URL originale : https://books.openedition.org/pur/113346
Préface
p. 9-10
Texte intégral
1Quand Valérie Boulain m’a demandé d’écrire une préface à sa thèse Femmes en aventures, je me suis sentie très honorée.
2De fait, l’aventure au féminin est aujourd’hui surmédiatisée, parfois elle prête à des commentaires acides comme celui de Titouan Lamazou sur l’impact des femmes navigatrices dans le Vendée Globe. J’en ai subi d’autres, de certains « voileux » chevronnés, du genre « même un bouchon traverse ainsi les océans, il suffit de se laisser porter par les courants ».
3Au fond, ils n’avaient pas tort. N’oublions pas que nous sommes souvent nos propres et plus dures critiques. Car combien d’heures, combien de jours ai-je connu seule, sur l’océan pour réfléchir à tout cela, faire mon autocritique, et tenter de répondre à ces sempiternelles questions du Pourquoi, et Comment.
4Pourquoi, comment suis-je là, plongée dans cette aventure, et quel sens donner à tout cela ? N’est-ce qu’une simple satisfaction égoïste, un besoin d’adrénaline et de reconnaissance, celui d’exister, le plaisir de transgresser, celui d’aller au-delà ?
5Valérie Boulain conclut dans sa thèse que « l’aventure et identité demeurent liées de façon indéfectible. L’esquive de la mort, la prise de risque procurent à l’aventurière la signification de sa propre valeur et légitiment son existence ».
6Il me revient un épisode. Un jeune journaliste péruvien m’interpellait avant mon départ sur le Pacifique : « Crains-tu la mort en mer ? » La question brutale a effrayé mes proches mais elle m’a fait réfléchir. Bien sûr, j’allais m’élancer avec la ferme intention de rester en vie, et d’arriver à ma destination saine et sauve. Mais je savais que chaque seconde de cette traversée allait devenir une question de vie ou de mort. La perception de la Vie est intense. On oublie tellement cet aspect fondamental de la vie dans notre existence de tous les jours.
7Valérie Boulain nous parle longuement d’Odette de Puigaudeau, une de ces premières femmes à aller en mer avant de devenir une aventurière du désert. Odette de Puigaudeau écrivait en 1940 : « Le but de l’Aventure n’est pas de “gagner” mais “d’apprendre”. Elle est une épreuve où l’on prend sa propre mesure, et celui qui l’affronte ne doit s’accorder d’autre objectif que le témoignage de sa force d’âme et de corps, le service de la connaissance humaine et la grandeur de sa patrie. Tant mieux si le plaisir lui vient par surcroît. » À mon retour de l’océan Indien, j’avais envie de répondre, à la question, souvent une affirmation d’ailleurs : « Mais pourquoi tant de souffrance ? Il faut être un peu masochiste, n’est-ce pas ? » « Pour une seule journée dans cette dernière traversée, pour quelques minutes de navigation d’extase. » Leur durée importe peu. Il faut les avoir vécues. Elles sont inscrites à jamais dans ma mémoire. Et il m’avait fallu vivre le long chemin de toutes ces traversées pour connaître cet instant de plaisir.
8Chaque élément de cette thèse nous montre combien ces femmes que nous admirons tant nous ont influencées et ont tracé la route pour nous. Alors, quand Valérie Boulain propose en conclusion de ce travail impressionnant une filiation entre ces femmes et nous, femmes contemporaines, sportives, essayant de vivre toutes ces aventures de la vie à « donf » comme dit Ellen MacArthur, quelle fierté !
9Fierté et responsabilité. Car une telle filiation se mérite et vous place devant une exigence. L’aventure au féminin est surmédiatisée, certes, mais allons au-delà. Qu’elle soit vectrice d’un message libérateur pour la femme, pour son épanouissement, et qu’elle engage notre société sur d’autres chemins, loin des clichés machistes, loin d’un monde que l’homme se doit de dominer. N’oublions pas : « Je ne suis qu’un simple bouchon. » Une certaine humilité et en même temps une force.
10Une telle filiation vous place devant vos responsabilités. Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui on entend d’ailleurs Ellen MacArthur parler avec fougue de sa nouvelle grande Aventure, la création de sa fondation pour un développement durable, si Isabelle Autissier et Catherine Chabaud sont autant engagées sur la préservation de notre planète, si Christine Janin (1re Française au sommet de l’Éverest) accomplit des miracles pour les enfants malades avec son association « À chacun son Everest », si une femme comme Florence Aubenas continue son engagement exemplaire de journaliste, etc., la liste est longue. Et je me dois moi-même de tracer mon chemin sur cette exigence.
11La filiation devient évidente, laissez-nous la revendiquer, car elle continue d’insuffler une forte énergie à nous toutes femmes, hier, aujourd’hui et demain pour aller de l’avant et vivre ce monde différemment.
12Merci, Valérie.
1331 mars 2011.
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Femmes en aventure
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