Maintenir l’ordre colonial
| ,Première partie. Dispositifs militaires et policiers de l’ordre en situation coloniale
Police et renseignement au Cameroun français. Entre surveillance du territoire et radicalisation du système de contrôle colonial (1919-1960)
Texte intégral
- 1 André Dia est docteur en histoire militaire de l’université de Montpellier III (astandia@yahoo.fr)
- 2 Anangmo A., « L’Armée et la police : organisation et rôle dans l’administration du Cameroun frança (...)
- 3 Voir, pour une étude comparée, les travaux de Martin Thomas dans les territoires français sous man (...)
1Avant 1919, le Cameroun1 ne disposait que d’un régiment indigène qui jouait à la fois le rôle de force de défense et de police. Après la Première Guerre mondiale, on va assister à trois temps successifs de l’institutionnalisation de la police au Cameroun. Seront ainsi successivement créés la Garde régionale (17 septembre 1919), la Garde indigène (21 février 1923) et le bataillon indigène (21 janvier 1925). Bien que les missions de ce corps soient essentiellement militaires, ils jouaient néanmoins un rôle policier au Cameroun. Il faut attendre 1925 pour assister à un processus de détachement, c’est-à-dire une distanciation de l’élément policier à caractère militaire du militaire et voir finalement émerger une véritable structure de police indigène2. En décembre 1926, des commissariats voient le jour, notamment à Ebolowa, ainsi que des détachements d’agents de police indigène, comme à Kribi et Garoua. Le 31 mars 1934, un arrêté portant organisation au Cameroun d’un service de police et de Sûreté crée des commissariats centraux de police et des postes de sûreté, placés sous l’autorité du directeur des Affaires politiques et administratives (APA) du Haut-commissariat. L’histoire de l’institution policière au Cameroun procède d’un double phénomène qui s’accélère dans l’entre-deux-guerres3 : l’extension du contrôle de l’autorité coloniale française au Cameroun au titre du mandat conféré par la SDN, et le construction sui generis de l’appareil politico-institutionnel de « l’État colonial » en Afrique centrale.
2Les postes de police apparaissent surtout dans les régions dites troubles et sont transformés en antennes de RG en 1947-1948, marquant ainsi le premier véritable maillage du renseignement policier au Cameroun. Le travail de police s’avère donc intimement lié avec sa capacité d’identification, d’authentification et de prévention de la menace. Derrière cette question, qui interroge la pertinence du couple police/renseignement en situation coloniale, il convient de chercher la radioscopie des menaces telles que le colonisateur les identifiait. La constitution de l’appareil policier colonial s’avère intimement liée à ce processus d’identification qui peut être abordé à travers trois principaux temps de la pensée sécuritaire au Cameroun, entre 1919 et 1960.
- 4 Fenkam F., Les révélations de Jean Fochivé, chef de la police politique des présidents Ahidjo et B (...)
3L’administration coloniale développe des services à vocation spéciale pour traiter chacune de ces menaces. Durant l’entre-deux-guerres, dans le processus d’installation de l’administration coloniale et de contrôle du territoire par ce nouveau pouvoir, les affaires musulmanes, en premier lieu dans le nord du pays, font l’objet d’une surveillance particulière dans le cadre d’un exemple spécifique de policing colonial. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, les peurs d’une « cinquième colonne » allemande occupent les esprits des responsables de la sécurité du territoire. Au lendemain de la guerre, les services de police et de Sûreté doivent affronter la menace subversive d’une Union des populations du Cameroun (UPC) qui verse finalement dans la lutte armée et force l’ultime mutation de la police coloniale. Dans ce cadre se fait ainsi le lit du futur service de documentation (SEDOC) du commissaire Jean Fochivé4, lui-même formé entre la fin des années 1950 et l’aube des années 1960 par les stages des services spéciaux français du commandant Maurice Robert (chef du secteur Afrique du SDECE), à Dakar puis à Paris.
L’islam, une menace impériale ancienne
- 5 Archives nationales de Yaoundé (ANY), APA. 11306/F Affaires musulmanes, revue de la presse et des (...)
- 6 Force est de constater que, dans plusieurs mémoires collectives, l’islam a été interprété comme un (...)
- 7 Abdon E., Voyage dans le Soudan Occidental, 1972, p. 303, et Monteil V., L’Islam Noir, Paris, Seui (...)
4La puissance coloniale s’est intéressée à la question de l’islam au Cameroun, en ce qu’elle peut représenter un véhicule d’influences étrangères. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la France se méfiait de la montée des idéologies jugées subversives pour l’ordre impérial, telles que le panislamisme et le panarabisme5, d’autant plus que la révolution égyptienne de 1919 contre le colonialisme britannique avait eu un fort retentissement international et aboutit à l’indépendance de l’Égypte. Face au potentiel de résistance que peuvent représenter les autorités musulmanes6, éprouvées lors de la colonisation allemande, plusieurs officiers français vont opter pour une approche pragmatique7.
- 8 APM 06 En, 1.64, Affaires musulmanes. Voir l’influence de Shakib Arslan, qui dépasse largement le (...)
- 9 Rabah est une figure emblématique de la résistance africaine à l’occupation européenne. Il a livré (...)
- 10 Ce principe de colonisation a été analysé en détail pour la politique mandataire de la France au L (...)
5L’objectif est de limiter au maximum l’influence des courants religieux (et politiques) venus du Moyen-Orient8. À travers cette politique, la France pensait susciter un islam noir coupé des sources arabes et adapté aux schémas coloniaux. Au Cameroun, il s’agissait en clair de barrer la route à la culture arabophone et promouvoir la culture francophone. Les foyers musulmans du Nord-Nigeria apparaissent déjà comme une des principales menaces. La France classait ainsi Kousseri (Nord-Cameroun, à la proximité du Nord-Nigeria) comme une zone à risque, identifiée à cette date comme le principal réceptacle de l’islamisme et de l’arabisme au Cameroun. Au sud du lac Tchad, qui correspond aujourd’hui à la région administrative de l’Extrême nord du Cameroun, l’islam gagne du terrain. Face à cette situation, la France va adopter, dans le Logone-et-Chari (situé dans l’extrême nord du Cameroun), une politique orientée vers la réduction de l’influence arabo-musulmane, en s’appuyant sur les Kotoko face aux Arabes Choas, qui avaient précédemment supporté Rabah contre la France9. Les Français s’efforcent, en outre, de nourrir les rivalités entre les tribus arabes10.
6Pour optimiser son action, l’administration a moins cherché à bouleverser l’ordre social existant qu’à y gagner des alliés. Bien souvent, ces alliances objectives, construites à l’échelle locale, confèrent une importance pragmatique et croissante au processus de renseignement comme outil de gouvernement.
Agents de renseignement et intermédiaires : l’exemple du Nord-Cameroun
- 11 Hussein B., Marabouts et chefs traditionnels en Afrique : entre pouvoir politique et spiritualité, (...)
- 12 Abdouraman H., « Le lamido Yaya Daïrou de Maroua 1943-1958 » dans Bah T.M. (ed), Acteurs de l’Hist (...)
- 13 Ibidem.
7Les Français entreprennent, dans la mesure du possible, de collaborer avec les autorités traditionnelles, privilégiant bien souvent les lamiibe11 (participant alors du renforcement de leur autorité sur les populations, dans une forme d’indirect rule adaptée aux canons de la colonisation française). La plupart des autorités traditionnelles deviennent ainsi les partenaires d’une administration coloniale prosaïque, et, partant, des sources essentielles et conscientes (mais non passives) de renseignement. Tel fut le cas par exemple de Yaya Daïrou dans le Diamaré qui n’a « jamais cru à la fin de la colonisation européenne en Afrique12 ». Son lamidat couvre plus d’une quarantaine de lawanats, soit l’essentiel de la région du Diamaré. En plus de fournir des renseignements, il prend activement part à la lutte contre tout mouvement ou action antifrançais dans son fief. Cette action lui a valu le qualificatif de « collaborateur fidèle de l’administration française13 ».
- 14 Lefèbvre C., Frontières de sable, frontières de papier. Du Soudan central à la république du Niger (...)
- 15 Mohammadou B., Les interprètes sous la période coloniale française dans la région Nord-Cameroun (1 (...)
8Misant dans l’entre-deux-guerres sur cette génération de partenaires, l’administration française poursuit son œuvre de policing à travers l’éducation des fils de ces chefs traditionnels. Ce sont de ces écoles coloniales que sortent également d’autres intermédiaires du pouvoir colonial avec la société : les fonctionnaires indigènes qui deviennent interprètes. Identifiés dans la société à la bouche et à l’oreille du colonisateur14 (surnommés Nassaara Sablaga, ou blanc-noir, selon la formule consacrée par Amadou Hampâté Bâ), ils sont recrutés parmi les Alkali, juges traditionnels, pour leur parfaite maitrise de l’Adjami (langue foulfoulde écrite en caractères arabes), dont Mal Toukour et Mal Mamoudou, attachés respectivement à la subdivision de Maroua et au bureau de la région Nord-Cameroun, font figure d’archétypes. Cette catégorie doit être élargie, d’une part, aux interprètes écrivains issus de l’école indigène et qui deviennent souvent des secrétaires chargés du recensement des bœufs et de la population, et, d’autre part, aux anciens personnels des administrateurs coloniaux, bien souvent d’anciens tirailleurs reconvertis à des tâches domestiques. C’est le cas d’Abdoul Adoum, l’un des tous premiers interprètes dans la région Nord-Cameroun, ou Ali Alkali (Kotoko) et Souleymane Lee (Sénégalais). Ce dernier est employé dans la subdivision de Maroua et travaille dans le lamidat de Mindif. Parlant aussi bien le fufuldé (dialecte peul) que le français, Souleymane Lee, réfractaire à la domination peule, représentera pour l’administration coloniale, un certain gage de sécurité en pays kirdis en proie a des querelles ethniques15.
- 16 Clastres P., La Société contre l’État, Paris, Minuit, 1974, rééd. 2011, 186 p.
9Les plus puissants d’entre eux deviennent ainsi chefs de canton. Interface incontournables entre l’administration coloniale et la population, ils se placent au cœur de la vie coloniale car ils ont la réputation de participer pleinement à la société, aidant les griots, les mendiants, les aveugles et les marabouts. C’est parmi leurs obligés – souvent des personnes nécessiteuses – qu’ils recrutent leurs meilleurs informateurs. Ces derniers surveillent non seulement leurs entourages immédiats mais aussi ceux des chefs traditionnels. Pour être efficace, l’interprète, « agent » de renseignement, s’entoure donc d’une panoplie d’agents secondaires qu’il a sous sa coupe. On assiste là à la formation d’une société pour l’État, ou à une société de renseignement par extension, pour emprunter la formule de Pierre Clastres16.
- 17 Walder F., Saint-Germain ou la négociation, Paris, Gallimard, 1958, 202 p.
10L’emploi que l’interprète fait de ses recueils de renseignement est à considérer avec soin : pour que sa collaboration avec le pouvoir colonial fonctionne, il lui faut une certaine marge de liberté d’action. Profitant de cet espace, de cet entre-deux colonial, il peut parfois décider de l’emploi de « ses » informations, autant (sinon plus) en fonction de ses intérêts personnels que de ceux des policiers français. Cette double posture de l’interprète le place dans la position suprême de l’arbitre qui debout entre les deux partis, n’appartient plus ni à l’un ni à l’autre, mais joue son propre jeu par la volonté même de ceux qui l’ont désigné17.
11À la croisée entre ordre « traditionnel », intendance du gouvernement colonial et promotion sociale individuelle, cette silhouette de l’intermédiaire colonial dessine un nouvel espace de pouvoir à l’échelon local.
12Collaborateur de la police, l’interprète travaille également avec les autorités traditionnelles et devient ainsi le point d’équilibre, et parfois l’arbitre discret de la communication avec les représentants de l’autorité coloniale... pouvant alors jouer un rôle moins évident envers l’administration. À travers les vigiles, les secrétaires et le personnel domestique des administrateurs coloniaux, les interprètes reçoivent des informations concernant le « com-mandant » (surnom de l’autorité coloniale) qu’ils peuvent « vendre » aux chefs traditionnels ou exploiter à leur propre compte.
13Ce rôle central des interprètes est observé par Christian Seignobos :
- 18 Seignobos C., Le pays moundang, « du progrès au développement durable », Paris, IRD, 1998, p. 100. (...)
« L’administration coloniale va donner un pouvoir parfois exorbitant aux turjumans interprètes, qui assuraient la continuité entre les commandants qui n’accomplissaient que des courts séjours d’une moyenne de deux ans et ils possédaient mieux que personne l’information. Ils avaient intégré la rhétorique de l’administration coloniale et connaissaient parfaitement les règles du jeu politique des arènes locales18. »
14Le pouvoir colonial ne peut toutefois se contenter de cette seule solution et décide de créer un outil institutionnel spécifique, répondant aux fonctions régaliennes de police.
Le Service spécial des affaires musulmanes et des informations islamiques (SSAMII)
- 19 ANY., APA. 11180/C, Affaires musulmanes.
15À la suite de la politique arabe de Lyautey, en août 1920, le parlement français adopte un projet de loi portant affectation de subventions à la construction de mosquées et d’un institut islamique19. L’institut islamique a en réalité pour principale tâche de mener une étude sérieuse sur l’islam afin d’élaborer des concepts appropriées à la gestion des communautés musulmanes. Suivant cette logique, dans les années 1930, la France va créer dans ses colonies africaines un service spécial des affaires musulmanes et des informations islamiques (SSAMII). La section du Cameroun est mise en place en 1935. Selon l’instruction du ministre des Colonies, Louis Rollin, ce service a pour mission :
- 20 ANY, APA 10434, culte islamique, le ministre des Colonies à M. le commissaire de la République au (...)
« L’étude des questions musulmanes, la centralisation des renseignements se rapportant à ces questions ; la liaison avec les ministères des affaires étrangères, de l’intérieur et de la guerre, pour tout ce qui touche aux questions islamiques la relation avec la commission interministérielle des affaires musulmanes, la publication de la revue analytique de la presse et des questions musulmanes20. »
- 21 Le décret du 30 novembre 1936 fait état de la création du brevet des hautes études d’administratio (...)
16Les administrateurs de communautés musulmanes doivent désormais suivre une formation spécialisée21. Les missions de renseignement et d’information sur l’islam se précisent. Chaque enquête ou recherche du SSAMII doit faire l’objet d’un rapport désormais normé selon la grille suivante : le chiffre total de la population et le nombre des islamisés du territoire, les centres possédant une mosquée et un centre coranique, le nombre de marabouts et leurs résidences, les sociétés ou sectes musulmanes représentées dans chaque territoire avec une insistance particulière sur leur importance et leur activité, le nom, la filiation et le lieu de résidence des musulmans ayant effectués le hajj, ou pèlerinage à La Mecque, et enfin tous les renseignements concernant les communautés musulmanes des colonies voisines et leur rapport avec celle du territoire camerounais.
- 22 APM, 1AC, 1567/22, Affaires musulmanes 1950.
17Sur le terrain, à l’image du SR du Levant, ces missions de renseignement sont confiées à des officiers aguerris à la vie coloniale, dont l’archétype camerounais est le capitaine Agostini. Cet officier, qui opère tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la région de Fort-Fourreau (actuelle ville de Kousseri située dans le chef lieu du département du Logone-et-Chari dans la province de l’extrême-nord du Cameroun), a créé un service de renseignement dont les ramifications s’étendent « aux confins tchadiens22 ». Par son action, plusieurs associations islamiques et anti-impérialistes, sont démantelées entre 1943 et 1944 à l’exemple de la Renaissance islamique de Saleh Abdallah, ou de l’Association mondiale des musulmans européens pour ne citer que celles-ci.
18La rédaction des rapports mensuels et/ou trimestriels s’affinent. Ils doivent évaluer le loyalisme ou l’hostilité des musulmans à l’égard de la France, ainsi que l’influence du maraboutisme dans les milieux peu ou non musulmans, ou encore le danger du pèlerinage (les deux autres pôles de surveillance du SSAMII après les lamiibe). Le ton est donné dès octobre 1920, par les instructions strictes du commissaire de la République Jules Gaston Henri Carde (1919-1923) :
- 23 APM, APA 11901/B, instruction no 95CF du commissaire de la République adressée à tous les chefs de (...)
« Il faut faire planer sur le lamido un contrôle permanent, l’orienter vers nos conceptions administratives, il faut lui exclure toutes manifestations d’une autorité qui ne serait pas la nôtre, sauf délégation expresse... Que l’intermédiaire du chef traditionnel soit une commodité pour notre action, que nous ayons intérêt à utiliser à notre profit les cadres déjà constitués d’une organisation indigène imparfaite certes, mais acceptée des populations, c’est un fait évident. Mais en aucun cas le lamido ne doit concevoir qu’il a un rôle particulier au-dessus ou à côté de nous23. »
19Cette instruction vient ainsi renforcer la circulaire de Van Vollenhoven sur le contrôle des chefs traditionnels. Par cette politique, l’administration française veut faire entendre au lamido qu’il n’était qu’un exécutant et que s’il a toute son autorité sur son peuple, l’administration française est, en dernier recours, l’autorité suprême. Derrière la rigueur manichéenne des instructions de Carde, c’est une réalité plus fine qu’il convient d’envisager : dès les années 1920, le lamido est un allié objectif. S’il joue le rôle imparti par les autorités coloniales, il verra son pouvoir renforcé à l’échelon local – le seul qui lui importe. Pour se renseigner sur toutes les activités pratiquées dans les chefferies musulmanes, l’administration va faire surveiller l’entourage des lamiibe. À Ngaoundéré, par exemple, le contrôle de l’entourage du chef de cette ville (un lamido foulbé) a été systématique, car ce dernier, au regard de l’étendue de ses pouvoirs, est tenu pour responsable de tout soulèvement éventuel. Les étrangers qui réussissent à vivre dans son entourage font l’objet d’attentions particulières car ils sont soupçonnés d’être des agents d’influence étrangère infiltrés sur une marche de l’Empire. En 1937, le lamido de Ngaoundéré, Issa, reçoit un certain Chérif, membre de la famille de Mohamed Mouktar Al Kounti. L’invité est vite repéré par les agents de renseignement et les nouvelles sont transmises au chef de circonscription, M. Bru, qui écrit au commissaire de la République.
- 24 Ibidem.
« J’ai remarqué à Ngaoundéré la présence de cette personnalité musulmane depuis les premiers mois de mon séjour dans la circonscription. Son attitude et son action ne me paraissent avoir rien de répréhensible. Cependant comme nous nous trouverions en présence d’un Chérif ayant sans doute une assez grande influence dans les milieux et sur les personnalités musulmanes, je crois qu’il est utile que vous sachiez qu’il est à Ngaoundéré24. »
- 25 Dans sa lettre du 20 octobre 1937, le gouverneur du Soudan rend compte au gouverneur général de l’ (...)
20Le commissaire écrit au gouverneur général de l’AEF qui, à son tour, écrit au gouverneur du Soudan français. Toute cette activité épistolaire permet d’identifier ce mystérieux personnage comme un usurpateur et de renforcer le contrôle sur lui25.
- 26 Njeuma M. Z., Fulani hegemony in Yola (old adamawa) 1809-1902, Yaoundé, CEPE, 1978, 298 p.
- 27 ANY, 2AC 3655, Affaires musulmanes.
- 28 L’analyse objective du Mahdisme, comme le dit Taguem Fah, est très complexe. Cette difficulté est (...)
- 29 ANY, 2AC 3655, Affaires musulmanes.
21Si à côté des hôtes du lamido, les dignitaires de son entourage sont également surveillés, c’est plutôt vers les marabouts que se redéployent les priorités des services de police et du SSAMII. Une vigilance constante s’exerce sur ses enseignements, car l’école coranique peut s’avérer un obstacle au processus de policing. Cette vigilance est accrue sur les « non-compromising », c’est-à-dire les marabouts anticoloniaux selon l’expression de Martin Neujma26. Certains marabouts versent dans l’activisme, distribuant des tracts, tenant des réunions secrètes fondées sur une active propagande antifrançaise. Ils opèrent alors de préférence loin des centres urbains, généralement dans des villages isolés en brousse27. Caractéristique aggravant leur qualité de suspects aux yeux du SSAMII : ils sont généralement d’origine étrangère (Nord africain et Ouest africain surtout) et appartiennent, de manière générale, à la confrérie musulmane mahdiste28. Tel est le cas des marabouts soudanais ou libyens signalés par la brigade de gendarmerie de Mokolo comme ayant séjournés deux mois à Boula-Ibi et Garoua, où ils auraient tenu des propos antifrançais et incité la population à la révolte29.
- 30 Au nom de la solidarité musulmane (la Umma) et de la fraternité islamique, les musulmans arabes ou (...)
22Au-delà de l’encadrement sur place (lamiibe), de la surveillance des « ingérences » maraboutiques, le troisième pôle d’action privilégiée du SSAMII est le contrôle des populations musulmanes à travers le moment clé que constitue le pèlerinage à La Mecque. Pour l’administration, cela signifie le risque d’éventuelles connexions avec des musulmans plus radicaux dans un Proche-Orient en pleine ébullition anticoloniale30. La première mesure consiste à contrôler étroitement les pèlerins, et à accorder le minimum possible de visas. La délivrance d’autorisation de voyage à La Mecque repose sur des critères précis : vérification de l’attitude du postulant face aux intérêts français et obtention d’un certificat médical pour l’établissement d’un passeport. Afin d’optimiser cette régulation des pèlerins, toutes ces démarches ne peuvent être réalisées qu’à la capitale du territoire camerounais (Yaoundé). La distance et la durée du processus administratif laissent aux autorités une importante latitude pour collecter les informations précises et nécessaires sur les postulants.
23Par la suite, les administrateurs français ont fait du pèlerinage un élément stratégique, un moyen de ralliement à la politique française. Il est même devenu une arme au service de sa politique. Au lieu de réduire le nombre de pèlerins, l’administration décide de l’augmenter et de l’encadrer non plus en amont mais tout au long du pèlerinage. Ainsi, à chaque déplacement pour La Mecque, des officiels français accompagnaient les pèlerins. Ces « accompagnateurs » se doivent d’être disponibles et d’offrir une logistique et une intendance les plus efficaces possible pour les pèlerins (soins, ambulances, secours ou prêts financiers, etc.). L’activité des officiels est relayée par des notables africains, les chefs de délégations, acquis à la cause française. Cet encadrement paternaliste, protecteur (à tous les sens du terme), permet de dresser un cordon sanitaire, et a forturi sécuritaire, entre leur délégation et d’éventuelles organisations musulmanes arabes, sans provoquer de rupture avec les fidèles. Au contraire, beaucoup de pèlerins rendent hommage à ces officiels de retour de La Mecque, comme le sultan bamoun en 1948 qui adresse un télégramme au Haut-commissaire René Hoffherr :
- 31 ANY, APA. 10991/A Pèlerinage à La Mecque 1948.
« En ma qualité de délégué officiel au pèlerinage et représentant de la France à La Mecque sur point quitter ciel Cameroun, tiens respectivement au nom de tous les pèlerins et en mon nom personnel renouveler notre attachement pour sympathie et confiance dont France témoigne toutes circonstances envers population musulmane. Stop31. »
24Le phénomène de renseignement a procédé à l’hybridation entre policing colonial et contre-propagande, dépassant ainsi les frontières de la seule institution policière, tout en redéfinissant ses frontières professionnelles. La lutte antigermanique constitue une étape supplémentaire dans l’organisation des services de sécurité à la veille de la Seconde Guerre mondiale.
La propagande allemande, une menace spécifique pour l’ordre impérial français
« Woermann » & Co: Douala, nid d’espions?
25Vaincue au Cameroun en 1916, l’Allemagne représente toujours dans son ancienne colonie une menace spécifique pour l’ordre impérial français depuis quelle a dénoncé « le vol de ses anciennes colonies ». à travers les moyens de communications modernes tels que la radio ou les brochures, l’Allemagne continuait à diffuser et à propager les idées nazies à travers le monde. L’Afrique, tout comme le monde arabe, n’échappait pas à ce vent de propagande fasciste. Des agents de Mussoloni ainsi que d’Hitler parcouraient les colonies et propageaient les conceptions propres à ces deux régimes totalitaires. La propagande fasciste deviendra alors le contre point idéologique de la menace communiste. La propagande de ces deux régimes dans l’empire français est avérée et des sympathies voient le jour. Dès lors, est redoutée (et recherchée) la main allemande derrière des menaces de subversion dans les colonies africaines. Pourtant, les premières années de la décennie 1920 ne semblent pas initialement frappées du sceau de l’inquiétude antigermanique. En 1924, les colons allemands sont autorisés à retourner en Afrique. En 1926, la porte du Cameroun et du Tanganyika leur est ré-ouverte. Ils rachètent les entreprises qui ont été autrefois leurs propriétés.
- 32 ANOM. 5D 144, lettre de l’ambassadeur de France à Berlin au ministère des Affaires étrangères. « E (...)
26L’inquiétude des Français s’accentue dans la seconde moitié des années 1930, lorsque le Reich soutient clairement cet effort de reconquête en fournissant les capitaux nécessaires32, tandis que la ligue coloniale allemande encourage non seulement l’émigration vers les anciennes colonies, mais aussi la création d’écoles, formant à Witzenhausen et à Rendsburg des instituteurs qui devaient aller servir en Afrique, comme autant de (petits) coins enfoncés dans l’influence française. Une correspondance militaire signale en Allemagne un mouvement spécialisé dans l’incitation à la rébellion dirigée par le duc Johan Albrecht, qui aurait pour but :
27Sans doute convient-il, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, de lire dans cette correspondance les peurs traditionnelles d’infiltration d’une « cinquième colonne » sur l’ensemble du territoire français, métropolitain comme impérial. Les indices de l’activité de renseignement et de propagande germaniques restant épars ; les services de renseignement français s’efforcent d’y donner du sens en cherchant à démasquer les couvertures des espions du Reich. Force est de constater que le colonat allemand s’organise rapidement, offrant des emplois à ses ressortissants dans ses maisons de commerce.
- 34 De Gaulle C., L’Appel, p. 115-116.
28Ainsi le siège de la société « Woermann », compagnie commerciale maritime, est identifié comme le centre d’action clandestine de la propagande allemande à Douala. L’agence est dirigée par le chef de la communauté allemande Firminich, ancien officier de la marine marchande ayant commandé pendant la guerre un croiseur auxiliaire. Il a été fiché par les services de renseignement français comme l’un des principaux instigateurs de la propagande antifrançaise au Cameroun. Les Allemands résidant à Douala tiennent régulièrement des discours revanchards aux populations indigènes, les incitant par exemple à ne plus payer les impôts, avançant que la France allait bientôt quitter le pays. Des tracts circulent parmi la population affirmant que d’anciens colons allemands, qui naguère s’étaient repliés dans l’île espagnole de Fernando-Pô, annoncent leur prochain retour dans les postes et les plantations34. Mais au final, les services de police collectent essentiellement des rumeurs ou des indices de suspicion antiallemands, sans découvrir de plan de subversion organisé.
Le SR, la Sûreté et les premières expériences de contre-ingérence
29À la faveur de la guerre, l’administration française abandonne les seules mesures de police pour créer un véritable service de renseignement pour surveiller les activités et les déplacements des Allemands dans ses possessions africaines. Le ministre des Colonies donne ses instructions pour le Cameroun dans son courrier du 10 mai 1940 adressé au commissaire de la République de Yaoundé :
- 35 ANOM, GG AEF, 5D 144 (d7), Lettre no 941 I/I – 2R du ministre des Colonies au commissaire de la Ré (...)
« Monsieur, j’attire votre attention sur les prescriptions relatives à l’organisation d’un service de renseignement [...] pour l’ensemble des colonies et des territoires sous mandats. Ce service dit “service de renseignement colonial” comportera un organisme rattaché à la direction du service militaire et qui sera chargé de diriger les différents réseaux formés par des postes directeurs et des postes secondaires établis sur l’ensemble de notre empire colonial.
Le poste du Cameroun sera dirigé par le capitaine Breise qui a suivi des cours au centre d’études germaniques de Strasbourg et qui s’occupera de l’organisation du service de renseignement...
J’attacherais du prix à ce que ce “poste du renseignement” soit mis en état de fonctionner dès réception de la présente dépêche et d’une manière autonome sous votre autorité directe.
Le poste du Cameroun aura pour mission de rechercher et de discerner les renseignements relatifs à la situation politique et militaire dans le golfe du Bénin, et de suivre particulièrement l’activité des mouvements germanophiles dans toute la région. Tout renseignement important ou urgent doit faire l’objet d’un câblogramme chiffré adressé sans retard à mon département. Les services de renseignement du Cameroun devront collaborer sans restriction avec les autres services de la colonie35. »
- 36 Forcade O., op. cit., 2008, p. 385-424.
- 37 ANOM, GG AEF, 5D 134, Activités allemandes au Cameroun, zones sensibles.
- 38 Ibidem.
- 39 SHD, 7H28, Propagande antifrançaise au Cameroun : notes et bulletins de renseignement 1919-1920.
30Cette mesure est à inscrire dans la tendance de constitution d’un service de renseignement intercolonial (SRI), organisé entre 1936 et 1939 au sein du ministère des Colonies. Il a pour particularité, à l’image de la structuration du SR-SCR du 2e bureau de l’état-major, d’essayer de centraliser dans un appareil militaire spécial les fonctions de surveillance du territoire36. Dans les faits, les métiers de police conservent, sur le terrain, une place essentielle. Pour traquer les propagandistes ou les espions, la police surveille des endroits particuliers. Grâce à leurs sources, les agents de la Sûreté au Cameroun localisent souvent les propagandistes au voisinage des frontières, à proximité des principales voies de communication du pays, à côté des centres les plus importants où il est plus facile de se camoufler, ou dans les zones stratégiques que sont les ports37. La police coloniale a pu déceler l’installation d’Allemands aux abords des voies ferrées du nord-ouest, en bordure du Mungo ou des criques navigables, vers le pont du chemin de fer d’Édéa, ou encore en bordure de la Guinée espagnole (où, bien qu’il n’y ait pas de pâturage et d’animaux, ils pratiquent l’élevage des chevaux)38. Cet emplacement représente une base intéressante car, en cas de révolte, pour atteindre les populations d’Ebolowa, Yaoundé et couper Mitzick-Oyem, elle permet de contrôler la seule route reliant le Cameroun au Gabon. Les archives sur les activités de la police au Cameroun présentent d’importants dossiers consacrés aux enquêtes sur les étrangers catalogués comme antifrançais, travaillant secrètement et minutieusement. Pour consolider leur lecture de la menace allemande, les services de police et de renseignement français identifient chaque suspect par sa spécialisation technique et géographique au sein du supposé réseau allemand au Cameroun39.
- 40 Ibidem.
31Treischler, directeur de la DKG (Deutsche Kamerun Gesellschaft – La Société allemande du Cameroun), est fiché pour travailler en collaboration avec Firminich, le directeur de la « Woermann ». Treischler entretiendrait des relations particulières avec certains nombre d’indigènes. Il est finalement refoulé par la Sûreté en Guinée en 1934. Sa trace est retrouvée en Espagne où il termine la guerre pour le compte du service allemand de contre espionnage40. Un certain Klett, qualifié de « dangereux aventurier », servirait d’agent de liaison du réseau allemand. Les services de police établissent leur hypothèse sur la base suivante : tous les trimestres, un émissaire venant d’Allemagne par bateau lui remettrait d’importantes correspondances, qu’il redistribue ensuite à travers le pays. Mais le contenu de ces messages semble rester inconnu des services de la Sûreté ou du SR.
32Malgré d’évidents succès individuels, il est donc permis de se demander si cette lutte antiallemande n’est pas davantage dûe aux peurs françaises plutôt qu’au démantèlement d’une véritable organisation d’espionnage. De fait, pareille politique s’est exercée, à travers différents points stratégiques de l’Empire, à l’encontre de ressortissants des forces de l’Axe, comme à Djibouti, où, en lien avec le SR-SCR, la Sûreté et les agents du 2e bureau surveillent la politique africaine de l’Italie mussolinienne. Au final, malgré cette brève expérience de la fin des années 1930, la véritable mise en place d’une police de renseignement ne s’organise qu’à la faveur de la lutte contre le mouvement nationaliste dans la décennie 1950.
Le mouvement nationaliste camerounais à l’épreuve de l’administration coloniale française
Les mesures de renforcement de l’institution policière
33Dans les effervescences nationalistes et anticoloniales qui se développent à travers les différents territoires coloniaux français, l’Union des populations du Cameroun (UPC) trouve une place très spécifique en 1948. Son programme s’organise autour de deux axes forts : la réunification des deux Camerouns (francophone et anglophone) et l’indépendance immédiate (supposant une non-intégration du Cameroun à l’Union française). Entre 1948 et 1955, le mouvement, faute d’espace politique « légal » au sein de la colonie, glisse dans la clandestinité et la lutte armée. Le Haut-commissariat français à Yaoundé, ayant manifesté clairement son opinion face à ce problème politique, trouve dans la réorganisation des forces de police et de sécurité une réponse à la menace UPC.
34Aussi, une police coloniale tardive se constitue-t-elle selon une double urgence : organiser une institution policière systématique et hiérarchique à l’échelle du pays et orienter l’action de la police dans une logique contre-subversive. La première exigence est à réinscrire à l’échelle de la fédération d’AEF, à laquelle le Cameroun est rattaché pour les questions militaires et de sécurité. Il faut attendre 1949 pour voir se constituer, auprès du gouverneur général à Brazzaville, une inspection générale des services de sécurité (IGSS) charger de « coiffer » les services locaux de police (SLP) et construire une politique institutionnelle policière à l’échelle de l’AEF. La seconde exigence se teinte de « l’air du temps », forgé à travers les guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie. Au milieu des années 1950, alors que les accords de Genève ont acté le décès de l’Empire en Asie et que se développe en Algérie une guerre qui ne dit pas officiellement son nom, la IVe République doit à tout prix contenir l’affaire UPC pour enrayer la constitution d’un troisième foyer de rébellion armée dans ses colonies.
- 41 Ferdinand L. B., « Les Renseignements Généraux au Cameroun français de 1947 à 1960 », mémoire de m (...)
35Dès 1947-1948, les postes de police territoriaux sont orientés vers des missions de RG, avant de devenir des commissariats spéciaux à partir de 195141. Le réseau policier se structure selon une colonne vertébrale évidente : les missions de sécurité publique et de police judiciaire deviennent des compléments de l’appareil de renseignement dans le cadre de la lutte contre-subversive. Cela aura des conséquences professionnelles. Lorsque le modèle des brigades mobiles (BM ou « brigades du Tigre ») est exporté en Algérie comme au Cameroun, ces unités ne sont plus dominées par un état d’esprit PJ mais bien par des consignes de RG... à cette nuance près qu’elles disposent du pouvoir d’OPJ et peuvent à ce titre inscrire la lutte contre l’UPC dans un cadre judiciaire, participant de facto à la criminalisation de la figure de l’upéciste. Se développe une logique de « police spéciale » qui va dominer la transmission de l’appareil policier à l’heure de l’indépendance, et dont hérite in fine le commissaire Jean Fochivé, fondateur du SEDOC.
- 42 ANY, 3AC 1518, Sûreté, Organisation, 1951-1952.
- 43 Pondi P., La police au Cameroun. Naissance et évolution, Éditions Clé, 1988, 226 p., ici p. 116.
- 44 Ibidem., p. 116.
36Les commissariats spéciaux sont placés sous l’autorité du commissaire spécial du chef-lieu de région42. Ces services doivent « suivre les mouvements politiques locaux, africains et européens, leur création, leur programme, leur évolution, leurs principaux représentants, leur importance numérique et leur influence sur les populations43 ». Ils sont également chargés du « contrôle de l’immigration et de l’émigration notamment dans les ports et les aéroports, et d’une manière générale sur le plan local des attributions relevant du service central de renseignement généraux44 » (renouant avec la tradition de contrôle migratoire de la police coloniale).
- 45 Djam Yayao., L’ordre public : mission principale de la gendarmerie nationale, Paris, Karthala, 199 (...)
- 46 Voir dans ce volume l’article de Jean-Pierre Bat, « Georges Conan, RG et contre-subversion au Came (...)
37Pour renforcer ce dispositif sont crées en mars 1951 les commissariats spéciaux de Douala et Maroua, et en avril de l’année suivante, celui de Garoua. Dès 1954, les commissariats spéciaux sont implantés à Nkongsamba, Yaoundé et Fort-Foureau. L’école de la police, créée en 1952, doit professionnaliser le personnel. À partir de 1950, l’augmentation du personnel policier est considérable. Ainsi, à Éséka, le commissariat, créé en 1947, reçoit en 1951 un fort contingent de police française aguerrie dans le maintien de l’ordre et la recherche du renseignement. L’accroissement des effectifs est évalué de 500 hommes en 1949 à 650 en 1955 pour atteindre 697 hommes en 1956. Les formations militaires suivent cette courbe démographique, comme la Garde camerounaise qui passa de 900 hommes en 1948 à 1335 en 1955, puis à 1500 à 195645. Ce renforcement des services de sécurité accompagne un maillage plus serré du territoire, jamais égalé durant les quarante années de présence française au Cameroun. Enfin, en 1955, suite à l’arrivée des fonctionnaires de police du cadre colonial (dont l’inspecteur Georges Conan est devenu l’archétype46), les commissariats spéciaux s’organisent plus méthodiquement. Toutefois, aussi bien pour des questions de moyens que par nécessité, ce dispositif ne quadrille pas réellement tout le territoire, mais essentiellement le foyer upéciste des pays Bassa et Bamiléké (c’est-à-dire les départements du Wouri et du Mungo, les parties ouest du sud du Nkam, la Sanaga-maritime). Si le Nord a constitué, dans l’entre-deux-guerres, un laboratoire original du couple police/renseignement, c’est bel et bien dans le Sud-Ouest, à la fin de l’âge colonial, que se forge la modernité de la police de renseignement au nom de la contre-insurrection.
Carte 1. – Répartition des services de police et de Sûreté au Cameroun, 1959 (carte réalisée par l’auteur à partir de NF 13, sûreté, rapports de sûreté et police, 1953-1957).
- 47 SHD, 6 H 263, Exposé du chef de bataillon Lescure à la réunion des officiers de renseignement, 195 (...)
38L’exécution de la mission de rétablissement de l’ordre est placée sous l’autorité militaire française, qui dispose de l’ensemble des forces de l’ordre, militaires et civiles. Un état-major mixte voit le jour. Le commandant militaire prévoit une prise de contact journalière avec son homologue civil, le préfet47. La recrudescence des activités du Comité national d’organisation (CNO), la branche armée de l’UPC, procède d’un renforcement de l’appareil contre-subversif.
Les Brigades Mixtes Mobiles (BMM), ultime avatar de la police coloniale de contre-insurrection
39Le haut commandement décide, dès juillet 1958, de renforcer les effectifs chargé du maintien de l’ordre et de la recherche des renseignements. C’est dans ce contexte que sont créés des organes mixtes, comprenant des policiers, des gendarmes et des militaires. Un pas est franchi lorsque les brigades mobiles (BM) se transforment en brigades mixtes mobiles (BMM), spécialisées dans la recherche et l’exploitation opérationnelle des renseignements. Elles ont pour mission de renforcer l’action des brigades locales dans la recherche et l’exploitation des renseignements à chaque fois que cela est nécessaire. Elles interviennent dans le but d’améliorer la recherche et l’exploitation opérationnelle du renseignement sur le plan de la subversion et/ou du terrorisme. La structure de la BMM pendant la période de subversion se présentait de la manière suivante :
- 48 SHD, 6 H 241, Instruction pour l’organisation du renseignement opérationnel, titre II : De la Brig (...)
« Un fonctionnaire supérieur de la sûreté, chef de brigade désigné par le Premier ministre, l’officier de police adjoint civil du bureau de documentation du Haut-commissariat, directeur des interrogatoires et de l’étude des documents, un officier, conseiller pour l’orientation des interrogatoires et l’étude des documents, désigné par le commandant du secteur Ouest, un sous-officier de gendarmerie, adjoint au directeur des interrogatoires, désigné par le commandant de la gendarmerie, et un sous-officier, secrétaire dactylo, désigné par le commandant du secteur Ouest48. »
40Cette adaptation des BM aux conflits coloniaux permet d’adjoindre au dispositif policier l’arsenal militaire lui conférant une puissance d’action sans précédent (détachement de gendarmes ou des forces militaires). Les commissaires spéciaux sont alors partenaires d’une chaîne qui noue étroitement les missions de renseignements (orientation RG de la police), la force coercitive (la potestas militaire) et la coercition judiciaire (l’auctoritas de l’OPJ). Déployés dans le cadre d’une opération de police, ces moyens confèrent à l’institution une force (et donc une efficacité) qu’elle n’a jamais obtenu tout au long de la colonisation. En corollaire, la criminalisation de la figure de l’upéciste par les commissariats spéciaux participe d’un mouvement plus global commencé dans le monde arabe comme le montrent les travaux de Martin Thomas.
41S’appuyant sur le maillage administratif départemental, à l’instar de la géographie métropolitaine des RG, des brigades départementales de recherche et d’exploitation (BDRE) sont ainsi créées pour compléter le dispositif. À l’heure de l’indépendance, une cartographie policière se met donc en place de la manière suivante : des BDRE sont implantées à Yaoundé, Douala, Nkongsamba et Dschang, tandis que la BMM se fixe à Nkongsamba. BDRE comme BMM constitueront les bras du SEDOC (créé en 1962), la police spéciale du régime camerounais postindépendance.
- 49 Deltombe T., Domergue M. et Tasitsa J., Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafriqu (...)
42Il convient alors de réévaluer le rôle et la place du dispositif policier, dans l’ombre des opérations militaires de guerre contre l’UPC. La mise en place de la zone de pacification (ZOPAC) par le lieutenant-colonel Lamberton, disciple de la guerre contre-révolutionnaire, a concentré l’attention sur l’action militaire française comme un écho oublié des techniques de guerres coloniales, élaborées en Indochine et simultanément employées en Algérie à la fin des années 195049. La police s’est alors vue rapidement oubliée au profit de questions proprement militaires. Si la police apparaît comme un objet lent à se constituer, sans doute en apparence moins systématique ou moins hiérarchisée que l’armée, l’établissement du réseau policier dans le cadre de la lutte contre-subversive tient lieu de matrice à la transmission des forces de police au Cameroun. À l’aube des années 1960, le partage des missions de police en porte la trace évidente. Les missions de sécurité publique (les « corps habillés ») sont transférées vers la Sûreté nationale, tandis que l’essentiel des missions de protection du régime naissant, au titre de la lutte contre-subversive, sont dirigées vers le SEDOC (qui dépend de la présidence), faisant de ce dernier l’archétype de la police secrète aux yeux des populations.
Le Cameroun au prisme du couple police/renseignement
- 50 Pondi P., op. cit., 1988.
43Le couple police et renseignement a fait l’objet de nombreux commentaires, sous l’influence évidente du poids postcolonial du SEDOC. Paul Pondi, premier commissaire divisionnaire du Cameroun indépendant et délégué général de la Sûreté nationale (1960-1972), a ressenti le besoin d’écrire l’une des rares monographies sur l’institution policière pour réévaluer l’action de la Sûreté face au SEDOC50. Outil sécuritaire installé à la droite du président, cette police spéciale constitue pourtant l’archétype de l’appareil de maintien de l’ordre en Afrique dès les années 1960, alliant au sein du même service renseignement et action répressive.
44Si le renseignement, considéré comme un élément de la panoplie de gouvernement, est ainsi installé au plus haut niveau de l’État en 1960, pareille transposition est moins systématique dans le cadre du processus colonial, car ce couple se crée à ce moment, sans trouver, avant la guerre contre l’UPC, de véritable rythme de croisière institutionnel. Dans le cadre du laboratoire des services spéciaux français que sont les années 1920-1930, les colonies sont tiraillées entre les souhaits parisiens d’organisation verticale du renseignement et la réalité des contingences locales. Deux conséquences en découlent. Premièrement, les orientations de recherches de renseignements s’avèrent guidées par les identifications successives de la menace de l’autorité française au Cameroun (successivement l’islam, l’Allemagne, et enfin la subversion upéciste). Deuxièmement, la constitution des services de renseignement est moins le fruit d’une organisation convenablement définie par un organigramme et installée sur le terrain, qu’une somme empirique d’expériences locales, plus ou moins visibles ou ostentatoires. Cette empreinte du « terrain » forge ainsi une identité spécifique de ces policiers ultra-marins, qui, dans le cadre de la lutte contre l’UPC, vont être amenés à privilégier la mise en place de services opérationnels à l’échelle locale. Ce n’est que fortde ce « dernier âge » de la police coloniale de renseignement, que pourra être imaginé l’espace politico-policier que vient occuper le SEDOC après l’indépendance.
45Une fois cette mémoire de l’institution policière « dépolluée », il convient de revenir au couple colonial police/renseignement pour constater qu’il dépasse en réalité le seul outil technique de la police. Si l’hybridation avec d’autres services (SSAMII, SR) ou le recours à d’autres collaborateurs moins institutionnels (interprètes, officiels pour les pèlerinages) en sont la preuve, c’est un effort finalement plus subtil de policing qui apparaît et participe de la reconfiguration de la société à travers l’expérience coloniale. La politique menée envers les lamiibe conduit ainsi à reconsidérer la constitution du renseignement comme outil de la panoplie de gouvernement colonial autant, sinon plus, que de répression stricto sensu.
Notes
1 André Dia est docteur en histoire militaire de l’université de Montpellier III (astandia@yahoo.fr).
2 Anangmo A., « L’Armée et la police : organisation et rôle dans l’administration du Cameroun français » Mémoire de Maitrise en Histoire, Université de Yaoundé I, 1992.
3 Voir, pour une étude comparée, les travaux de Martin Thomas dans les territoires français sous mandat au Levant : Empires of intelligence. Security services and colonial disorder after 1914, Berkeley, Los Angeles, London, University of California Press Berkeley, 2008, 428 p.
4 Fenkam F., Les révélations de Jean Fochivé, chef de la police politique des présidents Ahidjo et Biya, Paris, Minsi, 2003, 297 p. Jean Fochivé (1931-1997), après avoir été formé comme secrétaire de brigade, assistant du juge de paix et régisseur de prison à Dshang puis Bafang entre la fin des années 1940 et le début des années 1950, Jean Fochivé devient en 1952 secrétaire adjoint de police. Gravissant les échelons au sein de la police coloniale, essentiellement dans des fonctions de PJ, il est repéré par ses supérieurs français qui l’envoient se former en 1957 à l’école de police de Dakar où il rencontre le capitaine Maurice Robert. Devenu commissaire en 1959, responsable du commissariat de Douala, il assure fin 1960 l’intérim du préfet du Wouri. En 1961, il participe aux stages de Maurice Robert en France, et revient au Cameroun fonder le SEDOC en 1962, dont il conserve les rênes jusqu’en 1984 (cumulant, de 1975 à 1979 les fonctions de directeur de la sécurité présidentielle). Après avoir été écarté du pouvoir jusqu’en 1989, il reprend la direction du CENER (nouveau nom du SEDOC), et achève sa carrière comme délégué général de la Sûreté nationale, secrétaire d’État à l’intérieur.
5 Archives nationales de Yaoundé (ANY), APA. 11306/F Affaires musulmanes, revue de la presse et des questions musulmanes, no 23 du 10 octobre 1938. Thomas M., Empires of intelligence. Security services and colonial disorder after 1914, Berkeley, university of California Presse, 2008, 428 p.
6 Force est de constater que, dans plusieurs mémoires collectives, l’islam a été interprété comme un facteur de résistance au nouvel ordre impérial français. Dans son ouvrage Islam et colonialisme en Afrique, Cheikh Hamahoulla, homme de foi et résistant (Paris, Maisonneuve et Larose, 1983), Alioune Traoré montre que des leaders tels que El Hadj Oumar Tall, Samory, et Rabah ont été récupérés comme symboles de résistance à la pénétration européenne en Afrique. Les estimations faites sur les musulmans au Cameroun pendant la période coloniale varient de 400 000 selon le rapport de l’administrateur Beyries en 1947 à 500 000 selon Prestat en 1951. Taguem Fah y a ajouté les 60 000 musulmans de la région Bamoum et les 10 000 disséminés dans les grandes villes comme Douala et Yaoundé.
7 Abdon E., Voyage dans le Soudan Occidental, 1972, p. 303, et Monteil V., L’Islam Noir, Paris, Seuil, 1971, p. 373. Le lieutenant de vaisseau Eugène Mage constatait déjà en 1866 que : « La plupart des maux de l’Afrique viennent de l’islamisme. Ni dans nos colonies actuelles, ni dans celles qu’on fondera plus tard, même quand il se présente sous les dehors les plus séduisants, comme cela arrive parfois au Sénégal, jamais dans aucune circonstance, on ne doit l’encourager. Le combattre ouvertement serait peut être un mal, l’encourager en est un beaucoup plus grand, nous devons être plus subtil et entreprendre une espèce de collaboration déguisée afin de pouvoir mieux en venir à bout. »
8 APM 06 En, 1.64, Affaires musulmanes. Voir l’influence de Shakib Arslan, qui dépasse largement le cadre du mandat au Levant pour investir pleinement le terrain nord-africain, et qui dispose depuis Le Caire de solides relais en direction de l’Afrique arabe.
9 Rabah est une figure emblématique de la résistance africaine à l’occupation européenne. Il a livré une bataille à Kousseri contre les soldats français. Il fut défait et tué le 22 avril 1900 par trois colonnes des troupes françaises.
10 Ce principe de colonisation a été analysé en détail pour la politique mandataire de la France au Levant. Mizrahi J. D., Genèse de l’État mandataire. Service des renseignements et bandes armées en Syrie et au Liban dans les années 1920, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, 462 p.
11 Hussein B., Marabouts et chefs traditionnels en Afrique : entre pouvoir politique et spiritualité, Paris, Seuil, 2006, p. 73. Ces sociétés musulmanes se regroupent autour d’un lamido (lamiibe au pluriel) qui détient un pouvoir à la fois spirituel et politique. Elles sont organisées en lamidats, sultanats (principautés) qui sont autonomes. Le lamido possède un véritable pouvoir de décision, nommant ses collaborateurs ainsi que les imams chargés de diriger la vie religieuse. Il est ainsi le garant de l’ordre voulu par la loi islamique. Face au poids politique du lamido dans la société, le chef traditionnel sera parfois perçu aux yeux des Français comme un obstacle. La méthode la plus adoptée pour lutter contre les laamiibe réfractaires réside dans l’amoindrissement de leur autorité.
12 Abdouraman H., « Le lamido Yaya Daïrou de Maroua 1943-1958 » dans Bah T.M. (ed), Acteurs de l’Histoire au Nord-Cameroun (XIXe-XXe siècle), Ngaoundéré Anthropos, vol. III, numéro spécial I, 1998, p. 146. C’est pour le remercier que Guy Georgy, alors chef de région du Diamaré, l’aida à construire une maison en arcade et à moderniser l’entrée de son palais.
13 Ibidem.
14 Lefèbvre C., Frontières de sable, frontières de papier. Du Soudan central à la république du Niger 1800-1964, Paris, Publication de la Sorbonne, à paraître en 2012. Cette thèse montre que l’influence discrète des interprètes mérite d’être réévaluée sur les colonisateurs dès les pénétrations du XIXe siècle et la constitution de l’Empire français.
15 Mohammadou B., Les interprètes sous la période coloniale française dans la région Nord-Cameroun (1916-1960), mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Ngaoundéré, 1998, p. 1-9.
16 Clastres P., La Société contre l’État, Paris, Minuit, 1974, rééd. 2011, 186 p.
17 Walder F., Saint-Germain ou la négociation, Paris, Gallimard, 1958, 202 p.
18 Seignobos C., Le pays moundang, « du progrès au développement durable », Paris, IRD, 1998, p. 100. C’est fort de cette confiance coloniale et de la maitrise de l’information que certains interprètes vont gravir les échelons et occuper des postes de grande importance. Ainsi, Bouba Danki devient député à l’indépendance. Ils seront d’autant plus indispensables à cette période charnière qu’ils représentent, d’une part, un capital unique pour le nouveau pouvoir qui a besoin de ces relais pour incarner localement le nouveau régime en construction et qu’ils sont, d’autre part, des élites lettrées à l’échelon local.
19 ANY., APA. 11180/C, Affaires musulmanes.
20 ANY, APA 10434, culte islamique, le ministre des Colonies à M. le commissaire de la République au Cameroun.
21 Le décret du 30 novembre 1936 fait état de la création du brevet des hautes études d’administration musulmane. Ce diplôme complète la formation technique des fonctionnaires.
22 APM, 1AC, 1567/22, Affaires musulmanes 1950.
23 APM, APA 11901/B, instruction no 95CF du commissaire de la République adressée à tous les chefs de subdivisions en date du 1er octobre 1920.
24 Ibidem.
25 Dans sa lettre du 20 octobre 1937, le gouverneur du Soudan rend compte au gouverneur général de l’AEF que Muhamed Ali Ben Mouktar Al Kounti est inconnu à Tombouctou. Cette découverte indique quelle attitude adopter à son endroit à Ngaoundéré, car par la lettre du 26 janvier 1938, le commissaire de la République demanda à Bru de resserrer la surveillance autour de ce prétendu Chérif. APA 11901/B lettre du 26 janvier 1938.
26 Njeuma M. Z., Fulani hegemony in Yola (old adamawa) 1809-1902, Yaoundé, CEPE, 1978, 298 p.
27 ANY, 2AC 3655, Affaires musulmanes.
28 L’analyse objective du Mahdisme, comme le dit Taguem Fah, est très complexe. Cette difficulté est due au fait que cette étude, jusqu’à lors, n’était que l’œuvre des administrateurs coloniaux et, de ce fait, sont des études orientées qui se démarquent fort de l’objectivité scientifique et épousent la mentalité coloniale. Cependant on pourra quant même dire avec Hominoïde T. dans son ouvrage Mahdisme, Messianisme et Marxisme dans le contexte africain, Paris, Présence africaine, 1970, que le Mahdisme ne se limite pas au simple phénomène anticolonial ou uniquement aux velléités nationalistes, il symbolise également la hauteur et la pertinence de la philosophie musulmane qui se dresse aussi contre les classes, les coalitions et les institutions indigènes porteuses d’intérêt.
29 ANY, 2AC 3655, Affaires musulmanes.
30 Au nom de la solidarité musulmane (la Umma) et de la fraternité islamique, les musulmans arabes ou du Proche Orient n’hésitent pas à distribuer des tracts en arabe et à appeler à la création d’une communauté musulmane universelle et à la lutte contre les « mécréants ».
31 ANY, APA. 10991/A Pèlerinage à La Mecque 1948.
32 ANOM. 5D 144, lettre de l’ambassadeur de France à Berlin au ministère des Affaires étrangères. « En 1930, les Allemands ayant rejoint les colonies africaines étaient estimés à 2500 dans l’ancien sud-est africain et en 1935, ils étaient près de 4000. Dans le sud-ouest africain la grande colonie allemande était environ 13000 colons avant la Première Guerre mondiale et en 1935, ils avaient dépassé le chiffre d’avant guerre. »
33 ANOM. 5 D 190, lettre no 36/C du 30 avril 1939 du commandant du Tchad Buhr Launey adressée au gouverneur général de l’AEF.
34 De Gaulle C., L’Appel, p. 115-116.
35 ANOM, GG AEF, 5D 144 (d7), Lettre no 941 I/I – 2R du ministre des Colonies au commissaire de la République française au Cameroun. Voir également pour la structuration de la politique de renseignement outre-mer Forcade O., La République secrète. Histoire des services spéciaux français de 1918 à 1939, Paris, Nouveau monde éd., 2008, 702 p.
36 Forcade O., op. cit., 2008, p. 385-424.
37 ANOM, GG AEF, 5D 134, Activités allemandes au Cameroun, zones sensibles.
38 Ibidem.
39 SHD, 7H28, Propagande antifrançaise au Cameroun : notes et bulletins de renseignement 1919-1920.
40 Ibidem.
41 Ferdinand L. B., « Les Renseignements Généraux au Cameroun français de 1947 à 1960 », mémoire de maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé I, 2006.
42 ANY, 3AC 1518, Sûreté, Organisation, 1951-1952.
43 Pondi P., La police au Cameroun. Naissance et évolution, Éditions Clé, 1988, 226 p., ici p. 116.
44 Ibidem., p. 116.
45 Djam Yayao., L’ordre public : mission principale de la gendarmerie nationale, Paris, Karthala, 1998, p. 17.
46 Voir dans ce volume l’article de Jean-Pierre Bat, « Georges Conan, RG et contre-subversion au Cameroun (1955-1960). »
47 SHD, 6 H 263, Exposé du chef de bataillon Lescure à la réunion des officiers de renseignement, 1958. Il est également décidé que tous les mardis à Nkongsamba et les samedis à Douala se tiendraient des réunions de coordination auxquelles doivent assister le commandant du GTS (Groupement Tactique Sud) et l’officier supérieur commandant le groupe « G » pour Édéa et Yabassi.
48 SHD, 6 H 241, Instruction pour l’organisation du renseignement opérationnel, titre II : De la Brigade Mixte Mobile de recherche et d’exploitation opérationnelle du renseignement.
49 Deltombe T., Domergue M. et Tasitsa J., Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, Paris, La Découverte, 2011, 742 p.
50 Pondi P., op. cit., 1988.
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Légende | Carte 1. – Répartition des services de police et de Sûreté au Cameroun, 1959 (carte réalisée par l’auteur à partir de NF 13, sûreté, rapports de sûreté et police, 1953-1957). |
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