Présentation du projet éditorial

Gérard Le Bouëdec

p. 9-13


Texte intégral

1Quand les Presses universitaires de Rennes nous ont sollicités pour faire un diagnostic en vue d’une éventuelle publication de la thèse inédite de Joachim Darsel, nous avons fait plusieurs constats.

2Le texte paraissait daté mais le souligner ne peut guère surprendre pour un travail de recherche soutenu en 1954 mais entamé dans la décennie précédente, et d’ailleurs plusieurs articles furent publiés ultérieurement par Joachim Darsel. En effet pendant vingt ans l’auteur a enrichi ses recherches par de nombreuses publications pas toujours très connues, dans diverses périodiques, et d’ailleurs peu citées, et dont nous avons essayé de dresser l’inventaire. Alors pourquoi ce projet éditorial ? Pour reprendre un commentaire de Jean-Christophe Cassard, c’est sans doute parce « qu’on n’a guère été plus loin depuis » sur l’ensemble du sujet. La thèse est fréquemment citée dans de nombreuses bibliographies, sans que l’on puisse affirmer que les auteurs y aient eu accès, car elle n’existe que dans des versions dactylographiées souvent incomplètes. Ainsi une partie de la réponse est dans cette volonté de mise à la disposition des chercheurs d’une version intégrale revue et corrigée dans sa présentation matérielle et dans sa mise en page. C’est en effet un travail d’édition car nombreux sont les problèmes de forme, de manque de rigueur typographique, faute d’une normalisation de l’usage des majuscules, de l’écriture des noms de navires et des expressions étrangères. La fragmentation du texte nécessitait de reprendre l’organisation des paragraphes voir de fusionner certaines parties. En outre il manquait dans notre version initiale des pages qu’il a fallu rechercher, démontrant s’il le fallait l’hétérogénéité des exemplaires de soutenance. L’objectif était donc de donner aux chercheurs un ouvrage accessible. C’est un travail collectif de Jean-Christophe Cassard1, Gérard Le Bouëdec2 avec Marc Russon3, Morgane Vary4, Alain Berbouche5, Olivier Levasseur6, Pierre Martin7, Sylviane Llinares8 et Benjamin Égasse9.

3C’est une étude très juridique et administrative (avec comme acteurs essentiels le roi, l’amiral de France, le gouverneur de Bretagne, le Parlement et les États) que personne ne refera mais qui n’est guère lisible car il manque dans la réalité l’objet même de la juridiction de toute Amirauté à savoir les activités et les hommes du littoral et de la mer. Il manque des éclaircissements sur le contrôle seigneurial des littoraux jusqu’au XVIIe siècle. Si la création des sièges d’Amirauté en 1691 est bien traitée, elle n’est pas replacée dans le contexte d’un renforcement du maillage institutionnel et il manque une étude sur les amirautés au XVIIIe siècle tant dans l’exercice de leur compétence, que dans leur affrontement avec les pouvoirs seigneuriaux et urbains qui font de la résistance. Il y aurait, mais pas dans le cadre de cet ouvrage, comme le suggère Jean-Christophe Cassard, à réaliser une prosopographie des acteurs dont l’index est dressé en fin d’ouvrage.

4Les auteurs étaient donc conscients de la nécessité d’enrichir l’édition sur plusieurs points. Il va de soi que la mise à jour de la bibliographie s’imposait pour fournir au lecteur un état des travaux récents. Mais nous avons voulu lui donner une double orientation. D’une part proposer un panorama des grandes évolutions de la recherche historique sur la thématique de la Bretagne et la mer des années 1960 à nos jours, d’autre part cibler plus particulièrement les travaux sur l’Amirauté. Sur ce point, l’introduction de nombreuses publications grises dans la production scientifique disponible témoignent néanmoins qu’elle n’est pas si massive que l’on aurait pu le penser, surtout si l’on mesure qu’elle concerne le plus souvent le XVIIIe siècle. Mais, pour qui s’est plongé dans la lecture de la thèse, le manuscrit souffrait d’un manque de contextualisation que des articles de Marc Russon et Gérard Le Bouëdec tentent de combler. Mais il nous a semblé que nous devions, comme l’avait ressenti l’auteur par ses articles postérieurs, combler un vide. En effet, cette thèse a laissé de côté les amirautés qui se mettent en place à la faveur des grandes réformes louisquatorziennes. Joachim Darsel avait avant tout pour objectif de présenter l’Amirauté de Bretagne dont il estime qu’elle prend fin avec la mise en place des amirautés voulues par le pouvoir royal. Olivier Levasseur livre au chercheur l’inventaire des sources de la juridiction extraordinaire des amirautés conservées dans les cinq dépôts d’archives départementales bretons. Quatre contributions inédites de chercheurs proposent cette dernière partie qui manquait. Morgane Vary resitue la mise en place des amirautés dans le contexte d’institutionnalisation du littoral par un État qui se réapproprie le rivage de la mer. Olivier Levasseur, avec une introduction d’Alain Berbouche, s’attache au fonctionnement des amirautés dans la première moitié du XVIIIe siècle par le prisme des enquêtes des commissaires des pêches, Le Masson du Parc et Verdier. Pierre Martin montre comment les pouvoirs seigneuriaux laïcs et religieux résistent y compris face aux injonctions des différentes commissions installées par l’État, et Sylviane Llinares fait le bilan des amirautés à la fin de l’Ancien Régime à travers l’enquête du commissaire Chardon.

Joachim Darsel (1905-1974), biographie établie grâce à la contribution d’un de ses descendants

  • Il est né le 30 juillet 1905 à Guémené-sur-Scorff, marié à Squiffiec le 9 août 1927 avec Odile Normand et père de trois enfants. Après des études au lycée de Saint-Brieuc où il obtient son baccalauréat, un séjour au pays de Galles, il devient maître d’internat à l’école primaire de garçons de Guingamp puis répétiteur au collège de Morlaix en 1925-1926. Après avoir obtenu une licence d’anglais en candidat libre, il devient répétiteur puis professeur d’Anglais au lycée de Quimper, puis à Morlaix où il exerce à la veille de la seconde guerre mondiale.
  • Séduit par les idées autonomistes mais opposé à la ligne séparatiste défendue par Mordrel, il adhère à l’Union des jeunesses bretonnes en 1925. Reste membre de Breiz Atao jusqu’à la scission de 1931. Il adhère plus tard au Parti national breton.
  • Mobilisé en 1939 avec le grade de sous-lieutenant, il est fait prisonnier à Dunkerque, soigné à l’hôpital de Maline en Belgique, interné au camp de Luckenwald près de Berlin. Il est libéré fin 1940.
  • Il est arrêté par un groupe de résistants à Saint-Agathon le 25 août 1944, puis interné à Morlaix, Landerneau, enfin à Quimper (camp d’internement Saint-Charles) à partir d’octobre 1944. Le 23 juillet 1945, Joachim Darsel est condamné par la chambre civique du département du Finistère, parce qu’il « a milité pour et au sein du Parti national breton, organisme de collaboration ». Sa condamnation comporte une interdiction de résidence dans les départements du Finistère, Côtes-du-Nord, Morbihan, Ille-et-Vilaine et Loire-Inférieure (ramenée à 10 ans en 1949) ainsi qu’à la perte de ses droits civiques, qui sera limitée à dix années par le décret du 6 novembre 1946. Ces faits sont amnistiés par la loi du 5 janvier 1951.
  • Interdit de séjour après la guerre en Bretagne, il enseigne à Paris à l’établissement privé Gerson, puis au lycée Janson de Sailly. Parallèlement il entreprend ses travaux de recherches sur L’Amirauté de Bretagne, mais privé des archives bretonnes, en n’ayant à sa disposition que les sources parisiennes des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale, ce qui éclaire largement le contenu de cette thèse de Lettres soutenue avec succès en 1954 à la Sorbonne.
  • Fait officier des Palmes académiques, il rejoint le collège moderne d’Elbeuf en Normandie, ce qui lui permet d’élargir son champ de recherche à l’Amirauté de Normandie. Il prend sa retraite en 1967 à Plestin-les-Grèves. Il décède à l’hôpital de Morlaix en 1974.

Bibliographie

Bibliographie de Joachim Darsel

Les auteurs ont essayé de dresser la bibliographie la plus complète des travaux de Joachim Darsel. Elle est particulièrement éclatée dans des revues et la liste ci-dessous permet de mesurer la contribution de l’auteur de L’Amirauté de Bretagne à la connaissance sur les institutions maritimes des provinces de Bretagne et de Normandie.

Histoire de Morlaix, Rennes, Imprimeries réunies, 1942, rééd. 1997 (par sa fille Mona avec Antoine Pouliquen des Éditions le Bouquiniste).

L’Amirauté de Bretagne, des origines à la Révolution de 1789, Paris, thèse de lettres, 1954.

Morlaix, siège particulier de l’évêché de Tréguier (1691-1791), Paris, thèse complémentaire, 1954, 289 p.

« Essai sur l’origine de la juridiction d’Amirauté en Normandie », Revue d’histoire du droit français et étranger, 1955, p. 155-156.

« Les sociétés de pensée à Morlaix à la fin du XVIIIe siècle », Mémoire de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1956, p. 81-118

« Une vieille institution malouine, le baillage des eaux », Mémoire de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1959, p. 65-80.

« Du droit de prise, d’hier à aujourd’hui », Revue d’histoire du droit, 1960, no 3, p. 489-491.

« Le pillage du Neptune (1792) », Bulletin de la Société d’archéologie du Finistère, LXXXVIII.

« La protection des flottes du vin au Moyen Âge dans la Manche et l’Atlantique », Bulletin philologique et historique, 1963, p. 461-483.

« Quelques dessous de la guerre de course et des armements neutres », Bulletin de la Société d’archéologie du Finistère, LXXXIX, 1963.

« Les conditions du métier de la mer au Moyen Âge dans les ports du Ponant », Bulletin philologique et historique, 1963, p. 461-483.

« Les seigneuries maritimes en Bretagne », Bulletin philologique et historique, vol. I, 1966 [1968], p. 35-59.

« Contribution de la Bretagne à l’élaboration d’un droit de la mer », Bulletin philologique et historique, 1966 [1968] p. 1-14.

« L’assistance publique à Morlaix sous l’Ancien Régime », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. XCII, 1966.

« L’amirauté de Cornouaille », Mémoire de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. XLII, 1967, p. 5-23.

« La lieutenance d’Amirauté du Mont Saint-Michel (1441) », Revue de l’Avranchin et du pays de Granville, XLV (1968), p. 291-296.

« La paroisse de Plestin aux XVIIe et XVIIIe siècles », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. XLII, 1968, p. 77-91.

« L’amirauté de la Rochelle », Revue d’histoire du droit, 1969, p. 602-603.

« L’amirauté en Normandie », Annales de Normandie, t. XIX, 1969, p. 291-306 ; t. XX, 1970, p. 3-19 ; t. XXI, 1971, p. 165-185 ; t. XXII, 1972, p. 105-131 ; t. XXIII, 1973, p. 39-56 et 115-149.

« L’amirauté de Léon (1691-1792) », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. CIII, 1975, p. 127-162.

« La vie maritime sur les côtes du Léon sous l’Ancien Régime », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. CIII, 1976, p. 163-188.

« L’amirauté de Saint-Brieuc », Mémoires de la Société d’émulation des Côtes-du-Nord, t. CII, 1975, p. 63-88.

« L’amirauté en Normandie : amirautés de Grandcamp, Carentan et Isigny », Annales de Normandie, 1981, no 3.

Le port de Morlaix et la guerre de course : les corsaires à Morlaix, Le Bouquiniste, 2005 (édition organisée sous la responsabilité de sa fille Mona).

Notes de bas de page

1 Professeur d’histoire médiévale à l’université de Brest : mise aux normes de la partie médiévale de la thèse et de la bibliographie.

2 Professeur d’histoire moderne à l’université de Bretagne-Sud.

3 Docteur en histoire médiévale de l’université de Rennes 2, professeur dans l’enseignement secondaire. Contribution inédite.

4 Docteure en histoire moderne de l’université de Bretagne-Sud. Contribution inédite.

5 Maître de conférences à l’université de Rennes 1. Contribution et bibliographie.

6 Docteur en histoire moderne de l’université de Rennes 2, professeur dans l’enseignement secondaire. Contribution inédite – sources.

7 Docteur en histoire moderne de l’université de Bretagne-Sud, professeur dans l’enseignement secondaire. Contribution inédite.

8 Maître de conférences à l’université de Bretagne-Sud. Contribution inédite.

9 Doctorant en histoire moderne à l’université de Bretagne-Sud. Mise aux normes, établissement de l’index, lecture des épreuves.


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