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    Plan détaillé Texte intégral Une demande de services marchands ? Injonctions communautaires Archives de l’art, art de l’archive Notes de bas de page

    Les ego-archives

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre III. Demandes sociales : pour une archivistique de l’émergence

    p. 99-180

    Texte intégral Une demande de services marchands ? Les archives saisies par la valeur Les données publiques : une richesse économique ? Images d’archives : quel marché ? Injonctions communautaires L’archiviste et les communautés : approches étrangères L’archiviste et les communautés : prémices françaises Réseaux sociaux, communautés d’intérêt et de connaissance Archives de l’art, art de l’archive Archives de soi et des autres L’art et le processus archivistique Archives de l’art Notes de bas de page

    Texte intégral

    1La notion de demande sociale demeure complexe et d’emploi malaisé. Très usitée dans les années 1980, elle connaît aujourd’hui un reflux. Il est vrai que la demande sociale émarge à de multiples champs et sous-champs disciplinaires sans pour autant être revendiquée en propre par aucun d’eux1 : les sciences économiques mères du concept de demande et donc naturellement le sous-champ de l’économie de la culture ; la sociologie et spécialement la sociologie des organisations qui envisagent les connexions entre préférences individuelles et choix collectifs, et donc naturellement le sous-champ de la sociologie de la culture ; les sciences politiques et les sous-champs de l’analyse du discours politique, de la participation et aussi, symétriquement, de l’évaluation des politiques publiques ; les sciences de gestion avec le management et le marketing, articulés autour de l’étude de marché et de l’adaptation des produits et des services aux besoins du marché, et donc le sous-champ du marketing public ; les sciences juridiques habituées à la question de l’émergence de la règle de droit dans un système juridique, et donc la théorie des services publics qui suppose leur adaptabilité et leur mutabilité.

    2Pourtant, malgré ces embûches, le concept est opératoire pour envisager la place des archives dans la société. Formulons l’hypothèse selon laquelle il existerait des groupes sociaux mobilisés autour d’enjeux qui touchent aux archives. Théoriquement, la demande sociale suppose

    « une formulation explicite de certaines attentes de résultats présentés auprès de l’instance décisionnelle susceptible de produire ces résultats2 ».

    3Mais, dans le cas des archives, on a affaire à des acteurs institutionnels peu ou mal identifiés par la société3, de sorte que l’interaction groupe porteur/ institution peut fonctionner de manière atypique. Elle peut se situer à un niveau plus global qui interroge l’État et le politique en général. Elle peut aussi demeurer dans un état très latent ; ne trouvant pas où s’exprimer, elle peut exister, même imparfaitement constituée, à l’état de simple aspiration sociale4. Bien que la notion de demande sociale latente soit contestée5, il est utile, s’agissant des archives, de s’intéresser à des demandes sociales très indicielles, encore spontanées, en cours d’élaboration : des attentes en voie de formulation6. Ajoutons que le concept de demande sociale convient mieux aux archives qu’à d’autres secteurs culturels où prévaut plus exclusivement encore une demande suscitée7. Les archives ne sont-elles pas interrogées par des demandes non suscitées, au sens où elles n’interagissent pas avec une offre de l’institution archivistique ? La réponse peut être positive sans même que ces demandes soient clairement perçues ni qu’elles aient atteint un seuil de maturation permettant leur expression et leur recevabilité, en tenant notamment compte des contraintes juridiques ou administratives. C’est donc la capacité d’écoute de l’institution et l’adaptabilité du système archivistique dans son ensemble qui sont mises en questionnement.

    4Il reste que l’appréhension de la demande sociale n’est jamais chose aisée. La demande sociale ne se présume pas, elle ne se déduit pas d’un indice de satisfaction ; elle s’enquête, éventuellement8. On nous permettra d’utiliser un détecteur intuitif, chargé à l’air du temps, et de lui faire parcourir deux gisements à fort potentiel : la valeur économique et les pratiques communautaires. Une autre manière de procéder est de tenter de repérer les points d’émergence spontanée de pratiques d’archivage ou les formes nouvelles d’intérêt pour les archives, les archives malgré ou sans les archivistes en quelque sorte.

    Une demande de services marchands ?

    5Les questions d’argent sont tabou dans le domaine culturel. Elles sont généralement approchées sous l’angle de la contrainte : des acteurs extérieurs au secteur culturel s’en prennent à son exceptionnalité et veulent le marchandiser. Le débat est politique, idéologique ; il peut mobiliser des arguments sociologiques ou juridiques ; il ne manque pas d’intérêt. Tentons de prendre les choses différemment en osant la question suivante : assiste-t-on à un élargissement ou à une diversification de la demande de services culturels marchands ? Il existe une économie culturelle et nul ne songe à le contester. Est-ce que ce secteur marchand a tendance à s’étendre à de nouveaux domaines et sous l’effet de quels facteurs, de quelles demandes ?

    Les archives saisies par la valeur

    6La notion de valeur n’existe guère en archivistique théorique que sous l’angle de la valeur d’usage. La théorie des trois âges des archives, toujours en vigueur chez les archivistes quoique partiellement remise en cause par l’archivage électronique9, repose sur la notion de valeur informationnelle des archives, les valeurs primaires des documents s’effaçant peu à peu devant des valeurs secondaires. Pour le reste, le mot valorisation fait allusion dans la pratique archivistique aux missions de diffusion culturelle d’un service d’archives. L’abrégé d’archivistique édité par l’Association des Archivistes Français (AAF), manuel couramment utilisé dans la formation des archivistes en France, définit la valorisation comme l’ensemble des moyens et techniques permettant de « proposer à un large public une découverte des fonds et collections10 ». Pour autant, la question de la valorisation économique touche tous les secteurs de la vie sociale. Elle n’est pas nouvelle, y compris pour la culture. Un secteur culturel marchand existe et la théorie économique n’hésite pas à s’en emparer et à poser la question des effets des interventions publiques correctives qui en font la spécificité : les subventions, défiscalisations ou réglementations publiques ne nuisent-elles pas à l’efficacité des entreprises culturelles11 ? Dans le domaine patrimonial, les mécanismes de valorisation économique du patrimoine monumental ont été bien explorés12. Le rapport Valoriser le patrimoine culturel de la France remis par le Conseil d’analyse économique au Premier ministre en mars 2011 préconise, en première recommandation, de développer les études mesurant la « disposition à payer » des citoyens pour le patrimoine13. Dans le secteur des musées, les boutiques de produits dérivés ont fait leurs preuves et peuvent prendre une importance centrale dans les bilans financiers des institutions qui les abritent. En 2010, les activités éditoriales et commerciales de la Réunion des musées nationaux dégagent un bénéfice de 1,6 million d’euros. La même année, la structure des ventes par grande famille de produits montre l’importance des produits dérivés qui représentent 50 % des ventes contre 19 % pour les images et 31 % pour les livres. Cette rentabilité contribue largement aux résultats d’exploitation bénéficiaires de l’établissement depuis plusieurs années14.

    7Aujourd’hui la question de la valorisation économique saisit les archives de multiples manières. Jusqu’à l’audit de modernisation de l’archivage de l’État conduit en 2006 par la direction générale de la modernisation de l’État, l’analyse des coûts de la fonction archives restait très sommaire et n’était guère abordée qu’en termes de crédits budgétaires obtenus par un service d’archives. Avec cet audit, pour la première fois, une analyse du coût annuel de l’archivage intermédiaire est menée d’une manière complète en intégrant les ressources mobilisées (bâtiment, transport, fluides, fournitures de conditionnement) et les dépenses de processus (collecte, tri, classement, éliminations, communications). On aboutit au chiffre moyen de 53,20 euros par mètre linéaire et par an15. Sans doute contestable, cette tentative de calcul d’un coût réel total marque un tournant. Depuis, un groupe de l’Association des archivistes français travaille autour du thème « chiffrer les archives » ; ses réflexions nourrissent en 2009 les Rencontres Annuelles de la Section des Archives Départementales (RASAD)16. Les archives rejoignent ainsi des préoccupations déjà en cours dans les bibliothèques : la norme internationale ISO 11620/Afnor Z48-005 « Information et documentation : indicateurs de performances des bibliothèques », y définit dès 1998, parmi d’autres indicateurs, un coût par usager17.

    8Le rapport d’audit commandé par la direction générale de la modernisation de l’État pose aussi pour la première fois la question de la possible valorisation comptable et budgétaire d’un stock d’archives : les archives peuvent-elles être considérées comme un actif de l’État ? Le rapport estime que les archives historiques pourraient figurer dans la comptabilité de l’État comme immobilisations corporelles dont l’exploitation est susceptible d’engendrer des flux futurs de trésorerie. Compte tenu des difficultés à attribuer une valeur monétaire aux archives par référence à un prix de marché et en considération du coût résultant des opérations nécessaires à l’établissement de la valeur du stock, le rapport recommande de s’intéresser dans un premier temps aux seules archives acquises à titre onéreux sur la base de leur coût d’achat. Il envisage également un processus de valorisation comptable systématique qui pourrait être mis en place au moment du versement comme archives définitives18. Le rapport s’inspire ici des recommandations de l’IFAC (International Federation of ACcountants) qui dans son IPSAS 17 – immobilisations corporelles (International Public Sector Accounting Standards), constatant que les actifs historiques sont rarement détenus en raison de leur capacité à générer de la trésorerie, n’impose pas leur comptabilisation tout en l’estimant possible19.

    9Une autre approche consisterait à s’intéresser au potentiel de service contenu dans les archives, plutôt qu’à leur valeur d’actif. C’est la voie suggérée, au même moment, par le rapport Levy-Jouyet sur L’économie de l’immatériel qui a suscité l’émoi dans les milieux culturels20 à cause de sa proposition no 10 qui recommande de permettre aux musées, selon des modalités très encadrées, de louer ou de vendre certaines de leurs œuvres21. Parmi les 67 autres propositions du rapport, plusieurs visent à la valorisation économique des services possiblement dérivés des biens culturels possédés par les collectivités publiques : valorisation de l’image publique, exploitation plus complète de l’image des œuvres des collections publiques, valorisation des marques publiques, mise en ligne des données publiques, développement d’un business model des sites Web publics passant par l’acceptation de la publicité. Très médiatisé, ce rapport ne fait que marquer une étape supplémentaire dans un mouvement qui le dépasse de valorisation économique du domaine, matériel ou immatériel, des collectivités publiques. Tout se passe comme si l’improductivité par nature du domaine public, naguère perçue comme normale sinon nécessaire, cédait progressivement la place à une obligation de valorisation perçue comme un signe de bonne gestion. La chronique législative et réglementaire de la dernière décennie est éloquente : Loi Organique relative aux Lois de Finances du 1er août 2001 (LOLF) qui prévoit, entre autres choses, une refonte de la constatation des actifs de l’État, y compris incorporels ; circulaire du Premier ministre du 18 avril 2007 relative à la gestion des actifs immatériels de l’État invitant à

    « prendre la mesure de ces richesses immatérielles, afin de mieux les connaître, les gérer, les faire fructifier, les faire évoluer et dynamiser ainsi l’économie française » ;

    10arrêté du 23 avril 2007 créant l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’État (APIE) et lui donnant notamment pour mission de

    « piloter le recensement des actifs immatériels des administrations et établissements publics de l’État et de mettre en place un système d’information spécifique » ;

    11décret 2009-151 du 10 février 2009 portant homogénéisation des bases juridiques de la valorisation économique du patrimoine immatériel de l’État à travers la définition de sept catégories d’actes pouvant donner lieu à rémunération. Quant à l’introduction d’une exception au principe de non affectation des recettes en comptabilité publique au profit des recettes issues de la valorisation du patrimoine immatériel des personnes publiques par le décret 2009-157 également du 10 février 2009, affectant la totalité du produit des actions de valorisation aux ministères qui sont à leur initiative, elle fait toucher du doigt la détermination gouvernementale en la matière22. L’APIE inclut couramment les archives, notamment les fonds photographiques et audiovisuels, dans sa cartographie du patrimoine immatériel public.

    12Il ne s’agit là, il est vrai, que d’impulsions étatiques, venant d’en haut, plutôt que de véritables demandes sociales. Quels indices relever d’une demande de services et d’échanges marchands d’archives ? Le comportement des archives sur le marché est un premier indicateur : le marché des autographes est florissant, les ventes d’archives privées s’envolent. Les documents d’archives ne sont pas restés à l’écart du mouvement de croissance globale du marché de l’art, orienté à la hausse depuis la fin des années 1970 et culminant dans les années 1990 en une véritable bulle23. Les chiffres sont bien sûr plus modestes que pour la peinture mais ils atteignent des niveaux significatifs et jusqu’alors inconnus : l’original d’un poème de Rimbaud se vend 300 000 euros à Drouot en 2006 ; la même année, les vœux d’Auguste Rodin à la famille Monet avec une allusion au Penseur sont acquis pour 12 000 euros. Des manuscrits aux lettres autographes et des lettres aux documents historiques, il n’y a qu’un pas. Le 18 mai 2011, l’État préempte chez Sotheby’s un ensemble de 116 pages manuscrites de Robespierre estimées avant la vente entre 200 000 et 300 000 euros et finalement adjugés pour 750 000 euros. Dans cette même vente, l’État préempte un ensemble d’archives de Philippe Le Bas pour 65 000 euros estimées dans le catalogue entre 30 000 et 40 000 euros. En 2009, le bruit a couru que la holding financière russe Ross Engineering aurait proposé 150 millions d’euros pour acquérir les archives Giorgio Vasari, trente cartons comprenant notamment la correspondance avec Michel-Ange. En juin 2012, une lettre manuscrite de Napoléon écrite en anglais à Sainte-Hélène en 1816 est vendue 325 000 euros. En juillet 2012, le gouvernement indien achète pour 813 000 euros un ensemble de documents comprenant notamment treize lettres adressées par Gandhi à un ami, l’architecte juif allemand Hermann Kallenbach, dont les héritiers avaient confié la vente à Sotheby’s. On pourrait poursuivre à l’envi la chronique des ventes et des enchères.

    Image

    Figure 4. – Vente de manuscrits de Robespierre chez Sotheby’s le 18 mai 2011. (Cliché AFP.)

    13Ces chiffres élevés contribuent à modifier la nature du marché et à lui donner une dimension spéculative. Ils sont utilisés comme arguments par de nouveaux acteurs qui fondent leur publicité d’abord sur les promesses de rendements financiers. Le site Web Aristophil, fondé par Gérard Lhéritier, le créateur du contesté « musée » parisien des lettres et des manuscrits, met en avant les rendements importants promis aux investisseurs : « Claude Monet a une évolution annuelle estimée à 9,62 % ; Napoléon Ier à 9,61 % ; Cézanne à 10,86 % ; Louis XIV à 9,65 % et Victor Hugo à 9,92 %. » Globalement, ce site commercial fait miroiter une progression moyenne de 9,90 % par an entre 1980 et 201024. La société va jusqu’à imaginer un produit financier permettant à des investisseurs d’acheter des lettres autographes en indivision et de se partager les revenus issus de leur exploitation (droits de reproduction) ou de leur revente, non sans provoquer une mise en garde de la part de l’Autorité des marchés financiers en 2003 et 200725. Il faut bien admettre que ce type de discours n’est pas isolé. Bien d’autres sites Internet ou blogs, sans aller jusqu’à de pareilles audaces, présentent la collection d’autographes comme un placement intéressant, caractérisent son évolution sur les trente dernières années en comparant les prix de vente des autographes de quelques grands noms de la littérature et des arts ou signalent l’attractivité de sa fiscalité : Autographes-manuscripta, Autographe.net, Artecosa, etc. La presse quotidienne, magazine ou spécialisée relaie volontiers cet intérêt renouvelé. Le marchand parisien Thierry Bodin estime dans le Journal des arts en 2007 que le marché des autographes

    « se porte très bien car il a la chance d’avoir, pour le domaine français, une grande réserve de documents à vendre et un bon nombre de collectionneurs pour les acheter ».

    14Et d’ajouter :

    « Je gère en ce moment en moyenne trois ventes aux enchères par mois26 ! »

    15Le goût dévoilé de personnalités pour l’achat d’autographes renforce encore ce phénomène de médiatisation. On aime à répéter que Bill Gates a acheté en 1994 un manuscrit de Léonard de Vinci pour plus de 30 millions de dollars, que François-Marie Banier achète des poèmes manuscrits de Rimbaud ou que Louis Schweitzer, ancien patron de Renault, possède le manuscrit d’un article de Jaurès sur les menaces de guerre mondiale.

    16Sur un plan scientifique, on manque certes de travaux d’ensemble. Une étude menée pour les 28e Journées de Microéconomie (JMA) sur un corpus de 3 058 autographes à vendre en libraire et de 1 674 autographes vendus aux enchères, constitué grâce au dépouillement des catalogues de ventes conservés aux Archives nationales, établit que le prix des autographes a augmenté de 248 % entre 1960 et 200527. Les auteurs concluent à l’insertion du marché français des autographes dans le marché de l’art international au cours des années 1990 avec une forte corrélation des prix des deux marchés et une progression des ventes aux enchères face aux ventes en librairies spécialisées. L’étude des résultats de ventes publiés par la maison d’enchères Christie’s confirme la place prise par les livres anciens et les manuscrits en tout genre dans l’activité d’une grande société de ventes aux enchères de niveau international28. Entre 2006 et 2011, pour la seule place de Paris, la société organise en moyenne trois ventes par an dans la catégorie « Livres et manuscrits » pour un montant total d’enchères annuel moyen d’un peu plus de 6 millions d’euros, représentant en moyenne près de 3 % 2728 du total d’enchères annuel enregistré par la société.

    Année

    Enchères dans la catégorie « Livres et manuscrits »

    Total annuel des enchères

    2006

    14161734

    191735605

    2007

    3265940

    169228762

    2008

    3432950

    150368121

    2009

    6650412

    478001464

    2010

    2640025

    172730093

    2011

    6795854

    195173025

    Tableau 5. – Montant annuel des enchères dans la catégorie « Livres et manuscrits » et montant total annuel des enchères constatés lors des ventes organisées par Christie’s à Paris entre 2006 et 2011 (en euros).

    17L’argument économique ne va pas sans un renouvellement de la perception sociale des pratiques de collection. Du 30 mai au 9 juin 2012, cinq marchands-experts du quartier Saint-Germain-des-Prés à Paris organisent, sous le titre Autographes, un moment de vie à Saint-Germain-des-Prés, un « parcours pour découvrir les lettres autographes » à travers des expositions et des conférences proposées chez chacun des organisateurs complétées par des biographies des personnages célèbres du quartier (« Dans les pas de29 »). La manifestation témoigne bien, à travers ce déploiement topographique dans la ville, d’un désir d’affichage qui contraste avec la discrétion naguère de mise dans ce milieu. Il est frappant de noter le développement d’usages sociaux autour de la collection d’autographes : montrer sa collection devient un acte culturellement et socialement valorisant. Anne-Marie Springer, ex-épouse du fils d’Axel Springer, le magnat de la presse allemande, découvre le goût de l’autographe en 1994, à la naissance de sa fille Zoé, animée du désir de rassembler à son intention un trésor qu’elle découvrirait plus tard. En 2006, elle dévoile une partie de sa collection, autour de l’expression des sentiments, en publiant, avec le soutien de la Fondation La Poste, 51 lettres en fac-similé accompagnées de commentaires30. Elle récidive en 2009 avec des lettres d’amour de Rilke, Hugo et Berlioz31. Sa collection s’exhibe aussi en expositions et en lectures publiques : Lou Doillon lit des lettres érotiques au Marathon des mots de Toulouse en 2006 et au théâtre de la Madeleine en 200732, des fac-similés sont exposés en 2008 dans la libraire du Bon Marché à Paris, des originaux à la Fondation Martin-Bodmer en Suisse, entre mars et juillet 2008. La figure un peu vieillotte du collectionneur d’autographes s’en trouve revisitée, humanisée, sentimentalisée :

    « Ma collection ne traite pas de politique, d’histoire littéraire, de droits des écrivains ni de contacts avec les éditeurs, elle montre autre chose. Elle “désacralise” les personnages illustres, les montre dans un contexte familial, amoureux, intime33. »

    18L’engouement pour l’accès aux documents d’archives en ligne est un autre indice. Il s’avère suffisamment fort et durable pour alimenter, au moins partiellement, des plans de développement de type entrepreneurial. Certes, les conseils généraux ont majoritairement opté pour la gratuité d’accès aux documents numérisés par les archives départementales, à commencer par les registres paroissiaux et d’état civil34. La quantité d’images mises en ligne est désormais considérable et les consultations des sites d’archives départementales importantes. En 2007, pour l’ensemble des services dépendant de la direction des Archives de France, 42 millions de pages étaient disponibles, attirant sur l’année 24 millions de visites pour 440 millions de pages vues35. Au 31 décembre 2010, les archives départementales offrent à la consultation plus de 175 millions de pages. La fréquentation atteint 28 889 308 connexions et plus de 1 milliard 858 millions de pages consultées. À cette même date, les archives municipales proposent 6,5 millions de pages. La fréquentation représente 2 043 665 connexions pour un total de 31 045 367 pages visionnées36. Pour autant, les services publics d’archives ne sont pas les seuls acteurs du marché de la généalogie online, pour partie détenu par des sites commerciaux où la consultation est financée par la publicité ou soumise à abonnement. En 2006, une enquête menée par Médiamétrie/NetRatings, à la demande du ministère de la Culture et de la Communication, pointait encore la faible notoriété des sites des archives nationales, départementales ou communales : 4 % seulement des Français sondés les connaissaient ; 21 % seulement des vrais généalogistes disaient en connaître au moins un37. Créé en 2000, le portail commercial Notrefamille.com se présente comme le « premier portail francophone dédié à la famille et à la quête d’identité ». La société édite trois sites Internet : Notrefamille.com (environnement familial), Genealogie.com (généalogie) et Cadeaux.com (vente en ligne de cadeaux personnalisés). Au cours de l’année 2008, l’audience totale atteint 5 millions de visiteurs uniques en moyenne par mois et près de 60 millions de pages vues mensuellement. Cette même année, le chiffre d’affaires de la société s’élève à 12,1 millions d’euros, se répartissant entre la vente de produits en ligne (71,7 %), la vente de services avec les abonnements et les accès aux bases de données (21,4 %) et la vente d’espaces publicitaires (6,9 %). Le résultat net après impôts se monte alors à 0,91 million d’euros. La société s’engage ensuite dans une politique de croissance interne et externe forte, alourdissant sa structure de charges : rubriques dédiées à la cuisine, à la santé, à l’horoscope, boutique en ligne (cartes postales anciennes, régionalisme), cadeaux personnalisés, féminisation des sites (studio de maquillage virtuel), pages mamans (guides des maternités, fiches juridiques, recherche de prénoms), création d’Intranets familiaux38, acquisition de l’encyclopédie médicale Santeguerir.fr en 2009 (pour 150 000 euros), acquisition également en 2009 de MediaDico.com, éditeur de dictionnaires en ligne (pour 750 000 euros), rachat d’Archimaine, opérateur de numérisation d’archives en 2010. Les effectifs croissent en parallèle : 30 personnes employées en 2009, 50 en 2010. Pour soutenir ces ambitieux projets, la société est introduite en bourse (Alternext) en 2007 et lève à cette occasion 7,1 millions d’euros. À partir de 2009, ce programme d’investissements se traduit à la fois par une augmentation de la fréquentation et par une érosion de la rentabilité, sanctionnée par une baisse du cours de bourse. Dès lors, le portail s’affiche en concurrent ouvertement déclaré des archives départementales en voulant permettre à tous les Français de faire leur généalogie sans se déplacer. Dans sa stratégie, les documents d’archives ne sont plus qu’un produit d’appel, visiblement efficace, pour développer ensuite un discours très globalisant sur la famille, la santé, la quête d’identité, le bien-être, l’être ensemble et vendre toute une série de produits et de services qui vont avec. En 2009, la société se dote d’ailleurs d’un nouveau logo montrant trois ballons en forme de cœur qui ont l’ambition de traduire cet ensemble de valeurs :

    « Le logo principal reprend les fondamentaux de NotreFamille.com, les ballons qui, à l’origine, symbolisaient le côté festif et intergénérationnel du site. Ils se sont mués, dans une interprétation plus moderne, en un cœur qui représente le portail NotreFamille.com comme un lieu de rencontre (les trois ballons se recouvrent), de partage (la limite des ballons n’est pas précise) et de lien social39. »

    19NotreFamille.com n’est pas le seul acteur du marché payant de la généalogie en ligne qui reste de taille restreinte en France par comparaison au Royaume-Uni où il représente environ 50 millions d’euros ou aux États-Unis où il est estimé à 200 millions de dollars. Le leader mondial en la matière est l’américain Ancestry, présent sur le Web depuis 1997. Issu de la mouvance mormone, le site revendique en 2007 5,6 millions de visiteurs uniques chaque mois et 300 millions de pages vues par mois sur ses sept sites aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Canada, en Australie, en Allemagne, en Italie et en France. Cette même année 2007, la société est valorisée à hauteur de 210 millions d’euros à l’occasion de son rachat par un fonds d’investissement. En octobre 2012, une nouvelle cession à un fonds de capital-investissement intervient et valorise la société pour 1,6 milliard d’euros40. Au 31 décembre 2011, la société affiche un bénéfice net de 63 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de 400 millions de dollars. Ses projets de développement sont ambitieux. En juin 2010, la version française du site, Ancestry.fr, noue un partenariat avec Le Monde pour alimenter une rubrique généalogie sur le site Internet du quotidien. En mars 2011, le site, désormais géré depuis le Luxembourg, propose la version française d’une application pour créer et montrer un arbre généalogique sur iPhone ou iPad. Créé en 1996, un temps allié à NotreFamille.com, le site Geneanet prend rapidement le statut de société anonyme. Il disposerait aujourd’hui de 53 000 abonnés payants à son club Privilège et de 375 000 arbres en ligne41. En 2009, une rumeur fait état de négociations de rachat par Uni-éditions, une filiale du Crédit Agricole éditeur de presse familiale (Santé Magazine, Dossier familial42). On le voit, le secteur est à la recherche d’une structuration et marqué par des options stratégiques divergentes. Dans ce contexte, l’évolution des conditions de réutilisation des données publiques prend pour les différents opérateurs une importance cruciale.

    Les données publiques : une richesse économique ?

    20La réutilisation des archives publiques au titre de la législation sur les données publiques est un sujet d’une brûlante actualité pour les professionnels des archives et l’ensemble des services publics d’archives. La question est suffisamment complexe pour que le rapport de Maurice Quénet Quel avenir pour les Archives de France ?, rendu public en avril 2011, renvoie sa résolution à une étude à commander au Conseil d’État, alors même que cette problématique figure expressément dans sa lettre de mission43. Dans ce contexte, nous nous garderons bien de prendre position. Notre ambition n’est pas non plus juridique. Nous voudrions simplement faire remarquer que ce débat traduit aussi de manière complexe, au-delà des enjeux institutionnels, une certaine forme de demande sociale. Le gouvernement l’enregistre par étapes. La circulaire du Premier ministre du 26 mai 2012 proclame comme priorité gouvernementale le fait de

    « faciliter l’accès en ligne aux informations publiques dans un souci de transparence de l’action de l’État et leur réutilisation afin de favoriser l’innovation »

    21et dénonce les

    « cloisons artificielles qui ont trop souvent constitué des freins au développement de l’innovation dans notre pays ».

    22Historiquement, c’est une ordonnance du 6 juin 2005, transposant une directive européenne du 17 novembre 2003, qui ajoute à la loi du 17 juillet 1978 sur la liberté d’accès aux documents administratifs un chapitre intitulé « de la réutilisation des informations publiques ». Le principe général est celui de la libre utilisation, à d’autres fins que celles de service public, des informations contenues dans les documents produits ou reçus par les administrations et légalement accessibles. Cette réutilisation peut être gratuite ou donner lieu à la perception d’une redevance. Ce principe général est encadré de diverses manières : respect de la propriété intellectuelle, protection des données à caractère personnel, exclusion des services publics à caractère industriel et commercial. Ce principe général connaît aussi des exceptions. Les établissements d’enseignement et de recherche ainsi que les organismes culturels se voient octroyer un régime dérogatoire : ils fixent eux-mêmes les conditions de la réutilisation des données qu’ils détiennent.

    23Les services d’archives ont voulu voir dans ce régime dérogatoire la faculté de proroger des conditions de réutilisation restrictives : autorisation préalable systématique accompagnée du paiement d’une redevance. C’est, par exemple, le raisonnement suivi dans la mention légale de la base Archim des Archives nationales :

    « En matière de réutilisation, les Archives nationales sont un service culturel au sens de l’ordonnance no 2005-650 du 6 juin 2005. […] Elles bénéficient donc d’un régime dérogatoire et fixent elles-mêmes leurs règles de réutilisation des données publiques. Toute diffusion sous quelque forme et sur quelque support que ce soit (papier, audiovisuel ou numérique), pour quelque finalité que ce soit (pédagogique, scientifique ou commerciale), doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable auprès des Archives nationales. L’autorisation de réutilisation pourra être donnée pour les usages exclusivement déclarés par l’utilisateur lors de sa demande, le cas échéant contre paiement d’une redevance de réutilisation44. »

    24Dans deux avis et un conseil du 25 mars 2010, la CADA estime que la dérogation prévue par la loi ne confère pas aux services culturels

    « un pouvoir discrétionnaire leur permettant d’apprécier l’opportunité de faire droit ou non à une demande de réutilisation ».

    25La commission ajoute qu’une éventuelle interdiction de réutilisation par un service d’archives doit être

    « justifiée par des motifs d’intérêt général suffisants » et être « proportionnée à la sensibilité des données en cause »

    26et

    « à la nature de l’usage envisagé45 ».

    27Depuis, le débat a pris une tournure passionnée, notamment en raison de l’agressivité de la société Notrefamille.com, tant comme réutilisateur de documents numérisés que comme opérateur de numérisation.

    28Dans ce débat, les archivistes apparaissent, à tort ou à raison, réticents ou frileux, l’exemple même de ces « gate keepers », ces gardiens de l’ordre culturel et politique décrits par Dominique Cardon, qui souhaitent conserver leur monopole de transmission parce qu’il est leur raison d’être46. Les raisons avancées par les archivistes eux-mêmes tiennent à la protection des données à caractère personnel47 et au risque de marchandisation de la culture48. Un certain sentiment de dépossession, après tant d’efforts consentis en faveur de la numérisation des collections publiques, est également perceptible :

    « La plupart des directeurs d’archives départementales demeure très réservée sur la réutilisation des archives publiques. Leur crainte est de voir les réutilisateurs récupérer seuls le fruit de la politique active de numérisation qu’ils ont réussi à impulser49. »

    29La position des archivistes ne fait que refléter un scepticisme partagé par une bonne partie de l’administration culturelle, véritable parent pauvre de l’Open Data aux yeux de ceux qui y sont favorables. De fait, en juin 2012, sur les 354 894 jeux de données50 disponibles sur data. gouv.fr, la plate-forme française de données publiques gérée par Etalab, 219 seulement proviennent du ministère de la Culture, soit moins de 0,1 %51. Raison de plus pour se tourner du côté des promoteurs de l’Open Data pour mieux comprendre. Opérateurs ou simples soutiens, qui sont-ils ? Sont-ils uniquement mus par des intérêts commerciaux ?

    30Il convient d’abord de rappeler que le droit de la réutilisation des informations du Secteur Public (ISP), d’origine communautaire, constitue un axe politique fort de la Commission européenne qui œuvre en ce sens depuis deux décennies avec beaucoup de ténacité et de conviction52. Ajoutons immédiatement que les motivations de la Commission sont presque exclusivement d’ordre économique53. La libération des ISP est un élément d’une stratégie numérique globale qui doit favoriser l’innovation, générer de la richesse économique et créer des emplois. Dès 1998, dans un livre vert intitulé L’information du secteur public : une ressource clef pour l’Europe, la commission affirme qu’une

    « mise à disposition sans entrave de l’information publique est une condition absolument préalable à la compétitivité de l’industrie européenne54 ».

    31L’étude Mepsir (Measuring European Public Sector Information Resources) réalisée en 2006 à la demande de la Commission, estime que la réutilisation des informations du secteur public, gratuitement ou contre paiement, génère dès cette époque un chiffre d’affaires annuel d’au moins 27 milliards d’euros. Selon Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission chargée de la stratégie numérique depuis 2009, le seul marché des applications mobiles fondé sur des informations publiques réutilisées pourrait représenter 15 milliards d’euros en 2013. On pourrait multiplier les exemples d’études économiques d’origine européenne soit sur l’état du marché de l’information à un moment donné, soit sur les bénéfices potentiels attendus de l’ouverture des données publiques, non sans réserves méthodologiques d’ailleurs55. C’est bien dans cet esprit de création de richesse économique que la Commission juge aujourd’hui la directive de 2003 insuffisamment efficace, qu’elle en prépare la révision pour 2012 et qu’elle a lancé à cet effet une consultation publique en 201056. L’attractivité économique des données publiques se lit de manière évidente dans les contentieux judiciaires intentés par les réutilisateurs potentiels. De ce point de vue, l’action introduite par Notrefamille.com contre le conseil général du Cantal pour refus de mise à disposition des listes nominatives de recensement de 1831 à193157 se situe dans la droite ligne de celles de la société du Journal téléphoné contre la direction de la Météorologie nationale en 1992 ou de la société Communication média services contre France Télécom en 199658.

    32Les réutilisateurs de données publiques ne sont pas isolés. Ils bénéficient de diverses structures de représentation auprès des décideurs et de nombreux relais dans l’opinion. Le Groupement Français de l’Industrie de l’Information (GFII) ou la Fondation Internet nouvelle génération sont particulièrement actifs. Le Groupement français de l’industrie de l’information regroupe les principaux acteurs du marché de l’information, privés ou publics, et se présente ouvertement comme un

    « groupe d’influence pour faire valoir et défendre le point de vue des professionnels de l’information électronique ».

    33Dès 1997, il met sur pied un groupe de travail interassociatif sur les données publiques59, actuellement animé par le directeur du développement des contenus en ligne de la maison d’édition juridique Lexis-Nexis, Denis Berthault. Un de ses sous-groupes est exclusivement consacré depuis 2010 aux données des archives départementales, en relation avec l’Association des Archivistes Français (AAF). Depuis une dizaine d’années, le GFII multiplie les journées d’étude, colloques et congrès pour faire connaître les données publiques et sensibiliser aux avantages de leur ouverture : La diffusion des données publiques, état de l’art, le 25 mars 2002 à l’Assemblée nationale ; La réutilisation des données publiques : un enjeu majeur pour la société européenne de l’information, à l’Assemblée nationale le 19 novembre 2004 ; Diffusion et réutilisation des données publiques : un nouveau marché à haut potentiel, le 27 janvier 2006 à la Maison de l’Europe ; L’ouverture des informations publiques : un enjeu pour le développement de l’économie numérique, le 20 mai 2010, etc. Il coorganise depuis 2003 I-expo, salon annuel de l’information numérique. La revue professionnelle Documentaliste, sciences de l’information, rend compte régulièrement de toutes ces initiatives.

    34Créée en 2000, la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) entend stimuler toutes les actions contribuant au développement des usages d’Internet et prétend au statut de « think tank » de référence en matière de transformations numériques. Elle publie Internet Actu, lettre et flux d’information en ligne. L’association se lance plus tardivement que d’autres dans la défense de l’Open Data, à partir de 2010 seulement, notamment par le biais d’un appel d’offres visant à faire émerger des territoires pilotes en matière de mise à disposition des données publiques. Elle se dote alors d’un chef de projet « Partage des données publiques », en la personne de Charles Népote, un spécialiste du Web sémantique et du wiki. En décembre 2010, elle organise des Assises nationales de la réutilisation des données publiques à Bordeaux. Derrière ces deux structures fédératrices et d’audience nationale, évolue toute une nébuleuse d’organisations et groupements aux statuts divers, plus ou moins nettement para-administratifs, plus spécialisés, géographiquement ou thématiquement : AFIGÉO (Association Française pour l’Information GÉOgraphique), ACSEL (Association pour le Commerce et les Services En Ligne), GESTE (Groupement des éditeurs de services en ligne), FIGEC (Fédération nationale de l’information d’entreprises et de la gestion des créances), SPDG (Syndicat professionnel de la géomatique), SMC France (Social Media Club France, version française du Social Media Club californien), etc. Tous ces organismes sont à l’origine de nombreuses conférences et rencontres qui adoptent de préférence des formes modernes et participatives : cafés Open Data, Open Data BarCamps (ateliers événements participatifs), Open Data Garage (congrès), hackathons (séances de programmation informatique collective), Data Week (Semaine européenne de l’Open Data à Nantes, du 21 au 26 mai 2012), Fab Lab (Fabrication Laboratory, lieu de fabrication numérique ouvert).

    35Créée en décembre 2009 dans la foulée d’un Open Data Barcamp à Paris, l’association nantaise LiberTIC développe à l’échelle de la région nantaise un programme d’action assez emblématique de cette sphère associative. Elle propose une carte de France des initiatives d’ouverture des données publiques, tenue à jour de manière participative, et publie avec Communes.com un « baromètre de l’Open Data » en France60. Après s’être fait connaître en lançant en 2011 une pétition en ligne réclamant l’ouverture des données publiques de Nantes, l’association se donne un rôle d’animation de la communauté Open Data nantaise en proposant des rencontres, des ateliers et des formations. Elle travaille actuellement à la création de supports pédagogiques en ligne pouvant constituer un « cursus Open Data » afin de diffuser la « culture des données ». Subventionnée par la ville de Nantes, animée par une déléguée générale médiatiquement très présente, Claire Gallon, elle joue de fait un rôle de relais, souvent proche du lobbying, entre l’administration et les valorisateurs potentiels de données publiques. L’action « Ouverture des Données événementielles » (ODE) qu’elle lance en novembre 2011 en faveur de la réutilisation des agendas d’événements culturels, en partenariat avec Stereolux, opérateur culturel symbolique du lieu nantais de l’émergence artistique qu’est La Fabrique, est typique de la capacité de ce type d’associations à mener des projets en mode collaboratif ou participatif, à se mouvoir avec aisance dans la proximité institutionnelle des collectivités territoriales et à enrôler dans une militance des acteurs d’horizons a priori divergents.

    36Il est certes difficile de mesurer le poids de ces milieux promoteurs de l’Open Data et il ne fait pas de doute que ces formes de « médiactivismes61 » trouvent des résonances médiatiques qui peuvent dépasser leur influence réelle. Il est tout aussi certain qu’ils représentent aujourd’hui une véritable puissance tout à la fois organisée, efficace et convaincue. Internet Actu revendique 100 000 lecteurs mensuels en 2009, 4,3 millions de pages vues par an ou 11 000 abonnés au fil RSS et peut se targuer de partenariats prestigieux avec Le Monde. fr ou Rue89.com, deux sites qui reprennent ses contenus. Il bénéficie également d’un partenariat avec l’émission consacrée depuis 2007 par France Culture à Internet et aux technologies de l’information, « Place de la toile ». La « lecture de la semaine » proposée par le producteur de l’émission, Xavier de La Porte, est systématiquement reprise sur le site d’Internet Actu. On aurait également tort de se représenter ces milieux comme exclusivement issus de la sphère privée et spécialement des entreprises du secteur marchand de l’informatique ou de l’information. La FING affiche parmi ses principaux soutiens la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et le département des Bouches-du-Rhône ou la ville de Marseille et compte 27 collectivités locales parmi ses 238 adhérents en 2011. Cette même année 2011, les collectivités publiques apportent 66 % des 2,3 millions d’euros de recettes enregistrées par les comptes de l’association62.

    37Surtout, dans le discours des promoteurs de la réutilisation des données publiques, beaucoup plus que dans celui de la Communauté européenne, l’intérêt économique n’est pas le seul à être mis en avant ; il se pare d’un intérêt social et politique. Parce qu’elles résultent de l’activité des collectivités publiques, qui exercent principalement des missions de service public, les données publiques ne sont pas seulement porteuses d’une valeur informative. Selon eux, leur diffusion peut aider à atteindre de multiples objectifs : réduction de la fracture numérique, transparence de l’État, égalité des citoyens devant l’information. C’est en cela que les partisans de l’ouverture des données publiques préfèrent parler d’Open Data voire d’Open Government, du nom du projet lancé par Barack Obama en 2009, plutôt que de réutilisation de données publiques. On parle aussi d’Open source governance pour mettre l’accent sur la participation des citoyens à l’élaboration des politiques publiques qui est espérée de la libération et de la réutilisation des données publiques. Les exposés nantais sur l’Open Data s’ouvrent volontiers sur cette citation du philosophe Bernard Stiegler :

    « L’open data est un événement d’une ampleur comparable à l’apparition de l’alphabet qui, comme technique de publication, c’est-à-dire de rendu public, est au fondement de la res publica, tout comme à ce qui s’est déroulé après Gutenberg et la Réforme, généralisant l’accès à l’écriture imprimée et au savoir. »

    Image

    Figure 5. – « Hackathon Open Tourisme », week-end dédié à la création de projets utilisant des données Open Data organisé à Marseille du 9 au 11 novembre 2012 par Bouches-du-Rhône Tourisme, la SNCF et Google sous la direction de BeMyApp. (Cliché BeMyApp.)

    38Cette phrase est reprise à l’envi sur des sites comme RSLN (Regards Sur Le Numérique), OWNI (Objet Web Non Identifié) ou le moteur de recherche communautaire Pearltrees. Les connexions entre les milieux Open Data et les tenants de la démocratie participative, de l’e-démocratie et de la gouvernance 2.0 sont fréquentes et naturelles. C’est ainsi que des associations comme Regards citoyens, connue pour ses applications de suivi de l’activité des parlementaires (site nosdeputes.fr), Décider ensemble, « association nationale pour la concertation entre décideur et citoyens » présidée par le député UMP de la Meuse Bertrand Pancher63, ou un groupe de réflexion orienté vers la dénonciation des « abus de la bureaucratie » comme l’IFRAP (Fondation pour la Recherche sur les Administrations et les Politiques publiques), voire une association d’éducation populaire comme Les Petits Débrouillards se mobilisent spontanément en faveur de l’Open Data.

    39Ce n’est donc pas un hasard si, en 2009, les conclusions du groupe de travail formé par le ministère de la Culture sur le patrimoine culturel numérisé prennent la forme d’un rapport intitulé Partager notre patrimoine. Ce titre est un acte politique : il entend situer la réutilisation des données publiques au cœur des missions fondatrices du ministère en en faisant un nouvel outil de démocratisation culturelle64. Leader proclamé de l’ouverture des données publiques au sein des collectivités territoriales, la ville de Rennes dit en attendre à la fois une dynamique entrepreneuriale et un renouvellement du management public. Pour certains, cet objectif sociétal commande la gratuité de la réutilisation ou la mise en place de licences les moins chères et les plus simples possibles. La ville de Rennes et Rennes Métropole ont opté pour la gratuité. Le rapport Ory-Lavollée plaide pour des coûts d’accès faibles. Le mouvement Open Data réclame la gratuité. La Fédération française de généalogie réclame une réutilisation libre et gratuite, notamment pour des usages scientifiques et amateurs65. Un « appel pour préserver une généalogie libre basée sur l’entraide et le partage » aurait rassemblé 30 000 signatures en 2009-2010, dont 75 associations à caractère généalogique. Mais pour d’autres acteurs de la réutilisation des données publiques, le lancement d’une véritable dynamique de réutilisation des données publiques passe au contraire par des licences payantes : c’est l’échange marchand qui est porteur d’un accès plus large et inventif aux données publiques et qui permettra l’avènement d’un nouveau citoyen à la fois usager et producteur de services à valeur ajoutée. L’Agence du patrimoine immatériel de l’État, se fondant sur une étude réalisée en 2010 par le Bureau d’économie Théorique et Appliquée de l’université de Strasbourg (BETA), plaide pour des licences payantes avec un coût modulé en fonction de la qualité des données libérées, de leur degré d’élaboration ou de structuration66. Les auteurs estiment que l’émergence d’une économie des données publiques suppose la mise à disposition de données enrichies pour lesquelles le consentement à payer des réutilisateurs peut être élevé, en fonction des gains espérés. Néanmoins, l’État a finalement choisi la gratuité par défaut sur sa plateforme data. gouv.fr.

    Images d’archives : quel marché ?

    40Depuis la fin des années 1970, les images en général connaissent une véritable explosion de leurs usages : scientifiques, pédagogiques, fictionnels, de loisir. Cette dynamique des usages s’accompagne d’une diversification des supports d’échange qui, en un cercle vertueux, renforce le phénomène : cinéma, télévision, Internet, téléphonie. L’intérêt pour l’image d’archives s’inscrit dans ce mouvement général. L’image d’archives attire, elle légitime, elle est recherchée, fixe ou animée, archives photographiques ou archives audiovisuelles67. La recherche en études cinématographiques connaît bien les images d’archives et les conditions de leur emploi, qu’elles soient insérées dans des œuvres de fiction pour susciter un effet de réel ou utilisées comme matériau de nombreux documentaires. Les angles d’attaque peuvent être narratologiques et envisager la place des images d’archives dans l’élaboration du récit cinématographique ; ils peuvent être esthétiques et porter sur le pouvoir de représentation du réel par les images d’archives ; ils sont fréquemment sémiologiques et traitent de la production de sens par les images d’archives en tant qu’agents de construction ou de dévoilement du réel68. L’œuvre du cinéaste cambodgien Rithy Panh, spécialement S 21, la machine de mort khmère rouge (2002), constitue de ce triple point de vue un terrain d’étude privilégié, à la mesure de sa créativité dans « la manipulation de l’archive »69.

    41Le positionnement des historiens est plus circonspect, voire gêné. S’ils sont habitués à les soumettre dans le cadre de leurs travaux à un regard critique, éloquemment illustré par la mythique émission Histoire parallèle de Marc Ferro (1989-2001), l’utilisation documentariste des archives induit un perturbant changement de statut. Dans toute la production documentaire, le statut des archives n’est plus celui d’un document porteur d’une réalité historique à construire scientifiquement. Les archives iconographiques, sonores ou audiovisuelles, deviennent un vecteur d’émotion, riche de multiples facettes. Plusieurs études soulignent l’absence de différence cognitive importante entre la réception documentaire et la réception fictionnelle70. Si, cherchant à définir une spécificité à l’investissement imaginaire suscité par le documentaire à base d’archives, Sylvain Dreyer parle « d’émotion historique ou mémorielle » ce n’est nullement pour caractériser un rapport de type historique aux images mais pour désigner la capacité des images d’archives à favoriser chez le spectateur des allers et retours entre passé et présent :

    « Le film d’archive permet à la fois une renaissance du passé dans le présent et une lecture présente d’images en voie de déshistoricisation71. »

    42Sylvain Dreyer parle aussi « d’émotion transactionnelle » pour décrire la fonction des images d’archives qui, porteuses tout à la fois d’une valeur testimoniale et d’une capacité à échapper à l’histoire, sont au cœur d’un processus de négociation entre « l’émotion programmée par le monteur d’archives et l’émotion investie du spectateur72 ». En tout cas, c’est bien le potentiel émotionnel des archives qui est recherché. Dès lors, toute une série de questions se posent à l’historien, touchant aux possibilités de diffusion des acquis historiographiques récents, à la frontière entre le documentaire et la fiction, à son rôle même comme conseiller historique d’une production. Rares sont les prises de parole qui, comme celle d’Annette Becker, avouent une forme de désarroi succédant à un désir de partage et de transmission, à l’issue d’une collaboration certes particulièrement décevante avec Jean-François Delassus, réalisateur de 14-18, le bruit et la fureur :

    « Jamais je n’aurais pensé que c’était le rôle du conseiller historique sur un film. Le conseiller historique est là pour réfléchir à une compréhension globale des choses et pas pour faire fonction de maître d’école. Pour ma part, j’ai beaucoup hésité à continuer à travailler avec eux. Et je me suis dit : il y a peut-être là une façon de pouvoir faire passer en prime time, à un grand public, des choses auxquelles je crois et sur lesquelles je travaille depuis 25 ans. […] je dois dire que je ne suis pas prête à recommencer une telle expérience, alors que j’étais vraiment pleine de bonne volonté pour essayer de voir comment la recherche la plus pointue pouvait être mise à la portée du grand public73. »

    43De fait, le documentaire historique fait aussi, peut-être même surtout, partie d’une économie de l’histoire, aux côtés du roman historique, de la généalogie, des jeux historiques, des sons et lumières, des spectacles de reconstitution historique, des musées historiques ou ethnologiques74. C’est sur ces aspects économiques, sur le rôle des archives dans le fonctionnement de ce marché, que l’on souhaite s’interroger.

    44Les premiers éléments de réflexion sont de nature quantitative. Isabelle Veyrat-Masson note une hausse spectaculaire du nombre de documentaires diffusés à la télévision à partir de 1996 ainsi qu’une augmentation, plus modeste, du temps passé par les téléspectateurs à regarder des documentaires historiques, exprimé en minutes-téléspectateurs, à partir de la même date75. Une étude d’ensemble conduite par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) fournit une bonne photographie du marché du documentaire à la date de 2010. Au cours de cette année 2010, on recense 2 075 documentaires produits en France dont 27 films de long métrage de plus d’une heure, tous sujets confondus76. Cette même année, les documentaires représentent à la télévision presque 15 % du volume horaire total diffusé des chaînes nationales historiques (TF1, France 2, France 3, France 5, M6, Arte), soit 81 films et 6 895 heures de programme77. L’audience est globalement au rendez-vous, quoique inférieure au volume de l’offre. Sur les grandes chaînes nationales historiques, la consommation du genre documentaire s’établit à 38 heures annuelles par spectateur âgé de plus de quatre ans. Les téléspectateurs y consacrent donc 4,6 % de leur temps d’écoute de ces mêmes chaînes. Ajoutons que le documentaire français s’exporte bien et représente une part significative des ventes de programmes audiovisuels français à l’étranger. En 2009, les exportations de documentaires atteignent 23,2 millions d’euros, soit 23,1 % des ventes totales de programmes audiovisuels français : le documentaire est le deuxième genre de programmes le mieux exporté après l’animation78.

    45Une étude compilatoire menée en mars 2011 à partir des statistiques annuelles du CNC par le Réseau des Organisations du Documentaire (ROD) permet de saisir quelques éléments de dynamique sur la période 2000-2010, avec des éclairages antérieurs, ce qui est précieux pour un marché qui peut connaître de fortes variations annuelles. Sur le moyen terme, l’évolution de la production d’heures de documentaire montre un accroissement quasi continu qui aboutit en vingt ans à un volume horaire multiplié par plus de vingt : de moins de 100 en 1986, le nombre d’heures produit dans une année double en 1987, se stabilise autour de 300-400 heures entre 1988 et 1994 ; il est multiplié par deux entre 1994 (406 heures) et 1995 (939) ; il atteint 1 153 heures en 1997 et passe à 2 748 heures en 2002 ; il se maintient ensuite à un niveau élevé pendant la décennie 200079. Les créations de France 5 puis d’Arte expliquent en partie ce phénomène de croissance soutenue et durable. La diffusion suit la production et réciproquement. Le volume de diffusion sur les chaînes historiques hertziennes s’établit à un niveau élevé tout au long des années 2000, autour des 5 000 heures annuelles80. Le nombre de films documentaires diffusés à la télévision est multiplié par 2,8 entre 2000 et 2010, principalement à cause de la demande provenant d’Arte81.

    46Cette production n’est pas entièrement historique, mais l’histoire y tient une place qui, pour rester minoritaire, n’en est pas moins significative et, pourrait-on dire, incontournable. Le classement par sous-genre proposé annuellement par le CNC montre un palmarès stable. La catégorie des documentaires de société, certes accueillante, représente près de 47 % du volume horaire total de documentaires aidés en 2010. La géographie et les voyages viennent en deuxième position, mais loin derrière avec seulement 8 %. L’histoire est toute proche, en troisième position, avec un peu plus de 7 %. La part du documentaire historique est actuellement en progression, principalement à cause des besoins de la chaîne Arte. Elle augmente de 41 % entre 2009 et 201082. En 2011, l’histoire devient le second thème des documentaires commandés par les chaînes de télévision, devant la géographie, en léger recul avec 6,8 % du total83. L’importance du documentaire historique se lit aussi, d’une manière presque amplifiée, dans les succès d’audience qui placent souvent une ou plusieurs productions historiques dans les meilleures audiences de l’année. En 2008, 14-18, le bruit et la fureur est la meilleure audience annuelle de tous les documentaires diffusés à la télévision, toutes catégories confondues : 5,893 millions de téléspectateurs, soit 21,3 % de part d’audience. Le 25 octobre 2011, le documentaire historique français Apocalypse, Hitler réunit près de 6,5 millions de téléspectateurs, se plaçant largement en tête des audiences constatées le jour de sa diffusion, surclassant les séries américaines diffusées à la même heure sur TF1 (Les Experts : Manhattan) et M6 (Desperate Housewives)84. Si on limite l’analyse à la seule chaîne Arte, on constate qu’un documentaire historique au moins figure au palmarès des cinq meilleures audiences de documentaires enregistrées par la chaîne dans l’année écoulée : Les combattants de l’ombre, 5e épisode, en 2011 (3e audience avec 1,135 million de téléspectateurs et 4 % de parts d’audience) ; 39-40, la guerre des images (1re audience avec 1,420 million de téléspectateurs et 5,5 % de parts d’audience) et 1916, l’enfer de la Somme (4e audience avec 1,036 million de téléspectateurs et 3,9 % de parts d’audience) en 201085. La chaîne affirme ses choix en proposant en 2009 et 2011 une collection de dix documentaires historiques intitulée Mystères d’archives. Les documentaires historiques obtiennent également des notes élevées dans le baromètre qualitatif réalisé par Harris Interactive pour le compte de France Télévisions. En 2009, les documentaires les plus appréciés de la chaîne France 2 sont tous des documentaires historiques à l’exception du Home de Yann Arthus-Bertrand, avec des notes de satisfaction supérieures à 8 sur 10 : Apocalypse, la Deuxième Guerre mondiale (8,8 sur 10), Un mur à Berlin (8,6), Einsatzgruppen, les commandos de la mort (8,6), Home (8,5) et Mais qui a tué Maggie ? Les derniers jours de Margaret Thatcher (8,1)86. À l’exportation, la vente de « programmes historiques “haut de gamme” à base d’images d’archives » constitue une tendance des années 201087. Apocalypse, série de 6 épisodes de 52 minutes consacrée à la seconde guerre mondiale par la société Clarke Costelle & Co spécialisée dans le documentaire à base d’archives, fait figure selon le CNC de « blockbuster français ». Elle a été vendue dans 170 pays et vue par plus de 100 millions de téléspectateurs dans le monde. Ce succès n’est pas isolé. Les analystes du CNC considèrent que

    « le documentaire historique est probablement l’un des genres de documentaire français qui voyage le mieux88 »

    47et le ministère des Affaires étrangères juge bon de consacrer en avril 2012 un numéro d’Actualité en France au « succès international du documentaire français », présenté comme un facteur de la « diplomatie culturelle » de la France. Si les programmes historiques à base d’images sont perçus comme un produit haut de gamme, c’est que les images d’archives ont la réputation de coûter cher. Yves Jeuland, auteur et réalisateur de documentaires où les archives jouent un rôle souvent prépondérant (Camarades, Comme un juif en France, Le siècle des Socialistes), rappelle qu’un

    « film “tout archives”, c’est avant tout un défi financier, car les archives coûtent cher et beaucoup de producteurs tentent de vous dissuader de ce choix89 ».

    48En 2009, la diffusion par France 2 en début de soirée de la série Apocalypse ne provoque pas seulement de vifs débats quant à la colorisation des images et l’orientation historiographique du propos90 ; elle est aussi l’occasion pour la grande presse de présenter les conditions de production d’un documentaire à base d’archives. L’accent est mis sur le prix des archives. Chacun des six épisodes de la série a coûté 600 000 euros91. Les journaux insistent sur les archives qui grèvent les budgets de production et rappellent que seuls quelques documentaires peuvent se permettre le « tout-archives92 ».

    49Les débats autour du documentaire Apocalypse sont aussi l’occasion de médiatiser le travail de recherche des images d’archives, de porter les lieux de conservation à la connaissance du grand public, de dévoiler toute une filière économique. Le nombre de sociétés françaises de production de documentaires, tout genre confondu, atteint un niveau record en 2010 : 616 entreprises actives contre 536 en 2009, 562 en 2008 et 530 en 2007 et 467 en 2006. Ces chiffres élevés traduisent l’existence de nombreuses sociétés de taille réduite, parfois régionales comme la société limousine Pyramide production fondée en 1988 à Eymoutiers par Patrick Séraudie, réalisateur d’Une vie avec Oradour en 2011. Ils ne doivent pas cacher une incontestable tendance à la concentration : 10 % environ des entreprises, 62 en 2010, réalisent à elles-seules 50 % des durées annuellement produites93. Quelques sociétés affichent une spécialisation dans la production de documentaires historiques, jamais exclusive néanmoins. Outre CC & C (Clarke Costelle& Co), on peut citer quelques noms : Program 33, d’abord spécialisée dans les programmes musicaux, mais qui inclut le documentaire historique dans son champ d’activité depuis 2003 avec notamment les séries Nos années 70, Nos années 80 et 14-18, le bruit et la fureur et se classe parmi les dix premiers français, toutes catégories de documentaires confondues, en produisant 30 à 40 heures annuellement94 ; KUIV Productions, créée en 1978 par Michel Rotman, producteur de la série Les brûlures de l’histoire, réalisée par Patrick Rotman et diffusée par France 3 entre 1993 et 1997 ; la Compagnie des phares et balises créée en 1992, producteur, entre autres, de Paris à tout prix (2001) ou de Musulmans de France (2009) ; JEM Productions dont on connaît les séries Histoire de la diplomatie française (2007), Histoire de l’armée française (2005) ou Histoire de la police française (2003).

    50Une même tendance à la concentration s’observe du côté des acteurs de la fourniture et de la commercialisation des images d’archives. La dispersion était historiquement la marque des archives iconographiques et audiovisuelles, avec des opérateurs très divers quant à leurs statuts comme dans leurs objectifs95. À côté des grands acteurs institutionnels comme l’INA (Institut National de l’Audiovisuel), l’ECPAD (Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense) ou les Archives du film, les acteurs privés s’organisent, jouent un rôle actif et imposent le modèle de la banque d’images en ligne. Les impératifs commerciaux poussent aux regroupements : seules les grosses structures sont en état de supporter les coûts de numérisation et d’offrir à leurs clients de grandes masses numérisées leur évitant de se disperser entre différents sites. Le regroupement des archives d’actualités cinématographiques et audiovisuelles de la Cinémathèque Gaumont et de Pathé Archives en décembre 2003 est typique. La nouvelle société, Gaumont Pathé Archives, se présente comme la « première banque francophone d’images animées noir et blanc et couleur ». Pour l’exercice 2011, la vente d’archives et autres produits dérivés par Gaumont Pathé Archives s’élève à 6,966 millions d’euros soit près de 6 % du chiffre d’affaires total du groupe Gaumont pour la même année96. L’émergence de géants américains comme Getty images ou Corbis atteste aussi du phénomène, même si ces méga-agences ne sont pas exemptes de dysfonctionnements et si leurs ambitions initiales, y compris en termes de numérisation, sont souvent revues à la baisse97. Fondée en 1995 notamment par Mark Getty, petit-fils du milliardaire américain Jean Paul Getty, Getty images s’est illustré par le rachat en 1999 de l’Image Bank au groupe Kodak pour un montant de 174 millions d’euros ; créée en 1989 par Bill Gates, Corbis rachète la Bettmann Archive en 1995 puis l’agence française Sygma en 1999. Getty images et Corbis sont surtout tournées vers le marché de la publicité qui représentait en 2004 environ 70 % de leurs chiffres d’affaires. Il est vrai que le marché mondial de la photographie de publicité et de communication était estimé en 2004 à 3 milliards d’euros, dont 1,2 milliard en archives et 2,1 en production98.

    51Tous les détenteurs d’images d’archives, quel que soit leur statut, sont engagés dans des politiques de valorisation systématique de leurs fonds avec des objectifs de rentabilité commerciale. L’évolution du positionnement stratégique de l’INA (Institut national de l’audiovisuel), sous le statut inchangé d’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial), exprime une tendance lourde. Le troisième contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’INA conclu pour la période 2010-2014 prévoit clairement l’intensification de ses efforts de commercialisation, tant en direction des professionnels par le biais du site InaMédiaPro lancé en 2004, que des particuliers avec Ina.fr lancé en 2006. Depuis 2000 et le rapport public de la Cour des comptes qui avait décrit un établissement « en situation critique » et posé la question de sa viabilité99, l’INA a opté pour un modèle économique d’entreprise culturelle à part entière : ressources publicitaires, éditorialisation des archives (démultiplication d’un même contenu en fonction des cibles de clients), mise en perspective des archives avec l’air du temps (vidéo du jour), vidéo à la demande, programmes de rattrapage pour télévisions connectées (Ina Premium). On pense aussi à la politique de l’AFP (Agence France Presse) en la matière. Depuis le début des années 2000, l’agence passe des accords multidirectionnels pour la commercialisation de ses archives, avec l’INA, avec l’américain Getty ou l’allemand Framepool, tout en développant ses propres structures comme l’Atelier des archives, créé en 2004100. Le montage juridique et financier mis en place en 2005 par la ville de Paris pour exploiter, numériser et valoriser ses collections photographiques ainsi que celles de l’agence Roger-Viollet reçues en legs témoigne bien de la prise de conscience par une collectivité publique de la capacité d’un fonds d’images d’archives à générer de la valeur économique. Créée en juillet 2005, la Parisienne de photographie est une société d’économie mixte locale détenue à 67,5 % par la ville de Paris qui reçoit de la ville une délégation de service public incluant la gestion de l’ensemble du patrimoine photographique de la ville de Paris. La Parisienne de photographie est l’actionnaire unique de la SARL Roger-Viollet, placée en situation de subdélégataire d’une mission de service public. Dès 2008, la Parisienne de photographie génère 2,2 millions de recettes parvenant à équilibrer un budget annuel de 3 millions d’euros, avec la participation fixe de la ville de Paris aux missions de service public à hauteur de 800 000 euros101.

    52Comme tout marché, celui du documentaire dispose de ses lieux et de ses rendez-vous pour faire se rencontrer acheteurs et produits, de ses récompenses aussi. Dans le domaine strictement historique, le festival international du film d’histoire de Pessac, créé en 1990, est le plus connu. Généraliste, Sunny Side of the Doc a l’ambition d’être le marché de référence international professionnel du documentaire. Il a lieu chaque année en juin. L’édition 2011 a rassemblé à La Rochelle 1 743 participants, 455 exposants et près de 300 acheteurs, représentant 63 pays. Le documentaire historique y figurait en bonne place avec un forum intitulé Produire ou coproduire un documentaire d’histoire pour l’international, folie ou nécessité ? et une des cinq sections du concours du meilleur projet de documentaire BIPS (Best International Projects Showcase) était réservée à l’histoire. Ce rendez-vous est concurrencé par un salon qui a lieu également tous les ans à Sheffield en Grande-Bretagne, le Sheffield Doc/Fest. Le salon History Makers International est annuel lui aussi. Il réunit chaque mois de janvier à New York des producteurs, des programmateurs et des distributeurs autour de tous les programmes audiovisuels de nature historique. Parmi les nombreux prix décernés annuellement, on note un prix Best Use of Archive in a History Production. Apocalypse, Hitler l’obtient en 2012. Depuis 1985 l’association FOCAL (Federation Of Commercial Audiovisual Libraries) organise à Londres les FOCAL International Awards en partenariat avec les archives de l’Associated Press. Seize prix sont attribués chaque année pour récompenser l’utilisation des images d’archives dans les médias audiovisuels.

    Image

    Figure 6. – Archidoc 2009, atelier européen de formation proposé par La fémis à des réalisateurs qui développent un projet de film documentaire à base d’archives. (Cliché La fémis.)

    53Ultime signe de reconnaissance, l’utilisation des images d’archives est désormais enseignée et fait partie intégrante des cursus professionnels formant aux métiers de l’audiovisuel et du cinéma. La fémis, École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, lance en 2002 un programme de formation continue destiné à accompagner des réalisateurs européens dans un projet de film documentaire à base d’archives dénommé Archidoc102. L’INA n’est pas en reste avec, par exemple, en septembre-octobre 2011, un stage de vingt jours intitulé « Concevoir et réaliser un documentaire d’archives pour la télévision et le cinéma ». Outre les producteurs et les réalisateurs, la filière génère et identifie d’autres métiers spécialisés, notamment les documentalistes-recherchistes ou recherchistes. En charge du repérage des documents d’archives dans une production, mais aussi des aspects juridiques, financiers ou techniques liés à leur utilisation, les recherchistes disposent de leurs propres associations, vecteurs d’affirmation d’une identité professionnelle spécifique. L’existence, en France, d’une association des Professionnels de l’Image et des Archives de la Francophonie (PIAF) ou, au Canada, d’une Association des Recherchistes en Audiovisuel du Canada (ARAC et son équivalent anglophone Visual Researchers’Society of Canada, VRSC) illustrent la volonté d’autonomisation d’une profession depuis le tronc commun des documentalistes ou des iconographes.

    Injonctions communautaires

    54Les archives de mouvements sociaux, de partis politiques, de branches professionnelles, de syndicats constituent des catégories anciennes et bien établies103. Au cours des dix dernières années, en Angleterre, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, aux États-Unis ou au Canada, est apparue une terminologie nouvelle : les archives de communauté (community archives). Ces archives prennent aujourd’hui une importance inédite, deviennent un objet d’étude pour les professionnels, s’attirent un regard attentif de la part des institutions publiques. Dès 1989, un groupe se constitue au sein de la Society of American Archivists sous l’appellation Lesbian and Gay Archives Roundtable (LAGAR). Il publie une lettre d’information, Archival InQueeries, organise une journée d’étude annuelle et propose un guide en ligne d’archivage communautaire104. En 1998, dans le contexte particulier de sortie de l’Apartheid, les Gay and Lesbian Archives d’Afrique du Sud et les South Africa History Archives, une association dédiée aux archives des mouvements de lutte contre l’Apartheid, organisent une conférence sur l’archivage communautaire. En 2008, la quatrième édition de l’International Conference on the History of Records and Archives (ICHORA) organisée à Perth en Australie prend pour thème de réflexion « Minority reports : indigenous and community voices in archives105 ». Tout semble donc autoriser à parler, à l’instar de l’archiviste anglais Andrew Flinn, d’un véritable « mouvement des archives de communauté » (community archives movement106). Qu’y a-t-il de nouveau ? Cette émergence est-elle le fruit d’une demande sociale ? Qu’en est-il en France ?

    L’archiviste et les communautés : approches étrangères

    55On débat beaucoup chez les archivistes anglo-saxons sur ce que sont les archives de communauté et les définitions varient. Il est vrai qu’ici comme ailleurs le concept de communauté est redoutablement difficile à cerner et à employer. Deux ou trois critères peuvent aider à les distinguer des classiques archives privées. On parlera d’archives de communauté si l’on a affaire à des archives qui documentent l’histoire d’un groupe social qui, dans une société donnée, revendique une expression de son existence de type communautaire, et dont la collecte, la conservation ou la mise en valeur sont prises en charge par la communauté de manière significative – ce qui n’exclut pas forcément complètement la collaboration des archives publiques – et dont la conservation revêt pour la communauté une valeur particulière, qui dépasse l’activité de simple loisir. Pareille définition exclut notamment les archives administratives publiques éventuellement relatives à l’histoire de certaines communautés ou minorités et qui, en tant que telles, peuvent d’ailleurs faire l’objet de traitements particuliers par les archivistes publics, par exemple pour favoriser leur appropriation par les communautés concernées. Les actions de ce genre sont nombreuses dans certains pays où elles participent aussi de la prise en charge par les systèmes archivistiques nationaux d’une demande d’accès communautaire aux fonds d’archives publics. Les efforts développés par les archives australiennes dans la foulée du célèbre discours de Redfern du Premier ministre australien Paul Keating sur les torts des Australiens non aborigènes à l’égard des Aborigènes (1992) et à la suite du rapport Bringing them Home rendu par la commission australienne des droits de l’homme en 1995 pour permettre aux « générations volées » de retrouver leur histoire et d’accéder aux archives qui les concernent en fournissent une illustration exemplaire. Le travail archivistique de rédaction d’instruments de recherche, d’indexation, d’élaboration de bases de données nominatives, somme toute assez classique, entrepris pour permettre à ces enfants d’Aborigènes enlevés de force à leurs parents pour être placés dans des orphelinats catholiques ou des familles d’accueil blanches d’accéder à leurs origines biologiques, a été mené à bien avec l’aide des indigènes et planifié en accord avec les communautés indigènes107.

    56Les minorités raciales et sexuelles sont au cœur de la problématique. Si l’on s’en tient à une définition relativement stricte des archives de communauté, deux cas de figure se présentent, deux écosystèmes archivistiques se rencontrent. Dans un ordre que l’on pourrait qualifier de « communautaire croissant », on rencontre d’abord des programmes de collecte élaborés par des institutions publiques d’archives en direction d’une communauté. Sans constituer des archives de communauté autonomes, ces actions n’en ont pas moins une composante communautaire ne serait-ce que dans la terminologie adoptée, leur spécification comme telle et leur affichage politique en tant que tel. Dès 1971, les Archives nationales du Canada lancent un programme baptisé « archives ethniques ». Une section de la division des manuscrits est créée sous cette appellation. Elle prend le nom « d’archives multiculturelles » en 1989, aux lendemains du vote de la loi sur le multiculturalisme. Cette section était divisée en sous-sections dirigées par un coordonnateur chargé de localiser, d’acquérir et de mettre à disposition les documents d’archives concernant les groupes « ethnoculturels » n’ayant pour langue maternelle ni le français ni l’anglais : originaires d’Europe de l’Est, d’Europe centrale et des rives sud de la Méditerranée, Nord-Européens et Afro-Asiatiques. Jean-Pierre Wallot, archiviste national du Canada, notait finement en 1990 le rôle des sollicitations extra-archivistiques dans ce type de catégorisation archivistique :

    « Le travail du programme des archives multiculturelles se poursuivra aussi longtemps que des groupes ethnoculturels formeront une part importante de la société canadienne et tant qu’on s’intéressera à leurs contributions à l’histoire canadienne108. »

    57Hormis cette orientation du regard, le résultat de l’entreprise demeure attendu, avec notamment la publication de guides de sources : Guide des sources d’archives sur les Canadiens ukrainiens (Myron Momryk, 1984), Sources d’archives sur les juifs canadiens (Lawrence F. Tapper, 1987), Sources d’archives sur les Canadiens polonais (M. Momryk, 1987), Sources d’archives sur les finno-canadiens (Edward W. Laine, 1989), Sources d’archives sur les groupes de langue allemande au Canada (Arthur Grenke, 1989). L’action entreprise à partir de 2000 par les Archives nationales de Nouvelle-Zélande vise plus explicitement à restituer aux Maori une forme de contrôle sur les archives les concernant. Là encore, c’est le contexte politique national et des évolutions législatives extérieures aux archives qui commandent avec notamment le Treaty of Waitangi Act de 1975 qui permet aux Maori d’exiger juridiquement le respect des principes de contrôle de leurs biens matériels et immatériels (taonga et tikanga) reconnus dans le traité de Waintangi de 1840 et le Treaty of Waitangi Amendment Act de 1985 qui rend le tribunal de Waitangi compétent pour les plaintes à caractère historique formulées par les Maoris. Une sous-commission, le Sub-Committee for Responsiveness to Maori, et une direction des Archives nationales à part entière conduite par le Group Manager Responsiveness to Maori and Community Archives, pilotent diverses actions : guides des sources, numérisation, réflexions communes sur la gestion et la valorisation de ces archives109. Parallèlement, les Archives nationales de Nouvelle-Zélande transforment leur ancien « registre national des archives et manuscrits » (National Register of Archives and Manuscripts, NRAM) en portail Web « archives des communautés » (The Community Archive), conçu à la fois comme une sorte de répertoire collectif collaboratif et comme un support logiciel en ligne pour la gestion des petits fonds d’archives de communautés. Toutes ces actions sont menées avec le souci d’associer étroitement les communautés maoris aux prises de décision, y compris en développant le dialogue entre communautés maoris et personnel indigène des archives.

    58Le deuxième niveau est plus original, plus inhabituel pour un esprit français. Il s’agit d’entreprises d’archivage entièrement privées, conduites par la communauté elle-même, ce qui n’empêche pas des formes de reconnaissance par la puissance publique, à commencer par du subventionnement. Prenons quelques exemples afin d’en faire sentir, par touches successives, l’irréductible spécificité. La Brighton Ourstory Archive, établie à Brighton en 1989 par une association homosexuelle locale, entend collecter et préserver les archives et l’histoire des homosexuels. La nature communautaire du projet se lit dans la volonté de disposer de ses propres locaux d’archives et l’orientation de ses actions de collecte et de valorisation principalement en direction de la communauté homosexuelle : « to make sure that our experience is preserved and made visible to the lesbian, gay and bisexual community ». Elle se traduit aussi dans une approche des archives volontairement non professionnelle, mais sensible :

    « Our approach is very much that of an oral history group interested in ordinary lives: our primary focus is not academic or theoretical110. »

    59Le George Padmore Institute de Londres offre l’exemple d’une collection d’archives intimement liée à un programme de lutte communautaire. Les archives sont ici insérées dans l’action politique. Elles en sont un moyen parmi d’autres de sorte que la finalité de leur conservation n’est que secondairement un usage historique mais plutôt de fournir des matériaux à des activités de type culturel ou éducatif au service d’un projet de changement politique et social. À l’origine se trouve la figure de John La Rose, un militant de l’indépendance de la Caraïbe insulaire dans les années 1940 et 1950. Installé en Grande-Bretagne en 1961, il y incarna le mouvement culturel caribéen, participant par exemple à la création de Mouvement des artistes caribéens (Caribbean Artist Movement) en 1966. Il fonde en 1966 une librairie et maison d’édition caribéenne (New Beacon Books) et ouvre en 1969 une école communautaire privée pour enfants caribéens. La création en 1991 à Londres d’un centre d’archives, d’information et de recherche à mission éducative (archive, library, educational resource and research centre) se situe dans l’exact prolongement de ces initiatives dont elle n’est que la continuation par d’autres moyens. Le centre est d’ailleurs installé dans les locaux de la maison d’édition et il porte le nom de George Padmore, leader noir panafricaniste et anticolonialiste mort en 1959, manière de proclamer les orientations idéologiques de l’établissement : internationalisme, antiimpérialisme, anti-racisme. L’objectif est bien de documenter le mouvement culturel et les luttes politiques des communautés noires de Grande-Bretagne qu’elles soient originaires des Caraïbes, d’Afrique ou d’Asie, afin de les faire connaître et de continuer le combat111.

    60Mais la gestion des archives a ses exigences et l’acte archivistique ses contraintes. Il est donc difficile de s’écarter des chemins déjà éprouvés et l’institutionnalisation guette. Sur le moyen et long terme, les archives de communauté ont tendance à se rapprocher d’un modèle traditionnel où les archives sont traitées par des professionnels principalement comme sources historiques. La spécificité de l’archivage communautaire a alors tendance à se concentrer sur des stratégies larges de collecte, un désir d’autoformation en interne et des politiques intégrées de publication d’ouvrages ou de bibliographies historiques. Le cas des Canadian Lesbian and Gay Archives (CLGA) est assez exemplaire. À l’origine, on trouve un lieu de conservation établi en 1973 dans la stricte dépendance du journal homosexuel The Body Politic sous la dénomination Canadian Gay Liberation Movement Archives (GLM Archives). Il s’agit alors simplement de conserver la documentation rassemblée pour la rédaction du journal et d’y ajouter d’éventuels dons provenant des lecteurs. Les archives sont installées dans le même immeuble que le journal, à Toronto, immeuble qu’elles partagent avec une association de défense des droits des homosexuels, la Gay Alliance Towards Equality (GATE). La topographie marque bien le statut des archives, celui d’outils de lutte au service d’évolutions de la société : « a necessary tool in the struggle for social change112 ». En décembre 1975, elles marquent leur désir d’autonomie vis-à-vis de l’administration des archives en refusant une offre de dépôt formulée par les archives publiques de l’Ontario. Mais, en décembre 1977, à la suite de la publication par The Body Politic d’une enquête sur l’éphébophilie, la police perquisitionne au siège du journal et s’empare de plusieurs cartons d’archives. Cet événement accélère une réflexion déjà en cours sur la nature d’un centre d’archives, le statut des documents, les conditions de leur préservation sur le long terme, les relations avec les donateurs. Elle débouche sur une certaine forme de professionnalisation qui se traduit par un changement de nom en 1975 (Canadian Gay Archives au lieu de Canadian Gay Liberation Movement Archives), l’arrivée d’un archiviste professionnel issu d’un service public (James Fraser en poste aux archives provinciales du Nouveau-Brunswick), la séparation juridique du groupe de presse Pink Triangle Press éditeur du journal The Body Politic et la transformation en organisme sans but lucratif (OSBL) en 1980, le déménagement pour un bâtiment indépendant et adapté en 1992. Pour autant, les Canadian Lesbian and Gay Archives, dénomination officielle depuis 1993, restent des archives de communauté et revendiquent des formes originales de professionnalité. Elles affirment une conception totale des archives qui consiste à collecter toutes les traces de la vie et de l’activité des homosexuels, réunissant des documents et des objets qui, selon un schéma plus traditionnel, se trouveraient naturellement dispersés entre archives, bibliothèques et musées : T-shirts, pin’s, banderoles, maillots et trophées d’équipes sportives homosexuelles, jeux de société, mobilier de bars homosexuels, mais aussi productions à caractère érotique ou pornographique. Elles se donnent un rôle de formation et de diffusion des bonnes pratiques d’un « archivage homosexuel », en prodiguant des conseils à tous ceux qui entreprennent de créer un centre d’archives homosexuelles et en publiant un court manuel : Organizing an Archives : the Canadian Gay Archives experience (1983)113. Elles assument enfin un rôle d’orientation de la recherche en publiant de nombreuses bibliographies, généralistes sur l’homosexualité au Canada ou spécialisées (l’homosexualité dans l’Antiquité, les mouvements de libération homosexuelle, le discours médical sur l’homosexualité, etc.)

    61Il est vrai que pour toutes ces organisations d’archivage communautaire, quel qu’en soit le statut, la question du financement est une occasion de contact presque obligé avec la sphère étatique. En Grande-Bretagne, les initiatives de ce genre sont fréquemment soutenues par l’Heritage Lottery Fund, fonds spécialisé de la Loterie nationale. Dans son plan stratégique 2008-2013, cette structure manifeste clairement son choix de ne pas soutenir uniquement le patrimoine national classiquement conçu mais aussi celui des communautés :

    « Our research shows that HLF project activities bring diverse communities together to share their experiences, for example through oral history projects114. »

    62En 2008 par exemple, le fonds soutient à hauteur de 4 millions de livres l’aménagement des archives culturelles noires (Black Cultural Archives, BCA) à Brixton115. Le combat mené par les Canadian Lesbian and Gay Archives pour obtenir le statut d’organisme d’intérêt général autorisant la déductibilité fiscale des dons consentis en leur faveur montre bien le besoin de reconnaissance matérielle et symbolique de ces archives de communauté. En 1980, l’Agence du revenu du Canada leur refuse ce statut en arguant du caractère précisément communautaire de l’entreprise, qui ne bénéficie pas à tous les citoyens canadiens. Au passage, l’administration fiscale prend soin de préciser que les Canadian Lesbian and Gay Archives ne peuvent être qualifiées de service d’archives parce qu’elles ne reçoivent pas d’archives contemporaines gouvernementales. Elle revient sur cette interprétation à l’occasion d’un appel gracieux un an plus tard, ce qui permet mécaniquement aux Canadian Lesbian and Gay Archives de se présenter désormais comme un service d’archives officiellement reconnu.

    63Cette mise en exergue des archives de communauté dans le jeu archivistique national des pays concernés suscite en retour un positionnement des archives et des archivistes « traditionnels », en situation de trouver les voies et moyens d’un partenariat116. En 2003-2004, les Archives nationales anglaises lancent le Community Access to Archives Project (CAAP) qui vise à faciliter la coopération entre archivistes professionnels et archivistes communautaires, notamment pour repérer les collections. En 2004, le rapport du groupe de travail sur les archives (Archives Task Force, ATF) formé par le Conseil britannique des musées, des bibliothèques et des archives (UK Museums, Librairies and Archives Council, MLA) souligne l’importance des archives communautaires, à placer au même niveau que les archives publiques : « Archives in the community are as important to society as those in public collections117. » L’ARA britannique (Archives and Records Association) met en ligne en 2006 un site dédié aux archives communautaires, alimenté par le Community Archives and Heritage Group (CAHG) de l’association, qui prodigue des conseils pour l’analyse des archives, élabore un guide des archives communautaires en ligne, édite une lettre d’information et organise un concours annuel des meilleures archives communautaires118. Au-delà des collaborations et des partenariats, c’est aussi la responsabilité des archivistes qui est interpellée, dans leurs choix de collecte, leurs pratiques d’évaluation, leurs règles d’élimination, leur perception de l’intérêt des fonds d’archives. L’archiviste américain Terry Cook rappelle que l’historienne américaine Gerda Lerner, pionnière de l’histoire des femmes aux États-Unis, considérait que le processus archivistique avait participé de l’effacement des femmes dans l’écriture de l’histoire119. De fait, il n’est pas exagéré d’estimer que la faiblesse de la documentation archivistique sur les femmes, les minorités étrangères ou raciales résulte d’abord de leur place dans la société mécaniquement enregistrée dans la production administrative recueillie par les archives, ce qui pose la question d’une action volontaire et consciente de l’archiviste pour combler et compenser, par exemple en prêtant une attention particulière aux archives de communauté120.

    64La recherche sur les comportements archivistiques communautaires et sur les mécanismes identitaires en jeu est encore balbutiante, presque exclusivement d’origine anglo-saxonne. En 2008-2009 l’Arts and Humanities Research Council accorde son soutien à un projet de recherche intitulé Community archives and identities : documenting and sustaining community heritage. Animée par trois chercheurs de l’École des bibliothèques, des archives et des sciences de l’information de Londres (School of Library, Archive and Information Studies, University College London, UCL121), cette recherche s’intéresse spécifiquement à des collections archivistiques créées et gérées par des communautés, en dehors de l’appareil archivistique public. L’étude a principalement porté sur quatre cas : Future Histories (communautés africaines, asiatiques et caribéennes122), rukus ! (communautés homosexuelles, bisexuelles et transsexuelles noires123), Moroccan Memories124, Eastside Community Heritage125. Deux catégories de conclusions se dégagent de ce travail. D’une part, le sentiment, justifié ou non, dans les communautés concernées des insuffisances des institutions archivistiques traditionnelles en termes de collecte et de valorisation d’archives à propos de la communauté et l’idée qu’il existe des manques à combler se traduisent par une volonté d’indépendance et d’autonomie. En ce sens, certains auteurs préfèrent parler d’archives de communauté indépendantes (independent community archives126). Cette volonté d’indépendance est plus ou moins intransigeante. La Lesbian Herstory Archive de New York revendique un « archivage radical » où les techniques archivistiques elles-mêmes doivent être transmises entre générations de lesbiennes, en réaction contre l’élitisme archivistique traditionnel127. Cette volonté d’être maître de ses choix archivistiques s’accompagne et se renforce de l’idée selon laquelle l’histoire de la communauté reste à écrire. La production historique que les archives vont permettre ne sera d’ailleurs pas qu’un instrument de connaissance ; on en attend en même temps un outil de perpétuation et de ressourcement des luttes et des combats128. Autrement dit, il y a la volonté de contrôler la chaîne archivistique dans son ensemble, jusque et y compris l’utilisation historique du matériau rassemblé :

    « The strongest reason for creating the archives was to end the silence of patriarchal history about us – women who loved women –. Furthermore, we wanted our story to be told by us, shared by us and preserved by us. »

    65déclare l’une des fondatrices des archives lesbiennes de New York129. L’histoire militante qui en est attendue est consciemment pensée comme une arme au service de revendications présentes et futures :

    « Always our goal is to connect the present struggles of lesbian women of all backgrounds to the past, to show the legacy of resistance and to give the keys needed to unlock the sometimes coded language of liberation battles of another time130. »

    66Au final, selon les conclusions de cette recherche anglaise, le travail sur les archives renforce le sentiment d’appartenance à la communauté et l’estime de soi, le sentiment d’identité étant vécu comme un facteur d’inclusion sociale.

    L’archiviste et les communautés : prémices françaises

    67Les choses se présentent différemment en France. On conçoit aisément que la tradition politique du pays, le rapport à l’État et aux collectivités publiques qui y a cours comme la profonde imprégnation des rapports sociaux par la tradition laïque interdisent l’éclosion à l’identique d’archives de communauté à l’anglo-saxonne. Ce serait, en revanche, une erreur de prétendre que ce type de questions n’existe pas et que le système archivistique français n’est pas interrogé dans son unité avec une acuité et selon des modalités nouvelles.

    68Des entreprises d’archivage que l’on pourrait qualifier de radicales, dans leur volonté d’indépendance et dans leur désir de fermeture, existent. L’association Archives, recherches et cultures lesbiennes131 en fournit un exemple. Créées en 1983 dans un contexte de rupture avec le féminisme hétérosexuel et avec le mouvement homosexuel mixte, les ARCL ont pour but de rassembler

    « des documents de toute sorte sur tous les aspects de notre histoire, de notre situation, de notre expression et de nos luttes lesbiennes ».

    69Elles ne sont pas accessibles aux hommes. Une adhérente souligne la fonction sociale de ces archives qui sont

    « tout à la fois une mémoire, une histoire qu’il faut préserver et un lieu de contacts, d’échanges, d’informations, de soutien, qui existe, qui doit exister ».

    70En 1991, à la suite de la volonté du propriétaire de récupérer le local privé qui abrite l’association, la question de la participation de l’association à la Maison des femmes de Paris suscite des débats virulents au sein de l’association. Les archives finissent par rejoindre la Maison des femmes en 1997 et par recevoir une subvention de la ville de Paris à partir de 2004. Mais les opinions exprimées en 1991 et relatées dans la revue Archives, recherches et cultures lesbiennes illustrent une certaine tentation de l’enfermement ou de l’isolement :

    « Les archives sont la propriété collective de celles qui pensent que leur ennemi principal sont les hommes. Les précédents historiques ont montré qu’on avait plus à perdre qu’à gagner à s’allier aux féministes : les luttes de lesbiennes pour la libération des femmes ont été récupérées par les hétérosexuelles sans aucune réciprocité. Ce n’est pas la pensée molle du “féminisme” de l’heure qui nous incite à recommencer l’expérience132. »

    71La pratique archivistique institutionnelle est également mise en cause. En janvier 2005, la mise en vente à Lyon d’une importante correspondance commerciale, notamment adressée à Pierre Le Nicolais, négociant en toile de la Mayenne au XVIIIe siècle, provoque un vif émoi. Même si, selon le commissaire-priseur, « la plupart de ces documents sont purement administratifs et ne font qu’indirectement mention de l’esclavage », il n’est pas niable que ces archives ont un rapport avec la traite négrière et l’esclavage qu’elles contribuent à documenter. Le lot 324 est d’ailleurs explicitement intitulé : « Banque et traite des Noirs. » À la suite d’un article paru dans Le Monde le 7 janvier 2005133, les réactions se multiplient de la part de députés ultra-marins (Christiane Taubira) et de diverses associations. La plupart réclament la préemption de la totalité des documents par l’État. C’est le cas, par exemple, de la Ligue des Droits de l’homme qui, dans un communiqué du 12 janvier 2005,

    « demande aux pouvoirs publics de prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces documents rejoignent les archives publiques134 ».

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    Figure 7. – Face à face entre une opposante à la vente aux enchères de documents d’archives abordant la question de l’esclavage et des acquéreurs potentiels le 12 janvier 2005 dans l’hôtel des ventes de Lyon. (Cliché AFP.)

    72Certaines associations de défense de la cause noire vont plus loin en voyant dans ces archives non pas de possibles sources d’histoire mais des symboles d’un crime contre l’humanité dont le commerce, si ce n’est la conservation, devrait être interdit. Le Collectif des filles et fils d’Africains Déportés (COFFAD) et le Collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais dénoncent dans la vente de ces documents « l’ultime phase d’exploitation du lucratif filon négrier » et, faisant un parallèle avec les objets nazis interdits de commerce, demandent que pareille interdiction soit prononcée pour tout « ce qui a trait à la déportation du peuple noir ». La vente aux enchères des archives, le « Scandale de Lyon », est dénoncée comme une « apologie de crime contre l’humanité », une

    « délectation à valoriser les instruments, objets et symboles de cette longue période génocidaire contre le Peuple Noir ! »

    73Le Collectif des filles et fils d’Africains déportés intente une action en justice, sur le fondement de la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre l’humanité (loi Taubira), pour faire interdire la vente. Il est débouté par un jugement du tribunal de grande instance de Lyon en février 2005, le tribunal estimant que la loi Taubira ne confère aucun caractère inaliénable aux documents et objets en rapport avec l’esclavage et que, par conséquent, en l’absence de tout élément susceptible de caractériser une inaliénabilité des documents, leur mise en vente ne saurait constituer un trouble manifestement illicite. La vente a finalement lieu, à l’exclusion de quelques pièces retirées au dernier moment et restituées à leur propriétaire, et beaucoup de documents sont préemptés par l’administration des archives. On ne saurait pour autant se contenter de conclure par un « beaucoup de bruit pour rien ». L’épisode révèle, à la surprise même de beaucoup des protagonistes habitués des ventes de livres et documents anciens, à la fois une sensibilité nouvelle des descendants d’esclaves à l’égard d’archives perçues comme pouvant les concerner directement et en même temps une tendance à la construction et à l’expression communautaire de cette nouvelle forme d’intérêt. Ce qui frappe en premier lieu, c’est l’intensité de la demande individuelle :

    « Pour nous, c’est comme si nous étions vendus une seconde fois. […] Je ne sais pas d’où vient mon nom. J’ai besoin de connaître mes origines. Nos enfants, nos petits-enfants doivent pouvoir connaître cette histoire. Ces ouvrages peuvent nous y aider. Ils nous appartiennent. Je m’appelle Bermudes, je voudrais savoir qui a donné ce nom à mes ancêtres. »

    74déclare Josiane Bermudes, s’exprimant au nom de l’association Euro Dom-Tom. C’est ce besoin de construction personnelle que l’on retrouve à l’œuvre dans la création légèrement postérieure, en 2006, d’un atelier de généalogie et d’histoire des familles antillaises (AGHFA) par le Comité Marche du 23 mai 1998. Le 23 mai 2008, à l’occasion de la Journée nationale en hommage des victimes de l’esclavage colonial, l’atelier expose au Sénat et devant la basilique Saint-Denis 25 857 patronymes d’anciens esclaves antillais :

    « Le travail généalogique développé dans cet atelier favorise une affiliation aux aïeux retrouvés, apaise certaines blessures héritées de l’esclavage et rend l’identité de descendant d’esclave évidente135. »

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    Figure 8. – Le Mémorial des noms de l’abolition dévoilé le 23 mai 2008 à Saint-Denis à l’occasion la Journée en mémoire des victimes de l’esclavage. Résultat du travail de l’atelier de généalogie et d’histoire des familles antillaises du Comité Marche du 23 mai 1998. (Cliché Yann Mambert.)

    75En même temps, le discours se teinte d’accents ouvertement communautaires, ne serait-ce que dans la terminologie employée :

    « La communauté africaine de France peut souffler : les archives sur l’esclavage, qui seront vendues aux enchères ce mercredi à Lyon (Sud de la France), ne deviendront pas propriété de particuliers, mais des autorités publiques136. »
    « L’annonce de la vente aux enchères de manuscrits anciens, de documents historiques, de correspondances et d’archives ayant appartenu à des armateurs négriers, en date du mercredi 12/1/2005, a suscité l’émoi et l’indignation au sein de notre communauté137. »

    76Devait-on se contenter de l’entrée de ces documents dans les collections publiques ? L’écrivain et réalisateur Claude Ribbe saisit l’occasion pour réclamer la création d’une institution de conservation et de recherche spécifique à l’image du Schomburg Center for Research in Black Culture de New York :

    « Tous les historiens qui ont travaillé sur l’histoire de la diaspora africaine savent bien que les sources d’archives françaises relatives à l’histoire de l’esclavage et de la traite sont (volontairement ?) disséminées et difficilement consultables, ce qui rend les recherches particulièrement pénibles et coûteuses138. »

    77C’est d’ailleurs pour répondre à l’émotion suscitée par cette affaire que la direction des Archives de France lance en juillet 2005 un projet de guide des sources de l’esclavage. Publié en mars 2007, le Guide des sources de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions139 atteint les 430 exemplaires vendus dès le mois de novembre, « ce qui est exceptionnel pour un ouvrage scientifique de ce type140 ». Ce succès atypique montre l’importance de la demande sociale ; elle commence déjà à agir sur les habitudes professionnelles. En 2010, à l’occasion des Rencontres Annuelles de la Section Archives Départementales de l’Association des archivistes français (RASAD), la directrice des archives municipales de Bordeaux rapporte comment elle a évolué dans sa pratique professionnelle. Délaissant une attitude réflexe du type « les fonds sont inventoriés, les instruments de recherche sont disponibles, aucun problème », elle ressent le besoin d’un travail de repérage détaillé dans les fonds et déclare s’interroger sur la manière de concevoir des instruments de recherche en fonction de revendications mémorielles141.

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    Figure 9. – Restitution des registres de délibération du Biltzar du Labourd par des militants de Démocratie pour le Pays basque à Saint-Pée-sur-Nivelle en novembre 2010. (Cliché Daniel Velez, [www.paysbasqueactualites.com])

    78Le schéma français dominant semble donc demeurer celui d’une prise en charge de la demande archivistique de nature communautaire par la sphère publique, si possible par les institutions archivistiques et patrimoniales normalement compétentes. Cela peut supposer des logiques de simple reconnaissance ou d’officialisation ; cela n’exclut pas des concessions. Le 19 juin 2000, une quinzaine de militants du mouvement Démocratie pour le Pays basque, plus connus sous le diminutif « les démos », entrent dans la salle de lecture des archives départementales des Pyrénées-Atlantiques à Pau et saisissent des documents disponibles en libre-accès et traitant de communes du Pays basque ; ils les rangent dans des cartons estampillés « archives départementales du Pays basque » et entreprennent de les charger dans une camionnette. L’après-midi, deux autres « démos », munis d’une fausse carte d’étudiant au nom de Dominique Garrat, du nom de celui qui représenta les provinces basques à la Constituante de 1789, se font communiquer deux registres de délibération du Biltzar du Labourd (assemblée générale des maires de la province du Labourd) antérieurs à 1790 et s’en emparent. Ils déclarent publiquement ne vouloir les rendre qu’à un futur service des archives du Pays basque ou, mieux, à un service d’archives départementales d’un département du Pays basque. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques dépose immédiatement plainte, tandis que plusieurs personnalités, avocats, historiens, apportent leur soutien moral aux « démos » et demandent la levée de leur contrôle judiciaire. Les uns et les autres dénoncent l’éloignement du centre d’archives de Pau et réclament que la mémoire historique du Pays basque devienne accessible au cœur même du Pays basque. Une doctorante en histoire du droit rapporte les nombreuses difficultés qu’elle a dû affronter pour terminer sa thèse depuis que les archives départementales ont pris en charge les archives notariales de Saint-Étienne-de-Baïgorry. Le procès a lieu en avril 2004 et se solde par des condamnations symboliques à des peines d’amende. Il est vrai qu’entre-temps une solution institutionnelle s’est dégagée. Le 27 mars 2003, le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, désireux de proposer « un service d’archives de Pays », prend acte du projet de création du « pôle d’archives de Bayonne », dont le principe avait déjà été évoqué à l’occasion du débat d’orientation budgétaire 2000, le 5 novembre 1999. Une autorisation de programme budgétaire votée le 11 décembre 2003 rappelle l’esprit du projet et fait clairement mention d’un

    « pôle d’archives de pays chargé de collecter et de rassembler les documents d’archives d’origines publique et privée relatifs au Pays basque142 ».

    79Dans d’autres textes, les services du conseil général emploient l’expression « pôle d’archives de pays qui rassemble la mémoire commune du Pays basque143 ». Le choix initial des fonds devant constituer le pôle et la répartition des collections entre Pau et Bayonne qui en résulte actent le principe de territorialisation des archives basques. Le nouveau centre est en effet conçu pour accueillir principalement les archives des administrations d’Ancien Régime, des établissements ecclésiastiques, des familles (avant 1790), des notaires, des administrations de la période révolutionnaire (1790-1800) pouvant être identifiées comme concernant le pays basque qui seront physiquement déplacées de Pau à Bayonne après numérisation afin d’assurer une continuité de consultation à Pau. Les archives postérieures seront, selon un schéma croisé, numérisées pour pouvoir être consultées à Bayonne. On décide aussi de faire verser à Bayonne les documents contemporains produits par les services du conseil général de la délégation de Bayonne. On prévoit enfin d’y adjoindre, par convention, le dépôt de fonds n’appartenant ni à l’État ni au conseil général, publics ou privés : archives communales de Bayonne et d’autres communes intéressées, archives de la chambre de commerce et d’industrie de Bayonne, archives de l’Association d’architecture de la côte basque, archives sonores de l’Institut culturel basque144. Le « pôle d’archives de Bayonne et du Pays basque » ouvre ses portes au public le 14 juin 2010. La veille, les registres « empruntés » en 2000 sont restitués, au milieu d’une « agura », une danse d’accueil traditionnelle basque. Quelles que soient les subtilités de la langue administrative, et en dépit de la prudence observée dans les transferts matériels d’archives, heureusement facilitée par la numérisation, nous sommes bien en présence non pas d’une simple annexe des archives départementales comme il en existe, ou il en a existé, dans d’autres départements mais d’archives basques installées au Pays basque pour répondre à une demande basque.

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    Figure 10. – L’académie gay et lesbienne participe à la manifestation pour l’égalité des droits à Paris le 24 avril 2004. (Cliché académie gay et lesbienne.)

    80On observe enfin que la France ne reste pas à l’écart, à sa manière, du mouvement véritablement international de constitution d’archives dites LGBT (Lesbiennes, Gay, Bi, Trans). Outre les Archives recherches cultures lesbiennes déjà citées, organisme de taille de toute façon modeste, deux autres exemples achèveront de faire sentir toutes les nuances, et les impasses, des archivages communautaires à la française : le traitement inventif à Lyon d’un dépôt de documents classiquement consenti à une institution de conservation publique, l’enlisement dans la polémique politique parisienne d’un projet de création d’un centre d’archives spécialisé. En 1992, le collectionneur et militant gay Michel Chomarat remet à la bibliothèque municipale de Lyon un important fonds d’archives concernant l’homosexualité. Il ne s’agit alors que d’un très habituel dépôt d’archives. En 2002, les premières Assises de la Mémoire gay et lesbienne sont organisées par la bibliothèque municipale de Lyon à l’initiative du déposant, devenu chargé de mission mémoire à la ville de Lyon. Depuis cette date, elles se tiennent chaque année au printemps à la bibliothèque municipale de Lyon. Dans la continuation de la première édition consacrée aux « Mémoires en construction et état des lieux de l’archivage de la mémoire gay », les questions d’archives y sont régulièrement évoquées. D’octobre à décembre 2005, l’exposition Follement Gay ! conçue par Michel Chomarat et montrant une sélection des documents conservés est un succès : elle reçoit près de 20 000 spectateurs en trois mois145.

    81Le 17 mai 2005, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre l’homophobie, le maire de Lyon Gérard Collomb annonce le projet municipal de création d’un centre de ressources documentaires gay et lesbiennes. En 2006, le conseil municipal vote à cet effet le financement d’un poste de bibliothécaire dédié au sein de la bibliothèque municipale de Lyon. Depuis 2007, les archives, le fonds de livres existants et les acquisitions à venir sont regroupés sous l’intitulé « Le point G, centre de ressources sur le genre, identités, sexualités, mémoire gay et lesbienne ». La collection privée originelle se transmute donc ici en un projet qui, aux dires du directeur de la bibliothèque municipale, refuse l’identitaire et le communautaire au nom de l’enrichissement d’une culture commune :

    « Il ne s’agit en aucun cas, cependant, d’une démarche identitaire, qui viserait à enfermer chaque “communauté” dans un effet de miroir. La Bibliothèque municipale, en tant qu’espace public et républicain, se situe à l’opposé de toute tribalisation du savoir. Elle est au service de la collectivité dans son ensemble, par-delà les diversités. En contribuant modestement à la reconnaissance de telle ou telle identité spécifique, elle ne fait, en réalité, qu’enrichir un peu plus notre identité commune qui, précisément parce qu’elle est plurielle, nous permet de vivre et de penser ensemble146. »

    82Michel Chomarat insiste régulièrement sur l’absence de motivations communautaires et sur le rattachement du centre à une bibliothèque publique contrairement aux autres lieux de ressources documentaires LGBT qui, à l’étranger, sont généralement des structures privées. Il reste que l’identification de collections homosexuelles au sein d’un ensemble à visée généraliste et l’attribution de moyens spécifiques relèvent au moins d’une politique consciente de visibilisation et de compensation par l’acte documentaire des refoulés sociétaux.

    83À Paris, un projet de centre spécialisé se heurte à de nombreuses difficultés et diverses querelles internes depuis 2002. Une demande existe :

    « Toutes les minorités se battent pour exister, mais aussi pour la sauvegarde de leur mémoire. Toutes les minorités s’estiment reconnues quand un centre, une structure, une bibliothèque quelque part prend l’engagement de rassembler, classer, protéger, présenter et faire vivre cette mémoire en l’ouvrant au plus grand nombre147. »

    84Des fonds d’archives sont identifiés. On pense en premier lieu aux documentations de magazines emblématiques comme Gai Pied Hebdo ou Têtu. Fondée en 2002 dans le but de rendre ses collections publiques et de créer un centre d’archives, l’Académie gay et lesbienne réclame un local pour son « conservatoire des archives et des mémoires LGBT », principalement issu de l’activité de collecte de son président Phan Bigotte, alias Hoàng148. En septembre 2002, le Conseil de Paris vote une subvention de 100 000 euros en faveur de l’association de préfiguration d’un Centre d’Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris (CADHP) et autorise le maire à signer une convention de partenariat avec elle. À l’occasion du débat, Clémentine Autain et Odette Christienne, adjointe en charge du dossier, soulignent l’existence de centres comparables dans de nombreuses métropoles étrangères et se réjouissent que la capitale rejoigne enfin ce mouvement international149. Un rapport de préfiguration est rendu en juin 2005 sous le titre programmatique Pour une constitution et une préservation des mémoires LGBT150. Rapidement, le projet fait l’objet de diverses critiques, y compris de la part d’associations lesbiennes qui lui reprochent d’être dominé par les homosexuels hommes. Une pétition intitulée Archilesb est lancée pour que

    « cesse l’exclusion des lesbiennes dans le projet du futur centre de documentation et d’archives homosexuelles de Paris151 ».

    85Regroupés dans le collectif ArchiQ, les groupes de réflexion Archilesb ! et VigiTrans produisent deux contre-rapports : La Fièvre des archives et Maux d’archives. La relance du projet, rebaptisé Centre des mémoires LGBT Paris-Île de France, est confiée en 2005 à l’universitaire Louis-George Tin, fondateur de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie. En juin 2010, dans une lettre adressée l’association Inter-LGBT à l’occasion de la Marche des Fiertés, Bertrand Delanoë confie une nouvelle fois sa volonté de faire aboutir le projet d’archives parisiennes LGBT tout en souhaitant une participation plus active de l’État au projet152. Ce désir d’archives homosexuelles parisiennes jamais exaucé mais sans cesse exprimé illustre à la fois la constance d’une demande d’une certaine forme d’archives de communauté, la difficulté française à y répondre par des voies associatives et l’inscription de cette demande dans un contexte international porteur153.

    Réseaux sociaux, communautés d’intérêt et de connaissance

    86Cette sollicitation communautaire du matériau archivistique s’insère dans un contexte général technique et sociétal qui l’explique et la renforce de plusieurs manières. Le Web joue son rôle. Beaucoup d’archives de communauté sont fortement présentes sur Internet qui leur donne parfois une résonance sans commune mesure avec le métrage linéaire d’archives conservé. Nombre de travaux sur les réseaux socio-numériques soulignent à quel point ils sont favorables aux expressions identitaires ou communautaires. Le développement des archives de communauté est aussi lié aux possibilités du Web dynamique et du Web communautaire qui facilitent la création de groupes autour d’une affinité ou d’une problématique partagée. Les archives de communauté ne font ici que profiter de fonctionnalités qui génèrent à grande échelle toute une série de nouveaux usages dont les réseaux sociaux sont l’aspect le plus connu. Ces pratiques ont atteint un tel niveau de développement qu’elles conduisent à une réévaluation des stratégies de communication des institutions patrimoniales en posant la question de l’introduction d’une part de « communautaire », dans un sens non communautariste du terme. Qu’on l’aborde en termes de communauté de connaissance, de communauté de pratique, de réseau social, de marketing communautaire ou de danger communautariste, les bibliothèques et les institutions patrimoniales dans leur ensemble ne peuvent plus ignorer la question d’une spécification de la relation à leurs usagers.

    87L’idée de personnaliser le site d’une bibliothèque en fonction du comportement de ses visiteurs et donc de démultiplier le site institutionnel d’une bibliothèque en autant de sites correspondant à une communauté d’usagers est devenue techniquement possible notamment à partir des cookies de navigation : on peut imaginer un site orienté « ados », un site orienté histoire locale, un site de type vie pratique, etc. La personnalisation peut être le fait de la bibliothèque qui définit à l’avance des groupes de ressources, des profils types. L’internaute est alors invité à remplir un questionnaire de profilage en créant son compte. Elle peut aussi être faite par l’usager, à partir de ses historiques de navigation et de ses choix de bases de données ou de flux d’alertes d’information. Cette personnalisation est couramment mise en œuvre aux États-Unis depuis le début des années 2000. Ce sont les bibliothèques américaines qui sont réputées avoir abandonné les premières les logiques de diffusion d’une information identique pour tous et avoir répandu l’usage de portails qui proposent aux visiteurs des contenus et un parcours dans leur site en fonction de leurs centres d’intérêt, voire de leur communauté d’appartenance. Les critères définissant ces communautés de diverse nature peuvent être variés : origine géographique (ville, comté, pays d’émigration), langue maternelle, goûts (lecture, écriture, sports, gastronomie, etc.154). Le portail de bibliothèque MyLibrary a été développé par la Cornell University à la suite d’une étude sur le service Web de la bibliothèque qui montrait que les usagers se plaignaient de l’excès d’information et souhaitaient un moyen technique pour ne pouvoir accéder qu’aux ressources les intéressant directement155. Il est aujourd’hui proposé en logiciel libre. Un lecteur peut personnaliser le site de la bibliothèque qu’il utilise en ne voyant plus, par exemple, sur sa page d’accueil que les acquisitions de sa discipline et les liens vers ses périodiques numériques, en ne visualisant plus les récents achats de la bibliothèque en culture générale ni les périodiques ne ressortissant pas directement à sa discipline, sous-discipline éventuellement156. Depuis 2005, une entreprise française, Netvibes, rachetée par Dassault Systèmes en février 2012 pour 20 millions d’euros, propose un outil de création de tableaux de bord personnalisés qui permettent d’agréger en une unique interface les nouveautés parues sur les sites internet de son choix grâce à une technologie de type RSS. L’utilisateur peut rassembler l’ensemble de ses applications Web et sources d’information préférées en une page privée, personnalisée et accessible sur mot de passe qui constitue son environnement de travail, s’appropriant plusieurs sites, ou parties de sites, en fonction de ses centres d’intérêt. Il peut aussi rendre cette page publique et créer un « univers Netvibes », noyau d’une petite communauté157. C’est cette fonctionnalité qu’utilisent aujourd’hui plus de 180 établissements documentaires français158. Une bibliothèque très spécialisée comme la bibliothèque du laboratoire d’archéologie médiévale et moderne en Méditerranée de la maison méditerranéenne des sciences de l’homme proposera un univers sur les domaines étudiés par le laboratoire [http://www.netvibes.com/biblamm] tandis qu’une bibliothèque de lecture publique comme la bibliothèque de Nîmes proposera une sélection de sites musicaux de ses discothécaires (aNîmesTaZik) ou un univers jeunesse (Maximum Bukolik). La Bibliothèque nationale de France elle-même propose un univers Netvibes pour ses signets depuis 2009.

    88D’autres initiatives, qui se revendiquent aussi du Web communautaire, sont nettement centrées sur une institution et visent à créer une communauté de ses usagers, orientée vers ses services, son actualité, ses valeurs, de façon à susciter un attachement. On recherche aussi une logique de dissémination destinée à forger une e-réputation. Il en va ainsi du portail « communautaire » dédié au Louvre, lancé en décembre 2010 : « communaute.louvre.fr ». Il cible un public bien précis, les amateurs d’histoire de l’art qui s’intéressent aux collections du Louvre et aux musées en général. Développé par Orange Business Service, le site présente avant tout un aspect participatif en proposant par exemple l’indexation de notices d’œuvres d’art. Mais il offre aussi de nombreuses fonctionnalités de personnalisation en permettant aux membres de la communauté de poster des photographies, des vidéos, de lancer des groupes de discussion, de constituer des galeries d’œuvres d’art. Ainsi, les membres de la communauté peuvent proposer leur propre regard sur les œuvres, créer des regroupements ou des parcours personnels, se les approprier de manière intime. Après avoir créé un profil à l’instar de Facebook, ils peuvent échanger, dialoguer, lier amitié avec d’autres membres de la communauté159. Le site est finalement fermé en octobre 2011 et remplacé par la page Facebook du Louvre et son compte Twitter.

    89Du côté des services d’archives français, les initiatives semblent moins nombreuses et plus timides. Le dialogue entre archives et communautés d’intérêt à travers les réseaux sociaux y semble moins développé que dans les pays anglo-saxons. La bibliographie en langue anglaise160 tout comme un recensement participatif en ligne de l’utilisation des outils du Web participatif161 feraient croire à une terre complètement vierge. De fait, l’expression « archives 2.0 », miroir de la formule rebattue « bibliothèques 2.0 », y connaît un emploi plus limité. Il importe donc de tenter un bilan sinon exhaustif ni même quantifié, du moins intuitif, sans refuser l’éclairage comparatiste et les mises en perspectives internationales.

    90Le service interministériel des Archives de France possède une page Facebook depuis 2011 et 14 services territoriaux d’archives sont recensés en 2012 par ce même service comme disposant d’une page ou d’un profil Facebook, dont la moitié d’archives communales. Les Archives nationales disposent également d’un compte Twitter depuis 2010, en compagnie de six services territoriaux162. Cette présence sur les réseaux sociaux est à la fois plus récente et plus modeste que celle des bibliothèques. À l’exception du département de la Manche qui ouvre une page Facebook dès 2010, la présence des archives sur Facebook commence pour l’essentiel en 2011, alors que celle des bibliothèques s’affirme dès 2008 avec l’ouverture de la page de la Bibliothèque publique d’information (BPI)163. À la fin de l’année 2011, on peut considérer que plus de 300 bibliothèques disposent d’un profil ou d’une page Facebook. Les statistiques de fréquentation s’en ressentent. Avec toutes les précautions d’usage quant à ce type de comptages, il apparaît qu’à cette même date 50 % des profils Facebook de bibliothèques municipales peuvent revendiquer plus de 1 000 amis et que 8 % des pages Facebook de bibliothèques municipales ont plus de 1 000 amis, certaines en ayant plus de 5 000164. Vers la même date, le nombre moyen d’amis des services d’archives présents sur Facebook est de 545, seuls trois services pouvant se prévaloir de plus de 1 000 amis : les Archives nationales, les archives départementales de la Manche et les archives municipales de Metz. Il est vrai que la plupart de ces services adoptent un ton très institutionnel et alimentent principalement leurs pages soit en présentant des documents commentés soit en annonçant leurs expositions. Les archives départementales de la Manche se singularisent par un management de leur communauté plus en adéquation avec le média choisi, notamment dans la manière de s’adresser aux éventuels fans. Ainsi, une photographie d’un soldat américain embrassé par la population à la Libération accompagne le texte « voilà l’accueil que nous réservons au 1 200e fan des archives départementales de la Manche… » et reçoit 33 « j’aime », tandis que la mise en ligne de 13 portraits de femmes extraits du fonds Daguenet sous le titre « à votre avis, qui sera élue miss archives 2012 ? » est accompagnée du message « vous n’étiez pas à l’élection de miss France, samedi dernier ? Ne ratez pas l’élection de miss archives… Faites votre choix en laissant un commentaire ou un “j’aime” pour l’une de ces 13 candidates sélectionnées dans le fonds Daguenet », salué par 21 “j’aime”. Le responsable des publics de l’institution conseille de choisir les documents en fonction de leur capacité à générer ce type de commentaires :

    « Si possible, ils doivent susciter l’étonnement, faire rire et/ou donner lieu à une question ou une devinette. C’est en effet le meilleur moyen que vos “fans” réagissent et laissent un commentaire165. »

    91Les responsables du service enregistrent avec satisfaction l’effet rebond espéré vers les autres ressources en ligne de l’établissement : dès avril 2011, la fréquentation du site du service progresse de 50 %166.

    92Le site Notrehistoire.ch proposé depuis 2009 par la Fondation pour la sauvegarde du patrimoine audiovisuel de la Télévision suisse romande (FonSAT) confirme la capacité des photographies non seulement à générer du flux sur Internet mais encore à créer une ou des communautés d’intérêt toutes rassemblées par un goût pour l’histoire et le patrimoine suisses. Notrehistoire.ch n’est nullement une publication d’archives photographiques en ligne, organisée et dûment référencée. Il s’agit d’une sorte de média social sur lequel la population est invitée à échanger des documents familiaux, principalement photographiques, qui ont ou qui peuvent avoir une vocation ou un intérêt historique. L’objectif est de créer une « communauté centrée sur le passé167 ». À l’origine de ce projet, il y a les propositions d’archives photographiques personnelles régulièrement reçues par le service d’archives de la Télévision suisse romande (TSR) via son site. Il en résulte une réflexion sur la manière de mettre en commun les ressources de ces archives familiales avec l’idée d’aboutir à une sorte de portrait en images et en sons de la Suisse romande. Selon les termes de Claude Zurcher, responsable du projet, une partie du succès réside dans le pouvoir éditorial octroyé aux membres de la communauté puisque ce sont eux qui donnent aux documents leurs métadonnées. Chaque contributeur est invité à se poser cinq questions : qu’est-ce que ce document présente ? Qui est l’auteur du document ? Quand le document a-t-il été pris ? Où le document a-t-il été pris ? Pourquoi ce document ? De ce point de vue, les archivistes peuvent se sentir dépossédés d’une partie de leur raison d’être et c’est sans doute ce qui amène Claude Zurcher à dire :

    « C’est une véritable révolution intellectuelle d’entrer dans le monde participatif pour le domaine des archives168. »

    93Le site offre certaines fonctions typiques d’un média social. On peut suivre l’activité d’autres membres, s’envoyer des messages, favoriser des images, inviter, échanger. Une application Notrehistoire mobile pour iPhone permet de découvrir les photographies anciennes à l’endroit où elles ont été prises. Surtout, les contributeurs ont la faculté de créer des groupes thématiques. Quatre axes principaux sont définis sous lesquels les contributeurs peuvent librement créer un groupe, communauté d’intérêt fédérant plusieurs membres et leur permettant de partager des documents et de discuter : fin 2011, l’axe « événements » abrite 68 groupes ; l’axe « lieux », 182 ; l’axe « personnalités », 49 ; l’axe « vie quotidienne », 223. Le groupe le plus important, celui de Claude Zurcher, compte 98 membres et propose 990 documents sur Couleur 3, station de radio publique romande. La plupart des groupes comptabilisent cependant moins de 30 membres. Quelques intitulés donneront une idée de la vie de ces groupes et du type de rapport aux images que révèle le site : Quel landau, quelle poussette ? sur les poussettes d’autrefois (31 membres) ; T’as le look, ado ! consacré à ses photographies d’adolescence (17 membres) ; Pèlerinages à Lourdes pour partager ses souvenirs de pèlerinages (8 membres) ; Historique des luttes syndicales (12 membres). Quant au groupe Passé-Présent, il réunit 38 membres qui aiment partager des photographies contemporaines des lieux documentés par des photographies anciennes sur le site (121 documents). Le succès est au rendez-vous. En février 2011, après quinze mois d’existence, le site rassemble déjà 1 180 membres qui partagent 16 500 documents, principalement des photographies169. À cette date, le site dépasse le cap des 2,3 millions de pages vues et atteint les 200 000 visites. En juin 2012, les statistiques font état de 30 000 documents déposés : 28 700 photographies, 912 enregistrements sonores, 808 vidéos, 459 documents sur papier. 557 groupes sont ouverts sur la plate-forme qui compte 1 855 membres inscrits. Le total de pages vues s’élève à 5,2 millions, pour 472 000 visites et 280 000 visiteurs uniques170. Plusieurs récompenses viennent couronner ce succès : Best of Swiss web 2010 ; Grand prix de la création romande 2010 ; prix du Best use of archive décerné par la Fédération Internationale des Archives de Télévision (FIAT-IFTA) en octobre 2010.

    94C’est sans doute la force du modèle triangulaire photographies, partage et réseau social qui poussent les archives départementales de la Manche à rejoindre Pinterest dès avril 2012, devançant la Bibliothèque nationale de France et Gallica qui n’y apparaissent qu’en juin 2012. Pinterest est le nouveau média social à la mode. Sous le néologisme formé de pin (épingler) et d’interest (intérêt), se cache un site américain qui allie les recettes du succès des réseaux sociaux et des sites de partage d’images. Le site fonctionne sur le principe du tableau de liège sur lequel on vient épingler des photos ou des vidéos. On organise ces visuels en tableaux thématiques, les boards. Ces boards sont en accès libre et partageables. On peut aussi republier les visuels d’autres personnes (« repin »). Le site offre la possibilité de commenter les publications et de les « aimer » à la façon de Facebook. Entre fin avril et début août 2012, en trois mois, les archives départementales de la Manche attirent déjà 169 followers et récoltent 80 commentaires positifs (« likes ») pour les 1 144 images proposées en 29 tableaux. C’est peu par rapport à beaucoup de comptes individuels, mais c’est déjà mieux que les Archives nationales américaines (140 amis) ou que les Archives nationales britanniques (74 amis). Il est trop tôt pour analyser les comportements communautaires induits ni les retours sur le site du service.

    95Le Service interministériel des Archives de France recense également deux services territoriaux d’archives présents sur le site de partage d’images Flickr. Les résultats pour ces deux services sont modestes. Les archives départementales des Alpes-Maritimes utilisent Flickr comme support d’identification de clichés appartenant à leurs fonds. Les commentaires attendus se limitent à des propositions de légendes et ne suscitent pas de communauté d’utilisateurs. Les archives municipales de Lyon sont présentes sur Flickr depuis trois ans et proposent 78 images liées à la vie quotidienne (restauration d’une affiche) ou événementielle du service (expositions, inaugurations). Le trafic généré paraît faible et le groupe est limité à un membre, alors même qu’il existe sur Flickr un groupe « Clichés 2 villes : Lyon et Villeurbanne. Construisons ensemble les mémoires urbaines de Lyon et Villeurbanne ! » qui rassemble 84 membres autour de la bibliothèque municipale de Lyon ou du Rize de Villeurbanne ou que le groupe « Lyon » est animé par 2 267 membres. On aurait tort de penser néanmoins que la constitution sur Flickr de communautés d’intérêt autour d’archives photographiques ou d’une institution patrimoniale n’est pas possible. Les deux groupes « Musée du Louvre » totalisent 722 membres, celui du Musée d’Orsay, 419. En janvier 2008, la Bibliothèque du Congrès entreprend le partage de 4 615 images sur Flickr. Le projet, joliment baptisé For the Common Good, vise expressément à dépasser les usages traditionnels des collections patrimoniales et spécialisées de la bibliothèque (« educational and other pursuits ») en participant à la vie de communautés générées par les médias sociaux (« participate directly in existing Web 2.0 communities ») et en insérant les collections dans les discussions déjà engagées entre membres de communautés virtuelles (« Taking collections to where people are already engaged in community conversations171 »). Les objectifs quantitatifs sont rapidement atteints. Dès octobre 2008, les photographies mises en ligne ont été vues 10,4 millions de fois et près de 80 % des 4 615 photographies partagées sont incorporées dans la galerie personnelle d’autres membres. Les commentaires et l’interaction sont au rendez-vous. 7 166 commentaires ont à cette date été formulés sur 2 873 photographies par 2 562 membres de groupes Flickr172. Les responsables du projet proposent une typologie des interactions constatées en neuf catégories, qui révèlent la complexité du rapport aux archives photographiques (« inventive and impressive range of engagement with historical images ») : le regard spécialisé (une photographie montrant une meule de foin s’attire des commentaires sur la forme de la meule et les différentes manières de faire des meules de foin, avant d’être reprise par un groupe « meules de foin »), la mise en relation (liens vers d’autres sites), l’approche mémorielle (un membre raconte que son père a travaillé dans l’usine visible sur une photographie), l’appropriation créative (des membres rejouent la scène figurant sur une photographie), l’entraide (un membre pose une question à propos d’une photographie et reçoit des réponses d’autres membres), la prise de conscience (une photographie montrant une femme noire travaillant sur un avion de guerre en 1943 déclenche des échanges sur les pans oubliés de l’histoire américaine), l’observation (détection d’un montage photographique à la faveur d’une observation détaillée), la comparaison (une photographie sur une convention politique est l’occasion de discussions sur le droit de vote des femmes dans le monde), l’humour173.

    96Cette dimension communautaire, au sens interaction horizontale entre les internautes, ne signifie pas seulement une relativisation du rôle des institutions comme producteur et diffuseur de savoirs, une distribution de l’information many to many succédant à des schémas one to many ; elle n’est pas non plus uniquement porteuse de nouvelles formes de sociabilité. Elle est aussi, pour certains théoriciens de la gestion des connaissances, un facteur d’inventivité, de créativité et d’originalité. Les communautés virtuelles peuvent jouer le rôle de communautés de connaissance, c’est-à-dire des groupes d’individus qui acceptent d’échanger régulièrement sur des sujets d’intérêt commun. De ces échanges réguliers, émergent des « plates-formes cognitives », avec un degré minimal de compréhension commune, la construction d’un vocabulaire commun, l’élaboration de représentations communes. La qualité de communication qui en résulte favorise l’innovation et facilite la mise en forme et la structuration de nouveaux savoirs. Cette approche théorique du rôle des communautés de connaissance, qui peuvent être purement conceptuelles, mais aussi être des communautés de pratiques, n’est plus l’apanage du Knowledge Management174, des théoriciens des organisations ou des milieux de l’intelligence économique. On la retrouve dans les démarches dites de patrimoine 2.0 ou de e-culture 2.0. C’est le sens de l’indexation proposée par communaute.louvre. Il ne s’agit plus ici d’indexer des notices d’œuvre de manière collaborative, avec un thésaurus officiel, en respectant des consignes, à la manière des professionnels. Il s’agit de « tagger » (étiqueter) les notices d’œuvres en y associant des mots-clés librement imaginés par les internautes. C’est le regard des membres de la communauté qui compte :

    « Pour le Louvre, l’indexation que vous créerez est un vrai complément à l’indexation scientifique traditionnelle, basée sur des concepts propres à l’histoire de l’art175. »

    Archives de l’art, art de l’archive

    97Longtemps les archivistes n’ont pas cru que leurs archives méritaient d’être regardées pour elles-mêmes, sinon pour leur valeur esthétique du moins à cause de leur potentiel émotionnel, en dehors de quelques « beaux documents », à caractère iconographique le plus souvent. En 1985, Michel Duchein, dans le manuel de référence sur la construction des bâtiments d’archives, écrit à propos des salles d’exposition dans les bâtiments d’archives :

    « Les expositions organisées par les services d’archives sont, en général, de caractère surtout historique. On s’efforce d’animer l’aspect un peu austère des documents écrits par des documents plus spectaculaires (affiches, gravures, enluminures), des photographies de sites et de monuments, des sceaux, des tableaux, des sculptures, des maquettes, des objets divers. »

    98Ce sont les artistes, les photographes et les plasticiens notamment, qui vont porter sur les documents d’archives un autre regard, sensibles au pouvoir d’évocation de leur image. En 1972, Michel Quétin, dans un court et timide billet de la Gazette des archives, rapporte avoir vu dans le catalogue de la Galerie de France une œuvre d’Alechinsky, sous le titre L’avenir de la propriété. Il s’agit d’un dessin au pinceau et à la plume sur un acte notarié ancien176. Cette même année 1972, l’artiste rassemble 34 de ces dessins sur documents notariés du XVIIIe siècle et autres documents anciens trouvés chez des brocanteurs, parfois partiellement transcrits, en les accompagnant d’un court texte introductif :

    « Lettres à l’abandon, promesses en surplomb, plis illisibles, registres à jours enfuis, testaments sans jouisseur, codicilles inutiles, effets sur rien, certificats pour plus personne, comptes rendus d’ex-soucis, notes périmées, conventions dépassées, requêtes sans objet, convocations à jamais tardives, incompréhensibles grosses, enveloppes vides avec leurs adresses, avals et extraits ancestraux : ces rescapés de la paperasse furent au détail ou par lot trouvés aux puces d’Aix-en-Provence et de Saint-Ouen, chez quelque libraire et brocanteur de Paris et de Nantes, au grenier d’un Notaire et dans les combles d’un Commissariat de quartier. Raison d’une rêverie de l’encrier et du pinceau, les voici à nouvelle distance de leur expiration177. »

    99Michel Quétin venait de signaler à la curiosité de ses confrères ce qui allait devenir une tendance majeure de l’art contemporain international des années 2000.

    Archives de soi et des autres

    100Au cours des dix dernières années, on peut dire que l’art contemporain rencontre les archives178. Il faut distinguer nettement deux phénomènes, de nature différente, mettant en jeu des artistes souvent différents et des démarches artistiques assez divergentes, même si, sans doute, l’un et l’autre participent d’une même tendance générale. D’un côté, il y a les premières expériences de résidence d’artistes dans des services d’archives. Quelles que soient les circonstances de la rencontre entre un artiste et un service d’archives, l’impulsion est ici de nature presque administrative et résulte d’une volonté, celle du responsable du service, de s’insérer dans deux axes forts et permanents de la politique du ministère de la Culture depuis sa fondation : l’aide à la création, le lien entre l’art contemporain et le patrimoine. En 1997, les archives départementales du Pas-de-Calais proposent à quatre photographes contemporains de renommée internationale de donner leur vision des monuments arrageois reconstruits après la première guerre mondiale en confrontant leur regard aux clichés anciens des chantiers de reconstruction conservés dans le service, manière d’approcher différemment la notion de reconstruction à l’identique179. En 2003, les archives départementales de l’Aube accueillent une artiste plasticienne auboise, Danièle Tournemine, dont le travail, intitulé Plis et déplis, prend la forme d’un dialogue entre les œuvres de l’artiste et des documents d’archives choisis non pas en fonction de leur intérêt documentaire mais en raison leur forme180. En 2004, une céramiste, Agathe Larpent donne aux archives départementales des Alpes-de Haute-Provence l’exposition En filigrane et livre sa vision des archives et des secrets qui s’y cachent181. Depuis, une bonne dizaine d’expériences artistiques sont nées en France du contact établi par l’institution archivistique avec un créateur, le plus souvent dans une réflexion autour de la matérialité des archives182. Les comptes rendus de résidences d’artistes dans des services d’archives à l’étranger sont encore plus nombreux183.

    101D’un autre côté, des artistes fondent leur travail sur des archives, sur l’archive, sur les archives, sans pour autant qu’interviennent des archivistes ou des services d’archives. À y regarder de près, ce phénomène n’est pas entièrement nouveau et, par bien des côtés, il s’inscrit dans plusieurs tendances longue de l’histoire de l’art contemporain. Si l’on veut trouver un point de repère chronologique commode, on peut le faire remonter à 1941 et à La boîte-en-valise de Marcel Duchamp, cette boîte métaphore de l’instance muséale et patrimoniale dans laquelle Duchamp a disposé des reproductions de ses œuvres, en partie retouchées. En 1962, Card File de Robert Morris montre un fichier de type Cardex regroupant par ordre alphabétique l’ensemble des opérations nécessaires à son élaboration, ouvrant la voie au mouvement de l’Art conceptuel. Toutefois, bien des indices montrent que dans les années 2000, on franchit des seuils quantitatifs et de diffusion qui permettent de parler d’un engouement international de l’art contemporain pour les archives, mouvement qui entre lui-même en résonance avec le courant des archives-œuvres dans lesquelles l’œuvre et sa documentation fusionnent ou celui des pratiques artistiques dites historiographiques184. Plus largement, on peut dire que l’intérêt des artistes pour les archives participe d’une réflexion sur la « construction du réel dans l’art contemporain185 ».

    102Une brève chronique artistique de la décennie 2000 montre la multiplicité des initiatives et la densité de la parole autour de l’art contemporain et des archives. Tous les champs et tous les milieux de l’art contemporain sont concernés : les artistes bien sûr, mais aussi les musées, les critiques, les écoles d’art. Entre 1997 et 1999, l’exposition Deep storage, Arsenale der Erinnerung, proposée par la Maison de l’art (Haus der Kunst) de Munich avec le soutien du Siemens Kulturprogramm, circule dans cinq villes en Europe et aux États-Unis. Elle rassemble les œuvres de 50 artistes internationaux ; un catalogue de presque 300 pages avec 15 contributions à caractère théorique l’accompagne186. En 1999, c’est à nouveau une institution allemande, l’espace artistique (Kunstraum) de l’université de Lunebourg, qui propose, avec la collaboration d’un artiste allemand intéressé par les archives, Hans-Peter Feldmann, une exposition intitulée Interarchive : Archivarische Praktiken und Handlungsräume im zeitgenössischen Kunstfeld (Interarchive : Archival Practices and Sites in the Contemporary Art Field). S’appuyant notamment sur les archives du critique d’art suisse Hans-Ulrich Obrist, le catalogue rassemble une centaine d’articles et d’interviews d’artistes constituant une sorte de grande rétrospective des pratiques archivistiques dans l’art contemporain au cours des trente dernières années du XXe siècle187. En 2004, le théoricien de l’art contemporain Hal Foster parle d’une pulsion archivistique dominante dans l’art contemporain, dont il discerne les manifestations dans de nombreux pays :

    « Yet an archival impulse with a distinctive character of its own is again pervasive, enough to be considered a tendency in its own right, and that alone is welcome188. »

    103En 2006, la Whitechapel Gallery de Londres consacre un volume de sa collection Documents of Contemporay Art à « l’archive » considérant que l’accroissement de la signification sociale des archives est l’une des caractéristiques de l’époque contemporaine et que l’exploration du matériau archivistique (images, objets, documents, traces) marque l’évolution de l’art contemporain depuis les années 1960. Le volume se présente comme une anthologie des textes écrits sur les archives par des artistes et des intellectuels depuis le début du XXe siècle afin de montrer comment « the archive has become central in visual culture’s investigations of history, memory, testimony and identity189 » : on y retrouve, entre autres, Foucault, Ricœur et Derrida. En novembre 2007, il revient à un musée, la Tate Britain de Londres, de réunir autour de ce thème des artistes, des théoriciens et quelques archivistes en une journée d’étude intitulée The Archival Impulse, Artists and Archives. Les actes sont partiellement publiés dans la revue du musée, Tate Papers190. Toujours en 2007, le musée belge de Mariemont consacre la livraison annuelle de sa revue, Les Cahiers de Mariemont au thème « Art et archives191 ». En 2008, un projet de recherche est lancé par les Live Art Archives de l’université de Bristol et le Centre Arnolfini d’art contemporain autour des liens entre archives et pratiques artistiques. Baptisée Performing the archive, l’initiative entend favoriser l’utilisation de documents d’archives dans la création artistique. Cette même année 2008, l’International Center of Photography de New York présente du 18 janvier au 4 mai, une exposition intitulée Archive Fever : Uses of the Document in Contemporary Art192. L’exposition regroupe la production, remontant principalement aux années 1990, de plus d’une vingtaine d’artistes originaires d’Allemagne, d’Angleterre, de Belgique, du Canada, des États-Unis, de France, d’Inde, du Liban, de Lituanie et du Mexique. La démarche archivistique en art est désormais suffisamment diffusée pour être intégrée à la pédagogie dans les écoles d’art. En 2008-2009, l’école des Beaux-Arts d’Angers anime, en partenariat avec le San Francisco Art Institute, le projet Living Archives qui propose une réflexion théorique sur les usages du « document d’archive » dans l’art contemporain afin d’accompagner les étudiants dans une démarche de création d’une œuvre sur ou avec des archives193. En 2010, dans le cadre des 50 jours pour la photographie à Genève, la Haute École d’art et de design de Genève (Head) fait concevoir par des étudiants l’exposition Archivologie autour d’artistes travaillant sur les archives194. En décembre 2011, l’école européenne supérieure d’art de Bretagne intitule Auto-archivage immédiat le séminaire de recherche de trois jours qu’elle consacre à l’art numérique et à l’utilisation des blogs par les artistes pour créer des œuvres incluant genèses, hésitation, repentirs, réception et commentaires195.

    104Face à un phénomène d’une telle ampleur, l’archiviste est tout à la fois surpris, attiré et démuni. Il a certes bien conscience que cette pléthore est aussi un pêle-mêle et que ce fourmillement renvoie aux ambiguïtés du terme « archives » et à l’instabilité sémantique qui le caractérise dans la société contemporaine. Il est certain que commissaires d’exposition et spécialistes de l’art contemporain font un usage très extensif du mot, de sorte qu’on peut se demander si cet emploi foisonnant du mot « archives » ne finit pas « par jeter un soupçon sur sa cohérence et sa pertinence lorsqu’il est question de décrire la singularité des dispositifs artistiques196 ». L’expression « artistes du stockage » employée par Régine Robin serait sans doute plus juste197. De fait, les archives des artistes ne sont que rarement celles des archivistes et le mot renvoie chez les premiers à tous les dispositifs d’enregistrement du passé imaginables. Souvent, la référence aux archives dans les œuvres d’art signifie « un état ou, mieux, un mode de fonctionnement de l’objet “en tant qu’archive”198 », sans pour autant correspondre à un document ou à un objet qui pourrait avoir le statut d’archives. Pour autant, l’archiviste sent bien qu’il doit s’intéresser à tout ce qui témoigne de la place des archives dans une société. N’étant pas théoricien de l’art contemporain ni critique d’art, il ne saurait se livrer à une analyse esthétique ou théorique des œuvres. Tout au plus peut-il essayer de décrypter comment l’art contemporain interroge les archives, non point pour en tirer des conséquences professionnelles mais pour comprendre la conception qu’ont les artistes, et avec eux la société qu’ils interpellent, du souvenir, de la mort, de l’enfance, de la trace et de tout ce qui en fait mémoire, privativement ou collectivement199.

    105Christian Boltanski est sans doute, sur ce cheminement, le meilleur des guides car, pour reprendre l’opinion de la sociologue de l’art Nathalie Heinich, Christian Boltanski est, parmi les artistes contemporains, « certainement le plus important de ceux qui ont pu travailler à partir des archives200 » et, sans doute, le plus archivistiquement intéressant. Sans être véritablement biographique ni narrative, son œuvre s’ingénie à nous fournir des supports, archives notamment, que le spectateur peut interpréter et recomposer à son gré. Dès 1969, il rassemble des images et des témoignages de son enfance dans un livre intitulé Recherche et représentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1944-1954. C’est le début d’une longue série de reconstitutions de sa jeunesse, passant notamment par la consignation d’archives personnelles dans des vitrines (Vitrine de référence, 1971) ou des boîtes à biscuits201. Photographies, écrits, objets personnels y sont exposés comme des reliques ou des trouvailles archéologiques qui témoignent de civilisations disparues. En 1989, Les archives de C.B 1965-1988 se présente comme un mur de 646 boîtes à biscuit en fer blanc contenant plus de 1 200 photos et 800 documents divers que Boltanski a rassemblés en vidant son atelier. Sur six mètres de large et presque trois mètres de haut, les boîtes empilées sont simplement éclairées par des lampes de bureau dont les fils électriques pendent négligemment, évocation de l’urgence de conserver ce qui est voué à la disparition. Des boîtes sont plus rouillées que d’autres, témoignage de l’usure du temps. La valeur documentaire des images et archives entreposées est évidemment secondaire. Qu’elles fassent effectivement référence à la propre vie de Boltanski ou qu’elles émanent d’autres vies singulières importe peu : c’est à l’expérience universelle de l’enfance et de la vie que le spectateur est convoqué. En 1987, Boltanski présente à Cassel une œuvre intitulée Archives. Il s’agit d’une accumulation de visages disposés sur des grilles, référence directe à l’Holocauste. Cette œuvre est la première d’une série faisant plus ou moins directement allusion à la Shoah. L’artiste y utilise toutes les représentations et toutes les évocations possibles de l’être humain, photographies, listes de noms, vêtements, objets personnels, toutes les archives de l’être humain, pour donner à voir l’individu dans la masse. Dans les années 2000, l’artiste renoue avec la veine autobiographique, le regard tourné non plus vers l’enfance mais vers sa propre mort. En 2001, dans La Vie impossible de C.B., il « solde ses archives personnelles » en accumulant dans vingt vitrines murales éclairées et grillagées une foule de documents personnels, photographies, enveloppes, cartes postales, lettres, etc.202. Il y a dans toutes ces œuvres un procédé de collection infinie, un effet « inventaire » comme dit Christian Boltanski, un souci de fermeture physique (on ne voit pas ce qu’il y a dans les boîtes), associés à une recherche du banal (les objets et les documents pourraient être ceux de n’importe qui) qui disent la difficulté de garder et même l’inanité de conserver :

    « Tous ces inventaires ou toutes ces collections servent plutôt à montrer l’impossibilité de garder, et qu’archiver ne fait pas revivre. […] Finalement c’est un travail qui est assez proche de celui d’un historien qui va essayer de faire revivre une personne oubliée. Moi, je sais qu’on ne peut faire revivre personne et que plus on montre, plus on recherche, plus on ressent l’absence de cette personne203. »

    106On l’aura compris, l’authenticité des archives exposées par Christian Boltanski est secondaire. S’il lui arrive d’utiliser des documents et des objets ayant réellement été possédés par une personne, comme dans Inventaire des objets ayant appartenu à la jeune fille de Bordeaux, 1973-1990 qui montre dans des vitrines plus de deux cents objets ayant effectivement appartenu à une bordelaise anonyme sélectionnée par voie de petite annonce par le CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux, la plupart des reliques présentées par Boltanski comme siennes sont fausses, proviennent de son neveu, sont empruntées à des inconnus ou sont complètement forgées. Dans Dix portraits photographiques de Christian Boltanski (1972) censés représenter dix photographies prises à différents âges de sa vie, figurent en réalité dix personnes différentes, toutes photographiées au même endroit. Nous voilà mis en garde contre tout fétichisme des archives et contre les pièges découlant de l’effet de réel propre à la photographie. Au-delà, toute une partie de l’œuvre de C. Boltanski consiste dans la construction vicariante d’une biographie personnelle « totalement fausse et donnée comme fausse avec toutes sortes de fausses preuves204 ». Dans Reconstitution des gestes effectués par Christian Boltanski entre 1948 et 1954 (1972), l’artiste prétend représenter des postures et des gestes de son enfance (descendre la rampe d’un escalier, rentrer de l’école le cartable à la main), mais les photographies nous montrent Boltanski adulte en train de les réaliser. Ici l’artiste invente des archives de lui, des « rétroarchives », construites depuis le présent, des archives qui présentifient le passé tout en rappelant que le présent est aussitôt du passé205.

    107Le mot « archives » réapparaît dans son œuvre en 2008. Invité par un collectionneur mécène japonais à réaliser une œuvre sur l’îlot d’Ejima dans la mer du Japon, il décide d’y installer une collecte de millions d’enregistrements de battements de cœurs humains, les Archives du cœur, renouant d’ailleurs avec une autre ligne de force de son œuvre, elle aussi d’esprit archivistique, l’inventaire, le catalogue, l’accumulation. Depuis janvier 2010, à la suite d’un accord passé avec le milliardaire américain David Walsh, l’atelier de Boltanski est filmé en continu. Les images sont diffusées également en continu dans une des salles du MONA (Museum of Old and new Art), le musée souterrain créé par le mécène sur l’île d’Hobart en Tasmanie. David Walsh s’est engagé à filmer sans interruption jusqu’à la mort de Boltanski et à conserver toutes les images sans aucune sélection. Il est difficile de ne pas voir dans cette œuvre viagère en construction un écho au mouvement du lifelogging (enregistrement de toutes les informations de sa vie), au projet Total Recall (du nom d’un ouvrage de Gordon Bell paru aux États-Unis en 2009) et au programme MyLifeBits de Microsoft, à tout ce qui tend vers un archivage total de soi, gage d’une forme d’immortalité numérique206.

    Image

    Figure 11. – La Vie impossible de C. B. (Cliché Agence photographique de la RMN.)

    108De nombreux autres artistes travaillent sur la notion de traces et s’intéressent au processus d’archivage des vies, aux archives de soi en quelque sorte. La Canadienne Ydessa Hendeles, née en Allemagne de parents ayant survécu à l’Holocauste, propose en 2002 avec son Teddy Bear Project une énorme installation archivistique consistant en 2 000 photographies issues d’albums de famille et présentant toutes un ours en peluche enfantin. Plusieurs centaines de peluches complètent le dispositif. Dans toute l’exposition, une seule légende, discrète, placée en regard d’une photographie qui représente un couple avec un landau : Jacobs et Dorothy Hendeles, survivants de l’Holocauste, avec Ydessa née le 27 décembre. Cette aventure artistique a attiré l’attention de la réalisatrice Agnès Varda qui lui a consacré un documentaire en 2004 : Ydessa, les ours et etc. On retrouve dans les installations et les réalisations filmiques de l’Afro-américaine Renée Green où se mêlent archives personnelles (écrits, images, sons), archives des autres et archives des lieux cet enchevêtrement complexe entre histoire personnelle et grande histoire. L’installation Partially Buried in Three Parts (1997) joue sur un lieu, une œuvre d’art et des éléments autobiographiques de l’artiste. Le lieu, c’est le campus de la Kent State University, dans l’Ohio où le 4 mai 1970 la Garde nationale tira sur des étudiants qui manifestaient contre l’invasion américaine du Cambodge, tuant quatre d’entre eux. L’œuvre d’art, c’est la sculpture Partially Buried Woodshed que le théoricien du Land Art Robert Smithson y réalisa alors que l’université était en pleine effervescence et dont il ne reste plus aujourd’hui qu’une photographie. Les éléments autobiographiques, c’est la mère de Renée Green qui enseigna la musique dans cette même université et aussi son père, enrôlé dans la guerre de Corée entre 1950 et 1953. L’installation se présente sous la forme d’un espace avec des coussins et des fauteuils. Des images-textes sont accrochés aux murs, linéairement ou non ; au centre, sont diffusées des vidéos. On peut voir, entre autres, des interviews de ceux qui ont participé à la réalisation de la sculpture de Smithson, Renée Green errant sur le campus à la recherche de traces de la sculpture, des images prises par son père pendant la guerre de Corée, des documents sur les années 1970, les recherches de l’artiste sur le mouvement étudiant sud-coréen de Gwangju en 1980, l’artiste visitant le cimetière où reposent les victimes de la répression de ce soulèvement, etc. Ainsi, dans les méandres de l’élaboration « d’une archive de soi » subjective207, transparaissent la fragilité de la frontière entre histoire et fiction, le présent comme résultat d’une négociation avec le passé, l’histoire comme produit d’une construction, les mystères lancinants de la production mémorielle : « Again and again the question arises : why is this included and that excluded208 ? »

    109Archives de soi, archives des autres, vies ordinaires, vies rendues extraordinaires par les événements dramatiques de l’histoire, l’utilisation artistique des archives est aussi le lieu de la réparation des oublis, des militances contre l’injustice. En Amérique latine, plusieurs artistes utilisent les archives photographiques, volontiers puisées dans les services publics d’archives, pour restaurer des passés enfouis ou difficiles, en restituant une identité aux disparus et ignorés. Depuis 1984, le Chilien Eugenio Dittborn produit une série d’œuvres intitulées Airmail Paintings, puisque, créées sous la dictature de Pinochet, elles étaient expédiées à des galeries étrangères pour y être exposées et ainsi échapper à la censure. Ses œuvres entendent restituer des vies celées par l’histoire officielle. Il procède par assemblage, mélangeant par exemple des photographies anthropologiques d’indigènes des années 1920 ou des rapports de police avec des photographies contemporaines ou des coloriages de sa fille209. L’artiste brésilienne Rosângela Rennó s’intéresse à la photographie ancienne comme témoignage de vies anonymes. Son travail se fonde sur des photographies repérées dans les archives privées de studios photographiques ou dans des dossiers administratifs conservés dans les services d’archives publics. Landscape (1996) est un collage composé de négatifs photographiques de visages inconnus, sorte de grande nécrologie collective qui renvoie au thème de la disparition, centrale en Amérique latine. Pour Imemorial (1994), l’artiste effectue des recherches dans les archives de la société Novacap, entreprise immobilière qui a construit une partie de Brasilia dans les années 1950, conservées aux archives publiques du district fédéral du Brésil. Elle y choisit 40 photographies de cartes d’identité d’ouvriers, morts pendant la construction de la ville. Agrandis, les clichés sont installés en ligne sur deux niveaux : certains sont accrochés au mur, d’autres sont à terre, alignés comme dans un cimetière militaire210. Dans Cicatriz (1996), Rosângela Rennó utilise les photographies prises entre 1920 et 1940 dans la prison Carandiru à São Paulo. Dix-huit gros plans de tatouages sont combinés avec douze textes sculptés sur le mur, puisés dans les archives médicales de la prison. L’ensemble témoigne du désir de rébellion contre toutes les formes de privation de liberté211. La péruvienne Milagros de la Torre travaille en 1996 avec l’archiviste du palais de justice de Lima qui la guide parmi les dossiers et les pièces à conviction. Elle en tire une série de quinze photographies de pièces à conviction et de traces de vies tragiques. The Lost Steps, à travers l’évocation de ces destins individuels ramenés à la lumière, propose une réflexion sur l’écriture de l’histoire et le matériau archivistique, des documents remis au jour pouvant éclairer différemment des zones d’ombre de l’histoire officielle212.

    L’art et le processus archivistique

    110Cette approche très centrée sur l’individu, soi ou les autres, ne suffit pas à épuiser l’intérêt de l’art contemporain pour les archives. Les artistes invitent aussi à une réflexion sur les mécanismes de l’archivage dans la société, sur la signification de la conservation étatique ou privée des archives, sur les raisons de la sélection. L’œuvre de Christian Boltanski nous éclaire à nouveau. La réserve du Conservatoire de musique est l’une des plus grandes œuvres de l’artiste : elle occupe environ 500 m2. Il ne s’agit pas d’une installation temporaire mais d’une œuvre pérenne. Dans les sous-sols de la Cité de la musique, sur des étagères, « aux archives », sont disposées des photographies agrandies des professeurs du Conservatoire, prises dans les anciens locaux de la rue de Madrid, et des cartons dans lesquels sont supposés se trouver leurs dossiers administratifs. Puis, viennent, dans des cartons d’archives sur des rayonnages, de véritables archives, documents ayant servi à Portzamparc pour construire le bâtiment, offres non retenues du concours d’architecte, etc. L’œuvre est entourée d’une sorte de mystère : elle est peu connue, peu photographiée, visible seulement sur rendez-vous, après autorisation, pendant une heure, tous les six mois. Invité à expliquer et justifier son projet, Boltanski évoque les fondations de l’édifice :

    « Pour faire accepter cette œuvre, j’avais expliqué que très souvent au Moyen Âge, on enterrait un objet avant de construire une cathédrale pour que la cathédrale tienne, et que donc pour construire un nouveau conservatoire, il fallait enterrer tout ce qui avait appartenu à l’ancien conservatoire, que cette chose était invisible mais faisait tenir le bâtiment. »

    111Et d’ajouter malicieusement :

    « En même temps, ce sont des archives qu’on ne peut pas consulter, ou alors très difficilement, et qui sont parfois – et ceci est lié à l’art – légèrement fausses : il y a par exemple des boîtes avec une photo et un nom et parfois la photo ne correspond pas au nom, ce qui m’est tout à fait égal ; il n’y a donc pas une vérité d’historien, il y a simplement l’impression d’être dans un labyrinthe d’archives213. »

    112Ces archives, fondation et fondement indispensables, mais en même temps enfermées dans un « lieu pourrissant, car construit dans des vides sanitaires, un peu humides », jamais consultées, mais précieuses, ne sont pas sans faire penser à ces textes médiévaux ou modernes qui parlent de chartes illisibles parce qu’à moitié rongées ou putréfiées, mais néanmoins précieusement conservées derrière une porte à trois serrures : un trésor, au sens médiéval du terme.

    113Boltanski aborde aussi, de manière plus politique et sociétale, la question du rôle du passé dans l’espace public et des silences de la mémoire. En 1993, à l’occasion de la deuxième Biennale de Lyon, il crée Fichiers, archives de la ville de Lyon. Il s’agit d’un amoncellement de dossiers déposés pêle-mêle dans un grand trou fermé par un vitrage sur lequel le visiteur peut marcher :

    « Sous cette plaque, des piles de vieux papiers éclairées par une lumière douce et jaune, comme dans un cabinet d’archives. Je m’en souviens comme de quelque chose d’absolument sidérant »,

    114raconte Nathalie Heinich214. Selon l’artiste lui-même, ces deux à trois tonnes d’archives, presque enfouies, qu’on ne découvre que par hasard, qu’on n’aurait peut-être pas dû voir, évoquent la présence du passé de la ville, qu’on ne voit pas mais qui est présent et qui agit : « On voyait le poids du passé de la ville215. » « Comme un trou dans la mémoire », dit justement Nathalie Heinich216.

    115Avec, derrière, à côté de Christian Boltanski, ils sont nombreux les artistes à porter une interrogation sur les conditions sociétales de production et de conservation de la trace, y compris archivistique, ce qui peut aussi entraîner une remise en cause des modalités d’écriture de l’histoire « officielle », de la possible tyrannie des archives, ce que le commissaire de l’exposition Archive Fever : Uses of the Document in Contemporary Art, Okwui Enwezor, appelle un « fascisme archivistique217 ». Raison de plus pour estimer qu’une posture archivistique est loisible et qu’il n’est pas interdit ni inutile de se demander, en archiviste, ce que disent ces artistes des archives, de leur valeur, des conditions de leur conservation, de leur insertion dans la société.

    116L’installation de l’artiste américaine Andrea Fraser, Information Room, à la Kunsthalle de Berne en 1998 invite assez radicalement à livrer les archives au public et à les déconstruire. L’artiste avoue un rejet instinctif de toute documentation rationnellement organisée, car synonyme de bureaucratie et d’inhumanité. Des boîtes d’archives, pleines de documents appartenant réellement au musée, sont disposées au milieu d’une pièce, rangées sur des palettes en bois, sans aucune indication apparente, ni classement. Les visiteurs sont libres de fouiller comme ils l’entendent et, éventuellement, de consulter plus longuement sur une petite table mise à leur disposition. Au bout de quelques semaines, la salle est dans un désordre épouvantable, au grand plaisir de l’artiste : « After a few weeks it really became a very big mess. It was great218. » Certains visiteurs s’approprient vraiment le lieu et reviennent régulièrement lire pendant de longues heures la documentation si bizarrement mise à leur disposition. L’artiste fait des archives et de la documentation du musée une cible idéale de sa critique implacablement continue de tout espace institutionnel de l’art comme lieu de consommation et de pouvoir. Cette remise en cause l’amène aussi à rassembler les objets et documents du collectif d’artistes Parasite en des archives privées, non institutionnelles et complètement ouvertes.

    117Nombre d’artistes nous mettent en garde contre les archives, le processus de mise en archives et les conditions de leur utilisation. La photographe américaine Zoe Leonard nous propose en 1993 dans The Fae Richards Photo Archives 78 photographies retraçant la vie d’une personne imaginaire, afro-américaine et chanteuse de blues, qui aurait vécu de 1908 à 1973. Les photographies sont réalisées aujourd’hui mais avec des appareils et selon des procédés de tirage anciens. Un soin particulier est apporté à tout ce qui peut faire vrai : costumes, décors, attitudes des personnages photographiés. La présentation sous vitrine, dans l’ordre chronologique, fait scientifique. Pour autant, il ne s’agit pas vraiment de nous tromper : un cartel accompagne l’œuvre et dévoile le procédé. Il s’agit plutôt de se livrer à un travail de déconstruction des archives et de relativiser la valeur scientifique des « procédures de sélection et de fabrication du discours des sciences humaines219 ».

    118L’Atlas group fondé en 1999 par l’artiste libanais Walid Raad joue aussi sur des archives fictives et place le débat, compte tenu de l’histoire récente du Liban et de la loi d’amnistie générale de 1991, sur un terrain plus ouvertement historiographique. Le nom choisi est un indice par son multiréférencement : on songe à l’Atlas du peintre allemand Gerhard Richter, cette accumulation d’images proposée par l’artiste à la fois comme le matériau de base de ses créations et comme une œuvre en soi ou au Bilderatlas Mnemosyne composé par Aby Warburg entre 1927 et 1929 en réaction aux atrocités de la première guerre mondiale. Le projet est présenté comme une fondation à but non lucratif destinée à recueillir les traces et les archives de la guerre du Liban afin de les mettre à la disposition des chercheurs, grâce à la mise en ligne sur un site Web [www.theatlasgroup.org], des expositions et de nombreuses publications. Mais les archives sont produites par l’artiste et les récits sont fictifs. La série intitulée The Secrets File (2002) rassemble plusieurs photographies monochromes bleues soi-disant retrouvées dans les décombres du centre-ville de Beyrouth en 1992 et léguées par le gouvernement libanais au Groupe Atlas pour qu’il procède à leur étude et à leur analyse. L’examen en laboratoire, en France et aux États-Unis, aurait révélé l’existence de photographies en noir et blanc sous-jacentes, qui représenteraient les portraits de personnes ayant disparu en mer pendant la guerre. Exposée, l’œuvre se présente sous la forme de photographies monochromatiques bleues de dimensions monumentales et de photographies noir et blanc dans un petit format en bas à droite du cadre, prétendument la photographie découverte par radiographie. Une partie des archives détenues par le groupe est présentée comme lui ayant été données à sa mort en 1993 par un historien imaginaire, « le plus renommé des historiens libanais », le docteur Fakhouri : 26 carnets de notes, 24 photographies et 2 films. Il ne s’agit pas de documents bruts mais des notes préparatoires à l’écriture de l’histoire, incluant des documents originaux. L’artiste entend ici nous plonger au cœur du travail de l’historien et nous en montrer toute la fragilité et la complexité, dans le rapport aux faits comme aux archives qui les documentent. Il interroge l’opération historiographique d’une manière approfondie220. Ouvrons le carnet numéro 72, intitulé Missing Lebanese Wars. On y voit une coupure de presse extraite du journal Al-Nahar montrant un cheval vainqueur d’une course hippique, des notes de l’historien, des calculs, des chiffres, des tableaux, difficilement compréhensibles. Diverses annotations critiques orientent le lecteur :

    « On ignore généralement que les grands historiens des guerres libanaises étaient des joueurs compulsifs. Ils se retrouvaient tous les dimanches au champ de course ; Maronites et Islamistes pariaient sur les sept premières courses ; Nationalistes maronites et Socialistes pendant les huit autres. Course après course, les historiens se tenaient derrière le photographe officiel dont la tâche était de fixer sur la pellicule le moment où le cheval gagnant franchirait la ligne d’arrivée. On dit que les historiens avaient convaincu (certains disent soudoyé) le photographe de ne pas prendre qu’une seule photographie du cheval gagnant à l’arrivée. Chaque historien pariait sur le moment précis – combien de fractions de secondes avant ou après le franchissement du cheval de la ligne d’arrivée – où le photographe prendrait son cliché221. »

    119Ou encore ce commentaire :

    « Chacune des planches suivantes inclut une photographie découpée dans le numéro du journal Al-Nahar paru le lendemain de la course, les annotations du Docteur Fakhouri sur la distance et la durée de la course concernée, le temps du cheval vainqueur, le calcul de sa vitesse moyenne pendant l’épreuve, les initiales des historiens et leurs mises respectives, le laps de temps indiqué par le gagnant du pari. Sur chaque page figure également un bref paragraphe en anglais. La veuve du Docteur Fakhouri, Zainab Fakhouri, les a attribués à l’habitude qu’avait son mari d’inclure dans ses carnets de brefs commentaires sur l’historien gagnant222. »

    120Les historiens apprécieront la scène qui les montre, après être restés sagement blottis derrière le photographe officiel, se livrer à des calculs aussi savants qu’inutiles pour déterminer le meilleur d’entre eux. C’est donc une invite à considérer le document d’archives comme un objet éminemment construit qui nous est adressée. Les spécificités du régime artistique des archives, et notamment la fusion grâce au processus de création des temps habituellement distincts de production et de restitution des archives, viennent excellemment nous rappeler que la matérialité archivistique traditionnelle n’est que le support, certes stable, d’une idée projetée par le visiteur ou l’utilisateur qui, elle, est éminemment plastique et labile.

    121Dans ces conditions, on en vient à se demander si les archives artistiques ne sont pas plus fiables ou plus performantes que les « vraies » archives et s’il n’appartient pas précisément aux artistes de les produire. L’Allemand Hans-Peter Feldmann collectionne depuis quarante ans les images banales de toute sorte, coupures de presse et publicités, photographies de famille et cartes postales, auxquelles il ajoute ses propres photographies. Il en tire régulièrement des œuvres apparemment simples, inspirées par des logiques classificatoires, sous forme d’albums édités ou d’accrochages et d’installations : Die Toten en 1998, photographies des victimes de la Fraction Armée Rouge ; Birgit en 2006, photographies d’une femme se maquillant ; Smoke en 2007, photographies de fumeurs célèbres et anonymes. À chaque fois, le principe de classement choisi fait croire à la possibilité de maîtriser l’immense documentation rassemblée, sans jamais ni l’épuiser, ni la dominer, ni même l’exprimer. Nous sommes en présence « d’archives sauvages223 » qui, bien que renonçant à toute rationalisation et, surtout, à toute hiérarchisation n’en parviennent pas moins à produire du sens, ou des sens, à l’infini.

    122Archives fictives, archives immaîtrisées, archives reconstituées. Le 17 juin 2001, le britannique Jeremy Deller reconstitue la bataille que se livrèrent mineurs et policiers le 18 juin 1984 à Orgreave, commune du sud Yorkshire, pendant la grande grève des mineurs de 1984-1985. Après un long travail de documentation, d’enquête orale et de recherche y compris en archives, The Battle of Orgreave prend la forme d’une performance collective qui fait rejouer en public les affrontements entre forces de l’ordre et mineurs par 800 participants, membres de sociétés de reconstitution de batailles historiques, anciens mineurs ou policiers, témoins des événements réels, familles des mineurs, habitants de la région. Il en sort un film et un livre intitulé The English Civil War part II. Personal accounts of the 1984-1985 miners’strike dans lequel sont publiés quantité de documents de toute sorte : témoignages d’acteurs, reproductions d’archives publiques, tracts, chants syndicaux, coupures de presse, archives syndicales jusqu’alors secrètes, un CD d’entretiens et, bien sûr, des images et des documents sur l’événement du 17 juin 2001. On peut lire cet énorme dispositif de re-enactment de différentes manières, complémentaires plutôt qu’exclusives : commémoration, catharsis collective, histoire vivante224, volonté de redonner prise sur le passé225. On ne saurait minimiser pour autant le rôle central qu’y tient la production d’archives qui, pour être partiellement reconstituées, n’en possèdent pas moins une prétention à dire le réel, en particulier sur la question controversée de l’initiative des violences, les médias britanniques ayant prétendu à l’époque des faits que les mineurs avaient chargé la police.

    123Dès 1984, l’artiste russe Ilya Kabakov avait dans son installation Sixteen Ropes montré la difficulté presque insurmontable de toute entreprise d’archivage et les non moins grands écueils qui font obstacle à l’exploitation intellectuelle des archives. On y voit des bouts d’objets usagés, sortis des poubelles, suspendus à intervalle régulier sur seize cordes parallèles, à hauteur des yeux. Des étiquettes attachées avec des morceaux de ficelle permettent de lire des phrases ou des fragments de textes du genre « Regarde ce que nous avons emprunté à la bibliothèque ! » ou « Nous allons le lire ce soir ! » L’œuvre s’interprète d’abord dans le contexte soviétique de 1984, à la veille de la Glasnost de Gorbatchev. Mais elle a une portée universelle. C’est une métaphore de l’archivage et des archives, le mot anglais file signifiant à la fois suspendre quelque chose avec un bout de ficelle et dossier d’archives. L’auteur s’interroge sur l’essence de l’archivage : est-ce que les archives pourront nous livrer leur signification, le sens d’une époque ? Est-ce que les objets usagés (les archives) piégés dans le dispositif pourront se transformer en objets de culture et d’histoire ? Est-ce que la grille de lecture formée par les fils horizontaux et les ficelles verticales pourra transmuter la diversité des objets piégés en une histoire cohérente ? L’installation pose encore une autre question, fondamentale pour l’archiviste : est-ce que le dispositif préexiste ou est-ce que les objets usagés ont une existence propre ou n’est-ce pas plutôt l’ensemble de l’installation, les objets pendants, les fils, les étiquettes, difficilement compréhensibles, et le visiteur qui fabriquent quelque chose, les archives226 ? Par la suite, l’artiste reviendra à plusieurs reprises sur les dangers d’étouffement, de saturation et de stérilisation de la pensée pour cause de conservation excessive et sur la nécessité d’un non-mémorable, notamment dans L’homme qui ne jetait jamais rien en 1988 (The Man Who Never Threw Anything Away). Dans une petite pièce triste, sont entassés quantité d’objets sans valeur, de documents administratifs, de coupures de presse, de vieux papiers. Tout est rangé. Sur la table, un article intitulé La Poubelle227.

    Archives de l’art

    124On n’échappe pourtant pas à la logique de la trace et difficilement à celle du travail historique à partir de la trace. Le milieu du spectacle vivant dans son ensemble connaît depuis le début des années 2000 une multiplicité d’initiatives en faveur de ses archives qui frappent par leur simultanéité, qu’elles soient d’origine institutionnelle avec la mise en ligne d’un répertoire des arts du spectacle (RASP) en 1997 et du Guide des archives d’artistes, galeries et collectionneurs En Ligne (GAAEL) en 2004, ou qu’elles résultent d’initiatives associatives comme la création du site Web Les Archives du spectacle en 2007228. Dans le domaine de l’art contemporain, le projet européen Vektor lancé en 2000 témoigne aussi d’une attitude nouvelle quant aux besoins d’archivage. Entre 2000 et 2003, cette action ressortissant au programme culture 2000 de la Commission européenne et dotée de 817 000 euros par la Commission a notamment permis le développement, sous la conduite du centre autrichien de documentation et d’archives de l’art contemporain Basis Wien, d’une plate-forme permettant de mettre en ligne des informations sur les artistes européens ou des documents numérisés (European-art. net), la réalisation de deux expositions internationales (Wiedervorlage d5 – Eine Befragung des Archivs zur documenta 1972 à Cassel et ArtWord. Archivio di Nuova Scrittura. La digitalizzazione di archivi d’arte moderna e contemporanea au Museion, le musée d’art moderne de Bolzano), l’organisation du colloque Les Artistes contemporains et l’archive : interrogation sur le sens du temps et de la mémoire à l’ère de la numérisation par les Archives de la critique d’art et la publication d’un manuel d’organisation d’archives artistiques (Archiving the present – Gegenwart dokumentieren. Manual on Cataloguing Modern and Contemporary Art in Archives and Databases – Handbuch zur Erschließung moderner und zeitgenössischer Kunst in Archiven und Datenbanken229). On pourrait encore citer le dossier consacré par la Revue de la Bibliothèque nationale de France en 2000 aux « archives, patrimoine et spectacle vivant », l’organisation d’une journée d’étude par le Centre d’histoire du XXe siècle de l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et le département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France en 2009 sur Archives et spectacle vivant, les initiatives de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) comme l’exposition Archives d’artistes XIXe-XXe siècles en 2006 ou les journées d’études Objets d’archives en 2006-2007, ou encore l’intérêt des festivals pour leurs archives, récent hormis le cas avignonnais230.

    125Cette densité et cette chronologie resserrée des actions et des projets peuvent être interprétées de diverse manière. On peut y voir le signe réconfortant d’une prise de conscience collective dynamisée par la structuration d’une thématique de recherche historique et l’enrichissement de ses problématiques. Nous pensons qu’il y a plus et que l’engouement pour les archives du spectacle vivant indique aussi une profonde mutation du regard des artistes en général sur leurs archives. Peu à peu débarrassées des perceptions négatives ou anxiogènes liées à des équivalences sémantiques longtemps automatiques comme archives/pouvoir ou archives/administration, elles se trouvent interrogées d’une manière originale, priées de rendre des services nouveaux. En décembre 2001, une enquête par questionnaire menée auprès de 180 visiteurs de l’exposition Wiedervorlage d5 – Eine Befragung des Archivs zur documenta 1972 présentée à l’occasion du quarantième anniversaire de la création des archives des documenta de Cassel révèle que 80 % des personnes interrogées associent « archives » à « mémoire culturelle » (Kulturelles Gedächtnis) et 3 % seulement à « savoir mort » (totes Wissen231). Il n’est pas sûr que le résultat ait été le même cinquante ans plus tôt auprès d’un échantillon analogue. Dans le système art-culture décrit par James Clifford, les archives sont en train de devenir autre chose qu’un des rouages de la machine à authentifier. Nous voudrions prendre deux exemples de modes d’expression artistique qui, pour des raisons pratiques, techniques et idéologiques, apparaissent spontanément très éloignés de toute pratique archivistique, en dehors bien sûr de l’archivage administratif des supports institutionnels sur lesquels ils s’appuient : la performance et la danse. Comment le questionnement archivistique s’y fait jour ? De quelles natures sont les demandes archivistiques qui s’y expriment ?

    126L’art corporel tel qu’il s’est constitué en France dans les années 1960 ignore l’œuvre qu’il remplace par l’accomplissement d’une expérience fondamentalement et uniquement inscrite dans le présent : actions, rituels, performances, avec ou sans public. La question de la mémoire de ces expériences se pose pourtant aujourd’hui avec une particulière acuité et ce d’une double façon. Un besoin d’historicisation en premier lieu. Une nouvelle génération d’historiens de l’art contemporain souhaitent mettre la performance en histoire ce qui pose tout à la fois la question du matériau archivistique et de la relativisation du rôle du témoin oculaire, jusqu’alors roi. Les traces archivistiques disponibles obéissent à une typologie relativement restreinte : captations organisées par les artistes eux-mêmes, plus ou moins instrumentalisées dans leur stratégie de médiatisation et de communication, dessins préparatoires, descriptions de projets d’actions, scripts, correspondances, témoignages, articles dans des revues spécialisées. Elles n’en méritent pas moins d’être collectées et analysées. Ainsi, la spécialiste américaine du body art Amelia Jones, écrivant en 1997 dans un numéro de la revue Art Journal consacré à la performance où elle se trouve être la seule contributrice qui n’a pas assisté aux actions dont elle parle, est conduite à affirmer une position de rupture :

    « Bien que je sois respectueuse de la spécificité des connaissances acquises en participant à une situation de performance en direct, je soutiendrai ici que cette spécificité ne devrait pas être surestimée par rapport à la spécificité des connaissances qui se développent au contact des traces documentaires d’un tel événement232. »

    127Créées en 1989 par l’universitaire Jean-Marc Poinsot, fondateur du FRAC Bretagne et ancien chargé de la documentation du CAPC Musée d’art contemporain de Bordeaux, les Archives de la critique d’art sont un centre documentaire spécialisé sur la critique d’art, lié à l’Association Internationale des Critiques d’Art (AICA). Depuis le début des années 2000, elles se veulent le lieu privilégié en France pour la mise en histoire de la performance, collectant des fonds de critiques et théoriciens de la performance comme Dany Bloch, François Pluchart ou Pierre Restany.

    128D’autre part, la mode récente du re-enactment, c’est-à-dire les reprises à l’identique ou les reconstitutions de performances réalisées dans les années 1960-1970, confère aux archives disponibles un nouveau statut, celui d’une source de création, ou de support d’un répertoire en cours de constitution. Pour être symbolique, cette archéologie artistique n’en soulève pas moins des problèmes de documentation. En mai 2006, à l’occasion de la présentation à la Kunsthalle Fridericianum de Cassel du film controversé de la pionnière serbe du body art Marina Abramović, Seven Easy Pieces, dans lequel elle reconstitue six performances mythiques des années 1960 et 1970233, un colloque est organisé sur les reprises de performances et leur documentation (How to perform ? Re-enactment and documentation in performance art), avec cette question iconoclaste : est-ce que le futur de la performance est dans son passé ? La Performance Re-enactment Society (PRS) se présente comme un collectif d’artistes, d’archivistes et de chercheurs qui se fondent sur les documents d’archives pour recréer des performances avec la double intention de proposer un acte artistique et de conserver ce que l’on est bien obligé d’appeler un répertoire :

    « Their collaborative performance re-enactments are acts of conservation and transform past works into new events. »

    129De novembre 2008 à janvier 2009, le Centre Arnolfini d’art contemporain leur offre l’occasion de recréer, avec l’aide de deux archivistes du centre, des performances de Douglas Gordon, Alison Knowles ou Julius Koller. Le public est invité à mobiliser ses propres souvenirs et à donner ses instructions, dans l’esprit du Do it d’Obrist. Les images de ces re-enactements entrent ensuite dans les collections du centre, contribuant ainsi à documenter des performances historiques après y avoir puisé leur matière première, en un saisissant aller-retour archives-art-archives.

    130Quand on évoque l’archivage de la danse, on pense d’abord aux contraintes de fixation des gestes, des pas et des mouvements : systèmes de notations (notation Laban et notation Benesh), partitions chorégraphiques, captations, vidéos, écrits. Mais la question principale n’est peut-être pas celle-là. Elle réside selon nous dans la demande d’archivage chorégraphique, dans la naissance de la pulsion de conservation. De ce point de vue, la danse contemporaine possède sa dimension propre, celle d’une danse qui refuse tout ce qui pourrait la brider, la rattacher, la limiter, à une filiation, une école, une tradition. Rien qui paraisse plus éloigné de l’histoire ou du patrimoine que la danse contemporaine, tout entière tournée vers la recherche et l’invention. Indubitablement, dans ce milieu peut-être plus encore qu’avec d’autres formes d’expression artistique, les archives sont synonymes d’académisme et de garants de l’héritage académique. Ajoutons qu’ici, comme partout dès qu’il s’agit de spectacle vivant, l’idée prévaut que l’éphémère et l’unique ne sauraient être fixés et encore moins archivés. Le danseur et chorégraphe français Dominique Dupuy note que l’existence de traces écrites des pas d’un ballet ne signifie presque rien non seulement parce qu’il faut comprendre la notation adoptée mais aussi parce que ces archives ne nous renseignent pas sur ce qu’il y a entre les pas234. Et pourtant, le même Dominique Dupuy, s’interroge en 2007 :

    « Après une longue abstinence, n’est-il pas temps que cette danse commence à se préoccuper de ses sources, s’interroger sur ce qui la fonde, faire allégeance au passé comme pour envisager autrement son futur ? »

    131Dès que l’on se met à accepter la perspective archivistique, alors se posent des questions fondamentales, qui ne sont pas celles du support et de la méthode de l’enregistrement, mais qui, proprement archivistiques, touchent à la collecte, à l’évaluation, aux éliminations :

    « Au cas où se profilerait l’idée d’une politique de l’archive, le “qu’est-ce qu’on veut garder ?” ne serait-il pas plus crucial que “qu’est-ce qu’on peut garder ?” Garder quoi ? Nous arrivons à ce pour quoi235. »

    132Il est frappant de constater que cette injonction archivistique s’accompagne, en raison des valeurs dont le milieu qu’elle agite se sent porteur, d’une forme d’utopie archivistique. Il en résulte une réflexion sur la manière d’échapper aux inconvénients mécaniques de tout archivage institutionnalisé, celui du Centre national de la danse par exemple, sa tendance réductrice à sélectionner le plus reconnu, le plus légitime, à renforcer les hiérarchies existantes :

    « L’archive de la danse contemporaine ne peut pas être comme les autres. Peut-on envisager qu’elle soit en dehors du patrimonial, du muséal, en dehors des chefs-d’œuvre, en dehors de la hiérarchie ? Peut-on l’envisager non pas comme référence obligée qui rassure et conforte, mais comme ferment déstabilisateur, brouilleur de piste, trop vite, et trop bien tracée236 ? »

    133Dominique Dupuy et son épouse Françoise finiront par faire don de leurs archives à la Bibliothèque nationale de France en mai 2011.

    134Ce type d’exigence peut déboucher sur ce que l’on pourrait appeler une archivistique artistique, c’est-à-dire que l’acte d’archivage s’intègre à une boucle de création. Il en va ainsi de l’association « Les carnets Bagouet » créées en 1992 à la mort du danseur Dominique Bagouet par ses anciens interprètes autour de ses archives. Même si les archives sont déposées à l’IMEC dès 1996, l’association continue de travailler sur la transmission chorégraphique :

    « Dans les jours qui suivirent la mort de Dominique Bagouet, le désir d’assurer une pérennité vivante (pas muséale) à cette œuvre s’est imposé aux danseurs237. »

    135En 2004, le chorégraphe Alain Michard élabore un vaste projet entièrement axé sur les problématiques de la transmission et de la création. Retransmissions consistent à faire exécuter des parties du répertoire de Bagouet par ses anciens interprètes et à solliciter la reformulation en écho par un groupe de chorégraphes. Le dispositif est complété par ce qu’il nomme une « performance-exposition », sous le nom de Centre de documentation mobile. Il s’agit d’un espace de consultation et d’échanges dans lequel Alain Michard et ses collaborateurs proposent de faire découvrir comment un projet chorégraphique se nourrit de sources, de traces, d’archives238. En décembre 2009, un colloque international organisé par les Archives de la danse de Leipzig (Tanzarchiv) explore pendant quatre jours la question des rapports entre archives et pratiques chorégraphiques239. On y propose notamment l’emploi des néologismes « arch/live » et « docu(embodi)ment » pour bien signifier l’insertion des pratiques archivistiques dans les processus de la création chorégraphique. C’est aussi dans cet état d’esprit que l’Association des centres chorégraphiques nationaux propose le 13 juillet 2011, dans le cadre du festival d’Avignon, une rencontre Archives et écritures contemporaines : une mutation à l’œuvre, à l’ère du numérique. Considérant que les archives « ne s’opposent plus à la dimension éphémère du spectacle vivant », les organisateurs de cette table ronde estiment qu’un « nouveau statut pour l’archive émerge aujourd’hui » dans le champ chorégraphique240.

    136Si la performance et la danse sont deux univers spécialement intéressants pour étudier les formes de l’injonction archivistique et les modalités originales d’investissement des archives par les artistes, ils ne sont pas les seuls à être ainsi travaillés par le ferment des archives. Dans le milieu des musiques actuelles, le projet Mémoire de Trans est tout aussi typique. Les Rencontres Trans Musicales de Rennes sont devenues depuis leur création en 1979 un festival de référence en matière de musiques actuelles avec une vingtaine de milliers d’entrées payantes chaque année. En 2008, à l’occasion de leur trentième anniversaire, l’Association des Trans Musicales (ATM) lance le projet Mémoire de Trans. L’analyse du discours tenu par l’association sur son propre projet confirme à la fois l’inéluctabilité de la conservation archivistique et la nécessaire reformulation de l’acte d’archivage dans un milieu où une forme d’idéologie contre-culture prévaut.

    « Nées dans l’énergie dionysiaque d’une contre-culture, les musiques actuelles sont-elles compatibles avec ce regard que le travail d’archives fait porter sur son objet ? »

    137s’interrogent les promoteurs du site Mémoires de Trans. Leur réponse est positive pour deux raisons : parce que « les musiques actuelles font déjà partie de l’histoire des arts » mais aussi, et peut-être surtout, parce que préserver les archives ce sera transmettre l’esprit et les valeurs du festival ressenties comme plus que jamais utiles dans « le monde très industriel des musiques actuelles » qui a

    « depuis longtemps transformé l’œuvre en produit et a gommé la curiosité de certains esprits tant le formatage et la standardisation sont les maîtres mots de la production d’aujourd’hui ».

    138Dans cette perspective, les archives pourront se révéler fertiles et ouvrir « à de nouvelles lectures, enrichies de la répétition des faits241 ». Il est à noter que ce n’est que dans un deuxième temps, après un très classique dépôt des archives aux archives municipales de Rennes en 2003242, que cette appropriation enthousiaste de la démarche d’archivage intervient, à la faveur notamment de la création d’un site Web qui permet d’y ajouter un volet participatif avec la possibilité pour les internautes de partager des documents photographiques ou vidéos sur des concerts présents ou passés.

    *

    139La morphogénèse archivistique se révèle multiforme. La demande sociale y tient sa place. Dans les champs de la valorisation économique et de l’accès communautaire, à tous les sens du terme, on peut parler de groupes sociaux mobilisés autour d’enjeux archivistiques, exprimant des demandes de nature archivistique même si elles ne s’adressent pas obligatoirement à l’institution archivistique. Il existe certainement une demande sociale d’accès aux données publiques, incluant les archives, ainsi qu’une demande de partage d’images, y compris d’archives, qui mettent en mouvement des groupes sociaux différents qui divergent sur le modèle économique à promouvoir. On voit bien que plutôt que l’accès payant à la demande ou l’abonnement, ce sont d’autres modèles économiques qui, ici comme ailleurs, ont le vent en poupe, fondés sur une gratuité apparente financée notamment par la publicité. Les archives, les images notamment, s’affirment comme un terrain d’application du fameux effet « longue traîne » théorisé par le journaliste américain Chris Anderson, c’est-à-dire le phénomène selon lequel des produits qui ne bénéficient pas d’une forte demande peuvent collectivement représenter un marché considérable pourvu que des canaux de distribution performants créent suffisamment de points d’accès pour permettre aux personnes intéressées de les découvrir243. Ce modèle suppose une réduction des coûts de stockage et de distribution que permet, par exemple, la numérisation. Il se caractérise aussi par ce que Dominique Sagot-Duvauroux appelle une évaporation de la valeur244 en faveur des acteurs qui, précisément, donnent les moyens de valoriser « la traîne », fournisseurs d’accès ou agrégateurs notamment, d’où le sentiment de dépossession des professionnels. Dans le même temps, on assiste à une relativisation de la valeur informationnelle des archives au profit des dimensions affectives, émotives ou symboliques, individuellement ou collectivement ressenties. La rencontre de l’art contemporain et des archives et les pratiques archivistiques observables dans les milieux du spectacle vivant, témoignent non seulement de la prégnance de la trace et de l’injonction mémorielle, mais encore de la capacité de groupes sociaux à inventer leur rapport aux archives et à concevoir un modèle archivistique en fonction de leur propre culture.

    140À l’image de la politique culturelle en général, il reste rare néanmoins qu’un enjeu proprement archivistique mobilise de manière apparente ou revendicative un groupe social, en dehors des professionnels et des administrations concernées. Dès lors, le danger est grand que les professionnels, absorbés par la conception de leur offre et le désir de susciter une demande conforme à cette offre, deviennent prisonniers d’un processus d’auto-légitimation : l’offre archivistique se justifie en elle-même. Ignorer la demande c’est prendre le risque au pire d’une autonomisation des demandes et de leur orientation vers des acteurs nouveaux, marginalisant les acteurs traditionnels, ou au mieux d’une posture d’accompagnement relativement passif comme celle décrite, avec honnêteté par l’inspecteur général des Archives de France Gérard Ermisse à propos de la généalogie :

    « En accompagnant le développement des pratiques culturelles amateur des généalogistes et des historiens, les archives ont offert un cadre structurel à un phénomène socioculturel typique de la fin du XXe siècle et du début du XXIe. […] Ce n’était certainement pas au départ une politique résolument et volontairement construite par la majorité des archivistes français ; au mieux une réponse consciente et volontiers consentie à une demande sociale qui nous a tous surpris par son ampleur et sa durée245. »

    141De ce point de vue, des demandes dérangeantes comme celles des archives de communauté ou des usages étonnants comme ceux de l’art contemporain invitent à un enrichissement de la réflexion sur la valeur des archives. Tout se passe comme si, désormais, la véritable valeur des archives était avant tout d’être aisément partageables246.

    Notes de bas de page

    1 Menguy M., Connaissance des besoins et demandes de la population dans les communes, Paris, CNFPT, 1989, 160 p. Anquetin V., Freyermuth A., La figure de « l’habitant » : sociologie politique de la « demande sociale », Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, 184 p.

    2 Worms J.-P., Reynaud E., « L’aménagement des Halles. Demandes, exigences sociales et planification urbaine », Revue française de sociologie, 1974, no 15, p. 487-528.

    3 « Sondage, “Les Français et les archives”, octobre 2001 », Une cité pour les Archives nationales, les Français et leurs archives, actes du colloque au Conseil économique et social, 5 novembre 2001, Paris, Fayard, 2002, p. 217-220. Prost A., « Les Français et les archives. Le sondage du journal Le Monde », Comma, 2003, fasc. 2-3, actes de la XXVIe Conférence internationale de la Table ronde des Archives, Marseille, France, 12 au 15 novembre 2002, p. 51-56.

    4 Chombart de Lawe P.-H., Pour une sociologie des aspirations : éléments pour des perspectives nouvelles en sciences humaines, Paris, Denoël, 1971, 211 p.

    5 Lefort I., « La géographie : quelle(s) demande(s) sociale(s) pour quels publics ? », Tracés, revue de sciences humaines, no 10, 2010, p. 205-215, en ligne, disponible sur [http://traces.revues.org/index4828.html] (consulté le 30 juillet 2011). Grossetti M., « Sciences et “demandes sociales” au tournant du siècle », Sciences de la société, 2000, no 49, p. 3-10.

    6 Klingemann H.-D., « Comment déceler les nouvelles demandes sociales ? Exploration des mécanismes permettant aux citoyens et aux gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe d’introduire et de déceler les demandes sociales », Nouvelles demandes sociales : défis de la gouvernance, Strasbourg, Éditions du Conseil de l’Europe, 2002, p. 27-65.

    7 Herscovici A., La demande suscitée dans le domaine culturel. Analyse de la relation entre les différentes demandes culturelles et les réponses apportées dans le cadre des politiques communales, CNFPT, 1989, 142 p. Friedberg E., Urfalino P., Le jeu du catalogue, les contraintes de l’action culturelle dans les villes, Paris, La Documentation française, 1984, 153 p.

    8 Bon J., Louppe A., Marketing des services publics : l’étude des besoins de la population, Paris, Les éditions d’organisation, 1980, 204 p. Teboul R., Champarnaud L., Le public des musées. Analyse socio-économique de la demande muséale, Paris, L’Harmattan, 1999, 134 p.

    9 Caya M., La théorie des trois âges en archivistique. En avons-nous toujours besoin ? conférence prononcée le jeudi 2 décembre 2004 à l’École nationale des chartes, en ligne, disponible sur [http://elec.enc.sorbonne.fr/conferences/caya] (consulté le 12 juillet 2010).

    10 Forlivesi L., « Valorisation des archives », Abrégé d’archivistique, Paris, Association des archivistes français, 2007, p. 266.

    11 Farchy J., Sagot-Duvauroux D., Économie des politiques culturelles, Paris, Presses universitaires de France, 1994, 183 p. Cocq E., Dantec A., Lévy-Hartmann F., « Combien tu m’aimes ? Pour une analyse économique de la politique cinématographique française », Revue de l’OFCE, 2006, no 97, p. 273-328. Tronquoy P., Culture, État, marché, Paris, La Documentation française, 2003, 100 p. Benhamou F., L’économie de la culture, Paris, La Découverte, 7e éd., 126 p.

    12 Greffe X., La valeur économique du patrimoine : la demande et l’offre de monuments, Paris, Anthropos, 1990, vi-253 p. Greffe X., La valorisation du patrimoine culturel, Paris, La Documentation française, 2003, 383 p.

    13 Benhamou F., Thesmar D., Valoriser le patrimoine culturel de la France, Paris, La Documentation française, 2011, p. 32 et 50.

    14 Réunion des musées nationaux-Grand Palais, Présentation générale des résultats 2010, p. 19-22, en ligne, disponible sur [http://www.rmn.fr/flash/livret_financier/#/23] (consulté le 30 juin 2011).

    15 Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, Audit de modernisation relatif à l’archivage, rapport interministériel, Paris, Direction générale de la modernisation de l’État, 2007, p. 19-21 et 64-66, en ligne, disponible sur [http://www.audits.performance-publique.gouv.fr/performance/audit_ci.php?idref=110] (consulté le 5 octobre 2010).

    16 « Chiffrer et évaluer les archives », La Gazette des archives, 2009, no 216, 191 p.

    17 Giappiconi T., Manuel théorique et pratique d’évaluation des bibliothèques et centres documentaires, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 2001, 223 p. Carbone P., « Évaluer la performance des bibliothèques », Bulletin des bibliothèques de France, 1998, t. 43, p. 40-45.

    18 Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, Audit de modernisation relatif à l’archivage, rapport interministériel, Paris, Direction générale de la modernisation de l’État, 2007, p. 112-115, en ligne, disponible sur [http://www.audits.performance-publique.gouv.fr/performance/audit_ci.php?idref=110] (consulté le 5 octobre 2010).

    19 International Federation of Accountants, IPSAS 17-immobilisations corporelles, New York, 2005, 31 p., [http://web.ifac.org/publications/international-public-sector-accounting-standardsboard/2005-handbook-french-version#international-public-sector] (consulté le 22 juin 2011).

    20 Heinich N., « Malaises dans la culture : quand rien ne va plus de soi », Le Débat, 2008, no 152, p. 58-74.

    21 Lévy M., Jouyet J.-P., L’économie de l’immatériel, la croissance de demain. Rapport de la commission sur l’économie de l’immatériel, Paris, La Documentation française, 2006, p. 123.

    22 Dreyfus J.-D., « La valorisation par l’État de son patrimoine immatériel », L’Actualité juridique, droit administratif, 2009, no 13, p. 696-698.

    23 Rouet F., Les mouvements internationaux d’œuvres et objets d’art. Analyse statistique des évolutions, 1993-2004, Paris, Ministère de la Culture, département des études, de la prospective et des statistiques, 2005, 124 p.

    24 Aristophil, L’étude Aristophil sur l’évolution du marché des lettres et manuscrits, 2010, en ligne, disponible sur [http://www.aristophil.com/evolution-des-valeurs-des-lettres-et-manuscrits] (consulté le 30 juillet 2011).

    25 Lunet É., « Du chiffre et des lettres », Libération, 4 juin 2008. Seznec E., « Lettres et manuscrits, étranges investissements », Que choisir ? 30 mars 2011.

    26 Malvoisin A., « Thierry Bodin, expert en autographes et marchand à Paris. “Une grande réserve de documents à vendre” », Le Journal des arts, 2 février 2007, no 252.

    27 Christie’s, Auction results, en ligne, disponible sur [http://www.christies.com/results] (consulté le 20 mai 2012).

    28 Miranda Mendoza I., Gardes F., Greffe X., Pradier P.-C., « Are French Autographs integrated in the Global Art Market? Estimating Hedonic Prices for Autographs (France, 1960-2005) », 28e journées de microéconomie appliquée, Sousse, 2-3 juin 2011, en ligne, disponible sur [http://www.jma2011.fr/communications2011.php] (consulté le 30 juillet 2011).

    29 En ligne, disponible sur [http://www.parcoursautographe.fr/] (consulté le 28 juillet 2012).

    30 Springer A.-M., Lettres intimes, une collection dévoilée, Paris, Textuel, 2006, 239 p.

    31 Springer A.-M., Lettres d’amants : collection Anne-Marie Springer. Hugo, Rilke, Berlioz, commentées par Jérôme Picon, Robert Kopp, Étienne Barilier, Paris, Textuel, 2009, 199 p.

    32 Théâtre de la Madeleine, Lou Doillon, lettres intimes. Lecture d’extraits de l’ouvrage sorti aux éditions Textuels « Lettres intimes, une collection dévoilée », dossier de presse, 2006, en ligne, disponible sur [http://www.theatremadeleine.com/index-archives.html] (consulté le 25 juillet 2011).

    33 Jungerman N., « Entretien avec Anne-Marie Springer », Entretiens, Fondation La Poste, 31 octobre 2006, en ligne, disponible sur [http://www.fondationlaposte.org/article.php3?id_article=878] (consulté le 20 juillet 2011).

    34 Le département de la Savoie a été le premier à faire le choix d’un accès payant : Luquet J., « Des archives pour vos souris : la convergence vers internet aux archives départementales de Savoie », La Gazette des archives, 2007, no 207, Archives et Internet : contributions et témoignages, p. 75-86. Il a été rejoint par le Calvados.

    35 2007, Des archives en France, l’activité de la direction des Archives de France et des services publics d’archives, Paris, p. 95.

    36 2010, Des archives en France, l’activité des services d’archives, Paris, p. 45-47, 56.

    37 Aperçu des usages d’internet par les généalogistes, Synthèse des résultats de l’enquête réalisée en décembre 2006 par Médiamétrie-NetRatings, à la demande du ministère de la Culture et de la Communication, Paris, Département des études, de la prospective et des statistiques, 2007, p. 8, en ligne, disponible sur [http://www.culture.gouv.fr/nav/index-stat.html] (consulté le 24 avril 2010).

    38 Carmagnat F., Deville J., Mardon A., « Une vitrine idéalisante : les usages des sites familiaux », Réseaux, 2004, no 123, p. 175-203.

    39 « Société notrefamille.com », dans Sociétés cotées, la communication des sociétés de la cote, en ligne, disponible sur [http://notrefamille-com.societes-cotees.fr/] (consulté le 29 juillet 2011).

    40 Meyer K. de, « Le leader de la généalogie sur le Net vendu 1,6 milliard », Les Échos, 23 octobre 2012.

    41 Hervis C., « Généalogie : les nouvelles demandes du collectionneur, de l’enquêteur et de l’historien », art. cité, p. 27.

    42 Becker C., « Rumeurs sur des changements dans l’actionnariat de GeneaNet », en ligne, disponible sur [http://blog.geneanet.org/index.php/post/2009/07/Rumeurs-sur-des-changements-danslactionnariat-de-GeneaNet.html] (consulté le 10 juillet 2012).

    43 Quenet M., Rapport au Premier ministre. Quel avenir pour les Archives de France ? Paris, 2011, p. 47-49, en ligne, disponible sur [http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/04.08_Rapport_de_Maurice_QUENET.pdf] (consulté le 10 mai 2011).

    44 Archives nationales, Base de données Archim. Mentions légales, en ligne, disponible sur [http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/mentions-legales-an.html] (consulté le 2 août 2011).

    45 Avis 20100895 du 25 mars 2010 (président du conseil général du Rhône/société Notrefamille.com) ; conseil 20101341 du 25 mars 2010 (directrice des archives et du patrimoine immobilier de l’Essonne) ; avis 20100691 du 25 mars 2010 (président du conseil général de Meurthe-et-Moselle/société Notrefamille.com).

    46 Cardon D., La démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Seuil, 2010, p. 9.

    47 Association des Archivistes français, Communiqué de presse : La réutilisation des données nominatives ? Gare au fichage des individus !, 6 juillet 2010, en ligne, disponible sur [http://www.archivistes.org/La-reutilisation-des-donnees](consulté le 30 juillet 2010).

    48 La réutilisation des données publiques : quels défis pour les archives ? Journée de débats organisée par l’Association des archivistes français, 11 mars 2011, enregistrements en ligne, disponible sur [http://www.archivistes.org/La-reu-ti-li-sa-tion-des-don-nees#Enjeux-sociaux-et-economiques] (consulté le 25 juin 2011).

    49 Quenet M., Rapport au Premier ministre. Quel avenir pour les Archives de France ? op. cit., p. 49. Clair S., « Réutilisation des données publiques : comment ne pas vendre son âme ? », La Lettres des archivistes, no 91, novembre-décembre 2008, p. 1.

    50 Les « jeux de données » sont un indicateur fréquemment utilisé par les plates-formes de mise en ligne mais il dépend beaucoup du choix de granularité dans la présentation des données fait par l’opérateur ou le producteur des données.

    51 Il est vrai que la grande majorité des jeux de données mis en ligne sur le site provient des recensements de population.

    52 Teresi L., Droit de réutilisation et exploitation commerciale des données publiques, Paris, La Documentation française, 2011, p. 31-35.

    53 Battisti M., « La réutilisation des données publiques : un enjeu majeur pour la société européenne de l’information », Documentaliste, sciences de l’information, 2004, vol. 41, p. 349-355. Teresi L., Droit de la réutilisation…, op. cit., p. 158-160.

    54 Commission européenne, L’information émanant du secteur public : une ressource clef pour l’Europe. Livre vert sur l’information émanant du secteur public dans la société de l’information, 1998, p. 1, en ligne, disponible sur [http://ec.europa.eu/information_society/policy/psi/docs/pdfs/green…/gp_fr.pdf] (consulté le 2 août 2011).

    55 Martinez R., Marx B., « La longue marche de l’information publique, de la liberté d’accès aux documents administratifs à la réutilisation commerciale des informations publiques », Documentaliste, sciences de l’information, 2007, vol. 44, p. 218-227. Danish Enterprise and Construction Authority, The value of Danish address data: Social benefits from the 2002 agreement on procuring address data etc. free of charge, Copenhague, 2010, 8 p., en ligne, disponible sur [http://www.adresse-info.dk/Portals/2/Benefit/Value_Assessment_Danish_Address_Data_UK_2010-07-07b.pdf] (consulté le 26 juillet 2012). European Commission, Joint Research Centre, The Socio-Economic Impact of the Spatial Data Infrastructure of Catalonia, Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities, 2008, 60 p., en ligne, disponible sur [http://inspire.jrc.ec.europa.eu/reports/Study_reports/catalonia_impact_study_report.pdf] (consulté le 27 juillet 2012), etc.

    56 Commission européenne, Public Sector Information. Raw Data for New Services and Products, en ligne, disponible sur [http://ec.europa.eu/information_society/policy/psi/index_en.htm] (consulté le 2 août 2011).

    57 Jugement favorable à Notrefamille.com du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 13 juillet 2011. Jugement annulé par arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 4 juillet 2012.

    58 Bruguière J.-M., Les Données publiques et le droit, Paris, Litec, 2002, x-208 p.

    59 Battisti M., Martinez R., « Séminaire interassociations. Diffusion et réutilisation des données publiques : un nouveau marché à haut potentiel », Documentaliste, sciences de l’information, 2006, vol. 43, p. 57-62.

    60 Chignard S., Open data. Comprendre l’ouverture des données publiques, Paris, FYP éditions, 2012, p. 99.

    61 Cardon D., Granjon F., Médiactivistes, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2010, 147 p.

    62 Fondation Internet nouvelle génération, Présentation, en ligne, disponible sur [http://www.fing.org/?-Presentation-] (consulté le 25 juillet 2012).

    63 La huitième édition des Rencontres de Décider ensemble portera sur l’ouverture des données (« open data ») et ses effets sur les processus démocratiques le 29 novembre 2012, au Palais Bourbon.

    64 Connu sous le nom de rapport Ory-Lavollé, Partager notre patrimoine culturel. Propositions pour une charte de la diffusion et de la réutilisation des données publiques culturelles numériques, Paris, 2009, 80 p., en ligne, disponible sur [http://www.culture.gouv.fr/mcc/content/download/5331/35792/version/1/file/CHARTE_BOL_21082009noirblancVAL-1.pdf] (consulté le 10 janvier 2011).

    65 Pellan J.-F., Réutilisation des informations publiques, intervention de Jean-François Pellan, viceprésident de la Fédération française de généalogie lors de la journée des présidents à Lille 2011, 18 p., en ligne, disponible sur [http://leblog-ffg.over-blog.org/] (consulté le 3 août 2011).

    66 Pénin J., Hussler C., Millot V., Rondé P., Seyed-Rasoli H., La valorisation des informations du secteur public (ISP) : un modèle économique de tarification optimale, Strasbourg, 2010, 47 p., en ligne, disponible sur [https://www.apiefrance.fr/sections/acces_thematique/reutilisation-desinformations-publiques/etude-economique/view] (consulté le 15 mars 2011).

    67 Nous utilisons dans ce chapitre l’expression « image d’archives » dans le sens très général de documents d’archives à caractère iconographiques, comme cela commence à se faire chez les archivistes. Nous englobons donc dans cette catégorie non seulement les images d’archives cinématographiques mais aussi les photographies et les autres documents figurés anciens. Grailles B., Marcilloux P., « Images archivées, images d’archives : fortune terminologique et différenciations », Définir, devenir une image d’archives, actes du colloque co-organisé par l’université libre de Bruxelles, Paris III et Sciences-Po, 14 au 16 novembre 2012, à paraître.

    68 Niney F., L’épreuve du réel à l’écran. Essai sur le principe de réalité documentaire, Bruxelles, De Boeck, 2002, 347 p. Niney F., Le documentaire et ses faux-semblants, Paris, Klincksieck, 2009, 207 p.

    69 Mondzain M.-J., « S 21, la machine de mort khmère rouge, la mémoire entre archive et fiction », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2008, nos 89-90, p. 53.

    70 Odin R., De la fiction, Bruxelles, De Boeck Université, 2000, 183 p.

    71 Dreyer S., « Montage d’archives et transaction émotionnelle », Bertin-Maghit J.-P. (dir.), Lorsque Clio s’empare du documentaire, vol. I, Écriture de l’histoire, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 87.

    72 Dreyer S., « Montage d’archives et transaction émotionnelle », Bertin-Maghit J.-P. (dir.), Lorsque Clio s’empare du documentaire, vol. I, Écriture de l’histoire, op. cit., p. 91.

    73 Mesnard P., « Sans bruit ni fureur. Entretien d’Annette Becker et Laurent Véray », Témoigner entre histoire et mémoire, 2010, no 108, Le traitement de l’histoire dans les documentaires filmiques, p. 113-114.

    74 De Groot J., Consuming History. Historians and Heritage in Contemporary Popular Culture, Londres, Routledge, 2009, 292 p. et The Historical Novel, Londres, Routledge, 2010, viii-200 p.

    75 Veyrat-Masson I., Quand la télévision explore le temps. L’histoire au petit écran, 1953-2000, Paris, Fayard, 2000, p. 410-412.

    76 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010, télévision et cinéma, production, diffusion, audience, Paris, 2011, p. 29.

    77 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 75. Pour la chaîne Histoire : Pinsolle D., « La diffusion télévisuelle des documentaires historiques : l’exemple de la chaîne Histoire », Bertin-Maghit J.-P. (dir.), Lorsque Clio s’empare du documentaire, vol. I, Écriture de l’histoire, op. cit., p. 41-50.

    78 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 87. Les données des ventes à l’étranger sont enregistrées avec un an de retard par les rapports du CNC.

    79 Réseau des organisations du documentaire, L’état du documentaire, 2000-2010. La place de la création dans la production documentaire, Paris, 2011, p. 12-13.

    80 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 78.

    81 Réseau des organisations du documentaire, L’état du documentaire, 2000-2010…, op. cit., p. 18.

    82 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 20-21.

    83 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2011, télévision et cinéma, production, diffusion, audience, Paris, 2012, p. 21.

    84 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2011…, op. cit., p. 83.

    85 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 84-85.

    86 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2009, télévision et cinéma, production, diffusion, audience, p. 78.

    87 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2011…, op. cit., p. 89.

    88 Centre national du cinéma et de l’image animée, Les performances du documentaire français dans le monde, Paris, 2010, p. 7-8.

    89 Jeuland Y., « L’écriture documentaire avec des images d’archives », Sociétés et représentations, 2010, no 29, p. 180.

    90 Haver G., Heimberg C., « Quelques remarques critiques à propos du documentaire Apocalypse », Témoigner entre histoire et mémoire, 2010, no 108, Le traitement de l’histoire dans les documentaires filmiques, p. 65-71. Bonzon T., « Usages et mésusages des images d’archives dans la série Apocalypse », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2010, no 107, p. 175-179.

    91 En 2010, le coût médian des films documentaires de long métrage, tous thèmes confondus, s’établit à 520 000 euros. Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 38.

    92 Jarry M., « Chercheurs d’or. Au fil de la chaîne des archives, rencontre avec des guetteurs d’images qui conjuguent le passé au présent. Métiers de l’ombre : les spécialistes des archives », TéléObs, 16 juillet 2010, p. 18-19.

    93 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 26.

    94 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 27.

    95 Callu A., Lemoine H., Patrimoine sonore et audiovisuel français : entre archives et témoignages, guide de recherche en sciences sociales, Paris, Belin, 2005, 7 vol.

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    120 Blouin F.-X., Rosenberg W. G. (dir.), Archives, Documentation and Institutions of Social Memory: Essays from the Sawyer Seminar, op. cit., p. 87.

    121 Mary Stevens, Andrew Flinn, Elizabeth Shepherd.

    122 Archives issues des activités de plusieurs structures artistiques et théâtrales : archives de la Black Theatre Co-operative fondée en 1979, du Black Theatre Forum fondé en 1985 et de la Motiroti, organisation artistique créée en 1990.

    123 Archives fondées en 2005 : Black LGBT (Lesbian, Gay, Bisexual, Trans) Archive.

    124 Entreprise de collecte d’archives orales et audiovisuelles sur l’immigration marocaine soutenue par le Migrant and Refugee Communities Forum.

    125 Collecte d’archives sur tout support sur l’histoire des habitants des quartiers Est de Londres.

    126 Flinn A., « The impact of independent and community archives on professional archival thinking and practice », Hill J. (dir.), The Future of Archives…, op. cit., p. 147.

    127 « Archival skills shall be taught, one generation of Lesbians to another, breaking the elitism of tradional archives ». L’expression « radical archiving » est revendiquée par la Lesbian Herstory Archive elle-même. Loeb C., « Radical Archiving: the lesbian herstory archives », Feminist Collections, 1981, no 4, p. 2.

    128 Flinn A., Stevens M., « “It is noh mistri, wi mekin histri”. Telling our own story: independent and community archives in the UK, challenging and subverting the mainstream », Alexander B., Bastian J. A. (dir.), Community archives…, op. cit., p. 3-27.

    129 Nestle J., « The Will To Remember: The Lesbian Herstory Archives of New York », Feminist Review, 1990, no 34, p. 87.

    130 Nestle J., « The Will To Remember: The Lesbian Herstory Archives of New York », art. cité, p. 91.

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    212 Merewether C., « Archives of the fallen », Merewether C. (dir.), The Archive, op. cit., p. 162.

    213 Boltanski C., « L’archive, œuvre d’art. Dialogue avec Nathalie Heinich », art. cité, p. 155.

    214 Boltanski C., « L’archive, œuvre d’art. Dialogue avec Nathalie Heinich », art. cité, p. 153.

    215 Ibid., p. 155.

    216 Ibid., p. 153.

    217 Enwezor O., Archive Fever…, op. cit., p. 37.

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    226 Spieker S., The Big Archive, Art from Bureaucracy, op. cit., p. ix-xiii.

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    27 Christie’s, Auction results, en ligne, disponible sur [http://www.christies.com/results] (consulté le 20 mai 2012).

    28 Miranda Mendoza I., Gardes F., Greffe X., Pradier P.-C., « Are French Autographs integrated in the Global Art Market? Estimating Hedonic Prices for Autographs (France, 1960-2005) », 28e journées de microéconomie appliquée, Sousse, 2-3 juin 2011, en ligne, disponible sur [http://www.jma2011.fr/communications2011.php] (consulté le 30 juillet 2011).

    29 En ligne, disponible sur [http://www.parcoursautographe.fr/] (consulté le 28 juillet 2012).

    30 Springer A.-M., Lettres intimes, une collection dévoilée, Paris, Textuel, 2006, 239 p.

    31 Springer A.-M., Lettres d’amants : collection Anne-Marie Springer. Hugo, Rilke, Berlioz, commentées par Jérôme Picon, Robert Kopp, Étienne Barilier, Paris, Textuel, 2009, 199 p.

    32 Théâtre de la Madeleine, Lou Doillon, lettres intimes. Lecture d’extraits de l’ouvrage sorti aux éditions Textuels « Lettres intimes, une collection dévoilée », dossier de presse, 2006, en ligne, disponible sur [http://www.theatremadeleine.com/index-archives.html] (consulté le 25 juillet 2011).

    33 Jungerman N., « Entretien avec Anne-Marie Springer », Entretiens, Fondation La Poste, 31 octobre 2006, en ligne, disponible sur [http://www.fondationlaposte.org/article.php3?id_article=878] (consulté le 20 juillet 2011).

    34 Le département de la Savoie a été le premier à faire le choix d’un accès payant : Luquet J., « Des archives pour vos souris : la convergence vers internet aux archives départementales de Savoie », La Gazette des archives, 2007, no 207, Archives et Internet : contributions et témoignages, p. 75-86. Il a été rejoint par le Calvados.

    35 2007, Des archives en France, l’activité de la direction des Archives de France et des services publics d’archives, Paris, p. 95.

    36 2010, Des archives en France, l’activité des services d’archives, Paris, p. 45-47, 56.

    37 Aperçu des usages d’internet par les généalogistes, Synthèse des résultats de l’enquête réalisée en décembre 2006 par Médiamétrie-NetRatings, à la demande du ministère de la Culture et de la Communication, Paris, Département des études, de la prospective et des statistiques, 2007, p. 8, en ligne, disponible sur [http://www.culture.gouv.fr/nav/index-stat.html] (consulté le 24 avril 2010).

    38 Carmagnat F., Deville J., Mardon A., « Une vitrine idéalisante : les usages des sites familiaux », Réseaux, 2004, no 123, p. 175-203.

    39 « Société notrefamille.com », dans Sociétés cotées, la communication des sociétés de la cote, en ligne, disponible sur [http://notrefamille-com.societes-cotees.fr/] (consulté le 29 juillet 2011).

    40 Meyer K. de, « Le leader de la généalogie sur le Net vendu 1,6 milliard », Les Échos, 23 octobre 2012.

    41 Hervis C., « Généalogie : les nouvelles demandes du collectionneur, de l’enquêteur et de l’historien », art. cité, p. 27.

    42 Becker C., « Rumeurs sur des changements dans l’actionnariat de GeneaNet », en ligne, disponible sur [http://blog.geneanet.org/index.php/post/2009/07/Rumeurs-sur-des-changements-danslactionnariat-de-GeneaNet.html] (consulté le 10 juillet 2012).

    43 Quenet M., Rapport au Premier ministre. Quel avenir pour les Archives de France ? Paris, 2011, p. 47-49, en ligne, disponible sur [http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/04.08_Rapport_de_Maurice_QUENET.pdf] (consulté le 10 mai 2011).

    44 Archives nationales, Base de données Archim. Mentions légales, en ligne, disponible sur [http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/mentions-legales-an.html] (consulté le 2 août 2011).

    45 Avis 20100895 du 25 mars 2010 (président du conseil général du Rhône/société Notrefamille.com) ; conseil 20101341 du 25 mars 2010 (directrice des archives et du patrimoine immobilier de l’Essonne) ; avis 20100691 du 25 mars 2010 (président du conseil général de Meurthe-et-Moselle/société Notrefamille.com).

    46 Cardon D., La démocratie Internet. Promesses et limites, Paris, Seuil, 2010, p. 9.

    47 Association des Archivistes français, Communiqué de presse : La réutilisation des données nominatives ? Gare au fichage des individus !, 6 juillet 2010, en ligne, disponible sur [http://www.archivistes.org/La-reutilisation-des-donnees](consulté le 30 juillet 2010).

    48 La réutilisation des données publiques : quels défis pour les archives ? Journée de débats organisée par l’Association des archivistes français, 11 mars 2011, enregistrements en ligne, disponible sur [http://www.archivistes.org/La-reu-ti-li-sa-tion-des-don-nees#Enjeux-sociaux-et-economiques] (consulté le 25 juin 2011).

    49 Quenet M., Rapport au Premier ministre. Quel avenir pour les Archives de France ? op. cit., p. 49. Clair S., « Réutilisation des données publiques : comment ne pas vendre son âme ? », La Lettres des archivistes, no 91, novembre-décembre 2008, p. 1.

    50 Les « jeux de données » sont un indicateur fréquemment utilisé par les plates-formes de mise en ligne mais il dépend beaucoup du choix de granularité dans la présentation des données fait par l’opérateur ou le producteur des données.

    51 Il est vrai que la grande majorité des jeux de données mis en ligne sur le site provient des recensements de population.

    52 Teresi L., Droit de réutilisation et exploitation commerciale des données publiques, Paris, La Documentation française, 2011, p. 31-35.

    53 Battisti M., « La réutilisation des données publiques : un enjeu majeur pour la société européenne de l’information », Documentaliste, sciences de l’information, 2004, vol. 41, p. 349-355. Teresi L., Droit de la réutilisation…, op. cit., p. 158-160.

    54 Commission européenne, L’information émanant du secteur public : une ressource clef pour l’Europe. Livre vert sur l’information émanant du secteur public dans la société de l’information, 1998, p. 1, en ligne, disponible sur [http://ec.europa.eu/information_society/policy/psi/docs/pdfs/green…/gp_fr.pdf] (consulté le 2 août 2011).

    55 Martinez R., Marx B., « La longue marche de l’information publique, de la liberté d’accès aux documents administratifs à la réutilisation commerciale des informations publiques », Documentaliste, sciences de l’information, 2007, vol. 44, p. 218-227. Danish Enterprise and Construction Authority, The value of Danish address data: Social benefits from the 2002 agreement on procuring address data etc. free of charge, Copenhague, 2010, 8 p., en ligne, disponible sur [http://www.adresse-info.dk/Portals/2/Benefit/Value_Assessment_Danish_Address_Data_UK_2010-07-07b.pdf] (consulté le 26 juillet 2012). European Commission, Joint Research Centre, The Socio-Economic Impact of the Spatial Data Infrastructure of Catalonia, Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities, 2008, 60 p., en ligne, disponible sur [http://inspire.jrc.ec.europa.eu/reports/Study_reports/catalonia_impact_study_report.pdf] (consulté le 27 juillet 2012), etc.

    56 Commission européenne, Public Sector Information. Raw Data for New Services and Products, en ligne, disponible sur [http://ec.europa.eu/information_society/policy/psi/index_en.htm] (consulté le 2 août 2011).

    57 Jugement favorable à Notrefamille.com du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 13 juillet 2011. Jugement annulé par arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 4 juillet 2012.

    58 Bruguière J.-M., Les Données publiques et le droit, Paris, Litec, 2002, x-208 p.

    59 Battisti M., Martinez R., « Séminaire interassociations. Diffusion et réutilisation des données publiques : un nouveau marché à haut potentiel », Documentaliste, sciences de l’information, 2006, vol. 43, p. 57-62.

    60 Chignard S., Open data. Comprendre l’ouverture des données publiques, Paris, FYP éditions, 2012, p. 99.

    61 Cardon D., Granjon F., Médiactivistes, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2010, 147 p.

    62 Fondation Internet nouvelle génération, Présentation, en ligne, disponible sur [http://www.fing.org/?-Presentation-] (consulté le 25 juillet 2012).

    63 La huitième édition des Rencontres de Décider ensemble portera sur l’ouverture des données (« open data ») et ses effets sur les processus démocratiques le 29 novembre 2012, au Palais Bourbon.

    64 Connu sous le nom de rapport Ory-Lavollé, Partager notre patrimoine culturel. Propositions pour une charte de la diffusion et de la réutilisation des données publiques culturelles numériques, Paris, 2009, 80 p., en ligne, disponible sur [http://www.culture.gouv.fr/mcc/content/download/5331/35792/version/1/file/CHARTE_BOL_21082009noirblancVAL-1.pdf] (consulté le 10 janvier 2011).

    65 Pellan J.-F., Réutilisation des informations publiques, intervention de Jean-François Pellan, viceprésident de la Fédération française de généalogie lors de la journée des présidents à Lille 2011, 18 p., en ligne, disponible sur [http://leblog-ffg.over-blog.org/] (consulté le 3 août 2011).

    66 Pénin J., Hussler C., Millot V., Rondé P., Seyed-Rasoli H., La valorisation des informations du secteur public (ISP) : un modèle économique de tarification optimale, Strasbourg, 2010, 47 p., en ligne, disponible sur [https://www.apiefrance.fr/sections/acces_thematique/reutilisation-desinformations-publiques/etude-economique/view] (consulté le 15 mars 2011).

    67 Nous utilisons dans ce chapitre l’expression « image d’archives » dans le sens très général de documents d’archives à caractère iconographiques, comme cela commence à se faire chez les archivistes. Nous englobons donc dans cette catégorie non seulement les images d’archives cinématographiques mais aussi les photographies et les autres documents figurés anciens. Grailles B., Marcilloux P., « Images archivées, images d’archives : fortune terminologique et différenciations », Définir, devenir une image d’archives, actes du colloque co-organisé par l’université libre de Bruxelles, Paris III et Sciences-Po, 14 au 16 novembre 2012, à paraître.

    68 Niney F., L’épreuve du réel à l’écran. Essai sur le principe de réalité documentaire, Bruxelles, De Boeck, 2002, 347 p. Niney F., Le documentaire et ses faux-semblants, Paris, Klincksieck, 2009, 207 p.

    69 Mondzain M.-J., « S 21, la machine de mort khmère rouge, la mémoire entre archive et fiction », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2008, nos 89-90, p. 53.

    70 Odin R., De la fiction, Bruxelles, De Boeck Université, 2000, 183 p.

    71 Dreyer S., « Montage d’archives et transaction émotionnelle », Bertin-Maghit J.-P. (dir.), Lorsque Clio s’empare du documentaire, vol. I, Écriture de l’histoire, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 87.

    72 Dreyer S., « Montage d’archives et transaction émotionnelle », Bertin-Maghit J.-P. (dir.), Lorsque Clio s’empare du documentaire, vol. I, Écriture de l’histoire, op. cit., p. 91.

    73 Mesnard P., « Sans bruit ni fureur. Entretien d’Annette Becker et Laurent Véray », Témoigner entre histoire et mémoire, 2010, no 108, Le traitement de l’histoire dans les documentaires filmiques, p. 113-114.

    74 De Groot J., Consuming History. Historians and Heritage in Contemporary Popular Culture, Londres, Routledge, 2009, 292 p. et The Historical Novel, Londres, Routledge, 2010, viii-200 p.

    75 Veyrat-Masson I., Quand la télévision explore le temps. L’histoire au petit écran, 1953-2000, Paris, Fayard, 2000, p. 410-412.

    76 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010, télévision et cinéma, production, diffusion, audience, Paris, 2011, p. 29.

    77 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 75. Pour la chaîne Histoire : Pinsolle D., « La diffusion télévisuelle des documentaires historiques : l’exemple de la chaîne Histoire », Bertin-Maghit J.-P. (dir.), Lorsque Clio s’empare du documentaire, vol. I, Écriture de l’histoire, op. cit., p. 41-50.

    78 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 87. Les données des ventes à l’étranger sont enregistrées avec un an de retard par les rapports du CNC.

    79 Réseau des organisations du documentaire, L’état du documentaire, 2000-2010. La place de la création dans la production documentaire, Paris, 2011, p. 12-13.

    80 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 78.

    81 Réseau des organisations du documentaire, L’état du documentaire, 2000-2010…, op. cit., p. 18.

    82 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 20-21.

    83 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2011, télévision et cinéma, production, diffusion, audience, Paris, 2012, p. 21.

    84 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2011…, op. cit., p. 83.

    85 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 84-85.

    86 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2009, télévision et cinéma, production, diffusion, audience, p. 78.

    87 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2011…, op. cit., p. 89.

    88 Centre national du cinéma et de l’image animée, Les performances du documentaire français dans le monde, Paris, 2010, p. 7-8.

    89 Jeuland Y., « L’écriture documentaire avec des images d’archives », Sociétés et représentations, 2010, no 29, p. 180.

    90 Haver G., Heimberg C., « Quelques remarques critiques à propos du documentaire Apocalypse », Témoigner entre histoire et mémoire, 2010, no 108, Le traitement de l’histoire dans les documentaires filmiques, p. 65-71. Bonzon T., « Usages et mésusages des images d’archives dans la série Apocalypse », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2010, no 107, p. 175-179.

    91 En 2010, le coût médian des films documentaires de long métrage, tous thèmes confondus, s’établit à 520 000 euros. Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 38.

    92 Jarry M., « Chercheurs d’or. Au fil de la chaîne des archives, rencontre avec des guetteurs d’images qui conjuguent le passé au présent. Métiers de l’ombre : les spécialistes des archives », TéléObs, 16 juillet 2010, p. 18-19.

    93 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 26.

    94 Centre national du cinéma et de l’image animée, Le marché du documentaire en 2010…, op. cit., p. 27.

    95 Callu A., Lemoine H., Patrimoine sonore et audiovisuel français : entre archives et témoignages, guide de recherche en sciences sociales, Paris, Belin, 2005, 7 vol.

    96 Gaumont, Document de référence, rapport financier annuel 2011, Paris, 2012, 204 p., en ligne, disponible sur [www.amf-france.org/DocDoif/txtint/RAPOSTPdf/] (consulté le 10 juin 2012).

    97 Blaschke E., « Du fonds photographique à la banque d’images. L’exploitation commerciale du visuel via la photographie. Le fonds Bettmann et Corbis », Études photographiques, 2009, no 24, p. 150-181.

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    99 Cour des comptes, Rapport au président de la République, suivi des réponses des administrations, collectivités, organismes et entreprises, Paris, 2000, p. 213-239, en ligne, disponible sur [http://www.ccomptes.fr/fr/CC/Sommaire-10.html] (consulté le 2 août 2011).

    100 Guyot J., Rolland T., Les archives audiovisuelles, histoire, culture, politique, Paris, Armand Colin, 2011, p. 153-155.

    101 Bailliard S., Guilmault C., Lafon A., Lorin N F., Mintec M., Peycéré L., « La numérisation des fonds photographiques de la ville de Paris », La numérisation : rupture ou renouvellement des pratiques du patrimoine, journée d’étude organisée par les étudiants du master 2 Histoire et métiers des archives de l’université d’Angers, l’AEDAA et le CERHIO, 13 février 2009, 20 p.

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    107 Toon E., « Finding Stories of Stolen Lives: The Work of the Victorian Koorie Records Taskforce », Comma, 2003, fasc. 1, Archives and Indegenous Peoples, p. 129-140.

    108 Wallot J.-P., « Les archives ethniques aux Archives nationales du Canada. Étude de cas », dans Les archives et les archivistes au service de la protection du patrimoine culturel et naturel, actes de la vingt-septième conférence internationale de la table ronde des archives, Dresde 1990, Paris, Conseil international des Archives, 1993, p. 60-63.

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    110 De Groot J., Consuming History. Historians and Heritage in Contemporary Popular Culture, op. cit., p. 100.

    111 Flinn A., Stevens M., « “It is noh mistri, wi mekin histri”. Telling our own story: independent and community archives in the UK, challenging and subverting the mainstream », Alexander B., Bastian J. A. (dir.), Community archives, the shaping of memory, Londres, Facet Publishing, 2009, p. 8-10.

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    113 Fraser J. A., Averill H. A., Organizing an Archives: the Canadian Gay Archives experience, Toronto, Canadian Gay Archives, 1983, 66 p.

    114 Heritage Lottery Fund, National Heritage Memorial Fund Lottery Distribution. Annual Report and Accounts for the year ended 31 March 2010, Londres, 2010, p. 42, en ligne, disponible sur [http://www.hlf.org.uk/aboutus/howwework/strategy/Pages/HLFAnnualreport2009_10.aspx] (consulté le 30 juillet 2011).

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    117 Flinn A., « The impact of independent and community archives on professional archival thinking and practice », Hill J. (dir.), The Future of Archives…, op. cit., p. 145.

    118 Community Archives and Heritage Group, The National Directory of Community Archives in the UK, en ligne, disponible sur [http://www.communityarchives.org.uk/index.aspx] (consulté le 15 mai 2011).

    119 Cook T., « Remembering the Future, appraisial of Records and the Role of Archives in Constructing Social Memory », Blouin F. X., Rosenberg W. G. (dir.), Archives, Documentation and Institutions of Social Memory: Essays from the Sawyer Seminar, Ann Arbor, The University of Michigan Press, 2005, p. 174.

    120 Blouin F.-X., Rosenberg W. G. (dir.), Archives, Documentation and Institutions of Social Memory: Essays from the Sawyer Seminar, op. cit., p. 87.

    121 Mary Stevens, Andrew Flinn, Elizabeth Shepherd.

    122 Archives issues des activités de plusieurs structures artistiques et théâtrales : archives de la Black Theatre Co-operative fondée en 1979, du Black Theatre Forum fondé en 1985 et de la Motiroti, organisation artistique créée en 1990.

    123 Archives fondées en 2005 : Black LGBT (Lesbian, Gay, Bisexual, Trans) Archive.

    124 Entreprise de collecte d’archives orales et audiovisuelles sur l’immigration marocaine soutenue par le Migrant and Refugee Communities Forum.

    125 Collecte d’archives sur tout support sur l’histoire des habitants des quartiers Est de Londres.

    126 Flinn A., « The impact of independent and community archives on professional archival thinking and practice », Hill J. (dir.), The Future of Archives…, op. cit., p. 147.

    127 « Archival skills shall be taught, one generation of Lesbians to another, breaking the elitism of tradional archives ». L’expression « radical archiving » est revendiquée par la Lesbian Herstory Archive elle-même. Loeb C., « Radical Archiving: the lesbian herstory archives », Feminist Collections, 1981, no 4, p. 2.

    128 Flinn A., Stevens M., « “It is noh mistri, wi mekin histri”. Telling our own story: independent and community archives in the UK, challenging and subverting the mainstream », Alexander B., Bastian J. A. (dir.), Community archives…, op. cit., p. 3-27.

    129 Nestle J., « The Will To Remember: The Lesbian Herstory Archives of New York », Feminist Review, 1990, no 34, p. 87.

    130 Nestle J., « The Will To Remember: The Lesbian Herstory Archives of New York », art. cité, p. 91.

    131 Bard C., Metz A., Neveu V. (dir.), Guide des sources de l’histoire du féminisme de la Révolution française à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 138, 146.

    132 Archives, recherches et cultures lesbiennes, 1992, no 11, p. 18.

    133 Bedel C., « Des lettres et manuscrits du XVIIIe, sur le commerce des esclaves, proposés à Lyon », Le Monde, 7 janvier 2005.

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    137 Collectif des filles et fils d’Africains déportés, Vente aux enchères de manuscrits anciens, de documents historiques, de correspondances et d’archives ayant appartenu à des armateurs négriers, en date du mercredi 12 janvier 2005 : information, suites judiciaires données, appel à manifester le 22 janvier 2005, en ligne, disponible sur [http://www.sangonet.com/hist/FichHistoire/ventemanu-hist-neg_judic_manif.html] (consulté le 9 août 2011).

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