Les bourgeois et la terre
|2e partie. La terre
Chapitre VI. Structures et propriétés foncières au milieu du XVIIIe siècle, 1735-1755
Texte intégral
1Après avoir observé nos bourgeois dans leur environnement habituel et dans leurs activités quotidiennes, il faut maintenant quitter la ville pour s'enfoncer dans le territoire qui l'entoure, le pays qu'elle anime et qui la nourrit. Ce territoire, c'est le champ d'intervention potentielle des bourgeois rennais ; c'est aussi celui d'où vient une bonne partie de la population de la cité et où celle-ci exerce, à des degrés et des titres divers, son influence.
- 1 AD I.-&-V., C 4 443 à C 4 448 pour les états de revenus ; C 4 454 à C 4 466 pour les rôles du dioc (...)
- 2 AD I.-&-V., C 4 511 à C 4 577 pour le diocèse de Rennes. Pour les autres diocèses, voir le tableau (...)
2Une connaissance précise des structures agraires et foncières au début du siècle est particulièrement problématique car les sources sont indirectes et très lacunaires. Elles éclairent momentanément quelques régions, quelques catégories (noblesse et clergé surtout) ou certains types de biens. Mais si on veut tenter une approche sur une grande échelle, les recherches sont aventureuses et les résultats aléatoires. Il faut attendre 1735 et 1750 pour étudier enfin précisément les structures foncières et agraires grâce aux « états de revenus » de 17351 et aux déclarations et rôles du Vingtième, en 17512.
Les bases documentaires
La répartition des déclarations
- 3 Seules manquent quelques paroisses éparpillées : Bain, Marcillé-Raoul, Mézières-sur-Couesnon, La G (...)
- 4 Paroisses de Broöns-sur-Vilaine, Chaumeré, Chevaigné, Cornillé, Mordelles, Ossé, Saint-Aubin-du-Pa (...)
- 5 Paroisses de Chanteloup, Corps-Nuds et Bourgbarré.
3En 1735, les états de revenus de la quasi-totalité des paroisses du diocèse de Rennes subsistent3. Mais la situation est plus compliquée en 1751. Les déclarations pour le Vingtième subsistent dans 128 paroisses du diocèse (cf. carte n° 16). On peut y ajouter quelques rôles et dénombrements des propriétaires avec indication du revenu (paroisses de Chancé, Marcillé-Robert, Bazouges-sous-Hédé et Aubigné). Quelques paroisses n'ont conservé que des liasses de déclarations incomplètes, concernant souvent seulement les nobles et nous n'en avons donc pas tenu compte4. De même, nous n'avons pas intégré des rôles moins détaillés existant dans quelques cas au sud de Rennes5, ainsi que les déclarations urbaines de Fougères, Rennes et Vitré.
4Dans le diocèse de Saint-Malo, la situation documentaire est beaucoup plus médiocre puisqu'on ne dispose que de rôles des années 1756, 1757, et 1758, en nombre assez restreint (vallée de la Rance, région de Combourg à Bécherel, de Saint-Méen et de Maure) et de quelques déclarations isolées.
- 6 La méthode choisie consiste à appliquer un coefficient multiplicateur moyen pour les paroisses man (...)
5La carte n° 16 trahit immédiatement le reproche principal qu'on peut adresser à la source. Au nord et à l'ouest de Rennes, une trentaine de paroisses n'ont pas conservé leurs déclarations et la lacune n'est pas compensée par la présence de rôles des mêmes années. La perte est d'autant plus regrettable qu'elle concerne des paroisses proches de Rennes (moins de 20 kilomètres en général) où la présence des citadins est particulièrement ressentie sur le marché foncier. Il faut donc la combler par des reconstitutions théoriques, s'appuyant sur des données antérieures6.
Problèmes de concordance des sources
6Les 128 paroisses qui ont laissé des déclarations en 1751 représentent un revenu foncier total de 1 806 516 livres réparti en 27 602 déclarations. Si on compare le revenu total déclaré en 1735 et en 1751 pour toutes les paroisses où l'on possède les deux données, les chiffres sont de 1 172 448 livres en 1735 et 1 747 122 livres en 1751, soit une hausse globale de 574 673 livres (+ 49 %).
7À priori, l'importance de la hausse peut surprendre et faire douter de la source mais trois éléments contribuent à l'expliquer. La hausse des prix en est en partie responsable. Elle commence à se faire sentir dans les années 30 sur les ventes de terre et les baux à ferme. Mais elle reste encore modérée et ne deviendra considérable qu'après 1760. Pour les quinze années qui nous intéressent ici, elle ne peut dépasser 10 à 15 %.
- 7 Les gros propriétaires signalent généralement précisément toutes leurs impositions et y ajoutent s (...)
8Le deuxième élément d'explication tient à la nature des sources utilisées : c'est la différence entre revenu brut et revenu net. En 1735, avec les « états des revenus », nous disposons en réalité d'un pré-rôle d'imposition. On y avait rassemblé les propriétaires en fonction de leur revenu net, sur lequel on calcule ensuite l'imposition du Dixième. En 1751, une telle source ne nous est accessible que par les rôles mais les déclarations présentent presque toujours un revenu brut et défalquent les charges et impositions exonérées. Ces exonérations portent sur les bâtiments d'habitation, les charges de culture, les rentes seigneuriales et certaines impositions, telles que les fouages. Mais dans les déclarations, cette différence entre revenu brut et net est d'une diversité défiant toute classification7. D'autant plus que l'administration du Vingtième refuse parfois dans ses vérifications les charges mises en avant dans les déclarations. La seule base de comparaison possible reste donc le revenu brut. La part des charges, variable d'un individu, d'un type d'exploitation ou d'une paroisse à l'autre, ne peut faire l'objet d'un traitement statistique précis mais seulement d'une appréciation globale : elle réduit le revenu brut de 10 à 20 % environ.
- 8 pour l'époque tout au moins.
9La troisième cause de décalage entre 1735 et 1751 tient aux règles du jeu fiscal établies par l'administration centrale. En 1751, les revenus, abondamment vérifiés et établis sur des déclarations codifiées et assez surveillées8, sont peu critiquables mais les bases d'estimation proposées sont élevées. Cela contribue à atténuer la sous-évaluation et à faire craindre la fraude. Il n'en va pas de même en 1735 où la surveillance semble avoir été moins stricte et où les oublis, les sous-estimations volontaires sont probablement plus nombreux.
- 9 Melesse par exemple.
10Ces trois points ne rendent pas totalement compte de la différence de 49 % qui existe entre 1735 et 1751. Néanmoins, ils contribuent à homogénéiser les deux masses documentaires dont l'intérêt apparaît alors d'autant mieux. S'il est un peu illusoire de vouloir s'appuyer sur les valeurs absolues proposées, la comparaison des deux sources ne peut être fondamentalement remise en cause. À l'observation, les hiérarchies entre les paroisses, le nombre global des propriétaires, la structure interne des déclarations par paroisses, sont globalement semblables. De même, quand on applique le coefficient de 49 % aux paroisses dont les déclarations de 1751 ont été perdues, la coïncidence avec l'impôt payé alors (qu'on retrouve dans les états de répartition) est assez bonne. À l'exception de quelques cas aberrants liés à des lacunes documentaires évidentes9, la similitude est remarquable et permet donc de dégager des évolutions.
Estimations globales et différences régionales
Les différences régionales
- 10 Pour une plus grande précision, il eut fallu travailler à partir de la surface agricole utile et é (...)
11Nos documents permettent d'abord d'établir un revenu moyen à l'hectare sur l'ensemble de la région en 1735. Certes, il ne s'agit que d'évaluations grossières ; il faudrait prendre en compte l'importance relative des landes, des forêts, des terres incultes ; il faudrait mesurer précisément la propriété du clergé et évaluer les fraudes et la sous-estimation éventuelles10. Pourtant, telle quelle, la carte du revenu moyen à l'hectare n'est pas inintéressante.
- 11 Voir, en particulier, les cartes établies par croix (A.), La Bretagne aux xviie et xviie siècles, (...)
12Elle distingue très nettement deux régions privilégiées : la côte de la Manche, du Mont-Saint-Michel au cap Fréhel en passant par le pays malouin particulièrement avantagé, et une grande transversale intérieure qui se prolonge du pays malouin à La Guerche, par la vallée de la Rance et le nord du bassin de Rennes. Dans ces régions, le revenu moyen à l'hectare dépasse 5 livres et même 10 livres dans le pays malouin. À l'opposé, d'autres zones se distinguent par la faiblesse des revenus déclarés. Ce sont les régions forestières (Liffré, Paimpont), puis celles où les landes sont nombreuses (de Saint-Aubin-du-Cormier à Combourg ; de Pléchatel à Pipriac) ou la terre très ingrate (le nord du diocèse de Nantes). Cette répartition n'a rien pour surprendre ; on retrouve une distinction habituelle et connue entre « bons » et « mauvais » pays. La carte recoupe celle qu'on peut établir sur la répartition des terres en labour ou en landes au début du xixe siècle ou celles des densités de population11. Dans tous les cas, le littoral et la grande transversale du bassin de Rennes (orientée du N.O au S.E) apparaissent de façon évidente. L'opposition entre ces régions est réelle et constante et se traduit aussi dans la structure foncière.
La répartition sociale globale
- 12 AD I.-&-V., C 4 454-4 457, rôles du Dixième de 1735.
- 13 rébillon (A.), La situation économique du clergé à la veille de la Révolution dans les districts d (...)
13En 1735, dans le diocèse de Rennes, le revenu total des déclarations est de 1 297 432.18 livres. En ajoutant les quelques paroisses rurales manquantes et les trois villes de Rennes, Fougères et La Guerche, on atteint 1 626 200 livres12. Les travaux d'A. Rébillon sur la propriété du clergé13 permettent d'estimer celle-ci autour de 5 % de l'ensemble des terres et nous obtenons alors pour l'évêché de Rennes une valeur globale d'environ 1 722 000 livres, réparties de la façon suivante :
14Clergé 5,0 %
15Revenu privé des prêtres 0,8 %
16Noblesse 23,0 %
17Tiers État 71,2 %
18Dans l'évêché de Saint-Malo, nous ne disposons que des chiffres globaux. En postulant toujours que le clergé détient 5 % des terres, nous obtenons les valeurs suivantes :
19Clergé 5,0 %
20Noblesse 27,5 %
21Tiers État 67,5 %
22C'est à partir de ces données qu'on peut observer plus précisément les formes et les structures de la propriété selon les groupes sociaux.
La noblesse
Positionnement local
23La noblesse n'est pas partout aussi présente dans la région et son implantation peut se mesurer de plusieurs façons : la part de la terre possédée, le nombre de nobles possessionnés et leur position dans la hiérarchie nobiliaire.
- 14 Différence déjà constatée par meyer (J.), La noblesse bretonne au xviiie siècle, p. 640-652.
24Il y a une nette différence entre les deux diocèses14. Celui de Rennes est, de toute la Bretagne, celui où la noblesse est la moins bien possessionnée. En Basse-Bretagne, les nobles possèdent partout plus du tiers des terres et l'évêché de Saint-Malo apparaît, de ce point de vue, dans une situation intermédiaire.
- 15 AD I.-&-V., C 4 443 pour Chartres et C 4 446 pour Pacé.
25La carte paroissiale de la présence nobiliaire permet d'affiner l'observation. Dans le diocèse de Rennes, la noblesse est mieux possessionnée dans l'ouest, le long de la Vilaine, et au nord de Rennes, depuis Saint-Aubin-du-Cormier jusqu'à Hédé. Les nobles possèdent là plus de 30 % des terres dans près de la moitié des paroisses et il est rare que moins de 20 % des terres leur reviennent. À l'est en revanche, la situation est inverse. Entre Fougères et La Guerche, la part des nobles est très souvent inférieure à 20 % et dépasse très rarement 30 %. Au total, la noblesse détient 40 % des terres dans 19 paroisses et dépasse 50 % dans deux cas seulement (Pacé et Chartres)15 mais le déséquilibre entre l'est et l'ouest du diocèse est très marqué. À mesure qu'on s'approche des limites provinciales, la présence nobiliaire diminue.
- 16 AD I.-&-V., C 4 496.
26La forte présence nobiliaire dans l'ouest du diocèse de Rennes s'accentue encore dans celui de Saint-Malo selon deux grands axes. Au sud, de Goven jusqu'à Ploërmel et sur les maigres terres de Guer ou de Guignen, la part de la noblesse atteint des sommets ; 81 % à Concoret, 82 % à Mernel, 83 % à Campénéac, 85 % à Caro, 86 % à Campel, et dépasse partout 50 %16. Ici « régnent » quelques très grandes familles au milieu d'une pléiade de petits écuyers, tous plus pauvres les uns que les autres, à l'image d'ailleurs de la région, l'une des plus isolées et déshéritée de la province. L'autre grande zone nobiliaire est plus riche. Elle s'étend de Bédée à Jugon et se prolonge, à l'ouest de la Rance, entre Dinan et Plancoët. Les nobles reçoivent ici de 30 à 60 % des revenus fonciers. Leur présence, quoique moins forte qu'au sud, n'en est pas moins prépondérante et beaucoup plus importante qu'en aucune région de l'évêché de Rennes.
Types de propriétés nobiliaires
- 17 AD I.-&-V., C 4 444.
- 18 AD I.-&-V., C 4 443.
- 19 AD I.-&-V., C 4 443.
- 20 AD I.-&-V., C 4 496.
- 21 AD I.-&-V., C 4 443 et C 4 444. meyer (J.), op. cit., p. 652-653, estime l'ensemble des revenus do (...)
27La différence entre les deux diocèses est donc bien marquée : la noblesse est considérablement plus présente dans celui de Saint-Malo. Mais il ne suffit pas de regarder la valeur totale des revenus fonciers nobiliaires, il faut aussi s'interroger sur ce qu'ils représentent dans une paroisse. À Melesse par exemple, 23 nobles sont possessionnés mais ne représentent que 20 % du revenu total de la paroisse. Les plus importants annoncent des revenus de 600,550 et 500 livres, soit l'équivalent d'une ou deux métairies17. Inversement, à Bourg-des-Comptes, le marquis de La Roche dispose de 35 % des revenus fonciers de la paroisse18 ; à Andouillé-Neuville, M. de Mont-bourcher en a 34 %19 ; à Saint-Seglin, M. de Blossac en a 39 %20. M. de Châteaugiron, président au Parlement, a 63 % des revenus fonciers de Châteaugiron, 13 % de ceux d'Amanlis, 12 % à Domloup et ses biens s'étendent encore dans d'autres paroisses voisines21. Il n'y a pas grand chose de commun entre ces grands seigneurs dont la puissance s'étend lourdement sur plusieurs paroisses et les petits nobles qui n'annoncent que quelques dizaines de livres de revenu foncier. Le prestige, le pouvoir et l'autorité qui découlent de ces revenus sont sans commune mesure. Dans les cinquante paroisses où un grand propriétaire noble possède plus du quart des terres, son influence locale est sans aucun doute considérable. Seule l'Église peut, dans quelques cas, posséder autant de biens (Beignon, Saint-Sulpice-l'Abbaye) mais aucun autre individu ne peut espérer rassembler tant de terres. La grande noblesse se situe donc très nettement au-dessus des autres propriétaires, même si elle est minoritaire dans son propre groupe social.
28La grande propriété nobiliaire ne regroupe que 10,3 % des déclarations nobles de l'évêché de Rennes et 15,3 % de celui de Saint-Malo. Sur l'ensemble des deux diocèses, seules 12,8 % des déclarations nobles portent sur plus de 500 livres et 5,6 % dépassent 1 000 livres mais elles représentent des valeurs proportionnellement beaucoup plus considérables.
29La propriété nobiliaire est plus souvent émiettée ; la majorité des biens des nobles est éparpillée sur l'ensemble du territoire. À côté des quelques très grands domaines concentrés dans une ou deux paroisses la plupart des propriétés nobles se distinguent peu des autres. Elles sont constituées le plus fréquemment d'une ou deux closeries, de quelques métairies. À ce niveau de revenu (- de 250 L), on trouve aussi parmi les propriétaires, des citadins, des bourgeois ruraux ou quelques gros paysans. Or, les déclarations inférieures à 250 livres représentent toujours plus des deux tiers des déclarations nobles. Le revenu nobiliaire moyen est de 229.13 livres dans le diocèse de Rennes et s'élève à 360 dans celui de Saint-Malo. La carte n° 19 montre bien les distinctions régionales de ce revenu nobiliaire moyen et sépare à nouveau le nord-est du diocèse de Rennes (Coglès, pays de Fougères) où le revenu moyen des propriétés nobles ne dépasse presque jamais 200 livres et le sud de l'évêché de Saint-Malo où il est très souvent supérieur à 400 livres, indiquant ainsi une plus grande concentration de la propriété nobiliaire qui y est aussi plus importante au total. Là encore, la grande propriété noble semble plutôt caractéristique du diocèse de Saint-Malo ; les zones limitrophes des deux évêchés sont dans une situation intermédiaire alors que l'Est est dominé par une moyenne propriété nobiliaire qui, dans de nombreux cas, ne se distingue pas radicalement de la propriété bourgeoise. Rien de comparable toutefois avec la micro-propriété parcellaire des paysans ; les nobles possèdent en général deux ou trois exploitations moyennes (closeries ou métairies). À l'ouest, en revanche, nombre de nobles possèdent des domaines de plusieurs centaines d'hectares, rassemblant parfois plus d'une dizaine de métairies ou de closeries dans une même paroisse. La différence est d'autant plus marquée avec la propriété roturière que celle-ci est ici plus fortement morcelée, parcellisée. Ainsi, les différences s'additionnent pour marquer le fossé qui, à l'ouest, sépare la noblesse des autres catégories sociales alors qu'à l'est, elles s'annulent ; la petite propriété nobiliaire y est très semblable à la grande propriété bourgeoise ou même paysanne.
Hiérarchies nobiliaires
30À côté de cet émiettement relatif de la propriété nobiliaire, il faut s'interroger sur la hiérarchie interne à la noblesse. Une même famille possédant des biens disséminés dans de nombreuses paroisses peut paraître pauvre si on examine les paroisses séparément mais riche quand on regroupe l'ensemble de ses biens. L'étude nominative des déclarations nobiliaires permet d'examiner plus attentivement les patrimoines familiaux et de distinguer les catégories internes à l'ordre privilégié.
31Dans chacun des deux diocèses, une infime minorité de grands propriétaires nobles percevant plus de 5 000 livres de revenus fonciers annuels se dégage. Ils sont une dizaine dans chaque évêché et concentrent plus de 15 % des revenus de l'ensemble de l'ordre. Il s'agit de familles extérieures à la région, vivant à la Cour (Condé, Béringhem, Lambesc), de quelques grands courtisans d'origine bretonne (Rohan et Rohan-Guémené dans le diocèse de Saint-Malo, La Tremoïlle dans celui de Rennes), de grandes familles bretonnes (D'Andigné, de la Bourdonnaye, Des Nétumières), souvent aussi des plus riches parlementaires (Châteaugiron, Montbourcher). Leurs revenus dépassent parfois 10 000 livres et se répartissent sur un très grand nombre de paroisses. Pourtant, nous ne saisissons généralement qu'une partie de leurs biens.
Tableau n° 38 : Propriété nobiliaire en 1735 (par famille)
32Diocèse de Rennes
33Diocèse de Saint-Malo
34Ensemble des deux diocèses
35Le président de Châteaugiron possède des terres aussi importantes en Basse-Bretagne ; les Rohan n'ont qu'une infime partie de leurs biens dans les territoires ici concernés. Malgré cela ils apparaissent parmi les plus gros propriétaires. Leur situation est, en réalité, infiniment supérieure à celle de la plus grande partie de la noblesse, y compris la grande noblesse locale.
36Au-dessous de ces quelques très grandes familles, on peut regrouper une soixantaine d'autres lignées dont les revenus atteignent quelques milliers de livres et sont principalement situés dans notre région et souvent concentrés sur quelques paroisses (ou même une seule). Il s'agit de la grande noblesse locale, souvent parlementaire. Ses assises locales sont fortes mais ses revenus sont très inférieurs à ceux des grandes familles dont on a parlé précédemment. Ces nobles riches vivent généralement en ville et surtout à Rennes et sont socialement assimilés à la grande noblesse. Ce sont eux qui dominent le paysage économique, social et politique puisqu'ils sont effectivement présents dans le pays, contrairement à la noblesse de cour qui se caractérise par un absentéisme presque total. Ces 50 à 60 familles, liées entre elles par des mariages et par leur appartenance commune au Parlement, constituent le sommet de la hiérarchie sociale locale. Individuellement, chaque famille n'a qu'une assise locale solide mais limitée dans l'espace ; collectivement, le groupe présente une cohésion sociale et une puissance économique et politique considérable.
- 22 AD I.-&-V. C4 496.
- 23 AD I.-&-V., C 4 444 et C 4 447.
3710 à 15 % des nobles ont des revenus de 500 à 1 000 livres. Il s'agit parfois de grandes familles, parlementaires ou non, dont l'origine géographique se situe plutôt en Basse-Bretagne. Ainsi les Berthou de Kerversio, conseillers au parlement, possèdent des biens à Bréteil et à Saint-Gilles (pour 767 livres)22 mais sont surtout possessionnés dans l'évêché de Nantes et celui de Vannes d'où ils sont originaires. Le marquis de Coëtanfao perçoit 250 livres de revenu à Ercé-en-Lamée et 260 à Tremblay, aux deux extrémités du diocèse de Rennes23. Mais il est gouverneur de Morlaix où il réside le plus souvent et sa seigneurie de Coëtanfao (son bien principal) est située près de Guémené au nord-ouest du diocèse de Vannes. De tels exemples sont nombreux. Rennes exerce une forte attirance sur la noblesse bretonne et nombre de grands nobles y résident de temps à autre. Des terres peuvent facilement entrer dans les patrimoines familiaux, à l'issue de mariages avec la noblesse locale par exemple.
38À côté de ces quelques familles qui sont à ranger avec les grandes lignées parlementaires, existent quelques dizaines de familles de noblesse moyenne, vivant de façon assez traditionnelle du revenu de seigneuries rurales, de quelques métairies et closeries localisées dans une ou deux paroisses. Ces familles n'occupent que rarement la première place dans leur paroisse, souvent barrées par quelques riches parlementaires et n'ont pas toujours de moyens suffisants pour s'établir à Rennes. C'est à Dol, Dinan, Fougères ou Ploërmel qu'on les retrouve le plus souvent.
39Enfin, près de la moitié des familles nobles des deux évêchés sont des familles de petite noblesse dont les revenus fonciers ne dépassent pas quelques centaines de livres. Cette plèbe nobiliaire n'est pas seulement présente dans le nord du diocèse de Saint-Malo, sur les côtes, mais aussi dans l'intérieur. Elle est particulièrement nombreuse entre Dinan, Hédé et Montauban, dans une région assez riche, mais aussi dans l'extrême sud des deux évêchés, de Bain jusqu'à Ploërmel, où ces misérables hobereaux côtoient certaines des plus riches familles de la province (de la Bourdonnaye, Rohan, Condé) et dans le nord-est (Fougères, Coglès) où, cette fois-ci, ils sont majoritaires et n'ont guère à lutter ou à se comparer à une grande noblesse peu présente. Dans ces pays, l'image dominante du noble est sans doute celle du petit seigneur local qui, sans vivre dans la misère, est pourtant très éloigné de l'existence somptueuse des parlementaires riches ou de la grande noblesse de cour.
40La propriété nobiliaire apparaît donc très différenciée. Elle est globalement plus forte à mesure qu'on avance vers l'ouest mais elle est aussi plus morcelée à l'est et au sud. Les familles nobles sont dans des situations de richesse très variables suivant les régions. Les plus riches sont avant tout possessionnés dans le sud et autour de Rennes, la capitale de la province exerçant sur eux un attrait incontestable. Les autres se trouvent quelque peu repoussés de la proximité immédiate des grands centres urbains (Rennes, Saint-Malo) et paraissent plus présents dans des zones assez isolées (Ploërmel, Fougères, Montauban) et à l'écart des grands axes.
Le recul du milieu du siècle
- 24 meyer (J.), constatait déjà cette baisse à partir des états de répartition globaux, op. cit., p. 6 (...)
- 25 Pour quatre d'entre elles, la limite est tout juste atteinte ; 30 % à Poilley, 31 % à Fleurigné, S (...)
41En 1751, la part de la noblesse a sensiblement diminué dans le diocèse de Rennes, tombant de 23 à 18,2 %24. Néanmoins, ses zones d'implantation privilégiées ne sont guère modifiées. Les nobles restent beaucoup plus présents sur les terres pauvres du sud-ouest, où ils renforcent même parfois leur position, alors qu'à l'est d'une ligne Antrain-Châteaubriant, ils ne possèdent plus de 30 % des terres que dans 8 paroisses25. La faible présence nobiliaire dans les pays de Vitré et La Guerche se confirme, s'accentue même dans la zone toilière (autour de Louvigné-de-Bais), alors que la situation reste contrastée autour de Fougères. Globalement, le recul de la propriété nobiliaire se manifeste plus nettement dans l'est et le sud-est tandis que les positions restent stables au nord et à l'ouest, ce qui peut contribuer à renforcer encore les clivages entre ces régions.
42La carte des revenus nobiliaires moyens par paroisse garde des similitudes avec celle de 1735 mais les différences sont moins marquées. Les biens nobiliaires restent plus réduits au nord et à l'est du diocèse mais on assiste à un resserrement de l'éventail des valeurs. Dans les zones où la noblesse a reculé, la valeur moyenne des propriétés a augmenté. À l'inverse, au sud de Rennes, la part de la propriété nobiliaire, stable ou croissante, se conjugue à une diminution relative de la valeur moyenne. Tout se passe comme si on assistait, dans les zones les plus riches, à une concentration des biens nobiliaires dans les mains de quelques-uns alors que la petite et moyenne noblesse réussit mieux à se maintenir ailleurs. Sans doute peut-on estimer qu'au sein même de la noblesse, les différences se creusent entre une élite aristocratique richissime et une masse nobiliaire dont les revenus sont au mieux médiocres. D'autant plus que les nobles sont un peu moins nombreux en 1751 ; on ne relève que 759 déclarations dans nos 128 paroisses contre 877 en 1735. Certaines déclarations en 1751 portent sur plusieurs paroisses et il faudrait donc les comptabiliser plusieurs fois ; d'autres nobles ont pu faire leur déclaration dans une paroisse manquante ou dans un diocèse voisin, mais le recul du nombre des propriétaires nobles, élément du recul de la noblesse dans son ensemble, ne semble pas faire de doute.
43Dans le diocèse voisin de Saint-Malo, les évolutions sont peu différentes. La noblesse maintient beaucoup mieux ses positions (elle ne recule pas) mais avec des modalités géographiques variées. Au sud où elle est totalement dominante, sa part recule légèrement sans que sa position prépondérante soit remise en cause. À l'autre extrémité, elle paraît renforcée près des côtes et autour de Saint-Méen. Enfin, de Combourg à Bécherel, la situation est très contrastée mais dans l'ensemble, la noblesse paraît avoir perdu un peu de terre. Si, sur la totalité du diocèse, la noblesse maintient ses possessions ou les accroît légèrement, il semble bien qu'elle se tourne ici plutôt vers les terres les plus riches du nord et du centre, à l'inverse du diocèse de Rennes où elle recule sur les meilleurs terroirs.
La propriété roturière
Un morcellement généralisé
44Pour étudier la propriété roturière, nous sommes souvent hélas limités à l'évêché de Rennes. Dans celui de Saint-Malo, les données sont trop incomplètes pour permettre une étude systématique tandis que dans celui de Rennes, « états de revenus » en 1735 et déclarations en 1751 permettent beaucoup plus.
- 26 AD I.-&-V., C 4447.
- 27 AD I.-&-V., C 4 443.
- 28 AD I.-&-V., C 4 446.
45La première constatation est celle de la très grande dispersion de la propriété. Dans la majorité des paroisses la plus grande partie des habitants est propriétaire, fut-ce de quelques ares. 50 % des paroisses comptent moins de 200 propriétaires mais ce sont presque toujours des petites paroisses. Ainsi, dans la minuscule paroisse de La Valette (200 ha) on trouve 39 propriétaires ; à la Selle-Guerchaise, il y en a 40 pour 214 hectares ; à Saint-Germain-sur-Ille, ils sont 83 pour 353 hectares26. La différence entre le nombre de propriétaires et le nombre de cotes de capitation dépasse rarement 20 % et, quand c'est le cas, on peut l'expliquer par des particularités locales. À Andouillé-Neuville, par exemple, c'est l'importance des biens de M. de Montbourcher qui explique qu'on ne compte que 110 propriétaires27. À Saint-Sulpice-l'Abbaye, les bénédictines possèdent plus de la moitié de la paroisse mais 102 propriétaires se partagent les 300 hectares qui leur ont échappé28. Au total, on ne pourrait guère citer plus d'une vingtaine de cas dans l'ensemble du diocèse.
46Quelques paroisses pourtant se distinguent par une faiblesse relative du nombre de propriétaires. Elles sont situées autour de Vitré (Champeaux, Montreuil-sous-Pérouse, Pocé, Saint-Aubin-des-Landes) et secondairement autour de Rennes (Chartres, Saint-Jacques, Vezin). Dans le premier cas, le décalage est important et résulte de la conjonction de deux phénomènes : une structure foncière qui accorde beaucoup plus de place à la moyenne propriété mais écarte, par la même occasion, nombre de ruraux de cette propriété, et la forte présence de la bourgeoisie vitréenne qui retire aux ruraux une partie des terres qu'ils pourraient éventuellement posséder. Autour de Rennes, c'est aussi la présence citadine qui explique le décalage.
- 29 AD I.-&-V., C 4 444.
- 30 AD I.-&-V., C 4 444.
- 31 AD I.-&-V., C 4 445.
- 32 AD I.-&-V., C 4 445.
- 33 AD I.-&-V., C 4 443.
47Hors des périphéries immédiates de ces deux villes, la grande majorité des ruraux est propriétaire. Ainsi trouve-t-on 731 déclarations à Ercé-en-Lamée (paroisse très étendue)29, mais aussi 574 à Gévezé30, 548 à Mordelles31, 733 à Melesse32, et 931 à Bazouges-la-Pérouse (4 000 habitants et 5 819 hectares dont environ 1 300 forment la forêt royale de la Ville-Cartier)33. Il est impossible de calculer précisément un pourcentage de propriétaires parmi la population rurale mais, en tout état de cause, il ne peut être inférieur aux deux tiers.
Carte n° 20 : La propriété nobiliaire en 1751, et son évolution récente ( % de la valeur totale des terres)

48La propriété est tellement morcelée que de très pauvres manouvriers réussissent à conserver de modestes lopins. Cas extrême, à Bourg-des-Comptes, les seuls habitants qui n'apparaissent pas parmi les propriétaires sont classés dans la capitation parmi les pauvres non imposables (19 sur 37 habitants qui ne sont pas propriétaires). La micro-propriété parcellaire est présente dans l'ensemble de l'évêché et c'est un des éléments les plus importants de la structure foncière locale. Cette parcellisation extrême entraîne une relative instabilité car les pauvres ne peuvent maintenir leur propriété en période de crise. Mais, inversement, la dispersion de la propriété rend difficile une éventuelle concentration des terres. Dans le sud-ouest du diocèse, la parcellisation et la dispersion très intenses empêchent toute constitution d'exploitations moyennes. À Bourg-des-Comptes, à côté des nobles et des 7 grandes métairies du marquis de La Roche, on ne trouve que trois laboureurs (70,50 et 40 livres de revenu), une rentière du bourg (70 livres) et un homme de loi rennais (40 livres) qui possèdent de véritables exploitations mais 74 % des propriétaires annoncent des revenus inférieurs à 10 livres... L'éventail des revenus est particulièrement large entre les quelques grands propriétaires nobles et la masse des propriétaires mais il n'y a presque pas d'intermédiaires, ce qui ne signifie pas qu'il en soit de même socialement. Hors de ces zones extrêmes, on trouve généralement quelque 30 % de propriétaires qui annoncent des revenus de 10 à 30 livres, soit la possession d'une petite closerie, d'une exploitation tout juste viable en temps normal. Au-delà des 30 livres de revenu, le nombre des propriétaires diminue très rapidement. La proportion des propriétaires exploitants recule alors qu'augmente celle des citadins et des bourgeois qui donnent leurs terres à ferme. Les propriétaires exploitants possédant plus de 100 livres de revenu sont rares sauf dans le pays de Vitré où certains cultivent eux-mêmes une petite métairie et afferment encore une ou deux closeries.
49La carte des revenus roturiers moyens détache très nettement l'est du diocèse et la transversale déjà entrevue de Hédé à La Guerche. Les zones les plus pauvres se distinguent aussi, au sud-ouest et au nord-est de Rennes. Le revenu roturier moyen est surtout élevé autour de Vitré et secondairement autour de La Guerche, Châteaugiron et Rennes. Ce sont des régions agricoles assez riches par rapport au reste du diocèse et cela fournit déjà un élément d'explication. D'autre part, ces régions connaissent une plus forte présence bourgeoise dans les campagnes ; bourgeoisie urbaine à Rennes, Vitré, voire à La Guerche ; bourgeoisie rurale autour de Châteaubourg, Louvigné-de-Bais et surtout Châteaugiron. Fortement impliquée dans l'industrie et le commerce textile, elle semble avoir une réelle influence locale. La région de Fougères se situe ensuite en position intermédiaire. Là aussi, la bourgeoisie intervient mais plus modérément et, comme autour de Vitré, une frange relativement importante de la population rurale est exclue de la propriété.
- 34 AD I.-&-V., C 4 002 à C 4 004.
50En 1751, la comparaison du nombre de déclarations de revenus et du nombre de cotes dans la capitation est tout aussi éclairante34.
Les variations locales du nombre de propriétaires
51Pourtant, tous les habitants ne sont pas propriétaires. Au sud-ouest, dans la vallée de la Vilaine, comme au nord, de Hédé jusqu'au pays de Fougères, ce sont plus de 80 % des habitants qui possèdent quelques biens. La plupart d'entre eux n'ont pas suffisamment de terre pour en vivre complètement. Dans toutes les paroisses où les propriétaires sont très nombreux, les petites déclarations dominent très nettement. On trouve là, en majorité, une micro-propriété parcellaire combinée à un fermage ou un métayage de petites exploitations. L'est et le sud-est du diocèse se distinguent de ce schéma. Dans le sud, autour de Janzé, La Guerche ou Châteaubriant, le nombre de propriétaires, très variable, oscille entre la moitié et les deux tiers des imposables. Aux frontières de la province, dans le pays de Vitré, le taux tombe souvent à 40 % et, aux environs immédiats de Vitré, il s'abaisse même jusqu'au tiers des imposés. Cela suppose incontestablement une structure sociale totalement différente de ce qu'elle peut être dans l'ouest du diocèse. De la même façon, cela signifie inévitablement une modification de la structure des exploitations et des propriétés. Dans le diocèse de Saint-Malo, les propriétaires roturiers sont partout très nombreux. Dans le sud, plus de 80 % des habitants sont propriétaires et il en est de même, autant qu'on puisse en juger autour de Bécherel. La région de Saint-Méen se situe un peu en retrait tout comme les côtes où la forte présence nobiliaire et citadine et le prix élevé des terres limitent les possibilités d'acquisition des ruraux. La corrélation avec le revenu moyen des propriétaires est très nette. Aux paroisses ayant peu de propriétaires correspondent les revenus moyens les plus élevés, sur la côte en particulier, alors qu'à Guer ou Maure, le très grand nombre de propriétaires accentue encore la modestie des revenus moyens. À ces distinctions s'ajoute l'importance variable des propriétaires forains ruraux.
Les propriétaires forains ruraux
52À priori, ces propriétaires forains ruraux ne se distinguent guère de ceux qui résident dans la paroisse. Il s'agit parfois de paysans vivant à proximité immédiate qui ont reçu quelques terres par mariage ou héritage, ou d'individus ayant quitté leur paroisse d'origine. On trouve aussi parmi ces propriétaires forains bon nombre de petits bourgeois ruraux dont l'aire de dispersion des biens peut s'étendre sur quatre ou cinq paroisses et une dizaine de kilomètres. Ces petits notables ruraux (marchands, officiers seigneuriaux) possèdent généralement des petites exploitations, parfois même des métairies, alors que les paysans forains n'ont que des parcelles isolées.
- 35 AD I.-&-V., C 4 515, C 4 527, C 4 571.
- 36 AD I.-&-V., C 4 512, C 4 545, C 2 161.
- 37 Cf. par exemple les différents travaux de poussou (J.-P.) et la synthèse qu'il fait dans dupaquier(...)
53Le groupe des propriétaires forains n'est pas toujours très important. Il paraît très faible dans le pays de Fougères et au nord du diocèse (9 individus à Billé, soit 3,5 % ; 2,7 % à Feins ; 1,4 % à Saint-Symphorien)35. En revanche, il est beaucoup plus notable au sud où il dépasse très souvent 10 % des propriétaires, atteignant même des pourcentages considérables dans la zone toilière : 17 % à Bais, 28 % à Moulins, 38 % à Chancé36. Il s'agit fréquemment de petits notables ayant souvent des liens avec le commerce des toiles. Cela suggère des relations interparoissiales plus intenses. À l'isolement, au repli paroissial du pays de Fougères s'oppose ici une relative ouverture sur les paroisses voisines. Mais cette ouverture n'est jamais très lointaine. Le champ de dispersion des propriétaires forains ne dépasse guère le deuxième cercle des paroisses limitrophes. Au-delà, leur présence devient exceptionnelle et elle est presque toujours le fait de petits notables au comportement presque urbain. On retrouve avec ces propriétaires forains des espaces de micro-mobilité mis en évidence par les études démographiques. 15 à 20 % des conjoints ruraux viennent de paroisses voisines ; on peut en dire autant des propriétaires37.
- 38 AD I.-&-V., C 4 522.
- 39 Voir par exemple lebrun (F.), Les hommes et la mort en Anjou aux xviie et xviiie siècles, p. 8, qu (...)
54Parmi les propriétaires forains, il faut faire une place particulière à ceux qui viennent des provinces voisines. Posséder des terres en Bretagne peut être avantageux quand on réside dans le Maine, la Normandie ou l'Anjou, étant donnée la situation fiscale privilégiée de la province. Mais ces propriétaires extra-provinciaux, ruraux ou urbains, restent rares. Nous n'avons relevé que 66 déclarations venant de 26 paroisses rurales et 7 villes et portant sur 5 799.8 livres. Dans la plupart des cas, il s'agit des paroisses les plus proches de la Bretagne et leur implantation foncière ne s'éloigne pas à plus de quelques kilomètres dans la province. Elle culmine à 3,8 % des revenus à Combourtillé38 et ne dépasse 1 % que dans 15 paroisses dont 10 sont frontalières. Il y a bel et bien une coupure entre la Bretagne et les provinces voisines. Même si le faux-saulnage crée des contacts nombreux, il ne réduit pas les différences ou les oppositions. Les recteurs, les administrateurs mentionnent toujours précisément la province ou le diocèse des individus39.
- 40 paris-jallobert (P.), op. cit., La Bazouge-du-Désert, 1891.
55On surveille attentivement l'installation de nouveaux habitants en Bretagne, on s'occupe aussi des bestiaux. En 1748, « les habitants de cette paroisse et des autres lymitrophes du Meine ont fait la garde pour empêcher les bètes à cornes de passer du Meine en Bretagne à cause de la maladie des bestiaux », écrit dans son registre le recteur de La Bazouge-du-Désert40. Les péages, les bureaux de sortie des marchandises, la présence fréquente de cavaliers de la maréchaussée et d'agents de la gabelle contribuent encore à l'isolement de la Bretagne.
56Les différences structurelles entre 1735 et 1751 ne sont pas fondamentales. Le revenu moyen des déclarants est toujours beaucoup plus élevé à l'est, de Fougères à La Guerche et au sud-est, de Piré à Rennes. Les paroisses où le revenu moyen est le plus faible sont toujours celles des terres granitiques de Fougères à Combourg et surtout celles du Sud-Ouest. Le rapport est de 1 à 6 entre les plus pauvres (Bourg-des-Comptes 21 livres) et les plus riches (Toussaint, 132 livres). La carte reproduit presque exactement celle de 1735 et propose, à l'inverse, un négatif de celle du nombre des propriétaires. Les schémas constants de la structure foncière sont bien affirmés et ne se démentiront pas tout au long du siècle.
Types de structures foncières
57Dans l'ensemble, les multiples documents dont on dispose permettent donc de dresser des tableaux généraux et assez précis des différents types de structure foncière qu'on peut rencontrer dans la région et de distinguer plusieurs grandes zones à l'intérieur du diocèse de Rennes.
Le sud-ouest
58Au sud-ouest, de Messac à Janzé, la micro-propriété domine totalement et s'accentue à mesure qu'on s'approche de la Vilaine. La majorité des paysans ne possède que quelques pièces de terre et doit en louer d'autres pour vivre. Même les petits notables des bourgs n'ont pas réussi à se constituer de véritables exploitations. Seuls ou presque, les grands propriétaires nobles disposent de closeries ou de métairies. La structure foncière, telle qu'elle apparaît à Bourg-des-Comptes ou Laillé, montre un très grand nombre de minuscules propriétaires et la quasi-absence de propriétaires ayant plus de 50 livres de revenu. La situation évolue à l'approche de Janzé. Là, les terres plus riches permettent de trouver un nombre de propriétaires moyens un peu plus élevé. À Janzé, on repère la présence de quelques notables locaux dont le revenu dépasse 100 livres. Dans toute cette région, le revenu moyen des propriétaires roturiers est faible et la présence nobiliaire est, en revanche, relativement forte. Nous sommes de plus dans des paroisses généralement pauvres (cf. carte n° 17). Ces trois caractères qui se dégagent très nettement favorisent une structure foncière sans « classe moyenne ». C'est particulièrement vrai dans la vallée de la Vilaine et on peut penser qu'il en est de même de l'autre côté du fleuve, dans le diocèse de Saint-Malo. Dans tout le sud de ce diocèse, là où la noblesse est totalement dominante, c'est ce type de structure foncière qu'on retrouve.
Les terres pauvres des bordures nord-est du bassin de Rennes
59Au nord de Rennes, on retrouve une zone aux caractéristiques assez proches entre Combourg, Hédé et Saint-Aubin-du-Cormier. Ici, les landes et les forêts abaissent fortement les revenus moyens. Plus de 50 % des propriétaires annoncent des revenus inférieurs à 10 livres et un tiers se situe entre 10 et 30 livres. Les propriétaires riches ne sont qu'une infime minorité et, qui plus est, ils viennent plus souvent de l'extérieur. La participation citadine est un peu plus importante car de petits bourgs proches interviennent sur le marché foncier (Combourg, Hédé, Bazouges-la-Pérouse, Saint-Aubin-du-Cormier) et les villes plus lointaines (Saint-Malo, Rennes, Vitré, Fougères) ne sont pas totalement absentes. La principale différence avec le Sud-Ouest provient cependant de la noblesse. Elle ne dispose pas d'une puissance foncière aussi évidente qu'au sud et il s'agit souvent d'une petite noblesse, assez nombreuse mais ne possédant que des domaines moyens. L'écart n'e*st donc pas aussi grand et la noblesse, moins dominante qu'au sud, et moins riche (à l'exception de M. de Montbourcher très bien possessionné autour d'Andouillé-Neuville) est parfois concurrencée par des propriétaires citadins.
L'est du diocèse de Rennes
60À l'est du diocèse, la faiblesse relative de la noblesse crée une situation différente. Le pays de Vitré se singularise par une proportion importante d'exploitations moyennes et grandes appartenant à la bourgeoisie de Vitré ou des campagnes mais aussi à une paysannerie riche assez nombreuse. Les nobles ne paraissent pas autant dominer la région sauf en certaines paroisses. Mais ce système se caractérise aussi par l'importance des paysans non propriétaires ; les gros ou moyens fermiers ne sont pas rares ici.
61Plus au sud, de Châteaugiron à La Guerche et à Martigné-Ferchaud, la terre, assez riche, est de nouveau très divisée. La micro-propriété paysanne réapparaît alors que les gros propriétaires roturiers sont moins nombreux, qu'ils soient citadins, ruraux ou paysans. La région est marquée par une plus grande homogénéité, une « classe moyenne » plus nombreuse et la noblesse est assez peu présente mais elle possède des grandes propriétés.
62Au nord, le pays de Fougères et le Coglès sont moins favorisés par la qualité des terres. La dispersion y est aussi très grande. La noblesse est plus présente qu'autour de La Guerche mais elle est moins riche ; les grandes familles sont rares contrairement aux petits hobereaux qui résident effectivement sur leurs terres ou à Fougères. La présence bourgeoise reste moyenne ; les Fougerais sont moins riches que les Vitréens. Vers l'ouest, cette structure évolue pour rejoindre celle qu'on a déjà décrite dans les régions plus pauvres de Bazouges et Combourg.
Le bassin de Rennes
63La plus grande partie du bassin de Rennes présente encore un type différent de structure foncière qui évolue à mesure qu'on s'approche de la ville. En effet, c'est ici la présence de Rennes qui conditionne la répartition de la propriété. Deux phénomènes apparaissent. Les plus petits propriétaires, ceux qui annoncent moins de 10 livres de revenu, sont moins nombreux. Ils ne dépassent pas 40 % alors qu'ils étaient ailleurs plus de 50 %. En revanche, la catégorie des 10 à 30 livres est au moins équivalente à la première (de 30 à 40 %). Il y a donc une élévation de la valeur moyenne et une plus grande masse de propriétaires dans des catégories intermédiaires. Dans certains cas, les catégories plus riches sont même assez nombreuses. Ainsi, à Domagné, où la catégorie des 30-50 livres représente 20 % de l'ensemble et celle des 50-100 livres est encore assez proche (cf. aussi L'Hermitage, Domloup et Saint-Hélier). Dans ce cas, il ne s'agit plus, le plus souvent, de propriétaires exploitants mais bien de bourgeois, de citadins qui se sont constitué des exploitations. L'auréole urbaine est évidente dans le cas rennais ; la présence de la ville introduit dans la campagne un paramètre nouveau et modifie sensiblement la structure foncière en élevant la valeur moyenne des propriétés. Cette présence est très nette sur un rayon d'une dizaine, ou d'une quinzaine de kilomètres autour de Rennes (L'Hermitage, Saint-Gilles). Au-delà, l'influence se dilue et disparaît très vite.
64On peut ainsi définir dans l'évêché de Rennes six grandes régions aux structures foncières diversifiées, chacune ne groupant que 30 à 40 paroisses. Nombre de critères expliquent cette diversité ; qualité des sols, densité de population, importance de la noblesse, proximité de la ville et richesse de sa bourgeoisie, importance de l'industrie rurale (textile surtout). Ils sont susceptibles d'éclairer, d'expliquer le fonctionnement de la structure et du marché foncier. La structure foncière n'est, de ce point de vue, que le résultat d'un ensemble de données préexistantes et fluctuantes, tout en étant aussi un des éléments qui déterminent l'allure sociale et économique de chacune des petites régions ainsi délimitées.
65Cette diversité apparaît tout aussi nettement en 1751 et on peut l'illustrer en étudiant précisément, à titre d'exemples quelques paroisses.
Exemples paroissiaux de structures foncières en 1751
Présentation des paroisses choisies
- 41 AD I.-&-V., C 4 515.
- 42 AD I.-&-V., C 4 575.
- 43 AD I.-&-V., C 2 158.
- 44 AD I.-&-V., C 2 160.
- 45 AD I.-&-V., C 4 580.
- 46 AD I.-&-V., C2 158 et C 4 560.
- 47 Voir ogee (J.-B.), Dictionnaire historique de Bretagne, 1778-1780, article Bazouges-sous-Hédé.
66Les paroisses choisies se situent dans des régions différentes : Bourg-des-Comptes au sud-ouest41, Venèffles dans la riche région de Châteaugiron42, Saint-Jean-sur-Vilaine (et sa trêve Saint-Melaine) aux limites du pays de Vitré43, Bazouges-sous-Hédé aux bordures septentrionales du bassin de Rennes44, La Nouaye à 20 kilomètres à l'ouest de la capitale bretonne45 et deux paroisses péri-urbaines, Vezin et Toussaint46. Elles sont de taille et d'importance très différentes. Venèffles et La Nouaye sont petites, moins de 500 hectares et de 500 habitants, toutes deux proches de petites villes, Châteaugiron et Montfort, et possèdent un terroir agricole assez riche. Saint-Jean-sur-Vilaine et Bazouges-sous-Hédé, avec 1 500 hectares et 800 à 900 habitants sont plus caractéristiques des paroisses rurales de la région. Mais leurs terroirs sont très différents. Dans la haute vallée de la Vilaine, Saint-Jean est riche ; la polyculture s'y joint à un élevage assez développé et à la fabrication de toile. Bazouges, elle, occupe les premiers contreforts qui bordent au nord le bassin de Rennes et annoncent des terres granitiques et pauvres. On y élève alors un troupeau ovin assez important, ce qui n'est pas le meilleur indice de fertilité47. À l'inverse, Vezin et Toussaint jouissent de terres riches et fertiles et bénéficient de plus de la présence des grandes routes qui partent vers Nantes, Redon et Montfort. Bourg-des-Comptes enfin est au cœur de la zone de misérables collines qui s'étend au sud-ouest de notre région.
67Les données cadastrales du début du xixe siècle montrent, malgré le décalage, tout ce qui distingue ces paroisses. À Bazouges-sous-Hédé comme à Bourg-des-Comptes, les terres incultes représentent une part considérable du terroir alors qu'à l'inverse, les landes sont quasiment inexistantes dans les autres paroisses où les terres labourées occupent toujours plus des deux tiers du terroir. La proportion des prés et pâturages est assez constante. Seule Vezin se distingue avec près de 20 % de terres en herbe. Peut-être est-ce dû à la proximité rennaise car le phénomène se retrouve dans d'autres paroisses limitrophes de la ville (Moigné, Saint-Grégoire, Saint-Jacques) mais peut-être aussi l'extension des prés n'est-elle qu'un phénomène du premier xixe siècle. Nos chiffres peuvent refléter une évolution qui n'a pas encore eu lieu vers 1750.
- 48 Données relevées dans ogée (J.-B.), op. cit.. Il n'y a pas de données pour Toussaint puisque c'est (...)
Tableau n° 39 : Répartition des terroirs agricoles dans six paroisses témoins (données cadastrales, début xixe siècle)48

Les types d'exploitation
68Sur ces terroirs différenciés coexistent plusieurs types d'exploitations dont les dénominations varient. Partout la grande exploitation est appelée « métairie » mais le terme recouvre des réalités bien différentes.
69Dans chaque paroisse, la taille des métairies est très variable. La plus petite métairie de Bourg-des-Comptes est douze fois plus petite que la plus grande. D'une paroisse à l'autre, la notion de métairie a des limites très différentes. La majorité des métairies de Venèffles ne seraient pas qualifiées ainsi à Vezin. À Toussaint, la métairie des Bintinais est alors affermée 950 livres par an, soit vingt-cinq fois plus que la petite métairie de la Goherais à Bourg-des-Comptes. Le terme est donc à utiliser avec précaution ; il désigne toujours une grande exploitation mais cette grandeur est relative à la taille globale des exploitations d'une paroisse donnée. À Bourg-des-Comptes où pullule la micro-exploitation, quelques hectares suffisent pour qu'on parle de métairie ; à Vezin et dans les paroisses rurales de Rennes où les grandes fermes nobles et bourgeoises sont nombreuses, l'appellation suppose incontestablement une taille plus conséquente. Enfin, ce terme de métairie n'apporte aucune indication absolue sur le mode de faire-valoir. Certaines, très rares, sont en faire-valoir direct, d'autres affermées » à moitié fruit », les plus nombreuses contre un loyer en argent, ce qui n'exclut pas quelques livraisons en nature.
- 49 Voir antoine (A.), Fiefs et villages du Bas-Maine au xviiie siècle, Mayenne, 1994 ; particulièreme (...)
70Le terme de closerie n'est présent qu'à Saint-Jean-sur-Vilaine mais il est connu dans tout l'est du diocèse et dans le Maine et l'Anjou voisins49. À l'ouest, il est plus rare, voire inexistant. Il s'agit d'exploitations moyennes presque toujours affermées entre 50 et 200 livres et suffisamment étendues pour permettre au paysan d'en vivre sans ajouter un travail supplémentaire.
71La closerie constitue parfois une étape intermédiaire entre la métairie et le simple lieu. C'est ainsi qu'on nomme les exploitations les plus courantes, les plus nombreuses, l'exploitation paysanne typique. Mais, là aussi, le lieu correspond à des réalités très diverses selon les paroisses.
72Dans les régions où le terme de closerie n'existe pas, le lieu correspond à peu près à la même réalité. Les plus grands s'apparentent à de véritables métairies bien qu'ils n'en aient pas le titre. En fait, il semble bien que la métairie soit généralement une exploitation plus ancienne et que l'appellation même lui confère une sorte de prestige que n'a pas encore le lieu, rassemblement plus récent et plus hétéroclite de terres et de bâtiments. La métairie est un ensemble cohérent, souvent articulé autour de corps de bâtiments homogènes et étendus, de constitution lointaine, souvent résidu d'ancien domaine seigneurial. Le lieu, lui, est le résultat d'une accumulation plus récente de bourgeois ou de paysans aisés. La différence de taille n'est pas la seule qui sépare les deux types d'exploitations.
73Bourg-des-Comptes fournit de bons exemples de ces différences. La famille Chéreil de la Rivière y possède 5 métairies. Mme Chéreil, la mère, vit retirée à la Maison de la Rivière, petit manoir noble, et afferme la métairie qui y est attachée pour 300 livres. Elle contient 52 journaux dont 32 sont en labour, cultivés en assolement triennal (seigle, avoine, blé noir). Derrière le manoir s'étend le bois et le pré des Logis, 25 journaux de terre qui sont exploités en mains propres. Un kilomètre plus à l'ouest, voici les terres du fils, Pierre-François, conseiller au Présidial et vivant à Rennes. Il détient autour de la maison de la Réauté, les métairies de la Gouverdière, de la Réauté et de la Poissonnière (en Laillé). L'ensemble contient plus de 80 journaux de terres, presque contiguës ou en tout cas rassemblées dans une même zone. Toute la rive de la Vilaine, ou presque, appartient à M. Chéreil qui possède là un domaine bien regroupé et, qui plus est, proche de celui de sa mère.
74À l'autre extrémité de la paroisse, René Perrin, fils d'un paysan moyen, vit au village du Rocher dans une maison qu'il a héritée de son père. Il est devenu un gros laboureur, paie 16 livres de capitation et a deux domestiques. Il a recueilli de bons héritages mais a aussi passé toute sa vie à rassembler des terres pour se constituer un lieu. De son père, il a reçu 4 maisons, 1 étable, 1 pressoir, 2 jardins, 1 journal de vigne, 3 pièces en pâture, 2 prés, 3 morceaux de landes, le tout près du Rocher où il vit et 2 petits jardins à 500 mètres de là. De sa mère, il hérite d'1 étable et d'1 jardin, d'1 maison, 2 jardins, 4 pièces de terre, 2 petits prés, 1 châtaigneraie et deux morceaux de lande. Par la mort de son frère et de sa belle-sœur, il récupère encore 4 pièces de terre, 6 prés, une lande et un jardin. Ses multiples héritages lui valent donc 8 maisons et bâtiments d'exploitation et 37 pièces de toutes sortes pour 17 journaux. Il achète aussi des terres à neuf reprises entre 1722 et 1750, un total de 11 pièces (9jx 25c) aux villages de la Fromentinière, du Tertre et du Rocher pour un coût de 1539 livres. En 1746, de plus, il a afféagé à la seigneurie du Boschet une quantité de 20 cordes de landes « présentement close et hayée et servant de pré ». En 1751, il possède donc 27 journaux de terre répartis en 49 pièces dans 9 villages différents. Ses biens doivent faire nombre d'envieux à Bourg-des-Comptes mais ils sont très dispersés ; les plus éloignés sont à plus de 2 kilomètres de son domicile. Quoique d'une étendue respectable, les domaines de René Perrin ne peuvent en aucun cas être qualifiés de métairie.
75Outre les lieux, closeries et métairies, les déclarations du Vingtième mentionnent aussi quelquefois des « terres » et des « fermes » pour désigner des exploitations de 20 à 222 livres de revenu. Dans les deux cas, ces expressions peu usitées (14 exemples) correspondent globalement aux lieux.
76Les exploitations complètes sont donc de trois types : métairies souvent grandes (+ de 20 journaux et 200 à 300 livres de bail annuel) s'opposent aux lieux plus petits (parfois même minuscules et permettant tout juste à une famille paysanne de survivre). Dans l'est de la région, la closerie s'intercale entre les deux mais, à l'ouest, on n'a pas ressenti la nécessité de cette appellation, sans doute parce que la réalité qu'elle représente est beaucoup plus rare. Ici, le lieu couvre la totalité de l'éventail qui va de la minuscule ferme paysanne à la solide exploitation de 20 à 30 journaux.
77Les différences de taille sont difficilement utilisables pour classer les exploitations car la valeur des terres est très variable. Il y a certes des différences entre les landes, les prés et les terres labourées, mais aussi des différences entre les paroisses et, au sein d'une même paroisse, des différences entre terres du même type. À Toussaint par exemple, le journal de pré se loue de 20 à 50 livres (souvent autour de 30) alors qu'à Bourg-des-Comptes, il ne vaut que de 2 à 16 livres.
78Les prés valent en moyenne deux fois plus cher que les terres labourées à Toussaint mais à Venèffles leur valeur est sensiblement égale alors qu'à La Nouaye, ils sont moins chers. Globalement, on peut seulement noter la cherté du prix de la terre à Toussaint et sa faiblesse extrême à Bourg-des-Comptes. Mais, dans l'ensemble, l'extrême variabilité des prix fait que toute utilisation des surfaces pour classer les exploitations relèverait de l'illusion. On ne doit se baser que sur les prix et les valeurs indiquées même si, dans ce domaine, il est bien évident que la fraude et la dissimulation sont particulièrement faciles.
La micro-propriété parcellaire
79Après les exploitations complètes, il faut s'attarder sur les terres dispersées car tous les propriétaires ne possèdent pas des métairies ou des lieux. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter :
- des paysans pauvres qui n'ont que leur maison, un jardin ou quelques pièces mais vivent surtout de leur travail de journalier ou de la prise à ferme d'autres terres ;
- des petits artisans, marchands ou bourgeois des campagnes qui possèdent quelques terres dont ils tirent un revenu supplémentaire mais qui ne constituent pas leur activité principale ;
- des paysans habitants de paroisses proches qui ont hérité de terres assez distantes de leur domicile que parfois ils exploitent eux-mêmes, que plus souvent ils donnent à ferme ou qu'ils cherchent à revendre ou à échanger contre des biens plus proches qu'ils pourraient réellement mettre en valeur ;
- des habitants de la paroisse qui se sont installés dans les paroisses voisines ou sont partis tenter leur chance dans la ville la plus proche. Toutes les villes regorgent de compagnons, de journaliers, de portefaix propriétaires fonciers qui ont gardé au village leur part d'héritage, une maison, quelques pièces de terre. Le frère, le cousin ou le voisin l'exploite contre un loyer dérisoire, peut-être même contre quelques fruits, quelques légumes ou des volailles qu'on fait envoyer à la ville quand un des habitants s'y rend ;
- des bourgeois citadins enfin qui, patiemment, pièce par pièce, se constituent un domaine rural. Tous n'ont pas les moyens d'acheter directement des métairies à 10 000 livres ou même des closeries plus modestes. Nombreux sont ceux qui, à l'image de René Perrin à Bourg-des-Comptes, adaptent leurs ambitions à leurs bourses et acquièrent progressivement des pièces de terre dispersées qu'ils s'efforceront plus tard de regrouper pour former une exploitation viable.
80Cette micro-propriété parcellaire est d'importance et de type très variables selon les paroisses.
81Partout ces propriétaires sont très nombreux et souvent majoritaires. Mais la part des terres qui leur revient est beaucoup plus faible. Elle ne dépasse que rarement 20 % et quand elle s'élève au-delà, comme à Venèffles où elle frôle les 30 % ou à Toussaint où elle les dépasse, c'est parce qu'il y a de nombreux intervenants urbains (venant de Châteaugiron ou de Rennes) dont les biens sont assez étendus même s'ils ne constituent pas des exploitations. À l'inverse, Saint-Jean-sur-Vilaine se distingue totalement des autres paroisses. Les micro-propriétaires ne sont que 12 % et n'ont que 2 % des terres. Ici la terre est presque totalement répartie entre les 11 métairies, les 2 closeries et les 148 lieux et les micro-propriétaires possèdent surtout des maisons et des jardins qu'ils afferment. Il ne s'agit pas de petits paysans mais, le plus souvent, de personnes extérieures à la paroisse qui ont hérité de maisons.
82Voyons enfin comment s'organisent précisément les structures foncières et agraires des paroisses étudiées et, par extension, des régions qui les entourent. Un simple calcul du revenu moyen des propriétés est déjà très éclairant pour établir une hiérarchie. Le rapport entre la première et la dernière paroisse est de 1 à 4 et Bourg-des-Comptes n'est peut-être pas la paroisse la plus pauvre et la plus morcelée de la région. Le phénomène s'amplifiant encore dans le diocèse de Saint-Malo, on peut estimer qu'entre les extrêmes, le rapport atteindrait 1 à 6. Les différences de structure sont donc considérables.
Saint-Jean-sur-Vilaine : pays de Vitré et zone toilière
83La micro-propriété y est insignifiante et échappe au domaine proprement agricole puisqu'il s'agit essentiellement de maisons. La quasi-totalité du terroir y est donc divisée en 186 exploitations que se partagent 144 propriétaires. Les revenus des propriétaires se répartissent de façon bien spécifique. 15 % des propriétaires possèdent 50 % des terres agricoles alors qu'à l'opposé, un gros tiers d'entre eux n'en regroupe que 10 %. La concentration n'est pas extrême et c'est plutôt la classe médiane, celle dont les biens rapportent de 50 à 200 livres de revenu annuel qui caractérise la paroisse (ils possèdent 40 % des terres).
84Les très gros propriétaires possèdent toujours plusieurs exploitations car celles-ci ne sont pas très grandes : 18 propriétaires ont 2 exploitations, 4 en ont 3, 3 en ont 4 et 2 en possèdent 5. C'est-à-dire que s'il n'y a pas concentration des exploitations, il y a bien une relative concentration de la propriété entre certaines mains. Le seigneur de la paroisse reste le plus gros propriétaire avec deux métairies, deux lieux, des bois et des prairies. Parmi les dix premiers propriétaires on trouve deux nobles, deux bourgeois rennais, quatre vitréens et... deux notables locaux : le Sieur Piel et le Sieur Rublon qui annoncent respectivement 546 et 383 livres de revenu. Tous deux résident au bourg et exploitent « par mains » un petit lieu (62 et 51 livres de revenu) mais chacun possède quatre autres lieux affermés. Jean Rublon exploite de plus une closerie qu'il loue 200 livres. Ce sont donc encore des paysans mais aussi et surtout des propriétaires, doublés de marchands de toile et d'officiers seigneuriaux. Le Sieur Piel a un frère, François, qui s'est totalement retiré de l'agriculture, sans doute pour le commerce, mais possède aussi 3 lieux qu'il afferme 233 livres. Les deux frères, avec 780 livres de revenu foncier, sont de très loin les plus riches habitants de la paroisse.
85De plus, ces riches ruraux ne sont pas seuls. Parmi les 27 propriétaires de plusieurs exploitations, 12 vivent à Saint-Jean, travaillent sur certains de leurs lieux et louent les autres. La Demoiselle Corbillet exploite elle-même ses quatre lieux ; Jean Dupin, en revanche, afferme ses deux lieux pour prendre à bail un troisième. À côté des propriétaires forains (nobles et bourgeois), il y a, à Saint-Jean, une véritable élite paysanne d'une vingtaine de gros propriétaires qui élargissent leurs activités au commerce et à la fabrication de la toile. Ils prennent les titres de Sieur et Demoiselle, ajoutant à leur patronyme le nom de leur terre, imitant ainsi la bourgeoisie urbaine dont ils approchent probablement les revenus.
- 50 Le textile de la région rennaise, en particulier la fabrication des « noyales » est encore assez m (...)
86Les exploitations pourtant ne sont pas très grandes et le plus souvent, elles sont affermées. Les métairies sont peu nombreuses et le lieu est incontestablement le type d'exploitation le plus répandu : près de 80 %. Mais les métairies couvrent tout de même le cinquième des revenus alors que les lieux n'en représentent que les deux tiers. Une autre caractéristique paraît évidente : c'est la domination du fermage et la part relativement faible du faire-valoir direct : 20 % des exploitations seulement. Certes les paysans aisés possèdent des terres mais la pénétration de la noblesse et des citadins est très forte. Une très large partie de la terre est tenue par des étrangers à la paroisse. Et quand les paroissiens possèdent des terres, ils suivent l'exemple et afferment leurs exploitations - souvent moyennes - pour prendre à bail les lieux, closeries ou métairies plus étendues des forains. Nobles et bourgeois louent leurs terres à des paysans riches qui afferment à leur tour leurs biens à des paysans moyens. A ce système s'ajoute très probablement des liens du même type créés par le commerce des toiles. Les négociants discutent avec les gros propriétaires locaux après que ceux-ci aient rassemblé les toiles50.
87D'où viennent les propriétaires extérieurs à la paroisse et à la paysannerie ? D'abord de la noblesse. Les nobles ne sont que six (3,6 % des propriétaires) mais ils possèdent la moitié des métairies et 11,7 % des terres. Ce sont de gros propriétaires (revenu moyen 367.10 livres) peu présents localement et parfois issus récemment de la bourgeoisie. Car les bourgeois citadins sont aussi très présents. Ils viennent de Vitré, de Rennes ou de Châteaubourg, gros bourg tout proche.
88Les deux villes rassemblent près du tiers des terres de la paroisse et près de 20 % des propriétaires. Leur importance est donc bien plus grande que celle de la noblesse même si individuellement le revenu moyen des propriétaires est plus faible (183.17 livres) pour l'ensemble des Rennais et des Vitréens. Plus à l'est, les Vitréens deviennent vite encore plus nombreux ; à l'ouest commence le domaine exclusif des Rennais alors qu'au sud, c'est de Châteaugiron que viennent les investisseurs citadins. La région est largement ouverte sur les villes ; il est vrai que dans le cas présent, Saint-Jean-sur-Vilaine est traversée par la grande route qui relie Rennes à Vitré.
Aux portes de Rennes : Toussaint et Vezin
89Les deux paroisses sont très marquées par l'influence considérable de Rennes. On est ici dans la banlieue immédiate de la ville et cela se traduit dans le revenu moyen des propriétés qui est très fort : 133 livres à Toussaint, 120 à Vezin. Toute la proche couronne rurale de Rennes est alors dans la même situation ; à Saint-Hélier, par exemple le revenu moyen atteint 124.15 livres.
90Dans les deux paroisses, les propriétaires parcellaires sont nombreux. Il s’agit majoritairement de bourgeois rennais qui se constituent des exploitations ou possèdent des maisons de campagne. Certains sont d’origine modeste ou médiocre. Michel Tinard, boulanger rue Hue, possède une maison et 2 jardins au Chêne-Rond en Toussaint dont il tire 110 livres de revenu annuel. Ce n’est qu’un artisan enrichi qui paie 16 livres de capitation en 1748, 20.10 livres en 1754. Le Sieur Godefroy de Kerroignant, procureur au parlement, a une maison et 3 pièces labourées aux Écotais en Toussaint (ferme de 86 livres). François Lamiral, apothicaire, a 3 pièces et un jardin (ferme de 107 livres). Jean-Jacques Dacosta, alors jeune négociant, possède quant à lui, une maison et un jardin aux Écotais ; c’est une simple maison de campagne.
91À Vezin, les petits propriétaires sont un peu plus nombreux et les très gros un peu plus rares mais globalement les chiffres des deux paroisses sont comparables : dans les deux cas, les gros propriétaires dominent. 40,8 % des propriétaires à Toussaint, 44,7 % à Vezin ont plus de 100 livres de revenu (iles étaient 36,5 % à Saint-Jean-sur-Vilaine) et surtout ils possèdent 80 et 83 % des terres. L’analyse de la structure agraire traduit à la fois l’importance relative de la grande propriété et la forte domination des terres en fermage sur celles qui sont en faire-valoir direct. Métairies et lieux affermés représentent 80 % des exploitations et environ 90 % de la valeur des terres. Les paysans propriétaires ne contrôlent donc qu'une petite portion du terroir agricole. Certes, ils possèdent aussi des parcelles éparses, mais dans ce domaine également, ils sont dominés par les rentiers du sol.
- 51 Voir aussi ce que l'on a dit plus haut (chap. V) h propos des inventaires après décès des paysans.
92Ainsi, dans cette zone péri-urbaine, les exploitations plus grandes sont aussi beaucoup plus contrôlées par des propriétaires non exploitants, extérieurs à l'agriculture et à la paroisse. La paysannerie propriétaire est rare et les ruraux sont beaucoup plus souvent fermiers ou métayers des gens de la ville. À Saint-Jean-sur-Vilaine, la forte présence citadine n'empêchait pas l'émergence d'une élite de propriétaires paysans ; ici, cette élite propriétaire est absente. Les rôles de capitation montrent bien la situation sociale particulière des paroisses voisines de Rennes. Les habitants sont de petits fermiers et métayers payant de 3 à 5 livres de capitation et les petits propriétaires indépendants ne se distinguent pas de la masse. Seuls émergent de cette médiocrité générale les métayers des grosses fermes bourgeoises et nobles qui sont imposés entre 10 et 15 livres, emploient souvent plusieurs domestiques et journaliers et envoient leurs enfants à la ville. L'aisance rurale ne passe pas ici par la possession de domaines fonciers mais par la prise à ferme des grandes exploitations des citadins51.
93Car les propriétaires sont avant tout des citadins, rennais bien évidement. À Toussaint, ils sont 58, soit 61,8 % des propriétaires et contrôlent 57 % des terres roturières. À Vezin, ce sont 31 propriétaires rennais qui se partagent 66 % des terres. Nous ne disposons pas de la totalité des déclarations nobles mais nous pouvons estimer qu'elles recouvrent globalement 15 à 20 % de l'ensemble. De toute manière, quelle que soit la valeur qu'on retient pour les biens nobles, la propriété citadine reste très dominante alors qu'à l'inverse, celle des paysans apparaît presque marginale.
94Tout autour de Rennes, sur un rayon d'une dizaine de kilomètres, l'intervention citadine sur le marché foncier modifie de la même façon les structures agraires. Les exploitations sont plus grandes, la propriété paysanne est plus faible et la population locale est constituée de fermiers et de métayers au service de propriétaires citadins. La noblesse, concurrencée dans ses ressources habituelles, paraît proportionnellement moins présente et moins dominante. Quand on s'éloigne de la ville, ces caractères s'atténuent peu à peu. Venèffles, La Nouaye et Bazouges-sous-Hédé représentent, à cet égard, trois modalités différentes d'organisation des structures foncières et agraires. Conditions naturelles locales et interventions extérieures s'y combinent de façons diverses et contribuent à modeler des structures agraires variées.
Le sud-est du diocèse : Venèffles
95Le revenu moyen des propriétés y est de 63.7 livres, soit la moitié seulement de ce qu'il est à Vezin ou à Toussaint. La comparaison avec le rôle de capitation permet d'estimer qu'un quart des habitants environ ne possède aucun bien foncier.
96Les petits propriétaires (moins de 30 livres) représentent près de la moitié de l'ensemble alors qu'à plus de 100 livres on ne trouve plus que 20 % des propriétaires (45 % à Vezin). D'ailleurs aucun propriétaire ne dépasse 500 livres. Le plus riche, un procureur rennais, n'atteint que 450 livres et il précède M. de Châteaugiron, président au parlement, qui n'a que 361 livres de revenu. Il est vrai que la paroisse est petite et seuls ces riches possédants rassemblent 2 ou 3 métairies. Parmi les plus pauvres, beaucoup plus nombreux, une majorité ne possède que quelques pièces et parfois une maison, mais ajoute à son activité agricole celle de tisserand car nous sommes dans une zone où l'industrie textile est encore très forte.
- 52 petitjean (M.), « Les maisons de terre en Ille-et-Vilaine », Ar Men, n°5, oct. 1986, p.30-49.
97Les exploitations sont assez petites mais la terre est riche. D'ailleurs, les bâtiments d'habitation et d'exploitation, souvent décrits dans les déclarations, sont d'assez bonne qualité. Ils sont variés et spécialisés (étables, celliers, granges, soues à porcs, écuries, tisseries, fours...) mais aussi bien construits et entretenus. Parmi les 66 bâtiments d'exploitation mentionnés, on ne trouve qu'une « mauvaise étable ». Il en est de même pour les maisons : une seule « masière » pour 64 maisons signalées. Les matériaux utilisés témoignent d'une relative richesse des édifices. Pour les couvertures l'ardoise est au moins aussi répandue que la paille ; les maisons sont souvent de pierre ou d'un mélange de pierre et de « massonnaille » mais les pauvres chaumières de « terre battue et de paille » sont rares. Même les bâtiments d'exploitation sont parfois bâtis de pierre et recouverts d'ardoises. Dans une paroisse où constructions en terre et en pierre coexistent, le choix de la pierre signale des possibilités financières plus grandes52. Or, à Venèffles, c'est la construction en pierre qui domine.
98Comme dans les paroisses précédentes, les exploitations affermées sont les plus nombreuses. Les pourcentages sont du même ordre qu'à Vezin et Toussaint mais la différence vient de la place plus réduite des métairies. Elles ne représentent qu'un septième du revenu total alors que les lieux forment 85 % de l'ensemble. Nous avons ici affaire à une propriété et un modèle d'exploitations plus petits.
99Bien que plus petites les exploitations échappent encore largement aux paysans. Les différents types de fermage dominent toujours et les propriétaires extérieurs sont nombreux. Les nobles sont 6,7 % et disposent de 15 % des terres, part assez modeste. La bourgeoisie citadine est beaucoup plus représentée : 20 % des propriétaires et 31,1 % des terres. Parmi ceux-ci, les Rennais ont des domaines étendus alors que les habitants de Châteaugiron, plus nombreux, sont aussi plus modestes. Les premiers sont hommes de loi ou procureurs et déclarent 17,6 % des revenus (pour 7 % des propriétaires), les seconds sont plutôt des marchands liés au commerce des toiles. À la différence de ce qui se passe à Saint-Jean-sur-Vilaine, il n'y a pas ici d'élite locale de marchands laboureurs. Châteaugiron est petite mais très active. Son rayonnement économique et sa richesse sont très supérieurs à sa faible population. Plus qu'aucun autre bourg de Haute-Bretagne, elle mériterait le titre de ville. C'est en tout cas un marché considérable et elle monopolise à son profit le commerce de la toile de toutes les paroisses voisines. Les marchands de Châteaugiron sont nombreux à Venèffles comme ils le sont à Domloup, Ossé ou Amanlis.
Les confins occidentaux du bassin de Rennes : La Nouaye
100Comme Venèffles, La Nouaye est située à une vingtaine de kilomètres de Rennes et à proximité immédiate d'une petite ville : Montfort. Le revenu moyen des propriétés est assez proche de ce qu'il était à Venèffles.
101Mais on y sent une plus grande pauvreté, un plus grand morcellement ; presque tout le monde y est propriétaire. La proportion des petits possédants est assez semblable à ce qu'elle était à Venèffles (57 % des propriétaires ont 22,5 % des terres) mais les riches y sont beaucoup moins nombreux et moins riches. Seuls 14 % des propriétaires dépassent 100 livres (22 % à Venèffles) et ils ne rassemblent que 44 % des terres (contre 60 %). Les terres sont relativement bonnes mais il n'y a pas d'industrie qui apporterait un revenu d'appoint et l'on est à l'écart des grandes routes. Pour améliorer le quotidien on a peut-être développé les jardins à légumes (plus souvent décrits qu'ailleurs) et les vergers à pommiers. Mais l'assolement laisse une large place à la jachère. Jean-François Berthelot, propriétaire aisé, a ensemencé en 1751 3 jx 13 c (40 % en avoine, 30 % en seigle, 20 % en mesléard et 10 % en froment) mais laisse 6 jx en jachère. Mathurin Collet ne cultive que 2 jx 60c sur les 6 qu'il possède ; Olivier Carret, 4 jx 37c sur 11. Seul Thomas Daugan, métayer de Fontainbrun, cultive plus de la moitié de ses terres (11 jx en labeur, 5 en jachère). Habitat et bâtiments sont bien médiocres. Les descriptions sont moins précises qu'à Venèffles mais, pour 74 maisons, 11 sont petites ou mauvaises voire indigentes ou ruinées et les bâtiments d'exploitation sont peu nombreux.
102La structure des exploitations montre ici une très nette séparation entre quatre métairies affermées et échappant aux habitants de la paroisse et 29 autres lieux assez petits et partagés équitablement entre des propriétaires extérieurs et des exploitants. La domination des terres affermées n'est plus aussi forte. À mesure qu'on s'avance vers des paroisses pauvres, la paysannerie possède une part plus importante de la propriété foncière. Il est vrai qu'elle a ici peu de concurrents. Les nobles ne sont que 3, possédant 15,6 % des revenus et les Rennais sont aussi rares. Deux seulement sont présents (un procureur et un marchand) et leur part ne représente que 7,3 % de l'ensemble. Elle est toutefois bien supérieure à celle des gens de Montfort qui ne dépasse pas 5,3 %. Rien de comparable avec Châteaugiron, dynamique et commerçante. Montfort somnole sans grandes activités. Pas de textile, pas de route importante, peu de commerce ; les marchands de Montfort ne font que rassembler les grains des paroisses environnantes pour le compte des blatiers de Rennes. Comme la ville n'a pas non plus d'administration ou de tribunal important, son influence locale est faible.
103Finalement seule une petite bourgeoisie rurale peut contester la terre aux agriculteurs. Sans doute ces petits notables, officiers seigneuriaux et marchands, détiennent-ils près du quart des terres sous forme de lieux affermés ou de pièces éparpillées. Néanmoins, les paysans ont certainement gardé plus de 40 % du terroir. L'absence de grands nobles et de bourgeois a permis le développement de la petite propriété paysanne et du faire-valoir direct.
La pauvreté du nord du diocèse : Bazouges-sous-Hédé
104La tendance au morcellement s'accentue encore à Bazouges-sous-Hédé. Les deux tiers des habitants y sont propriétaires mais ce sont presque toujours des petits propriétaires.50 % d'entre eux ont moins de 30 livres de revenu foncier, ce qui leur impose d'exercer, au moins occasionnellement, une autre activité ou d'affermer d'autres terres. Il y a bien encore quelques paysans aisés déclarant plus de 100 livres de revenu mais il ne s'agit plus que d'une infime minorité (5 à 6 familles sur l'ensemble de la paroisse). À cette médiocrité générale s'ajoute le petit rapport des exploitations. Elles sont souvent assez étendues (certains lieux dépassent 10 jx) mais de revenu très bas. Le revenu moyen des lieux n'est que de 57,15 livres soit 15 livres de moins qu'à La Nouaye et 30 de moins qu'à Venèffles, bien qu'ils soient généralement plus étendus. À Bazouges, les terres sont pauvres, voire même stériles.
105Comme à La Nouaye, les exploitations en faire-valoir direct représentent près de la moitié de l'ensemble et environ un tiers de la valeur totale. Mais la différence est beaucoup plus marquée avec les extrêmes ; les petits propriétaires très pauvres sont plus nombreux alors que les métairies sont proportionnellement plus importantes tout en gardant une taille très comparable. Les gros propriétaires (une trentaine) sont pour la moitié d'entre eux des citadins, quelques-uns de Hédé, la plupart de Rennes. 9 Rennais (4 % des propriétaires) déclarent 1 489.5 livres de revenu, soit 14 % du total, le double de ce qu'on a constaté à La Nouaye et presque autant qu'à Venèffles. Les citadins possèdent au total plus de 20 % des exploitations et ne laissent aux habitants de la paroisse que les plus petites d'entre elles. Morcellement des propriétés et différenciation sociale sont ici très marqués, indiquant une véritable misère.
La misère du Sud : Bourg-des-Comptes
106Pourtant, ce n'est rien au regard de ce qui existe à Bourg-des-Comptes. On y trouve autant de propriétaires que de cotes de capitation mais 90 % d'entre eux annoncent moins de 50 livres de revenu et 42 % moins de 10 livres. Au-dessus de 100 livres, en revanche, on ne trouve que 10 propriétaires (2,7 % de l'ensemble) eux-mêmes écrasés par les très gros revenus de la vicomtesse du Boschet : 3 000 livres (à elle seule, 30 % de la paroisse !). La grande propriété nobiliaire écarte tout investissement citadin. Les habitants de Bourg-des-Comptes représentent 86 % des propriétaires, ceux des paroisses voisines, 10 % et les citadins ne dépassent pas 3 %. On compte juste 5 Rennais qui annoncent 298,15 livres de revenu (2,6 %). On pourrait leur ajouter Pierre-François Chéreil de la Rivière, récemment anobli en 1738. Mais les domaines qu'il possède appartenaient auparavant à des nobles et on peut penser qu'il est plutôt perçu localement comme noble que comme citadin.
107Propriété citadine presque inexistante, propriété nobiliaire hypertrophiée et micro-propriété d'une piétaille paysanne misérable, telles sont les caractéristiques de la paroisse et, au-delà, de toute une partie de la Haute-Bretagne centrale. Les paysans n'y possèdent que des lambeaux d'exploitations. René Perrin, dont nous avons détaillé plus haut les biens, ne déclare finalement que 30 livres de revenu car, de plus, la terre est très pauvre. Autour de lui, une quinzaine de familles paysannes paraissent riches — toutes proportions gardées — au milieu de la misère ambiante. Les seuls qui se distinguent véritablement sont les quelques notables du bourg ; un notaire un ou deux petits rentiers, quelques officiers seigneuriaux et quelques veuves, voilà toute la « société » de la paroisse, pas plus de 25 familles pour 1 500 habitants. Nulle part plus qu'ici, misère et oppositions sociales ne sont aussi marquées.
Conclusion : La diversité des situations locales
108Ces sept exemples permettent de saisir la diversité des situations et de distinguer autour de Rennes de grandes régions où les structures agraires et foncières sont très contrastées.
109Le diocèse de Rennes est avant tout caractérisé par une micro-propriété paysanne générale mais aux modalités régionales variées. La noblesse, dominée par quelques grandes familles, est nombreuse mais moins puissante que dans le reste de la Bretagne. Elle ne possède pas plus de 25 % des terres et recule sensiblement entre 1735 et 1751. La bourgeoisie, quelle que soit son origine, en détient sans doute quelque 20 %.
110Après ces notations sociales sur la part respective des paysans, des nobles et des citadins, il faut analyser d'autres paramètres, la qualité des terres, la taille et le type des exploitations, la proportion de faire-valoir direct et l'importance des activités non agricoles. Les différents modèles de combinaisons possibles aboutissent à individualiser en premier lieu trois grandes zones.
- Autour de Rennes, la forte intervention citadine et la bonne qualité des terres provoquent une relative concentration de la propriété et de l'exploitation. La majorité de la population rurale est exclue du marché foncier faute de pouvoir mobiliser des capitaux suffisants pour acquérir des exploitations complètes car le prix des terres est élevé53. La noblesse est bien présente mais sa position apparaît secondaire face à une bourgeoisie nombreuse.
- Le pays de Vitré connaît une situation assez proche pour ce qui concerne la structure des exploitations, assez grandes et très majoritairement affermées. Les citadins y interviennent plus fortement que les nobles mais, grâce à la fabrication des toiles, s'est dégagée une solide élite rurale alliant agriculture et commerce et concurrençant les citadins tout en les imitant.
- Le Sud-Ouest présente une situation inverse. Une paysannerie misérable presque toujours propriétaire y survit à l'ombre des grands domaines nobles que petite bourgeoisie rurale et grande bourgeoisie urbaine n'ont pas réussi à entamer.
111Ailleurs, toute la gamme des situations intermédiaires se présente. Les citadins peuvent être très présents quand les villes sont riches et les terroirs fertiles comme à Venèffles, ou plus rares comme à La Nouaye. Au nord-est, de Combourg à La Bouëxière, on retrouve, quoiqu'atténués, les caractères décrits à Bourg-des-Comptes. Au delà, le pays de Fougères serait à rapprocher de celui de Montfort mais il est plus soumis à l'influence urbaine. Influence que subissent aussi, beaucoup plus fortement, les régions du Nord, proches de la Manche. Dol, Dinan et surtout Saint-Malo contribuent elles aussi à façonner les structures agraires de leurs arrière-pays.
112La diversité est donc évidente. Elle se mesure à l'échelle de la paroisse. Quelques kilomètres, des bois, une suite de collines, la proximité d'une ville ou la présence d'une route suffisent à modifier la répartition des terres, à influer peut-être sur les habitudes culturales, à transformer les rapports sociaux au sein de la communauté paroissiale comme dans les liens qu'elle entretient avec l'extérieur, en la rendant plus ou moins perméable aux influences urbaines.
Notes
1 AD I.-&-V., C 4 443 à C 4 448 pour les états de revenus ; C 4 454 à C 4 466 pour les rôles du diocèse de Rennes de 1735-1736.
2 AD I.-&-V., C 4 511 à C 4 577 pour le diocèse de Rennes. Pour les autres diocèses, voir le tableau général des sources.
3 Seules manquent quelques paroisses éparpillées : Bain, Marcillé-Raoul, Mézières-sur-Couesnon, La Guerche, Rannée, Venèffles, et les rôles urbains de Rennes et Fougères.
4 Paroisses de Broöns-sur-Vilaine, Chaumeré, Chevaigné, Cornillé, Mordelles, Ossé, Saint-Aubin-du-Pavail, Saint-Erblon, Torcé et Vieux-Viel.
5 Paroisses de Chanteloup, Corps-Nuds et Bourgbarré.
6 La méthode choisie consiste à appliquer un coefficient multiplicateur moyen pour les paroisses manquantes en 1751, coefficient établi d'après l'ensemble des paroisses où nous disposons des données de 1735 et de 1751, en partant du postulat que l'évolution des paroisses manquantes est identique à celle des autres. Dans la mesure où nous disposons des trois quarts des données paroissiales, ce postulat ne paraît pas inconsidéré. Le seul élément qui pourrait l'infirmer serait une évolution différente localisée dans la région concernée. Mais aucun indice ne laisse supposer cela.
7 Les gros propriétaires signalent généralement précisément toutes leurs impositions et y ajoutent souvent les difficultés des temps, les problèmes des fermiers insolvables et les nécessités d'entretien et de réparation des bâtiments. À en croire la plupart des déclarations, une grande partie des fermes et métairies du diocèse serait dans un état de délabrement, voire de ruine très avancé. Faut-il donc que la monarchie se préoccupe de prélever un impôt foncier pour que les propriétaires se souviennent qu'ils doivent entretenir et réparer régulièrement leurs bâtiments. Ou bien n'attendent-ils pas justement l'impôt dans l'espoir d'utiliser cet argument. Quelques dizaines de livres économisées sur l'impôt pendant plusieurs années et voilà précisément épargné l'argent nécessaire aux réparations. Les petits propriétaires sont moins sensibles à cet argument, sans doute moins valable pour des exploitations plus modestes, mais mentionnent avec plus d'exactitude les rentes seigneuriales et les impositions personnelles (fouages, dixième, voire capitation).
8 pour l'époque tout au moins.
9 Melesse par exemple.
10 Pour une plus grande précision, il eut fallu travailler à partir de la surface agricole utile et écarter les zones bâties, les chemins et les routes, les étangs et cours d'eau mais un tel calcul est impossible et n'aurait pas bousculé la hiérarchie proposée. Seules les paroisses où la propriété du clergé est importante connaîtraient un décalage sensible.
11 Voir, en particulier, les cartes établies par croix (A.), La Bretagne aux xviie et xviie siècles, Paris, 1981 à partir des données de 1667, 1696 et 1770. On doit y ajouter la carte établie par kerhervé (J.), L État breton au xve siècle, p. 547. L'ensemble montre une stabilité remarquable entre la fin du Moyen Âge et le début du xixe siècle et suggère de façon évidente l'absence de bouleversement fondamental des structures socio-économiques pendant plus de trois siècles.
12 AD I.-&-V., C 4 454-4 457, rôles du Dixième de 1735.
13 rébillon (A.), La situation économique du clergé à la veille de la Révolution dans les districts de Rennes, Fougères et Vitré, Paris-Rennes, 1913.
14 Différence déjà constatée par meyer (J.), La noblesse bretonne au xviiie siècle, p. 640-652.
15 AD I.-&-V., C 4 443 pour Chartres et C 4 446 pour Pacé.
16 AD I.-&-V., C 4 496.
17 AD I.-&-V., C 4 444.
18 AD I.-&-V., C 4 443.
19 AD I.-&-V., C 4 443.
20 AD I.-&-V., C 4 496.
21 AD I.-&-V., C 4 443 et C 4 444. meyer (J.), op. cit., p. 652-653, estime l'ensemble des revenus domaniaux et seigneuriaux de la famille h 64 861 livres.
22 AD I.-&-V. C4 496.
23 AD I.-&-V., C 4 444 et C 4 447.
24 meyer (J.), constatait déjà cette baisse à partir des états de répartition globaux, op. cit., p. 646-50. Pour le diocèse de Saint-Malo, nos données sont trop éparses pour qu'on puisse avoir une vision générale.
25 Pour quatre d'entre elles, la limite est tout juste atteinte ; 30 % à Poilley, 31 % à Fleurigné, Saint-Germain-du-Pinel et Thourie.
26 AD I.-&-V., C 4447.
27 AD I.-&-V., C 4 443.
28 AD I.-&-V., C 4 446.
29 AD I.-&-V., C 4 444.
30 AD I.-&-V., C 4 444.
31 AD I.-&-V., C 4 445.
32 AD I.-&-V., C 4 445.
33 AD I.-&-V., C 4 443.
34 AD I.-&-V., C 4 002 à C 4 004.
35 AD I.-&-V., C 4 515, C 4 527, C 4 571.
36 AD I.-&-V., C 4 512, C 4 545, C 2 161.
37 Cf. par exemple les différents travaux de poussou (J.-P.) et la synthèse qu'il fait dans dupaquier (J.), Histoire de la population française, Paris, 1988, T. II.
38 AD I.-&-V., C 4 522.
39 Voir par exemple lebrun (F.), Les hommes et la mort en Anjou aux xviie et xviiie siècles, p. 8, qui observe le phénomène depuis l'Anjou.
40 paris-jallobert (P.), op. cit., La Bazouge-du-Désert, 1891.
41 AD I.-&-V., C 4 515.
42 AD I.-&-V., C 4 575.
43 AD I.-&-V., C 2 158.
44 AD I.-&-V., C 2 160.
45 AD I.-&-V., C 4 580.
46 AD I.-&-V., C2 158 et C 4 560.
47 Voir ogee (J.-B.), Dictionnaire historique de Bretagne, 1778-1780, article Bazouges-sous-Hédé.
48 Données relevées dans ogée (J.-B.), op. cit.. Il n'y a pas de données pour Toussaint puisque c'est une paroisse englobée dans la commune de Rennes et pour laquelle il n'existe donc pas de données cadastrales propres.
49 Voir antoine (A.), Fiefs et villages du Bas-Maine au xviiie siècle, Mayenne, 1994 ; particulièrement p. 130-147.
50 Le textile de la région rennaise, en particulier la fabrication des « noyales » est encore assez mal connu. Il manque toujours une étude de synthèse qui viendrait compléter les travaux de tanguy (J.) sur la Basse-Bretagne.
51 Voir aussi ce que l'on a dit plus haut (chap. V) h propos des inventaires après décès des paysans.
52 petitjean (M.), « Les maisons de terre en Ille-et-Vilaine », Ar Men, n°5, oct. 1986, p.30-49.
53 neveux (H.) et garnier (B.), constatent cette même élévation du prix des terres dans la plaine de Caen où se conjuguent aussi qualité des terres et proximité de la ville. Problèmes agraires et sociétés rurales, Caen, 1979, p. 43-101.
Table des illustrations
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Titre | Carte n° 16 : État des sources sur le Vingtième de 1751-1756 en Haute-Bretagne |
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Fichier | image/png, 1,3M |
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Titre | Carte n° 17 : Revenu moyen à l'hectare en 1735, en Haute-Bretagne, d'après le Dixième |
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Titre | Carte n°18 : La propriété nobiliaire en 1735 ( % de la valeur totale des terres) |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/11580/img-3.png |
Fichier | image/png, 1,3M |
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Titre | Graphique n° 9 : Les déclarations de revenus nobles en 1735. (valeur des déclarations) |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/11580/img-4.png |
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Titre | Carte n° 19 : Revenu moyen des propriétés nobiliaires, par paroisse, d'après le Dixième de 1735 |
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URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/11580/img-6.png |
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Titre | Carte n° 20 : La propriété nobiliaire en 1751, et son évolution récente ( % de la valeur totale des terres) |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/11580/img-9.png |
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Titre | Carte n° 21 : Revenu moyen des propriétés nobiliaires, par paroisse, d'après le Vingtième de 1751 |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/11580/img-10.png |
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Titre | Carte n° 22 : Revenu moyen des propriétés roturières, par paroisse, d'après le Dixième de 1735 |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/11580/img-11.png |
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Titre | Carte n° 23 : Revenu moyen des propriétés roturières, par paroisse, d'après le Vingtième de 1751 |
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Titre | Graphique n° 10 : Répartition des revenus fonciers d'après le Dixième de 1735 |
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Titre | Tableau n° 39 : Répartition des terroirs agricoles dans six paroisses témoins (données cadastrales, début xixe siècle)48 |
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URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/11580/img-15.png |
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Titre | Closeries de Saint-Jean-sur-Vilaine en 1751 |
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Titre | Tableau n° 40 : Revenu des « lieux » dans 7 paroisses témoins en 1751 |
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Titre | Tableau n° 41 : Exemples de valeur locative des terres en 1751 (en livres par journal) |
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Titre | Tableau n° 42 : Part de micro-propriété parcellaire en 1751. |
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Titre | Tableau n° 43 : Revenu moyen des propriétés en 1751 |
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Titre | Tableau n° 44 : Répartition des revenus fonciers à Saint-Jean-sur-Vilaine en 1751 |
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Titre | Tableau n° 45 : Répartition des exploitations à Saint-Jean-sur-Vilaine en 1751 |
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Titre | Tableau n° 46 : Propriétaires citadins à Saint-Jean-sur-Vilaine en 1751 |
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Titre | Tableau n° 47 : Répartition des revenus fonciers à Toussaint en 1751 |
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Titre | Tableau n° 48 : Répartition des revenus fonciers à Vezin en 1751 |
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Titre | Tableau n°49 : Répartition des exploitations à Toussaint en 1751 |
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Titre | Tableau n° 50 : Répartition des exploitations à Vezin en 1751 |
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Titre | Tableau n° 51 : Répartition des revenus fonciers à Venèffles en 1751 |
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Titre | Tableau n° 52 : Répartition des exploitations à Venèffles en 1751 |
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Titre | Tableau n° 53 : Répartition des revenus fonciers à La Nouaye en 1751 |
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Titre | Tableau n° 54 : Répartition des exploitations à La Nouaye en 1751 |
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Titre | Tableau n° 55 : Répartition des revenus fonciers à Bazouges-sous-Hédé en 1751 |
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Titre | Tableau n° 56 : Répartition des exploitations à Bazouges-sous-Hédé en 1751 |
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Titre | Tableau n° 57 : Répartition des revenus fonciers à Bourg-des-Comptes en 1751 |
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Titre | Tableau n° 58 : Répartition des exploitations à Bourg-des-Comptes en 1751 |
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Titre | Carte n° 24 : Les grands types de structure foncière dans le diocèse de Rennes au milieu du xviiie siècle |
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Fichier | image/png, 330k |
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.