac qui est à Saint-Béat avec sa quadrilla.
110 Noticia universal de Cataluña, édition établie par X. Torres, Vic, Eumo, 1995, 147 p. Chapitres xv et xvi, p. 93-104.
111 P. Sanz Camañes, « Fronteras, poder y milicia en la España moderna. Consecuencias de la administración militar en las poblaciones de la frontera catalano-aragonesa durante la Guerra de Secesión Catalana (1640-1652) », Manuscrits, no 26, 2008, p. 62.
112 P. Poujade, op. cit., p. 220.
113 A. Pladevall et A. Simon, Guerra i vida pagesa a la Catalunya del segle XVII (segons el « Diari » de Joan Guàrdia, pagès de l’Esquirol i altres testimonis d’Osona), Barcelone, Curial, 1986, p. 80, p. 82 et sentence d’excommunication des Français par l’évêque de Vic, en 1655, p. 130-140.
114 Voir, par exemple, P. Sahlins, Fronteres i identitats : la formació d’Espanya i França a la Cerdanya, s. XVII-XIX, Vic, Eumo, 1993, spécialement p. 117-123, « Francesos, espanyols i catalans durant el segle XVII ».
115 M. J. Condó Sambeat, Era isla des diamants, Escolo deras Pirenéos, 1981, p. 225-227.
116 Voir Arxiu de la Corona d’Aragó, Consell d’Aragó, llig. 98, 13/03/1598 qui rappelle les événements antérieurs.
117 Si le mot catalan gavatx, dont l’étymologie n’est pas clairement fixée mais qui semble d’origine occitane, désigne celui du nord, c’est-à-dire par abus de langage le « Français », le terme existe en terre d’oc pour nommer le montagnard, le rustre, bref l’autre, l’étranger au lieu mais qui parle la même langue lorsqu’il s’agit du Gévaudanais pour les Bas-Languedociens ; ailleurs, en Médoc, le mot s’applique au Saintongeais, c’est-à-dire encore une fois à celui du nord.
Notes de fin
1 Jean-Claude de Lévis d’Audou, chef des protestants du pays de Foix, est nommé gouverneur du pays de Foix en 1584 par le futur Henri IV, comte de Foix.
Table des illustrations
Légende | Carte 2 – Système de défense des Pyrénées centrales et orientales (XVIe-XVIIe s.). |
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