Version classiqueVersion mobile

Les idées pédagogiques de Jean-Marie de la Mennais

 | 
Pierre Perrin

Deuxième partie. Former des prêtres, éduquer les filles, catéchiser les esclaves

Chapitre III. Nul homme n’appartient à un autre homme

Entrées d'index

Géographique :

France

Texte intégral

  • 1 AFIC L168A163, lettre du 26 mars 1845 du frère Arsène (Pointe-à-Pitre) à l’abbé de la Mennais.

1Trois ans avant l’abolition de l’esclavage, la loi du 18 juillet 1845 va reconnaître à l’esclave son premier droit : celui de posséder… et de pouvoir racheter sa liberté. Dans les faits, malgré les nombreuses mesures déjà prises sous la Restauration et la monarchie de Juillet pour améliorer le sort des esclaves, la situation de ceux ci va rester inchangée. En 1845, le frère Arsène décrit ainsi à Jean-Marie de la Mennais le châtiment infligé à des esclaves de Guadeloupe : « Trois nègres esclaves, condamnés pour vol par la justice, ont été mis à la question sur une place qui avoisine notre maison. Ils ont été attachés, pieds et mains, avec une énorme corde. Étant ainsi placés sur le ventre, le corps nu, dans cette position on leur a appliqué vingt-neuf coups de fouet. Vers la fin de cette espèce de martyre, les morceaux de chair volaient de toutes parts, et le sang qui en sortait arrosait la terre1 ». Chargés par le ministère de la Marine d’organiser l’enseignement primaire pour les classes libres, puis encouragés à instruire les esclaves pour les rendre « sociables et religieux » et les préparer ainsi progressivement à l’émancipation, les Frères de l’Instruction chrétienne sont donc confrontés, dès 1838, aux réalités de l’esclavagisme. Conscient des difficultés qu’une telle entreprise soulève et subordonné aux décisions gouvernementales et à l’évolution des mentalités coloniales, Jean-Marie de la Mennais, lorsqu’il confie au frère Ambroise la direction générale des écoles des Antilles en 1840, lui remet les instructions suivantes concernant l’instruction et des esclaves et la scolarisation des enfants :

  • Examinez ce que nous pourrions faire pour l’instruction chrétienne des esclaves : c’est un article délicat : vous me direz ce que vous en pensez après avoir pris le temps de recueillir des renseignements et après y avoir mûrement réfléchi.
  • En général, les colons, c'est-à-dire les blancs, sont opposés à ce qu’on instruise les nègres : cette disposition de leur part est naturelle, et il ne faut pas nous en fâcher, ni entrer là-dessus en discussion avec eux ; mais il faut faire notre œuvre paisiblement, doucement, courageusement, sans nous déconcerter ni nous troubler […]
  • Le Ministre vous demande des états au moins semestriels […] vous marquerez le nombre des élèves de chaque classe, et vous distinguerez les nègres des blancs, s’il y a des enfants blancs qui fréquentent l’école aussi bien que les noirs, ce qui est fort à désirer, mais sans qu’il y ait de distinction entre eux dans l’école […] vous donnerez connaissance au Ministre des progrès des enfants et surtout des changements que vous aurez remarqués en eux sous le rapport morale religieux2.

Une demande du ministère de la Marine et des Colonies

  • 3 Cité par L. Sala-Molins dans Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, Paris, 1987, p. 178.
  • 4 Id., op. cit., p. 221.
  • 5 Cité par Jean Tarrade dans Histoire de la France coloniale, (en collaboration avec J. Meyeret A. R (...)

2« Déclarons les esclaves être meubles », énonce le Code Noir à l’article 443. Promulgué par Louis XIV en 1685 et véritablement aboli en 1848, le Code Noir légalisait, en le réglementant, l’esclavage aux Antilles et en Louisiane, se donnant la double mission, en préambule, de maintenir la discipline de l’Église catholique, apostolique et romaine et de régler l’état et la qualité des esclaves. Ré écrit en 1724 pour s’adapter à la nouvelle situation coloniale en Louisiane, le Code Noir n’entraîna en France aucun débat sur sa légitimité. Analysant les différentes prises de position des philosophes du xviiie siècle sur la question de l’esclavage et de la traite des noirs, Louis Sala-Molins constate que les Lumières n’arrivent ni à « humaniser » les Noirs ni à « territorialiser » l’Afrique4. Si la Révolution, qui pose comme principe que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit, oublie d’évoquer la situation des esclaves, les différentes assemblées révolutionnaires vont cependant débattre des droits de l’homme noir, libre ou esclave. Ainsi, la Législative accorde, le 28 mars 1792, des droits civil set politiques aux esclaves affranchis et la Convention, avec le décret du 16 pluviôse an II (4 février 1794), décide de supprimer l’esclavage : « La Convention nationale déclare que l’esclavage des nègres dans toutes les colonies est aboli ; en conséquence, elle décrète que tous les hommes sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution5 ». En fait, le décret d’abolition sera pas appliqué et, sous le Consulat, avec la loi du 30 floréalan X (20 mai 1802), Bonaparte va rétablir la situation d’avant 1789.

  • 6 J. Tarrade, op. cit., t. I, p. 536.
  • 7 J. Gadille et J.-F. Zorn, Le Projet missionnaire, dans Histoire du christianisme, op. cit., t. 11, (...)
  • 8 Si Pauline Jaricot est considérée comme la fondatrice de la Propagation de la Foi, c’est un Rennai (...)

3L’abolitionnisme renaît cependant sous la Restauration : au congrès de Vienne, en février 1815, les principaux pays européens signent une déclaration contre la traite des Noirs et Louis XVIII, le 15 avril 1818, signe une loi qui interdit le trafic des esclaves, sous peine de confiscation des navires. La traite va néanmoins continuer, sous forme clandestine, jusqu’aux années 1830 et la monarchie de Juillet, malgré la campagne abolitionniste menée par Victor Schoelcher, adopte une politique « des petits pas »6 en multipliant les mesures pour préparer progressivement l’émancipation des esclaves : suppression de la taxe des affranchissements (juin 1832), interdiction de la mutilation et de la marque pour les esclaves révoltés (avril 1833), obligation du recensement pour les esclaves (août 1833), création d’un état civil pour les affranchis (avril 1836), reconnaissance de certains cas d’affranchissement de droit (juin 1839), organisation de l’enseignement et de l’instruction religieuse des esclaves (janvier 1840). L’Église catholique de son côté, sous le pontificat de Grégoire XVI, va s’engager dans l’action missionnaire avec des figures comme celle d’Anne-Marie Javouhey, fondatrice des sœurs de Saint-Joseph de Cluny qui tiendront des maisons d’éducation d’abord à la Réunion dès 1817, puis au Sénégal, en Guyane et enfin aux Antilles, ou celle de François-Xavier Libermann, fondateur pour l’évangélisation de la race noire de la congrégation du Saint-Cœur de Marie qu’il fusionnera, en 1848, avec le séminaire colonial du Saint-Esprit. En effet, si durant le premier tiers du xixe siècle le courant abolitionniste est minoritaire, notamment dans l’opinion catholique7, en 1839 le pape condamne la vente et la traite d’êtres humains et l’année suivante, l’encyclique Probe nostis, entièrement consacrée à l’œuvre missionnaire, recommande l’extension de l’Œuvre de la Propagation de la Foi8.

  • 9 J.-J. Rousseau, Du Contrat social, principe du droit politique (1762), éd. Bordas, 1985, livre I, (...)

4En décembre 1839, Félicité Lamennais fait paraître un petit ouvrage, De l’Esclavage moderne, dans lequel il montre que l’esclavage se maintient au cours du temps, d’abord par le servage puis, par le prolétariat après la Révolution. Une fois affirmé le principe d’égalité entre les hommes, Félicité Lamennais va aborder le problème que pose l’esclavage dans l’appréhension de l’être humain. Alors qu’un philosophe comme Rousseau ne peut analyser l’esclavage que sous l’angle d’une relation insensée entre un homme et un homme ou un homme et un peuple9, sans poursuivre sa démonstration pour analyser le problème de l’esclavage sans convention, celui de la razzia et de la traite, Félicité Lamennais au contraire ne s’embarrasse pas de dialectique et frappe au cœur du problème : l’esclavage déshumanise l’homme, lui donne, écrit Lamennais, « ce caractère de chose possédée » au nom d’un droit monstrueux de l’homme sur l’homme. Il est vain alors de parler de relation, de pacte de soumission, puisque l’homme est nié, l’esclave chosifié, devenu meuble ; Félicité Lamennais montre ainsi comment l’esclavage, en déniant toute dimension humaine à l’esclave, le rejette en dehors du droit de l’humanité :

  • 10 F. Lamennais, De l’Esclavage moderne, Paris, 1839, p. 27-28 et 35.

L’essence de l’esclavage est, en effet, comme nous l’avons vu, la destruction de la personnalité humaine, c’est-à-dire de la liberté ou de la souveraineté naturelle de l’homme, qui fait de lui un être moral, responsable de ses actes, capable de vertu. Ravalé au rang de l’animal et au-dessous même de l’animal, en cessant d’être un être personnel, il est rejeté en dehors du droit de l’humanité, et conséquemment de tout droit, aussi bien que de tout devoir. Ne sachant plus comment le nommer, parce qu’on ne sait plus comment le concevoir, on l’appelle une chose, res ; voilà ce que devient la plus noble créature de Dieu10.

  • 11 Lettre du 25 juillet 1836 du préfet Lorois à l’amiral Duperré, cité par P. Cueff dans Études menna (...)

5Répondant à une enquête du ministère de la Marine et des Colonies sur les congrégations enseignantes, le préfet du Morbihan écrit, le 25 juillet 1836, au ministre Duperré : « M. de la Mennais est un homme d’esprit, d’une grande activité, qui est loin de partager les idées exaltées de son frère l’écrivain, et qui dirige ses subordonnés dans une bonne voie d’instruction, et en leur recommandant de se tenir complètement étranger à la politique. Étranger aux partis et au fanatisme religieux, son esprit ardent emploie toutes ses forces à la tâche qu’il a entreprise pour la propagation de l’instruction publique. Il est possible qu’il accueille avec enthousiasme une proposition qui ouvrirait un nouveau et vaste champ à ses vues philanthropiques et religieuses11 ». La demande du ministère, susceptible d’enthousiasmer le fondateur des Frères de l’Instruction chrétienne, consistait à lui proposer d’envoyer plusieurs de ses frères aux Antilles pour résoudre le problème de l’instruction primaire des classes populaires libres, formées par la population blanche et celle des anciens esclaves affranchis. En effet, les Frères des Écoles chrétiennes, pressentis par le ministère de la Marine, avaient refusé cette mission et l’amiral Duperré s’était alors tourné vers les préfets pour connaître les instituts aptes à partir enseigner outremer. Dès le départ, Jean-Marie de la Mennais semble séduit, sinon enthousiasmé, par la proposition et prêt à collaborer à une œuvre « si belle et si sainte », mais il se heurte au problème de l’effectif de son institut, juste suffisant pour répondre à la demande d’instruction en Bretagne, comme il l’explique au ministre de l’Instruction publique Guizot, en octobre 1836 :

  • 12 Lettre du 15 octobre 1836, citée par F. Guizot, Mémoires…, op. cit., t. III, Pièces Historiques, n (...)

M. le ministre de la marine a chargé M. le préfet du Morbihan de m’exprimer son désir d’avoir quelques uns de mes frères pour l’instruction des esclaves affranchis de la Martinique et de la Guadeloupe : je n’ai pas dit non, car ce serait une si belle et si sainte œuvre ! Mais je n’ai pas encore dit oui, car la triste objection revient toujours : où prendre assez de sujets pour suffire à tant de besoins, et pourquoi les jeter si loin quand on en a si peu ?
– Ah ! si j’étais aidé comme je voudrais l’être !12

  • 13 Lettre du 8 novembre 1836, Ibid., p. 373.
  • 14 D’après Moreau de Jonnès, Recherches statistiques sur l’esclavage colonial, 1842, la population s’ (...)

6Un mois plus tard, le ministre de l’Instruction publique annonce à l’abbé de la Mennais qu’il alloue une subvention de 3 000 francs pour l’institut de Ploërmel et interroge le Supérieur sur sa mission auprès des esclaves : « Je voudrais avoir de vous quelques détails sur ce que vous pourriez faire, si vous étiez aidé, vraiment aidé, pour l’éducation des esclaves de nos colonies. Personne n’est plus convaincu que moi que l’affranchissement n’est possible qu’après qu’on aura fait vivre, et vivre longtemps, ces malheureux dans l’atmosphère religieuse13 ». Préparer l’émancipation des esclaves, en leur donnant une éducation morale et religieuse, ne semble cependant pas être la priorité du ministère de la Marine et des Colonies : il s’agit en fait de créer des écoles congréganistes pour inciter les blancs et les affranchis de couleur à y scolariser leurs enfants. Ceux-ci répugnent en effet à envoyer leurs enfants dans les écoles publiques de la colonie et, pour les plus riches d’entre eux, choisissent de leur faire poursuivre leur scolarité en France. Quant aux esclaves des plantations, qui représentent plus de 70 % de la population14, leurs enfants ne reçoivent que des rudiments d’instruction religieuse que certains curés acceptent de leur donner. Jean-Marie de la Mennais répond donc au ministre Guizot en décembre 1836 :

  • 15 Directeur des Colonies au ministère de la Marine et correspondant de l’abbé de la Mennais jusqu’en (...)
  • 16 AFIC L103E066, lettre du 10 décembre 1836 à Guizot.

Les écoles que M. le ministre de la Marine a l’intention de fonder sont destinées aux garçons de la classe libre, laquelle comprend la population blanche en même temps que celle de couleur, et l’un des principaux points de la tâche confiée aux instituteurs sera d’amener graduellement cette fusion à laquelle d’anciens et puissants préjugés se sont opposés jusqu’ici. Quant aux jeunes esclaves, m’a dit M. de Saint-Hilaire15, il entrera sans doute dans la pensée du gouvernement de comprendre leur instruction élémentaire et leur éducation morale parmi les mesures destinées à améliorer le régime de l’esclavage ; mais, ajoute-t-il, ce sera une œuvre spéciale dont il n’y a pas lieu de s’occuper ici, afin de ne pas compliquer prématurément l’opération dont il s’agit16.

  • 17 Il s’agissait de F. Antonin (Pierre Tuloup) né à Montreuil-le-Gast (Ille-et-Vilaine) en 1802 et en (...)
  • 18 AFIC n° 2614, Instructions pour les Frères de la Guadeloupe, 26 novembre 1837.
  • 19 « Monsieur Bébian est venu plusieurs fois nous voir, il a beaucoup d’esprit », écrit le frère Anto (...)
  • 20 Cité par P. Cueff, Origines d’une épopée missionnaires (1836-1840) dans Études mennaisiennes, n° 1 (...)

7Deux ans après le début des échanges entre le ministère de la Marine et l’institut des Frères de l’Instruction chrétienne, le 7 février 1838, cinq frères arrivent à la Guadeloupe pour fonder le premier établissement mennaisien aux Antilles17 Pour chaque frère employé dans les colonies, le département de la Marine s’est engagé à verser une somme forfaitaire de 400 F à la congrégation, à laquelle s’ajoute une allocation annuelle de 150 F, et à assurer un traitement de 1 200 F par an et par frère. Sur place, l’administration coloniale doit mettre à la disposition des frères et entretenir une maison d’habitation et des locaux scolaires convenables, avec leur mobilier : à charge pour les frères de faire fonctionner gratuitement trois classes avec au moins deux heures et demie de cours le matin et deux heures l’après-midi18. C’est à Basse-Terre, chef-lieu de la colonie qui compte 11 600 habitants environ, que le commissaire général de la Marine et gouverneur de la Guadeloupe, M. Jubelin, décide d’implanter la première école de frères. L’école mutuelle qui fonctionnait à Basse-Terre depuis 1832 est donc fermée et son directeur, Auguste Bébian, est muté à Pointe à Pitre19. Faute de mobilier scolaire, l’école ne peut ouvrir que le 4 avril et dès le départ, les trois classes sont remplies : « cela ne va pas mal, écrit le frère Antonin, nous avons 120 enfants. On pourrait établir un pensionnat. On ne manquerait pas d’élèves20 ».

  • 21 N. Schmidt, Suppression de l’esclavage, système scolaire et réorganisation sociale aux Antilles : (...)

8La situation de l’enseignement et la répartition des établissements scolaires en Guadeloupe avant l’arrivée des frères sont mal connus, observe N. Schmidt. En ce qui concerne la Martinique, où les frères s’implanteront en 1839, le rapport de l’inspecteur Ballin précise que seules huit communes sur trente six possèdent une école fréquentée par dix à quinze élèves dans une île qui compte près de 110 000 habitants21. Pour Jean-Marie de la Mennais, cet état de carence de l’instruction primaire aux Antilles n’est pas sans rappeler celui que connaissaient les campagnes bretonnes au début du xixe siècle ; en novembre 1836, il écrit M. de Saint-Hilaire :

  • 22 AFIC L167B15 ter, lettre du 4 novembre 1836 à M. de Saint-Hilaire.

Il résulte des renseignements et pièces qu’on a bien voulu me communiquer que les colonies de la Martinique et de la Guadeloupe sont sous le rapport de l’instruction élémentaire dans un état absolument semblable à celui dans lequel était la Bretagne alors que je commençai à fonder des écoles et que pour en fonder également dans ces deux îles, il n’y a rien de mieux à faire que ce que j’ai fait en Bretagne, sauf quelques modifications de détails dont je parlerai tout à l’heure22.

Les difficultés

  • 23 Basse-Terre et Pointe-à-Pitre en Guadeloupe et Saint-Pierre et Fort-Royal (Fort-de-France) en Mart (...)
  • 24 AFIC 153.03.001, lettre du 9 janvier 1840 à l’amiral Duperré.
  • 25 AFIC 153.03.012, lettre du 29 avril 1840 à l’amiral Roussin.
  • 26 AFIC L151A012, rapport sur l’état actuel des écoles de la Guadeloupe, 14 octobre 1850.

9Dès leur installation en Martinique et en Guadeloupe, les frères se heurtent à plusieurs obstacles. Les gouverneurs placent les premiers établissements de frères dans les villes23, les éloignant ainsi de la population esclave des plantations, ce qui ne laisse pas d’inquiéter Jean-Marie de la Mennais qui écrit en janvier 1840 au ministre de la Marine : « Si nous n’établissons d’écoles que dans les villes, elles seront à peu près nulles pour la civilisation des esclaves, parce qu’il n’y a pas moyen de songer à mêler les enfants libres avec ceux-ci : le but principal du gouvernement ne sera donc pas rempli, ou du moins il ne le sera qu’imparfaitement. Il faut nécessairement que les frères puissent atteindre ces pauvres nègres, et leur donner au moins l’instruction religieuse dans les habitations mêmes24 ». À ce problème s’ajoutent l’attitude défiante de l’administration et la réaction hostile des colons au développement de l’instruction dans la classe libre ; faisant référence à l’analyse d’un frère de la Martinique, le Supérieur écrit, dans une nouvelle lettre au ministre de la Marine, en avril 1840 : « L’administration coloniale montre une indifférence absolue pour l’instruction, ou pour mieux dire, il semble qu’elle n’en voudrait point, parce que les propriétaires craignent que leurs nègres ne soient trop instruits […]. La plus grande partie ne veut point de nous, à moins que nous ne fassions une classe à part pour les blancs : il y a une grande jalousie de la part de ceux-ci contre les gens de couleur25 ». Colons et autorités locales reprochent en effet aux écoles de frères de détourner les élèves instruits des métiers de l’agriculture et donc du travail des plantations. De fait, le rapport annuel de 1850 du frère Paulin, supérieur principal des frères de Guadeloupe, au directeur de l’Administration intérieure montre que moins du tiers des élèves sortis de l’école depuis un an se dirige vers l’agriculture : à Basse-Terre par exemple, première école des frères, sur 43 élèves seuls 8 sont devenus cultivateurs, les autres élèves ayant choisi le métier de menuisier, tonnelier, maçon, cordonnier, tailleur, ferblantier, forgeron, boulanger et pêcheur. Il est vrai que pour les écoles de bourgs, au recrutement plus rural, le taux est parfois plus élevé : ainsi à Petit-Canal sur 11 élèves ayant quitté l’école, 6 sont devenus agriculteurs, 8 sur 13 à Trois-Rivières, 10 sur 20 à Moule, 17 sur 27 à Sainte-Rose. « Nous les exhortons fortement à s’adonner de préférence à l’agriculture, se justifie le frère Paulin auprès du directeur de l’administration, mais, après tout, nous ne sommes pas maîtres absolus de leur faire adopter ce parti plutôt qu’un autre26 ». Quant aux jeunes noirs des campagnes, récemment libérés, le responsable des frères de Guadeloupe constate qu’ils prennent généralement l’état de leurs parents et cultivent la terre, ajoutant, non sans ironie, que ce n’est « ni leur long séjour à l’école, ni leur trop de science » qui puissent leur avoir fait perdre le goût de l’agriculture.

  • 27 J. Meyer, Histoire de la France coloniale, op. cit., p. 171-172.

10Le ressentiment des petits Blancs envers les gens de couleurs, esclaves noirs libérés ou mulâtres, est donc d’autant plus vif que ceux-ci forment une classe sociale entreprenante et réussissent comme artisans, marchands, voire comme planteurs. Décrivant la société des petits Blancs, Jean Meyer écrit à leur propos : « Ils sont dévorés de jalousie : plus qu’aucune autre société, la coloniale sucrière est société de jalousie, qui se transforme au fil des décennies en véritable haine, confondant en cette haine la métropole et ces planteurs chargés de tous les maux et suspectés de tous les vices. Se forme ainsi un esprit local, de médiocre envergure, fait de rancœurs longuement remâchées le long des années de demi misère27 ». Signe de cet esprit local de médiocre envergure, en mars 1840, le ministre de la Marine fait parvenir à Jean-Marie de la Mennais le rapport du comité de surveillance de l’instruction publique sur l’école des frères de Basse-Terre qui signale les inconvénients qu’il y a à donner une instruction trop étendue aux enfants d’affranchis. Jean-Marie de la Mennais va réagir vivement à la remarque du comité de surveillance et, s’il concède que l’on puisse mettre des conditions au passage des enfants dans les classes supérieures, il s’applique à montrer au ministre de la Marine qu’il est nécessaire de donner, dans le primaire, un niveau de formation le plus élevé possible, même pour les enfants qui se destinent au travail manuel ; bien plus, il propose de créer aux Antilles, comme il l’a déjà expérimenté à Ploërmel, des écoles professionnelles primaires :

  • 28 AFIC 153.03.011, lettre du 17 mars 1840 à l’amiral Roussin. Cinq ans plus tard, le ministère de la (...)

Il est certain, comme ces messieurs l’observent très bien, qu’il peut y avoir de graves inconvénients à donner aux jeunes affranchis une instruction trop étendue qui les détournerait de chercher à gagner leur vie par le travail manuel. D’un autre côté, on ne peut espérer que les enfants restent assez de temps dans l’école pour y acquérir des habitudes de religion, d’ordre et de moralité, si on se borne à l’enseignement de la lecture, de l’écriture et des premiers éléments de la grammaire et du calcul ; car peu de temps leur suffira pour acquérir ces premières connaissances : d’où je conclus que, dans les villes, la classe supérieure est indispensable et doit être maintenue. D’ailleurs, si on refuse aux affranchis tout moyen de s’élever, n’est-il pas à craindre que leur amour propre n’en soit profondément blessé, et qu’ils ne prennent l’école à dégoût ? Je distingue, sous ce rapport, les affranchis des esclaves, et les villes des campagnes ; car, dans les campagnes, lorsque nous nous y établirons, je pense que nous devrons nous borner presque exclusivement à répandre l’instruction religieuse.
Toutefois, dans les villes, rien n’empêche que l’on n’admettent pas indistinctement dans la haute classe tous les élèves de la seconde classe capables d’y entrer, et que cette admission soit la récompense de leur bonne conduite. Mais exiger d’eux, d’une manière générale et absolue, qu’ils apprennent sur le champ un métier, ne serait-ce pas trop sévère et trop difficile dans l’application ? On les y engagerait plus ou moins fortement suivant leur âge et suivant les circonstances, en ayant soin d’ailleurs de protéger et de favoriser d’une manière toute spéciale ceux qui s’y détermineraient. En un mot, il me semble que, pour atteindre ce but, il vaut mieux employer (surtout dans les premiers temps) les moyens d’émulation et de persuasion que les moyens de contrainte.
Si, plus tard, on désirait des frères ouvriers pour conduire des ateliers dépendants de l’école, il me serait facile d’en fournir, pourvu que je fusse prévenu un an d’avance. À Ploërmel, nous avons un certain nombre d’enfants à qui nous apprenons des métiers, par exemple, les métiers de tailleur, de cordonnier, de serrurier : ces enfants, qui savent déjà lire, écrire et calculer, ont seulement deux ou trois heures d’étude par jour ; ils travaillent tout le reste de la journée avec les frères et sous leur direction28.

  • 29 AFIC 172.04.056, lettre du frère Ambroise du 16 juin 1846.
  • 30 Le texte de l’ordonnance est cité par A. Gisler, op. cit., p. 60.
  • 31 A. Laveille, op. cit., t. II, p. 263.
  • 32 AFIC 156.04.23, lettre de Jean-Marie de la Mennais à Charles de Montalembert, du 28 mai 1842.

11Souvent trop éloignés des plantations pour aller instruire les esclaves, en butte à la sourde hostilité de la population blanche qui n’accepte pas que les gens de couleur reçoivent le même enseignement, les frères doivent également affronter parfois la malveillance du clergé local : « Le clergé, écrit le Frère Ambroise à l’abbé de la Mennais en 1846, surtout à la Martinique, est toujours dans un état pitoyable. Ici, ils sont tous colons et soutiennent l’esclavage. Sur ce point, ils sont tous d’accord […]. Les prêtres ici ne voient jamais nos Frères […]. La seule cause, c’est le préjugé […]. Ils nous estiment, mais sans pouvoir nous approcher. Il m’a été dit plusieurs fois que c’était dommage que nous nous fussions empoisonnés et salis avec cette race de canailles. Voilà leur propre expression. […] À la Guadeloupe, il n’en est pas tout à fait de même. En général, le prêtre n’est pas colon et le nombre des zélés est bien plus fort, plus nombreux qu’ici29 ». L’ordonnance du 5 janvier 1840 faisait pourtant obligation au clergé des colonies de pourvoir, par l’enseignement d’un catéchisme spécial, à l’instruction des jeunes esclaves au moins une fois par semaine ; les gouverneurs de colonie devaient fixer l’horaire de cet enseignement et les procureurs royaux veiller à sa bonne exécution par une inspection mensuelle sur les habitations30. Deux ans plus tard, le ministre de la Marine, l’amiral Duperré, va ouvrir un concours pour la composition de ce catéchisme colonial afin de sélectionner le meilleur ouvrage : « Dans l’œuvre de la moralisation des esclaves, la mission du prêtre s’étend et s’agrandit ; de nouveaux efforts doivent être exigés de son zèle ; il faut donc le guider dans cette voie nouvelle, lui indiquer les points principaux sur lesquels doivent porter ses instructions pastorales, le mettre à portée, en un mot, de faire à la fois du nègre un citoyen et un chrétien. Tel doit être le but du catéchisme spécial mis au concours31 ». Inquiet de ce qu’il considère comme un acte d’ingérence du pouvoir civil dans le domaine religieux et craignant que ne s’instaure un catéchisme d’État, Jean-Marie de la Mennais écrit à ce sujet à Montalembert : « Le ministère de la Marine met un grand zèle à proclamer l’instruction religieuse parmi les noirs. Sur ce point, on ne saurait trop le louer ; il court à pleines voiles vers le bien ; mais je regrette que, dans les mesures qu’il prend, tout ne soit pas conforme aux principes catholiques […]. Évidemment les intentions du ministre sont excellentes ; honni soit qui mal y pense ! Toutefois, il n’est que trop clair que ce qu’il y a de peu régulier dans la démarche qu’il suit vient de ce qu’il y a de défectueux dans l’organisation ecclésiastique des colonies32 ». Ainsi, si le clergé colonial semble réticent à commencer l’œuvre de moralisation des esclaves, à l’inverse, le ministère de la Marine, malgré les nombreux changements ministériels et le souci de ne pas se heurter à la résistance des colons, affiche la volonté de préparer les esclaves à devenir « citoyens et chrétiens » et encourage, d’une manière permanente, les Frères de l’Instruction chrétienne à œuvrer dans ce sens. La correspondance de Jean-Marie de la Mennais avec les frères des Antilles, notamment avec le Frère Ambroise, son directeur général, reflète cette ambition :

  • 33 AFIC n° 2856, lettre du 28 octobre 1843 au frère Ambroise ; n° 2931, lettre du 24 novembre 1844 au (...)

Le Ministre attache une grande importance à l’instruction des esclaves dans les habitations, et pour moi je vous avoue que c’est une affaire de cœur ; je prévois les difficultés que nous rencontrerons pour organiser ce service d’une manière complète : mais, il faut nous hâter de saisir l’occasion que la providence nous offre de commencer : mettez au moins un frère de plus à Saint-Pierre, à cette intention là, et même deux, s’il le faut : exigez des maîtres d’habitation qu’ils fournissent des chevaux pour faire ces courses, afin que la fatigue des frères ne soit pas excessive, et ne vous chargez d’abord que d’un petit nombre d’habitations et des moins éloignées. Nous verrons plus tard ce qu’il y aura lieu à faire, et nous irons par degrés. (Octobre 1843).
Pour l’œuvre de l’instruction des esclaves, je sens très bien les difficultés qui se rencontreront infailliblement ; mais, nous devons avoir en Dieu d’autant plus confiance que nous avons moins d’appuis humains : cependant, nous pouvons compter pleinement sur celui du Ministre de la Marine, et, comme je suis persuadé que la chose aura lieu un peu plus tôt ou un peu plus tard, je m’occupe de préparer des sujets en plus grand nombre que nous n’en avons eu jusqu’ici. (Novembre 1844).
Je regrette que vous n’alliez pas dans les habitations voisines, du moins de temps en temps, pour y faire le catéchisme : mais je comprends qu’un cheval vous serait nécessaire : instruire ces pauvres nègres de la doctrine du salut, ah ! quelle belle œuvre ! Je désire ardemment que nous puissions la faire, et j’espère qu’un peu plus tard nous pourrons l’entreprendre avec succès. (Avril 1845).
Plus nous irons, plus nous aurons à nous occuper de l’instruction des esclaves, et pour ceux-ci, il ne faut pas songer à s’élever au dessus des premiers éléments, et le catéchisme sera l’objet essentiel. Au reste, j’entrerai sur ce point en plus de détails, quand le Ministre m’aura donné plusieurs renseignements que je lui ai demandés. (Juin 1846)33.

  • 34 Circulaire du 28 avril 1840, citée par A. Laveille, op. cit., t. II, p. 230-231.
  • 35 AFIC n° 2931, lettre du 24 novembre 1844 au frère Ambroise.

12Avec l’envoi, en 1838, des premiers frères aux Antilles, Jean-Marie de la Mennais doit également faire face à un problème d’effectif : très vite, en effet, les frères sont appelés en Martinique (1839), au Sénégal (1841), à Saint-Pierre et Miquelon (1842), en Guyane (1843) et à Tahiti (1860). Dès 1840, Jean-Marie de la Mennais se voit donc dans l’obligation de s’adresser aux curés des paroisses bretonnes pour l’aider à recruter de nouveaux postulants aussi bien pour ses écoles de Bretagne que pour ses missions hors de France : il s’agit en effet d’instruire mais surtout de convertir à la morale chrétienne « une population de près de trois cent mille âmes, qui ne connaît de Dieu que le nom, et pour laquelle la liberté ne serait qu’un funeste présent, si la religion ne lui apprenait pas à en régler l’usage34 ». Si la circulaire aux paroisses du 28 avril 1840 précise qu’il n’est nullement nécessaire que ceux qui se présenteraient pour entrer au noviciat aient l’intention d’aller aux colonies, la nécessité de recruter toujours plus de frères pour les missions va obliger Jean-Marie de la Mennais à infléchir cette position ; il écrit ainsi le 24 novembre 1844 au frère Ambroise, directeur général des Antilles : « J’ai commencé à faire de l’obligation d’aller aux colonies, si je le juge à propos, une condition d’entrée au noviciat : je serai donc dans quelque temps beaucoup plus libre dans mes choix, et l’instruction se trouvera organisée dans les colonies, sans que nos écoles de Bretagne en souffrent. C’est là le point essentiel, car il ne faut pas couper l’arbre par le pied pour en recueillir les fruits35 ». Sur place, en effet, les frères subissent les épidémies de fièvre jaune ou sont rapidement usés par le climat débilitant. En septembre 1843, Jean-Marie de la Mennais rappelle ainsi à l’amiral Roussin, le ministre de la Marine, que la mission scolaire coloniale représente également un coût humain :

  • 36 Le 8 février 1843, un tremblement de terre anéantissait la ville de Pointe-à-Pitre. Le 11 février, (...)
  • 37 AFIC 154.02.033, lettre du 8 septembre 1843 à l’amiral Roussin.

[…] de ces frères, sept sont morts aux Antilles, victimes de leur zèle, et treize sont revenus en France ; plusieurs de ceux-ci sont actuellement à notre infirmerie de Ploërmel, et je doute qu’ils puissent jamais retourner à leur poste, quoiqu’ils en aient un vif désir.
Une pareille consommation d’hommes, en si peu de temps, n’est-elle pas effrayante ? Pouvais je m’y attendre ? Vous y attendiez-vous vous même, Monsieur le Ministre ? Cependant nous ne sommes pas au bout : le F. Héraclien perd la vue au Sénégal ; le F. Lambert, blessé dans le désastre de Pointe à Pitre, ne se rétablit point36 ; plus de la moitié des frères en exercice aux Antilles sont déjà des hommes épuisés, et, je le dis à leur louange, ce n’est pas seulement au climat que ceci doit être attribué, c’est surtout à l’excès du travail : ils ne sont tenus, en vertu de notre traité, qu’à faire la classe pendant cinq heures par jour ; mais à peine ces classes sont-elles finies qu’ils recommencent, et réunissent les adultes et les instruisent gratuitement37.

  • 38 De 1801 à 1940, le Morbihan fournira 417 frères de l’Instruction chrétienne sur un total de 529 fr (...)
  • 39 AFIC n° 4504 (466A174), lettre du 20 février 1846 à l’abbé Ruault, envoyée de Paris.

13Le 27 février 1846, le ministre de la Marine, le baron de Mackau, va ainsi adresser une circulaire aux évêques de Bretagne pour qu’ils l’aident à recruter de nouveaux Frères de l’Instruction chrétienne en vue de procurer de nouveaux instituteurs au service colonial. J. Michel observe qu’en un siècle et demi, sur 1 579 frères missionnaires bretons, 1188 faisaient partie de l’institut de Ploërmel38, soit une représentation de 75 % de l’effectif total : on comprend dès lors que le ministre ait sollicité les cinq évêques bretons pour le recrutement des instituteurs coloniaux. Le ministère de la Marine et des Colonies s’engageait également à verser une somme de 300 F par sujet pour aider au frais de noviciat, dans la limite de six postulants par diocèse : « Et comme il y a cinq diocèses en Bretagne, explique, pragmatique, l’abbé de la Mennais à l’abbé Ruault, ce sera donc pour nous une rentrée de 9 000 francs. Il est entendu entre le Département de la Marine et votre serviteur que si quelques diocèses ne fournissaient pas six sujets, les 300 francs seraient appliqués aux diocèses qui en fourniraient plus de six. Ce secours n’est promis d’une manière formelle que pour cette année ; mais une première action est le commencement d’une habitude39 ». Dans sa circulaire, le ministre précisait aux évêques :

Les écoles tenues par les Frères de l’Instruction chrétienne en Guadeloupe et Martinique en 1860

Les écoles tenues par les Frères de l’Instruction chrétienne en Guadeloupe et Martinique en 1860
  • 40 Circulaire du 27 février 1846 du ministre de la Marine aux évêques, citée par A. Laveille, op. cit (...)

Depuis la loi sur le régime des esclaves, votée en 1845, mon département a plus besoin que jamais de recourir à l’assistance de cette honorable congrégation ; mais son supérieur général ne peut, malgré son activité et ses excellentes intentions, procurer au service colonial des Frères instituteurs aussi promptement et en aussi grand nombre que la chose est devenue nécessaire. Le département de la Marine a donc un intérêt réel à ce que le noviciat de l’institut de Ploërmel se recrute de nouveaux sujets, et je viens vous prier, Monseigneur, de vouloir bien y contribuer, dans l’étendue de votre diocèse, par vos efforts et vos exhortations40.

  • 41 AFIC 172.04.056, lettre du 7 juillet 1845 du frère Ambroise à l’abbé de la Mennais.
  • 42 AFIC 168A168, lettre du 18 août 1845 du frère Ambroise à l’abbé de la Mennais.
  • 43 Lettre du 21 avril 1844 d’un groupe de planteurs de Capesterre à l’abbé de la Mennais, citée par L (...)

14« Il y a toute apparence, écrit le directeur général des Antilles à son Supérieur en 1845, que vous êtes tout décidé à embrasser l’instruction des nègres sur les habitations. Je suis parfaitement de votre sentiment car il y a un bien immense à faire et plusieurs de nos Frères sont tout de feu pour cela et ont de bonnes dispositions pour réussir41. De fait, la loi du 19 janvier 1845, qui prépare l’émancipation, va donner un nouvel élan au programme d’enseignement des esclaves : « On nous demande partout, écrit le directeur général des Antilles en août 1845, colons, prêtres, esclaves, tous nous tendent les bras et nous disent c’est votre affaire à vous et il n’y a pas une minute à perdre ; on réclame de suite au moins deux frères dans chaque commune […] en voilà pour 110 frères !42 ». L’ordonnance qui réglemente l’instruction religieuse et l’enseignement élémentaire va paraître le 18 mai de l’année suivante avec l’obligation pour les jeunes esclave de 8 à 14 ans de suivre les cours à l’école pendant quelques heures. Déjà, depuis 1843 Jean-Marie de la Mennais avait demandé au frère Ambroise d’envoyer des frères sur les plantations pour catéchiser les esclaves ; deux frères, les frères Hyacinthe et Arthur, s’étaient donc chargés en Guadeloupe et en Martinique, en plus de leur travail d’instituteur, de cette nouvelle tâche missionnaire. Si certains planteurs étaient en effet hostiles à l’instruction des esclaves, d’autres au contraire escomptaient établir un nouveau rapport d’autorité grâce à l’action moralisatrice d’un enseignement religieux respectueux de l’ordre établi. Ainsi, en 1844, un groupe de planteurs de Guadeloupe, déplorant que la première mission assignée aux frères par le gouvernement ait été d’instruire et d’éduquer « la jeunesse libre », fait appel à l’abbé de la Mennais pour obtenir des frères sur les exploitations pour « enseigner le catéchisme aux nègres comme on montre l’alphabet aux enfants » : c’est sur cette masse, écrivent-ils, qu’il est important d’agir d’abord, et il faut la moraliser avant de s’occuper de l’autre43.

  • 44 AFIC L169A039 et L173A059, lettre du 2 juin 1847 du frère Frumence-Marie et du 31 août 1847 du frè (...)
  • 45 AFIC 154.03.034, lettre du 16 septembre 1844 au ministre de la Marine.
  • 46 AFIC n° 3019, lettre du 16 mars 1846 au frère Ambroise.

15Ainsi, dès les premières années de présence des frères, l’instruction des esclaves commence à s’organiser ; par exemple, en juin 1847, le frère Frumence Marie, en Guadeloupe, précise à son Supérieur qu’il catéchise plus de 1 000 esclaves sur 12 habitations et, en août de la même année, le frère Arthur, en Martinique, écrit à l’abbé de la Mennais : « J’ai trente-cinq habitations que je vois à peu près chaque semaine ; tous ces nègres et la plupart des maîtres m’écoutent avec une attention et un respect qui vous édifieraient. L’instruction se donne quelque fois dans la salle ou sous la galerie du maître ; d’autres fois au bout du champ de cannes, dans la cour ou sous les arbres44 ». À l’inverse, en Guyane, la petite communauté de six frères ne suffit pas à répondre aux besoins d’instruction des esclaves et, en septembre 1844, Jean-Marie de la Mennais écrit au ministre de la Marine : « Une œuvre bien conforme à notre vocation et aux intentions paternelles du gouvernement, ce serait une classe, au moins tous les dimanches, aux esclaves de Cayenne, pour leur apprendre qu’ils sont des hommes ; mais il serait impossible à présent d’organiser la chose45 ». Parallèlement à l’instruction religieuse donnée aux esclaves adultes, Jean-Marie de la Mennais s’emploie également à mettre en place des classes primaires pour former les enfants d’esclaves de 7 à 14 ans ; devançant l’application de l’ordonnance du 18 mai 1846, il écrit en mars 1846 au directeur général des Antilles : « Le plan que j’ai proposé et qui a été adopté est de placer à côté de chaque école, ou plutôt dans chaque école même de bourg, une classe spéciale pour les esclaves à laquelle les maîtres seront obligés d’envoyer tous les enfants au-dessous de 14 ans, lorsqu’ils ne s’en trouvent pas éloignés de plus de 2 kilomètres ou une demi-lieue46 ».

  • 47 Le décret du 27 avril 1848 est cité par L. Sala-Molins, op. cit., p. 278-279.
  • 48 Selon les statistiques du Ministère de la Marine et des colonies, la Martinique comptait 74 447 es (...)
  • 49 Le Peuple constituant du lundi 15 mai 1848, t. XI, p. 103 à 105.

16La loi d’abolition du 4 mars 1848 va venir bouleverser ce début d’organisation et permettre d’intégrer les enfants des nouveaux affranchis aux écoles primaires déjà établies. En effet, rompant avec les tergiversations politiques précédentes, le gouvernement provisoire de la IIe République, dès son arrivée au pouvoir, décrète l’abolition de l’esclavage sur la terre française et forme une commission présidée par Victor Schoelcher, alors sous-secrétaire d’État au ministère de la Marine et des Colonies, pour préparer le texte définitif. Le décret du 27 avril déclare que l’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises parce qu’il est une violation flagrante du dogme républicain : liberté égalité fraternité47 Le Peuple constituant, journal fondé par Félicité Lamennais en février 1848, salue la nouvelle loi d’émancipation, qui doit rendre à la liberté plus de 200 000 esclaves48, comme l’acte politique « le plus grand, le plus juste, le plus complet » du nouveau gouvernement ; parmi les dispositions prises pour assurer leurs droits à ces nouveaux hommes libres, le journal souligne la nécessité « d’organiser un système d’éducation complet s’appliquant aux enfants et aux adultes, obligatoire pour les uns, facultatif pour les autres » et de combattre « par des mesures énergiques l’ignorance qui règne encore parmi les noirs49 ». Le 20 mars 1848, le nouveau sous-secrétaire d’État aux colonies, Victor Schoelcher, adresse ainsi à Jean-Marie de la Mennais la lettre suivante pour s’assurer de l’appui des Frères de l’Instruction chrétienne :

  • 50 AFIC 155.02.006, lettre du 20 mars 1848 de Victor Schoelcher à l’abbé de la Mennais.

Je n’ignore point les efforts fructueux que les frères de votre congrégation ont faits, depuis plusieurs années, dans le but de préparer l’éducation morale des noirs ; je sais la confiance particulière que ces laborieux instituteurs inspirent aux diverses classes de la population. Votre coopération et votre dévouement nous serons donc, dans cette circonstance, extrêmement précieux, et mon Département vous connaît assez pour être certain qu’ils ne lui feront pas défaut. Veuillez donc adresser au plus tôt aux Supérieurs locaux dans les colonies où vous avez des frères les communications que vous jugerez propres à les diriger dans leur nouvelle mission, et à assurer leur entier concours à la prochaine abolition de l’esclavage50.

  • 51 AFIC 155.02.007, réponse de l’abbé de la Mennais à Victor Schoelcher, du 24 mars 1848.

17Humaniser l’esclave, le rendre moral en lui donnant une instruction religieuse afin de le préparer à l’émancipation, telle aura été la mission fixée par le ministère de la Marine aux Frères de l’instruction chrétienne avec l’organisation de l’enseignement primaire pour les classes libres. De 1836 à 1848, malgré le manque d’effectif et la désapprobation de la société coloniale, les frères auront su s’adapter et mener à bien ce projet inattendu pour lequel, au départ, ils n’étaient ni préparés ni formés. « Vous avez bien raison, répond Jean-Marie de la Mennais à Victor Schoelcher, de compter sur mon entière coopération et sur mon cordial dévouement à l’œuvre de l’instruction chrétienne et de la prompte émancipation des esclaves dans nos colonies. Je suis heureux de pouvoir vous assurer que mes frères vont y travailler avec un nouveau zèle ; déjà je leur ai écrit deux fois depuis un mois pour les diriger dans cette mission, qui n’est pas nouvelle pour eux, mais qui doit prendre prochainement de nouveaux développements51 ». À la mort du fondateur en 1860, la congrégation compte ainsi 23 écoles en Guadeloupe, 21 en Martinique, 2 au Sénégal, 2 à Saint-Pierre et Miquelon, 2 en Guyane et 1 à Tahiti ; 154 frères de l’Instruction chrétienne enseignent hors de Bretagne et scolarisent 5 800 enfants.

Notes

1 AFIC L168A163, lettre du 26 mars 1845 du frère Arsène (Pointe-à-Pitre) à l’abbé de la Mennais.

2 AFIC n°2701, lettre du 1re décembre 1840 au frère Ambroise, Informations à prendre et avis divers.

3 Cité par L. Sala-Molins dans Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, Paris, 1987, p. 178.

4 Id., op. cit., p. 221.

5 Cité par Jean Tarrade dans Histoire de la France coloniale, (en collaboration avec J. Meyeret A. Rey-Goldzeiguer), Paris, 1991, t. I : La Conquête, p. 402.

6 J. Tarrade, op. cit., t. I, p. 536.

7 J. Gadille et J.-F. Zorn, Le Projet missionnaire, dans Histoire du christianisme, op. cit., t. 11, p. 154.

8 Si Pauline Jaricot est considérée comme la fondatrice de la Propagation de la Foi, c’est un Rennais, le P. Charles Langlois (1767-1851) qui fut à l’origine de cette association de soutien spirituel et matériel aux missionnaires catholiques. Lire à ce sujet J. Michel, Missionnaires bretons d’Outremer, xixe-xxe siècles, Rennes, 1997, p. 21 et suivantes.

9 J.-J. Rousseau, Du Contrat social, principe du droit politique (1762), éd. Bordas, 1985, livre I, chap. 4, p. 70.

10 F. Lamennais, De l’Esclavage moderne, Paris, 1839, p. 27-28 et 35.

11 Lettre du 25 juillet 1836 du préfet Lorois à l’amiral Duperré, cité par P. Cueff dans Études mennaisiennes, juillet 1987, p. 8. Le ministre Duperré sera remplacé par l’amiral de Rosamel le 6 septembre 1836 ; celui-ci poursuivra l’initiative de son prédécesseur.

12 Lettre du 15 octobre 1836, citée par F. Guizot, Mémoires…, op. cit., t. III, Pièces Historiques, n° IV, p. 371.

13 Lettre du 8 novembre 1836, Ibid., p. 373.

14 D’après Moreau de Jonnès, Recherches statistiques sur l’esclavage colonial, 1842, la population s’établit comme suit en 1842 en Martinique : 117 500 h. dont 10 000 blancs, 31 500 affranchis, 76 000 esclaves ; en Guadeloupe : 128 000 h. dont 11 000 blancs, 24 000 affranchis, 93 000 esclaves. Rapport cité par A. Gisler, L’esclavage aux Antilles françaises (xviie-xixe siècle), Paris, 1981, p. 34.

15 Directeur des Colonies au ministère de la Marine et correspondant de l’abbé de la Mennais jusqu’en 1842.

16 AFIC L103E066, lettre du 10 décembre 1836 à Guizot.

17 Il s’agissait de F. Antonin (Pierre Tuloup) né à Montreuil-le-Gast (Ille-et-Vilaine) en 1802 et entré à Ploërmel en 1822, directeur de la mission et seul breveté du groupe ; F. Judicaël (Louis La Dure) né à Saint-Servan (Ille-et-Vilaine) en 1815 et entré à Ploërmel en 1833, employé aux classes ; F. Léonide-Marie (Pierre Le Quitte), né à Bréhan-Loudéac (Morbihan) en 1805 et entré à Ploërmel en 1833, économe ; F. Osmond-Marie (Pierre Dréano) né à Noyal-Muzillac (Morbihan) en 1808 et entré à Ploërmel en 1834, employé aux classes ; F. Zozime (Pierre Picard) né à la Chapelle (Morbihan) en 1808 et entré à Ploërmel en 1830, chargé du ménage et de la surveillance des élèves. En fait, les dissensions et la mésentente vont aller croissant entre les membres de la petite communauté : le frère Antonin devra renvoyer en France le frère Judicaël dès juillet 1838 pour sa « conduite indigne » et les frères Léonide, Osmonde et Zozime rompront leur engagement religieux dès leur retour en métropole en 1840 et 1841.

18 AFIC n° 2614, Instructions pour les Frères de la Guadeloupe, 26 novembre 1837.

19 « Monsieur Bébian est venu plusieurs fois nous voir, il a beaucoup d’esprit », écrit le frère Antonin à l’abbé de la Mennais, le 21 mars 1838. Le décès d’Auguste Bébian, en février 1839, entraînera la fermeture de l’école mutuelle de Pointe à Pitre ; le 27 avril suivant, les frères Marcellin, Arthur et Rieul y ouvriront la deuxième école mennaisienne hors de France.

20 Cité par P. Cueff, Origines d’une épopée missionnaires (1836-1840) dans Études mennaisiennes, n° 1, Rome, juillet 1987, p. 37.

21 N. Schmidt, Suppression de l’esclavage, système scolaire et réorganisation sociale aux Antilles : les Frères de l’Instruction chrétienne, témoins et acteurs, instituteurs des nouveaux libres, Revue d’histoire contemporaine, t. XXXI, avril juin 1984, p. 207-208. M. Ballin, inspecteur de l’enseignement public, avait été chargé en 1831 d’établir des écoles mutuelles pour la population libre aux Antilles.

22 AFIC L167B15 ter, lettre du 4 novembre 1836 à M. de Saint-Hilaire.

23 Basse-Terre et Pointe-à-Pitre en Guadeloupe et Saint-Pierre et Fort-Royal (Fort-de-France) en Martinique (voir cartes p. 141 sur l’implantation des écoles mennaisiennes en Guadeloupe et Martinique en 1860).

24 AFIC 153.03.001, lettre du 9 janvier 1840 à l’amiral Duperré.

25 AFIC 153.03.012, lettre du 29 avril 1840 à l’amiral Roussin.

26 AFIC L151A012, rapport sur l’état actuel des écoles de la Guadeloupe, 14 octobre 1850.

27 J. Meyer, Histoire de la France coloniale, op. cit., p. 171-172.

28 AFIC 153.03.011, lettre du 17 mars 1840 à l’amiral Roussin. Cinq ans plus tard, le ministère de la Marine proposera la création d’ateliers industriels et agricoles mais le projet n’aura pas de suite : « Ces projets d’établissements agricoles, d’arts et métiers, ce sont de pures combinaisons spéculatives et chimériques de cabinet », écrit le frère Ambroise à l’abbé de la Mennais le 18 avril 1845 AFIC L168A164. Il faudra attendre 1854 pour que des écoles professionnelles agricoles soient mises en place mais pour des raisons et des perspectives bien différentes de celles de Jean-Marie de la Mennais : il s’agira en fait, pour assurer ainsi le renouvellement de la main d’œuvre agricole sur les plantations, d’assimiler les plantations trop éloignées des bourgs à des écoles libres « où les apprentis recevront au moins l’enseignement religieux ». En effet les colons, refusant que les apprentis prennent sur leur temps de travail pour rejoindre les écoles, demandent que les frères se déplacent jusqu’aux exploitations pour assurer l’instruction, comme cela se faisait avant 1848. Voir N. Schmidt, op. cit., p. 217-218 et, en annexe 7, l’arrêté du 2 mars 1854 du Gouverneur de la Guadeloupe organisant l’enseignement primaire et l’apprentissage.

29 AFIC 172.04.056, lettre du frère Ambroise du 16 juin 1846.

30 Le texte de l’ordonnance est cité par A. Gisler, op. cit., p. 60.

31 A. Laveille, op. cit., t. II, p. 263.

32 AFIC 156.04.23, lettre de Jean-Marie de la Mennais à Charles de Montalembert, du 28 mai 1842.

33 AFIC n° 2856, lettre du 28 octobre 1843 au frère Ambroise ; n° 2931, lettre du 24 novembre 1844 au même ; n° 2967, lettre du 28 avril 1845 au frère Lambert ; n° 3041, lettre du 5 juin 1846 au frère Ambroise.

34 Circulaire du 28 avril 1840, citée par A. Laveille, op. cit., t. II, p. 230-231.

35 AFIC n° 2931, lettre du 24 novembre 1844 au frère Ambroise.

36 Le 8 février 1843, un tremblement de terre anéantissait la ville de Pointe-à-Pitre. Le 11 février, le frère Arsène écrivait à l’abbé de la Mennais : « toute les maisons ont été renversées de fond en comble et le nombre des victimes est innombrable, notre maison n’a pas été exemptée plus que les autres : deux de nos frères ont été couverts sous les décombres et ces deux frères sont les Frères Lambert et Rieul […] Il n’y a eu que la Pointe-à-Pitre à être incendiée : mais elle a été incendiée d’une telle manière qu’il ne reste pas pierre sur pierre : elle est aussi unie qu’une plaine […] on apercevait çà et là des cadavres rôtis ; le spectacle est tellement épouvantable que celui qui l’a vu ne peut pas s’en rendre raison ; l’endroit où l’on portait les cadavres était une véritable boucherie. Je voudrais vous en dire davantage, mais j’ai le cœur tellement serré que je ne sais ce que je dis ni ce que je fais ». AFIC L168A112.

37 AFIC 154.02.033, lettre du 8 septembre 1843 à l’amiral Roussin.

38 De 1801 à 1940, le Morbihan fournira 417 frères de l’Instruction chrétienne sur un total de 529 frères missionnaires, l’Ille-et-Vilaine 289 sur 364, les Côtes-d’Armor 264 sur 319, le Finistère 128 sur 228 et la Loire Atlantique 99 sur 139. Tableau du recrutement missionnaire, J. Michel, op. cit., p. 244. On remarque que ce sont les diocèses de Saint-Brieuc, de Rennes et de Vannes où l’influence des écoles mennaisiennes est la plus forte qui recrutent le plus grand nombre de missionnaires.

39 AFIC n° 4504 (466A174), lettre du 20 février 1846 à l’abbé Ruault, envoyée de Paris.

40 Circulaire du 27 février 1846 du ministre de la Marine aux évêques, citée par A. Laveille, op. cit., t. II, appendice H.

41 AFIC 172.04.056, lettre du 7 juillet 1845 du frère Ambroise à l’abbé de la Mennais.

42 AFIC 168A168, lettre du 18 août 1845 du frère Ambroise à l’abbé de la Mennais.

43 Lettre du 21 avril 1844 d’un groupe de planteurs de Capesterre à l’abbé de la Mennais, citée par Laveille, op. cit., t. II, p. 267 268.

44 AFIC L169A039 et L173A059, lettre du 2 juin 1847 du frère Frumence-Marie et du 31 août 1847 du frère Arthur.

45 AFIC 154.03.034, lettre du 16 septembre 1844 au ministre de la Marine.

46 AFIC n° 3019, lettre du 16 mars 1846 au frère Ambroise.

47 Le décret du 27 avril 1848 est cité par L. Sala-Molins, op. cit., p. 278-279.

48 Selon les statistiques du Ministère de la Marine et des colonies, la Martinique comptait 74 447 esclaves en 1848, la Guadeloupe et dépendances 87 087, la Guyane 12 525 et le Sénégal 13 800. Bourbon (la Réunion) où les frères n’avaient pas d’écoles en comptait 60 651. Soit un total de 248 560 esclaves. P. Motylewski, La Société française pour l’abolition de l’esclavage, 1834-1850, Paris 1998, p. 178.

49 Le Peuple constituant du lundi 15 mai 1848, t. XI, p. 103 à 105.

50 AFIC 155.02.006, lettre du 20 mars 1848 de Victor Schoelcher à l’abbé de la Mennais.

51 AFIC 155.02.007, réponse de l’abbé de la Mennais à Victor Schoelcher, du 24 mars 1848.

Table des illustrations

Titre Les écoles tenues par les Frères de l’Instruction chrétienne en Guadeloupe et Martinique en 1860
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/11327/img-1.png
Fichier image/png, 118k

© Presses universitaires de Rennes, 2000

Licence OpenEdition Books

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search