Chapitre III. Des négociations du traité de Washington à la mise en place de l’Alliance atlantique : une constante quête d’influence
p. 71-100
Texte intégral
1Après les appels lancés par les Européens, par l’intermédiaire des lettres de Bidault et de Bevin à Marshall, et les premières réalisations de l’Union occidentale, il n’y a plus de doutes sur la volonté française comme britannique de conclure une alliance avec les États-Unis. Seul le gouvernement américain semble encore s’y opposer. En réalité, le dossier est étudié sérieusement, mais discrètement, par les autorités américaines. Ce qui fait que, vu de Paris, il semble stagner. L’obstacle majeur à la participation des États-Unis est juridique : un vote du Sénat est indispensable à la majorité des deux tiers, or le Sénat ne paraît pas disposé à envisager les problèmes de sécurité en dehors de l’ONU. Et il continue à considérer inconstitutionnelle toute alliance permanente en temps de paix, en ce qu’elle risquerait de provoquer l’entrée en guerre des États-Unis sans un vote préalable du Congrès. La solution vient du sénateur Vandenberg : une résolution soutenant les pactes régionaux de sécurité collective, votée le 11 juin 1948.
2On ne saurait trop insister sur l’importance de ce texte constituant, selon l’expression d’Henri Bonnet, « un pas décisif vers l’abandon de tout isolationnisme1 ». S’il s’agit d’une étape fondamentale dans la politique extérieure des États-Unis, cela en est une aussi pour la politique française et le problème allemand. Car la promesse d’une alliance américaine était indispensable pour convaincre les parlementaires français d’accepter ce qui avait été décidé lors de la conférence de Londres, le 4 juin : à savoir la création d’un État ouest-allemand. Le vote de la résolution Vandenberg débloque la situation, en permettant aux États-Unis de participer en qualité d’observateurs aux réunions du comité d’État-major du Traité de Bruxelles, à partir du 20 juillet 1948, et en donnant le signal de départ des négociations officielles du Pacte de l’Atlantique2.
3Pour la France, une nouvelle bataille diplomatique débute alors : il s’agit de se faire entendre dans les négociations du traité atlantique, pour obtenir un texte conforme aux intérêts nationaux. Or, souvent aux origines des initiatives, la France est presque systématiquement placée à l’écart par ses alliés. Elle parvient néanmoins à obtenir satisfaction sur certains points, ou à influencer indirectement des décisions sur lesquelles elle a peu de prises. Négocier le traité ne suffit pas à définir la nature de l’Alliance. La mise en place des premières institutions atlantiques, le choix des Français amenés à y travailler, constituent autant de défis et de moyens susceptibles de permettre aux décideurs français de jouer, dans l’Alliance, un rôle à la hauteur de leurs ambitions.
4Nous verrons ici comment, des négociations du traité à la mise en place institutionnelle du Pacte atlantique, se dessine la place de la France dans la nouvelle organisation, avec l’idée d’une influence française indirecte mais notable. Malgré la faiblesse de ses moyens et l’ambition de ses revendications, la France parvient ainsi à jouer un vrai rôle, du fait de l’action de ses experts, mais aussi parce que ses Alliés ont alors encore intérêt à ce qu’elle reste influente.
Les difficultés françaises à se faire entendre lors des négociations du traité de Washington
5La résolution Vandenberg n’enclenche pas immédiatement la négociation du traité de l’Atlantique Nord. Aucun accord n’existe en effet encore entre les deux rives de l’Atlantique sur ce qui doit être négocié, avec qui, et quand.
Chronologie de la négociation
6Des pourparlers exploratoires avaient réuni les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada avant le vote de la résolution Vandenberg, pour amorcer les travaux. Surtout, des études ont été menées, tout au long de l’année 1948, aux États-Unis – au département d’État et dans les États-majors – afin de réfléchir à la base d’une action en Europe. Un document du National Security Council, le NSC-9, du 13 avril 1948, évoque ainsi déjà un « collective defense agreement for the North Atlantic area3 ». Mais dans l’esprit des Américains, ces études ne s’inscrivent pas dans l’urgence. La menace est perçue à long terme. Comme souvent dans l’histoire du Pacte atlantique, c’est une crise qui sert de catalyseur au processus et déclenche véritablement les négociations, en l’occurrence le début du blocus de Berlin, le 24 juin 1948. D’où l’amorce, le 6 juillet, des premières négociations officielles entre les États-Unis et les Cinq du Pacte de Bruxelles. Il ne s’agit pas encore de négocier les termes d’un nouveau traité, seulement de discuter de la nature de l’aide que les États-Unis peuvent apporter aux Européens en termes de défense. à l’issue de ces pourparlers exploratoires, le 25 octobre 1948, une décision est acquise : le principe d’un pacte de défense de l’Atlantique. Mais, concrètement, tout reste à faire.
7Le 5 novembre, la France envoie une proposition de traité à ses alliés4, mais devant l’indifférence générale, ce document sert plus d’instruction aux négociateurs français à Washington qu’aux discussions qui reprennent à partir du 11 décembre, aboutissant à un rapport des ambassadeurs, le 245. Ce nouveau rapport ne règle rien non plus. Il ne définit ni le degré d’automaticité du Pacte, ni son cadre géographique, et n’évoque pas le réarmement des pays européens. Il marque en fait le début d’une nouvelle phase dans la négociation : des consultations bilatérales orchestrées par Washington, pour l’élaboration unilatérale par le Département d’État d’un projet de traité. Après avoir reçu les avis des divers pays, assisté de ses conseillers et de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, Dean Acheson (successeur de Marshall au secrétariat d’État) arrête les termes d’un nouveau texte de travail, soumis pour avis aux ambassades impliquées par Washington, le 24 février 19496. Les Européens n’ont pas été invités à participer à l’élaboration directe du document. Il est néanmoins légèrement modifié sur pression française le 9 mars et signé le 4 avril. À l’exception d’un passage concernant l’Afrique du Nord, le texte final est donc bien d’élaboration américaine.
Une diplomatie divisée, des décideurs français en situation de fragilité
8Exclue de la phase initiale, officieuse, la France peine à trouver sa place, même dans les discussions officielles. Pourquoi ? Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Aucune n’apporte de réponse définitive, mais toutes, ensemble, permettent de l’approcher.
9D’abord, la diplomatie française est divisée et n’agit pas d’une même voix. Lors des discussions qui ont lieu à Washington, les pays européens sont représentés par leurs ambassadeurs aux États-Unis (pour la France, Henri Bonnet) et non par un envoyé du ministère. Bonnet fait le choix de déléguer au sein du groupe de travail son conseiller politique, Armand Bérard (lui-même parfois remplacé par Jean Daridan, premier conseiller de l’ambassade). Cette équipe informe régulièrement le secrétariat général du Quai d’Orsay de l’avancée des conversations. Mais la direction générale des Affaires politiques, et surtout son directeur, Couve de Murville, sont tenus à l’écart. Ce dernier s’en plaint au ministre, dénonçant le peu d’informations reçues depuis le début des travaux :
« Le caractère tout à fait anormal d’une procédure de discussion où les représentants français ne sont munis d’aucune instruction précise et sont laissés à leur jugement et à leur bonne volonté7. »
10Ces tensions internes montrent qu’il existe toujours des dissensions au sein de la diplomatie française sur le projet d’alliance. Surtout, elles illustrent la faiblesse de la France face au gouvernement américain. Si les négociateurs français n’ont pas d’instructions précises, c’est en partie parce qu’il ne s’agit pas d’un processus diplomatique classique. La France ne peut que réagir, par sa représentation à Washington, à des propositions qu’elle ne contrôle pas et auxquelles les Américains demandent souvent des réponses immédiates. Ce n’est pas à proprement parler une négociation, plutôt une consultation de certains de ses alliés par le gouvernement américain. Washington fixe seul l’ordre du jour des réunions8.
11La crise ministérielle qui éclate le 19 juillet 1948, après le refus des crédits militaires par les socialistes, n’améliore pas la position française. C’est Robert Schuman qui succède à Bidault aux Affaires étrangères. Or c’est Bidault qui avait lancé les initiatives en faveur du Pacte atlantique. Au moment où des décisions capitales doivent être prises en matière de défense occidentale, Paris affronte des mouvements de grèves importants et se bat sur les crédits militaires. Cela ne renforce pas la parole de la France à l’extérieur.
12Enfin, le malentendu persiste sur le fond. Les Français craignent que l’URSS ne cherche à couper court à la consolidation du bloc occidental en attaquant tout de suite, alors que les conseillers de Marshall considèrent la menace militaire soviétique à long terme. La présence des forces d’occupation américaine en Allemagne est pour eux une garantie suffisante. Pour les Français, il y a urgence à prendre des mesures. Pour les Américains, il s’agit d’explorer des pistes pour l’avenir. Et, dans les négociations, Paris est toujours en décalage avec Washington. Un exemple parmi d’autres nous en donne une parfaite illustration. Le texte du 28 février 1949 fait l’objet d’une étude approfondie, menée par un comité de l’IHEDN. Il rend ses commentaires au gouvernement le 9 mars. Or, une nouvelle version de traité est présentée le même jour par les États-Unis, lesquels demandent une réponse avant le 17 mars, pour une signature du traité début avril. Les remarques rendues par l’IHEDN sont donc obsolètes avant même de parvenir au Conseil des ministres. Elles sont de ce fait inutilisables par les négociateurs français.
Les points de crispation pour les Français
13Malgré ces handicaps, le gouvernement cherche à se faire entendre sur plusieurs questions clefs. Reflétant les préoccupations françaises, elles suscitent des débats internes aux administrations nationales avant d’être exposées aux Américains. On peut les classer en deux catégories. La première concerne les clauses du Pacte influant directement sur la nature de l’alliance. La seconde regroupe celles liées à sa définition géographique, moyen indirect de peser aussi sur le fond.
Conceptions française et anglo-saxonne de la défense occidentale
14Au cœur des discussions sur le traité de l’Atlantique se trouve la conception même de la défense occidentale. Pour les Français, la première garantie à obtenir est l’engagement américain en Europe, dès le temps de paix. De cette garantie dépend le scenario du conflit envisagé. En cas d’attaque soviétique, si les forces militaires américaines sont prédisposées sur le sol européen, elles entreront dans les combats dès le premier jour. Une défense en avant, c’est-à-dire le plus à l’Est possible, est donc envisageable, ainsi que celle du territoire national. S’il faut attendre un embarquement des troupes américaines pour l’Europe, les chars soviétiques auront eu le temps d’enfoncer les défenses fragiles et insuffisantes de l’Union occidentale, et les États-Unis ne pourront envisager qu’une défense périphérique à partir des îles britanniques, de l’Espagne, du Portugal et de l’Afrique du Nord, en vue d’une contre-attaque ultérieure. Dans ce scenario, la France sera à nouveau occupée, cette fois par les Soviétiques.
15Or, s’il y a accord très vite sur le principe de solidarité – toute attaque armée contre l’un des signataires est considérée comme dirigée contre tous – la clause opérative de ce principe pose problème. Les Français la souhaitent semblable à celle du Traité de Bruxelles (article 4), c’est-à-dire automatiquement armée. Les États-Unis arguent de leur constitution qui donne au Congrès seul le droit de déclarer la guerre pour la refuser. Le texte du Traité de Bruxelles, énumérant les moyens d’action, « military and other action », est donc remplacé dans le premier projet présenté par les Américains par l’expression « military or other action9 ». Alors que certaines personnalités américaines, notamment Tom Connally, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, trouvent que ce texte engage trop profondément les États-Unis, les Européens le jugent insuffisant. Les dirigeants français se sentent victimes d’un marché de dupes. Les Américains prennent des dispositions publiques qui représentent, à la face de Moscou, des provocations sans précédent, sans s’engager, en cas de conflit, à venir en aide aux nations d’Europe occidentale.
16Dean Acheson tient davantage compte des objections formulées par les membres du Congrès que de celles du gouvernement français. Dans le nouveau texte qu’il propose le 21 février 1949, l’énumération des moyens d’action est supprimée. Seule subsiste l’expression « y compris la force armée10 ». Le gouvernement français ne peut que constater son impuissance à faire triompher son point de vue à ce sujet. Notons que par la suite, la non-obtention de la clause d’automaticité pèsera fortement sur la réception en France du Pacte atlantique. C’est sur cette faille que les intellectuels neutralistes attaquent l’Alliance à partir de 1949. La crainte de ne pas voir les États-Unis s’engager en cas de guerre et rester à l’écart d’un conflit qu’ils auraient provoqué par leur attitude belliqueuse est très forte et devient facteur d’anti-américanisme, autour de la question : s’ils ont vraiment l’intention de s’engager, pourquoi ne pas le reconnaître officiellement ?
L’aire d’application du traité
17Ne se faisant pas entendre sur la nature de l’accord, les Français décident de porter tous leurs efforts sur sa dimension géographique. Celle-ci est en effet un moyen détourné d’en influencer le contenu. Plusieurs pays sont contactés par les États-Unis, et invités à s’associer au pacte en cours de négociation. L’Irlande est la première à répondre, négativement, aux propositions officieuses qui lui sont faites, refusant de se trouver dans une alliance militaire aux côtés du Royaume-Uni. L’indifférence des responsables français envers ce pays est évidente. En revanche, d’autres candidats suscitent des réactions plus vives, dans la mesure où leur participation est susceptible d’orienter la stratégie de la nouvelle alliance. Le général Revers évoque clairement l’intérêt français dans cette définition de l’aire d’application du traité : « La direction de nos intérêts essentiels est celle de l’ouest et du sud-ouest11. » La volonté française d’obtenir la couverture de l’Afrique du Nord et de l’Italie est ainsi à lire en liaison avec les hésitations face à la Scandinavie, auxquels les États-Unis tiennent beaucoup. L’objectif principal est de placer le centre de gravité de l’alliance au plus près de la métropole, vers la Méditerranée.
18La question de l’Afrique du Nord se révèle absolument vitale aux yeux des décideurs français. Mais les réticences américaines à étendre aux territoires du Maghreb le pacte occidental sont sans doute aussi fortes. L’anticolonialisme traditionnel des États-Unis rend d’ailleurs difficile l’acceptation d’une telle mesure par leur opinion publique. Les représentants français soulignent que les trois départements d’Algérie font partie intégrante du territoire national. L’opinion ne pourrait pas comprendre un traité qui laisserait une partie du pays légal à l’écart, et le Parlement ne le ratifierait pas. Mais les arguments français n’impressionnent guère le Département d’État, qui répond, non sans ironie, que la France n’avait pas, au moment du Traité de Bruxelles, demandé l’inclusion de l’Afrique du Nord, et que l’Assemblée nationale a bien ratifié le pacte européen12.
19En réalité, la motivation française est stratégique, mais elle est délicate à exposer en tant que telle aux Américains. L’Afrique du Nord est un atout majeur pour la France. Dernière base possible de repli en cas d’invasion de la métropole, elle peut aussi représenter la tête de pont d’une reconquête. Les États-Unis le savent et comptent dessus, mais il importe aux Français de faire reconnaître, dès le traité, la souveraineté et légitimité française sur ces territoires. Apportant l’Afrique du Nord en dot à l’Alliance, ils pensent en effet pouvoir disposer ainsi d’un rôle plus important en son sein qu’en ne mettant dans la balance que les territoires métropolitains.
20Robert Schuman tente d’obtenir l’appui de ses partenaires européens, sur ce point, pour mieux faire pression sur les Américains et les Canadiens. Lors du 4e conseil consultatif des Cinq de Bruxelles, à Londres, les 27 et 28 janvier 1949, il explique que la France pose la couverture de l’Algérie comme condition sine qua non de sa participation au Pacte atlantique13. Les Cinq ne sont pas les plus difficiles à convaincre. La Belgique, qui caresse un moment l’espoir de la participation de ses territoires d’Outre-Mer, et en particulier du Congo Belge, est particulièrement compréhensive à l’égard de la demande française14. La position britannique est plus ambiguë, mais plutôt ouverte15. Mais cela ne suffit pas à convaincre les Américains. Comme le souligne Armand Bérard, le Département d’État ne prend tout simplement pas au sérieux la fermeté française : « Le directeur d’Europe est persuadé que quel que soit le contenu du Pacte, les puissances européennes auront à l’accepter16. » Ce n’est qu’en réitérant systématiquement la menace de ne pas signer le Pacte, et via un compromis sur la participation scandinave, que les représentants français réussissent à se faire entendre. Les États-Unis acceptent en définitive l’intégration des départements d’Algérie dans la zone de couverture du Pacte. Hors de question pour eux d’y inclure pour autant la Tunisie et le Maroc. Mais sur ce point, Ramadier remarque sagement, lors du Conseil des ministres du 9 mars 1949, que leur inclusion impliquerait celle de tout le Moyen-Orient. Ce serait s’aventurer sur des terres dangereuses17. Mieux vaut pour la France ne pas insister davantage.
21Notons enfin que les responsables français accordent également beaucoup d’importance à la participation de l’Italie, voire (pour certains) de l’Espagne. Cette dernière question soulève des débats en France. Le 22 mars, un article du Figaro indique, « de milieux autorisés », que le ministère des Affaires étrangères français pourrait proposer l’adhésion de l’Espagne au Pacte atlantique. Le démenti est immédiat, mais il est probable que l’idée ait séduit quelques responsables18. Officiellement, comme ses alliés européens, la France reste fermement opposée à toute alliance avec le régime de Franco, même si l’hostilité déclarée ne dissimule pas des hésitations personnelles. En avril 1949, l’adhésion espagnole est simplement repoussée à plus tard, lorsque le pays sera devenu une démocratie. Cela n’empêchera pas les discussions bilatérales pour l’implantation de bases aériennes américaines en Espagne. Sur la participation italienne, là encore, le débat évolue. Le gouvernement français est le principal promoteur de la candidature italienne, l’Italie assurant la protection de la France méridionale et de l’Afrique du Nord, ainsi que des communications entre les deux rives de la Méditerranée. Finalement, le cas italien se trouve lié à la volonté américaine d’étendre le Pacte aux pays nordiques, l’acceptation française de la participation scandinave supposant l’acceptation américaine, en contrepartie, de l’orientation méditerranéenne, afin d’équilibrer et de recentrer l’alliance sur l’Europe.
22Le 4 avril 1949, la France signe donc, aux côtés de douze partenaires, le traité de Washington. Le 22 août, Henri Bonnet dépose les instruments de ratification français, malgré la campagne des communistes dénonçant le pacte comme un instrument impérialiste, et celle des gaullistes n’y voyant qu’un instrument inefficace. Le texte présente des innovations importantes en termes de relations internationales. Les États-Unis y ont introduit la notion d’intérêt collectif, d’entreprise commune, ce qui en fait à l’échelle régionale un système de sécurité collective : « Le système mondial ne parvenant pas à fonctionner, on en applique les principes dans une zone restreinte et sur une base volontaire19. » Le texte du traité a fait l’objet de nombreux compromis, après de longues consultations. Il constitue donc plus qu’un simple contrat entre États. Mais l’on ne va pas jusqu’à un organisme supranational. Et il reste à appliquer le traité, notamment à créer les organes prévus à l’article 9.
23Rendre le texte efficient est désormais le nouveau défi des décideurs français, afin de garantir au pays une sécurité qui ne soit plus seulement écrite.
La nécessité de peser dans les structures de l’organisation
24Déclaration de principe, le traité n’aborde pas directement la question de son application. La seule piste à ce sujet est la mention, dans l’article 9, d’une instance suprême, un Conseil, chargé de mettre en œuvre le traité. Les dirigeants français souhaitent faire apparaître dans les organismes du Pacte la part prépondérante que la France doit jouer dans la stratégie occidentale. Préoccupation qui, au-delà de la revendication de puissance, exprime aussi un besoin vital : faire adopter par l’Alliance le principe de défense en avant assurant la sécurité du territoire métropolitain.
Les Français en ordre dispersé dans les négociations
25Comme lors de la rédaction du texte du traité de Washington, l’étude initiale de ce que pourrait être l’organisation militaire du Pacte atlantique se déroule essentiellement aux États-Unis, précisément au sein du Comité des chefs d’État-major américains (Joint Chiefs of staff) et du Département d’État. Les Américains consultent régulièrement les autres membres du Pacte, mais d’une façon qui ressemble davantage à des sondages pour juger des réactions à leurs propositions. Pour répondre à ces consultations, des études sont menées, à Paris, sur les aspects militaires et politiques du Pacte. Ce sont les organismes de la Défense nationale qui mènent les études préparatoires. Contrairement à ce que les mécanismes institutionnels de la IVe République laisseraient attendre, le rôle du Comité de Défense nationale est secondaire. Il ne peut qu’entériner a posteriori des décisions ou des projets préétablis20. Non sans susciter le courroux de ses membres :
« Ce qui frappe dans la plupart des cas, c’est le caractère a posteriori des délibérations du Comité, dans lesquelles les décisions du gouvernement ont été prises, devant les faits accomplis, à la suite des travaux anonymes d’organes de planning irresponsables21. »
26Mais cette remarque sonne comme un aveu d’impuissance. En l’occurrence, c’est notamment de l’État-major permanent du président du Conseil, dirigé par le général Cherrière, que viennent la plupart des notes d’études et des projets d’instruction aux représentants à Washington. Ce nouvel organisme succède en février 1949 à l’État-major général de la Défense nationale, créé à Alger en avril 1944, et qui a joué un rôle essentiel pendant la négociation du texte du Pacte. Cet État-major est chargé de coordonner les aspects civils, politiques et militaires de la Défense nationale22. À ses côtés il faut noter le rôle auprès des politiques du général Revers, président du Comité des chefs d’États-majors. Son interprétation des intentions américaines, au retour de son voyage d’étude à Washington, inspire considérablement le président du Conseil, Robert Schuman.
27Mais le problème vient de ce qu’à Washington, toute mission militaire est soigneusement tenue à l’écart par l’ambassadeur Henri Bonnet et ses conseillers, qui s’arrogent le monopole des conversations sur les aspects militaires du Pacte, sous la tutelle du Quai d’Orsay. Ainsi, si le gouvernement est influencé par ses chefs militaires, les négociateurs qui font face aux Américains s’en tiennent éloignés. La prise de décision ne peut qu’en être affectée. De plus, souvent sans instruction précise, Bonnet est souvent amené à prendre des positions de sa propre initiative, et n’en reçoit l’entérinement qu’a posteriori. Encore une fois, le processus diplomatique classique est quelque peu bousculé.
Consolider la place de la France dans les organismes du Pacte : des discussions officieuses...
28On voit apparaitre dès 1949 des revendications qui vont ensuite s’inscrire dans le long terme en France. Et d’abord, bien avant de Gaulle, une véritable obsession pour un groupe directeur de l’Alliance, à 3 ou à 4 (avec ou sans le Canada), chargé de la planification stratégique. L’idée répond à deux préoccupations françaises : d’abord, permettre des décisions rapides, en discutant à 3 ou 4 et non à 12, car les dirigeants français pensent toujours qu’il y a urgence à agir face aux Soviétiques. Ensuite, assurer une place plus importante à la France. Écartée des premières consultations sur la négociation du Pacte lui-même, où le Royaume-Uni s’est imposé comme seul représentant de l’Europe, intégrée dans les suivantes en tant que membre de l’Union occidentale et non comme nation souveraine, la France veut retrouver une place conforme à ses ambitions dans les organismes du Pacte. Cette idée fait aussi écho à la vieille obsession des Combined Chiefs of Staff (CCS) de la seconde guerre mondiale.
29Dès 1948, Ramadier avait réclamé la participation française aux CCS de la guerre. Les Anglo-Saxons avaient simplement répondu qu’ils ne se réunissaient plus. La correspondance entre le général Revers et l’attaché militaire à Washington montre que les membres de l’État-major de la Défense nationale ne croyaient pas un mot de cette réponse23. On voit ici le souci de mettre fin au tête-à-tête anglo-américain, d’autant plus que les Britanniques ne défendent pas auprès des États-majors américains la même stratégie que les Français, avec l’éternel enjeu du choix entre défense en avant et défense périphérique. Lors de son voyage aux États-Unis le général Revers croit constater qu’« aucune décision de principe n’était encore nettement arrêtée, ni en ce qui concerne le principe même de la bataille en Europe, ni sur la ligne qu’il convenait de défendre24 ». Revers, par ailleurs, n’est pas dupe des fortes divisions au sein de l’État-major américain : pour le général Bradley, la défense en Europe est un dogme, tout comme pour le général Wedemayer, sur qui la France semble pouvoir s’appuyer. En revanche, d’autres préconisent le repli sur la Grande-Bretagne et l’Afrique, alors qu’un courant isolationniste fort se maintient, en particulier au Congrès. Dans ce contexte, faute de mieux, et malgré la prétention à être une grande puissance, on n’est pas loin, à Paris, de tenter de se comporter comme un lobby cherchant à convaincre certains dirigeants américains pour peser sur les décisions. Aveu de faiblesse ou tactique payante ? En tout cas, Revers met en garde les dirigeants français sur un autre point : les Américains n’accepteront de discuter stratégie qu’avec des personnes qu’ils connaissent, en nombre réduit, et « sous réserve qu’aucun papier ni aucun télégramme ne quitte jamais Washington25 ». Tout cela alimente à Paris les espoirs de voir se créer un groupe de direction stratégique de l’Alliance.
30Entre la signature du traité et le début du mois d’août 1949, de multiples conversations informelles ont lieu au sujet de ce groupe restreint, toujours dans un cadre bilatéral. La prudence du Département d’État est évidente : on écoute les positions française et britannique mais sans vraiment s’exprimer. La France exige sa participation au comité restreint. Celle des Britanniques et des Américains va de soi. Proposée par Washington, et justifiée par son apport financier à la défense générale, la question de la présence du Canada se pose. Elle intéresse peu les militaires français, seulement inquiets du fait qu’elle pourrait justifier d’autres candidatures. En revanche, le Quai d’Orsay la regarde positivement, comme un apport possiblement francophone, sans en faire un point essentiel de la négociation.
31Deux autres désaccords, bien plus importants, opposent les Français à leurs alliés. Le principal est avec les Britanniques qui tiennent à ce que ce groupe restreint soit localisé à Londres, avant tout pour détourner les Français de la coopération militaire anglo-américaine qui se maintient à Washington26. Pour obtenir le centre de gravité militaire de l’organisation, ils sont prêts à accepter que Paris en devienne le centre politique. Mais la position française en faveur de Washington se révèle tout aussi ferme que la volonté britannique. Le second point de divergence est avec les Américains et concerne les attributions du groupe directeur. Pour les militaires français, le groupe doit être une instance de décision ayant autorité sur toutes les structures de l’Alliance, en particulier sur les États-majors régionaux qui pourraient être mis en place. Surtout, il doit avoir la charge d’élaborer l’ensemble de la stratégie occidentale, au-delà de l’étendue géographique du traité. Le Moyen-Orient, éventuellement l’Asie, devraient être pris en compte dans les plans établis pour la défense de l’Europe. Cette perception mondiale de la stratégie de guerre froide par les chefs militaires français est une donnée permanente de leur positionnement vis-à-vis de l’Alliance. Mais ce point de vue est, jusqu’à la guerre de Corée, inacceptable pour les Américains. C’est donc en se fondant sur les propositions américaines et en les adaptant aux idées françaises que les Français ont une chance de trouver une solution avantageuse.
32Cela peut passer par le choix des relais régionaux pour étudier et appliquer les décisions qui, dans le schéma idéal, seraient prises par le groupe directeur. Il faut définir des théâtres d’opérations, dans lesquels répartir les efforts de l’Alliance de façon coordonnée. à Paris, l’État-major permanent de la présidence du conseil estime que ce découpage en groupes régionaux peut être la première étape de la mise en place de commandements effectifs, avec des États-majors mixtes.
33Mais si Paris multiplie les études, les décisions s’élaborent à Washington, et il faut attendre la venue en France des chefs d’État-major américains, annoncée début août27, pour que de véritables consultations aient lieu, et que les propositions américaines soient connues. L’objet de la rencontre du 5 août est, pour les Joints Chiefs, de faire connaître le résultat de leurs travaux sur l’organisation militaire du Pacte atlantique et d’obtenir l’avis des chefs d’État-major français sur leurs différents projets. La consultation des Français n’est nullement un égard. Les chefs d’État-major américains entreprennent de la même façon tous les pays membres, afin de pouvoir faire une proposition définitive. Quatre plans sont présentés par les Américains28. Ils ont en commun l’organisation politique prévue par le Pacte avec, au sommet un Conseil politique composé des douze ministres des Affaires étrangères (Conseil atlantique) et, en dessous, un Comité de défense composé des douze ministres de la Défense. Par contre, chaque plan comporte une organisation militaire particulière.
- Plan A : un comité militaire à douze membres et deux groupes régionaux, l’un comprenant l’Union occidentale et les autres nations européennes, l’autre les États américains (États-Unis Canada) et les pays responsables des lignes de communication nord-Atlantique.
- Plan B : un Comité d’armement et un Comité militaire à douze membres comportant lui-même un organisme exécutif réduit, dit Comité militaire directeur, à trois ou quatre membres. Ce dernier comité disposerait d’un État-major interallié permanent. à cela s’ajoutent cinq groupes régionaux : américain (États-Unis, Canada), lignes de communications nord Atlantique (États-Unis, Islande, Norvège, Canada, Danemark, Portugal, France, Royaume-Uni), Europe occidentale (les membres du traité de Bruxelles, plus les États-Unis, la Norvège, le Danemark), Méditerranée occidentale (États-Unis, France, Italie, Portugal, Royaume-Uni).
- Plan C : dépendant du Comité militaire, un commandement suprême dirige trois groupes régionaux : Union occidentale et pays européens intéressés, Europe du Nord, nord-Atlantique.
- Plan D : un Comité militaire à douze membres, et sept groupes régionaux : Amérique du Nord, Union occidentale, Italie, Portugal, Danemark, Norvège, Islande.
34Il ne faut qu’une courte suspension de séance, ce 5 août, aux chefs d’État-major français pour se concerter et retenir le plan B, qui, moyennant certaines précisions, semble donner satisfaction dans ses grandes lignes. Car s’il est prévu un Comité militaire où seront représentées les douze puissances signataires, il comporte bien un comité militaire directeur à trois ou à quatre, dont la France, doté d’un chef d’État-major et d’un État-major permanent. L’organisation envisagée pour les groupes régionaux semble aussi permettre la satisfaction d’une autre préoccupation française : la sauvegarde de l’organisation militaire du pacte de Bruxelles. En effet, contrairement au traité de Washington, celui de Bruxelles prévoit l’automaticité en cas d’attaque d’un des membres. Et il doit demeurer en vigueur 50 ans, alors que le Pacte atlantique peut être révisé au bout de 10. C’est un acquis à sauvegarder. Mais cette préoccupation conduit les officiers français à émettre des réserves sur la composition envisagée pour les groupes : pour conserver à l’Union occidentale son unité et son efficacité, il faut supprimer l’Italie et le Danemark du groupe Europe occidentale. En revanche, la France tient à être représentée dans le groupe Nord Europe, dont le Pas-de-Calais est une des portes29.
35À l’issue des consultations avec leurs autres partenaires, les chefs d’État-major américains annoncent, conformément aux espoirs français, qu’ils ont choisi de prendre comme base de travail le plan B30, décision confirmée par le directeur d’Europe occidentale du Département d’État31. C’est ce plan qui constitue le point de départ des travaux du groupe de travail à douze, chargé de proposer une base institutionnelle au Pacte atlantique.
... Aux discussions officielles
36Les représentants des pays membres du groupe de travail sont les agents diplomatiques à Washington. Pour la France, ce sera donc encore une fois l’ambassadeur Henri Bonnet, ou ses chargés d’affaires, Armand Bérard, Daridan et Wapler. Les travaux commencent sur le texte élaboré par les Américains, le plan B. Comme on pouvait s’y attendre, c’est à propos du projet de groupe directeur qu’apparaissent, avec les petites puissances, les difficultés principales. La question de sa localisation géographique ne fait plus débat, dès lors que le gouvernement américain s’est prononcé en faveur de Washington. Mais dans le projet présenté par les États-Unis, la participation du Canada a été écartée, avec leur assentiment, pour éviter de justifier d’autres candidatures. Pourtant, on enregistre très vite la candidature italienne32 puis hollandaise33.
37La difficulté pour Bonnet est de faire triompher les thèses françaises sur le rôle du groupe directeur, sans que ce rôle apparaisse trop exorbitant, et donc inacceptable, aux pays qui en sont exclus. Dans les télégrammes échangés entre Bonnet et le Quai d’Orsay, on perçoit les tentatives de l’ambassadeur pour rassurer ses interlocuteurs parisiens sur les intentions anglo-saxonnes. Selon lui, les Britanniques et les Américains sont d’accords pour ne pas restreindre le groupe à un rôle de « coordination ». Londres et Washington n’insisteraient sur ce mot que pour ménager l’amour propre des puissances qui n’en feront pas partie :
« S’appuyant sur des considérations de fait, on estime du côté britannique et américain qu’au stade actuel le problème de la création du groupe directeur présente essentiellement un aspect politique et qu’une fois prise la décision de le créer, le poids des trois gouvernements de la France, des États-Unis et de la Grande-Bretagne et de leurs représentants au sein du groupe, seront suffisants pour que soit assurée l’unité de commandement désirée34. »
38Paris ne veut pas céder. La tension au sein du Comité de travail n’est que légèrement atténuée par une intervention canadienne, proposant de parler non plus de groupe directeur (steering group) mais de groupe permanent (standing Group). Ce changement de vocabulaire n’est pas anodin : il amoindrit la portée de l’organisme en question. Par souci de compromis, conscient, sans doute de ne rien obtenir de mieux, Bonnet donne son accord immédiat en séance35. Le principe d’existence du groupe directeur, désormais appelé Groupe permanent, est admis36. Il ne répond pas à toutes les préoccupations françaises, notamment quant à ses attributions, mais il apparaît qu’il doit avoir la tâche de direction que le Comité de Défense nationale désire lui voir assurer. C’est, de toute façon, à ce stade des discussions, le mieux qu’Henri Bonnet puisse obtenir.
39Dans son aspect général, la question des groupes régionaux pose moins de difficultés à l’ambassadeur et à ses collaborateurs. Leur principe est accepté par tous. Seule la composition en est discutée. La participation américaine fait débat. Les États-Unis acceptent de siéger au groupe Europe occidentale, mais, pour y limiter leur responsabilité, ils proposent d’y participer comme observateurs (comme au sein des organismes de Bruxelles)37. Or, il importe aux pays continentaux, et en particulier à la France, que cette participation soit active38. Si l’ensemble des pays européens est d’accord pour inciter le gouvernement américain à participer comme membre plein à tous les groupes, le Département d’État répugne, sous l’influence de ses autorités militaires, à prendre des engagements d’ordre stratégique.
40Le Département d’État s’efforce donc d’obtenir du comité de travail l’inclusion provisoire dans chaque groupe régional des seuls États désireux d’en être membres, de manière à laisser aux organismes militaires le soin de préciser le degré de participation éventuelle des États-Unis39. Ils acceptent de participer à l’élaboration des plans des groupes Europe occidentale et pays scandinaves, mais se réservent de déterminer leur participation à l’exécution de ces plans.
41Le précédent américain de participation limitée inspire les participations italienne et danoise, sauvegardant les institutions du Pacte de Bruxelles au sein du groupe régional Europe occidentale40. L’organisation du groupe d’Europe septentrionale suit une logique similaire. Les États-Unis se cantonnent dans le même rôle que celui qu’ils doivent exercer dans le groupe Europe occidentale41. En revanche, la France qui désirait participer à ce groupe comme observateur ne le sera que lorsque la question étudiée la concernera, ce qui sauvegarde ses intérêts nationaux mais limite son rôle en Baltique42. Pour le groupe Nord atlantique, le Comité de Défense nationale obtient satisfaction avec la participation complète de la France. Plus fonctionnel que géographique, néanmoins, ce groupe régional doit établir les plans pour assurer la sécurité de la navigation, la défense des côtes et des bases océaniques43. La participation française était donc vitale pour sauvegarder le rôle maritime du pays et le contrôle de ses bases navales. Enfin, rebaptisé Europe méridionale et Méditerranée occidentale, le groupe de la Méditerranée occidentale est d’emblée le cadre de rivalités franco-britanniques.
42Le premier conseil de l’histoire de l’Alliance atlantique est réuni pour statuer sur ces questions institutionnelles le 17 septembre 1949. La France y est représentée par son ministre des Affaires étrangères, Robert Schuman. Pour l’essentiel, les décisions antérieures sont officialisées44, et le traité de Washington devient une organisation.
43Toutes les questions n’ont cependant pas été réglées. Le siège des groupes régionaux n’a pas été fixé. Les discussions sur les organismes économiques45 et la mise en place d’un éventuel secrétariat permanent ont été reportées à plus tard. Les organismes ont été créés. Il reste à les pourvoir en hommes, et à commencer le travail le plus rapidement possible.
Fig. 1. – Structure de l’organisation atlantique fin 194946.

Face aux réalités : accepter les compromis sans perdre la face
44Petit à petit, les organismes de l’Alliance se mettent en place. Après le 1er Conseil atlantique, c’est au Comité de défense de tenir sa première réunion : le 5 octobre 1949, à Washington. C’est Paul Ramadier qui y représente la France. Le 6, se réunit à son tour le Comité militaire, au niveau des chefs d’État-major47. Cette fois, c’est le général Lechères qui parle au nom de la France. L’Alliance se concrétise.
De l’espoir à la désillusion...
45Mais pour cela, il faut nommer des hommes aux postes créés. Pour le Standing group, la France dispose déjà de deux officiers supérieurs en mission permanente aux États-Unis : le chef de la mission militaire à Washington, le général Lauzin, et le chef de la délégation française au Comité d’État-major de l’ONU, le général Billotte. Si le premier s’inquiète surtout de voir un autre officier supérieur pouvant concurrencer son autorité, le second ne dissimule pas son intérêt pour le poste. Or, Billotte est soutenu par le nouveau secrétaire général du Quai d’Orsay, Alexandre Parodi, ancien représentant de la France à l’ONU, lequel, bien que ne partageant pas les positions politiques de Billotte, a travaillé avec lui à New York et a apprécié son travail. Schuman ne lui est pas défavorable48. Auriol, en revanche, n’apprécie pas cet officier trop engagé politiquement, et, dans les sphères de la Défense nationale, Billotte ne fait pas l’unanimité. Revers, en particulier, affiche le plus profond mépris pour lui49. Surtout, un problème politique, souligné par l’amiral Wietzel, est considéré :
« Organiquement et politiquement, il n’est pas possible que le même officier général s’occupe du Pacte de l’Atlantique et du Comité d’État-major des Nations-Unies : les Russes auraient alors une occasion unique de torpiller ce Comité d’État-major50. »
46Du côté du cabinet Ramadier, on a un autre candidat, le général Paul Ély. Représentant français dans les organismes militaires du traité de Bruxelles, il est au fait des dossiers interalliés. Certes, il ne parle pas anglais, mais cela n’a pas entravé son action en Grande-Bretagne. Le choix du général Ély laisse le Quai d’Orsay assez dubitatif, dans un premier temps. La personnalité de cet officier n’est pas pour rassurer quant à ses relations avec les Américains. Son caractère froid, strict, sa conviction profonde de la mission de la France dans le monde, ne semblent pas aptes à faciliter la communication. C’est pourtant sur le général Ély que se porte le choix du ministre de la Défense nationale.
47L’équipe française du Groupe permanent arrive donc à Washington au début du mois d’octobre 1949. Ély se voit adjoindre le général de brigade Piatte, de l’armée de Terre, un proche du général Revers, lequel a lui-même comme adjoint un autre officier de l’armée de Terre, le capitaine de Mecquenem. Autour de ce petit groupe, une équipe d’officiers des trois armes est créée : le colonel Loiret, un polytechnicien, pour l’armée de Terre, le colonel Brohon, un proche du général Lechères, chef d’État-major de l’armée de l’Air, et le capitaine de vaisseau Picard-Destelan pour la Marine, un proche de l’amiral Lemonnier51. Notons que les réticences initiales du quai d’Orsay à l’égard d’Ély sont très vite oubliées. Les relations établies entre son équipe et celle de l’ambassade de France à Washington sont excellentes : dans la mesure où le développement des questions militaires détermine l’ensemble des travaux du Pacte, mais que le volet économique demeure sous la responsabilité de l’ambassade, des échanges constants entre les deux équipes permettent une coopération efficace. Ainsi, les démarches de l’ambassade auprès du Département d’État et celles de la délégation dirigée par Ély auprès du Pentagone, sont toujours concertées. En revanche, les relations sont d’emblée très difficiles entre le général Ély et le général Lauzin. Avant l’arrivée d’Ély et de son équipe, tous les problèmes militaires concernant le pacte avaient été traités par l’ambassadeur. L’attaché militaire n’avait jamais été impliqué. L’arrivée de cette délégation militaire rend son rôle encore plus exigu, s’il était possible de le réduire davantage52.
48Le tableau ne serait pas complet sans la question des conditions de travail et des responsabilités du Groupe permanent, en ce qu’elles sont révélatrices de la place que les alliés sont prêts à laisser à la France. Avant l’arrivée du Groupe permanent, le statut des délégations militaires françaises et britanniques à Washington n’était pas le même. Les officiers britanniques avaient un accès régulier et officiel au Pentagone, le centre névralgique de la défense américaine, quand la mission du général Lauzin devait demander des autorisations pour y être reçue. Pour le Groupe permanent, la question se pose donc de savoir si les réunions auront lieu au Pentagone et quelles en seront éventuellement les conditions d’accès pour les officiers français. Sans surprise, les Britanniques mènent campagne auprès des Américains pour obtenir d’autres locaux et tenir les Français éloignés du Pentagone. La réponse des États-Unis est extrêmement ambiguë. Les réunions de travail auront bien lieu au Pentagone, mais les délégations ne s’y installeront pas.
49Commence donc pour la représentation française un travail kafkaïen. Les trois officiers subalternes, Brohon, Picard-Destelan et Loiret, obtiennent une carte d’accès au Pentagone, pour participer aux réunions de travail, alors que les officiers supérieurs en sont tenus écartés hors des réunions officielles et travaillent à l’ambassade53. La méthode de travail de l’équipe française découle de cette contrainte de localisation : chaque soir, une réunion à l’ambassade permet à Ély et Piatte de donner leurs instructions pour les réunions du lendemain, et d’entendre le rapport de leurs subordonnés sur les travaux du jour. Dans la journée, le contact ne peut être que téléphonique. En outre, le système cosmic pour la sécurité des documents interdit aux officiers d’emporter le soir les dossiers de travail. Le seul moyen d’informer précisément le chef de la délégation est donc l’utilisation des brouillons – ou la mémoire54. Des conditions de travail d’autant plus pénibles que le statut de la délégation, pendant sept mois, reste celui d’une mission temporaire, avec la situation administrative qui s’y attache :
« Il fallait vivre sur l’indemnité versée en frais de déplacement quotidiens. Nous avons trouvé un hôtel... Ça n’arrangeait pas l’idée que les Américains pouvaient se faire des Français55. »
50Les difficultés de la liaison avec Paris sont une contrainte supplémentaire. L’interlocuteur direct du Groupe permanent à Paris est le général Vernoux, chef d’État-major des Forces armées. Alors que les Britanniques utilisent les conférences par télex, le général Ély n’a à sa disposition que le téléphone et le télégramme. Les conversations téléphoniques, peu fiables, sont compliquées par le décalage horaire. Quant aux télégrammes, il faut attendre qu’ils soient étudiés par Vernoux puis communiqués au ministre de la Défense et aux organismes militaires à Paris avant d’obtenir une réponse. Les délais sont inadaptés à la rapidité des questions traitées au Pentagone56. La désillusion sur la coopération avec les Britanniques et les Américains est totale et c’est dans ce contexte – et dans ces conditions de travail difficiles et peu efficaces – que s’amorcent les discussions au sein du Groupe permanent sur le concept de défense et les premières mesures à prendre.
L’enjeu vital : le concept stratégique général et les aides militaires
51Nous connaissons l’enjeu pour la France de la question stratégique, défense en avant ou périphérique. Les premiers travaux du Groupe permanent sont décisifs, dans la mesure où tout en dépendra.
Quel concept stratégique pour l’Alliance ?
52La méthode de travail, là encore, est dictée par les Américains : tout d’abord l’étude de la menace, ensuite seulement celle des moyens pour y répondre. Toujours ce décalage de temporalité entre les Français qui pensent que la menace est immédiate, et les Américains qui l’estiment sur le long terme. Ce qui permet de comprendre la nature des procédures mises en place au sein de l’Alliance : à la source de la décision, un document est établi par les équipes de travail du Groupe permanent, puis étudié par le Groupe permanent qui le communique aux États-majors nationaux des trois et établit en fonction de leurs commentaires éventuels un nouveau texte (documents SG dans la terminologie OTAN). Le document approuvé par le Groupe permanent est ensuite présenté au Comité militaire, qui consulte les États-majors des douze et de nouveau propose des révisions (documents MC). Enfin, après accord du Comité militaire, le texte est présenté au Comité de défense, qui lui-même l’étudie, et éventuellement le révise (documents DC), avant de le présenter au Conseil atlantique qui seul peut l’adopter définitivement. Pourtant, le document approuvé au terme de cette procédure en janvier 195057 n’est que la première étape de l’élaboration de la stratégie de l’Alliance. Il ne contient que des principes généraux et des objectifs sur le long terme.
53Point important, il mentionne l’utilisation de l’arme atomique, mais seulement par les Américains. Il évoque une défense « aussitôt que possible », sans préciser où ni comment, ce qui satisfait tout le monde puisque le débat entre tenants de la stratégie périphérique et tenants de la défense en avant tient justement autour de la « possibilité » de la défense en question. En outre, il faut encore établir des directives précises pour les groupes régionaux. C’est l’objet des travaux sur le « plan de défense à moyen terme de l’Alliance » qui aboutissent à la rédaction d’un document présenté au Comité de défense le 1er avril 1950.
54Les grandes lignes intéressant la France sont les suivantes : le but consiste à maintenir l’ennemi aussi loin à l’Est que possible, en Allemagne. Pour cela, les forces américaines stratégiques et tactiques doivent intervenir dès le début dans la bataille terrestre. La protection de la zone AFN/France méridionale et Corse fait partie du plan de défense de la métropole. La France est responsable des lignes de communications Nord-Sud en Méditerranée occidentale. Les principales revendications françaises se trouvent satisfaites58. Mais ces plans stratégiques ne sont que théoriques s’ils ne s’accompagnent pas du réarmement des forces européennes membres du Pacte atlantique. Or, pour réarmer, l’Europe a toujours besoin de l’aide américaine.
Les aides militaires : un moyen de chantage ?
55Le 5 avril 1949, au lendemain de la signature du Pacte atlantique, les cinq puissances du traité de Bruxelles avaient adressé à Washington une demande officielle d’aide militaire et financière59. En réponse, le gouvernement américain demandait aux pays d’Europe occidentale de présenter une liste précise de leurs besoins. Le 25 juillet 1949, aussitôt après avoir signé la loi ratifiant le traité de l’Atlantique Nord, le Président Truman présentait, comme une conséquence du traité, un projet de programme d’aide militaire. Au cours de l’été 1949, des amendements y sont proposés au sein des commissions sénatoriales américaines. L’un d’entre eux stipule que les pays bénéficiaires de l’aide militaire des États-Unis doivent utiliser les armements fournis pour renforcer la défense commune de la zone de l’Atlantique Nord, conformément aux plans de défense élaborés par l’organisation. Cela implique que les plans soient établis préalablement au vote de l’aide, et interdit à la France d’utiliser l’aide en question en Indochine. Un second amendement autorise le Président et le Congrès à « récupérer ou [...] conserver » les armes destinées aux pays de l’OTAN si elles cessent d’être nécessaires aux termes du traité60. Ces amendements sont introduits dans la loi d’Aide militaire pour la Défense mutuelle signée par le Président Truman le 6 octobre 1949. Lié au Pacte atlantique, le programme d’aide militaire est néanmoins bilatéral et non multilatéral. Les Américains entreprennent donc des négociations individuelles avec chaque gouvernement européen.
56Le 4 novembre, l’ambassade des États-Unis à Paris propose un projet d’accord61. Sur proposition française, le conseil consultatif du pacte de Bruxelles décide de confier à la commission permanente de Londres l’étude du projet américain, de manière à établir une position commune des cinq puissances. Il s’agit de s’unir face aux Américains pour mieux se faire entendre. Mais la solidarité britannique est fragile, et, le 30 novembre, le gouvernement français donne à Henri Bonnet, son ambassadeur à Washington, l’instruction d’engager les négociations. Pour aider Bonnet, le Quai d’Orsay envoie aux États-Unis le professeur André Gros, jurisconsulte du ministère des Affaires étrangères. Les négociations menées à Washington avec le Département d’État sont appuyées à Paris d’échanges de vues presque quotidiens avec Charles Bohlen, ministre conseiller de l’ambassade des États-Unis. Au bout de quatre semaines, Français et Américains tombent d’accord. Le texte commun précise dans son préambule que l’accord est la conséquence de la signature du traité de l’Atlantique Nord, même si la négociation n’a pas eu lieu dans le cadre de l’Alliance.
57Sur le modèle du texte franco-américain, le 27 janvier 1950, des accords bilatéraux mettant en œuvre le programme d’aide militaire sont signés à Washington entre les États-Unis et les huit pays européens de l’OTAN qui avaient demandé cette aide. Dans chaque pays bénéficiaire, le gouvernement des États-Unis installe un organisme militaire dépendant de son ambassade, le Groupe consultatif d’Aide militaire (Military Assistance Advisory Group, ou MAAG). Le MAAG est l’intermédiaire obligé entre les États-majors occidentaux et Washington. Son personnel a pour mission d’observer les progrès dans l’assistance fournie. En France, auprès du MAAG, est accrédité un organisme français de liaison, le GRML (groupe de réception du matériel et de liaison). Conséquence de ces accords, le 8 mars, le porte-avions français Dixmude quitte Norfolk, en Virginie, avec un chargement de Hellcat et d’autres chasseurs et bombardiers américains pour l’aéronavale. Il emporte la première cargaison de matériel à destination de l’Europe.
58Les débuts de l’aide sont pourtant difficiles. Le principe en est acquis, mais le choix du matériel à envoyer en Europe est sujet à de longues discussions au sein des institutions américaines62. En outre, en contrepartie de l’aide, le gouvernement américain présente des demandes de facilités sur le sol européen, en particulier français. Une première demande est étudiée par le ministre des Affaires étrangères le 4 octobre 1949, et reçoit une acceptation de principe. Elle concerne les besoins de première urgence : en France, établissement d’une ligne de communication (Bordeaux-La Pallice, vers la zone d’occupation), en AFN, pour la Marine et l’Aviation, installation de dépôts, de transmissions, utilisation de terrains d’aviation (Port Lyautey en particulier), installation d’un centre d’entraînement à Arzew. Le commandement américain fait également État de ses besoins futurs : établissement de stations radars, installation de dépôts et de moyens de transmissions, réalisation d’accords financiers pour la mise en œuvre des demandes précédentes. Cela implique la possibilité pour le commandement américain d’assurer l’inspection des moyens mis en place.
59L’étude de ces demandes n’est pas aisée. S’il s’agit pour les États-Unis de marquer leur volonté de participer immédiatement à la défense de l’Europe en y installant les moyens indispensables à l’arrivée rapide de renforts de toutes sortes, le gouvernement français ne peut que s’en féliciter. Mais on peut aussi tout simplement y lire le souci de ravitailler les effectifs présents en Allemagne, ou même une précaution prise pour leur évacuation devant une menace ennemie. Déjà assez réticent sur le principe de l’implantation américaine, le Président de la République se montre tout à fait hostile au droit d’inspection, incompatible selon lui avec la souveraineté nationale. Le ministre de la Défense nationale, René Pleven, est plus favorable à la demande américaine car elle indique selon lui la volonté des États-Unis de défendre l’Europe continentale. Vice-président du Conseil et ministre de l’Intérieur, le socialiste Jules Moch est d’accord pour accorder tout ce qui est utile à la défense occidentale à condition que cela soit compatible avec la souveraineté française et ne donne pas prise à la propagande communiste. Le Comité de Défense nationale du 28 novembre accorde le principe de l’implantation, mais décide que chaque facilité octroyée aux États-Unis devra faire l’objet d’une autorisation explicite et individuelle de sa part63.
60Indéniablement, un agacement apparait côté français face aux demandes américaines. L’aide tarde à arriver, les Américains ne sont pas pressés de lancer les travaux au sein du Pacte atlantique, mais sont beaucoup plus pressants quand il s’agit d’obtenir des droits en France. Le sentiment d’un déséquilibre s’installe.
L’inquiétude française devant les premiers travaux et l’amorce de la réorganisation du Pacte atlantique
61Le bilan des premiers travaux menés dans le cadre de l’Alliance est mitigé. Les représentants français dans les comités de l’organisation déplorent presque unanimement les réticences perpétuelles de leurs homologues américains et britanniques. Le travail au sein des divers organes de l’Alliance se révèle lourd, complexe, lent, administratif. Il semble que des mesures doivent être prises pour empêcher l’organisation atlantique de devenir une machinerie infernale, au sein de laquelle aucune décision efficace ne pourrait plus être prise. Comme le remarque le diplomate Roland de Margerie :
« Aucun groupe d’homme n’existe qui ait, aux yeux de la communauté atlantique comme dans chacun des pays qui la compose, la compétence, l’autorité, le prestige voulus pour triompher des égoïsmes nationaux et imposer les solutions rationnelles dans le court délai dont nous disposons64. »
62Il est évident que chacun attend des autres un effort plus grand et estime porter le poids essentiel de la défense occidentale. C’est ce qui amène les États-Unis à demander un effort financier aux nations européennes, alors que celles-ci attendent un engagement ferme du gouvernement américain en Europe. La situation d’attente réciproque bloque toute avancée concrète dans la mise en défense effective de la zone nord Atlantique.
Adapter les instances nationales
63Pour essayer d’accroître l’efficacité des travaux au sein du Pacte, une première démarche consiste à améliorer, dans le cadre national, la coordination des services chargés de travailler avec les alliés. Cette adaptation des instances nationales prend une double forme : militaire et diplomatique.
64Tout d’abord, un nouvel organisme est créé au sein de la Défense nationale : le secrétariat général permanent à la Défense nationale (SGPDN, décret du 1er avril 1950).
« Il est chargé de la préparation des négociations intéressant la défense nationale et, en particulier, de l’étude des projets de décisions soumis aux organismes politiques créés, dans le cadre des engagements financiers. Il suit les travaux concernant les comités interalliés des chefs d’États-majors et de ceux de l’armement et, d’une manière générale, les travaux de toutes les délégations françaises aux divers comités interalliés65. »
65Pour les affaires strictement militaires, telles les questions de stratégie, il est prévu que les directives qui seront adressées aux Français du Groupe permanent seront établies par l’État-major combiné des Forces armées (EMCFA)66. Mais comme ces directives doivent être soumises à la fois au ministère de la Défense nationale et au président du Conseil, le SGPDN conserve un droit de regard sur elles, sans avoir pourtant la compétence nécessaire pour les examiner sur le plan technique. Le SGPDN peut seulement vérifier si elles restent dans la ligne politique générale de la France.
66Il y a désormais dissociation entre les fonctions de coordination de la défense et celles de direction des Forces armées. Le SGPDN a pour mission de coordonner les secteurs civils de la défense, et principalement les différents aspects de la politique diplomatique en matière de défense au sein de l’Alliance atlantique. Les problèmes de direction des armées passent aux mains du comité des chefs d’États-majors et de l’État-major combiné des Forces armées. Au sein du SGPDN, il faut noter la prépondérance des éléments civils sur les militaires. À sa tête est nommé Jean Mons, préfet. Les effectifs marquent certes la parité entre civils et militaires, mais dans la réalité des postes, les fonctions militaires sont de plus courte durée que les fonctions civiles, et les initiatives viennent souvent de ces derniers.
67En matière diplomatique, depuis 1949, le développement de l’activité des organismes du Pacte atlantique a déjà poussé plusieurs pays membres à organiser, dans le cadre de leur ministère des Affaires étrangères, un service spécial chargé de ces sujets. Il devient indispensable de faire de même en France. En novembre 1950, le quai d’Orsay met donc en place un « Service des Pactes », compétent pour diriger et coordonner l’activité des différents services du ministère relative à l’exécution dans tous les domaines des traités de Bruxelles et de l’Atlantique, ainsi que pour l’étude de toutes les questions militaires connexes67. Il est chargé de coordonner les liaisons entre les représentants français à l’OTAN et les divers ministères nationaux sur les questions entrant dans son domaine de compétence. Ses attributions recoupent en partie celles du SGPDN, et les conflits entre les deux organismes seront nombreux. Les difficultés matérielles sont également loin d’être réglées avec la création de ce service. De nombreuses réunions interministérielles se tiennent dans le bureau de Boegner, chef du Service des Pactes. Or, Boegner signale toujours en mars 1952 que ce bureau ne dispose pas de système de filtrage téléphonique. Les sièges sont pour la plupart hors d’usage et l’absence de moquette dans les locaux du dessus provoque un bruit de fond pénible68. Les conditions de travail sont loin d’être idéales, et recevoir les délégations alliées dans ce contexte ne fait guère briller l’image de la France.
Réorganiser l’Alliance : lui donner une structure permanente
68Mais la réorganisation des institutions françaises ne suffit de toute façon pas à régler les problèmes de l’Alliance. Il manque à l’organisation atlantique elle-même un organisme central permanent, capable de dialoguer avec les pays membres et de dégager l’intérêt commun. Le diagnostic est fait, mais le remède reste à trouver : l’accord se fait rapidement sur l’idée de créer un organe de coordination permanent, mais sous quelle forme ?
69En France, on se soucie surtout de ne pas affaiblir le Groupe permanent par un autre organisme. Bonnet écrit :
« Je me demande personnellement si un comité nouveau est indispensable. Il me paraît essentiel, en tout cas, qu’il n’ait pas un caractère militaire et ne risque pas d’affaiblir le Standing Group69. »
70Il suffirait, selon lui de créer un secrétariat permanent et de maintenir le système en place de réunion des ambassadeurs. De toute façon, pour créer un nouvel organisme, le Conseil atlantique doit se réunir. C’est chose faite du 15 au 18 mai 1950, avec comme ordre du jour la réorganisation de l’Alliance.
Fig. 2. – Structure de l’organisation atlantique en mai 195070.

71On y crée un Conseil des Suppléants des ministres des Affaires étrangères, organisme civil permanent chargé d’exécuter les directives des gouvernements membres de l’OTAN dans l’intervalle des sessions du Conseil de l’Atlantique Nord. Chaque gouvernement doit y être représenté par un « suppléant de son représentant au Conseil », c’est-à-dire de son ministre des Affaires Étrangères. Le Conseil atlantique ne tranche pas sur les détails. Aux Suppléants de choisir eux-mêmes l’un d’entre eux comme président et d’établir « une organisation permanente appropriée composée de personnes hautement qualifiées désignées par les gouvernements signataires71 ». Il est seulement prévu que les décisions de ce Conseil permanent doivent être prises à l’unanimité, ce qui n’élargit pas les perspectives d’accord.
72L’ensemble de l’organisation permanente ainsi créée doit siéger à Londres, pour satisfaire les Britanniques. Choix qui ne fait pas l’unanimité en France. René Pleven s’inquiète de voir le centre de gravité de l’organisation atlantique se déplacer de Washington vers la Grande-Bretagne. Néanmoins, un équilibre s’instaure ainsi entre les deux rives de l’Atlantique, avec le Groupe permanent à Washington, le siège de l’OECE à Paris et le Conseil des Suppléants à Londres.
73Ainsi, de la négociation du texte du traité de Washington à la mise en place de l’Alliance atlantique jusqu’à sa première réorganisation institutionnelle, le 18 mai 1950, la France s’est battue en permanence. Elle a obtenu ce dont elle rêvait : participer au Groupe permanent de l’Alliance. Mais il n’est pas l’organisme de direction qu’elle espérait. Elle a obtenu la couverture de l’Algérie par le Pacte et la participation de l’Italie, mais en cédant sur tout le reste : l’automaticité d’action en cas d’agression, les livraisons d’armes, la participation des Scandinaves.
74Dans les instances du Pacte en cours de gestation, les représentants français se sentent exclus d’un tête-à-tête anglo-américain qui les obsède. Les États-Unis ne cachent pas le peu de cas qu’ils font des propositions françaises. Une évidence surtout s’impose : la concrétisation de la défense occidentale et le crédit que les Américains accorderont aux pays européens dépendront dans une large mesure du redressement de l’économie européenne. à cet égard, c’est vers le plan Schuman de Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), présenté le 9 mai 1950, juste avant la réunion tripartite et le Conseil atlantique, que toutes les attentions se portent ; l’importance de ce contexte parallèle explique le relatif attentisme qui caractérise le mois de juin 1950. Le rôle que jouera le Conseil semble par ailleurs dépendre de ses membres. Or les nominations des suppléants tardent. À la fin du mois, les gouvernements américains et britanniques décontenancent les Français en annonçant les noms de leurs représentants : Charles Spofford pour les États-Unis et Sir Hoyer-Millar, ambassadeur en poste à Washington, pour la Grande-Bretagne. La personnalité de Spofford semble secondaire, comme si les États-Unis n’accordaient pas beaucoup d’importance à la fonction. Bonnet tente, sans grand succès, de rassurer Paris72 et, pour la France, le choix se porte sur Hervé Alphand. Inspecteur des Finances, ancien directeur général des affaires économiques, financières et techniques aux Affaires étrangères de 1945 à 1949, il devient le 19 août 1950 ambassadeur de France, représentant permanent de la France à l’OTAN.
75Les grands traits de la politique atlantique de la France pour les années à venir apparaissent déjà, en particulier sa revendication d’une place à la tête de l’Alliance, à égalité avec la Grande-Bretagne. C’est le sens de l’obsession française pour la constitution d’un Groupe directeur de l’Alliance, ainsi que de la mise en avant de l’Union française afin de justifier cette demande. La couverture de l’Algérie par le Pacte a été « demandée », puis « exigée » par les Français. La guerre d’Indochine est également instrumentalisée : il importe d’en masquer le caractère colonial pour montrer que la France, débitrice sur le plan financier, joue un rôle majeur dans la lutte contre le communisme en luttant seule contre son influence en Asie.
76Autre constante : il est indispensable d’obtenir des alliés la garantie que le territoire français sera défendu par l’application de la stratégie de défense en avant, et donc la mise à l’écart des thèses de défense périphérique du maréchal Montgomery. Cela exige la mobilisation de forces importantes et un réarmement massif. Cet effort est impossible à mener sans le soutien et l’aide financière et militaire des États-Unis, ce que les attentes françaises ne facilitent pas : obtenir la couverture de l’Afrique du Nord mais sans y favoriser l’ingérence américaine, intégrer la défense occidentale mais sans renoncer à la souveraineté nationale, se battre en Allemagne mais sans les Allemands.
77Or, le déséquilibre Est-Ouest est flagrant en ce qui concerne les forces conventionnelles. Lors d’un débat aux Communes, les 26 et 27 juillet 1950, Churchill parle de douze divisions occidentales contre quatre-vingt divisions soviétiques, dont trente blindées et toutes immédiatement mobilisables, sur un total de cent-cinquante divisions disponibles à moyen terme73. Acheson, de son côté, estime qu’à l’été 1950 vingt-sept divisions soviétiques et soixante-mille hommes de la police militaire Est-allemande font face à douze divisions de l’OTAN, mal équipées, non coordonnées, et possédant peu d’appui aérien74. Les groupes de planification, de l’Union occidentale d’abord, de l’Alliance atlantique ensuite, ont élaboré trois plans distincts pour l’éventualité d’une attaque venant de l’Est : un plan pour le court terme qui prévoit des mesures de retrait et d’évacuation ; un plan pour le moyen terme qui constitue un plan de bataille pour le jour où les alliés posséderaient une partie des troupes dont ils ont besoin et le soutien logistique nécessaire pour le déploiement de ces troupes ; un plan pour le long terme qui contient des demandes concernant les forces requises pour défendre l’Europe en cas de guerre majeure.
78Mais comment exécuter ces plans avec des troupes inférieures en nombre, mal équipées et peu entraînées ? Les forces anglo-saxonnes en Europe répondent davantage aux exigences administratives de l’occupation qu’aux exigences opérationnelles de la défense. Afin de rétablir un équilibre global approximatif, les Occidentaux doivent faire un effort d’armement dans la région la plus exposée : le secteur Centre Europe. D’une façon générale, les experts occidentaux réclament une centaine de divisions pour couvrir les principales approches et constituer des réserves suffisantes : quatre-vingt divisions pour le front central, quelque dix divisions pour la région Brenner-Trieste, cinq pour la région scandinave75. Aussi les Français demandent-ils une augmentation des effectifs anglo-saxons en Europe et une aide accrue pour le réarmement des continentaux du Traité de Bruxelles. Les Américains, eux, pensent aux Allemands... Caractérisé par un contraste saisissant entre l’ambition des revendications et la faiblesse des moyens, le statut déjà fragile de la position française devient plus précaire encore, en juin 1950, avec le déclenchement soudain de la guerre de Corée.
Notes de bas de page
1 AN, 457AP25, note du secrétariat général, « Pacte de Bruxelles, négociations de Washington et Pacte de l’Atlantique », 4 septembre 1948.
2 SHAT, 1Q26-4, Institut des hautes études de Défense Nationale (IHEDN), section politique, travail en comité, sujet : Le Pacte atlantique, conférence d’introduction de Noël Henry, ministre plénipotentiaire, chef de la section politique, 15 février 1949.
3 “The position of the United States with respect to Support for Western Union and other related Countries”, NSC-9, April 13, 1948, FRUS, III, 1948, p. 85-88.
4 Public Records Office (PRO), FO371-73080, projet de clauses pour le pacte Nord-Atlantique, texte proposé par la France, secret, 5 novembre 1948.
5 PRO, FO371-73083, rapport des ambassadeurs, 24 décembre 1948.
6 MAEF, Europe, généralités, vol. 25, circulaire du service de presse et d’information du ministère des Affaires étrangères au sujet du Pacte de l’Atlantique, no 57IP, 24 février 1949.
7 MAEF, Service des Pactes, 13, note de la direction générale des Affaires politiques, a. s. conversations de Washington, 30 juillet 1948.
8 AN, 457AP25, note du secrétariat général, « Pacte de Bruxelles, négociations de Washington et Pacte de l’Atlantique », 4 septembre 1948.
9 SHAT, 1Q26-4, Institut des hautes études de Défense Nationale, section politique, travail en comité, le Pacte atlantique, conférence d’introduction de Noël Henry, ministre plénipotentiaire, chef de la section politique, 15 février 1949.
10 Archives de l’Aveyron, Papiers Ramadier, 52J85, note d’H. Bolle pour le président sur le Pacte atlantique, urgent (manuscrite), 21 février 1949.
11 SHAT, 1K331-8, papiers Revers, EMGDN, note du général Revers sur les négociations du Pacte atlantique et ses aspects militaires, no 022DN/I/SR, secret réservé, 31 janvier 1949.
12 Le 13 janvier, Chauvel affirme à Caffery, ambassadeur des États-Unis en France, que la non inclusion de l’Algérie dans le Pacte atlantique serait inconstitutionnelle. La réponse de Lovett est sévère: “ask him why Algeria was omitted from Brussels Pact”. NARA, Washington, 840.20, box 5661, from Lovett to Caffery, top secret, 13th january 1949. Chauvel ne peut que lui répondre à nouveau que le Parlement exigera la couverture de l’Algérie.
13 MAEF, Service des Pactes, 3, compte rendu de la 4e session du Conseil consultatif Londres, metric no 217, top secret, 27-28 janvier 1949.
14 MAEF, Service des Pactes, 1, lettre de l’ambassadeur de France en Belgique pour le secrétariat général, très secret, 4 janvier 1949.
15 MAEF, Service des Pactes, 13, compte rendu d’une conversation entre Schuman et Bevin, Londres, 13 janvier 1949.
16 MAEF, Service des Pactes, 18, lettre de Bérard à de Margerie, Washington, 2 mars 1949.
17 Auriol V., Journal du septennat, 1949, op. cit., 9 mars 1949, p. 151.
18 MAEF, Z-Europe, généralités, vol. 26, télégramme de l’ambassade de France à Madrid, signé Hardouin, 23 mars 1949 ; MAEF, Z-Europe, généralités, vol. 26, réponse de la direction Europe, sous-direction d’Europe méridionale, 25 mars 1949.
19 Laloy J., Entre guerres et paix, 1945-1975, Paris, Plon, 1966, p. 243.
20 Ainsi ont été examinés successivement : la position de principe française concernant l’organisation initiale du Pacte (comité du 29 août 1949), le rôle et l’implantation des différents organismes du Pacte (comité du 29 septembre 1949), l’organisation finale, à caractère opérationnel (comités du 21 octobre 1950 et du 16 décembre 1950).
21 AN, 552AP43, papiers Auriol, CDN, dossier de synthèse sur le Pacte atlantique, 20 p.
22 Chantebout B., L’Organisation générale de la Défense Nationale, Paris, LGDJ, 1967, p. 157.
23 SHAT, 1K331-8, papiers Revers, télégramme du général Revers à l’attaché militaire à Washington, no 3297DN/2, 24 septembre 1948.
24 MAEF, Service des Pactes, 13, rapport du général Revers sur la mission aux États-Unis, secret réservé, 25 avril 1949.
25 Ibid.
26 PRO, FO 371, 80047, record of conversation between Hoyer-Millar, Gladwyn Jebb and Mr Bohlen, secret, 6th April, 1949.
27 NARA, 840.20, box 5665, memorandum of conversation, subject: Atlantic Pact and Military Assistance Program, Participants: Bonnet, S of S, TC Achilles, top secret, 8 july, 1949.
28 SHAT, 6Q72-2, note du général chef d’État-major général de l’armée de l’Air sur la réunion francoaméricaine, très secret, 5 août 1949.
29 AN, 457AP26, instructions du Comité de Défense nationale à Henri Bonnet sur l’organisation du Pacte atlantique, secret personnel, 1er septembre 1949.
30 Archives départementales de l’Aveyron, papiers Ramadier, 52J86/4, télégramme de Bonnet, Washington, metric, 13 août 1949.
31 MAEF, Service des Pactes, 17, 1re réunion du Comité de travail, sous la présidence de Perkins, tenue au Département d’État le 23 août 1949.
32 Ibid., 3e réunion du Comité de travail tenue sous la présidence de Perkins au Département d’État le 25 août 1949.
33 Ibid., 5e réunion du Comité de travail tenue sous la présidence de Perkins au Département d’État le 30 août 1949.
34 Archives départementales de l’Aveyron, papiers Ramadier, 52J86/4, télégramme de Bonnet, Washington, metric, 26 août 1949.
35 MAEF, Service des Pactes, 17, 5e réunion du Comité de travail tenue sous la présidence de Perkins au Département d’État le 30 août 1949.
36 La dénomination des différents comités de l’organisation atlantique reste assez floue lors des premiers mois. Ainsi, on continue à parler de « Groupe directeur » parallèlement au « Groupe permanent ». Des confusions sont également fréquentes dans les esprits, comme dans les documents entre le « Comité de défense » et le « Comité militaire », le premier réunissant les ministres de la Défense nationale, le second les chefs d’État-major. Enfin, la prolifération immédiate des sous-comités rend les choses encore plus opaques. Le « comité de travail sur l’organisation » se divise lui-même en sous-comité de rédaction étudiant chacun des organes envisagés. Mais dans la mesure où ces organes seront liés, les sous-comités se réunissent parfois pour n’en faire qu’un, qui n’est alors rien d’autre que la stricte reproduction (en termes de participants et de missions) du comité de travail lui-même, sans en porter le nom. Tout cela rend difficile l’identification dans les archives des comptes rendus de réunions, ainsi que la reconstitution linéaire des débats.
37 MAEF, Service des Pactes, 17, 3e réunion du Comité de travail tenue au Département d’État le 25 août 1949.
38 Archives départementales de l’Aveyron, papiers Ramadier, 52J86/4, télégramme adressé à Henri Bonnet, metric, 28 août 1949.
39 Ibid., télégramme de Bonnet, no 17, metric, 31 août 1949.
40 OTAN, IS0001, rapport du groupe de travail sur l’organisation, présenté au Conseil atlantique le 17 septembre 1949.
41 MAEF, Service des Pactes, 17, 3e réunion du Comité de travail tenue au Département d’État le 25 août 1949.
42 Archives départementales de l’Aveyron, papiers Ramadier, 52J86/4, télégramme adressé à Henri Bonnet, metric, 28 août 1949.
43 MAEF, Service des Pactes, 17, 3e réunion du comité de travail tenue au Département d’État le 25 août 1949.
44 OTAN, IS0001, Rapport du groupe de travail sur l’organisation tel qu’il a été adopté par le Conseil le 17 septembre 1949, C-D-1/1, confidentiel, 17 septembre 1949.
45 Archives départementales de l’Aveyron, papiers Ramadier, 52J86/4, télégramme de Bonnet, secret réservé, 2 septembre 1949.
46 Organigramme réalisé par l’auteur à partir des archives de l’OTAN.
47 OTAN, Comité militaire, Record MC-CS-001-FRE, Pentagone, 6 octobre 1949.
48 Archives départementales de l’Aveyron, papiers Ramadier, 52J85, note de H. Bolle, pour Ramadier, a. s. Pacte atlantique, 13 juillet 1949.
49 AN, 561AP3, entretien de Georgette Elgey avec le général Revers, 6 mai 1964.
50 FNSP, PA51, lettre de l’amiral Wietzel à Parodi, 29 juillet 1949.
51 SHAA, histoire orale, enregistrement de l’interview du général Brohon, bande 15A, 8 juillet 1981.
52 Ibid.. La querelle entre Ély et Lauzin est tranchée par le général Lechères lors de sa venue à Washington. Lechères avait émis le désir de déjeuner en tête-à-tête avec l’ambassadeur Bonnet. Lauzin, furieux d’être écarté, exige d’être invité à ce déjeuner, alors qu’Ély reste prudemment silencieux. Exaspéré par les scandales à répétition de Lauzin, Lechères le fait rappeler et remplacer par Murtin, qui se tient par la suite à l’écart de toutes les affaires touchant le Pacte atlantique.
53 SHAA, histoire orale, enregistrement de l’interview du général Brohon, bande 15B, 8 juillet 1981.
54 SHAA, histoire orale, enregistrement de l’interview du général Brohon, 17A, 21 octobre 1981.
55 SHAA, histoire orale, enregistrement de l’interview du général Brohon, 15A, 8 juillet 1981.
56 SHAA, histoire orale, enregistrement de l’interview du général Brohon, 17A, 21 octobre 1981.
57 OTAN, Comité de défense, Le concept stratégique de la défense de la zone Atlantique Nord, DC6/1, cosmic, 1er décembre 1949.
58 AN, 552AP43, papiers Auriol, Comité de Défense Nationale, dossier de synthèse sur le Pacte atlantique.
59 MAEF, Z-Europe, généralités, 27, demande d’aide militaire remise par les puissances signataires du Traité de Bruxelles au gouvernement des États-Unis, 5 avril 1949.
60 Ismay Lord, Les Cinq premières années, op. cit.
61 MAEF, Service des Pactes, 21, note sur l’accord bilatéral franco-américain, 23 janvier 1950.
62 MAEF, Z-Europe, généralités, 133, télégramme de Bonnet, Washington, no 1071-1076, secret, réservé, 15 mars 1950.
63 MAEF, Service des Pactes, 191, note du Service des Pactes pour le ministre, a. s. décisions du Comité de Défense nationale sur les demandes de facilités, 19 février 1950.
64 MAEF, Secrétariat général 1945-1965, Dossiers, 10, note du directeur adjoint des Affaires politiques pour le ministre, secret, 10 avril 1950.
65 Décret no 50-389 du 1er avril 1950 relatif à la réorganisation de la Défense nationale, J. O., 3-4 avril 1950.
66 L’EMCFA est placé sous l’autorité directe du major général des Forces armées, qui a les prérogatives d’un chef d’État-major. Il assure une liaison constante avec le SGPDN, lui fournit le point de vue militaire sur toutes les questions de Défense nationale impliquant une coordination gouvernementale et lui remet tous les documents d’ordre militaire à soumettre au Comité de Défense nationale. Le major général des Forces armées représente le président du comité des chefs d’États-majors aux réunions d’études interarmées et interministérielles militaires. Il est le secrétaire du comité des chefs d’États-majors. Sa 1re division assure les études générales communes et l’établissement des plans, directives et programmes généraux relatifs à l’organisation et à l’emploi des Forces armées. Elle est articulée en trois sections : Plans et opérations, Outre-Mer, Organisation et instructions. Sa 2e division étudie les plans de recherche et les synthèses de renseignements nécessaires à l’emploi des Forces armées. La 3e division étudie les problèmes de logistique communs aux trois armées. La section « transmissions et chiffre » s’occupe des problèmes interarmées de sa spécialité. Le secrétariat spécial est chargé de l’application des règles de sécurité interalliée et du contrôle des organismes de sécurité adéquats fonctionnant dans les différents départements ministériels. SHAT, 6R4, arrêté no 626 du ministre de la Défense nationale relatif à la structure interne de l’État-major combiné des Forces armées, Pleven, 20 juin 1950.
67 MAEF, Service des Pactes, 66, circulaire du ministre des Affaires étrangères, no 605, 8 novembre 1950.
68 MAEF, Service des Pactes, 66, note du Service des Pactes pour la direction générale du personnel, 25 mars 1952.
69 MAEF, Z-Europe, généralités, 133, télégramme de Bonnet à Parodi, no 1100/12, réservé, 20 mars 1950.
70 Organigramme réalisé par l’auteur.
71 OTAN, IS0001, communiqué du Conseil atlantique, 18 mai 1950.
72 MAEF, Z-Europe, généralités, 64, télégramme de Bonnet, no 2298, urgent, 21 juin 1950.
73 Clesse A., Le projet de CED du plan Pleven au « crime » du 30 août, histoire d’un malentendu européen. Baden-Baden, Nomos Verlag, 1989, p. 12.
74 Acheson D., Present at the Creation: My Years in the State Department, New York, Norton, 1987, p. 436.
75 Hilsman R., « NATO: The Developing Strategic Contexte », dans Knorr K., NATO and American Security, Princeton, Princeton University Press, 1959, p. 15-16.
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