Les Juloded
|Chapitre I. Aspects économiques de la zone toilière vers 1789
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- 1 Gelley (Robert Albert), L’assistance dans le diocèse de Léon en la seconde moitié du xviiie siècle(...)
- 2 Les plus grandes paroisses comportent, le plus souvent, des lieux de cultes annexes appelés trèves (...)
- 3 Gelley(R.-A.), op.cit.,p.22-23.
- 4 Charpy(Jacques), Guide des archives du Finistère, Quimper,1973.
1En 1789, l’évêché de Léon compte environ 200 000 habitants répartis sur 2 000 km21, ce à quoi correspond la forte densité de 100 habitants au km2. Divisé en 87 paroisses et 35 trèves2, il ne comporte pas plus de quatre villes : Brest (33 900 habitants), Lesneven (2 570), Saint-Pol-de-Léon (5 700) et Landerneau qui renferme 3 350 habitants en Léon3. Sa paroisse de Saint-Thomas est située en Cornouaille. La ville de Morlaix compte 9 350 habitants4 mais l’essentiel de sa population se trouve habiter l’évêché de Tréguier. Bien que Landivisiau, qui n’est qu’une trève de Plougourvest, renferme 2 420 personnes, on ne peut cependant la considérer comme une ville, dans la mesure où une bonne partie de sa population est dispersée dans les campagnes.
- 5 Legallo(Yves), op.cit.,p.107.
2L’ancien diocèse de Léon, fondé par Pol Aurélien au vie siècle, est délimité par la rivière de Morlaix, la Manche, le cours inférieur de l’Elorn et la première crête de la Montagne d’Arrée5. Le Haut-Léon correspond à la zone la plus proche de l’ancien siège épiscopal que fut Saint-Pol-de-Léon. Du nord au sud, les terroirs de Plounéour-Trez, Goulven, Plouider, Saint-Méen, Trémaouézan, Plouédern et Landerneau sont à la limite orientale du Bas-Léon.
Le tissage des crées
- 6 L’inventaire après décès est obligatoire, au xviiie siècle, lorsque le défunt laisse des enfants m (...)
- 7 Arzur (Brigitte), Vie quotidienne des paroissiens de Plouider au xviiesiècle, d’après leurs invent (...)
- 8 En certaines maisons, il y a deux ou trois métiers, d’où ce pourcentage supérieur à 100.
- 9 Tanguy (Stéphane), L’arrière-plan financier des réalisations artistiques dans le Léon aux xviieet (...)
3Dans ce Léon, des toiles de lin sont tissées à domicile par des milliers de ruraux : les uns sont des artisans, les autres, plus nombreux, des paysans-tisserands. Elles y sont fabriquées dans une petite centaine de paroisses et de trèves. Seule la partie occidentale du Bas-Léon n’est guère concernée par cette industrie. À la veille de la Révolution, les paroisses toilières les plus occidentales du Léon sont, en gros, du nord au sud : Plouider, Kernouès, Lanarvily, Loc-Brévalaire, Plabennec et Guipavas. Il est entendu que l’activité toilière varie considérablement d’une paroisse à l’autre : à Plouider, on ne compte pas plus de 8 % des inventaires après décès6 du xviiie siècle qui révélent des métiers à tisser7, alors que le correspondant est de 127 %8pour Le Tréhou9. En fait, dans nombre de paroisses en bordure de la zone toilière, le tissage ne subsiste plus que d’une manière résiduelle : il y décline depuis longtemps du fait d’une crise apparue à la fin du xviie siècle, comme on le verra.
- 10 Tanguy (Jean), Quand la toile va – L’industrie toilière bretonne du xvieau xviiiesiècle, Rennes, 1 (...)
- 11 Ibid., p. 71.
- 12 Ibid., p. 45.
- 13 Ibid.
4Jean Tanguy – qui fait autorité en la matière – démontre que la « fabrique » toilière du Léon connaît une remarquable phase ascendante à partir de 1475. En 1450, la production toilière y est d’environ 1 000 pièces (une pièce = 100 aunes = 122 mètres). Puis, elle monte progressivement jusqu’à 2 000 pièces en 1475 pour bondir brusquement à 8 500 en 148210 : c’est le résultat du traité de Picquigny qui met fin à la guerre de Cent ans et assure la liberté des échanges entre la France et l’Angleterre11. Les fines toiles de lin du Léon qui sont ainsi exportées sont appelées crées. Ce terme vient du mot breton krez qui signifie chemise12. La longueur des pièces de toile – 100 aunes – est attestée dès 1452 et demeure identique jusqu’à la Révolution. Par contre, leur largeur varie. Au xviie siècle, elle est de 89 cm – trois quarts d’aune de Paris – pour les crées larges, de deux tiers d’aune de Paris pour les « entrelarges » et d’une demi-aune, 0,59 m, pour les étroites. Au xviiie siècle, les crées larges, tout en continuant à être appelées trois-quarts, ne mesurent plus que 79 cm13
- 14 Ibid., p. 50.
5La production toilière léonarde qui est d’environ 20 000 pièces de cent aunes vers 1600 s’élève à près de 80 000, vers 168014, soit une longueur de près de 10 000 km ! C’est le point culminant de cette montée commencée au xve siècle. La prospérité correspondante est liée à l’importance du marché anglais qui, à lui seul, absorbe l’essentiel des crées jusqu’aux années 1680. Malheureusement, le xviie siècle, grand siècle léonard par excellence, se termine mal dans la mesure où le marché anglais se ferme aux toiles bretonnes. La perte de ce marché est le résultat d’une guerre commerciale dont l’initiative semble revenir à la France, notamment à Colbert :
- 15 Ibid., p. 101-102.
« On sait, écrit Jean Tanguy, que pour encourager le développement de la draperie française, Colbert reprend en la durcissant la politique de ses prédécesseurs, frapper de droits de plus en plus lourds les draps anglais afin d’interdire pratiquement leur entrée sur le territoire national »15
- 16 Ibid., p. 102.
- 17 Finistère, ouvrage collectif réalisé sous la direction d’Yves Le Gallo, Brest, 1972, article de Je (...)
6C’est ainsi que les droits sur la pièce de drap fin de Hollande et d’Angleterre passent de six livres en 1632 à quatre-vingts en 166716. En représailles contre cette politique mercantiliste, l’Angleterre se ferme aux produits français : vins, toiles, papier, soie... La fabrique des toiles de lin léonardes entre alors dans une décadence irrémédiable, passant de 46 000 pièces en 1742 à 20 500 en 1788. Au xviiie siècle, il ne reste plus guère aux crées que le débouché ibérique : Portugal et, surtout, Espagne17. Continuant à décliner au xixe siècle, cette industrie textile à domicile succombe vers 1860-1870.
- 18 On applique quelquefois ce mot à la zone toilière.
- 19 Tanguy (Jean), Quand la toile va, op. cit., p. 26.
- 20 Ibid., p. 26.
7Le quadruplement de la population toilière, en Léon, au xviie siècle, entraîne une importante extension de la « manufacture »18. Il apparaît que, dans les années 1690-1710, elle couvre une bonne partie de l’ouest du Bas-Léon, par exemple, dans une faible mesure, des paroisses telles que Milizac et Plouzané19. La fermeture du marché anglais et le déclin qui s’ensuit entraînent son reflux progressif vers ce que l’on peut considérer comme sa zone originelle délimitée par Plounéventer, Plouzévédé, Plouvorn au nord, Ploudaniel à l’ouest, les Monts d’Arrée au sud. Il faut également signaler que l’âge d’or du xviie siècle a eu pour effet d’amener la zone toilière à s’étendre par-delà les Monts d’Arrée : 24 % des inventaires après décès de Brasparts et 15 % de ceux de Lopérec signalent un métier à tisser à la fin du xviie siècle et au début du siècle suivant20. Notons enfin que quelques autres paroisses cornouaillaises, dont Plougastel-Daoulas, Dirinon, Logonna-Daoulas, Irvillac font également partie de la zone toilière mais elles produisent un type particulier de toile, comme on le verra.
- 21 ADQ 10L 229.
- 22 Tanguy (Jean), Finistère, op. cit., p. 50.
8Le tissage à domicile est chose courante dans toute la France avant l’ère industrielle. Un tableau des toiles françaises daté de 1793 fait état de 57 départements et de 116 districts à être dans ce cas21. Outre le Léon, d’autres importantes zones toilières se développent en Bretagne à partir des xve et xvie siècles. Les unes fabriquent des toiles de chanvre : il s’agit des pays de Locronan, de Merdrignac, de Dinan, de Fougères et de Rennes qui produisent surtout des toiles à voiles ; les autres, autour de Quintin, Uzel, Loudéac, Montcontour tissent des toiles de lin. Il n’en reste pas moins que, au xviie siècle, la manufacture des toiles du Léon est, sans conteste, « la plus importante de Bretagne et peut-être la seconde en France après celle de Rouen »22.
- 23 Annuaire statistique du département du Finistère pou l’an XII, p. 147.
- 24 Ibid.
- 25 En 1790, le budget du bureau de visite et de marque de Morlaix se présente comme suit (ADQ 10L 229 (...)
9En Léon, des paysans-marchands de toile – ceux-là même que nous nous proposons d’étudier – répartissent des fils de lin entre des paysans-tisserands et des tisserands ruraux pour collecter des pièces de crées quelques semaines plus tard. Ces marchandises sont ensuite vendues à des négociants de Morlaix ou de Landerneau, qui les acheminent, surtout, vers l’Angleterre ou l’Espagne.À partir de 1736, les ports de Morlaix et de Landerneau jouissent du privilège d’exporter les toiles de lin du Léon. Avant d’être livrées au commerce, celles-ci sont examinées au bureau de visite et de marque situé dans les « Hôtels communs de ces deux villes »23. Elles y sont estampillées après qu’on s’est assuré qu’elles ont les dimensions et les qualités requises. Celles qui sont défectueuses sont coupées « de manière à ne plus être vendues qu’en détail »24. En 1790, le bureau de visite et de marque prélève deux sous par demi-pièce contrôlée.25
- 26 Les états de patente établis en 1798 le disent « commissionnaire de marchandises » (ADQ 13L 106).
- 27 Son rapport se compose de 13 pages imprimées chez R. Malassis de Brest. Il s’intitule Observations (...)
- 28 Son père et son frère Paul, né vers 1754, y exercent cette profession.
- 29 Stofft (Henri) et Ségalen (Jean), Bouëstard, médecin, philosophe, franc-maçon et jacobin, Morlaix, (...)
- 30 AM de Morlaix.
10Nous possédons de précieuses informations sur le commerce de Morlaix en général et, particulièrement, sur celui des toiles grâce au négociant26 Pierre Riou, qui fut consulté sur cette question, en décembre 1789, par le Comité de Commerce de l’Assemblée Nationale27. Né à Brest vers 1745, Pierre Riou y épouse, en premières noces, Marie-Jeanne Mocard. Il s’établit à Morlaix vers 1780, où il convole avec Marie-Jeanne Le Goff, qui appartient à une famille d’orfèvres de cette ville28. À la veille de la Révolution, il est membre de La Fidèle Union, l’une des deux loges maçonniques de l’agglomération29. En 1788, il n’est capité qu’à 30 L (L = livre)30, ce qui revient à dire qu’il figure parmi les négociants les plus modestes de Morlaix. Il meurt à l’âge de 70 ans, en mars 1815, place de la Poissonnerie, dans sa ville d’adoption.
- 31 ADQ 10L 228 Observations... op. cit., p. 7.
- 32 Tanguy (Jean), Quand la toile va, op. cit., p. 61.
11Recourant aux archives du bureau de visite et de marque, Pierre Riou nous apprend que 17 955 pièces de crées sont marquées à l’Hôtel de Ville de Morlaix en 1788. Elles constituent une valeur de 2 740 000 livres31. Comme les crées contrôlées à Landerneau ne représentent que 15 % de celles de Morlaix32, on peut en déduire qu’on n’estampille pas plus de 2 700 pièces sur les bords de l’Elorn, à la veille de la Révolution. Dans ces conditions, la valeur des crées exportées en 1788 est de l’ordre de (2 740 000 + 411 000) 3 151 000 livres, mais ne perdons pas de vue que la production toilière léonarde était quatre fois plus forte, un siècle plus tôt.
Les autres toiles
- 33 Ibid., p. 46.
- 34 ADQ 13L 105.
- 35 Tanguy (Jean), Quand la toile va, op. cit., p. 46.
12Aux crées s’ajoutent, dans la même zone toilière, d’autres toiles qui sont plus grossières. Ce sont des toiles dites « fortes », « d’usage », « de ménage » ou de Morlaix. Elles sont fabriquées par des tisserands qui travaillent sur commande. Les fils, à la différence de ceux qui sont utilisés pour les crées, ne reçoivent qu’une ou deux « buées » ou lessives. Certaines des toiles ainsi tissées sont blanchies, cependant que d’autres sont utilisées telles quelles au sortir des métiers : ce sont, sans doute, écrit Jean Tanguy, les toiles rousses que l’on trouve à la périphérie de la manufacture33. Ainsi, en 1799, les listes de patente signalent Yves Buzaré, marchand de toile rousse à Mescam, en la commune cornouaillaise d’Hanvec34. La plus grande partie de ces toiles fortes est utilisée sur place pour fabriquer des draps, nappes, serviettes, chemises. Les autres sont vendues à des négociants de Morlaix ou de Landerneau, qui les envoient à Bordeaux et Bayonne, d’où elles repartent vers les colonies. De 1750 à 1789, les bureaux de marque de Morlaix et de Landerneau enregistrent, en moyenne, 2 628 pièces par an, qui valent quelque 250 000 L35
- 36 Ibid., p 46-47.
13Outre cette production, on fabrique également des toiles « rayées » ou « à carreaux » dans la zone toilière que nous considérons. Elles sont tissées de fils blancs et de fils teints dans les paroisses proches de Morlaix, notamment dans les terroirs de Guiclan et de Saint-Thégonnec. Leur production est évaluée à 3 000 ou 4 000 pièces par an dans la seconde moitié du xviiie siècle, cependant que leur valeur se situe entre 200 000 et 250 000 L. Ces toiles servent à faire des matelas, des rideaux de lit et de fenêtre de même que des chemises, notamment pour les matelots36.
- 37 ADQ 10L 299 (1790-an IV), note sur les toiles.
14On fabrique encore d’autres types de tissus dans notre zone toilière : ce sont des berlinges et des bernes. Les berlinges sont des étoffes dont la chaîne est en fil de lin et la trame en laine37. Ils ne sont pas destinés à l’exportation.
- 38 Elléouet (J.-M.), Statistique agricole générale de l’arrondissement de Morlaix, Brest, 1849, p. 35 (...)
« Cette étoffe, écrit J.-M. Elléouet vers 1845, forme en grande partie l’habillement des paysans et des paysannes de presque toutes les communes rurales [de l’arrondissement de Morlaix], celles de Saint-Thégonnec et de Pleyber-Christ exceptées, où les habitants sont habillés de drap noir. Une autre partie est employée à confectionner les chapeaux des gens de la campagne et à faire des bas, des camisoles et des matelas »38.
- 39 Annuaire de Brest et du Finistère pour l’an 1835, publié par la société d’émulation de Brest, Bres (...)
- 40 ADQ 10L 299 (1790-an IV), note sur les toiles.
- 41 Ibid.
15De son côté, l’Annuaire de Brest de 1834 précise qu’un habit complet en berlinge ne coûte pas plus de 10 à 12 francs39. Comme les berlinges ne sont soumises à aucun règlement, la quantité de fil de lin et de laine varie d’une étoffe à l’autre40. Au début de la Révolution, la longueur des pièces est de 20, 25 ou 30 aunes (une aune = 1,22m). Leur largeur est de 61 cm. La laine utilisée provient du terroir41.
- 42 Ibid.
- 43 Bothuan (Renée), Étude sur l’économie, la vie sociale et la démographie de la paroisse de Plougast (...)
- 44 Ibid., p. 57.
- 45 Contribution directe créée pendant la Révolution et s’appliquant à toutes les personnes qui exerce (...)
- 46 Ce sont Jean Le Goff, de Kerguilvern, Guillaume Salaün, Alain Le Goff et François Bodénez, de Lava (...)
- 47 Il s’agit d’ Hervé Pellen, de Gorrequer (ADQ 13L 108).
- 48 Ce sont Pierre Kervella, Claude Kervella, Guillaume Le Gall et un certain Le Bot (Annuaire de Bres (...)
- 49 Ibid.
16Deux paroisses, surtout, paraissent spécialisées dans le tissage de berlinges au moment de la Révolution, et probablement bien avant : ce sont les terroirs cornouaillais de Plougastel et d’Irvillac42. Renée Bothuan écrit, en effet, que le terme berlinge revient fréquemment dans les inventaires après décès de Plougastel-Daoulas tout au long du xviiie siècle43. Elle précise, d’autre part, que l’aune de cette étoffe y vaut 30 sous en 1715 ; 40, en 1750 ; 60, en 1780 et que l’importante production de berlinges n’y exclut pas la fabrication de « toiles blanches », dont l’aune est estimée 7 sous en 1716 et 15, en 178244. Les rôles de patente45 d’Irvillac, par ailleurs, confirment la spécialité toilière du terroir : en 1799, on y fait état de dix paysans-marchands de berlinge46. Ces mêmes rôles ne mentionnent qu’un seul marchand de toile47 à Plougastel, cependant qu’on y signale plusieurs dizaines de tisserands. Il y a tout lieu de penser qu’en réalité les marchands de toile y sont nombreux : en 1834, quand la production toilière décline rapidement, on en signale quatre48, qui sont admis à présenter des toiles rurales à l’Exposition de Paris49. La sous-déclaration des marchands de toile de Plougastel dans les rôles de patente s’expliquerait par la volonté d’échapper à cet impôt.
- 50 L’inventaire effectué, en 1754, chez Guillaume Prigent, de Poulloupri en Saint-Méen, nous apprend (...)
- 51 Annuaire de Brest pour l’an 1835, op. cit., p. 180.
- 52 L’étoupe servait, entre autres, à bourrer et à allumer les canons.
- 53 ADQ 25L 98.
17Le terme berne, qui revient dans presque tous les inventaires après décès, désigne une couverture, nous dit le Littré. Il est l’équivalent français des mots bretons ballin50 ou pallen qui ont le sens de « couverture de lit en étoupe »51. L’étoupe est la partie la plus grossière de la filasse de lin ou de chanvre. Comme les toiles « fortes », les bernes sont fabriquées par des tisserands spécialisés. Un état des étoupes52 du district de Lesneven en fructidor an 2 (août-septembre 1794) nous éclaire sur cette question53. À cette époque, 37 habitants de Kernilis, 51 de Saint-Frégant, 78 de Plouider, 118 de Plounéour-Trez, 36 de Bodilis… peuvent fournir de l’étoupe. Certains en signalent des quantités non négligeables. Ainsi, si l’on s’en tient à Plouider, François Le Stang, de Pont-du-Châtel dispose de 70 livres, Yves Bergot, de Kergoff, de 48, Laurent Tanguy de Guengamprou de 50. Le canton de Goulven peut fournir 9 662 livres (Goulven : 802 ; Plounéour : 4 032 ; Kerlouan : 4 828) ; celui de Plounéventer, 2 134 (Plounéventer : 683 ; Saint-Servais : 265 ; Pleugar : 590 ; Bodilis : 596).
- 54 Elégoët (L.), Ancêtres et terroirs – Onze générations de paysans de Basse-Bretagne, Rennes, 1990, (...)
18À cette étoupe, conservée à domicile, s’ajoute celle qui se trouve chez les « tisserands en bernes ». Ainsi, Nicolas Moal, « faiseur de bernes » à la Flèche, en Plouider, a chez lui 64 poids d’étoupe ou 1 024 livres, qui appartiennent à dix-huit particuliers. Hervé Pellen, de Délédan, dans la même commune, fait état de 708 livres qui lui ont été remises par dix particuliers. Jean Gourvennec déclare 964 livres d’étoupe. Il n’est pas rare, notamment dans la zone linière, que des inventaires après décès révèlent la présence de plusieurs dizaines de bernes chez des paysans. En avril 1714, on en compte 54 chez Gabriel Abolivier, de Kermoné en Plounéour-Trez54. Il resterait à être éclairé sur le mode de commercialisation de cette production textile. Quoi qu’il en soit, il apparaît que les bernes, comme les berlinges, ne sont vendues que sur place.
Les tanneries
- 55 En 1790, les départements sont divisés en districts. Le Finistère compte neuf districts.
- 56 Thomas (G.-M.), Notes pour servir à l’histoire de la tannerie dans le Finistère pendant la Révolut (...)
- 57 Elles sont tenues par Thivisiau Abgrall, Étienne Cueff, Alain Abgrall, Joseph Bagot, Guy Bescond, (...)
- 58 Elles sont tenues par Jean Pape, de Perennou et Jean Hamon, de Kerforn (ADQ 13L 105).
- 59 Celle d’Olivier Pouliquen, de Lagatyar (ADQ 13L 108).
- 60 Ce sont celles de Jacquette Le Gall et de Guillaume Auffret, de Tromatiou, d’Hervé Guéguen, du Hel (...)
- 61 À défaut de disposer des rôles de la patente, nous utilisons un document daté du 8 germinal an 2 ( (...)
- 62 Elles sont dirigées par François-Jacques Abgrall, Guillaume Guillou, Paul Jaffrès, François Saliou (...)
- 63 Charpy (J.), op. cit., p. 326.
- 64 Ici, arrondissement a le sens de zone de rayonnement.
- 65 Observations sur le commerce… op. cit., p. 10.
19La production de toiles n’est pas la seule activité manufacturière de la zone que nous considérons ; on y fabrique encore du cuir, du papier et du tabac. Au milieu de la Révolution, le district55 de Morlaix compte 14 tanneries, dont 12, à Morlaix et 2, à Saint-Pol-de-Léon56. Celui de Landerneau en totalise une bonne centaine en 1799, si l’on se fonde sur les rôles de patente. Trente de ces tanneries sont sur le territoire de Landivisiau57, deux à Guimiliau58, une à Loc Eguiner-Ploudiry59, six à Locmélar60, quatorze à Landerneau61 et 49 à Lampaul-Guimiliau62, dont c’est la grande spécialité. Cette commune, qui compte environ 2 000 habitants en 180063, possède donc une tannerie pour 40 habitants. Hormis celles de Landerneau et d’une partie de Landivisiau, ces tanneries sont exploitées par des paysans-tanneurs. Le nombre exceptionnel de tanneries de ce coin de terre est lié à des initiatives individuelles, à la tradition et à l’importance de l’élevage. Dans son rapport daté de 1789, Pierre Riou estime que l’on abat, annuellement, 60 000 veaux dans l’arrondissement64 de Morlaix. Il considère, en outre, que les peaux de veaux (5 058 douzaines), de génisses (5 073 dznes) et de vaches (10 dznes), qui sont sorties du port de Morlaix entre le 1er janvier et le 30 novembre 1789, représentent un capital de près de 290 000 livres65.
- 66 Thomas (G.-M.), art. cit., p. 42.
20Si la tannerie est active à Morlaix dès le xve siècle66, il apparaît que les habitants de Lampaul-Guimiliau sont regardés comme des spécialistes du cuir avant la fin du xvie siècle.
- 68 Leclerc (Guy), Pleyben, la rogue paroisse, Châteaulin, s.d, p. 9.
21Les archives paroissiales de Pleyben attestent qu’une nuit de l’an 1599, des paysans de Lampaul, trève de Guimiliau, sont effectivement venus « deffaire et prendre une grande cloche appartenant à l’église paroichiale de Pleyben, dénommée la dicte cloche la “Katherine” »68.
- 69 Kerhervé (Jean), Roudaut (François), Tanguy (Jean), La Bretagne en 1665 d’après le rapport de Colb (...)
- 70 Derrien (Dominique), La tradition du cuir dans la région de Landivisiau 1760-1960, Brest, 1990 (mé (...)
- 71 Ogée, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, Rennes, 1843 p. 437.
- 72 Ibid., p. 434.
- 73 Derrien (Dominique), op. cit., p. 155.
22En 1665, Charles Colbert mentionne l’importance du commerce des cuirs qui s’apprêtent et se débitent dans le pays de Landivisiau69. C’est cependant dans la deuxième moitié du xviiie siècle que la tannerie de ce même pays atteint son apogée, si l’on se fonde sur le travail de Dominique Derrien70. En tout cas, il est manifeste qu’elle décline dès les premières décennies du xixe siècle. Vers 1840, les continuateurs d’Ogée écrivent à propos de Landivisiau : « La tannerie, jadis florissante, est beaucoup réduite maintenant ; cependant il y a encore 16 tanneries tant grandes que petites »71. Leurs observations sont analogues à propos de Landerneau : « Autrefois, écrivent-ils, Landerneau faisait un commerce considérable de toiles et de tannerie. Aujourd’hui, cette production a bien baissé car on ne compte plus dans cette ville qu’une seule tannerie »72. À Lampaul-Guimiliau, le nombre des tanneries tombe de 49 en 1799 à 25 en 1876 et 9 en 190173.
- 74 Cambry (Jacques),Voyage dans le Finistère, Paris, ré-édit. de 1979, p. 245.
- 75 ADQ 6 M 369.
- 76 Derrien (D.), op. cit., p. 156.
23Il semble qu’elles ne comptent qu’un petit nombre de salariés, quand elles ne sont pas tout simplement exploitées par les domestiques des fermes-tanneries. « Chaque tannerie, écrit J. Cambry en 1794, emploie trois ou quatre ouvriers, quelquefois douze ou quinze »74. En 1836, la ferme-tannerie de Maurice Abgrall, de Roc’haouren en Lampaul-Guimiliau, comporte sept domestiques ; celle d’Hervé Abgrall, dans la même commune, en compte cinq ; celles d’Alain Mazé et de Jean-Marie Corre, quatre ; celle de Laurent Pouliquen, trois ; celle de Jean Grall, deux75. En 1906, à Lampaul, la tannerie Boucher se distingue des autres par le fait qu’elle emploie 24 personnes76
- 77 ADQ 6M 369.
- 78 Ogée, op. cit., p. 513.
24Les tanneries sont également créatrices de nombreux emplois en amont. Une note de recensement de 1851 précise que « tous les cultivateurs de Lampaul font le commerce de l’écorce de chêne »77. De leur côté, les continuateurs d’Ogée écrivent, vers 1840, au sujet de Locmélar : « Autrefois, cette localité avait une industrie commerciale, celle de la préparation de l’écorce de chêne pour la tannerie. Quoiqu’elle soit bien réduite aujourd’hui, cette industrie suffit encore à beaucoup de cultivateurs pour payer le prix de leurs fermages »78.
- 79 ADQ 24L 49 lettre de la municipalité à l’agent national du district, 4 floréal an 2 (23 avril 1794 (...)
25De l’écorce de chêne séchée on tire le tan qui est indispensable à la transformation des peaux en cuirs. En 1794, la municipalité de Landerneau considère que les 35 à 40 tanneurs de la ville – maîtres et ouvriers compris – utilisent quelque 4 000 barriques de tan par mois79. Elle estime, par ailleurs, qu’un écorceur produit trois ou quatre barriques de tan par décade, soit de 9 à 12 par mois. Il faut, dès lors, 400 écorceurs pour approvisionner en tan la petite quarantaine de tanneurs landernéens. Dans ces conditions, on comprend mieux les témoignages de ces vieillards du pays de Lampaul, qui se rappellent qu’au début du xxe siècle encore, de nombreuses équipes d’écorceurs de Saint-Sauveur, Locmélar, Landivisiau, Guimiliau, Lampaul allaient à Guiclan, Pleyber-Christ, Pleyben, Lopérec récolter le produit nécessaire à l’industrie de leur terroir.
- 80 Thomas (Georges-Michel), Chroniques du vieux Landivisiau, Brest, 1971, p. 174.
- 81 Ces marchands de tan sont Allain Pouliquen de Luzuguenter, Guillaume Pouliquen de Guernospic, Fran (...)
26L’écorce de chêne est pulvérisée en des moulins à tan situés autour de Landivisiau. En 1811, on en signale à Lézérazien, en Guiclan, à Traonvilin et au Moulin-Pochant en Lampaul, à Goasmoal en Ploudiry, à Kerbalanec et à Creac’h-bleiz en Guimiliau, à Boscornou, en Locmélar80. Il apparaît que des marchands de tan jouent, dans certains cas, les intermédiaires entre les écorceurs et les tanneurs. Huit habitants de Lampaul81 sont ainsi assujettis à la patente en 1799.
- 82 Derrien (D.), op. cit., p. 37.
- 83 Ibid., p. 43 et sq.
- 84 Ibid., p. 45.
- 85 Ibid., p. 40-41.
27Le processus de tannage d’une peau varie d’un an et demi à deux ans82. Dans cette mesure, l’Encyclopédie affirme que c’est une activité qui « demande de grosses avances ». Le traitement des peaux exige plusieurs manipulations, comme le montre D. Derrien83. Les investissements des tanneurs consistent en peaux, en tan, en fosses ou douves, en séchoirs et en quelques outils spécifiques84. Lors d’un bornement de communauté effectué, en 1786, à Traon-Vilin en Lampaul, à la demande de Milliau Bodros, on y inventorie quarantes douves de cuir ; chacune d’entre elles peut contenir seize peaux de bœuf. Par ailleurs, le tanneur possède en stock 506 couples de peaux de bœuf apprêtées85.
- 86 Moal (Philippe) et Carrer (Marie-Louise), À l’origine des « julots » : les grands marchands toilie (...)
28Si la tannerie procure du travail et un complément de ressources à nombre d’habitants de Lampaul et des environs, elle enrichit, surtout, les maîtres-tanneurs. Entre 1750 et 1789, sur 13 inventaires après décès de tanneurs du pays de Landivisiau dont la valeur mobilière dépasse les 5 000 livres, cinq se situent entre 5 000 et 10 000 L, quatre, entre 10 000 et 15 000, un, entre 15 000 et 20 000, et trois, entre 20 000 et 25 000 L86. Ces chiffres sont impressionnants quand on sait que plus de la moitié des inventaires après décès de ce même terroir accusent une valeur mobilière inférieure à 1 000 L.
- 87 Brousmiche (Jean-François), Voyage dans le Finistère en 1829, 1830 et 1831, Quimper, 1977, p. 119.
- 88 ADQ 3M 24. Ces cinq tanneurs sont Maurice Abgrall, de Roc’haouren, Allain Abgrall, Laurent Pouliqu (...)
29Vers 1830, J.-F. Brousmiche écrit au sujet de Lampaul : « dans cette [...] commune, on trouve des tanneurs et des corroyeurs presque dans chaque hameau. À Lampaul, il se trouve des tanneurs qui possèdent depuis trois mille jusqu’à cinquante mille francs de revenu »87. Même si ce dernier chiffre est exagéré, comme on le verra plus loin, il est certain que les maîtres-tanneurs continuent de tenir le haut du pavé dans leur terroir. Sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), il faut acquitter un minimum de 200F d’impôts directs pour accéder au droit de vote : moins de 2 % des Finistériens en âge de voter sont dans ce cas, dans les années 1830. En 1831, cinq maîtres-tanneurs de Lampaul-Guimiliau dépassent, et largement quelquefois, cette barre du cens électoral88.
- 89 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 102 sq.
- 90 ADQ 13L 105.
30Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que les paysans-tanneurs fassent partie du même groupe social que les paysans-marchands de toile. Il arrive, du reste, que des marchands de toile deviennent tanneurs ou que des paysans riches soient à la fois marchands de toile et tanneurs. On constate ce fait avant comme après la Révolution. P. Moal et M.-L. Carrer font état d’une petite dizaine d’habitants de Locmélar, Sizun, Landivisiau et Lampaul-Guimiliau qui sont dans ce cas, au xviiie siècle89. À l’extrême fin de la Révolution, Maurice Abgrall, Milliau Bodros et Laurent Pouliquen, tous trois de Lampaul, sont assujettis à la patente en tant que marchands de toile, alors qu’il est évident qu’ils sont également tanneurs90.
- 91 On trouve des exemples dans les généalogies Queinnec, Boucher, Pouliquen, Soubigou, Abhervé-Guégue (...)
- 92 Elle a été établie par François Grall (1926 à Landivisiau, † 1985 à Chantilly).
- 93 D’après un tableau généalogique établi par le Chanoine J. Thomas
31Si les tanneurs se marient de préférence dans leur catégorie professionnelle, il n’est cependant pas rare qu’ils prennent leur conjointe dans le milieu des marchands de toile. La plupart de leurs généalogies nous en donnent des exemples91. La plus significative, à cet égard, nous paraît être celle du tanneur Joseph Grall (1886-1968), de Landivisiau92. Son tableau généalogique laisse apparaître de nombreux marchands de toile, dès lors que l’on remonte à la quatrième génération. On y trouve des Perrot, Tanguy, Saliou, Rolland, Cadour, Menez, Le Roux, Le Saint, Mével, Le Dantec. Au milieu du xviie siècle, sauf erreur, les Grall eux-mêmes sont marchands de toile à Saint-Méen93.
Les Juloded
- 94 Landi = Landivisiau
32L’utilisation d’un même terme pour désigner les marchands de toile et les tanneurs atteste encore de l’appartenance de ces deux catégories professionnelles à un même groupe social. Ce vocable est chulod ou julod dont le pluriel est chuloded ou Juloded. Il semble que l’on soit là en présence d’une ancienne mutation : on dira Chuloded Landi94, mais ar Juloded.
- 95 Hebdomadaire catholique publié à partir de 1865 en breton.
- 96 Pol de Courcy, La Bretagne contemporaine, 1865, t. III, p. 83.
33Le mot julod a aujourd’hui le sens de paysan riche, voire, tout simplement, celui de riche avec une certaine pointe de dérision. Mais, dans les années 1860 et 1870, il ne s’applique qu’aux marchands de toile et aux tanneurs comme l’attestent Pol de Courcy en 1865, Feiz ha Breiz95 en 1867, R.-F. Le Men en 1879, et un auteur anonyme d’articles sur les marchands de toile paru dans l’Écho de Morlaix en janvier 1876. « Les familles de Judot ne croient pas déroger en faisant le commerce, mais elles ne travaillent pas elles-mêmes la terre »96, écrit Pol de Courcy, qui est le seul à employer le terme Judot. En mars 1867, sous le pseudonyme de Lañ an Dall, l’un des auteurs de Feiz ha Breiz désigne clairement les paysans-marchands de toile sous le vocable Juloded.
- 97 Cité dans « Un paysanisme breton » Feiz ha Breiz (1865-1875) et la société bretonne, Ronan Calvez (...)
- 98 Le Men (R.-F.), « Notes ethnographiques relatives aux julots », BSAF, 1879, p. 55.
« Que de gens autrefois, écrit-il, en breton, des gens des campagnes, surtout en Haut-Léon, s’élevaient en blanchissant du fil, en vendant de la toile blanche, devenaient des Juloded, semblables aux Messieurs des villes, achetaient de belles rentes et laissaient de belles rentes à leurs enfants… »97.
« Des renseignements que j’ai recueillis en diverses paroisses, écrit, de son côté, R.-F. Le Men en 1879, il semble que dans le principe on donnait le nom de julots à des individus qui au lieu de s’occuper, au moins d’une manière exclusive, du travail de la terre, exerçaient une industrie dans la campagne. On sait que l’industrie de la toile et celle de la tannerie furent jadis très florissantes dans le territoire de Landivisiau et des paroisses voisines. On n’ignore pas non plus qu’elles ont enrichi un grand nombre de ceux qui les ont exercées… »98.
- 99 Écho de Morlaix du 8/1/1876 et du 12/1/1876.
34De son côté, l’auteur anonyme de l’Écho de Morlaix, qui a une bonne connaissance des marchands de toile, nous dit que l’appellation julod « ne s’appliquait point à la population entière d’une région, mais seulement aux membres d’un petit nombre de familles formant une espèce d’aristocratie rurale… »99.
- 100 Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie deBretagne, origine du mot « julod », art. de G (...)
35Le terme julod pose un double problème : celui de la date ou de l’époque de son apparition dans le Léon et celui de sa signification. En 1876, il ne figure dans aucun dictionnaire français ou breton, si l’on se fonde sur l’article anonyme de l’Écho de Morlaix. C’est en 1865 qu’il est mentionné pour la première fois, encore qu’il s’agisse de la forme judot. Il est pourtant fort probable que ce terme existait bien avant cette date. L’auteur anonyme de l’Écho de Morlaix écrit que « le sens qu’on donne au mot julod […] doit lui appartenir depuis longtemps ». S’interrogeant, en 1982, sur la signification de ce même terme, Gwennolé Le Menn conclut que « ce ne serait pas le seul mot qui ait franchi des siècles sans être noté. Il faut de plus relever, ajoute-t-il, que les surnoms, termes souvent très localisés, sont généralement écartés par les lexicographes »100. Quoi qu’il en soit, nous allons utiliser le vocable commode de Juloded pour désigner le groupe social des paysans-marchands de toile et des paysans-tanneurs, tout en admettant qu’il serait plus juste de distinguer pré-Juloded et Juloded, si nous connaissions l’époque de l’apparition de ce terme.
- 101 Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, « Une caste paysanne du Haut-Léon (...)
- 102 AM de Landivisau, acte de mariage du 18 nivôse an 12.
- 103 Le Lien, « Les julods », art. de Jean-Milliau Garion, 3e trimestre 1992, n°43, p. 11.
- 104 Creston (René-Yves), Le costume breton, Paris, 1978, p. 187 (1e édit 1953). « La mode vestimentair (...)
36Il reste à s’interroger sur le sens du sobriquet que nous considérons. Plusieurs hypothèses ont été émises à son sujet mais « l’irritant problème étymologique demeure pendant » écrit Yves Le Gallo101. De notre côté, nous proposons une tentative d’élucidation. La présence d’un Désiré Julaude à Landivisiau au début du xixe siècle nous a intrigué. Né, en octobre 1773, à Guer, à l’est du Morbihan, ce Désiré Julaude est caporal de recrutement à Landivisiau, lorsqu’il épouse, le 9 janvier 1804, Marie-Thérèse Calvez, 19 ans, fille de Georges Calvez, jurisconsulte, et de défunte Gilette Kerdilès102. Trois enfants lui naissent dans cette bourgade avant qu’il ne la quitte vers 1810. Blessé à la bataille de Lutzen, le 2 mai 1813, il meurt sept mois plus tard à l’hôpital militaire de Wissembourg dans le Bas-Rhin103. Existe-t-il un rapport quelconque entre cet homme et des éléments du groupe des marchands de toile et des tanneurs ? L’auteur anonyme de l’Écho de Morlaix pense que le sobriquet julod « tient à un détail du costume » des Juloded. On peut se demander, dans cette mesure, s’il n’y avait pas quelque chose de commun entre la tenue vestimentaire de Désiré Julaude et celle d’une partie de l’aristocratie paysanne du Haut-Léon, d’autant que R.-Y. Creston parle des « habits dits “à la française” du groupe Julod de Saint-Thégonnec et Landivisiau »104. Un autre indice nous incite à nous interroger encore davantage sur le rôle joué par ce caporal de recrutement. Établissant en 1815 les tables décennales de l’état civil landivisien, le scribe mentionne la forme julode au lieu de julaude. S’agit-il d’une simple erreur ou est-ce lié au fait que le sobriquet s’écrivait déjà ?
- 105 Gautier (A.), curé de Rochefort-en-Terre et de Pluherlin, lettre du 13 juin 1985.
- 106 Esnault (Gaston), Danvez Geriadur, Hor Yezh, Lesneven, n° 65, 1970, p. 323.
37Le patronyme Julaud paraît rare aujourd’hui – la forme Julaude n’apparaît plus. En 1985, le Minitel nous a révélé un total de huit Julaud en Bretagne : un à Nantes et sept en Ille-et-Vilaine. Ceux-ci sont à Rennes, à Pont-Péan et dans une zone proche du Morbihan et de Guer, c’est-à-dire à Pipriac, à Sainte-Marie et à Redon. Le patronyme Julot est, par ailleurs, attesté à Josselin vers 1680. Un bon connaisseur de la langue gallèse105 nous écrit que Julaud – on prononce Julàou – signifie Jules, Julien. De son côté, Gaston Esnault fait le même rapprochement, en précisant que vers 1859 Julien avait le sens de « paysan endimanché » dans la région du Mans106. Il apparaît, par conséquent, que julod est un terme gallo. Il reste à connaître les circonstances de son implantation en Léon. Il ne serait pas surprenant que la réponse soit du côté de Désiré Julaude.
Les papeteries et la Manufacture de tabacs
- 107 ADQ 10 L 228, Observations sur le commerce de la ville... op. cit., p. 9.
- 108 Pierre Riou est toujours très précis ; il dit 109 130 rames. Nous nous permettons d’arrondir ses c (...)
- 109 ADQ 10 L 228 Observations... p. 9.
38À la veille de la Révolution, ce sont 28 moulins, nous dit Pierre Riou, qui approvisionnent en papier les marchés de la ville de Morlaix107. Ils donnent du travail à 224 ouvriers qui, en 1788, fabriquent 109 000 rames108 de papiers divers, dont 106 250 sont exportées, notamment en direction du Portugal et de la Hollande. Ces ventes rapportent 183 000 livres à Morlaix109.
- 110 Au sujet de la fabrication du papier et de la répartition des moulins, on pourra se reporter au tr (...)
- 111 Au sujet de ce moulin, on pourra se reporter à l’article de Thomas (G.-M.) dans le BSAF 1979, p. 2 (...)
39Toutes ces rames ne proviennent pas de la zone toilière. Les moulins à papier de la région de Morlaix sont dans le Trégor comme dans le Léon. Les plus connus du Trégor se trouvent à Plounevez-Moédec, Belle-Isle-en-Terre, Loguivy-Plougras, Garlan, Le Cloître-Saint-Thégonnec et à Plourin-les-Morlaix où on en compte six110. Ceux du Léon se localisent à Saint-Martin-des-Champs (Kervaon), à Pleyber-Christ (Glaslan, Rosanvern, Roudougoualen, Buzulzou, Bel-Air, Quirin, Poullaouen, Lan-ar-C’hoat, Kermorin), à Taulé (Penhoat et Pen-ar-Vern), à Saint-Thégonnec (Lotéric, Coasvout). À ces moulins situés dans la zone de rayonnement de Morlaix s’ajoutent ceux qui exportent leur production par Landerneau. C’est le cas des moulins de Pen-ar-fers en Ploudiry111, de Brézal en Plounéventer, des Justices en Plouédern et de Landerneau.
- 112 Kemener (Yann-Ber), op. cit., p. 25-26.
- 113 Pont-Pol, moulin à papier, moulin à teiller, Fons de Kort, Morlaix, 1988, p. 4.
- 114 Pellan (Jean-François), Les papetiers (travail généalogique consacré aux papetiers), s.l. 1991.
- 115 Ibid. D’après les lieux d’origine qui y sont mentionnés.
40Si les moulins à papier apparaissent en Basse-Bretagne dès le xve siècle112, c’est au xviie siècle que leur nombre devient important. Leur matière première consiste en chiffons que des colporteurs appelés pilhouaerien, chiffonniers, collectent dans les campagnes. Ce sont des Bas-Normands qui implantent de nombreuses papeteries en Basse-Bretagne à partir du début du xviie siècle. C’est ainsi que l’on voit Jullien Cordier « papetier originaire de Normandie » fonder le moulin à papier de Glaslan (Pleyber-Christ) en 1629113. Nombreux sont les papetiers originaires des diocèses d’Avranches et de Coutances qui s’établissent dans notre région au xviie siècle114. Ils proviennent surtout des paroisses de Sourdeval, de Brouains, de Perriers, de Vengeons, de Saint-Germain-de-Tallevende, c’est-à-dire d’un coin de terre situé entre Vire et Sourdeval, à la limite des actuels départements de la Manche et du Calvados115.
- 116 Ibid.
41Parmi ces papetiers, on trouve de nombreux Alexandre, Anthony, Barbot, Bonnet, Brunet, Chevalier, Collet, Cordier, Dabo, Durant, Duval, Faudet, Fouillard, Fournerie, Gigant, Gaunay ou Gauné, Georget, Gille, Goupil, Guédon, Homo, Huet, Josse, Jorran, Juhel, Le Gorgeu, Le Loutre, Le Maître, Lemoine, Le Soutinier, Miel, Mignot, Moulin, Page, Pain, Pihan, Piton, Poitevin, Renaut116. Le plus souvent, ces papetiers se marient entre eux plusieurs décennies après leur installation en Bretagne. Ainsi, le 19 septembre 1766, Louis Moulin, né de Louis et d’Anne Le Maître, originaire de Plourin, diocèse de Tréguier, épouse en l’église de Pleyber-Christ, Jeanne Alexandre, fille de Jean et d’Isabelle Grall. Les témoins sont Jean Alexandre, Jacques Moulin, François Sagory et Louis Georget. Il arrive que ces papetiers fassent plusieurs lieues pour se marier. C’est ainsi que l’on voit Jean Poitevin, de Tonquédec, près de Lannion, venir à Pleyber-Christ, afin de convoler avec Marguerite Chevalier. Toussaint Bauchin, papetier à Melgven, près de Concarneau, vient à Ploudiry épouser Françoise Le Loutre.
42Le nombre des papeteries diminue dans la deuxième moitié du xviiie siècle et encore davantage au cours des premières décennies du siècle suivant.
- 117 Il s’agit de Brézal en Plounéventer.
- 118 En 1828, ce moulin emploie 18 ouvriers et fabrique 28,5 tonnes de papier par an. En 1836, Michel L (...)
- 119 Annuaire de Brest et du Finistère pour l’an 1835, Brest, 1834, p. 178-179.
« Le département, lit-on dans l’Annuaire de Brest et du Finistère de 1834, possédait un assez grand nombre de petites papeteries qui ont successivement disparu et qui ont abandonné cette branche d’industrie à un nombre très restreint d’usines. Les plus importantes sont celles de M. Andrieux à Morlaix ; Madame Painchaut, dans la même ville ; M. Le Hideux près de Pont-Christ117 sur l’Elorn118. M. Andrieux fabrique le papier à la mécanique. Tous ces papiers sont d’un bon usage, mais restent cependant bien en arrière des produits d’Annonay et d’Angoulême. Leur prix peu élevé les fait rechercher dans le pays »119.
- 120 D’après les rôles de la patente.
- 121 D’après les listes nominatives de recensement et les registres d’état-civil.
- 122 ADQ 13L 106.
- 123 ADQ 13L 111.
- 124 Ibid.
43À la fin du xviiie siècle, les papetiers, qui ont généralement fait souche en Bretagne, commencent à se reconvertir. Il semble que le petit commerce les attire plus particulièrement. Des Huet, Piton, Fournery, Georget, Gille, Blanchard, Fouillard sont aubergistes ou cabaretiers à Commana, Sizun, Pleyber-Christ, Saint-Thégonnec, Plounéour-Menez, Guiclan à la fin de la Révolution120 ou au cours des premières décennies du xixe siècle121. Rares sont les papetiers qui se tournent vers la tannerie ou la marchandise de la toile. À la fin de la Révolution, on en repère trois dans la première activité : F.-M. Georget, J.-F. Fournery et Jean-Maurice Le Maître sont tanneurs à Morlaix122 ; et deux seulement dans la seconde : ce sont Jean-Hervé Le Loutre, au bourg de Saint-Thégonnec123 et Alain Piton, au bourg de Saint-Sauveur124. Tout aussi rares sont les mariages entre papetiers et Juloded. Cela s’explique surtout par le fait que les descendants des Bas-Normands venus des pays de Vire et de Sourdeval n’ont pas atteint le niveau économique suffisant, pour pénétrer l’aristocratie paysanne du Haut-Léon.
- 125 Le Finistère de la Préhistoire à nos jours, sous la direction d’Yves Le Gallo, Saint-Jean-d’Angély (...)
- 126 À cette date, le quintal vaut 100 livres ou 50 kg.
- 127 Annuaire statistique du département du Finistère pour l’an XII, op. cit., p. 149.
- 128 Ibid.
- 129 ADQ 10L 228 Observations..., op. cit., p. 7.
44Située à l’extrémité du quai de Léon à Morlaix, la Manufacture de tabacs est mentionnée pour la première fois en 1689. Elle progresse tout au long du xviiie siècle : estimé à 500 000 livres en 1689, son revenu annuel s’élève à 8 440 000 livres en 1789125. À cette date, elle consomme 31 000 quintaux126 de tabac et produit 1 800 quintaux de tabac en carotte et 11 000 quintaux de tabac à fumer, que la Ferme générale vend dans tout le royaume en vertu de son privilège exclusif127. Si l’on en croit Pierre Riou, les 750 ouvriers128 qui y sont employés ne profitent guère des importants bénéfices que la Manufacture réalise. Constatant, en 1789, la rapide diminution des métiers à tisser de la zone toilière, ce négociant morlaisien fait remarquer que cela ne peut qu’accroître le nombre des miséreux. Ceux-ci, ajoute-t-il « se sont, en partie, plongés dans l’esclavage des moulins de la Manufacture du tabac, instrument plus propre à la destruction de l’espèce humaine qu’à sa conservation »129.
L’agriculture
- 130 Elléouet (J.-M.), Statistique agricole générale de l’arrondissement de Morlaix, Brest, 1849. J.-M. (...)
- 131 ADQ 6M 977. Tableau comparatif. Né en mars 1788, Hugues Querret est avoué à Morlaix, où il acquitt (...)
45Quelle que soit l’importance des manufactures dans la zone toilière à la veille de la Révolution, on ne peut perdre de vue que l’agriculture y occupe plus de 75 % de la population. Ne disposant que de données très fragmentaires sur les cultures que l’on y pratique vers 1789, nous allons recourir à des sources relatives aux années 1830 et 1840. Mais, faute d’indications précises sur l’ensemble de la zone toilière, nous sommes réduits à exploiter des informations qui concernent l’arrondissement de Morlaix. Cette circonscription comprend des cantons complètement toiliers (Landivisiau, Saint-Thégonnec, Sizun), d’autres qui ne le sont que partiellement (Taulé, Plouzévédé, Plouescat) et d’autres qui ne le sont guère. Il nous semble cependant que cet arrondissement donne un bon aperçu des activités agricoles de la zone toilière. Le graphique ci-contre est effectué à partir des informations fournies par les travaux de deux membres éminents de l’Association Bretonne : Jean-Marie Elléouet130 et Hugues Querret131.
46Quoique l’agriculture ne progresse que fort lentement au cours des premières décennies du xixe siècle, il apparaît que quelques changements y sont intervenus depuis le début de la Révolution. Les jachères reculent partout et disparaissent complètement, ou presque, dans les zones littorales. L’explication de cette opposition entre les communes proches de la mer et celles de l’intérieur nous est fournie par J.-M. Elléouet :
- 132 Il s’agit du treaz ou trez.
- 133 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 100.
« La supériorité de la culture de l’Armorique (= zone littorale), écrit-il en 1849, sur celle de l’intérieur tient évidemment à la faculté qu’a le cultivateur riverain de la mer de se procurer du goëmon pour engrais et du sable calcaire132 pour amender ses terres granitiques »133.
- 134 Le Finistère de la Préhistoire à nos jours, op. cit., p. 192.
- 135 ADQ 6M 977. Commission des statistiques.
- 136 Cambry (J.), op. cit., p. 31.
47On peut s’étonner que les landes, comme l’exprime le tableau, occupent le tiers de la surface agricole utilisée vers 1840. Il semble pourtant, si l’on en croit Gallois de la Tour, qu’elles ont sérieusement reculé depuis1733. À cette date, cet intendant estimait que 46,7 % des terres de la subdélégation de Landivisiau étaient incultes134. La culture de la pomme de terre, dont la valeur n’est pas précisée, n’est apparue qu’au début du xixe siècle. La culture du lin, qui se pratique sur les riches terres de la future « Ceinture dorée », tend à reculer. Comme sous l’Ancien Régime, les céréales occupent de loin la première place, bien que leurs rendements soient plutôt faibles. Vers 1840, on obtient 6 grains de blé pour un grain semé, 8 pour le seigle, 8 à 10 pour l’avoine, le double pour le sarrasin ou blé noir135. Si l’on en croit Cambry, les résultats étaient sensiblement les mêmes au début de la Révolution136.
- 137 ADQ 25L 59. État des grains et légumes expédiés du port de Pontusval.
- 138 Du Châtellier (A.), Recherches statistiques sur le département du Finistère, Nantes, 1837, p. 100.
- 139 Tanguy (J.), La Bretagne province (1532-1789) et les pays celtes du xvieà la fin du xviiiesiècle, (...)
- 140 ADQ 6M 977.
48Avant celle-ci, comme au cours des décennies qui la suivent, le Léon est un véritable « grenier à blé ». En 1792, le petit port de Pontusval, en Brignogan, expédie plus de 1 200 tonnes de froment en direction de Brest, de Blaye et de Bordeaux137. En 1834, le port de Landerneau exporte plus de 5 000 tonnes de grains138. Il apparaît que c’est le développement de la culture du blé noir, introduite en Bretagne au xvie siècle, qui permet à cette province d’exporter plus de 50 000 tonneaux de froment certaines années du xviiie siècle139. On consomme de la farine de sarrasin sous diverses formes (far, crêpes, bouillie) et on vend le froment. L’enquête sur la mendicité dans le Léon, effectuée en 1774, indique, à propos de Plounevez-Lochrist, que le blé noir constitue « la moitié de la nourriture des laboureurs ». Un rapport préfectoral daté de 1802 signale que le blé noir « entre pour le tiers dans la subsistance des habitants des campagnes »140. On y ajoute qu’une mauvaise récolte de sarrasin, qui survient en moyenne tous les trois ans, fait augmenter considérablement le nombre des mendiants. Dans ces conditions, on comprend mieux la formule de P. Ariès selon laquelle le blé noir est, en Bretagne, une « céréale de civilisation ».
- 141 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 385.
- 142 ADQ 6M 997. Nous utilisons les valeurs avancées par Querret plutôt que celles d’Elléouet. Le premi (...)
- 143 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 385.
- 144 D’après des inventaires après décès.
49Vers 1840, l’arrondissement de Morlaix compte 27 800 chevaux, 60 600 bovins et 17 700 porcs141. Ce qui représente une valeur de 4 700 000 F142, alors que celle des productions végétales est de 20 600 000 F. L’élevage porcin n’occupe qu’une place mineure. En revanche, les élevages bovin et, surtout, équin sont prépondérants. L’arrondissement de Morlaix compte 3 264 bœufs143, au début des années 1840, dont un bon nombre est attelé. Au nord de la route Landerneau-Morlaix, on ne tire guère parti que de la force des chevaux, alors qu’au sud de ce même axe, on attelle bœufs et chevaux144.
- 145 Bossard (Albert), Gouesnou d’hier et d’aujourd’hui, Ploudalmézeau, 1977, p. 71.
- 146 Le Finistère de la Préhistoire à nos jours, op. cit., p. 196.
- 147 Ibid.
50Même si la valeur des animaux est plus de quatre fois inférieure à celle des végétaux, il n’en demeure pas moins que les productions animales constituent une part importante des exportations agricoles. Des ports de Landerneau et de Morlaix, on expédie viande, beurre, suif, graisse, miel et cire, cependant que des milliers de chevaux sont vendus aux foires spécialisées de Lanhouarneau (1er mai), de Gouesnou (veille de l’Ascension)145, de la Martyre (2e lundi de juillet jusqu’au jeudi), de Lesneven (25 juillet ), du Folgoët (29 août-3 septembre), de Morlaix (Foire haute les 15 et 16 octobre)146. Dès le xviie siècle, on y signale des marchands qui viennent de Normandie, du Maine, d’Anjou, du Poitou147.
- 148 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 385.
- 149 ADQ 10L 228, Observations..., op. cit., p. 12. Toujours précis, Pierre Riou écrit que le miel expo (...)
- 150 Une barrique = 223,5 litres. Calculé sur 19 barriques de miel, le poids moyen d’une barrique plein (...)
- 151 Un tierçon = 149 litres, soit les deux-tiers de la contenance de la barrique.
- 152 Observations..., op. cit., p. 12.Rappelons que le quintal de cette époque vaut 100 livres.
- 153 Trois méthodes de calcul nous donnent très sensiblement ce résultat : la densité du miel (env. 1,5 (...)
51Dans la mesure où la volaille n’apparaît presque jamais dans les inventaires après décès, il convient de signaler la présence de canards et de poules dans les fermes de l’arrondissement de Morlaix. Selon J.-M. Elléouet, vers 1840, les premiers valent 13 500 F et les secondes, 29 200148. Nettement plus importante est la place de l’apiculture qui, selon ce même auteur, produit annuellement une valeur de 92 500 F. En 1789, Pierre Riou lui accorde une place encore plus grande : le miel expédié du port de Morlaix en direction de la Hollande représente une valeur de près de 126 000 livres149, soit les trois-quarts du montant du papier exporté par ce même port. Ce sont 962 barriques de miel150 et 19 tierçons151 qui sont ainsi embarqués « au prix commun de 20 livres le quintal »152, nous dit Pierre Riou qui est précis et bien informé. L’ensemble du miel exporté représente donc 315 tonnes153.
- 154 Riou (P.), op. cit., p. 11.
- 155 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 385.
- 156 Du Châtellier (A.), op. cit.
- 157 Cambry (J.), op. cit., p. 246.
52La cire, qui est également exportée notamment vers Rouen et Paris154, vaut le tiers du prix du miel, selon J.-M. Elléouet155, le cinquième selon A. du Châtellier156. Il est probable que les exportations de miel et de cire sont aussi importantes à partir des ports du Bas-Léon : en 1813, A. du Châtellier estime qu’il y a sensiblement le même nombre de ruches dans les arrondissements de Brest et de Morlaix. En 1794, J. Cambry écrit à propos du district de Landerneau : « On élève beaucoup d’abeilles dans ce district ; il n’est guère de cultivateur qui n’en possède… »157.
- 158 Annuaire de l’an XII, op. cit., p. 144.
- 159 Elégoët (Louis), L’apiculture dans la région de Morlaix à la fin du xviiiesiècle, (Mélanges à Jean (...)
- 160 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 254.
53Sachant qu’un tiers du miel produit est consommé sur place158, on peut estimer que la production de la zone de rayonnement du port de Morlaix dépasse les 400 tonnes, dont plus du tiers provient du Haut-Léon. L’arrondissement de Brest, nous est-il dit, produit autant que celui de Morlaix. Dans ces conditions, la production de miel en Léon dépasse les 300 tonnes159. En 1789, le miel de cet évêché vaut donc plus de 130 000 livres, cependant que la cire représente une valeur supérieure à 65 000 livres. Cette forte production s’explique, à coup sûr, par l’importance de la culture du blé noir, dont la fleur est très mellifère. Riches en plantes nectarifères, notamment en ronces, les nombreuses landes et le réseau serré du bocage contribuent encore à mettre les abeilles en mouvement : vers 1850, une commune comme Plounevez-Lochrist compte 11 713 parcelles bordées de talus160.
- 161 Quiniou (Pierre et Hervé), « Un apiculteur professionnel au xviiie siècle : Guy Abgrall », Revue f (...)
54Les ruches, qui sont en paille, subissent un traitement primitif. Elles sont généralement étouffées au soufre161 dans la deuxième année qui suit leur peuplement. Les ruches peuplées dans l’année ne sont pas sacrifiées, si ce n’est quand l’essaim a été précoce, c’est-à-dire quand il a été capturé avant le 24 juin.
Un hed-gwenan da C’honel-Yann a dalvez ul leue war e vamm, a-t-on l’habitude de dire.
« Un essaim d’abeilles à la Saint-Jean a la valeur d’un veau qui tête sa mère ».
- 162 Ibid., p. 46.
- 163 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 100. Les huit veaux offerts à la fabrique de Plouider, en 1788, (...)
55À la veille de la Révolution, ce dicton n’a rien d’exagéré. Une ruche récoltée en 1789 vaut 6 livres162, cependant que le prix d’un veau oscille de 2 L 10s à 7 L à la même époque163.
- 164 « L’apiculture dans la région de Morlaix… », art. cit.
56Comme on sait que la production moyenne de miel par ruche est de l’ordre de 10 kg164, ce sont plus de 30 000 ruches qui sont récoltées annuellement, en Léon, à la veille de la Révolution. Compte tenu du fait qu’un plus grand nombre est épargné, on peut conclure que plus de 70 000 ruches y sont actives à la fin de chaque été.
- 165 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 66.
57Les ruches sont exploitées de deux manières. Dans le premier cas, l’essaim ne possède qu’un seul propriétaire. Il est étouffé quand le poids de la ruche est jugé suffisant et l’ensemble – contenant et contenu – est vendu à des marchands de miel, à l’occasion d’un marché ou d’une foire de septembre ou d’octobre. Dans le deuxième cas, la ruche est à « mi-croît » ou en co-propriété165, c’est-à-dire qu’un paysan aisé ou un marchand de miel s’associe à un autre paysan. Le premier installe des essaims chez le second et lui fournit des ruches vides. Celui-ci a pour mission d’entretenir le rucher, de le surveiller notamment à l’époque de l’essaimage et de capturer les essaims. À la fin de la saison apicole, les ruches jugées intéressantes sont partagées par moitié entre les deux propriétaires.
- 166 Son inventaire après décès accuse des produits textiles d’une valeur de 6 690 L (P. Moal et M.-L C (...)
- 167 Carney (Sébastien), L’habitat des riches ruraux à Plounéour-Menez aux xviieet xviiiesiècles, (mémo (...)
- 168 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 74. La valeur des produits textiles de ce personnage s’é (...)
- 169 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 115. À son décès en 1778, il possède 4 521 L en produits (...)
- 170 Quiniou (P. et H.), art. cit., p. 46.
- 171 Ibid., p. 105.
58On repère, à diverses reprises, des paysans-marchands de toile qui sont aussi marchands de miel et de cire. Voici trois exemples. En 1774, François Croguennec, de Kergaradec-bihan en Plounéour-Ménez166 possède 49 « mères d’abeilles », c’est-à-dire 49 essaims chez différents particuliers167. En 1741, on inventorie cinq barriques de miel, d’une valeur de 100 L pièce chez Alain Léon de Pleyber-Christ168. En 1774, Guy Abgrall, de Landivisiau169, possède 123 ruches « de motié » chez plusieurs paysans170. Mais en fait il en « travaille » bien plus pour la raison qu’il est l’unique propriétaire d’autres ruches et, surtout, parce qu’il en achète sur les marchés. En 1772, il récolte un total de 400 ruches, dont il tire 7 112 L de miel171.
- 172 Ibid.
- 173 ADQ 13L 105. Ce sont Yves Montfort, Florimond Pourcelet, la veuve de François-Jean Abgrall, August (...)
- 174 ADQ 100J 534.
59Les marchands de miel comme Guy Abgrall ne sont pas rares. En 1772, il y en a sept à Lesneven172. En 1799, Landivisiau en compte six173. Ces marchands écoulent leurs produits auprès de particuliers ou de négociants de Morlaix et de Landerneau. En 1772, Guy Abgrall vend dix barriques de miel à un certain Crépelin de Morlaix et 276 livres de cire à un Devarenne de cette même ville. Cette année-là, le miel lui procure 1 440 L et la cire 822. Ses bénéfices s’élèvent à 481 L174.
60Vers 1789, comme du reste, plusieurs décennies plus tard, les paysans de la zone toilière visent, en faisant « un peu de tout », à subvenir à leurs besoins. Il n’en reste pas moins que leur activité agricole dégage de nombreux surplus : froment, chevaux, viande, beurre, graisse, suif, cire, miel. Ces produits commercialisés enrichissent surtout ceux qui exploitent les plus grandes fermes, c’est-à-dire les paysans-marchands de toile et les paysans-tanneurs.
Notes
1 Gelley (Robert Albert), L’assistance dans le diocèse de Léon en la seconde moitié du xviiie siècle. (thèse), Paris, 1985, p. 5-6
2 Les plus grandes paroisses comportent, le plus souvent, des lieux de cultes annexes appelés trèves. « Aux xviie et xviiie siècles, écrit Yves Le Gallo, la trève (ou treuve) est couramment appelée aide (parochia auxiliatrix), secours, succursale ou fillette de l’église matrice. Dépendante de celle-ci (parochia non distincta est), la trève est administrée par un sous-curé ou subcuré, ou curé trévien, vicaire amovible que le recteur choisit et fait approuver par l’évêque. Le fait que l’église tréviale continue de faire partie intégrante de l’église matrice est attesté, notamment, par l’absence de service religieux pendant le temps pascal et l’obligation faite aux tréviens de participer aux dépenses de la paroisse, cependant que les clercs succursalistes et leurs ouailles sont tenus de faire une ou deux fois l’an une procession dans l’église paroissiale, en reconnaissance de la supériorité de celle-ci... » (Le Gallo (Yves), Clergé, religion et société en Basse -Bretagne de la fin de l’Ancien Régime à 1840, Paris, 1991, p. 83) Le nombre des trèves, lorsqu’il en existe, est variable : une dans le cas de Plouzané (Locmaria-Plouzané), deux dans celui de Ploudaniel (Saint-Méen et Trémaouézan), six dans celui de Ploudiry ( La Martyre, la Roche-Maurice, Loc-Eguiner, Pencran, Pont-Christ et Saint-Julien de Landerneau).
3 Gelley(R.-A.), op.cit.,p.22-23.
4 Charpy(Jacques), Guide des archives du Finistère, Quimper,1973.
5 Legallo(Yves), op.cit.,p.107.
6 L’inventaire après décès est obligatoire, au xviiie siècle, lorsque le défunt laisse des enfants mineurs. Il fait état du mobilier possédé, d’une manière détaillée.
7 Arzur (Brigitte), Vie quotidienne des paroissiens de Plouider au xviie siècle, d’après leurs inventaires après décés (mémoire de maîtrise), Brest, 1985, t.1 p. 51.
8 En certaines maisons, il y a deux ou trois métiers, d’où ce pourcentage supérieur à 100.
9 Tanguy (Stéphane), L’arrière-plan financier des réalisations artistiques dans le Léon aux xviie et xviiie siècles, (mémoire de maîtrise), Brest, 1985.
10 Tanguy (Jean), Quand la toile va – L’industrie toilière bretonne du xvie au xviiie siècle, Rennes, 1994, p. 69-71.
11 Ibid., p. 71.
12 Ibid., p. 45.
13 Ibid.
14 Ibid., p. 50.
15 Ibid., p. 101-102.
16 Ibid., p. 102.
17 Finistère, ouvrage collectif réalisé sous la direction d’Yves Le Gallo, Brest, 1972, article de Jean Tanguy, p. 47-66.
18 On applique quelquefois ce mot à la zone toilière.
19 Tanguy (Jean), Quand la toile va, op. cit., p. 26.
20 Ibid., p. 26.
21 ADQ 10L 229.
22 Tanguy (Jean), Finistère, op. cit., p. 50.
23 Annuaire statistique du département du Finistère pou l’an XII, p. 147.
24 Ibid.
25 En 1790, le budget du bureau de visite et de marque de Morlaix se présente comme suit (ADQ 10L 229).
Recettes :
sur 35 457 [demi]-pièces de crées 3 549 livres 14 sous
sur 207 toiles fortes 20 livres 14 sous
sur 375 toiles rayées 37 livres 10 sous
sur 528 balles de Bretagne [toiles de Quintin] 132 livres
3 739 livres 18 sous
Dépenses :
Appointements du comptable 500 livres
Appointements du concierge 250 livres
Gages des quatre marqueurs 400 livres
Frais pour fourniture d’encre 75 livres
Frais de bureau 19 livres
1 244 livres
Excédent : 2 495 livres
« Il y a, précise ce même document, trois bureaux de marque dans le Finistère : Locronan, Morlaix et Landerneau ».
« Des trois bureaux de notre département celui de Locronan ne suffit pas, à beaucoup près, à ses frais, celui de Landerneau y suffit à peine, il n’y a que celui de Morlaix qui peut donner environ 2 000 livres par an ».
26 Les états de patente établis en 1798 le disent « commissionnaire de marchandises » (ADQ 13L 106).
27 Son rapport se compose de 13 pages imprimées chez R. Malassis de Brest. Il s’intitule Observations sur le commerce de la ville et des environs de Morlaix en Bretagne en réponse aux questions faites par le Comité de Commerce de l’Assemblée Nationale aux commerçants de Morlaix (ADQ 10L 228).
28 Son père et son frère Paul, né vers 1754, y exercent cette profession.
29 Stofft (Henri) et Ségalen (Jean), Bouëstard, médecin, philosophe, franc-maçon et jacobin, Morlaix, 1989, p. 91.
30 AM de Morlaix.
31 ADQ 10L 228 Observations... op. cit., p. 7.
32 Tanguy (Jean), Quand la toile va, op. cit., p. 61.
33 Ibid., p. 46.
34 ADQ 13L 105.
35 Tanguy (Jean), Quand la toile va, op. cit., p. 46.
36 Ibid., p 46-47.
37 ADQ 10L 299 (1790-an IV), note sur les toiles.
38 Elléouet (J.-M.), Statistique agricole générale de l’arrondissement de Morlaix, Brest, 1849, p. 358.
39 Annuaire de Brest et du Finistère pour l’an 1835, publié par la société d’émulation de Brest, Brest, 1834, p. 178.
40 ADQ 10L 299 (1790-an IV), note sur les toiles.
41 Ibid.
42 Ibid.
43 Bothuan (Renée), Étude sur l’économie, la vie sociale et la démographie de la paroisse de Plougastel au xviiie siècle (DES), Brest, 1967, p. 31.
44 Ibid., p. 57.
45 Contribution directe créée pendant la Révolution et s’appliquant à toutes les personnes qui exercent un commerce, une industrie ou une profession libérale.
46 Ce sont Jean Le Goff, de Kerguilvern, Guillaume Salaün, Alain Le Goff et François Bodénez, de Lavadur, Christophe Lanchec, du Cozcastel, Mathurin Brenaut, de Creac’h, Guillaume Le Goff, de Kerhuella, Corentin Brélivet, de Bodileur, Alain Keromnes et Vincent Keromnes de Menehy (ADQ 13L 105).
47 Il s’agit d’ Hervé Pellen, de Gorrequer (ADQ 13L 108).
48 Ce sont Pierre Kervella, Claude Kervella, Guillaume Le Gall et un certain Le Bot (Annuaire de Brest… op. cit., p. 181).
49 Ibid.
50 L’inventaire effectué, en 1754, chez Guillaume Prigent, de Poulloupri en Saint-Méen, nous apprend que les 12 bernes ou ballin valent 12 livres (ADQ 16B 1752-1755). De son côté, Le Gonidec dit qu’une berne est une couverture de lit ordinairement en fil de lin.
51 Annuaire de Brest pour l’an 1835, op. cit., p. 180.
52 L’étoupe servait, entre autres, à bourrer et à allumer les canons.
53 ADQ 25L 98.
54 Elégoët (L.), Ancêtres et terroirs – Onze générations de paysans de Basse-Bretagne, Rennes, 1990, p. 240.
55 En 1790, les départements sont divisés en districts. Le Finistère compte neuf districts.
56 Thomas (G.-M.), Notes pour servir à l’histoire de la tannerie dans le Finistère pendant la Révolution, BSAF 1943, p. 42-52.
57 Elles sont tenues par Thivisiau Abgrall, Étienne Cueff, Alain Abgrall, Joseph Bagot, Guy Bescond, Henry Coroller, Yves Pouliquen, Jean Abgrall, Allain Jardin, tous du « bourg » ; Paul Abgrall, Michel et Christophe Plouidy, de Poulranet ; Jean Mazé, Tanguy Le Roux, Alain et Jacques Abgrall, de Kervanous, Jean Thépaut et la veuve Jean Messager, de Coatquelven, François et Jacques Mevel, Hervé Gouriezec, de Fromeur, Allain Abgrall, fils d’Eguiner et Nicolas Direr, de Saint-Guenael, Alain Bléas, de Maisonneuve, Alain Bléas, de Pouldrez, Hervé Rannou, Alain et François Abgrall, de Mestual, Guillaume Abgrall, de Guelevarch, Nicolas Le Gall de Maison Blanche (Ty-Guen) (ADQ 13L 105).
58 Elles sont tenues par Jean Pape, de Perennou et Jean Hamon, de Kerforn (ADQ 13L 105).
59 Celle d’Olivier Pouliquen, de Lagatyar (ADQ 13L 108).
60 Ce sont celles de Jacquette Le Gall et de Guillaume Auffret, de Tromatiou, d’Hervé Guéguen, du Hellès, d’Yves Maguet, du Liorzou, d’Yves Croum, de Kergoat et d’Yves Kerbrat, de Kerjugu (ADQ 13L 111).
61 À défaut de disposer des rôles de la patente, nous utilisons un document daté du 8 germinal an 2 (28 mars 1794) et relatif à la fourniture du tan. Les tanneurs sont François Péron, Pierre Phélep, Hervé Arzur, Jean Lestréan, Jean Guénolé, François Bescond, Allain Sanquer, François Elléouet, Philippe Abgrall, François Le Duff, Jean Abgrall, Charles Béon et un Bazin, qui est le plus impor-tant d’entre eux (ADQ 24L 29).
62 Elles sont dirigées par François-Jacques Abgrall, Guillaume Guillou, Paul Jaffrès, François Saliou et Jean Jaffrès, du bourg ; Yves Ledan, de Croaspaul, Ambroise Abgrall, de Timen, François-Marc Thoribé, Sébastien Quéguiner, Jean Troadec, François et Jean Abgrall, de Kerlorec, François Troadec, de Gollit, Yves et François Jaffrès, de Traonlouarn, Tanguy Hily, du Roz, François Pouliquen et Yves Rannou, de Kerdeven, Noël Le Gac, du bourg, Yves Rannou, Yves Bodros, François Morvan, Tanguy Abgrall et les mineurs d’Hervé Guillou, de Goasourlé, François Guillou et Paul Abgrall, de Pengoaziou, Jean et Pierre Kerbrat, de Mespant, Denis Pouliquen et Hervé Jaffrès, de Traon-ar-vilin, François Abgrall, de Pen-ar-parc, Yves Miossec du Fozou, Jean Pouliquen aîné et jeune, du Cosquer-bras, Michel Rannou, Yves Le Guen, René Pouliquen, la veuve d’Ambroise Abgrall et Alain Abgrall, de Traonlen, Jean Couloigner, de Toulorourou, Gilles Breton, de Kerroc’h, Maurice Guillou, Maurice Thépaut, Yves Jaffrès, de Kergréven, Yves Guillou, de Rosaryar, François et Hervé Couloigner, de Tinevez, François-Sylvestre Rannou et Laurent Péron, de Perennou (ADQ 13L 105). Une autre liste datée de l’an 2 (1794) ajoute René Le Gat, de Luzuguenter et Jean Hamon, de Roc’hfily aux noms déjà cités (ADQ 10L 229).
63 Charpy (J.), op. cit., p. 326.
64 Ici, arrondissement a le sens de zone de rayonnement.
65 Observations sur le commerce… op. cit., p. 10.
66 Thomas (G.-M.), art. cit., p. 42.
67 L’église de Pleyben comporte deux clochers : celui de sainte Catherine, achevé vers 1550 et celui de saint Germain, haut de 50m, construit entre 1588 et 1642. Saint Germain est le patron de la paroisse de Pleyben.
68 Leclerc (Guy), Pleyben, la rogue paroisse, Châteaulin, s.d, p. 9.
69 Kerhervé (Jean), Roudaut (François), Tanguy (Jean), La Bretagne en 1665 d’après le rapport de Colbert de Croissy, Brest, 1978, p. 159.
70 Derrien (Dominique), La tradition du cuir dans la région de Landivisiau 1760-1960, Brest, 1990 (mémoire de maîtrise).
71 Ogée, Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne, Rennes, 1843 p. 437.
72 Ibid., p. 434.
73 Derrien (Dominique), op. cit., p. 155.
74 Cambry (Jacques),Voyage dans le Finistère, Paris, ré-édit. de 1979, p. 245.
75 ADQ 6 M 369.
76 Derrien (D.), op. cit., p. 156.
77 ADQ 6M 369.
78 Ogée, op. cit., p. 513.
79 ADQ 24L 49 lettre de la municipalité à l’agent national du district, 4 floréal an 2 (23 avril 1794).
80 Thomas (Georges-Michel), Chroniques du vieux Landivisiau, Brest, 1971, p. 174.
81 Ces marchands de tan sont Allain Pouliquen de Luzuguenter, Guillaume Pouliquen de Guernospic, François Couloigner, de Roz-ar-yar, Guillaume Bodros, de Kergreven, Maurice Cren, Alain Corre et Lucas Crom, de Roc’hfily, Jean Troadec, de Kervilinero (ADQ 13L 105).
82 Derrien (D.), op. cit., p. 37.
83 Ibid., p. 43 et sq.
84 Ibid., p. 45.
85 Ibid., p. 40-41.
86 Moal (Philippe) et Carrer (Marie-Louise), À l’origine des « julots » : les grands marchands toiliers du Haut-Léon à la veille de la Révolution (mémoire de maîtrise), Brest, 1988, p. 102 et sq.
87 Brousmiche (Jean-François), Voyage dans le Finistère en 1829, 1830 et 1831, Quimper, 1977, p. 119.
88 ADQ 3M 24. Ces cinq tanneurs sont Maurice Abgrall, de Roc’haouren, Allain Abgrall, Laurent Pouliquen, de Roc’hfily, Yves Jaffrès, de Traon-Louarn et Ambroise Abgrall, de Ty-Men. Le premier, qui constitue un cas particulier, acquitte 1872 F en 1829. À cette date, il arrive au 9e rang fiscal dans le Finistère.
89 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 102 sq.
90 ADQ 13L 105.
91 On trouve des exemples dans les généalogies Queinnec, Boucher, Pouliquen, Soubigou, Abhervé-Guéguen, Abgrall.
92 Elle a été établie par François Grall (1926 à Landivisiau, † 1985 à Chantilly).
93 D’après un tableau généalogique établi par le Chanoine J. Thomas
94 Landi = Landivisiau
95 Hebdomadaire catholique publié à partir de 1865 en breton.
96 Pol de Courcy, La Bretagne contemporaine, 1865, t. III, p. 83.
97 Cité dans « Un paysanisme breton » Feiz ha Breiz (1865-1875) et la société bretonne, Ronan Calvez (mémoire de maîtrise), Brest, 1993, p. 84.
98 Le Men (R.-F.), « Notes ethnographiques relatives aux julots », BSAF, 1879, p. 55.
99 Écho de Morlaix du 8/1/1876 et du 12/1/1876.
100 Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie deBretagne, origine du mot « julod », art. de G. Le Menn, 1982, p. 82.
101 Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, « Une caste paysanne du Haut-Léon : les “Juloded” », art. d’Yves Le Gallo, 1982, t. LIX, p. 56.
102 AM de Landivisau, acte de mariage du 18 nivôse an 12.
103 Le Lien, « Les julods », art. de Jean-Milliau Garion, 3e trimestre 1992, n°43, p. 11.
104 Creston (René-Yves), Le costume breton, Paris, 1978, p. 187 (1e édit 1953). « La mode vestimentaire des hommes de cette région [Landivisiau, Saint-Thégonnec], écrit R.-Y. Creston, est très caractéristique. Elle a conservé sous une forme peu évoluée, l’habit dit « à la française » aux longues basques, aux poches dentelées... ». « La lithographie de Lalaisse, intitulée « Homme de Landivisiau et artisan de Morlaix » permet de constater qu’entre le costume de 1840 et celui de maintenant, il y a peu de différences... ». « On a donné à cette mode le nom de julod mais le véritable nom est justinok, porteurs de justaucorps... Seuls les riches éleveurs [de chevaux] pouvaient se permettre d’arborer leur prestigieux costume et les simples paysans ont dû, longtemps encore, se contenter de leur chupenn de droguet dont la coupe était sans doute la même que celle des beaux costumes des paysans aisés... ». « Tout le monde ne portait pas des habits de prix, somptueusement brodés et ornés... » Ibid., p. 187-188.
105 Gautier (A.), curé de Rochefort-en-Terre et de Pluherlin, lettre du 13 juin 1985.
106 Esnault (Gaston), Danvez Geriadur, Hor Yezh, Lesneven, n° 65, 1970, p. 323.
107 ADQ 10 L 228, Observations sur le commerce de la ville... op. cit., p. 9.
108 Pierre Riou est toujours très précis ; il dit 109 130 rames. Nous nous permettons d’arrondir ses chiffres. Une rame comprend 500 feuilles. Vingt-cinq feuilles constituent une main et 20 mains, une rame.
109 ADQ 10 L 228 Observations... p. 9.
110 Au sujet de la fabrication du papier et de la répartition des moulins, on pourra se reporter au travail de Yann-Ber Kemener, Moulins à papier de Bretagne, une tradition séculaire, Skol Vreizh, Morlaix, 1989.
111 Au sujet de ce moulin, on pourra se reporter à l’article de Thomas (G.-M.) dans le BSAF 1979, p. 277-281.
112 Kemener (Yann-Ber), op. cit., p. 25-26.
113 Pont-Pol, moulin à papier, moulin à teiller, Fons de Kort, Morlaix, 1988, p. 4.
114 Pellan (Jean-François), Les papetiers (travail généalogique consacré aux papetiers), s.l. 1991.
115 Ibid. D’après les lieux d’origine qui y sont mentionnés.
116 Ibid.
117 Il s’agit de Brézal en Plounéventer.
118 En 1828, ce moulin emploie 18 ouvriers et fabrique 28,5 tonnes de papier par an. En 1836, Michel Le Hideux y est chef de ménage et emploie une dizaine de papetiers (Y.-B. Kemener, op. cit., p. 38) qui s’appellent Pichart, Moulin, Fouillard, Guédon, Abalain (ADQ 6 M Plounéventer).
119 Annuaire de Brest et du Finistère pour l’an 1835, Brest, 1834, p. 178-179.
120 D’après les rôles de la patente.
121 D’après les listes nominatives de recensement et les registres d’état-civil.
122 ADQ 13L 106.
123 ADQ 13L 111.
124 Ibid.
125 Le Finistère de la Préhistoire à nos jours, sous la direction d’Yves Le Gallo, Saint-Jean-d’Angély, 1991, art. de Jean Tanguy, p. 208.
126 À cette date, le quintal vaut 100 livres ou 50 kg.
127 Annuaire statistique du département du Finistère pour l’an XII, op. cit., p. 149.
128 Ibid.
129 ADQ 10L 228 Observations..., op. cit., p. 7.
130 Elléouet (J.-M.), Statistique agricole générale de l’arrondissement de Morlaix, Brest, 1849. J.-M. Elléouet est vétérinaire à Morlaix.
131 ADQ 6M 977. Tableau comparatif. Né en mars 1788, Hugues Querret est avoué à Morlaix, où il acquitte 827 F d’impôts directs en 1839 (ADQ 3M 24). Vers 1840, il crée une ferme expérimentale au Cosquérou en Ploujean (Le combat du paysan breton à travers les siècles, F. Mévellec, Morlaix, 1973, p. 63). Il est, entre autres, l’auteur d’un Catéchisme agricole.
132 Il s’agit du treaz ou trez.
133 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 100.
134 Le Finistère de la Préhistoire à nos jours, op. cit., p. 192.
135 ADQ 6M 977. Commission des statistiques.
136 Cambry (J.), op. cit., p. 31.
137 ADQ 25L 59. État des grains et légumes expédiés du port de Pontusval.
138 Du Châtellier (A.), Recherches statistiques sur le département du Finistère, Nantes, 1837, p. 100.
139 Tanguy (J.), La Bretagne province (1532-1789) et les pays celtes du xvie à la fin du xviiie siècle, édit. Skol Vreizh, Morlaix, 1978, p. 148.
140 ADQ 6M 977.
141 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 385.
142 ADQ 6M 997. Nous utilisons les valeurs avancées par Querret plutôt que celles d’Elléouet. Le premier nous paraît plus près des prix moyens, si l’on compare avec les données des inventaires après décès. Pour Querret un cheval vaut 180 F, pour Elléouet, 350.
143 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 385.
144 D’après des inventaires après décès.
145 Bossard (Albert), Gouesnou d’hier et d’aujourd’hui, Ploudalmézeau, 1977, p. 71.
146 Le Finistère de la Préhistoire à nos jours, op. cit., p. 196.
147 Ibid.
148 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 385.
149 ADQ 10L 228, Observations..., op. cit., p. 12. Toujours précis, Pierre Riou écrit que le miel exporté « produit un capital de 125 883 L 6 sous 8 den ».
150 Une barrique = 223,5 litres. Calculé sur 19 barriques de miel, le poids moyen d’une barrique pleine, sans la tare, est de 643,57 livres (Inventaire après décès de Catherine Le Gall effectué à Morlaix en juin 1780. (7 B Morlaix 1779-1780). La tare, c’est-à-dire le poids d’une barrique est de 72,10 L selon l’inventaire et de 70 L selon P. Riou.
151 Un tierçon = 149 litres, soit les deux-tiers de la contenance de la barrique.
152 Observations..., op. cit., p. 12.Rappelons que le quintal de cette époque vaut 100 livres.
153 Trois méthodes de calcul nous donnent très sensiblement ce résultat : la densité du miel (env. 1,5), la contenance moyenne des barriques et le prix au quintal.
154 Riou (P.), op. cit., p. 11.
155 Elléouet (J.-M.), op. cit., p. 385.
156 Du Châtellier (A.), op. cit.
157 Cambry (J.), op. cit., p. 246.
158 Annuaire de l’an XII, op. cit., p. 144.
159 Elégoët (Louis), L’apiculture dans la région de Morlaix à la fin du xviiie siècle, (Mélanges à Jean Tanguy à paraître en 1996).
160 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 254.
161 Quiniou (Pierre et Hervé), « Un apiculteur professionnel au xviiie siècle : Guy Abgrall », Revue française d’apiculture, janvier 1979.
162 Ibid., p. 46.
163 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 100. Les huit veaux offerts à la fabrique de Plouider, en 1788, ont une valeur variant de 2L 10 s à 7 L.
164 « L’apiculture dans la région de Morlaix… », art. cit.
165 Ancêtres et terroirs, op. cit., p. 66.
166 Son inventaire après décès accuse des produits textiles d’une valeur de 6 690 L (P. Moal et M.-L Carrer, op. cit., p. 117).
167 Carney (Sébastien), L’habitat des riches ruraux à Plounéour-Menez aux xviie et xviiie siècles, (mémoire de maîtrise), Brest, 1993, p. 104.
168 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 74. La valeur des produits textiles de ce personnage s’élève à 8 314 L.
169 Moal (P.) et Carrer (M.-L.), op. cit., p. 115. À son décès en 1778, il possède 4 521 L en produits textiles.
170 Quiniou (P. et H.), art. cit., p. 46.
171 Ibid., p. 105.
172 Ibid.
173 ADQ 13L 105. Ce sont Yves Montfort, Florimond Pourcelet, la veuve de François-Jean Abgrall, Augustin Chauvet et deux François Le Bras.
174 ADQ 100J 534.
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© Presses universitaires de Rennes, 1996