Les Juloded
|Chapitre III. Évaluation de la richesse des Juloded
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La paysannerie du pays julod vers 1789
1« N’oubliez pas de regarder ce qu’il y avait autour » me recommandait un paysan âgé de Guiclan, cependant que je l’interrogeai sur les Juloded. Pour mieux connaître ce groupe social il est en effet indispensable d’entrevoir la société hiérarchisée qu’il domine. L’enquête de 1774 sur la mendicité combinée avec des études d’inventaires après décès permet de brosser un tableau de la paysannerie du pays julod à la veille de la Révolution.
2Si les paysans-marchands de toile et les tanneurs se trouvent régulièrement placés au sommet de la pyramide sociale de leur terroir, leur degré de richesse est diversement apprécié selon les recteurs :
- 1 BSAF 1988, art. cit., p. 158.
- 2 Ibid., p. 183.
- 3 BSAF 1987, art. cit., p. 332.
« Les habitants aisés de la paroisse sont tous fabriquants de toile » note le recteur de Plouvorn1.
« Les fabricants de toile sont très riches pour le plus grand nombre » écrit le pasteur de Sizun2.
« Ceux qu’on nomme ici [à Plounéour-Ménez] les riches (ils ne le sont pas beaucoup), les marchands de toile et les aisés de second ordre qui composent le quart environ de nos habitants, appellent rarement les chirurgiens... »3.
3De son côté, le recteur de Pleyber-Christ se veut plus précis :
- 4 Ibid., p. 305-306.
« je crois à vûe de pais, écrit-il, qu’il peut y avoir dans cette paroisse environ 5 000 personnes grands et petits, entre lesquels il y a environ 40 maisons assez passablement riches... »4.
- 5 Gelley (R.-A.) lui attribue 2 553 habitants en 1774 (op. cit., p. 25), cependant que le Guide des (...)
- 6 ADQ 13L 107.
4En réalité, cette paroisse ne compte pas plus de 3 000 habitants en 17745. Elle peut, en revanche, contenir « 40 maisons assez passablement riches... », dans la mesure où 34 paysans-marchands de toile y sont soumis à la patente en 17996.
- 7 Né à Locmélar, en Plounéventer, le 8 février 1738, il est ordonné en 1762. Il est « curé » de sa p (...)
5Le recteur de Plounéventer, Guillaume Le Bras7, est particulièrement précis sur la structure sociale de sa paroisse. Il est vrai qu’il y est né en 1738 et qu’il y a presque constamment vécu :
- 8 Gelley (R.-A.) compte 3 254 habitants à Plounéventer vers 1774 (op. cit., p. 25). Dans ces conditi (...)
- 9 En 1774, ce château est habité par Jean-Jacques Claude de Kersauzon qui a épousé Marie-René de Sai (...)
- 10 Sur l’actuelle commune de Saint-Derrien. À la veille de la Révolution, ce « château » est habité p (...)
- 11 BSAF 1988, art. cit., p. 147.
« J’ai trouvé, écrit-il, 633 feus ou ménages8 desquels il y a de riche le château de Brézal9 et celui de Keryvon10, 16 ménages de campagne riches selon le païs, à être dans le cas de donner de 12 à 1 500 livres de dot à chaque enfant ; 211 ménages aisés qui n’ont pas, à une moitié près, la fortune des premiers ; 310 ménages pauvres, entre pauvres ménages et artisans, qui, en santé ne mendient pas, mais qui, pour peu qu’ils aient des infirmités, sont dans l’obligation de le faire ; 94 ménages de mendiants qui peuvent donner un nombre de 200 personnes qui mendient, desquels il y a plus de la moitié qui sont des enfants. Le reste des personnes âgées hors d’état de gagner, à une quinzaine ou à une vingtaine près, qui mendient plus par fénéantise que par nécessité »11.
- 12 La formule est de Guillaume Le Bras.
- 13 Tanguy (Pierre), op. cit., p. 80.
6Dans cette paroisse, les 16 ménages de paysans riches correspondent essentiellement, et peut-être exclusivement, à des familles de marchands de toile. Ils représentent 2,53 % de l’ensemble des familles ; les paysans aisés en concerneraient 33,4 % ; les paysans pauvres (petits paysans, journaliers, pay-sans-artisans), 49,12 % et les mendiants, 14,89 %. Ces données qui résul-tent de « la recherche la plus exacte »12, sont corroborées par une étude des inventaires après décès de la paroisse de Ploudaniel qui touche celle de Plounéventer. Les 37 inventaires correspondant aux années 1765-1770 donnent les résultats suivants13 :
7Ploudaniel
80-150 livres 16 %
9150-500 livres 30 %
10500-1 000 livres 22 %
11Plus de 1 000 livres 32 %
12Plounéventer
13Paysans très pauvres 14,89 %
14Petits paysans 49,12 %
15Paysans aisés et riches 35,93 %
- 14 Ibid.
16Notons toutefois que le pourcentage des diverses catégories paysannes peut varier sensiblement d’une période à l’autre. Ainsi, dans cette même paroisse de Ploudaniel, les paysans laissant plus de 1 000 livres représentent 48 % de la paysannerie en 1740-1745, 32 % en 1765-1770 et 53 % en 1785-179014.
17Dans la zone julode on peut distinguer, au moins, cinq catégories de paysans à la veille de la Révolution. La quasi-totalité de ceux qui laissent plus de 5 000 livres, à leur décès, sont marchands de toile, ou tanneurs, ou les deux à la fois. Ceux qui laissent de 3 000 à 5 000 livres sont des paysans riches mais on trouve dans cette catégorie un certain nombre de marchands de toile et de tanneurs. Ceux qui laissent de 1 000 à 3 000 livres sont des paysans aisés ; les petits paysans laissent de 150 à 1 000 livres ; les journaliers les plus pauvres et les mendiants laissent moins de 150 livres. Il est inutile de préciser que l’on rencontre toute une gamme de situations diverses au sein de chacune de ces catégories. Le petit paysan qui possède une valeur de 950 livres en biens meubles n’a pas l’impression d’appartenir au même groupe social que celui qui ne dépasse guère les 150 livres.
- 15 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 90.
18Les graphiques15 ci-dessous, qui indiquent la répartition de la capitation par paroisse, permettent également de mieux constater cette stratification sociale. La plupart des paysans qui versent plus de 20 livres au titre de la capitation sont aussi marchands de toile. Il est significatif que Saint-Thégonnec qui, en 1799, renferme 46 marchands toiliers soumis à la patente, compte 47 capités à plus de 20 livres en 1787. Pour Pleyber-Christ, les chiffres sont respectivement de 34 et de 39 ; pour Guiclan, de 26 et de 23 ; pour Ploudiry, de 25 et de 28 ; pour Sizun, de 23 et de 27 ; pour Plounéour-Ménez, de 35 et de 28. La comparaison des rôles de capitation et de patente révèle qu’il existe, entre les deux, une réelle correspondance des patronymes. La petite différence entre les chiffres tient seulement au fait que quelques marchands de toile sont capités à moins de 20 livres.
- 16 ADQ 177G 6.
- 17 ADQ 3C 111.
- 18 Il apparaît que la plupart des mendiants sont soumis à un minimum de capitation. En 1774, le recte (...)
- 19 L’inventaire effectué, en 1747, après le décès de Barbe Grall, de Kerargant, accuse une valeur de (...)
19La base des graphiques est large. Ploudiry, par exemple, compte 575 personnes capitées de 10 sous à 2 livres sur un total de 1131. Cela s’explique par le fait que tous les domestiques sont assujettis à la capitation. En 1789, cette même paroisse en compte 30816. Les autres personnes faiblement capitées, soit 267, sont des journaliers, des tisserands et autres petits artisans. Il demeure que les écarts sociaux sont nettement plus grands que la capitation ne le laisse apparaître. En 1786, le plus capité de Plounéour-Ménez acquitte 45 livres17, le moins 10 sous18 ; soit un rapport de 1 à 90. Si l’on y considère les inventaires après décès, on trouve des écarts qui vont de 519 à 33 000 livres ; soit un rapport de 1 à 6 600 ! Qu’en serait-il si l’on pouvait prendre les biens immobiliers en compte ?
20En simplifiant, on peut dire qu’à la veille de la Révolution, sur 100 paysans de la zone toilière, 10 sont riches : sur ces dix, de 2 à 5, selon les paroisses, sont marchands de toile ; 30 sont des paysans aisés, 30 sont de petits paysans et les 30 autres sont domestiques, journaliers ou mendiants.
Le journalier
- 20 BSAF 1987, art. cit.,p. 313.
- 21 Ibid., p. 312.
21Pour survivre, le journalier loue ses bras, mais il est fort mal rémunéré : 4 à 5 sous par jour à Plabennec vers 1774 ; 6 sous, à Ploudaniel, en 1786, au moment des battages, c’est-à-dire, à cette période de l’année, de quoi acheter 6 livres de blé noir. « Un pauvre tisserand, un journalier... quelque laborieux qu’ils soient, écrit le recteur de Ploudiry en 1774, ne peuvent fournir à la subsistance de six ou sept enfants dans le bas âge... »20. En outre, ce « brassier » est loin de trouver à s’employer tous les jours : « le grand nombre de journaliers, note le recteur de Lesneven, manquent d’ouvrage un grand tiers de l’année »21.
- 22 Tanguy (Pierre), op. cit., p. 136.
- 23 L’enquête sur la mendicité révèle que des paysans aisés et riches s’approprient les terrains vague (...)
- 24 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 77.
22Habituellement, le journalier travaille quelques terres près de sa « pauvre cabane ». Il possède souvent une vache22, qu’il fait brouter le long des chemins et sur les terres vagues qui subsistent23. Quand son inventaire après décès vaut la peine d’être effectué, il consiste en fort peu de chose. En 1789, François Le Bars, de Morizur en Plouider, laisse une valeur de 51 livres 7 sous 6 deniers. Sa masure s’étant écroulée au cours de sa « mortelle maladie », il s’est réfugié avec sa famille dans une dépendance du manoir voisin. Sa vache (20 L), le petit veau (3 L 15 s) et les cultures représentent plus des deux tiers de la valeur de ses biens meubles. Autant dire que le reste de son mobilier (chaudron, marmite, baratte, dévidoir, lit-clos, armoire...) est particulièrement pauvre et sommaire24.
- 25 ADQ 6M 977.
23En fait, la frontière entre le journalier et le mendiant est floue. Il suffit qu’une crise survienne, qu’une infirmité apparaisse ou que les forces du paysan sans terre diminuent pour qu’il soit condamné au chômage et à vivre de mendicité. Divers textes insistent sur la générosité basse-bretonne à l’égard des mendiants. C’est ainsi qu’un rapport du préfet du Finistère daté de 1803 relève que « l’esprit d’hospitalité qui existe dans les campagnes fait que les pauvres, soit par commisération, soit par la crainte qu’on en a, trouvent partout à coucher et à se nourrir »25. Pourtant, une notation du recteur de Saint-Thégonnec en 1774 amène à s’interroger sur la véracité de cette affirmation :
24Par ailleurs, étudiant le passé démographique de la paroisse de Sizun, Gilbert Simon est surpris par ce qu’il découvre dans les registres de sépultures de 1771, qui est une année de disette.
- 28 Il s’agit de Loc-Ildut.
- 29 Simon (Gilbert), Étude démographique et économique de la paroisse de Sizun aux xviie et xviiie siè (...)
« Le 22 mars 1771, y lit-on, a été inhumé dans le cimetière de Sizun… le corps du nommé, dit-on, Jean Olier d’aux environs de Botmeur, paroisse de Berrien, évêché de Quimper, mort hier près la chapelle de Logullud... »28. Le 1er avril 1771 a été inhumé « le corps de Jeanne Pennec, de Kerautret en cette paroisse, trouvée morte près de son dit village... ». Le 8 avril 1771, une femme d’environ trente ans, est « trouvée morte dans le chemin près le village du Rest ». Le 19 avril est enterré « le corps d’une fille d’environ 12 ans, se disant Marie, sans avoir voulu déclaré son surnom de la paroisse de Pleiber-Christ, mendianne, morte chez Pierre Le Roux au Launai »29.
25Quoi qu’il en soit du degré de générosité des paysans bas-bretons, il apparaît qu’elle s’exerce d’une manière sélective. L’enquête sur la mendicité révèle à chaque page qu’on veut bien secourir les mendiants connus et jugés malchanceux ou incapables de gagner leur pain. En revanche, on se montre réticent à l’égard des « chercheurs de pain » – klaskerien bara – qui viennent d’ailleurs ou qui peuvent travailler.
Les petits paysans
- 30 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 75.
- 31 Tanguy (P.), op. cit., p. 78.
- 32 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 75.
26On classe dans ce groupe, les paysans qui laissent un inventaire après décès allant de 150 à 1 000 livres. La superficie de leur ferme varie de 2 à 8 hectares. Pour plus de commodité, on peut distinguer ceux qui laissent moins de 500 livres et les autres. Généralement, ceux-là ne possèdent ni charrette, ni charrue, ni cheval. Ils doivent donc emprunter instruments aratoires et attelage à des paysans aisés ou riches, ce qui les oblige à travailler au service de leur prêteur pendant plusieurs jours de l’année. L’exiguïté de leur ferme les amène, du reste, à s’employer comme journaliers ou à exercer un second métier. Ils sont charpentiers30, couvreurs en paille, tisserands, menuisiers, cabaretiers, maréchaux-ferrants....31 Leur femme est fileuse ou dévideuse et, à l’occasion, journalière. Leur maison est bien simple. Elle se compose de deux pièces : l’une, la pièce manale, sert à la fois de séjour, de cuisine, de chambre à coucher et de remise à outils ; l’autre, appelée « chambre », renferme quelques bêtes. Ces deux pièces ne sont séparées l’une de l’autre que par une claie ou par « des rondins servant de doublures »32.
- 33 Arzur (Brigitte), op. cit., t. 1 p. 158.
- 34 Saint-Méen, op. cit., p. 326-327. Les 30,09 % qui sont scolarisés à la veille de la Révolution cor (...)
- 35 ADQ 3Q 7041, Landivisiau 1764-1812.
27Les moins pauvres des petits paysans possèdent un cheval, voire deux. Ils sont tisserands pendant la morte-saison. Leur récolte et leurs revenus suffisent difficilement à les faire vivre. La fréquence de leurs dettes indique qu’ils tirent le diable par la queue : au xviiie siècle, 27 % des paysans de Plouider qui laissent de 150 à 500 livres sont endettés, cependant que c’est le cas de 20 % de ceux dont l’inventaire après décès se situe entre 500 et 1 000 livres33. Dans ces conditions, les enfants des petits paysans ne sont généralement pas scolarisés34. À leur mariage, ils reçoivent moins de 200 livres en guise de dot ou de provision. 42 % des jeunes époux du pays de Landivisiau, qui ont conclu un contrat de mariage entre 1764 et 1790, apportent moins de 200 livres35, et, quelquefois, beaucoup moins.
28La majeure partie des artisans ruraux sont dans la même catégorie que les petits paysans. Les meuniers, le plus souvent, les surclassent de même qu’un certain nombre de maréchaux-ferrants. Les tisserands, on l’a vu, se rapprochent du groupe des journaliers ou, tout au plus, de celui des paysans les plus pauvres.
Les paysans aisés et riches
- 36 Saint-Méen, op. cit., p. 326-327.
- 37 ADQ 3Q 7041, Landivisiau 1764-1812 et 21 Q 26/1 table des contrats de mariages, Lesneven, 1760-180 (...)
- 38 Arzur (Brigitte), op. cit., p. 161.
29Comme les petits paysans, les paysans aisés représentent environ 30 %de la population rurale dans la zone toilière. À leur décès, la valeur de leur mobilier varie de 1 000 à 3 000 livres. Ils possèdent trois ou quatre chevaux, si ce n’est plus, ou, dans la partie méridionale, une paire de bœufs et un cheval ou deux. Ils sont propriétaires des outils nécessaires à la mise en valeur de leur exploitation. Ils ont de la vaisselle d’étain, voire de l’argenterie. Leurs vêtements valent de 30 à 100 livres, cependant que ceux des petits paysans sont souvent estimés de 10 à 15 livres. Ces paysans aisés font scolariser leurs garçons, surtout à partir de 1750, rarement leurs filles36. Dans la deuxième moitié du xviiie siècle, leurs enfants reçoivent une dot ou une provision variant de 200 à 500 livres37. Notons, enfin, que les paysans aisés sont nettement moins endettés que les petits paysans, qu’ils emploient, quelquefois, un ou deux domestiques et, plus souvent, des journaliers38.
30Dans la catégorie des paysans riches se trouvent ceux dont l’inventaire après décès se situe entre 3 000 et 5 000 livres. Leur maison est vaste généralement. Leur ferme est grande de 12 à 20 hectares. Ce qui conduit ces paysans à employer quelques domestiques. Leur cheptel est important : plusieurs chevaux ou deux paires de bœufs ; d’une petite dizaine à une quinzaine de vaches. Leurs huches contiennent d’importantes réserves. Leurs inventaires signalent presque toujours de l’argenterie (couverts, tasses) et souvent de l’argent liquide. Leurs enfants sont scolarisés : les garçons dès la première moitié du xviiie siècle, si ce n’est avant ; les filles, à partir de 1750, surtout. À leur mariage, ils reçoivent de 500 à 1 000 livres. Il est assez courant que ces paysans riches procèdent à des achats de terres ou de maisons.
Que font les Juloded de leur argent ?
- 39 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 56. Ces deux auteurs ont choisi de ne prendre en considé (...)
31Sur les 213 inventaires de paysans-marchands et de tanneurs, du xviiie siècle, étudiés par P. Moal et M.-L. Carrer, 134, soit 63,5 %, accusent un montant en biens meubles variant de 5 000 à 10 000 livres ; 38, soit 18 %, révèlent une valeur de 10 000 à 15 000 livres ; 17, soit 8 %, de 15 000 à 20 000 livres ; 21, soit 10 %, de 20 000 à 50 000 livres. Un seul inventaire dépasse les 100 000 livres ; il atteint 108 444 livres. Aucun ne se situe dans la tranche des 50 000-100 000 L39.
- 40 Ibid., p. 57.
- 41 Ibid., p. 58.
- 42 Ibid., p. 57.
32Les paysans-marchands de toile et les tanneurs consacrent une partie importante de leurs biens mobiliers à leur industrie et à leur commerce. Par ces deux termes, nous entendons le matériel nécessaire à l’exploitation du textile et des cuirs, de même que l’ensemble des fils, toiles, cuirs et peaux stockés. L’inventaire moyen des paysans-marchands situés dans la tranche de 5 000 à 10 000 L est de 6 420 livres. Là-dessus près de 3 400 L sont consacrées à l’industrie et au commerce. Le reste, soit 3 020 L, consiste en matériel et produits agricoles (2 220 L) et dans le « cadre de vie » (802 L)40. Par cette formule P. Moal et M.-L. Carrer entendent matériel de cuisine, meubles, linge et vêtements, provisions, argenterie, bijoux, armes et livres41. Le paysan-marchand dont l’inventaire varie de 10 000 à 15 000 L réserve, en moyenne, 7 610 L à son commerce. La part de l’agriculture est de 3 480 L (de 10 à 15 bovins, de 5 à 8 chevaux) et celle du « cadre de vie » de 1 540 L. Dans la tranche des 35-50 000 L, l’inventaire moyen est de 39 470 L : 34 190 sont vouées au commerce, près de 2 500 au « cadre de vie » et 2 800 à l’agriculture42. Il apparaît, au total, à considérer les inventaires moyens extrêmes, que la valeur du « cadre de vie » triple, cependant que celle du matériel et des produits agricoles demeure assez stable. La part consacrée au commerce quintuple, en revanche.
Le « cadre de vie »
- 43 ADQ 1Q 2894 Inventaire des biens du 18 ventôse an V.
- 44 Cahier des prisages (archives privées).
33Les paysans-marchands de toile et les tanneurs sont mieux logés que la plupart des autres paysans. Il est fréquent qu’ils occupent des manoirs, notamment à l’ouest de la zone toilière (Plounéventer, Ploudaniel, Plouider...). Ceci revient à dire qu’ils y ont pris le relais de familles nobles au xviie, voire au xviiie siècle. Au centre et à l’est de cette même zone, on peut admirer de vastes maisons de marchands de toile, qui comportent un étage et un grenier. L’étage est surtout consacré à des activités textiles et au stockage des fils et des toiles. Il n’en reste pas moins que la surface habitée, c’est-à-dire le rez-de-chaussée, demeure importante : généralement, elle varie de 70 à 120 m2. En 1797, elle est de 107 m2 à Rodalvez, en Plouider, et de 112 m2 à Kergoff-vras dans la même commune43. Nous ne sommes guère informés sur la valeur de ces grandes maisons julodes qui ont été construites aux xviie et xviiie siècles. Nous savons seulement qu’une de ces habitations édifiée, à Guerjean en Guiclan, en 1762, vaut 2 227 francs en 184244. Elle est longue de 11,30 m, large de 5,10 m et haute de 5,30 m.
- 45 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 65.
- 46 Ibid., p. 66.
- 47 ADQ 16B Plouider (1688-1786).
- 48 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 64.
34Il ne semble pas que l’aménagement de ces maisons soit très différent de celui des autres maisons paysannes : 91 % d’entre elles comportent des lits-clos45. L’originalité consiste dans le fait que ceux-ci voisinent avec des lits à baldaquin, qui sont attestés en 36,6 % des inventaires46. La particularité des intérieurs julods tient surtout au fait que le mobilier y est plus riche et plus abondant que dans les autres maisons. En 1712, les six armoires de Sébastien Cadour, de Rodalvez en Plouider, sont « façonnées », comportent de deux à cinq battants et valent de 27 à 39 livres47. En 1744, Guillaume Quéinnec, de Sizun (montant de l’inventaire : 6 920 L.), possède 20 chandeliers de cuivre48.
L’argenterie
35Comme le montre ce tableau relatif à Plouider au xviiie siècle, assez nombreux sont les paysans qui ont de l’argenterie.
L’argenterie selon les inventaires49
- 49 D’après Arzur (Brigitte), op. cit., tome 2 p. 71 et 75.
- 50 Bien qu’il apparaisse clairement que les coupes en argent soient données aux époux à l’occasion de (...)
- 51 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 21.
- 52 ADQ 16B La Forest-Landerneau.
- 53 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 75.
36Dans ce domaine, la différence entre la majeure partie de ces paysans et les marchands de toile tient à la valeur des objets possédés. L’argenterie consiste en couverts, gobelets, tasses, bagues, croix et coupes de mariage50. Celles-ci sont l’apanage des plus riches : à Plouider, sur les 33 paysans qui ont de l’argenterie, quatre seulement possèdent ces objets caractéristiques. Chez le paysan-marchand de toile Sébastien Cadour, on inventorie deux coupes d’argent en 1712. L’une, gravée MF (Marguerite Fily était sa belle-mère), vaut 48 livres ; l’autre, plus petite, marquée LR, vaut 36 livres. À ces deux coupes s’ajoutent tasses et couverts d’argent estimés 45 livres51. La valeur totale de l’argenterie est donc de 129 livres. À cette époque, un domestique ne gagne pas 40 livres par an, ce que coûte environ une bonne vache. En janvier 1724, on inventorie une tasse et une coupe d’argent d’une valeur de 90 livres chez l’honorable marchand Jean Le Guen à la Forest-Landerneau. Le montant de l’inventaire y est de 4 082 livres52. De leur côté, P. Moal et M.-L. Carrer signalent des coupes en argent dans les inventaires qu’ils ont dépouillés. En 1744, l’argenterie de Guillaume Quéinnec, de Sizun, dont l’inventaire s’élève à près de 7 000 livres, vaut 270 livres. Inventoriant, en 1720, chez Guillaume Le Hir, de Kerlan en Guiclan, le greffier et les estimateurs jugent nécessaire de se rendre chez un orfèvre de Morlaix pour peser et estimer deux tasses et quatre coupes en argent, dont la valeur s’élève à 346 L 10 s53. Il est vrai que le montant de l’inventaire est de 28 781 livres.
- 54 Archives privées E. Pouliquen.
- 55 Ibid.
- 56 ADQ 16B Kersaint-Plabennec (1724-1760).
- 57 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 75
37Un inventaire après décès effectué en 1652, à Gorré-Beuzit en Landerneau, signale « une coupe d’argent dorée » marquée « F. Plouguerne »54. Reste à savoir à quelle époque remonte l’habitude d’offrir ainsi des coupes de mariage dans certains milieux paysans. Il apparaît que celles-ci sont offertes par la famille des époux et non par le conjoint. Mieux, elles sont mentionnées dans les contrats de mariage, au même titre que la dot et l’armoire. En mai 1671, Anne Kerjean, de Traon-bihan en Kersaint-Plabennec, s’apprête à épouser Jean Pichon de Locmaria en Plabennec. Sa mère, Anne Prigent, promet de lui donner une dot ou argourou de 720 livres et une coupe d’argent estimée 36 livres55. Il semble qu’au xviiie siècle la coupe tende à être remplacée par une simple tasse. C’est ainsi que vers 1720, Catherine Le Guen, de Lannon en Kersaint, reçoit une dot de 900 livres, une armoire en chêne et une tasse d’argent. Son père n’est pourtant pas dépourvu de moyens puisque son inventaire s’élève à 18 170 livres en 172756. Vers 1730, Marie Le Sanquer, de Sizun, reçoit une dot de 2 400 livres, une armoire et une tasse d’argent, « faisant le tout 2 475 livres »57.
Les vêtements
38Il apparaît, par ailleurs, que les paysans-marchands de toile et les tanneurs s’habillent comme les autres paysans, en ce sens qu’ils se conforment à la mode de leur terroir. Les différences tiennent au fait que leur garde-robe est plus riche et plus abondante que celle de leurs voisins.
- 58 Itinéraire descriptif du département du Finistère, Gilbert-Villeneuve, Paris, 1828, p. 42.
« À Lambol, écrit Gilbert-Villeneuve en 1828, les habitants sont non seulement propres, mais ils sont mis avec une sorte de recherche. Ils sont vêtus en très bon drap noir ; ils portent toujours du beau linge blanc, et leur costume est absolument et identiquement le même que celui que l’on portait sous Louis XIV. Leurs maisons sont tenues avec propreté ; ils se servent de serviettes et de couverts d’argent ; presque tous savent lire et écrire, et parlent le français »58
- 59 ADQ 6M 369.
39Il est évident que cette description ne s’applique qu’aux plus riches habitants de Lampaul-Guimiliau. Gilbert-Villeneuve ne semble pas y avoir vu le grand nombre d’indigents signalés par le recensement de 1836. Plus précis, celui de 1851 nous apprend que cette commune de 2 455 habitants comporte 351 domestiques, 320 journaliers et 396 mendiants59
- 60 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 70.
- 61 Ibid., p. 59.
- 62 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 72.
40En 1790, le marchand de toile Jacques Fichou de Saint-Thégonnec possède deux chapeaux, 59 chemises, 3 gilets, 3 vestes, 3 culottes, un manteau bleu, 2 redingotes, 4 paires de souliers et de nombreux bas, bonnets et cols60. Les vêtements des plus riches ruraux sont souvent d’une grande variété tant dans les tons (bleu, vert, violet, noir...) que dans les tissus (toile, laine, ber-linge, serge, soie) et dans les lieux d’origine (drap de Nîmes, de Paris, d’Elbeuf, de Ségovie, de Sceaux)61. En 1772, la garde-robe du marchand de fil, Christophe Riou, vaut 144 livres, quand celle des petits paysans se situe autour de 10 à 15 livres et que celle de beaucoup de paysans aisés est estimée à quelques dizaines de livres62.
- 63 Creston (R.-Y.), op. cit., p. 188. Le terme justinok, qui paraît oublié aujourd’hui, est mentionné (...)
41Vers 1900, l’ancienne zone toilière réduite est concernée par trois modes vestimentaires. Mais l’une d’entre elles, la mode justinok, celle des porteurs de justaucorps63, couvre l’essentiel de cette aire. Au nord, celle-ci est délimitée par Saint-Derrien, Plougourvest, Guiclan ; à l’est, par la rivière de Morlaix ; au sud, par Plounéour-Ménez, Commana, Sizun ; à l’ouest, par Le Tréhou, La Roche-Maurice, Plounéventer. Seules les bordures du territoire julod sont touchées par les deux autres modes vestimentaires.
- 64 Creston (R.-Y.), op. cit., p. 187.
- 65 Décrivant les Juloded des premières décennies dun xxe siècle, Yves Miossec fait remarquer que leur (...)
42Il y a peu de différences, écrit R.-Y. Creston, à propos de la région justinok, entre le costume masculin de 1840 et celui des premières décennies du xxe siècle64. Cependant, la veste qui demeure relativement longue et assez large a remplacé le justaucorps, c’est-à-dire une sorte de redingote, porté bien après le milieu du xixe siècle. Entre 1830 et 1850, le gilet s’est largement ouvert sur un plastron de toile blanche rigide. Le turban, cette large ceinture de flanelle ou à cotonnade, est demeuré le même et donne à leurs porteurs une allure « seigneuriale ». La calotte du chapeau est entourée d’un ruban de velours65 pendant derrière sous forme de « guides » retenues par une boucle d’argent.
43À l’occasion d’un pardon comme celui du Folgoët, outre les châles, guimpes, tabliers et jupes qui diffèrent d’une zone vestimentaire à l’autre par les couleurs, les broderies, les motifs floraux, les franges et les formes, c’est surtout la coiffe qui permet de connaître rapidement l’origine géographique des femmes du pays justinok. Appelée sparl, sparlenn ou tantaman, cette coiffe est, du fait de sa forme, plus connue sous le sobriquet de « numéro 8 ». Dans les communes de Plouzévédé et de Plouvorn situées en bordure septentrionale de l’aire julode, les femmes arborent la coiffe chikolodenn, comme dans l’ensemble du nord du Haut-Léon. Celle-ci comporte des barbes qui pendent sur la poitrine où elles sont réunies. À l’ouest de cette même aire julode, les femmes de Plouédern et de Ploudaniel se distinguent par une peti-te et austère coiffe bouchik.
44Par ailleurs, la veste de Plouvorn et de Ploudaniel est nettement plus courte que celle du pays justinok ; le col monte davantage à Ploudaniel qu’à Plouvorn, cependant que la chupenn (= veste) de Guiclan en est dépourvue. Comme les Juloded se conforment aux normes vestimentaires de leur terroir, on ne peut, par conséquent, faire état d’un costume typiquement julod. Notons, enfin, que toute description de vêtements est quelquefois malaisée en ce sens que la mode peut évoluer rapidement. Des photographies de mariages permettent, par exemple, de remarquer que les barbes des coiffes chikolodenn s’allongent entre 1900 et 1910, cependant que les ailes – an algennoú – des sparlenn se relèvent de plus en plus à la même époque.
La nourriture
- 66 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 73.
- 67 Arzur (B.), op. cit., t. 2 p. 39.
- 68 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 73.
- 69 Ibid., p. 74.
- 70 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 162.
45Il apparaît que les paysans-marchands de toile et les tanneurs se nourrissent mieux que les autres paysans. Il est courant que leurs « charniers » ou saloirs contiennent du lard, cependant que des andouilles sont pendues dans les cheminées. En 1772, la provision de lard, de viande, de saindoux et d’andouilles s’élève à 90 L chez Christophe Riou, dont il vient d’être question. Elle vaut 100 L chez Hervé Argouarc’h, de Lanorgan en Plouvorn en 1768 (montant de l’inventaire : 5 141 L) et de 140 L chez François Pouliquen, de Kergoat-bras en Pleyber-Christ en 1790 (montant de l’inventaire : 5 400 L)66. Notons que le lard n’est estimé qu’en 19,5 % des 163 inventaires du xviiie siècle à Plouider67. À l’inverse de la plupart des autres paysans, les Juloded consomment de la viande de bœuf : elle est attestée en 72,8 % de leurs inventaires68. Autre particularité : le vin, qui n’est présent qu’en un seul inventaire de Plouider sur 163, n’est pas rare dans les caves de l’aristocratie paysanne du pays julod. Sa valeur peut atteindre plusieurs dizaines de livres. En 1782, le vin rouge et blanc est estimé 92 L chez Yves Quéinnec, de Lampaul-Guimiliau69. Il ne serait pas surprenant que les Juloded mieux nourris que les autres paysans soient également plus grands. Nous avons eu l’occasion de remarquer pareil fait à propos des paysans riches de Plouider70.
La générosité à l’égard de l’Église
- 71 Gac (Yvon), op. cit.
46Comme l’attestent les beaux enclos paroissiaux du pays julod, les habitants y ont fait montre de générosité à l’égard de l’Église, notamment à la fin du xvie et au xviie siècle. C’est surtout au cours de cette époque que l’on a reconstruit des églises, construit des calvaires, porches et ossuaires, doté les églises de retables, de chaires à prêcher et d’orgues. À Lanhouarneau où les rentes de l’Église sont de 306 L en 1611-1612, elles s’élèvent à 1 081 en 1711-171571. C’est la preuve qu’entre ces deux groupes de dates, de nombreux biens (terres, maisons...) ont été offerts à la fabrique, c’est-à-dire à l’organisme chargé de gérer les intérêts matériels de l’Église.
- 72 Vers 1950, j’ai assisté, en ma paroisse natale, à la vente de porcelets après la grand-messe.
- 73 Archives privées E. Pouliquen. Cette pièce d’archive comporte, mois par mois, la liste des offrand (...)
- 74 Pour obtenir ce chiffre, nous avons utilisé la méthode Moheau. Elle consiste à multiplier le nombr (...)
- 75 On considère qu’il y a 6 personnes par famille.
47À ces rentes s’ajoutent des offrandes : dons en argent ou, plus souvent, en nature. Il s’agit de produits textiles (lin, fil), de produits agricoles (céréales, beurre, poireaux, pains de cire, écorce...), d’animaux (poulets, porcelets, veaux, génisses, poulains...) qui sont vendus aux enchères après la messe72. À Lanhouarneau, les offrandes s’élèvent à 420 L en 1611-1612 pour tomber à 64 L en 1711-1715. À Beuzit-Conogan, près de Landerneau, elles sont de 195 L 15 s en 167373. À cette date, cette petite paroisse paysanne compte 416 habitants74 et environ 70 familles75. Les donateurs y sont au nombre de 50 ; il est entendu que ceux qui ont fait deux ou trois offrandes dans l’année ne sont comptés qu’une seule fois. C’est la preuve que l’effort financier en faveur de la fabrique est le fait de la majorité de la population et non pas simplement celui des riches.
- 76 La moyenne des offrandes est de 1 497 L pour la période 1667-1675 et la population d’environ 3 900 (...)
- 77 On observe cette même générosité en d’autres paroisses toilières. G. Simon fait remarquer qu’avant (...)
48À Beuzit-Conogan, la moyenne des offrandes par donateur approche les 4 livres en 1673. Dans la paroisse de Saint-Thégonnec, regardée comme particulièrement généreuse, elle est de 3 L 5 s76 pour la période 1667-1675, si l’on table sur le même rapport donateurs/familles que celui que nous venons de remarquer à Beuzit-Conogan. Il est probable que les Juloded font preuve d’une générosité à la mesure de leurs moyens. À Beuzit-Conogan, les plus généreux sont les porteurs d’enseignes, qui achètent, aux enchères, le droit de porter croix, bannières et reliques le jour de la fête patronale, c’est-à-dire le 2 mai. C’est ainsi qu’Allain Henry et Jean Dolou acquièrent le droit de porter les reliques de « Monseigneur saint Conogan » – Aotrou sant Conogan – pour 52 L 10 s ; Jean Mével porte la croix d’argent doré pour 8 L 10 s ; Yvon Milin, la grande croix d’argent pour 8 L 15 s ; François Le Mouign, l’image de Monseigneur saint Conogan pour 7 L 5 s ; François Kerellou, « la bannière de reliques » pour 8 L ; François Le Gall, la grande bannière pour 8 L également77. Il n’est pas sûr que tous ces porteurs d’enseignes soient des marchands de toile. Quoi qu’il en soit, il est certain que leur générosité est fort loin d’épuiser leurs richesses, comme on l’a quelquefois prétendu. Retenons simplement que la prospérité toilière accroît le nombre des donateurs d’offrandes et que les petits ruisseaux font les grandes rivières.
Les dots
- 78 BSAF 1988, art. cit., p. 147.
- 79 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 75.
- 80 Saint-Méen, op. cit., p. 221.
49Les marchands de toile et les tanneurs ont le souci de scolariser leurs enfants : nous consacrerons le chapitre suivant à cette question. Ils ont encore l’habitude de bien doter leurs enfants. Bien que le terme de dot ne s’applique, en principe qu’aux filles, nous allons l’utiliser pour les garçons et les filles qui, les uns et les autres, reçoivent une somme d’argent à leur mariage ; en breton, il n’existe qu’un seul mot : argourou ou argoulou pour désigner cette « dot ». « Seize ménages de campagne riches selon le païs [sont] dans le cas de donner de 12 à 1 500 livres de dot à chaque enfant » écrit le recteur de Plounéventer en 177478. Cette notation est généralement confirmée par les tables de contrats de mariages et par des indications relevées en des inventaires après décès. Il arrive cependant que la dot dépasse largement les 1 500 livres. Ainsi, en 1739, Guillaume Sanquer de Leslurun, du Tréhou, « reçoit 2 400 L en argent comptant »79. Il arrive également que cette somme soit nettement inférieure à 1 200 L. En juin 1765, Jean Bars de Poulloupry, en Saint-Méen, reçoit 600 L, cependant que sa femme, Anne Prigent, en reçoit 90080.
- 81 ADQ 3Q 7041, Landivisiau.
- 82 L’inflation est calculée à partir du prix du froment à Saint-Brieuc à l’époque moderne (La nobless (...)
- 83 Archives privées E. Pouliquen. Contrat de mariage.
50Vers 1774, 1 500 livres correspondent à la valeur de 15 bons chevaux. L’exploitation des contrats de mariages établis par des notaires de Landivisiau entre 1764 et 1791 nous apprend que sur 104 dots, 41,3 % des conjoints reçoivent moins de 200 livres ; 30,7 %, de 200 à 500 ; 14,4 % de 500 à 1 000 ; 6,7 % de 1000 à 1500 ; 2,8 % de 1500 à 2000 et 3,8 % de 2000 à 250081. Il n’est pas rare que le versement de la dot s’avère difficile. En mai 1671, Anne Kerjean, de Kersaint-Plabennec, épouse Jean Pichon. Sa mère promet de « bailler à sa fille » une somme de 720 livres : l’inflation est de l’ordre de 130 % entre 1671 et 177082. La dot, est-il précisé, sera versée en trois fractions égales de 240 livres : l’une à la foire du Folgoët prochaine [début septembre], une autre, à la foire de La Martyre de juillet 1672 et la dernière à « Noël suivant »83.
- 84 ADQ 3Q 7012, Landivisiau (1813-1825).
51Au cours des cinq décennies qui suivent la Révolution, les dots des enfants de marchands de toile et de tanneurs varient de 1 500 à 6 000 francs. Sur les 114 contrats de mariage conclus dans le canton de Landivisiau entre 1813 et 1825, 62 % révèlent des dots inférieures à 500 francs, 23 % se situent entre 500 et 1 000 francs, 8 % entre 1 000 et 1 500, cependant que 8 % dépassent les 1 500 francs84.
- 85 D’après son inventaire après décès (Archives privées E. Pouliquen).
- 86 En 1847, les six chevaux de l’écurie Le Bras valent 705 francs. Les huit vaches ainsi que les deux (...)
- 87 Né en 1804, Jean-Marie Le Bras fut ordonné en 1829.
- 88 Marie-Jeanne naquit en 1806 et Marie-Anne en 1808.
52Quand les enfants sont nombreux, l’ensemble des dots représentent une somme importante. C’est ainsi qu’entre 1835 et 1847, Jean-Marie Le Bras (X Catherine Breton), de Guerjean en Guiclan, donne 4 500 francs à cinq de ses enfants85, ce qui représente 22 500 francs. Quatre mille cinq cents francs correspondent à la valeur de 38 chevaux ou d’une soixantaine de vaches86. Le fils prêtre de Jean-Marie Le Bras87 est traité comme ses sœurs et son frère mariés. Par contre, le cas des deux filles religieuses88 est réglé devant notaire en juillet 1829 : par cet acte notarié, toutes deux renoncent à exercer tout droit de succession mobilière et immobilière.
- 89 ADQ 3Q 7013, Landivisiau (1826-1864).
53Le plus souvent, les époux reçoivent la même somme d’argent : Guillaume Le Gall et Marie-Françoise Baron, tous deux de Sizun, disposent l’un et l’autre de 2 400 F en 1845 ; Louis Pouliquen, de Saint-Thégonnec, et Catherine Dantec, de Sizun, reçoivent, l’un et l’autre, 3 640 F en 1833. Les exceptions ne sont pas rares cependant. En 1830, Jérôme Rannou, de Vergraon en Sizun, reçoit 3 000 F cependant que sa femme Marie-Françoise Cloarec, de Saint-Sauveur se contente de 2 075. En 1841, Yves Hamon, de Guimiliau, obtient 2 400 F, tandis que son épouse, Marie-Françoise Pouliquen, de Lampaul, dispose de 4 500 F89. Il faudrait bien connaître les situations de chacun pour saisir les raisons de ces distorsions.
- 90 Fils de Jean Cam, « fabriquant de toile et propriétaire » et de Marie-Jeanne Pouliquen.
- 91 Ses parents Yves et Marie-Jeanne Kerboul sont décédés. Yves Cloarec était « fabriquant de toile ».
- 92 Archives privées E. Pouliquen.
- 93 Ibid. D’après l’inventaire après décès.
54Il y a, par ailleurs, de quoi être surpris par certaines conditions énoncées dans les contrats de mariage. Ainsi, par le contrat de mariage de François-Marie Cam, de Mesménez en Saint-Thégonnec90 et de Jeanne-Louise Cloarec, de Lanvélar-bras en Kersaint-Plabennec91, conclu en janvier 1829, il est convenu que le futur apportera une somme de 4 000 F et que la future disposera d’une dot de 3 600 F « en numéraire métallique ». Il est entendu que les 4 000 F de F.-M. Cam tomberont dans la communauté. Il est manifeste, en revanche, que ce ne sera pas le cas des 3 600 F de Jeanne-Marie Cloarec : ils seront immobilisés et appartiendront à la future épouse et à ses héritiers92. En mai 1818, Marie-Françoise Abgrall, fille de Maurice, de Roc’haouren, en Lampaul-Guimiliau, épouse Jean-Marie Pouliquen, de Mescoat en Ploudiry. Elle reçoit une dot de 6 000 francs. À sa mort en 1824, cette dot devient, comme convenu, la propriété de son père et non point de ses quatre enfants93.
Les prêts
- 94 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 53.
- 95 Tanguy (P.), op. cit., p. 79. La date de l’inventaire n’est pas indiquée.
- 96 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 53 et 125.
55Le niveau de vie des Juloded, qui contraste avec celui de la majeure partie des autres paysans, n’absorbe pas, loin s’en faut, tous leurs surplus financiers. Ceux-ci sont prêtés et, plus souvent, investis dans la terre. Comme l’Église interdit le prêt à intérêt et qu’une interdiction a pour vocation d’être détournée, cette question apparaît assez mal dans les archives. Il semble cependant qu’un certain nombre de paysans riches observent cet interdit. C’est ainsi qu’en 1786, le commis-juré découvre 8 602 L chez Françoise Inisan, du manoir de Creac’hquerant en Plouvorn ; le montant de l’inventaire y est de 15 784 L. En 1787, ce sont 12 144 L qui sont immobilisées chez Claudine Le Bras, du quartier du Vieux-Château en Landivisiau (montant de l’inventaire : 37 585 L)94. Chez Joseph Bramoullé, de Ploudaniel, on compte 6 045 L, cependant que l’inventaire s’élève à 14 391 L95. En fait, la découverte de sommes importantes, à l’occasion des inventaires, n’est pas une preuve du refus de prêter de l’argent : en 1720, le commis-juré trouve un pochon de 4 193 L 15 s chez Guillaume Le Hir, de Kerlan en Guiclan, à qui l’on devait, au total, 4 605 livres96.
- 97 Ibid., p. 53.
56Des créances apparaissent, du reste, en 23 % des 213 inventaires étudiés par P. Moal et M.-L. Carrer97 et il est à peu près certain qu’elles sont loin d’être mentionnées dans tous les inventaires : de la même manière qu’on dissimule quelquefois l’argent liquide pour réduire les frais administratifs, on néglige également de « trier » les papiers. De plus, comme le prêt à intérêt a quelque chose de repréhensible, la famille est tentée de le camoufler au commis-juré et, davantage encore, aux estimateurs, qui sont du terroir.
- 98 Ibid., p. 54.
- 99 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 29.
- 100 Ibid., p. 72.
- 101 Arzur (B.), op. cit., p. 164.
57Il est, du reste, significatif que l’intérêt n’est jamais mentionné. On ne peut penser qu’Alain Prigent († 1765), du bourg de Lampaul-Guimiliau, qui est créancier d’une douzaine de personnes pour une valeur de 5 096 livres98, prête sans intérêts. Ceci est encore plus vrai pour Sébastien Cadour, de Rodalvez en Plouider, à qui 14 particuliers doivent 4 763 livres, au moment de son décès en 1712. Un prêt de 1 000 L avait été accordé dès 1682, un autre de 222 L en 1684 et un autre de 300 L en 168899. On ne peut ima-giner que de telles sommes aient été prêtées pendant 25 à 30 ans, sans contre-partie. Tel Sébastien Cadour, d’autres marchands prêtent de plus en plus au fil des années. C’est ainsi que Christophe Riou, de Pen-ar-Valy en Plouider, à qui l’on devait 900 livres en 1755, est créancier pour plus de 4 000 L en 1772100. Cet homme, qui a le sens des affaires, va jusqu’à faire fructifier les 420 L d’économies qu’un pensionnaire de l’hôpital de Lesneven lui a laissées en dépôt101. En 1828, le recteur de Saint-Thégonnec, Louis Tanguy, évoque ce cas qui ne paraît pas si rare :
- 102 AEQ dossier Saint-Thégonnec, lettre du curé à l’évêque, 1828.
« Un pauvre, écrit-il, qui a une petite somme d’argent qu’il ne peut faire fructifier peut la donner à un riche capable de la faire valoir et en recevoir une partie du profit sans qu’il y ait société. Y. G, un domestique, dès qu’il a dix écus dont il ne peut tirer aucun parti, les prête à intérêt... »102.
58Ce n’est qu’à partir des années 1820 que le clergé léonard tolère de plus en plus le prêt à intérêt. Jusque-là, il le combat tout en sachant qu’il se pratique. En 1828, le recteur de Saint-Thégonnec livre ses réflexions à son évêque, Mgr de Poulpiquet, sur cette question :
- 103 C’est nous qui soulignons.
- 104 AEQ dossier Saint-Thégonnec.
« Nous avons été, écrit-il, bien gênés au sujet du prêt à intérêt, bien commun dans la paroisse et les voisines103 et, depuis quelque temps, toléré par de respectables pasteurs. Nous étions bien fâchés de n’avoir pas le temps de vous consulter.
« On a dans les instructions fortement prêché contre l’usure, mais dans le tribunal nous étions embarrassés. Quelques uns de nous étaient d’avis d’exempter de restituer les intérêts déjà perçus... D’autres voulaient faire tout restituer... »104.
- 105 « Le rigorisme du clergé léonard, écrit Yves Le Gallo, demeure hostile ou réticent à l’égard du pr (...)
- 106 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 75.
59Le prêt à intérêt est, semble-t.-il, admis par le clergé à partir des années 1840105. En 1849, J.-M. Elléouet écrit que « le fermier propriétaire emploie ses capitaux à l’achat de biens fonds ou les place sur bonne hypothèque à 5 % d’intérêt »106 et ne fait nullement état de l’interdiction de l’Église. Il n’en reste pas moins que la question du prêt à intérêt a dû embarrasser bien souvent, le Léonard à la fois pragmatique et mystique. Avant la Révolution, le catéchisme en usage dans le diocèse de Tréguier est clair sur cette question :
- — Petra eo an usurerez ? – Qu’est-ce que l’usure ?
- Ar profit a denner eus ar prest C’est le profit que l’on retire du prêt
- — An usullerien ac obliget int da restitui ? – Les usuriers sont-ils obligés de restituer ?
- Ia dindan boan a zaonation107 Oui sous peine de damnation
60Comment le marchand de toile et le tanneur, et les autres, pouvaient-ils dès lors concilier leurs intérêts matériels et la volonté de « gagner le Paradis » ou leur crainte de l’Enfer ? Peut-être interprétaient-ils cet interdit comme le recteur de Saint-Thégonnec, en 1828 : on « passe » les 5 p. 100 et « on ne défend que ce que l’on prend au-delà ».
Les biens immobiliers avant la Révolution
61Pour connaître la fortune immobilière des Juloded, il nous aurait fallu pouvoir tirer parti d’actes de prisage et de partage. Ceux-ci sont dans l’ordre immobilier ce que sont les inventaires après décès dans l’ordre mobilier. Mais autant ces derniers sont faciles à trouver et à exploiter, autant la recherche des autres est aléatoire. Force nous a été, par conséquent, de recourir à des expédients.
- 108 ADQ 6B Plouider 1688-1786.
- 109 ADQ 16B 1762-1764, Landerneau.
- 110 ADQ 16B Ploudiry, 1742-1743.
62Quand les commis-jurés chargés des inventaires après décès ne négligent pas, comme c’est souvent le cas, d’énumérer « les papiers » conservés par la famille, on constate que les Juloded possèdent des titres sur des terres et des maisons. Ainsi, en 1712, Sébastien Cadour est propriétaire de fermes à Kervella et au Leïn en Plouider de même qu’à Quenquis-meur en Plouédern108. En 1764, Marie-Yvonne Le Béon, veuve de Tanguy Cadour (†1746) et bru de Sébastien, possède les fermes qui viennent d’être citées ainsi que trois maisons à Landerneau et des fermes à Sizun, Bodilis, Saint-Divy et Plouédern109. En 1742, Yves Le Roux (X Catherine Mazé), de Loguellou en Pencran, dont l’inventaire s’élève à 24 380 L, a des titres de propriété sur des terres et des fermes situées à Ploudaniel (Kerdiez, Quillifigan, Le Vizoc), Ploudiry (Rudulleac’h, Lesleac’h) et Pencran (Botcaerel, Lesmoualc’h)110.
- 111 Thomas (G.-M.), La famille Le Guen de Kerangal, BSAF 1989, p. 182.
63En 1783, à la mort d’Anne Le Guen, de Landivisiau – mère du futur député, Guy –, il s’avère que la famille Le Guen possède des biens à Landivisiau (Kerroux), à Bodilis (Kerivin, Mescam), à Plouguerneau (Rangrenoc, Kerhuel), à Plouider (Kerbiquet, Belleloy, La Flèche), à Kernouès (Treuzlan), à La Martyre (Kerglouaran), à Plounevez-Lochrist (Pont-Calec), à Plabennec (Grandes Isles). Elle a, de plus, une rente censive de 75 L sur le manoir de Botoignon en Kersaint-Plabennec, une rente foncière de 21 L, une rente convenancière de 10 L à Kerfeunten-bras en Loc-Eguiner-Ploudiry111. L’inventaire après décès d’Anne Le Guen s’élève à 10 253 livres.
- 112 Bulletin communal de Ploudiry, art. d’Yves Branellec.
64En 1795, meurt à Primel, en Ploudiry, Jacques Le Roux, prêtre, qui naquit, en 1729, à Keramen en cette même paroisse, dans une famille de marchands de toile. Il tirait des revenus d’une ferme qu’il possédait à Keramen, de deux autres qu’il avait à Bodilis et du bois de Coat-ar-Rouz, en Saint-Servais qu’il possédait en indivision avec son frère Jean et les enfants de son frère Michel. Il y a lieu de penser que ces biens lui vinrent de ses parents. Dans ce cas, on peut en déduire que ses frères héritèrent de parts semblables112.
- 113 Les biens d’un recteur léonard à la fin de l’Ancien Régime : Jean Le Bras, recteur de Plabennec, a (...)
- 114 Ibid., p. 320.
- 115 Ibid., p. 323.
- 116 D’après l’acte de partage que Me Pellan, notaire à Landivisiau, m’a prêté. Les quatre héritiers so (...)
65Nous sommes mieux éclairés au sujet des biens possédés par un autre prêtre qui meurt en mai 1781 ; il s’agit de Jean Le Bras, recteur de Plabennec. Né à Kerellou en Saint-Divy, le 11 mars 1718, de Guillaume et de Jeanne Le Guével, Jean Le Bras appartient manifestement à une famille de paysans-marchands de toile, comme l’attestent les belles signatures qui figurent au bas des actes de baptêmes, de mariages, et de décès qui touchent sa famille, de même que les patronymes qui y apparaissent : ce sont des noms typiques de sa caste tels que Le Guen, Toullec, Le Roux, Traonouez, Abhervé-Guéguen, Kerboul, Boucher, Martin, Breton... Les propriétés de Jean Le Bras ont été étudiées par Roger Leprohon, qui s’est penché sur son inventaire après décès (le montant est de 3 721 L) et, surtout, sur le procès-verbal de partage de ses biens immobiliers113. Ceux-ci consistent en une dizaine de fermes et en plus de 80 pièces de terre. L’ensemble couvre plus de 31 ha et rapporte 1 062 L annuellement. Ces propriétés sont réparties sur les territoires de La Martyre, Ploudaniel, Tréflez, Plouider, Goulven, Kersaint-Plabennec, Saint-Thonan et Saint-Divy114. Il semble que ces biens proviennent de l’héritage parental, excepté deux prés que Jean Le Bras acquiert à La Martyre en 1764115 Comme les parents de Jean Le Bras, Guillaume (†1725) et Jeanne Le Guével, ont quatre héritiers116, il est probable que l’ensemble de leurs biens immobiliers consistent en quelque 120 ha (30 x 4) répartis en plusieurs fermes.
- 117 On trouve, par exemple, cette formulation dans l’acte de partage des biens de Guillaume Pouliquen, (...)
66Avant la Révolution, comme du reste, plusieurs décennies après, on considère que le loyer d’une ferme équivaut au vingtième de sa valeur : ce mode de calcul est celui du « denier vingt ». Ainsi, un arrentement de 839,75 F donne au denier vingt un principal de 16 795 F117. Dans ces conditions, les biens immobiliers de Jean Le Bras valent 21 240 L en 1781.
- 118 Archives privées E. Pouliquen
- 119 Inventaire d’actes de propriété effectué par le décès d’Yves Cloarec, dont la veuve est Françoise (...)
67Un « rentier »118 établi, en 1803, à la demande d’Anne Cessou, veuve d’Yves Cloarec, de Gorré-Beuzit, en Landerneau, nous apprend que celle-ci et ses enfants possèdent 42,2 ha et huit maisons. Les terres sont réparties sur Landerneau (Gorré-Beuzit et Parc-ar-Glouet), Ploudaniel (Ménez-Léon, Kerhouant, Kervillart, Le Ruat), La Martyre (Rohel, Kervern) et La Forest-Landerneau. Ces biens semblent avoir été acquis avant la Révolution. L’ensemble de leurs revenus s’élève à 928 F. Ce qui calculé « au denier vingt » représente une valeur de 18 560 F. Entre 1739 et 1776, nous entrevoyons Yves Cloarec († 1777), de ce même Gorré-Beuzit, procéder à une douzaine d’acquisitions de terres et de maisons119.
- 120 Nous avons pu les comparer aux listes des patentes de 1798-1799.
- 121 ADQ 13L31.
- 122 ADQ 197G 6.
68Ces exemples, découverts fortuitement, ou presque, autorisent-ils à écrire que l’ensemble des Juloded avait, à l’instar de la bourgeoisie, l’habitude d’acquérir des biens fonciers ? Diverses pièces d’archives nous incitent à répondre par l’affirmative. Ce sont des actes de prisage, des documents fiscaux établis au début de la Révolution120, notamment les riches archives établies à Plounéour-Ménez en vue de l’établissement de la contribution fon-cière121 ou encore des recensements de propriétaires, tel celui qui est effectué à Ploudiry en 1789122.
- 123 Hétet (Auguste), art. cit., p. 63. Claudine Grall et Jean Le Roux se sont épousés en 1679.
- 124 Cléac’h (Thierry), op. cit., p. 182.
69Des documents nettement plus précis, on va le voir, et postérieurs à la Révolution, permettent de constater que de nombreux Juloded sont propriétaires d’importants biens immobiliers au cours de la première moitié du xixe siècle. Un certain nombre de ces propriétés ont été acquises bien avant 1789. L’habitude julode d’investir dans la terre et dans la pierre paraît ancienne. Jean Le Roux qui, en 1680, fait construire « la grande maison » – an ti bras – à Creac’h-guial en Bodilis est d’une famille qui possède « depuis plusieurs générations » le manoir de Kerfeunteuniou dans la même trève. Sa femme, Claudine Grall, possède en co-propriété avec son frère Alain, le manoir de Creac’hquelen en Landivisiau, cependant que sa sœur Mauricette a hérité du manoir de Kervoanec en Plougourvest123. À l’occasion de la réformation de 1536, on voit, par ailleurs, deux paysans-marchands de Ploudaniel, accéder à la propriété. Il s’agit d’Allain Le Guen et de Jean Boucher124.
Après la Révolution
70Ce sont les listes d’électeurs censitaires qui nous éclairent sur les biens immobiliers possédés par les Juloded au cours de la première moitié du xixe siècle. Elles ont été établies sous la Restauration (1814-1830) et sous la Monarchie de Juillet (1830-1848). Pour être électeur sous la Restauration, il faut acquitter 300 F d’impôts directs et avoir au moins 30 ans ; pour être éligible, il faut être âgé de 40 ans et verser un minimum de 1 000 F d’impôts. Sous la Monarchie de Juillet, il faut au moins 25 ans et être imposé à 200 F pour être électeur ; pour être éligible, il faut avoir 30 ans et acquitter 500 F d’impôts directs.
71Dans ces conditions, les listes d’électeurs présentent un gros intérêt, d’autant plus que celles de la Monarchie de Juillet donnent, par bureau de perception, le détail des quatre impôts : taxe foncière, taxe personnelle et mobilière, taxe sur les portes et fenêtres, patente. Elles ont l’inconvénient d’exclure les jeunes paysans-marchands – les moins de 30 ans, puis les moins de 25 ans – de même que les femmes, notamment les veuves qui continuent l’activité professionnelle de leur mari. Notons que l’impôt n’est pas progressif. En 1825, dans l’ensemble de la France, les électeurs censitaires sont au nombre de 66 500 et ne représentent que 1 % des hommes de plus de 21 ans. En 1845, ils sont 241 000, soit 2,3 % des plus de 21 ans.
- 125 ADQ 6M 977.
- 126 Nous nous conformons à la règle que l’on applique en breton : après les adjectifs cardinaux, les n (...)
- 127 ADQ 3M 16.
- 128 ADQ 3M 22,24.
- 129 D’après les listes de patente.
72En 1828, le Finistère compte 857 électeurs et 159 éligibles. En 1848, juste avant la Révolution, les chiffres sont respectivement de 2 026 et de 398125. À cette date, le département renferme quelque 750 000 habitants. Vingt-huit Julod126, au moins, figurent parmi les électeurs censitaires en 1828127. En 1845, on en compte 83128. Ce qui est considérable quand on sait que leur nombre diminue rapidement avec le déclin de l’activité toilière. Rappelons que l’on comptait 400 marchands de toile et 87 tanneurs en 1799129.
- 130 ADQ 3M 6. Ce sont Hervé Bourlès, Rosancloarec 173,30 F, Guillaume Charles, bourg, 167,08 F, la veu (...)
- 131 ADQ 3M 61.
- 132 ADQ 3M 47.
- 133 Nous avons tablé sur des familles de 6 personnes, en moyenne, pour obtenir ce chiffre.
- 134 La loi municipale du 21 mars 1831 porte que l’assemblée des électeurs communaux est composée des c (...)
- 135 ADQ 3M 16.
73Les listes d’électeurs censitaires communaux nous révèlent que les Juloded qui acquittent entre 120 et 200 F d’impôts directs sont assez nombreux : en 1831, Guimiliau en compte six130, Saint-Thégonnec, sept131 et Pleyber-Christ, cinq132. Ces listes, établies en vue des élections municipales, ne prennent en compte que les contributions payées dans la commune concernée. En 1831, Guimiliau comprend 1 458 habitants et environ 243 foyers fiscaux133. Sur les 91 citoyens de la commune devant prendre part aux élections municipales134, un seul électeur acquitte plus de 300 F d’impôts directs dans sa commune ; six versent de 100 à 200 F ; cinq, de 50 à 100 F ; trois, de 40 à 50 ; six, de 30 à 40 ; onze, de 20 à 30 ; vingt-sept, de 10 à 20 ; et 32, de 5 à 10 F135. Les autres, soit 152 personnes, sont imposés à moins de 5 F. Autant de données qui rappellent les contrastes sociaux d’un microcosme tel que celui de Guimiliau.
- 136 Né à Mézarnou en Plounéventer le 18 juin 1781, Yves Abhervé-Guéguen épouse Marie-Jeanne Le Bras de (...)
- 137 ADQ 3M 24.
- 138 En 1835, Pierre Roger, de Guipavas, possède 12 corps de fermes et 134 hectares à Saint-Méen (Saint (...)
- 139 Inventaire effectué après le décès de Jean-Marie Le Bras, mai 1847 (Archives privées E. Pouliquen)
- 140 Ibid.
74En 1846, Yves Abhervé-Guéguen136, fabricant de toile en Guerjean en Guiclan, acquitte 221,55 F d’impôts directs qui se décomposent comme suit : taxes foncières :141,31 F ; taxe sur les portes et fenêtres : 8,46 F ; taxe personnelle et mobilière : 55,09 F ; patente : 12,83 F137. Vers 1840, il pèse environ 3,50 F d’impôts sur un hectare de terres agricoles, bâtiments compris138. Ce qui revient à dire qu’Yves Abhervé-Guéguen possède environ 40 hectares et quatre corps de ferme. Dans le même hameau, son cousin Jean-Marie Le Bras acquitte 684 F d’impôts à la même date, dont 554,37 consistent en taxes foncières, ce qui correspond à 158 hectares répartis en une quinzaine de fermes. Ses terres sont dispersées sur les communes de Guiclan, Saint-Thégonnec, Pleyber-Christ, Guimiliau, Plounéventer, Bodilis, Plouénan et Pencran139. En 1847, l’ensemble des loyers s’élève à 8 356 francs140. Estimés au « denier vingt », les biens immobiliers représentent donc une valeur de (8 356 x 20) 167 000 F.
- 141 ADQ 3M 24.
- 142 ADQ 3M 22 et 3M 24.
75En 1846, six Julod acquittent entre 500 et 1 000 F d’impôts. Le plus important d’entre eux est dit « tanneur et propriétaire » : il s’agit de Jacques Abgrall – petit-fils de Maurice Abgrall –, de Roc’haouren en Lampaul-Guimiliau. Ses impôts directs s’élèvent à 910,90 F ; ses taxes foncières à 676,15 F, ce qui correspond à près de 200 hectares et à une vingtaine de fermes141. Le moins imposé de ces six propriétaires est Bernard Breton, du Herlan en Saint-Thégonnec. Il verse 505 F d’impôts, cependant que ses taxes foncières sont de 365,97 F. Ce qui représente une bonne centaine d’hectares et une dizaine de corps de ferme. Les quatre autres Julod compris dans cette tranche de 500-1 000 F sont Jean-Marie Le Bras de Guiclan (684,82 F dont 554,34 de taxes foncières), Jean-Marie Bodénès, de Plouescat (562,33 F dont 464,81 de t.f.), Laurent Pouliquen, de Lampaul-Guimiliau (535,86 F dont 370 de t.f.) et Gabriel Boucher, de Sizun (513,31 F dont 345,03 de t.f.). Tous sont marchands de toile, à l’exception de Laurent Pouliquen qui est tanneur142.
- 143 Ce sont François Coquil (312 F dont 279 de taxes foncières) François-Marie Fagot (324 F dont 297,6 (...)
76À cette même date de 1846, 15 marchands de toile143 acquittent entre 300 et 500 F d’impôts. Le moins imposé d’entre eux est Nicolas Baron, de Sizun : il verse 309,83 F d’impôts, dont 207 F en taxes foncières. Ce qui correspond à une soixantaine d’hectares répartis en six fermes. Les autres Juloded qui figurent parmi les électeurs censitaires sont au nombre de 60. Le moins imposé d’entre eux est Gabriel Kernéis, de Kerdalaün en Saint-Divy. L’ensemble de ses impôts s’élève à 207 F, dont 164,77 de taxes foncières. Ce qui représente une cinquantaine d’hectares.
- 144 ADQ 3M 15.
77Un seul Julod dépasse les 1 000 F d’impôts entre 1815 et 1846 ; il s’agit de Maurice Abgrall, tanneur et propriétaire, de Roc’haouren en Lampaul-Guimiliau. En 1822, il acquitte 1 872 francs d’impôts directs. À cette date, le Finistère compte 167 éligibles, c’est-à-dire autant de citoyens imposés à 1 000 F ou davantage. Là-dessus, 51 sont nobles, les autres sont des bourgeois : 40 résident à Brest, 34, à Quimper, 11, à Morlaix et 4 à Landerneau. Sur ces 167 riches Finistériens, 135, soit 80,85 %, versent entre 1 000 et 1 500 F d’impôts ; 25, (14,57 %) entre 1 500 et 2 000 ; cinq, de 2 000 à 3 000 ; un, de 3 000 à 4 000 ; aucun, de 4 000 à 5 000 ; et un seul plus de 5 000 F144. Il s’agit de Jean-Pierre Guilhem aîné, de Brest, qui acquitte 5 991 francs.
- 145 En 1822, les contributions de cet homme s’élèvent à 1 507 F.
- 146 Saint-Méen, op. cit., p. 122.
- 147 Le Gallo (Yves), Brest et sa bourgeoisie... op. cit., t. 2, p. 125.
78Avec 1 872 F, Maurice Abgrall est au 9e rang des imposables du Finistère. Ce cas excepté, les Juloded ne se sont pas haussés au niveau de la plus riche bourgeoisie de leur département. Leurs investissements sont à l’image de leur commerce, c’est-à-dire comparativement limités. Dans cette mesure, cette aristocratie paysanne procède à une série de petits achats fonciers et non à l’acquisition de vastes domaines comme des bourgeois de Brest, de Quimper ou de Morlaix. C’est ainsi qu’en juillet 1809, un bijoutier-orfèvre brestois, Pierre Roger145, achète, en même temps, à Saint-Méen, un domaine de 134 hectares répartis sur 12 exploitations pour la somme de 39 500 F146. En 1833, le négociant Jean-Étienne Gautier acquiert pour 28 000 F « la campagne de Kerhallet » en Lambézellec147.
- 148 Acte de partage du 8 octobre 1838 (Archives privées Yvon Frère).
- 149 Inventaire après décès de mai 1847 (Archives privées E. Pouliquen).
79Rien de tel chez les Juloded. En octobre 1838, Christophe Guénégan, de Bodilis, marchand de toile et ancien juge de paix, décide de partager ses biens immobiliers entre ses quatre enfants. Les acquêts de la communauté ne consistent pas en moins de 50 lots, dont les revenus s’élèvent à 3 244 F148 : le revenu moyen est donc de 64,88 F. C’est une ferme à Lampaul (art. 33) dont le revenu est de 66 F ; ce sont des pièces de terre (art. 15) à Plougourvest qui rapportent 39 F ; c’est une maison à Bodilis (art. 49) dont le loyer est de 12 F. De son côté, Jean-Marie Le Bras, de Guiclan, ne procède pas à moins de 28 achats de biens fonciers entre 1807 et 1846. Les revenus de ces acquêts s’élèvent à 6 501 F149. Le revenu moyen de chaque lot est de 232,17 F et le prix moyen de chaque acquisition, compté au denier vingt, ne dépasse pas 4 643 francs.
80Les propriétés julodes des premières décennies du xixe siècle ont généralement une triple origine. Une partie, échue par héritage, a été acquise dès avant la Révolution ; une autre partie, souvent plus importante, provient des multiples acquisitions réalisées depuis la Révolution ; la troisième partie résulte, en un certain nombre de cas, d’achats de biens nationaux. Mais, là encore, on observe une originalité julode.
Les Juloded et les biens nationaux
- 150 Nous avons beaucoup cherché dans la sous-série 1Q. Après multiples tâtonnements, nous avons, surto (...)
81Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, assez peu nombreux sont les Juloded qui acquièrent des biens nationaux. Sur les 400 paysans-marchands de toile et les 87 paysans-tanneurs signalés par les listes de patente à l’extrême fin de la Révolution, nous n’avons pas repéré plus de 75 acquéreurs de biens nationaux. Sur ce nombre, quatre seulement peuvent être regardés comme d’importants acheteurs. Nous avons classé dans cette catégorie ceux qui ont acheté plus de 10 lots. À défaut de pouvoir évaluer la superficie des acquisitions, nous avons dû nous contenter de tabler sur des données aussi imprécises que celles de lots, qui peuvent être très petits ou très grands. Plus de la moitié des acheteurs n’ont acquis qu’un ou deux lots ; 6, ont acheté trois ; 5, quatre ; 2, cinq ; 2 autres, six et un seul, sept150. Il s’agit de Jean-Marie Le Bras, de Guiclan. Plusieurs des acquéreurs se sont contentés de devenir propriétaires de leur ferme ou de quelques champs à proximité de leur exploitation. C’est, par exemple, le cas d’Allain Pouliquen, du Fers en Saint-Thégonnec.
- 151 C’est habituellement un prénom masculin.
- 152 Cahiers de doléances et députés du Finistère en 1789, art. de Roudaut (Fañch), BSAF 1990, p. 259.
- 153 Les électeurs sont élus par les citoyens actifs à raison d’un pour cent citoyens actifs.
- 154 ADQ 70L 75. Les deux autres électeurs sont Tangui Lichou et Laurent Liorzou.
- 155 ADQ 13L 109.
82Les quatre acquéreurs les plus importants sont Allain Pouliquen, de Mescoat en Ploudiry (35 lots), Maurice Abgrall, de Roc’haouren en Lampaul-Guimiliau (15 lots), Jean Bodériou, de Leslem-bihan en Saint-Servais (14 lots) et Bernard Breton, du Herlan en Saint-Thégonnec (11 lots). Nous consacrerons, plus loin, une courte biographie aux deux premiers. Né à Saint-Servais vers 1757, Jean Bodériou ou Bodério appartient à une lignée de marchands de toile. Son père, Alain, de Cozfeunteun, en cette trève, a d’abord épousé Fiacre151 Breton († 5/7/1744) puis, le 24 novembre 1744, Jeanne Rozec, de Ploudaniel, née de René et de Guillemette Piriou. En novembre 1781, Jean Bodériou se marie dans son clan en épousant Marie-Augustine Le Roux, de Bodilis. En avril 1789, accompagné de François Tangui, il représente sa trève natale à l’assemblée des députés de la sénéchaussée de Lesneven152. Élu maire de sa commune le 15 novembre 1791, il est l’un des trois électeurs153 du canton de Plounéventer en septembre 1792154. Ce qui signifie qu’il fait partie des « patriotes », c’est-à-dire des partisans de la Révolution. En 1799, il est marchand de bois155 en même temps que marchand de toile. De ce fait, il acquitte 40 livres de patente et non 22 ou 23 comme les fabricants toiliers.
- 156 ADQ 1Q 1215.
83Comme nous l’avons vu, il devient propriétaire de 14 biens nationaux entre le mois de septembre 1793 et le mois d’août 1798156. Il acquiert son premier bien sur la chapellenie de Sainte-Anne à Cozfeunteun dans sa commune natale. Il achète ensuite d’autres biens à Guimiliau, Bodilis, Daoulas, La Roche-Maurice, Guiclan, Tréflévénez, Sizun, Landivisiau. En janvier 1798, il accède à la propriété de sa ferme de Leslem-bihan. Sur les 14 acquisitions, 8 sont des biens d’Église. Jean Bodériou meurt le 13 septembre 1822 à Leslem, à l’âge de 65 ans.
- 157 Son père Guillaume, paysan-marchand de toile, avait épousé Catherine Grall vers 1750.
- 158 BSAF 1990, art. cit. de Roudaut (Fanch), p. 259.
- 159 Stofft (Henri) et Ségalen (Jean), Bouëstard (1730-1810), Morlaix, 1989, p. 148.
- 160 ADQ 10L 73. Il avait au moins six enfants en 1796.
84Bernard Breton est né le 11 février 1754, de François et de Françoise Madec, au Herlan en Saint-Thégonnec. Le 16 février 1773, il épouse Jeanne Bizouarn157, 18 ans, du bourg de sa paroisse et assure la succession dans la ferme parentale qui est grande d’une vingtaine d’hectares. Il occupe diverses fonctions administratives pendant la Révolution. En avril 1789, accompagné de son cousin François Cottain, marchand de toile du Cozlen, il représente sa paroisse à l’assemblée des députés de la sénéchaussée de Lesneven158. En 1790, il est administrateur du directoire du district de Morlaix159. Il est électeur en 1790 de même qu’en 1792 et maire de Saint-Thégonnec de 1791 à 1796. En août de cette dernière année, il demande « à quitter la municipalité pour mieux s’adonner aux travaux de l’agriculture et du commerce, qui dépérissent depuis le début de la Révolution, et pour vaquer aux soins qu’il doit à une famille qui est nombreuse »160.
- 161 Le Gallo (Yves), Clergé, religion et société en Basse-Bretagne, op. cit., p. 487.
- 162 Ibid., p. 866.
- 163 Les deux prêtres sont décédés : François-Marie en 1823 et Pierre en 1830.
- 164 D’après l’inventaire après le décès de Jean-Marie Le Bras.
85Il acquiert des biens nationaux au Herlan, en 1796, à Guiclan en 1798, à Saint-Thégonnec et à Commana en 1807 et 1808. Deux de ses fils deviennent prêtres : François-Marie, né en 1786, et Pierre, né en 1793. Le premier, brillant sujet, étudie à Paris, probablement à Saint-Sulpice161 avant d’être ordonné en 1812. Le second, qui se destine à entrer au séminaire de Saint-Sulpice, fait d’abord, en raison de son jeune âge, des mathématiques chez M. Liautard à Paris162. Il est ordonné en 1819. Les quatre autres enfants se marient dans leur caste. Catherine, par exemple, épouse Jean-Marie Le Bras, de Guerjean en Guiclan. Yves, qui épouse Marie-Yvonne Pouliquen, de Limbahu en Saint-Thégonnec, a pour mission d’assurer la succession au Herlan. Bernard Breton meurt en ce hameau le 3 novembre 1814 à l’âge de 60 ans. Lors du partage des biens immobiliers, en 1832, ses quatre enfants mariés163 héritent de revenus s’élevant à 7 420 francs164, soit, au denier vingt, une valeur d’environ 150 000 francs.
86Il apparaît, en définitive, que seul un paysan-marchand de toile, Allain Pouliquen, de Ploudiry, soutient, dans une certaine mesure, la comparaison avec les acquéreurs de biens nationaux de Brest, Quimper, Morlaix, Landerneau ou d’autres départements. Quand on parcourt les archives et registres relatifs à la vente de ces biens, on ne peut qu’être frappé par les nombreuses et importantes acquisitions réalisées par les bourgeois. Ce sont des dizaines, voire des centaines d’hectares qu’ils achètent, à bon compte, entre 1791 et 1810. Ils se montrent encore plus rapaces, lorsque les ventes ont lieu au chef-lieu du département, comme c’est le cas à partir de 1796, et non plus au chef-lieu de district. Sans viser à être exhaustif, on peut citer, par ville, les noms de quelques grands acquéreurs.
- — Brest : Étienne Cartier, Charles Baligant, P. Graveline, Alain Elléouet, Jean Guilhem, Jean-Baptiste Simon, Jean-Maurice Pouliquen, Étienne Gautier et Prosper Dubois, Charles Brec, Louis Branda, Borgnis-Desbordes.
- — Châteaulin : Charles Le Lièvre.
- — Landerneau : Charles Le Béon, Charles Le Bourg, Étienne Radiguet, Jean-Baptiste Drant, Paul Poisson, Charles Le Mat, Jean-Marie Duthoya, Roujoux, Robert, Taylor.
- — Lesneven : Guillaume Jannic, Charles Vaumousse, Pierre Condamain, Pierre Jossic, Le Clech, Le Tersec.
- — Morlaix : Charles Cornic, Jean Diot, Joseph Boutet, Joseph Hamon, la veuve Guillotou de Kerever, Michel Behic, Barère, Guillaume Mahé, Toussaint Le Cren, Jean-François Pezron, Couriolle, Couhitte.
- — Quimper : Gabriel Duriveau, Victor Imbert, la veuve de Léon Tréverret, Alexandre Querret, Joseph Terrien, Jean-Baptiste Alizard, Simon Mermet, Le Bastard, Poulizac, Le Goazre, Guillolohan.
- — Roscoff : Yves Heurtin.
- — Lorient : Sigismond Garnier, Esnoul Deschateles, Bondeville, la veuve Marsilly.
- — Bordeaux : Philippe Limouzin.
- — Nantes : David et associés.
- — Paris : Alexandre Bellet, Silvain-Gabriel Saligny, Marigner père.
87Ces acquéreurs sont, surtout, des négociants mais aussi des rentiers, des marchands, des hommes de loi. Leurs acquisitions sont facilitées par le faitque les paysans leur laissent, le plus souvent, le champ libre. À Guissény, sur94 actes, tous, sauf neuf, concernent des citadins. À Tréflaouénan, 61 actes sur 73 s’appliquent à des bourgeois. À Saint-Vougay, ce sont 23 sur 24. Dans la zone julode, il en va souvent de même. Sur 76 lots vendus à Pleyber-Christ,65 sont acquis par des citadins. À Plouédern, ce sont 40 sur 52 ; à Plouvorn, 68 sur 92.
- 165 Il achète la ferme de Bailléguen, qui se trouve aujourd’hui sur le territoire de Saint-Thégonnec, (...)
88Quand les acheteurs ruraux sont plus nombreux, ce ne sont pas forcé-ment des Juloded, loin s’en faut. Sur 33 lots vendus à Plounéour-Ménez, 18 concernent des bourgeois. Les autres sont achetés par un Julod Jacques Quéinnec165, par Philippine Corre, veuve Abgrall, marchande d’étoffes, du Relec, qui acquiert 5 lots et par des paysans ordinaires. À Bodilis, sur 52 actes, 40, au moins, concernent des citadins ; sept s’appliquent à des Juloded qui ne sont pas de la commune (Maurice Abgrall, Jean Bodériou, Jean-Marie Le Bras) ; un seul touche un marchand de toile de la commune : il s’agit de Christophe Guénégan. Sur 80 lots vendus à Plounéventer, 50 sont acquis par des urbains, 10, par des paysans cependant que 20 acquéreurs ne sont pas identifiés. Sur les 10 acheteurs paysans, quatre sont des marchands de toile non-Plounéventériens (Goulven Kerboul, de Loc-Brévalaire, Allain Pouliquen, de Ploudiry, F. Derrien, de Landivisiau, Jean-Marie Le Bras, de Guiclan). Aucun Julod de la commune ne se porte acquéreur de ces lots. Même chose à Ploudaniel. Sur les 140 lots qui y sont vendus, 91, au moins, deviennent la propriété des citadins. Les autres sont achetés par des paysans de la commune, qui deviennent propriétaires de leur ferme, et par des ruraux des communes voisines. Notons que l’on voit, en plusieurs communes, des artisans et des commerçants acquérir des biens nationaux. Ce sont surtout des meuniers, des papetiers et des cabaretiers.
- 166 Ce sont Bernard Breton, qui en acquiert huit, François Guillou et Jean Pouliquen, Alain Pouliquen, (...)
- 167 Ce sont Alain Pouliquen qui en achète neuf, Jacques Pouliquen (fils d’Alain), Jean Guéguen, Yves C (...)
- 168 Ce sont Gabriel Sanquer, Jean Le Guen, Guillaume Le Bras, Joseph Léon, Marie Le Roux, Nicolas Le D (...)
- 169 ADQ 1Q 206.
89Il est, en revanche, quelques communes julodes où les paysans et les Juloded du terroir se sont montrés plus actifs au moment de la vente des biens nationaux. Ce sont surtout Saint-Thégonnec, Ploudiry et Sizun. À Saint-Thégonnec, sur 124 actes, 55 concernent des citadins cependant que les acquéreurs de 9 lots nous sont inconnus. Les 60 autres lots vont à des ruraux : 19 d’entre eux sont achetés par neuf marchands de toile de la commune166. À Ploudiry, sur 86 actes, 33 sont paraphés par des citadins et 17 par 8 marchands de toile de la commune167. À Sizun, sur 77 actes, 16 lots seulement sont achetés par des citadins et 19 par 10 marchands de toile du terroir168. Cinq d’entre eux osentacheter des biens d’Église dès le printemps 1791. L’exemple est donné par Nicolas Le Dantec qui acquiert « le village de Kerroc’h et dépendances » en mars, sur l’abbaye de Daoulas pour la somme de 14 854 livres169.
- 170 L’hostis (F.), op. cit., p. 182.
- 171 ADQ 13L 129.
90Il reste à savoir pourquoi les Juloded se montrent si peu entreprenants au moment de la vente des biens nationaux. Est-ce parce qu’ils manquent d’argent liquide au moment de la vente ? Jusqu’aux décrets de ventôse an IV (mars 1796), les acquéreurs obtiennent de grandes facilités de paiement. Ainsi, en 1791-1792, ils ne paient que 12 % du total dans la semaine de l’adjudication. Le solde est payable en douze ans, par annuités égales à 5 % d’intérêt, avec faculté de libération anticipée170. De plus, en cas de nécessité, les acquéreurs de biens nationaux recourent à l’emprunt. En mars 1796, un paysan aisé de Plouider, François Madec, explique aux administrateurs du département qu’il a acheté des biens nationaux en empruntant à ses amis171.
- 172 ADQ 1Q 693.
- 173 Le Père Michel Jaouen, navigateur apostolique sur Le Bel Espoir, et son frère Hervé († 1986), qui (...)
- 174 ADQ 6B Plounéour (1776-1790).
- 175 ADQ 6M 22.
- 176 Il y eut des lignées de Jaouen, maréchaux-ferrants. En 1799, Tanguy Jaouen était maréchal-ferrant (...)
91On voit, par ailleurs, des paysans aisés, voire de petits paysans, de Plounéventer ou de Ploudaniel, acheter des biens nationaux, cependant que pas un seul marchand de toile de ces deux communes ne s’en porte acquéreur, si ce n’est pour préserver un lieu de culte : c’est dans cet esprit que Gabriel Abjean, de Ploudaniel, achète la chapelle de Sainte-Pétronille en 1799172. Nettement plus probant est le cas de Louis Jaouen173, de Tréberre en Plounéour-Trez. Voilà un forgeron, né en février 1763 dans cette paroisse, qui se permet d’acheter 21 biens nationaux entre 1795 et 1812 : 9 à Plounéour-Trez ; 7 à Plouguerneau ; 4 à Plouider et un à Ploudaniel. Ses ressources ne peuvent être que modestes, si l’on en juge d’après l’inventaire après décès de son père Yves, maréchal-ferrant à Creac’h-ar-beuz, effectué en février 1782. La valeur des biens meubles ne dépasse pas les 1 319 livres : ils consistent surtout en une vache et deux génisses et en outils de forge qui représentent 366 livres. Les « hardes » du défunt sont estimées 15 livres. Le montant de l’inventaire doit être partagé entre la veuve du maréchal-ferrant, Jeanne Le Gac, et ses cinq enfants mineurs174. Dans ces conditions, on peut imaginer que Louis Jaouen a recouru à l’emprunt pour acquérir des biens nationaux. À son décès, survenu en avril 1836, cet ancien forgeron devenu « propriétaire » acquitte 538,16 F d’impôts directs, dont 495 consistent en taxes foncières175 ; ce qui représente environ 140 ha répartis en une quinzaine de fermes. Plusieurs de ses descendants épouseront des Juloded. Yves Jaouen, frère de Louis176, acquiert deux biens nationaux dans son terroir natal. Il exerce son métier de forgeron jusqu’à son décès survenu en 1828, à l’âge de 76 ans, au bourg de Plounéour-Trez.
- 177 L’hostis (F.), op. cit., p. 177.
- 178 Ibid., p. 408.
- 179 ADQ 1Q 676. Les autres acquéreurs de Ploudiry sont Yves Léon qui achète la métairie de Kergoat pou (...)
- 180 ADQ 1Q 180. Les deux autres lots sont ceux de Botcaërel en Pencran (2 075 L) et de la Fontaine Bla (...)
92Ce n’est donc pas l’insuffisance momentanée de disponibilités financières qui a pu empêcher les Juloded d’acheter des biens nationaux. On ne peut davantage penser que ces patriciens ruraux étaient mal informés des mises en vente ; « à cet égard, écrit F. L’Hostis, les paysans furent comblés : aux affiches qui concernaient leurs communes s’ajoutaient celles relatives aux cantons limitrophes »177 et deux bannies. Par ailleurs, les ventes effectuées au chef-lieu de département à partir des décrets de ventôse an IV (mars 1796) n’ont pas pu constituer un véritable frein pour des marchands qui avaient l’habitude de voyager. Nombre de paysans ne furent, du reste, pas rebutés par l’éloignement de Quimper, note F. L’Hostis à propos du canton de Guicquelleau178. Le 5 juillet 1796, on voit cinq habitants de Ploudiry, dont quatre paysans-marchands, se rendre de conserve au chef-lieu du département. Parmi eux se trouve le curé constitutionnel, Tanguy Mocaër, qui, donnant l’exemple, achète la métairie de Restmesyvin pour 5 659 livres et Allain Pouliquen qui n’achète pas moins de 7 lots pour 13 251 livres179. La veille, Jacques Quéinnec, de Plounéour-Ménez, a acheté la ferme du Bailléguen. Il reviendra trois semaines plus tard pour acquérir trois autres lots, dont la grande ferme de Kermorvan, en Guiclan, pour 20 325 livres180.
- 181 Saint-Méen, op. cit., p. 113.
- 182 ADQ 10L 67.
- 183 Ibid.
93En définitive, il apparaît que c’est par principe que la masse des Juloded n’acquiert pas de biens nationaux. Il est significatif que certains n’achètent même pas la ferme qu’ils exploitent : c’est, par exemple, le cas de Jean Bars, de Poulloupry en Saint-Méen, qui laisse en décembre 1791, un bourgeois de Lesneven devenir propriétaire de sa ferme, confisquée à la collégiale Sainte-Anne de cette même ville181. En fait, la majorité des marchands de toile et des tanneurs n’achètent pas de biens nationaux parce qu’ils sont hostiles à la Révolution. Les autorités révolutionnaires établissent, du reste, une relation entre l’acquisition de biens nationaux et l’adhésion à la Révolution et vice-versa. Fournissant en avril 1798, des renseignements au sujet du personnel administratif du canton de Lesneven, le commissaire Jossic écrit à propos du citoyen Condamain, « excellent républicain, acquéreur de biens nationaux »182. À la même date, ce même Jossic écrit au sujet du canton de Plouzévédé : « Le juge de paix est bon républicain, les deux électeurs le sont aussi ». L’un d’entre eux est « acquéreur de sa ferme »183.
- 184 L’hostis (F.), op. cit., p. 208.
- 185 ADQ 10L 75.
- 186 Ce sont Christophe Abaléa, François Madec et Jean Bergot. Le premier est le seul à être considéré (...)
- 187 Louis Jaouen, Brévalaire Huguen, Jean-Michel Salaun, Goulven Prigent. En 1806, l’abbé Troérin prés (...)
- 188 Julien de Pruné, Noël Kerjean, François Jaouen, Pierre Rucard.
- 189 Jean Bodériou, Tanguy Lichou.
- 190 Tanguy Mocaër, Yves Cren, Yves Léon.
- 191 ADQ 10L 73.
94On sait que les électeurs élus le 2 septembre 1792 sont « patriotes », c’est-à-dire favorables à la Révolution184. Or, on constate que la plupart de ces hommes se portent acquéreurs de biens nationaux : c’est le cas des sept électeurs du canton de Lesneven185, dont trois paysans186 ; d’au moins quatre sur cinq dans le canton de Goulven187 ; de quatre sur cinq dans le canton de Guicquelleau188 ; de deux sur trois dans le canton de Plounéventer189 et de trois sur trois dans celui de Ploudiry…190 Ceci n’exclut pas que quelques individus, faisant fi de leurs opinions politiques, n’ont acheté que par opportunisme. C’est, par exemple, le cas de Jacques Lamer, du canton de Taulé, que les autorités révolutionnaires regardent, en 1798, comme « usurpateur de biens nationaux, protecteur de bons prêtres et faisant le bon patriote... »191. Ce qui, dans l’œuvre révolutionnaire, rebute surtout la masse des Juloded, comme du reste la majeure partie des paysans, c’est la politique de persécution menée contre les prêtres réfractaires. Celle-ci est d’autant plus fortement ressentie par les marchands de toile et les tanneurs que les prêtres issus de leur caste sont fort nombreux, comme on le verra plus loin.
95Le degré de richesse des Juloded, comme du reste leur nombre dans la société locale, varie selon les périodes et les paroisses. En 1789, leur proportion atteint à peine les 5 % dans le terroir particulièrement toilier de Saint-Thégonnec. En dépit de ces variations, ces paysans-marchands se distinguent de leurs voisins à toutes les époques. Autant qu’on peut les observer, ils surclassent toujours la société paysanne hiérarchisée de leur paroisse : ils sont mieux logés, mieux vêtus et mieux nourris. Leur « dot » ou provision est nettement supérieure à celle des autres paysans. Ils ont, généralement, reçu une instruction qui, sans être poussée, contraste avec l’analphabétisme de leurs compatriotes. Dégageant annuellement des surplus financiers du fait de la relative importance de leur ferme, de leur commerce et de leurs revenus immobiliers, ils se préoccupent d’arrondir leurs domaines
Notes
1 BSAF 1988, art. cit., p. 158.
2 Ibid., p. 183.
3 BSAF 1987, art. cit., p. 332.
4 Ibid., p. 305-306.
5 Gelley (R.-A.) lui attribue 2 553 habitants en 1774 (op. cit., p. 25), cependant que le Guide des Archives de J. Charpy en indique 3 023 en 1800. Il est surprenant qu’Yves-Marie de Kersulguen qui est recteur de Pleyber-Christ depuis 1740 ne soit pas mieux informé sur le chiffre de la population de sa paroisse.
6 ADQ 13L 107.
7 Né à Locmélar, en Plounéventer, le 8 février 1738, il est ordonné en 1762. Il est « curé » de sa paroisse natale avant d’en devenir le recteur en 1769. Il meurt à ce poste en juin 1790 (BSAF 1988, art. cit., p. 146).
8 Gelley (R.-A.) compte 3 254 habitants à Plounéventer vers 1774 (op. cit., p. 25). Dans ces conditions, le nombre moyen d’individus par famille est de 5,14.
9 En 1774, ce château est habité par Jean-Jacques Claude de Kersauzon qui a épousé Marie-René de Saisy de Kerampuil en juillet 1746. Leur fille Marie-Yvonne Xavière épousera le marquis de Tinténiac en 1778.
10 Sur l’actuelle commune de Saint-Derrien. À la veille de la Révolution, ce « château » est habité par des Parscau du Plessix. Louis-Guillaume de Parscau du Plessix, qui s’établira à Keryvon, est né à Saint-Malo en juillet 1725. Le 22 novembre 1751, il épouse, à Landerneau, Marie-Anne Geneviève Le Roy de Parcjean dont le père, bailli de la principauté de Léon, est l’un des héritiers du manoir de Keryvon. En 1756, Louis-Guillaume de Parscau du Plessix qui est officier de marine, fait partie de l’escadre chargée de convoyer Montcalm au Canada pour lutter contre les Anglais. Il participe surtout à la Guerre d’Indépendance américaine. C’est dans les années 1770 qu’il s’établit à Keryvon. Il meurt à Brest en 1786, cependant que sa femme décède en ce manoir en 1800. En mai 1789, son fils Hervé épouse, à Paramé, près de Saint-Malo, Anne Buisson de la Vigne, dont le père, officier de la Compagnie des Indes et Directeur du port de Lorient, fut anobli par Louis XVI en 1779. Céleste Buisson de la Vigne, sœur d’Anne, épousera François-René de Châteaubriand en 1792 (D’après Filiations bretonnes 1650-1912, Frotier de la Messelière, Saint-Brieuc, 1912-1924 et des informations communiquées par Yvon Frère).
11 BSAF 1988, art. cit., p. 147.
12 La formule est de Guillaume Le Bras.
13 Tanguy (Pierre), op. cit., p. 80.
14 Ibid.
15 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 90.
16 ADQ 177G 6.
17 ADQ 3C 111.
18 Il apparaît que la plupart des mendiants sont soumis à un minimum de capitation. En 1774, le recteur de Plounevez-Lochrist écrit dans l’enquête sur la mendicité : « J’ay été obligé d’avoir recour au rolle de la capitation sur lequel ils [les mendiants] sont presque tous employéz pour quelque somme ce qui les assujettit encore à la corvée des grands chemins sans salaire... » (BSAF 1988, art. cit., p. 147).
19 L’inventaire effectué, en 1747, après le décès de Barbe Grall, de Kerargant, accuse une valeur de 5 L (S.Carney, op. cit., p. 30). Il semble que, le plus souvent, on n’inventorie pas les intérieurs de ce type. « Les inventaires, écrivent Alain Croix et Didier Guyvarc’h, ne nous livrent les plus pauvres intérieurs qu’avec une grande parcimonie pour des raisons bien évidentes : on n’inventorie pas, sauf exception, un intérieur pratiquement sans valeur. Prendre conscience de ce danger évitera de faire de l’intérieur aisé, même paysan, l’intérieur régional « typique » (Guide de l’histoire locale, Paris, 1990, p. 79).
20 BSAF 1987, art. cit.,p. 313.
21 Ibid., p. 312.
22 Tanguy (Pierre), op. cit., p. 136.
23 L’enquête sur la mendicité révèle que des paysans aisés et riches s’approprient les terrains vagues depuis quelque temps.
24 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 77.
25 ADQ 6M 977.
26 Ce qui laisse supposer qu’ils ne le sont pas.
27 BSAF 1988, art. cit., p. 178.
28 Il s’agit de Loc-Ildut.
29 Simon (Gilbert), Étude démographique et économique de la paroisse de Sizun aux xviie et xviiie siècles, (mémoire de maîtrise), Brest, 1972.
30 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 75.
31 Tanguy (P.), op. cit., p. 78.
32 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 75.
33 Arzur (Brigitte), op. cit., t. 1 p. 158.
34 Saint-Méen, op. cit., p. 326-327. Les 30,09 % qui sont scolarisés à la veille de la Révolution correspondent aux paysans aisés et riches.
35 ADQ 3Q 7041, Landivisiau 1764-1812.
36 Saint-Méen, op. cit., p. 326-327.
37 ADQ 3Q 7041, Landivisiau 1764-1812 et 21 Q 26/1 table des contrats de mariages, Lesneven, 1760-1809. Il arrive que des inventaires après décès fournissent également des informations à ce sujet. Entre 1764 et 1790, 32 jeunes époux sur 104, soit 30,7 %, reçoivent de 200 à 500 francs.
38 Arzur (Brigitte), op. cit., p. 161.
39 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 56. Ces deux auteurs ont choisi de ne prendre en considération que les inventaires des marchands de toile et de tanneurs dont le montant est supérieur à 5 000 livres. Il s’en trouve encore parmi les paysans dont l’inventaire est inférieur à 5 000 livres.
40 Ibid., p. 57.
41 Ibid., p. 58.
42 Ibid., p. 57.
43 ADQ 1Q 2894 Inventaire des biens du 18 ventôse an V.
44 Cahier des prisages (archives privées).
45 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 65.
46 Ibid., p. 66.
47 ADQ 16B Plouider (1688-1786).
48 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 64.
49 D’après Arzur (Brigitte), op. cit., tome 2 p. 71 et 75.
50 Bien qu’il apparaisse clairement que les coupes en argent soient données aux époux à l’occasion de leur mariage, il convient de signaler que les inventaires ou les contrats de mariage ne mentionnent pas la formule coupe de mariage mais « coupe d’argent ».
51 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 21.
52 ADQ 16B La Forest-Landerneau.
53 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 75.
54 Archives privées E. Pouliquen.
55 Ibid.
56 ADQ 16B Kersaint-Plabennec (1724-1760).
57 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 75
58 Itinéraire descriptif du département du Finistère, Gilbert-Villeneuve, Paris, 1828, p. 42.
59 ADQ 6M 369.
60 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 70.
61 Ibid., p. 59.
62 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 72.
63 Creston (R.-Y.), op. cit., p. 188. Le terme justinok, qui paraît oublié aujourd’hui, est mentionné par Fanch Eliès (Abeozen), né à Saint-Sauveur, au sud de Landivisiau, en 1896. Les Juloded, écrit-il dans Hervelina Geraouell (Brest, 1943, p. 47), furent les derniers à renoncer à leur vêtement jus-tinok. On emploie également le mot chelgenn pour désigner la mode vestimentaire au sein de cette même zone justinok. Mais il semble qu’il ne s’utilise, en ce sens, que dans la partie orientale de cette région. De plus dans le pays de Lesneven, il sert à désigner la coiffe de Kerlouan et de Plounéour-Trez. De son côté, Michel Lahellec (art. cit., p. 182) écrit qu’on l’utilise à Ploudaniel pour désigner la coiffe de Lannilis ou de Ploudalmézeau. Dans ces conditions, nous éviterons d’employer le terme.
64 Creston (R.-Y.), op. cit., p. 187.
65 Décrivant les Juloded des premières décennies dun xxe siècle, Yves Miossec fait remarquer que leur ruban de velours était plus large que celui des autres paysans. (Diwar-benn Juloded Gorre-Léon, Brud Nevez, N° 24, mars 1979, p. 22).
66 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 73.
67 Arzur (B.), op. cit., t. 2 p. 39.
68 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 73.
69 Ibid., p. 74.
70 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 162.
71 Gac (Yvon), op. cit.
72 Vers 1950, j’ai assisté, en ma paroisse natale, à la vente de porcelets après la grand-messe.
73 Archives privées E. Pouliquen. Cette pièce d’archive comporte, mois par mois, la liste des offrandes, leur valeur et les noms des donateurs. Elle a été établie par le fabrique Jean Cloarec, de Gorré-Beuzit, ascendant d’Emmanuel Pouliquen.
74 Pour obtenir ce chiffre, nous avons utilisé la méthode Moheau. Elle consiste à multiplier le nombre de naissances annuelles par 26. Le nombre moyen est de 16,2 pour la période 1685-1694. Nous avons recouru aux plus anciens registres.
75 On considère qu’il y a 6 personnes par famille.
76 La moyenne des offrandes est de 1 497 L pour la période 1667-1675 et la population d’environ 3 900, si l’on table sur le fait que le nombre moyen de naissances annuelles est de 150 (Actes des Conférences 1990, université d’été des Enclos et des Monts d’Arrée, art. de Jean Tanguy, Saint-Thégonnec en Léon, p. 10-11, Landivisiau (s.d)).
77 On observe cette même générosité en d’autres paroisses toilières. G. Simon fait remarquer qu’avant 1760, on offre une dizaine de livres à Sizun « pour porter les reliques » (op. cit., p. 68).
78 BSAF 1988, art. cit., p. 147.
79 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 75.
80 Saint-Méen, op. cit., p. 221.
81 ADQ 3Q 7041, Landivisiau.
82 L’inflation est calculée à partir du prix du froment à Saint-Brieuc à l’époque moderne (La noblesse bretonne au xviiie siècle, Jean Meyer, Paris, 1972, p. 848-850). 720 L en 1671 équivalent à 1 650 L en 1770.
83 Archives privées E. Pouliquen. Contrat de mariage.
84 ADQ 3Q 7012, Landivisiau (1813-1825).
85 D’après son inventaire après décès (Archives privées E. Pouliquen).
86 En 1847, les six chevaux de l’écurie Le Bras valent 705 francs. Les huit vaches ainsi que les deux génisses représentent une valeur totale de 718 francs.
87 Né en 1804, Jean-Marie Le Bras fut ordonné en 1829.
88 Marie-Jeanne naquit en 1806 et Marie-Anne en 1808.
89 ADQ 3Q 7013, Landivisiau (1826-1864).
90 Fils de Jean Cam, « fabriquant de toile et propriétaire » et de Marie-Jeanne Pouliquen.
91 Ses parents Yves et Marie-Jeanne Kerboul sont décédés. Yves Cloarec était « fabriquant de toile ».
92 Archives privées E. Pouliquen.
93 Ibid. D’après l’inventaire après décès.
94 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 53.
95 Tanguy (P.), op. cit., p. 79. La date de l’inventaire n’est pas indiquée.
96 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 53 et 125.
97 Ibid., p. 53.
98 Ibid., p. 54.
99 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 29.
100 Ibid., p. 72.
101 Arzur (B.), op. cit., p. 164.
102 AEQ dossier Saint-Thégonnec, lettre du curé à l’évêque, 1828.
103 C’est nous qui soulignons.
104 AEQ dossier Saint-Thégonnec.
105 « Le rigorisme du clergé léonard, écrit Yves Le Gallo, demeure hostile ou réticent à l’égard du prêt à intérêt jusqu’aux années 1840, si bien que la Caisse d’Épargne de Brest connaîtra des débuts difficiles » Une caste paysanne... art. cit., p. 74.
106 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 75.
107 Cité par le recteur de Saint-Thégonnec dans sa lettre à l’évêque en 1828.
108 ADQ 6B Plouider 1688-1786.
109 ADQ 16B 1762-1764, Landerneau.
110 ADQ 16B Ploudiry, 1742-1743.
111 Thomas (G.-M.), La famille Le Guen de Kerangal, BSAF 1989, p. 182.
112 Bulletin communal de Ploudiry, art. d’Yves Branellec.
113 Les biens d’un recteur léonard à la fin de l’Ancien Régime : Jean Le Bras, recteur de Plabennec, art. de Roger Leprohon dans Mélanges offerts à Yves Le Gallo, Brest, 1987, p. 315-324.
114 Ibid., p. 320.
115 Ibid., p. 323.
116 D’après l’acte de partage que Me Pellan, notaire à Landivisiau, m’a prêté. Les quatre héritiers sont : Louis Le Bras né le 3 novembre 1711 qui a épousé Marie Gourvès, Jacquette qui a épousé Jean Boucher, de Ploudaniel ; François, né en mars 1723, qui a épousé Anne Madec, de Saint-Thégonnec en octobre 1746 ; Jean, prêtre.
117 On trouve, par exemple, cette formulation dans l’acte de partage des biens de Guillaume Pouliquen, de Mescoat en Ploudiry en 1826 (Archives privées Y. Pouliquen, de Mescoat).
118 Archives privées E. Pouliquen
119 Inventaire d’actes de propriété effectué par le décès d’Yves Cloarec, dont la veuve est Françoise Kerjean (Archives privées E. Pouliquen).
120 Nous avons pu les comparer aux listes des patentes de 1798-1799.
121 ADQ 13L31.
122 ADQ 197G 6.
123 Hétet (Auguste), art. cit., p. 63. Claudine Grall et Jean Le Roux se sont épousés en 1679.
124 Cléac’h (Thierry), op. cit., p. 182.
125 ADQ 6M 977.
126 Nous nous conformons à la règle que l’on applique en breton : après les adjectifs cardinaux, les noms demeurent au singulier.
127 ADQ 3M 16.
128 ADQ 3M 22,24.
129 D’après les listes de patente.
130 ADQ 3M 6. Ce sont Hervé Bourlès, Rosancloarec 173,30 F, Guillaume Charles, bourg, 167,08 F, la veuve de Jean Hamon, de Kerforn 165,07 F, Charles Caroff, de Rosancloarec, 135,45 F, Yves Guillerm de Goasvern, 131, la veuve de Jean Fagot, de Goasvern, 131, et F.-M. Fagot, de Kernégués, 120.
131 ADQ 3M 61.
132 ADQ 3M 47.
133 Nous avons tablé sur des familles de 6 personnes, en moyenne, pour obtenir ce chiffre.
134 La loi municipale du 21 mars 1831 porte que l’assemblée des électeurs communaux est composée des citoyens les plus imposés aux rôles des contributions directes de la commune, âgés de 21 ans accomplis, dans les proportions suivantes : pour les communes de1 000 âmes et au-dessous, un nombre égal au 1/10e de la population (...). Ce nombre s’accroîtra de 5 par 100 habitants (...) de 1 000 à 5 000, de 4 par 100 habitants de 5 000 à 10 000, et de 3 par 100 habitants au-dessus de 10 000 (LE GALLO (Yves), Brest et sa Bourgeoisie sous la Monarchie de Juillet, Paris, 1968, t. 1 p. 57).
135 ADQ 3M 16.
136 Né à Mézarnou en Plounéventer le 18 juin 1781, Yves Abhervé-Guéguen épouse Marie-Jeanne Le Bras de Guerjean en Guiclan, en novembre 1807 et s’établit chez sa femme.
137 ADQ 3M 24.
138 En 1835, Pierre Roger, de Guipavas, possède 12 corps de fermes et 134 hectares à Saint-Méen (Saint-Méen, op. cit., p. 122) pour lesquels il acquitte 453,88 F de taxes foncières (ADQ 3M 22) ; soit 3,30 F/ha, bâtiments compris. On peut considérer que la taille moyenne d’une exploitation est de l’ordre de 10 ha.
139 Inventaire effectué après le décès de Jean-Marie Le Bras, mai 1847 (Archives privées E. Pouliquen).
140 Ibid.
141 ADQ 3M 24.
142 ADQ 3M 22 et 3M 24.
143 Ce sont François Coquil (312 F dont 279 de taxes foncières) François-Marie Fagot (324 F dont 297,66 de t.f.) et Louis Nicolas (443F, 322,58 de t.f.), tous trois de Guiclan ; François-Marie Abgrall (387, 29 F, 256,04 de t.f.) ; François-Marie Pouliquen (446,76 F, 315 de t.f.) et Joseph Pouliquen (479,52 F, 438 de t.f.), de Saint-Thégonnec ; Nicolas Breton (309 F, 207,19 de t.f.) et Jerôme Rannou (380 F, 297,50 de t.f.), de Sizun ; Louis Quéinnec (323,22 F, 260,63 de t.f.), Jean -Pierre Fichou (346,79 F, 165,26 de t.f.) et Claude Joncour (323,59 F, 231,20 de t.f.), de Pleyber-Christ ; François Cloarec (410,77 F, 268,51 de t.f.), de Saint-Sauveur ; Jean-Marie Soubigou (469,44 F, 397,53 de t.f.), de Plounéventer ; Gabriel Quéinnec (446,04 F) de Landivisiau et Joseph Guennégan (362,43 f dont 321,42, de t.f.), de Bodilis.
144 ADQ 3M 15.
145 En 1822, les contributions de cet homme s’élèvent à 1 507 F.
146 Saint-Méen, op. cit., p. 122.
147 Le Gallo (Yves), Brest et sa bourgeoisie... op. cit., t. 2, p. 125.
148 Acte de partage du 8 octobre 1838 (Archives privées Yvon Frère).
149 Inventaire après décès de mai 1847 (Archives privées E. Pouliquen).
150 Nous avons beaucoup cherché dans la sous-série 1Q. Après multiples tâtonnements, nous avons, surtout, tiré parti des listes d’acquéreurs par commune ADQ 1Q 1209 -1Q 1215.
151 C’est habituellement un prénom masculin.
152 Cahiers de doléances et députés du Finistère en 1789, art. de Roudaut (Fañch), BSAF 1990, p. 259.
153 Les électeurs sont élus par les citoyens actifs à raison d’un pour cent citoyens actifs.
154 ADQ 70L 75. Les deux autres électeurs sont Tangui Lichou et Laurent Liorzou.
155 ADQ 13L 109.
156 ADQ 1Q 1215.
157 Son père Guillaume, paysan-marchand de toile, avait épousé Catherine Grall vers 1750.
158 BSAF 1990, art. cit. de Roudaut (Fanch), p. 259.
159 Stofft (Henri) et Ségalen (Jean), Bouëstard (1730-1810), Morlaix, 1989, p. 148.
160 ADQ 10L 73. Il avait au moins six enfants en 1796.
161 Le Gallo (Yves), Clergé, religion et société en Basse-Bretagne, op. cit., p. 487.
162 Ibid., p. 866.
163 Les deux prêtres sont décédés : François-Marie en 1823 et Pierre en 1830.
164 D’après l’inventaire après le décès de Jean-Marie Le Bras.
165 Il achète la ferme de Bailléguen, qui se trouve aujourd’hui sur le territoire de Saint-Thégonnec, pour la somme de 8 150 F le 16 messidor an IV (4 juillet 179 (1Q 676)).
166 Ce sont Bernard Breton, qui en acquiert huit, François Guillou et Jean Pouliquen, Alain Pouliquen, François Cosquer, François Cottain, Hervé Joncour, Jean Le Roux, Joseph Croguennec. Sept lots, au moins, sont achetés par des marchands de toile de communes voisines.
167 Ce sont Alain Pouliquen qui en achète neuf, Jacques Pouliquen (fils d’Alain), Jean Guéguen, Yves Cren, Yves Maguerer, Hervé Cloarec, Jean Le Gall, Yves Léon.
168 Ce sont Gabriel Sanquer, Jean Le Guen, Guillaume Le Bras, Joseph Léon, Marie Le Roux, Nicolas Le Dantec, Pierre Ménez, Paul Sanquer, Marguerite Cren, Jean Caroff. Dans la mesure où il n’est pas soumis à la patente, nous n’avons pas compté le député de l’Assemblée Législative Yves Inisan parmi les marchands de toile. Il achète six lots à Sizun et 7 à Commana.
169 ADQ 1Q 206.
170 L’hostis (F.), op. cit., p. 182.
171 ADQ 13L 129.
172 ADQ 1Q 693.
173 Le Père Michel Jaouen, navigateur apostolique sur Le Bel Espoir, et son frère Hervé († 1986), qui était amiral, font partie de la nombreuse descendance de Louis Jaouen.
174 ADQ 6B Plounéour (1776-1790).
175 ADQ 6M 22.
176 Il y eut des lignées de Jaouen, maréchaux-ferrants. En 1799, Tanguy Jaouen était maréchal-ferrant à Tréflez, Alain, à Plounevez (ADQ 13L 109) et Mathieu, au Théven, en Kerlouan (13L 104). Vers 1825, François Jaouen est maréchal-ferrant à Guissény, cependant que Jérôme, Alexis et Mathieu le sont à Plounéour. Ces quatre hommes sont fils d’Yves Jaouen. Un François Jaouen exerce la même profession à Goulven.
177 L’hostis (F.), op. cit., p. 177.
178 Ibid., p. 408.
179 ADQ 1Q 676. Les autres acquéreurs de Ploudiry sont Yves Léon qui achète la métairie de Kergoat pour 7 040 L, Yves Cren qui devient propriétaire d’un lieu du Fers pour 8 434 L et Hervé Cloarec qui acquiert des terres pour 1 100 L.
180 ADQ 1Q 180. Les deux autres lots sont ceux de Botcaërel en Pencran (2 075 L) et de la Fontaine Blanche en Saint-Pol-de-Léon (8 954 L).
181 Saint-Méen, op. cit., p. 113.
182 ADQ 10L 67.
183 Ibid.
184 L’hostis (F.), op. cit., p. 208.
185 ADQ 10L 75.
186 Ce sont Christophe Abaléa, François Madec et Jean Bergot. Le premier est le seul à être considéré comme « bon républicain » parmi les administrateurs du canton de Ploudaniel en 1798 (ADQ 10L 69).
187 Louis Jaouen, Brévalaire Huguen, Jean-Michel Salaun, Goulven Prigent. En 1806, l’abbé Troérin présente Louis Jaouen comme « forgeron patriote enragé » (Le Gallo (Yves), Clergé, religion et société... op. cit., p. 321).
188 Julien de Pruné, Noël Kerjean, François Jaouen, Pierre Rucard.
189 Jean Bodériou, Tanguy Lichou.
190 Tanguy Mocaër, Yves Cren, Yves Léon.
191 ADQ 10L 73.
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Titre | Répartition de la capitation à Ploudiry et à Saint-Thégonnec en 1787 |
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© Presses universitaires de Rennes, 1996