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Entre la guerre et la paix

 | 
Éric Schnakenbourg

Troisième partie. Les modalités de la neutralité au XVIIIe siècle

Chapitre VI. Des « Isles » de paix au milieu de la guerre : la neutralité dans les mondes ultra-marins

Texte intégral

  • 1 Pares R., War and trade in the West Indies, op. cit et Colonial Blockade and Neutral Rights, op. c (...)

1Une histoire des relations entre les pays européens à l’époque moderne ne saurait se limiter aux seules dimensions de leur continent et faire l’économie d’un élargissement des questionnements à d’autres espaces. C’est particulièrement vrai pour les affrontements franco-anglais qui se succèdent à partir de la guerre de la Ligue d’Augsbourg car, au fil du temps, ils se déclinent de plus en plus à l’échelle mondiale. L’importance des enjeux coloniaux culmine dans la seconde moitié du XVIIIe siècle avec les guerres de Sept Ans et d’Indépendance américaine. Ce sont des conflits à dimension véritablement planétaire, avec des combats en Amérique du Nord, aux Antilles et en Inde. L’extension de l’espace de la guerre entraine ipso facto une évolution similaire de celui de la neutralité dont les pratiques trouvent dans les espaces lointains de nouveaux champs d’application. Dans les années 1930, les travaux de Richard Pares ont inauguré la réflexion sur les questions relatives à la neutralité outre-mer1. L’historien anglais s’était limité aux décennies médianes du XVIIIe siècle (1740-1760), en se concentrant avant tout sur la navigation transatlantique.

  • 2 La bibliographie sur cette question est très importante. Citons d’abord un important article histo (...)

2Le sujet mérite d’être repris en élargissant la période considérée et en insistant sur l’importance de la neutralité pour les relations internes au monde antillais tout particulièrement. Cette approche doit, en outre, être éclairée par l’évolution récente de l’historiographie des empires atlantiques. Elle invite à dépasser les approches impériales, plus ou moins cloisonnées, pour adopter une lecture plus fluide de l’histoire du monde atlantique qui joue des changements d’échelles pour insister sur l’importance des relations transnationales. Cette approche est particulièrement féconde pour l’étude de l’espace antillais au sein duquel les territoires relevant de souverainetés différentes sont entremêlés dans un espace maritime qui est, par essence, propice aux circulations2. L’étude des formes et des pratiques de la neutralité ultramarine s’inscrit résolument dans cette perspective, afin de montrer qu’elles contribuent à entretenir et à renforcer les liens transnationaux tissés dans le monde colonial américain. Pour y parvenir, il faut décentrer le regard et envisager le rôle d’acteurs de second plan.

  • 3 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, 1680-1791, Assen/Maastricht, Van Gorcu (...)
  • 4 Müller L., Rydén G., Weiss H. (dir.), Global historia från periferin. Norden 1600-1850, Lund, Stud (...)

3À côté des trois grandes puissances impériales de l’Amérique intertropicale, l’Angleterre, l’Espagne et la France, d’autres États européens possèdent des territoires dans cette région. Les Hollandais et les Danois y sont présents à partir du XVIIe siècle, et les Suédois après 1784 seulement. La superficie réduite de leurs îles, leurs productions limitées, leur faiblesse militaire et leur population modeste les ont souvent condamnés à demeurer dans l’ombre des grandes histoires de la présence européenne en Amérique. Néanmoins, du côté néerlandais plusieurs historiens ont souligné l’importance des échanges des Provinces-Unies avec leurs territoires américains3. Même si l’historiographie scandinave n’a pas été aussi productive dans ce domaine, des travaux récents réévaluent l’importance des pays du Nord dans le monde colonial4.

Carte 2. – Les souverainetés aux Antilles à la fin du XVIIe siècle.

e a priori

L’importance croissante des îles danoises et hollandaises jusqu’au milieu du XVIIIe siècle

4Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les grandes puissances coloniales européennes, l’Angleterre, l’Espagne et la France, sont bien établies dans l’arc antillais. Elles y côtoient deux puissances de moindre envergure que sont les Hollandais et les Danois qui ne font figure de concurrents pour les principaux empires, ni sur le plan politique, ni sur le plan commercial. Cependant, les multiples relations qu’ils entretiennent avec les territoires français s’avèrent très précieuses dans les périodes de guerre.

Danois et Français dans l’espace antillais à la fin du XVIIe siècle

  • 5 C’est la justification que Christian V de Danemark donne à Charles II d’Espagne dans une lettre du (...)
  • 6 Dookhan I., A History of the Virgin Islands of the United States, Kingston, Canoe Press, 1994, p.  (...)

5Les Danois commencent à nourrir l’ambition de participer au commerce américain dans les années 1620. Mais ce n’est que quatre décennies plus tard qu’ils tentent une première fois de s’installer à Saint-Thomas, dans l’archipel des îles Vierges. La colonisation de l’île ne commence véritablement qu’en 1672 sous l’autorité d’une compagnie monopolistique, la Vestindisk-guineisk kompagni. Saint-Thomas fait partie de ce que les Espagnols appellent « las islas inutilas » car, au début des années 1670, il n’y a guère de colons qui s’y sont établis ce qui permet de justifier l’implantation danoise5. En 1718, la compagnie étend ses établissements à l’île voisine de Saint-Jean, mais la souveraineté danoise sur ce petit territoire est contestée pendant trois décennies par les Anglais et les Espagnols6. Enfin, en 1733, les Danois achètent Sainte-Croix à la France, également dans l’archipel des îles Vierges.

  • 7 Labat J.-B., Nouveau voyage aux Isles de l’Amérique, Paris, G. Cavelier, 1722, t. 5, p. 314.
  • 8 Klooster W., Illicit riches, op. cit, p. 89.
  • 9 Labat J.-B., Nouveau voyage aux Isles de l’Amérique, op. cit, t. 5, p. 322.

6À la fin du XVIIe siècle, Saint-Thomas, mal pourvue en eau, n’est pas une colonie de grandes plantations mais elle dispose d’un bon mouillage autour duquel s’est développé le port de Charlotte Amalie7. Le peuplement de l’île se fait grâce à des étrangers puisqu’au moment où éclate la guerre de la Ligue d’Augsbourg, les Danois ne représentent qu’environ 10 % des 140 adultes masculins blancs de Saint-Thomas, contre 44 % pour les Hollandais8. Outre des Anglais, on trouve également une vingtaine de familles françaises venue s’y installer après la révocation du l’édit de Nantes9.

  • 10 Crespo Solana A., Merdaderes atlánticos. Redes del comercio flamenco y holandés entre Europe y el (...)

7Les étrangers de Saint-Thomas conservent des liens familiaux et des relations d’affaires avec le milieu dont ils sont issus. Ils intègrent l’île danoise aux réseaux du monde de l’Amérique intertropicale servant de support à des relations d’affaires transnationales qui se jouent des monopoles, des interdictions officielles et de l’état des relations politiques entre les métropoles. Dès la fin du XVIIe siècle, Saint-Thomas est un des centres de contrebande avec les territoires espagnols de la Caraïbe, mais aussi avec les colonies anglaises et françaises10. L’île danoise dispose de tous les atouts nécessaires pour profiter à plein des périodes de conflit.

  • 11 ANOM, C8A 7, fol. 305-307, Dumaitz de Goimpy à Maurepas, 27 février 1693.
  • 12 Jørgensen D., Danmark-Norge mellom stormaktene, op. cit, p. 238-239. En 1693, Louis XIV accorde de (...)
  • 13 Pitman F., The Development of the British West Indies, 1700-1763, New Haven, Yale University Press (...)
  • 14 « Mémoire du sieur Casaux du Hallay, député de Nantes sur l’état du commerce en général », 4 mars (...)
  • 15 Labat J.-B., Nouveau voyage aux Isles de l’Amérique, op. cit, t. 5, p. 324.

8Dans le cadre général de la promotion de leur navigation à la faveur de leur neutralité, les Danois veulent profiter de la guerre de la Ligue d’Augsbourg pour développer le commerce colonial. En 1693, les Français délivrent des passeports pour des expéditions en droiture depuis le Danemark vers leurs colonies. Pour Dumaitz de Goimpy, l’intendant des îles-du-Vent, le développement de la navigation atlantique danoise libérera les marins du roi pour d’autres tâches et assurera l’approvisionnement des colonies, tout en mettant les exportations de sucre français à couvert de la course ennemie. Il suggère même que les Danois installent un consul à la Martinique pour informer ses compatriotes des conditions du commerce local11. Effectivement, dans la suite de la guerre, il y a bien quelques expéditions danoises qui sont organisées grâce à un réseau de juifs sépharades, reliant Hambourg, Amsterdam, Paris et le Portugal12. Saint-Thomas est le seul territoire neutre antillais pendant les guerres de la Ligue d’Augsbourg et de Succession d’Espagne. « In time of war ever has been and is the staple for all sort of indirect trade and commerce » dénonce le gouverneur de la Barbade13. L’importante communauté hollandaise, que ses membres soient naturalisés danois ou pas, assure l’approvisionnement en esclaves des colonies de plantations des deux camps belligérants14. « Ce petit lieu riche & toujours plein de toutes sortes de marchandises15 » qu’est Saint-Thomas selon le père Labat, est un lieu de rencontres et d’échanges d’hommes et de produits venant de l’Amérique intertropicale, d’Europe et d’Afrique.

  • 16 ANOM, C10D 2, no 40, Mémoire danois, sans auteur ni date.
  • 17 « L’asile de la neutralité me semble aussy contenir à peu près ce que nous pouvons souhaiter de mi (...)

9Au lendemain de la guerre de Succession d’Espagne, les Danois proposent d’acheter l’île de Sainte-Croix à Louis XV en soulignant les services que leur neutralité peut rendre aux colonies françaises : « les généraux et gouverneurs des isles françoises avoueront qu’aucune nation n’a pu leur être plus utile que les Danois qui, comme sujets d’une puissance neutre, ont fourni et pourvu les dites isles de plusieurs choses dont elle avoient un grand besoin, et par conséquent la possession de l’isle de Ste Croix par les Danois seroit d’un avantage considérable aux isles françoises spécialement en tems de guerre16 ». Les enseignements du fonctionnement de Saint-Thomas ont été retenus, tant par les Danois que par les Français17. Sainte-Croix est transférée à la Vestindisk-guineisk kompagni par un contrat de vente daté du 15 juin 1733.

10La présence danoise aux Antilles permet aux belligérants de disposer d’une plate-forme ouverte grâce à laquelle ils peuvent poursuivre leurs échanges en temps de guerre. Mais la fulgurance de Saint-Thomas est très peu danoise, car les acteurs de son commerce sont des étrangers qui se servent de la couverture la neutralité pour transporter leurs marchandises, si bien que l’essentiel de la richesse générée pendant les périodes de guerre échappe à la Vestindisk-guineisk kompagni et au trésor danois.

Le développement de l’interlope neutre pendant la guerre de Succession d’Autriche, 1744-1748

  • 18 Le Surinam ne devient colonie hollandaise qu’en 1667, à l’issue de la seconde guerre anglo-holland (...)
  • 19 Chemin Dupontès P., Les Petites Antilles, Paris, L’Harmattan, 1979 [réed.], p. 95-98 et Raynal G.,(...)

11Au milieu du XVIIe siècle, les Hollandais ne possèdent plus que des établissements de commerce à l’embouchure des fleuves guyanais, ainsi que deux groupes de petites îles dans l’arc caraïbe18. Au nord des Petites Antilles, se trouvent Saint-Eustache, Saba, et Saint-Martin, partagée depuis 1648 avec les Français. Bien plus au sud, au large du continent, il y a Bonaire, Aruba et surtout Curaçao. Ces îles à la topographie accidentée ne disposent que de faibles ressources en eau et sont par conséquent peu propices à l’économie de plantation19. En revanche, elles jouent un rôle très important dans les circulations interlopes au sein de l’espace antillais et dans les échanges avec l’Europe.

  • 20 Le commerce atlantique, essentiellement illégal, aurait représenté 30 à 35 % du commerce total des (...)
  • 21 Schnakenbourg C., Les sucreries de la Guadeloupe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (1760-179 (...)

12L’historiographie néerlandaise a récemment réévalué l’importance des trafics atlantiques dans le commerce global des Provinces-Unies20. Comme pour les îles danoises, les colonies hollandaises se distinguent par le cosmopolitisme de leurs habitants qui animent une intense activité commerciale interlope ignorant les frontières et la conjoncture politique. Selon les administrateurs de la Guadeloupe qui ne peuvent, par définition, donner qu’un ordre de grandeur, la contrebande concernerait entre un tiers et la moitié de la production de l’île21. Le principal centre de l’interlope est Saint-Eustache où les planteurs français peuvent vendre leurs productions à des prix avantageux et trouver une large gamme de marchandises plutôt bon marché.

  • 22 ANOM, C8A 56, fol. 73-75, Champigny à Maurepas, 16 novembre 1744.
  • 23 Klooster W., « An Overview of Dutch Trade with the Americas », art. cit., p. 377. Cette estimation (...)

13Aux Antilles, la phase franco-anglaise de la guerre de Succession d’Autriche (1744-1748) s’inscrit dans le sillon du conflit anglo-espagnol de « l’oreille de Jenkins » qui débute en 1739. À l’occasion de cette guerre, les îles hollandaises assurent déjà une partie des échanges entre l’Espagne et ses colonies. En 1744, les convois de France tardant à venir, le gouverneur des Îles-du-Vent, le marquis de Champigny, autorise le commerce avec Saint-Eustache et Curaçao pour ravitailler la Martinique et la Guadeloupe en matériel de guerre et en farine. Champigny, qui a pris cette initiative sans en avoir reçu l’ordre, se justifie en assurant qu’il s’agit de répondre à une situation d’urgence et qu’il révoquera les permissions données aux Hollandais dès que les navires venus de France arriveront22. Mais le système des convois ne peut desservir toutes les colonies. Certaines sont privilégiées, Saint-Domingue et la Martinique, alors que d’autres territoires, comme la Guadeloupe, sont délaissés et deviennent de hauts lieux de l’interlope hollandais. En 1745, l’île reçoit 168 vaisseaux venus de Saint-Eustache pour un seul arrivant de France23.

  • 24 Butel P., Histoire de la chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux, op. cit, p. 107, et R. Pa (...)
  • 25 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue aux XVIIe et (...)
  • 26 Villiers P., « La course en Martinique et en Guadeloupe pendant la guerre de Succession d’Autriche (...)
  • 27 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 198-207.

14L’attitude des autorités françaises vis-à-vis du commerce neutre aux Antilles n’est pas exempte d’une certaine ambiguïté. Maurepas, ministre de la Marine, refuse que les neutres assurent des échanges directs entre l’Europe et les territoires américains au nom du respect de l’Exclusif colonial. Cependant, il lui arrive de faire des exceptions et de délivrer des passeports à des Hollandais qui, sous couvert de se rendre à Curaçao, chargent pour Saint-Domingue24. Sur place, les administrateurs continuent à ouvrir les ports aux neutres pour pallier les carences de l’approvisionnement depuis la France. À Saint-Domingue, ils acceptent l’arrivée de navires hollandais qui chargent les surplus de sucre générés par les perturbations des échanges avec la métropole25. À la faveur de la guerre, Curaçao devient avant tout un lieu de transit entre l’Amérique espagnole et l’Europe. Saint-Eustache a davantage de relations avec les territoires anglais et les îles françaises qui représentent la destination d’un quart de son trafic total26. La guerre est un temps de prospérité pour les colonies des Provinces-Unies, comme le montre le doublement du nombre de navires faisant la grande navigation atlantique (grote vaart) entre 1745 et 1748, qui alimente en amont l’activité du kleine vaart, le cabotage antillais27. Saint-Eustache est la principale bénéficiaire de cette croissance et s’impose comme un entrepôt majeur du commerce neutre dans l’arc antillais. Si son attractivité est moindre avec le retour de la paix, les liens de l’interlope ne disparaissent pas.

  • 28 AN, Affaires étrangères, B1/451, Lemaire à Maurepas, 8 mars 1746.
  • 29 Klooster W., « An Overview of Dutch Trade with the Americas », art. cit., p. 417.
  • 30 AN, Marine, B7/360, Lagau à Maurepas, 19 décembre 1746.
  • 31 Pitman F., The Development of the British West Indies, op. cit, p. 293.

15Bien que la supériorité hollandaise ne soit pas contestable, les Danois cherchent eux aussi à profiter de la guerre franco-anglaise pour développer leur navigation transatlantique. L’ambassadeur de Louis XV au Danemark témoigne des investissements des personnalités de la cour de Copenhague dans les armements antillais28. Selon lui, l’essentiel des profits vient de l’approvisionnement de Saint-Thomas qui retrouve son rôle de plate-forme d’échanges entre produits antillais et européens. Ce sont à nouveau les Hollandais établis sur place qui animent l’essentiel de ce commerce en reliant l’Amérique du Nord, les îles anglaises, françaises et danoises29. Bien que les Danois ne puissent pas officiellement accéder aux colonies françaises, l’embellie de leur navigation dans l’Atlantique à partir de 1746 montre le développement d’un commerce clandestin avec ces territoires. Au lieu d’une expédition négrière annuelle, ce sont trois ou quatre bâtiments qui partent de Copenhague vers la Guinée pour effectuer une rotation triangulaire à destination des Antilles avant de revenir en Europe. Pour le consul de France à Hambourg, Philippe Lagau, il ne fait aucun doute que l’ambition des Danois est d’accéder aux colonies françaises pour y vendre des marchandises, et surtout des esclaves30. D’ailleurs, l’arrestation et la condamnation de plusieurs navires danois que les Anglais soupçonnent d’approvisionner les colonies françaises attestent une participation des Scandinaves au cabotage antillais31.

16Le rôle tenu par les neutres du Nord dans l’espace caraïbe lors de la guerre de Succession d’Autriche repose sur leur degré croissant d’implication dans le commerce des belligérants. Ils viennent en partie combler la contraction des échanges consécutive à l’état de guerre et aux perturbations de la navigation vers et depuis l’Europe. Leur rôle est d’autant plus important qu’en raison du développement des échanges atlantiques depuis le début du siècle, il y a un marché conséquent qu’il est possible de pénétrer en profitant d’un conflit entre les grands empires de l’Amérique intertropicale. Au lendemain de la paix d’Aix-la-Chapelle, bien qu’insignifiants sur le plan territorial, les Hollandais principalement, mais aussi les Danois, tiennent un rôle important permettant d’atténuer l’effet des conflits sur le commerce colonial.

Les acteurs du commerce neutre aux Antilles pendant la guerre de Sept Ans

  • 32 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p.  (...)

17L’affrontement franco-anglais dans le cadre de la guerre de Sept Ans est largement dominé par les enjeux ultramarins. La puissance de la marine anglaise est mise au service d’une stratégie de guerre qui consiste à traquer les bâtiments français dans l’Atlantique afin d’isoler les colonies ennemies. Dès 1755, le nombre de navires venant de France diminue fortement32. Dans la suite de la guerre, la quasi-suspension de la navigation française dans l’Atlantique fait du recours aux pavillons neutres, supposés pouvoir encore naviguer librement, une des seules alternatives pour l’approvisionnement des colonies. Dès lors, les Hollandais, les Espagnols, jusqu’en 1762, et les Danois se trouvent investis d’un rôle majeur qu’ils remplissent en fonction de leurs moyens et de leurs ambitions.

Le rôle prépondérant des Hollandais

18L’importance de la navigation hollandaise dans l’espace atlantique en général, dans la Caraïbe en particulier, et l’expérience de la guerre de Succession d’Autriche, placent les négociants des Provinces-Unies au premier rang des neutres intéressés par la fréquentation des colonies françaises. La localisation de Saint-Eustache et de Curaçao permet aux capitaines hollandais de prétendre qu’ils naviguent entre ces deux îles, situées au nord et au sud de l’arc antillais, pour couvrir la fréquentation de Saint-Domingue, de la Martinique et de la Guadeloupe.

  • 33 AN, Marine, B7/402, Saint-Sauveur à Machault, 19 avril 1756.

19En mars 1756, Machault d’Arnouville autorise les neutres à se rendre dans les colonies françaises à condition qu’ils soient munis de passeports. Le gouvernement confirme un état de fait puisqu’une part croissante des productions françaises passe déjà en Europe sous pavillon hollandais afin d’échapper aux navires anglais. En avril, soit deux mois avant le début officiel de la guerre, le commissaire de la Marine à Amsterdam, Jean-Baptiste Decury de Saint-Sauveur assure « qu’il ne revient presque plus de vaisseaux des colonies hollandaises de l’Amérique, et surtout de Saint-Eustache, qui ne soient chargés de denrées de nos îles, quatre de ces vaisseaux arrivés ici la semaine dernière ont apporté 1 700 barriques de sucre de Saint-Domingue, 400 milliers de café de la Martinique et 30 milliers de coton de la Guadeloupe et un cinquième vient d’arriver avec de semblables denrées33 ». Au début de la guerre, les passeports sont distribués assez généreusement aux neutres par les administrateurs français des colonies. La contrepartie de ces autorisations est la fourniture de vivres mais, en réalité, les passeports servent à couvrir un intense trafic concernant toutes sortes de produits.

  • 34 R. Pares, Colonial Blockade and Neutral Rights, op. cit, p. 209.
  • 35 Chassaigne P., « L’économie des îles sucrières dans les conflits maritimes de la seconde moitié du (...)
  • 36 ANOM, C8A 64, fol. 51, La Rivière à Choiseul, 2 avril 1762 et fol. 305, 9 avril 1762.
  • 37 Raynal G., Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce dans les deux Ind (...)
  • 38 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 210.
  • 39 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p.  (...)
  • 40 Enthoven V., « ‘‘That Abominable Nest of Pirates’’ St. Eustatius and the North Americans, 1680-178 (...)

20À la faveur de la guerre de Sept Ans, Curaçao et Saint-Eustache, rayonnent dans toute la Caraïbe dont elles sont, en quelque sorte, la porte d’entrée et de sortie. Elles sont aussi des places financières qui abritent un trafic de lettres de change auquel participent aussi bien les Français que les Anglais34. Les grandes maisons de commerce hollandaises ont des correspondants aux Antilles qui agissent sur ordre de leur employeur35. Le dynamisme des colonies hollandaises repose sur la tolérance des autorités et sur leur population cosmopolite. Elle permet de monter des expéditions transnationales comme celle financée en 1762 par le négociant français de Saint-Eustache Jean-Pierre Laisné. Il affrète un navire hollandais l’Agathe-Marie, avec un subrécargue de la même nationalité et un capitaine danois36. La guerre de Sept Ans renforce la vocation de centre de redistribution de Saint-Eustache grâce au port de Oranjestad, franc à partir de 1757. C’est davantage un mouillage qu’un port à proprement parler, car il n’y a pas d’infrastructures sur son littoral à flanc de colline qui est trop étroit pour construire un embarcadère. Saint-Eustache devient « l’entrepôt de presque toutes les denrées des colonies françaises du Vent, le magasin général de leur approvisionnement » affirme Raynal qui ajoute : « L’Anglais & le Français se réunissent dans la rade de cette île pour y conclure, à l’abri de sa neutralité, des marchés très importants37. » L’essentiel de l’activité de Saint-Eustache repose sur sa fonction de centre de redistribution de marchandises. Les nombreux négociants anglais établis sur place exportent via le territoire hollandais des marchandises vers les colonies françaises38. C’est le cas pour le bœuf irlandais dont la livraison à l’ennemi est interdite par Londres à partir de septembre 175639. Saint-Eustache est le pivot de réseaux marchands reliant l’Irlande, les établissements nord-américains de l’Angleterre et les colonies des belligérants40.

  • 41 Pares R., War and trade in the West Indies, 1739-1763, op. cit, p. 376-379.
  • 42 National Archive, CO 110/1, Crump à Pitt, 4 octobre 1759.
  • 43 National Archive, CO 110/2, Dalrymple à Pitt, 29 octobre 1761.
  • 44 Ibid., Dalrymple à Pitt, 16 février 1762. « The two little islands or rocks of St Eustatia and Cur (...)

21Bien que le gouvernement français autorise les étrangers à fréquenter ses colonies, il ne renonce pas à en contrôler l’accès. La distribution des passeports est faite avec attention pour soutenir des prix élevés du sucre à Saint-Eustache dont les administrateurs eux-mêmes tirent profit en leur qualité de planteur, comme le gouverneur Vaudreuil41. En France, le secrétaire d’État à la Marine Moras estime que les représentants du roi aux colonies ouvrent trop généreusement les ports aux neutres, en rappelant qu’ils ne sauraient être admis qu’en cas de nécessité et uniquement à la condition d’apporter des vivres. Les passeports valident une partie des trafics de contrebande des temps de paix sans toutefois les éradiquer. Ils perdurent en Guadeloupe pendant la période d’occupation anglaise de 1759 à 1763, puisque les négociants ne renoncent pas aux expéditions frauduleuses vers Saint-Eustache, « that nest of thieves », selon le gouverneur anglais Byam Crump42. En 1761, son successeur estime à 15 000 la quantité de barils de sucre qui n’a pu être expédiée vers l’Europe avant la saison des cyclones. Trois mois après le départ du dernier navire, il concède « I fear a large part of that has since been run down to Sint Eustatius in a clandestine manner43 ». L’année suivante, le gouverneur doit se rendre à l’évidence: « Old connections and bad habits being difficult to breake, Sint Eustatius still carrys away a great deal of our sugars by bearing an higher price there than here44. » Dans l’Amérique coloniale, les liens d’affaires débordent le cadre des souverainetés.

  • 45 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p.  (...)
  • 46 ANOM, C8A 61, fol. 282, Beauharnais et Givry, à Moras, février 1758.
  • 47 AN, Marine, B7/410, Lagau à Massiac, 11 septembre 1758.

22Dès le début de la guerre, Londres cherche à interrompre l’approvisionnement des colonies françaises. Un Order in council du 30 juin 1756 presse les gouverneurs anglais d’empêcher leurs colons de ravitailler les Français45. Au fil du conflit, l’étau de la marine anglaise se resserre autour du commerce neutre. Après avoir largement pratiqué l’arrestation des gros navires venant des Provinces-Unies, les Anglais surveillent les bâtiments légers faisant le cabotage antillais pour distribuer les marchandises depuis les îles hollandaises. À la fin de l’année 1757, l’amiral Moore, commandant de l’escadre des Leeward Islands, déclarant savoir que les colonies françaises ne subsistent que par les secours qu’elles reçoivent des neutres, informe les gouverneurs des îles hollandaises, danoises et espagnoles que les territoires ennemis sont désormais considérés bloqués et que tous les navires qui y transporteront des marchandises seront arrêtés46. Bien que le blocus ne soit pas toujours effectif, sa proclamation permet de justifier les arrestations de bâtiments neutres. Ils sont amenés à la Jamaïque, puis déclarés de bonne prise ou obligés de vendre leur cargaison sur place. La pression anglaise commence véritablement à s’appesantir sur les neutres à l’été 1758. En septembre, le consul Lagau constate « les marchandises des Indes occidentales qui étaient apportées ici [à Hambourg] de France deviennent tous les jours plus rares et augmentent considérablement de prix, particulièrement les sucres47 ».

  • 48 Pares R., Colonial Blockade and Neutral Rights, op. cit, p. 209.
  • 49 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p.  (...)
  • 50 AN, Marine, B7/413, Astier à Berryer, 1er mars 1759.
  • 51 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 210.
  • 52 Par exemple, à la fin de l’année 1760, le gouverneur Beauharnais signale à Berryer l’arrivée à la (...)
  • 53 ANOM, C8A 62, fol. 316, Rouillé de Raucourt à Berryer, 29 août 1759 et fol. 436, Mercier de la Riv (...)

23Aux Antilles, les perturbations de la navigation neutre dégradent la situation des îles françaises. La vigilance accrue des Anglais et les arraisonnements qu’elle entraîne, rendent plus difficiles les relations entre Saint-Eustache et les possessions françaises, ce qui fait monter le prix du sucre dans l’île hollandaise48. En octobre 1758, le gouverneur de Saint-Domingue déplore la situation difficile dans laquelle se trouve la colonie qui « depuis longtemps ne s’est soutenue que par les neutres et surtout par les petits bateaux qui nous venaient de Curaçao et de Saint-Eustache avec des farines et des vins. Cette ressource est totalement supprimée aujourd’hui ; les Anglais prennent et confisquent depuis plus de quatre mois tous les navires hollandais sans aucune distinction49 ». Les Anglais, sachant pertinemment que les îles hollandaises ne produisent que très peu de chose, soupçonnent l’essentiel des cargaisons circulant vers les Provinces-Unies d’être d’origine française ce qui justifie les arraisonnements50. En 1761, les Anglais auraient saisi 221 navires se livrant au kleine vaart51. Cependant, l’escadre des Leeward Islands, même avec l’aide des corsaires, n’est pas capable d’interrompre totalement le commerce hollandais avec les îles françaises. Même au plus fort du blocus anglais, des navires hollandais chargés de vivres et de munitions approvisionnent la Martinique52. Il arrive aussi que des vaisseaux de guerre français escortent des bâtiments de commerce vers Saint-Eustache, comme la frégate l’Améthyste qui convoie 16 navires transportant du sucre et du café jusqu’à l’île hollandaise en août 175953.

  • 54 ANOM, C8A 63, fol. 96, Levassor de la Touche à Berryer, 13 juin 1761. Le contrat n’est finalement (...)
  • 55 AAE, CP, Hollande, vol. 507, fol. 2 et 61, Affry à Choiseul, 1er mai et 30 juin 1761 et ANOM, C8A (...)

24La guerre, l’interlope et le commerce neutre se nourrissent mutuellement. En juin 1761, le gouverneur de la Martinique parvient à conclure un marché pour l’approvisionnement de l’île par le biais du correspondant local de la maison de commerce Texier. Il accepte de payer les vivres un peu plus cher pour qu’ils soient livrés à Saint-Pierre sous pavillon hollandais54. La famille Texier, dont certains membres se trouvent à Amsterdam et d’autres à Saint-Eustache, est apparemment un interlocuteur connu des administrateurs français. Non seulement ils s’adressent à elle pour négocier un contrat d’approvisionnement, mais encore ils se servent de ses réseaux hollandais pour transmettre des lettres jusqu’en France via les Provinces-Unies55. En la circonstance, les circuits habituels des relations interlopes servent au commerce neutre auquel les autorités prêtent volontiers la main.

  • 56 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 211.
  • 57 Schnakenbourg C., « L’essor économique de la Guadeloupe sous l’administration britannique, 1759-17 (...)

25Au moment du retour de la paix, en 1763, le commerce hollandais aux Antilles a renforcé ses positions en particulier grâce à ses rapports avec les colonies françaises, et le kleine vaart se poursuit vigoureusement56. Les effets se font sentir au-delà de la guerre, car les relations tissées à la faveur de l’acceptation des neutres dans les îles françaises, ou de l’occupation anglaise, à la Guadeloupe en particulier, constituent le canevas de la future contrebande57. Les réseaux d’affaires interlopes entre les îles ne disparaissent jamais et ressurgissent à la première occasion.

La neutralité passive des Espagnols

  • 58 Butel P., « Guerre et commerce au XVIIIe siècle vus de Bordeaux », art. cit., p. 65-66 et Villiers(...)
  • 59 Par exemple, en 1759, Gradis finance l’armement à Cadix d’un navire de 140 tonneaux, Le Colibry, d (...)
  • 60 Butel P., La croissance commerciale bordelaise, op. cit, p. 819-822.
  • 61 Pontet J., « Guerre et commerce vus de Bayonne au XVIIIe siècle », Rochefort et la mer, no 9, Guer (...)

26À l’époque de la guerre de Sept Ans, les possessions antillaises de l’Espagne se trouvent surtout dans la partie septentrionale de l’arc insulaire, avec Cuba, Porto Rico et Saint-Domingue, partagée avec la France. Les Espagnols ont par conséquent une véritable légitimité à naviguer dans l’Atlantique et la neutralité qu’ils observent jusqu’en janvier 1762 fonde l’attractivité de leur pavillon. Dès le début du conflit franco-anglais, les départs de Bordeaux pour les ports espagnols doublent. Cadix, en particulier, devient le point de départ et d’arrivée d’une partie importante du commerce neutre des Antilles françaises. Grâce à la politique fiscale attractive adoptée par le gouvernement espagnol, le port andalou développe une activité de stockage et de transbordement des marchandises coloniales destinées au marché européen et des produits français en partance pour les Antilles58. Les négociants du sud-ouest de la France ne s’y trompent pas et organisent des opérations conjointes avec des maisons de commerce espagnoles. Certains d’entre eux, qui se sont pourtant opposés à l’admission des neutres dans les colonies au début de la guerre, sont fort aises d’en profiter une fois qu’ils réalisent l’ampleur des menaces pesant sur la navigation française dans l’Atlantique. C’est le cas d’Abraham Gradis qui, dès la fin de l’année 1756, réalise plusieurs investissements dans des expéditions sous pavillon espagnol à destination des îles françaises59. La couverture de la neutralité espagnole permet une délocalisation des activités de Bordeaux à Cadix, où la maison Gradis entretient un réseau de redistribution des produits coloniaux dans l’espace méditerranéen et vers l’Europe du Nord par le biais de pavillons espagnols, portugais ou italiens60. D’autres ports espagnols profitent également de la conjoncture pour développer leur navigation atlantique, comme Bilbao et Saint-Sébastien qui servent de relais entre le commerce français du sud-ouest et les Antilles, notamment par le biais des réseaux irlandais61.

27De l’autre côté de l’océan, le pavillon espagnol est en retrait dans le cabotage antillais et la redistribution des produits européens. L’importance de la neutralité espagnole pendant la guerre de Sept Ans ne tient pas aux capacités de transport permettant aux Français de continuer les échanges avec leurs colonies, mais repose sur des territoires intermédiaires autorisant les ennemis à continuer d’entretenir, voire à développer, les relations commerciales qu’ils avaient en temps de paix. Le lieu qui symbolise le mieux ces transits par les territoires espagnols sans implication réelle de ses habitants est Montechristi.

  • 62 Tostado I. P., « Comercio y neutralidad en el Caribe : el caso de Monte Christi », colloque Reti C (...)
  • 63 Commentaire de l’avocat de Saint-Domingue Nicolas Bourgeois dans Frostin C., Histoire de l’autonom (...)
  • 64 Truxes T., Defying empire: trading with the enemy in colonial New York, op. cit, p. 79 et Pares R. (...)

28Montechristi est le nom d’un village isolé de la côte nord-ouest de la partie espagnole de Saint-Domingue, à proximité de la frontière française. Il est situé au bord d’une baie séparée du reste de la colonie par une chaîne de montagne, au point que les relations avec le reste du territoire espagnol sont plus commodes par la mer que par la terre. En outre, la présence de hauts-fonds interdit l’accès des vaisseaux au littoral, ils doivent par conséquent décharger au large et utiliser des barques. À la veille de la guerre de Sept Ans, Montechristi ne compte qu’une cinquantaine d’habitants, soldats ou pêcheurs, et ne produit aucun surplus exportable62. À partir du milieu du XVIIIe siècle, « la méchante bourgade Montechrist63 », insignifiante et isolée, devient un lieu de contrebande entre Anglais, Nord-Américains et Français. Comme il n’y pas d’officiers des douanes, ni d’administration et pas plus d’entrepôts, les navires fréquentent librement ce qui est de facto un port franc64.

  • 65 Pitman F., The Development of the British West Indies, op. cit, p. 315-316 et R. Pares, War and tr (...)

29La guerre franco-anglaise et la neutralité de l’Espagne donnent une impulsion décisive à la fréquentation de Montechristi. Les autorités espagnoles finissent par nommer un lieutenant-général et y installer une batterie pour veiller sur le trafic qui s’épanouit dans la petite baie. Les principaux animateurs de ce commerce sont des négociants nord-américains qui utilisent des stratagèmes biens rodés. Le cas du sloop Speedwell, arrêté par les Anglais en 1757, illustre le fonctionnement de ces relations. Le navire est parti de Newport (Rhode Island) avec à son bord un protestant français établi sur place, Jean Boutin, qui fait office de subrécargue. Le bâtiment arrive à Montechristi où il est vendu à un dénommé don Manuel Destrades qui change l’équipage américain par des marins espagnols. Munis de faux passeports et arborant le pavillon espagnol, le navire se rend à Fort Dauphin, alors que Jean Boutin fait le même trajet par voie terrestre. La cargaison de bois et de vivres est échangée contre du sucre, de l’indigo et du rhum, mais il n’est pas rare que les navires américains chargent aussi du coton, de la mélasse et du café. Le voyage retour peut alors commencer avec, pour première étape, Montechristi où le bâtiment est de nouveau vendu à ses premiers propriétaires pour retrouver son pavillon et son équipage d’origine. Mais cette fois, le Speedwell est capturé par un corsaire de New York alors qu’il naviguait vers la Nouvelle-Angleterre65.

Carte 3. – Montechristi et Saint-Domingue.

  • 66 Les propriétaires du Dolphin de New York donnent des ordres clairs à cet égard: « You are positive (...)

30Pour échapper à la saisie, les capitaines assurent à ceux qui les arrêtent qu’ils traitent uniquement avec les Espagnols en montrant des documents venant des ventes fictives. Mais comme la région de Montechristi ne produit pratiquement rien et qu’elle est plutôt isolée du reste de la colonie, il est évident que les chargements sont d’origine française. Toutefois, il n’y a eu aucun échange entre des sujets britanniques et des ennemis, puisque tout passe par des mains espagnoles comme plusieurs documents, certes officiels mais qui couvrent une activité fictive, peuvent en attester. C’est précisément pour cette raison que les armateurs commandent à leurs agents de ne traiter qu’avec des Espagnols par lesquels transitent les marchandises françaises et américaines, si bien qu’il devient très difficile aux amirautés anglaises de prouver l’origine ennemie de la cargaison66. D’ailleurs, pratiquement tous les navires condamnés en première instance par les cours de prises anglaises sont relâchés en appel.

  • 67 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p.  (...)

31Le commerce entre l’Amérique du Nord et Saint-Domingue via Montechristi s’appuie sur des réseaux de protestants français établis en Nouvelle-Angleterre. En 1757, les Américains entretiennent un agent dans le port espagnol, un dénommé Gambauld dont la famille réside à New York. Il doit recruter les hommes de paille, régler différentes formalités avec les Espagnols et préparer les marchandises obtenues des colons français grâce à ses correspondants établis dans la partie française de Saint-Domingue. Mais à l’occasion, les agents américains travaillent aussi pour des colons des Antilles anglaises, en particulier ceux de la Jamaïque. On trouve également des facteurs irlandais à Montechristi qui assurent l’échange entre le bœuf salé de l’île celte et le sucre de Saint-Domingue67.

  • 68 Roscoe E. (éd.), Reports of Prize Cases determined in the High Court of Admiralty, vol. 1, op. cit(...)
  • 69 Pares R., War and trade in the West Indies, 1739-1763, op. cit, p. 464-465.
  • 70 Truxes T., Defying empire: trading with the enemy in colonial New York, op. cit, p. 79.

32Dépourvu de défenses, Montechristi est vulnérable. Les Anglais, qui cherchent à mettre un terme à son activité, violent allègrement la neutralité des eaux espagnoles en s’emparant à plusieurs reprises de bâtiments qui y sont à l’ancre. En revanche, la condamnation de navires étrangers est bien plus difficile. En 1760, le navire hollandais De Fortuyn chargé de marchandises françaises est capturé dans la baie de Montechristi. Condamné en première instance, il est relâché en appel pour avoir été saisi dans les eaux espagnoles68. La faible implication des Espagnols dans le commerce de Montechristi explique que le viol de leurs eaux territoriales ne provoque pas de protestations virulentes de la part de Madrid. En revanche, elles sont bien plus fortes du côté des négociants anglais qui sont les véritables investisseurs dans ces trafics et qui ont de l’argent à perdre dans les saisies de bâtiments69. Les coups de force de la marine anglaise sont cependant des coups d’épée dans l’eau, puisque la fréquentation de Montechristi ne diminue pas sous couvert de navigation vers la Jamaïque. Il semble toujours y avoir eu à Montechristi plusieurs dizaines de navires simultanément, parfois même jusqu’à 15070.

  • 71 Moreau de Saint-Méry É., Description topographique et politique de la partie espagnole de l’isle S (...)

33Avec le retour de la paix en 1763, Montechristi redevient « un lieu pauvre & privé de toute autre ressource que celle des animaux qu’on élève dans son territoire et qui sont vendus aux Français71 ». L’histoire de ce petit village de la couronne d’Espagne illustre ce qu’est le simple usage de la couverture neutre sans participation réelle des sujets du prince non-belligérant. Car c’est bien cette passivité qui surprend, surtout si on la compare avec la forte implication des Hollandais de Saint-Eustache ou de Curaçao. Les Espagnols se contentent de prêter leur nom pour la fabrication de faux certificats. Rares sont ceux qui prennent des parts dans les expéditions américaines. Les colons espagnols n’ont pas les moyens de profiter de la neutralité de leur souverain comme le font les habitants de Saint-Eustache ou de Curaçao. Le service du neutre, comme toute entreprise commerciale, nécessite un capital financier, du matériel de départ et une culture négociante, autant de pré-requis qui manquent aux Espagnols de Montechristi, mais aussi dans une certaine mesure aux Danois des îles Vierges.

Les tergiversations danoises

  • 72 Westergaard W., The Danish West Indies under Company Rule, op. cit, p. 240.

34Au milieu du XVIIIe siècle, les colonies danoises des Antilles connaissent un changement important. En 1754, la Vestindisk-guineisk kompagni vend ses trois îles (Sainte-Croix, Saint-Thomas et Saint-Jean) au roi Frédéric V qui décide immédiatement d’en permettre l’accès à tous ses sujets72. C’est dans ces conditions, qu’une nouvelle fois, les Français cherchent à profiter de la neutralité danoise pour maintenir leurs échanges avec leurs colonies à l’occasion de la guerre de Sept Ans.

  • 73 AAE, CP, Danemark, vol. 130, fol. 105-106, Ogier à Machaut, 18 novembre 1755.
  • 74 AAE, CP, Danemark, vol. 132, fol. 274-278, Ogier à Machaut, 9 novembre 1756 et vol. 132, fol. 274 (...)
  • 75 Rigsarkivet, TKUA, Frankrig, vol. 101, Wedel-Friis à Bernstorff, 4 octobre 1756.

35En 1755, l’ambassadeur de France à Copenhague, Jean-François Ogier, a une série de discussions avec Juste Fabricius, riche armateur de Copenhague, ancien actionnaire de la Vestindisk-guineisk kompagni et correspondant du grand banquier Pâris de Monmartel. Le diplomate en sort convaincu qu’il serait possible d’utiliser la couverture danoise pour approvisionner les colonies françaises73. Un an plus tard, alors que la guerre a officiellement commencé, Ogier reçoit une copie d’un mémoire que Forbonnais a envoyé au principal ministre danois Moltke au sujet de la participation de ses compatriotes au commerce des Antilles françaises. Ogier doit relayer les propositions de Forbonnais et convaincre Moltke que les négociants danois ont tout à gagner à venir charger des vivres dans les ports de Bretagne pour approvisionner les îles françaises, d’où ils rapporteront du sucre et d’autres marchandises coloniales. Au cours de la conversation, le ministre danois évoque la possibilité d’établir un port franc dans l’île de Saint-Thomas, « peu distante de la Martinique et de Saint-Domingue », où les bâtiments danois, mais aussi suédois et hollandais, pourraient venir décharger les marchandises venues de France et rembarquer les produits coloniaux74. À Versailles, l’ambassadeur Wedel-Friis est également l’objet de nombreuses sollicitations pour le convaincre des profits que les Danois pourraient réaliser en se chargeant du commerce des colonies75.

  • 76 Rigsarkivet, TKUA, Frankrig, vol. 17, Wedel-Friis à Bernstorff, mars 1757, et Wafferschleben, qui (...)
  • 77 AAE, CP, Danemark, vol. 132, fol. 282-289, « Mémoire d’un commerçant danois », 1756.
  • 78 « Nécessité de l’union maritime des puissances neutres contre les déprédations des Anglois » et «  (...)
  • 79 Truxes T., Defying Empire: trading with the enemy in colonial New York, op. cit, p. 61.
  • 80 Power O., « Beyond Kinship: A Study of the Eighteenth-century Irish Community at Saint Croix, Dani (...)
  • 81 AAE, CP, Danemark, vol. 133, fol. 458, Rouillé à Ogier, 29 avril 1757.
  • 82 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p.  (...)
  • 83 AAE, CP, Danemark, vol. 139, fol. 11-12, Ogier à Bernis, 3 octobre 1758 et fol. 226-227, Ogier à C (...)

36Au cours de l’année 1757, une partie de la négociation se déroule à Paris, où Fabricius, venu pour ses propres affaires, rencontre Forbonnais76. Mais les discussions échouent à cause de la garantie demandée au roi de Danemark pour les chargements qui seraient couverts par son pavillon77. En 1758, les perturbations que subit la navigation atlantique hollandaise incitent le secrétaire d’État à la Marine, également en charge des colonies, à reconsidérer l’intérêt du pavillon danois. Massiac écrit à son collègue des Affaires étrangères : « Vous voudrés bien sonder le Danemark pour savoir quel usage nous pourrions tirer du pavillon danois pour l’approvisionnement de nos colonies tant du Canada que de Saint-Domingue et des isles Antilles. Nous verrions avec grand plaisir le Danemark partager les avantages de cette entreprise, et je ne vous dissimulerai pas que le meilleur moïen de conserver notre marine est d’emploier la voye des vaisseaux neutres78. » Aux Antilles effectivement, les Français profitent du pavillon danois. Avant que la guerre franco-anglaise ne commence, les habitants de Saint-Thomas et de Sainte-Croix se sont constitués des réseaux d’affaires les reliant aux îles hollandaises, aux différentes possessions anglaises d’Amérique, aux colonies françaises ainsi qu’aux ports européens. Il est difficile de distinguer précisément les intérêts danois de ceux des étrangers, tant la guerre est propice aux changements de domicile et aux naturalisations de complaisance. De nombreux négociants de New York fréquentent Sainte-Croix. Ils y amènent des vivres, surtout de la farine et de la viande salée, pour rapporter du sucre, notamment celui de Saint-Domingue79. L’île est aussi un centre important des échanges entre ennemis par le biais des réseaux irlandais qui sont reliés au milieu négociant londonien, mais également à leur parentèle en France et dans les autres pays européens80. À Saint-Thomas, Hollandais, Anglais et Français tiennent des entrepôts qui témoignent du rayonnement de cette petite île improductive. Des négociants de toutes nationalités s’y approvisionnent et se rendent dans les îles françaises, soit sous couvert de passeports, soit en utilisant divers prétextes comme La couronne du prince Christian de Danemark, venu à Saint-Domingue vendre des esclaves en 175781. En 1758, alors que le commerce hollandais commence à subir les exactions anglaises, l’arrivée à Saint-Domingue de navires de Saint-Thomas et de Sainte-Croix suscite un certain espoir chez les administrateurs de la colonie française : « Si cette complaisance pour le pavillon danois subsiste par la suite […] nous pourrons tirer quelques secours de ce côté-là82. » Effectivement, Ogier témoigne de l’interlope auquel se livrent les Danois avec Saint-Domingue et des profits qu’il dégage pour les investisseurs qui sont les grands négociants de la capitale danoise et des membres de la cour83. Mais l’espoir de se servir du pavillon danois dans le cabotage antillais s’évanouit rapidement à la suite des saisies anglaises qui s’opèrent aussi bien dans l’Atlantique que dans les eaux de la Caraïbe.

  • 84 Tuxen O., « Principles and Priorities: the Danish View of Neutrality », art. cit., p. 222 et Hornb (...)
  • 85 Chassaigne P., « L’économie des îles sucrières dans les conflits maritimes de la seconde moitié du (...)
  • 86 Kent H., War and Trade in Northern Seas, op. cit, p. 151-153 et 157, Tuxen O., « Principles and Pr (...)
  • 87 Les Anglais font en effet clairement savoir à l’ambassadeur danois que, comme pour les Hollandais, (...)
  • 88 Vibæk J., Vore Gamle Tropekolonier, vol. II : Dansk Vestindien, 1755-1848, Copenhague, Fremad, 196 (...)

37La traque anglaise des marchandises françaises sous pavillon neutre pèse très rapidement sur l’activité danoise dans l’Atlantique. Au cours de l’automne 1758 et de l’année 1759, ce sont treize navires danois qui sont arrêtés en revenant des Antilles84. À la différence des Hollandais dont les îles ne produisent rien, les Danois disposent avec Sainte-Croix d’une colonie de plantations leur permettant d’exporter du sucre brut vers Copenhague. Comme leur navigation dans l’Atlantique est moins importante que celle des Provinces-Unies, ils n’ont pas besoin de charger les productions françaises pour la rentabiliser. Leur priorité est d’écouler leurs propres productions, alors que les cargaisons revenant des Antilles mêlent produits danois et français ce qui justifie les arrestations par la marine anglaise. C’est le cas du Christiana Sophia, venant de Sainte-Croix et de Saint-Domingue, arrêté en juillet 1758 chargé de sucres, de café, d’indigo et de soieries85. Même si les navires danois peuvent être relâchés, la durée d’instruction des prises préalable au jugement génère des pertes importantes pour les investisseurs de Copenhague86. À partir de 1759, Bernstorff en vient à renoncer au transport des productions coloniales françaises pour assurer celui de ses compatriotes87. Il accède également à la demande des négociants danois, de bénéficier d’escortes pour la navigation entre le Danemark et ses colonies88. Cette protection doit permettre de profiter de l’authentique dynamisme des îles danoises et de nourrir, en amont, le cabotage antillais.

  • 89 Felbæk O., Dansk Søfarts Historie 3: 1720-1814: Storhandelens tid, op. cit, p. 46-47.
  • 90 Westergaard W., The Danish West Indies under Company Rule, op. cit, p. 254-255.

38Finalement, même si la rigidité de la législation royale, le manque de capitaux et d’expérience empêchent les Danois de concurrencer les Hollandais, ils n’en demeurent pas moins actifs aux Antilles pendant la guerre de Sept Ans. Si les relations interlopes ne sont pas directement quantifiables, la croissance du commerce transatlantique danois traduit les profits tirés de la neutralité. Alors qu’en 1753, pour sa dernière année d’activité, la Vestindisk-guineisk kompagni n’avait envoyé que cinq navires aux Antilles, en 1756 et en 1757, 16 bâtiments par an sont occupés à cette navigation, et 27 en 1758. Dans les trois années suivantes, le nombre reste compris entre 15 et 20, avant une dernière poussée importante en 1762. Le dynamisme de la navigation danoise s’explique par la dissolution de la compagnie monopolistique, mais aussi par le transport de productions françaises effectué à la faveur de la guerre89. Sur le moyen terme, la période de neutralité donne une impulsion importante à l’économie des colonies danoises combinée avec un assouplissement de leur statut sous l’égide de l’administration royale. Pour soutenir leur rôle d’entrepôt, Saint-Thomas en 1764 et Saint-Jean en 1767 obtiennent des statuts de ports francs ouverts à tous les trafics. En revanche, Sainte-Croix demeure réservée aux bâtiments danois chargés de transporter son sucre dont la production connaît une forte croissance passant de 1/1,5 million de livres au début des années 1750, à 17 millions en 1770 et 25 au début des années 178090. La spécialisation des possessions danoises, entre Saint-Thomas et Saint-Jean vivant du transit commercial et Sainte-Croix qui produit du sucre, se renforce au cours des années 1760 et 1770. Elle annonce l’âge d’or du commerce danois aux Antilles lors de la guerre d’Indépendance américaine.

« Golden rock » et « florissante periode » : l’âge d’or du commerce neutre aux Antilles, 1778-1784

39La guerre d’Indépendance américaine offre un contexte particulièrement favorable à la navigation neutre aux Antilles. Le nombre des belligérants, que ce soient les colonies révoltées ou l’Angleterre, la France, puis l’Espagne à partir de 1779, multiplie la demande de couverture neutre, aussi bien pour le commerce méridien entre la Caraïbe et les États-Unis, que pour les échanges transatlantiques. Les premiers à en profiter sont les Hollandais grâce à l’île de Saint-Eustache qui connaît une telle prospérité qu’elle est surnommée le « Golden rock ». Les Danois profitent également au mieux de leur neutralité qui permet à leur navigation et à leur commerce d’engranger des profits inédits. Ils inaugurent ce que l’historiographie danoise appelle la « florissante periode » qui s’achève en 1807 avec le bombardement anglais de Copenhague. Cependant, l’histoire des neutres aux Antilles pendant la guerre d’Indépendance américaine ne se limite aux seuls États qui y possèdent des colonies. En effet, des pavillons extérieurs au monde atlantique profitent de la conjoncture pour s’immiscer dans un commerce auquel ils avaient peu accès jusqu’alors.

Carte 4. – Les Petites Antilles à la veille de la guerre d’Indépendance américaine.

« Un rocher stérile […] riche en magasins mais non en plantations91 » : Saint-Eustache, 1778-1781

  • 91 Gazette de Leyde, 6 avril 1781, p. 7.
  • 92 Raynal G., Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce dans les deux Ind (...)
  • 93 Voir les différents actes reproduits dans Piggott F. et Ormond G. (éd.), Documentary History of th (...)
  • 94 Enthoven V., « ‘‘That Abominable Nest of Pirates’’ St. Eustatius and the North Americans, 1680-178 (...)
  • 95 Miller D., Sir Joseph Yorke and Anglo-Dutch Relations, op. cit, p. 37-48 et Edler F., The Dutch Re (...)
  • 96 Jameson J., « St Eustatius in the Americain revolution », American Historical Review, 1903, no 4, (...)
  • 97 Schulte Nordholt J., The Dutch Republic and American Independence, Chapel Hill, University of Nort (...)

40La signature du traité de Paris en 1763 ne casse pas la dynamique du kleine vaart de Saint-Eustache. L’île hollandaise reste en effet très attractive comme le constate Raynal : « La fin des hostilités ne fait pas entrer dans le néant Saint-Eustache. Il envoie encore tous les ans aux Provinces-Unies vingt-cinq ou trente bâtiments chargés des productions des îles espagnoles, danoises et surtout françaises, qu’il paie avec les marchandises des deux hémisphères ou en lettres de change sur l’Europe92. » À partir de 1775, la révolte des Treize Colonies pousse les Américains à se tourner vers les colonies européennes des Antilles pour contourner l’embargo anglais93. Saint-Eustache et son port franc de Oranjestad bénéficie, outre de la qualité de son approvisionnement, de la longue habitude du commerce de contrebande des Hollandais en Amérique du Nord94. Avec le début de la révolte, les Nord-Américains ont besoin de poudre et de matériel de guerre qu’ils cherchent à se procurer auprès des Français et surtout des Hollandais. Malgré les protestations de l’ambassadeur anglais à La Haye, Joseph Yorke, et les promesses des Provinces-Unies, Saint-Eustache est un centre majeur de contrebande militaire vers les colonies révoltées95. Les Insurgents prennent des dispositions pour rationaliser leur commerce avec l’île hollandaise en entretenant des agents sur place. En mars 1776, l’état du Maryland y entretient un correspondant, Abraham van Bibber, dont le travail consiste à organiser la redistribution des cargaisons amenées depuis Baltimore et à préparer celles destinées au retour. Il a plusieurs partenaires d’affaires dans les îles françaises et anglaises voisines dont les marchandises convergent vers Saint-Eustache avant de repartir en Amérique du Nord96. Pour lutter contre ces activités illicites, la Royal Navy établit des croisières autour de l’île hollandaise et capture des bâtiments américains dans ses eaux territoriales, tout comme elle arrête en pleine mer des navires battant pavillon des Provinces-Unies97. Le contentieux entre Londres et La Haye prend davantage d’ampleur lorsque la France entre en guerre à l’été 1778.

  • 98 Cité dans Tarrade J., Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime. op. cit, p. 4 (...)
  • 99 ANOM, C8A 80, fol. 77, « Observations sur le ravitaillement et le commerce des isles françaises », (...)

41Dès le début de la guerre avec l’Angleterre, Sartine, secrétaire d’état à la Marine, concède aux administrateurs coloniaux la liberté de recourir aux pavillons étrangers : « La loi impérieuse de la nécessité vous autorise donc à admettre indistinctement tous les neutres jusqu’à ce que vous voyiez les subsistances bien assurées […] Les puissances neutres ont été averties que leurs bâtiments seraient reçus, et [elles ont été] excitées en même temps à multiplier leurs expéditions98. » Le marquis de Bouillé, gouverneur général des Îles-du-Vent, laisse « une liberté de commerce illimitée » aux étrangers dans les ports de Guadeloupe et de Martinique. Il estime qu’il faut bien traiter les neutres dont le concours est indispensable pour approvisionner les colonies et en emporter les productions99.

  • 100 Welling G. M., The prize of neutrality: trade relations between Amsterdam and North America 1771-1 (...)
  • 101 Klooster W., Illicit riches. Dutch Trade in the Caribbean, op. cit, p. 226, les chiffres donnés so (...)

42L’ouverture des colonies françaises et espagnoles aux étrangers est une aubaine pour les puissances neutres établies aux Antilles, à commencer par les Provinces-Unies. L’histoire de Saint-Eustache pendant les premières de la guerre d’Indépendance américaine est bien celle d’une réussite fulgurante, mais éphémère, basée sur une exploitation optimale de sa situation de neutralité. Le commerce de poudre et de matériel militaire à destination des révoltés américains contre le tabac de Virginie ou les farines de New York permet une première croissance des échanges, mais l’impulsion décisive est le déclenchement de la guerre entre Français et Anglais. L’île devient alors le centre du commerce hollandais dans la région. Entre 1778 et 1780, 70 à 75 % des navires arrivant des Antilles à Amsterdam sont partis de Oranjestad100. Bien que Saint-Eustache n’ait que peu de productions propres, le volume de ses exportations vers les Provinces-Unies est multiplié par 2,5 pour le tabac, 3,5 pour le sucre, 7,2 pour le café entre 1778 et 1779101. Il arrive que jusqu’à 200 bâtiments viennent simultanément à Saint-Eustache. Les capacités d’entreposage sont rapidement dépassées et plusieurs témoins rapportent que des marchandises sont laissées à l’air libre sur les quais faute de place pour pouvoir les stocker. Saint-Eustache offre la plate-forme d’échange dont les colons antillais, les révoltés américains et les négociants européens ont besoin pour continuer les affaires. Les marchands anglais des îles voisines, craignant une attaque française, viennent y mettre leurs produits à l’abri, aussi bien ceux destinés à partir vers l’Europe ou les États-Unis que ceux qui sont importés.

  • 102 Butel P., La croissance commerciale bordelaise dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, op. cit, p (...)
  • 103 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783. op. cit, p. 55.

43À l’ombre de la neutralité des Provinces-Unies, les maisons de commerce de Oranjestad polarisent des flux commerciaux transnationaux. Le cas du négociant bordelais David Gradis est emblématique à cet égard. En 1780, il utilise les services d’une maison de commerce anglaise, George and Co, installée à Saint-Eustache, pour ravitailler son habitation de Basse-Pointe, à la Martinique, en bœuf salé et farine qui sont achetés à Londres. En retour, George and Co, expédie du sucre sur un navire hollandais en direction d’Amsterdam102. On trouve également des marchands irlandais qui se servent de Saint-Eustache pour leur commerce avec la partie espagnole de Saint-Domingue. Saint-Eustache est devenue un marché incontournable dans le commerce antillais et attire des pavillons neutres qui viennent y vendre des marchandises européennes et y chercher des produits coloniaux. Ainsi, des navires danois quittent Copenhague pour Saint-Eustache et reviennent dans la capitale sans même toucher un port des Antilles danoises103. La neutralité n’explique donc pas tout, elle renforce la qualité logistique sans égale des Hollandais dans la Caraïbe qui est fondée sur des capacités de transport et de redistribution en Europe des productions tropicales.

44Le contraste entre l’insignifiance de Saint-Eustache et son succès marque les contemporains comme Edmund Burke qui décrit à la Chambre des Communes, en 1781, l’île au zénith de sa prospérité :

  • 104 Cité par Jameson J., « St Eustatius in the Americain revolution », art. cit., p. 684.

« It had no produce. […] Its proprietors had, in the spirit of commerce, made it an emporium for all the world; a mart, a magazine for all the nations of the earth. It had no fortifications for its defence; no garrison, no martial spirit, nor military regulations. Its inhabitants were a mixed body of all nations and climates; not reduced to any species of military duty or military discipline. Its utility was its defence. The universality of its use, the constant neutrality of its nature, which made it advantageous to all nations of the world, was its security and its safeguard104. »

45Mais comme les Provinces-Unies ne sont pas une grande puissance, l’attractivité de leur colonie dépend largement du bon vouloir des belligérants. Ils la respectent tant qu’ils profitent de sa neutralité, mais quand elle leur devient préjudiciable elle devient alors une cible à abattre.

« The riches of St Eustatius are beyond all comprehension », une utilisation abusive de la neutralité ?

  • 105 ANOM, C8A 78, fol. 3 et 22, Bouillé et Eu de Montdenoix, intendant, à Sartine, 6 mai et 25 octobre (...)

46Le surnom de « Golden rock » donné à Saint-Eustache pendant la guerre d’Indépendance américaine souligne, à juste titre, l’insolente prospérité de la colonie hollandaise. Cependant, la lecture de la correspondance des administrateurs français montre que les échanges avec la plate-forme du commerce neutre ont souvent été difficiles en raison de la présence de l’escadre anglaise des Leeward Island dans la mer des Antilles. À partir de 1779, le gouverneur Bouillé juge la voie des neutres « presque toujours incertaine ». Les petits bâtiments français qui font le cabotage jusqu’à Saint-Eustache sont régulièrement arrêtés par les Anglais, alors que les Hollandais rechignent à venir dans les îles françaises en raison de l’étreinte anglaise qui se resserre autour des territoires des Provinces-Unies105.

  • 106 Scott H., « Sir Joseph Yorke, Dutch Politics and the Origins of the Fourth Anglo-Dutch War », Hist (...)
  • 107 Miller D., Sir Joseph Yorke and Anglo-Dutch Relations, op. cit, p. 95.
  • 108 Pour une description précise de cet épisode militaire Hurst R., The Golden Rock: an episode of the (...)
  • 109 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 147-150.
  • 110 Lettre du 7 février 1781, dans Mundy G. B., Life and correspondence of the late Admiral Lord Rodne (...)

47Dans la seconde moitié des années 1780, la marine anglaise multiplie les coups de forces dans les eaux des colonies hollandaises pour y saisir les bâtiments ennemis, à commencer à ceux des Insurgents. À Londres, de plus en plus de voix demandent d’user de fermeté envers les Provinces-Unies, sur la foi des rapports de l’ambassadeur à la Haye, Joseph Yorke106. La perspective de voir les Provinces-Unies adhérer à la Ligue de la Neutralité armée et la découverte d’un projet de traité d’amitié et de commerce avec les États-Unis amènent l’Angleterre à déclarer aux Hollandais dans les derniers jours de l’année 1780107. Le 3 février 1781, l’amiral Rodney, à la tête d’une escadre d’une vingtaine de bâtiments, arrive devant Saint Eustache. Fort Oranje, défendu par une cinquantaine d’hommes, tire quelques coups de canons avant de capituler108. Les vainqueurs s’emparent de plus de 150 navires et pillent les entrepôts de l’île, dont beaucoup contenaient des marchandises appartenant à des négociants anglais109. Après sa visite de l’île, Rodney confie à son épouse : « The riches of St Eustatius are beyond all comprehension110. »

  • 111 Scott H., « Sir Joseph Yorke and the Waning of the Anglo-Dutch Alliance, 1747-1788 », art. cit., p (...)
  • 112 Instructions à Rodney, 20 décembre 1780, Mundy G. B., Life and correspondence of the late Admiral (...)
  • 113 Rodney à Stephens, secrétaire de l’amirauté, 4 février 1781, ibid., p. 12.

48Le coup est rude pour Saint-Eustache « [that] had been destroyed, or sunk in the ocean » se félicite le secrétaire d’État Stormont111. Le succès anglais est total et indiscutable, l’entrepôt hollandais est ruiné. Mais il faut s’interroger sur la nature d’une victoire qui dépasse le seul cadre militaire. En effet, comme les Provinces-Unies sont en guerre depuis le 20 décembre 1780, leur neutralité disparait et leur pavillon, comme leurs territoires, ne peuvent plus servir d’asile aux propriétés des ennemis de l’Angleterre. La prospérité de Saint-Eustache est touchée à sa racine par le seul fait de l’état de guerre. Dans ces conditions, l’intervention de Rodney a un sens particulier. Les instructions datées du jour même de la déclaration de guerre lui ordonne de se porter au plus vite contre Saint-Eustache et Saint-Martin, « it is highly probable considerable quantities of provisions and other stores are laid up there112 ». La rapidité d’action est un élément essentiel qui doit permettre de surprendre les navires américains, mais surtout d’éviter que les négociants ne vident leurs magasins. L’amiral détache également deux de ses vaisseaux pour poursuivre un convoi d’une trentaine de bâtiments richement chargés qui a quitté Saint-Eustache dans les jours précédents. Au final, le butin est considérable: « All the magazines and store-houses are filled, and even the beach covered with tobacco and sugar, all which shall be shipped on board the vessels now in the bay (if they are sufficient to contain the quantity) and sent under a proper convoy to Great Britain to abide his Majesty’s pleasure113. »

  • 114 Scott H., « Sir Joseph Yorke, Dutch Politics and the Origins of the Fourth Anglo-Dutch War », art. (...)

49La prise de l’entrepôt hollandais n’a pas une finalité militaire mais politique et économique. Il s’agit de châtier l’île non seulement pour l’aide qu’elle a fournie aux rebelles américains, mais aussi pour la prospérité qu’elle affiche en profitant de la guerre. Ce sont les bénéfices de la neutralité qui sont sanctionnés, une neutralité qui a été exploitée, voire surexploitée. Aux yeux des Anglais, les profits insolents des Hollandais nourrissent la sensation qu’ils sont « nothing more than a diasbled company of merchants114 », couverts par un statut de neutre qui leur donne les moyens d’assouvir leur cupidité. Derrière les dénonciations d’avidité se profile la rivalité commerciale entre l’Angleterre et les Provinces-Unies qui est l’un des facteurs poussant Londres à déclarer la guerre. La perte de Saint-Eustache n’a pas de conséquences militaires puisque les Hollandais n’ont nullement les moyens de faire face à la Royal Navy dans les eaux américaines. En revanche, le préjudice économique est important. Pour les Anglais, le « Golden rock » a été puni par là où il a pêché. La neutralité l’a porté au firmament en même temps qu’elle le condamnait. Mais ce n’est pas le moindre paradoxe de cette affaire.

  • 115 Spinney D., Rodney, Londres, George Allen and Unwin., 1969, p. 360.
  • 116 AAE, CP, Hollande, vol. 542, fol. 394-395, La Vauguyon à Vergennes, 5 décembre 1780.
  • 117 D. Spinney, Rodney, op. cit, p. 363, 366, 375, 419-421.

50En effet, Rodney se trouve être victime de la sanction qu’il a infligée à Saint-Eustache par laquelle transitait les deux tiers des exportations de vivres d’Angleterre et d’Irlande vers les Antilles115. De manière générale, l’importance de la neutralité hollandaise pour le commerce anglais, tant en Europe qu’aux Antilles, incitait les Provinces-Unies à croire qu’elle était une garantie contre une déclaration de guerre venue de Londres116. Les conditions de la capitulation imposée par Rodney prévoient que tous les vaisseaux et toutes les marchandises trouvées sur l’île deviennent propriété de George III. Si la saisie des biens ennemis, hollandais et français, relève bien du droit de la guerre, en revanche le cas des propriétés anglaises soulève un véritable problème. Comme une résidence d’une année et demie à Saint-Eustache permettait d’accéder à la bourgeoisie et de bénéficier de divers avantages commerciaux, de nombreux Anglais étaient venus s’y réfugier. Ils profitaient de la sécurité que la neutralité de la colonie hollandaise offrait à leurs activités. En leur qualité de sujets de George III, ils auraient dû bénéficier de la sauvegarde de leurs propriétés en cas d’attaque de leurs compatriotes, car ils n’avaient bénéficié d’aucun délai pour se retirer d’un territoire appartenant à une puissance devenue ennemie. C’en est assez pour faire un procès à Rodney qui est condamné en 1786 à verser d’importants dédommagements à ses victimes, ce qui le conduit à la ruine117. Dans son zèle à détruire ce qu’il appelle « a nest of vipers », l’amiral a traité l’ensemble de Saint-Eustache selon le droit de conquête. Il a négligé que le statut de neutralité de la petite île lui a permis de faire longtemps cohabiter les non-belligérants et les belligérants des deux camps. Rodney apprend à ses dépens que la neutralité est à la frontière de la guerre et de la paix, deux états qui ne sauraient être confondus.

Ostendais et Danois : la relève de la neutralité hollandaise, 1781-1783

  • 118 Schnakenbourg C., Les sucreries de la Guadeloupe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, op. cit, (...)
  • 119 Van der Oest E. W., « The Forgotten Colonies of Essequibo and Demerara, 1700-1814 », dans Riches f (...)
  • 120 AN, Affaires étrangères, B1/165, fol. 259, Lironcourt à Castries, 26 juin 1783.
  • 121 Tarrade J., « Pavillons neutres et spéculation internationale pendant la guerre d’Indépendance amé (...)

51Le commerce des colonies françaises est durement affecté par la chute de Saint-Eustache comme en témoigne la grande inquiétude des planteurs de la Guadeloupe qui perdent le principal débouché étranger de leurs sucres118. Mais en fait, ces inquiétudes ne doivent pas masquer les mutations rapides des réseaux du commerce neutre hollandais. Pendant toute la guerre avec l’Angleterre, les quantités de sucre arrivant à Amsterdam restent stables, ce qui montre que les Hollandais ont bel et bien trouvé d’autres moyens d’entretenir leurs relations avec les Antilles119. À la fin de la guerre, le commissaire de la Marine à Amsterdam en témoigne : « Les magasins de cette place regorgent de toute espèce de marchandises, surtout de produits des isles d’Amérique, importés par les neutres comme soldes ou comme gage des engagements et des avances qu’ils ont obtenu pendant la guerre120. » Les transferts des firmes hollandaises expliquent l’arrivée aux Antilles de pavillons inhabituels de Hambourg, de Sardaigne, du Portugal, de Trieste et surtout des Pays-Bas autrichiens121.

  • 122 Bustos Rodriguez M., « Le commerce avec l’Espagne et ses Indes : la réponse autrichienne aux contr (...)
  • 123 « Les isles conquises ne commercent qu’avec des Anglois sous le déguisement danois, ostendois, etc (...)

52Ostende est l’un des grands bénéficiaires du déclenchement de la guerre anglo-hollandaise. Devenu port franc en juin 1781, il est un centre prépondérant du commerce des belligérants aussi bien pour le cabotage européen que pour la navigation transatlantique. Les Hollandais y délocalisent une partie importante de leurs armements. Ils viennent rejoindre des investisseurs français et anglais qui y pratiquent déjà le commerce colonial122. À Ostende, la neutralisation des bâtiments des pays en guerre devient une activité en soi. Parmi les principales destinations au départ du port flamand se trouvent les îles anglaises conquises par la France (la Grenade, Saint-Christophe, la Dominique, Tobago et Saint-Vincent) qui sont privées des approvisionnements qu’assuraient les navires anglais123.

  • 124 Parmentier J., « Profit and Neutrality: The Case of Ostend, 1781-1783 », art. cit., p. 220.
  • 125 Lüthy H., La banque protestante en France, op. cit, p. 658 et Thésée F., Négociants bordelais et c (...)
  • 126 Everaert J., « Le pavillon impérial aux Indes occidentales », art. cit., p. 53 et Butel P., La cro (...)

53Le succès du pavillon flamand s’explique aussi par la relative sécurité qu’il offre puisque seulement 2 à 4 % des navires impériaux auraient été saisis124. Nombre de maisons de commerce n’offrent qu’un service de camouflage de bâtiments belligérants et perdent leur raison d’être avec le retour de la paix. En revanche, des sociétés plus puissantes comme celle de Frédéric Romberg tirent un profit durable de leur participation au commerce atlantique dans lequel elles s’impliquent à la faveur de la neutralité impériale. Dans les années 1780, l’un des fils Romberg s’installe à Bordeaux et investit dans le commerce de Saint-Domingue. La maison Romberg, qui est la plus importante d’Ostende avec 153 des 327 navires enregistrés dans ce port, profite à plein de cette situation pour réaliser de bonnes affaires dans le commerce des colonies françaises125. Elle noue notamment des relations d’affaires étroites avec le négoce bordelais. En 1782, l’ensemble des neutres assure 203 des 351 départs du port de la Garonne vers les colonies. Si divers pavillons neutres sont utilisés (portugais, italiens, allemands), celui d’Ostende est le plus représenté126. La neutralité des Pays-Bas autrichiens, bien exploitée par ceux qui en ont les moyens, a un effet économique qui va au-delà de la restauration de la paix. À l’image des Ostendais, mais à une échelle bien plus importante, les Danois vont eux-aussi profiter de leur neutralité pour développer leur participation dans le commerce des Antilles à l’occasion de la guerre d’Indépendance américaine.

  • 127 Sveistrup P., « Det Kongelige Danske octroyerede Vestindiske Handelsselskab 1778-85. En driftsøkon (...)
  • 128 Rigsarkivet, DUA, Frankrig, vol. 2096, Blome à Bernstroff, 16 juillet 1778 et AAE, CP, Danemark, v (...)
  • 129 Bernstorff y est encouragé par un agent américain, Stephen Sayre, qui se rend à Copenhague à la fi (...)

54Dès le milieu des années 1770, les Américains viennent volontiers dans les ports francs de Saint-Thomas, voire de Saint-Jean, pour s’y procurer des produits étrangers et écouler les leurs vers l’Europe sous couleurs danoises. Pour profiter de la conjoncture, un groupe de personnalités importantes de la cour de Copenhague fonde une société par actions en mai 1776, la Kongelige Danske octroyerede Vestindiske Handelsselskab127. Elle bénéficie déjà d’une certaine expérience lorsque la guerre entre l’Angleterre, la France et l’Espagne éclate. Les Danois se montrent très attentifs à l’admission des neutres dans les colonies françaises qui leur ouvre de belles perspectives commerciales128. Cependant, par crainte des saisies anglaises, nombre de bâtiments partant de Copenhague sont munis de papiers de bord pour les colonies danoises ou parfois pour Saint-Eustache, jusqu’en 1780, mais se rendent en réalité dans les territoires français ou espagnols. Le gouvernement et les milieux négociants de Copenhague observent la prospérité de l’île hollandaise, mais Bernstorff refuse d’appliquer purement et simplement son modèle aux colonies danoises. Par prudence, il veille à ne pas provoquer l’Angleterre pour éviter de compromettre le commerce de Sainte-Croix tout en profitant de la conjoncture pour développer la navigation transatlantique danoise129. La solution consiste à distinguer le traitement des échanges avec les colonies danoises en fonction de leurs qualités respectives. Sainte-Croix, qui produit du sucre et du coton, doit pouvoir exporter sans craindre les arraisonnements anglais. Le meilleur moyen d’y parvenir est de ne charger que des propriétés authentiquement danoises et d’interdire le transit de marchandises étrangères par cette île, ce qui malgré tout n’empêche pas les arraisonnements par la marine anglaise.

  • 130 Morgan K., Bristol and the Atlantic Trade in the Eighteenth Century, Cambridge, Cambridge Universi (...)
  • 131 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 52-57, Hornby O., Koloni (...)
  • 132 Kellenbenz H., « The Armed Neutrality of Northern Europe and the Atlantic Trade of Schleswig-Holst (...)

55Les choses sont différentes en ce qui concerne Saint-Thomas et Saint-Jean dont le transit commercial est la seule ressource. Les Danois veulent en faire des plates-formes pour le transbordement des marchandises des belligérants, sur le modèle de Saint-Eustache. Effectivement, Saint-Thomas, en particulier, relaie une partie des échanges que les négociants anglais continuent d’entretenir avec l’Amérique du Nord ou les îles françaises130. À partir de 1779, la législation est largement assouplie. Désormais tous les ports danois sont autorisés à armer des bâtiments pour les Antilles. Pour les retours, Copenhague ne conserve son monopole que pour les navires venant de Sainte-Croix, alors que ceux arrivant de Saint-Thomas et de Saint-Jean peuvent aussi décharger à Christiansand (sud-ouest de la Norvège), à Glückstadt ou à Altona131. Ces deux villes situées dans le nord de l’Allemagne servent de couverture aux négociants hambourgeois et de centre de redistribution des produits coloniaux français ayant traversé l’Atlantique sous pavillon danois132.

  • 133 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783. op. cit, p. 121.
  • 134 Caron O., « à propos de l’indépendance américaine : la neutralité danoise de 1778 à 1783 », Revue (...)
  • 135 Intructions à Morton Eden, 2 mars 1779, Chance J. F. (éd.), British Diplomatic Instructions, Denma (...)

56Les Danois adoptent donc un double système, fermé pour Sainte-Croix, et bien plus ouvert pour les deux autres îles, afin de combiner le développement de leurs propres productions coloniales avec le transport des propriétés des belligérants. Bernstorffa bien compris que Londres ne pouvait tolérer la fréquentation des ports américains et la vente de matériel militaire aux Insurgents qui sont tout deux interdits aux Danois133. Mais l’appât du gain génère rapidement une intense contrebande danoise avec les Américains, y compris pour les membres du gouvernement, comme le ministre des Finances, Heinrich Karl von Schimmelmann, qui est impliqué dans la livraison de plus de 10 000 fusils en novembre 1779134. Les Anglais sont informés de ce type de pratique et demandent à leur ambassadeur à Copenhague de surveiller de près les expéditions danoises vers l’Amérique du Nord, « from what ports in the king of Denmark’s dominions may be exported135 ».

  • 136 « udvide landets flor og velstand », Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, (...)
  • 137 Feldbæk O., Konvoy, op. cit, p. 18 et Goebel E., « The Voyage of the Bornholm: Danish Convoy Servi (...)
  • 138 Rigsarkivet, DUA, Frankrig, vol. 2099, Blome à Guldberg, 23 mars 1781.

57L’activité des corsaires anglais nourrit les demandes d’escortes des négociants de Copenhague dès septembre 1778. Des bâtiments de guerre doivent protéger aussi bien la navigation atlantique que le cabotage antillais et ainsi, selon Bernstorff, « assurer l’abondance et la prospérité du pays136 ». En 1779, deux frégates sont affectées à cette tâche le Møen et le Bornholm. Dans la seconde moitié de l’année 1780, cette dernière est chargée à plusieurs reprises d’escorter des bâtiments entre Saint-Thomas ou Sainte-Croix et la Guadeloupe. En décembre, au retour de la colonie française, le convoi est arrêté par trois vaisseaux anglais qui s’avèrent être des corsaires. Ils saisissent la dizaine de navires théoriquement protégée par le Bornholm137. L’incident est l’objet d’une grande attention en France, car il met en cause la fiabilité du pavillon danois qui est de plus en plus impliqué dans le cabotage antillais138. L’épisode illustre non seulement l’existence d’échanges entre Saint-Thomas et les colonies françaises, mais encore le soutien dont ils bénéficient de la part du gouvernement de Copenhague qui veut donner à ses sujets les moyens de profiter de leur neutralité en leur offrant une protection.

  • 139 Felbæk O., Dansk Søfarts Historie 3: 1720-1814: Storhandelens tid, op. cit, p. 94.

58Dans les premières années de la guerre d’Indépendance américaine, à l’image de ce qui s’est passé lors de la guerre de Sept Ans, le commerce neutre danois est largement distancé par celui des Hollandais. La croissance des échanges entre Copenhague et ses colonies n’en est pas moins significative. En 1778, 48 navires partent de la capitale danoise pour les Antilles, il y en a 64 l’année suivante et 77 en 1780139. Mais la guerre anglo-hollandaise et la prise de Saint-Eustache modifient profondément la situation en faisant du Danemark la seule puissance neutre disposant de colonies aux Antilles.

Saint-Thomas, 1781-1783, un nouveau « golden rock » ?

  • 140 « The produce of the French Islands, particularly Guadeloupe, is transported in Danish bottoms, Da (...)

59De manière générale, aussi bien aux Antilles qu’en Europe, la politique de neutralité danoise est le résultat d’un subtil équilibre entre l’exploitation optimale de la conjoncture et une grande attention portée à ne pas pousser trop loin ses avantages pour éviter de s’attirer les foudres de l’Angleterre et faire courir un risque aux colonies des Antilles et d’Inde. Dans les mois qui suivent la prise de Saint-Eustache, la navigation danoise est mise sous surveillance par Rodney qui a reçu des ordres de tolérer les transports danois de productions françaises ce qui, visiblement, lui coûte beaucoup140. Mais au fil des mois, la marine anglaise desserre son étreinte.

  • 141 Andersen D., « Denmark-Norway, Africa and the Caribbean, 1660-1917: Modernisation financed by Slav (...)
  • 142 La part du commerce méditerranéen est de 40 %. Dès que la guerre cesse, la proportion de la naviga (...)
  • 143 Nathanson M. L., Historisk statistik fremstilling of Danmarks national of Statshuusholding fra Fre (...)

60L’élimination du pavillon hollandais a une influence sensible sur la navigation danoise dans l’Atlantique. En 1781 et 1782, le nombre de passeports délivrés pour un voyage du Danemark vers les Antilles est supérieur à 200141. Lors de ces années, un tiers des passeports « algériens » est destiné au commerce de l’Amérique intertropicale142. C’est avant tout Saint-Thomas qui en bénéficie comme le montre l’évolution du produit des droits d’entrée du port de Charlotte Amalie. Alors qu’il est inférieur à 20 000 rigsdalers avant la guerre, il atteint 280 000 en 1782, soit une multiplication par 14143 !

Graphique 2. – Évolution des droits d’entrée à Charlotte Amalie de 1775 à 1784 (en rigsdalers).

  • 144 Hornby O., Kolonierne I Vestindien, op. cit, p. 154 et Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and (...)
  • 145 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 116.
  • 146 Everaert J., « Le pavillon impérial aux Indes occidentales », art. cit., p. 52.
  • 147 Felbæk O., Dansk Søfarts Historie 3: 1720-1814: Storhandelens tid, op. cit, p. 100-101.
  • 148 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 51-55 et 114-115.

61La soudaineté du décollage de Saint-Thomas s’explique avant tout par la relocalisation rapide des réseaux commerciaux dans l’île danoise, où émigre une partie importante des négociants de Saint-Eustache144. Ils y trouvent un port franc et des conditions proches de celles qu’ils viennent de perdre. Saint-Thomas devient alors un lieu essentiel de redistribution des productions des pays belligérants et des États-Unis vers les Antilles et l’Europe, mais aussi un centre d’approvisionnement145. Il est d’ailleurs significatif qu’elle soit la première destination antillaise depuis Ostende, devenu également un pôle essentiel du commerce hollandais146. À Charlotte Amalie, le gouverneur Peter Clausen accepte de couvrir la navigation des belligérants. Le transfert sous pavillon danois et la production de papiers de bord peuvent se faire dans la journée. Les passeports, valables pour six mois, concernent les voyages au départ de Saint-Thomas et permettent de naviguer dans toutes les eaux américaines. En 1781, le Delight doit partir de Charlotte Amalie « to the port of Philadelphia or any other port of America now in possession of the American Congress » puis revenir à son port de départ. Comme l’Angleterre a interdit le commerce avec ses colonies révoltées, la véritable destination des voyages est souvent masquée. En 1781 toujours, le Fanny, dont le propriétaire et le capitaine sont des Américains établis à Sainte-Croix, doit officiellement aller charger du sel aux Bahamas avant de rentrer à Saint-Thomas, alors que son but réel est de se rendre en Caroline du Nord. Les Danois mettent au point un système de production de faux documents qui implique leurs autorités métropolitaines, les gouverneurs des colonies et les consuls présents dans les ports européens. C’est le cas pour le voyage de l’Emperor en 1782, officiellement domicilié à Sainte-Croix, qui doit se rendre à Ostende. En réalité, à l’aller, il doit passer prendre du café à la Martinique pour le transporter jusqu’au port flamand. Au retour, il est supposé regagner Charlotte Amalie, comme en atteste les documents fournis par le consul de Danemark à Ostende. En réalité, il doit passer par la Martinique, puis par Sainte-Croix pour arriver finalement à Baltimore147. Si la couverture du commerce des belligérants est une activité importante, le gouvernement danois cherche aussi à soutenir ses propres négociants en autorisant les échanges directs avec les ports européens à partir de Saint-Thomas et de Saint-Jean, et même de Sainte-Croix en 1782, y compris sur des bâtiments de construction étrangère. Toutefois, afin de garder la façade de la neutralité, tout navire danois naviguant dans l’Atlantique doit toucher, à un moment ou un autre, un port relevant de son roi pour légitimer son pavillon148.

  • 149 ANOM, C8A 80, fol. 76, Bouillé à Castries, 3 juillet 1781 et Tarrade J., Le commerce colonial de l (...)
  • 150 Frostin C., « Saint-Domingue et la révolution américaine », dans The American Revolution and the S (...)
  • 151 La guerre d’Indépendance américaine est une période de croissance pour la traite négrière danoise (...)
  • 152 Tarrade J., Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime. op. cit, p. 488 ; Villi (...)

62Les Danois fréquentent plus particulièrement certains territoires français. Bien qu’il déplore l’insuffisance de leur commerce, Bouillé reconnaît que « la Guadeloupe est sustentée par les isles danoises149 ». Saint-Domingue demeure le marché colonial français le plus important. Les Danois y assurent une partie du ravitaillement avec des farines et des salaisons venues de la Nouvelle-Angleterre150. L’autre activité importante est la livraison d’esclaves aux planteurs en échange de leur sucre151. Les liaisons qu’entretiennent les Danois avec l’Europe servent également aux colons à rapatrier en France les profits qu’ils ont réalisés dans leurs plantations152.

  • 153 Barton A., Scandinavia during the Revolutionary Era, 1760-1815, Minneapolis, University of Minneap (...)
  • 154 Rönnbäck K., Commerce and Colonisation. Studies of Early Modern Merchant Capitalism in the Atlanti (...)
  • 155 Isert P. E., Voyages en Guinée et dans les îles caraïbes en Amérique, Paris, Maradan, 1793, p. 310 (...)
  • 156 « Mémoire contenant des détails et des observations… », 18 février 1783, AN Marine, B3/418, fol. 2 (...)

63Le commerce avec les colonies françaises est « une de nos plus riches mines d’or » estime le principal ministre danois Ove Høegh-Guldberg en 1781153. Effectivement, le commerce antillais pendant la guerre d’Indépendance américaine a été une source de profit importante, puisque pendant cette période 44 % du sucre arrivé à Copenhague est réexporté vers les pays de la Baltique154. Les témoins évoquent Saint-Thomas dans des termes qui ne sont pas sans rappeler Saint-Eustache à l’époque de sa gloire, avec ses bâtiments et ses marchandises venus d’Europe et d’Amérique, ainsi que des entrepôts qui débordent155. De l’autre côté de l’Atlantique, le consul français Chezaulx constate en 1783 que la marine de Copenhague s’est accrue de « d’une manière étonnante ces dernières années surtout dans les Indes occidentales […] les petites isles danoises de Ste Croix, St Thomas et de St Jean ont été, et seront autant que la guerre durera, un des principaux entrepôts des denrées et marchandises ou produits de cette partie du monde, singulièrement des colonies françaises et autres, mais aussi des produits de l’Amérique septentrionale par interlope ou autrement ». Chezaulx évoque aussi les profits considérables réalisés par la réexportation des marchandises coloniales en Allemagne, et par le fret des bâtiments danois chargés pour les ports des pays en guerre156.

  • 157 AAE, CP, Danemark, vol. 163, fol. 476, La Houze à Vergennes, 20 novembre 1781 et vol. 164, fol. 68 (...)
  • 158 Cité dans O. Felbæk, Dansk Søfarts Historie 3 : 1720-1814 : Storhandelens tid, op. cit, p. 95.

64Cependant, comme toujours avec la navigation neutre, les profits sont marqués du sceau de la précarité. Les actions de la Vestindisk Handesselskab qui ont triplé avec le déclenchement de la guerre anglo-hollandaise, stagnent lorsque circulent les premières rumeurs des négociations francoanglaises157. Effectivement, avec la fin de la guerre la prédiction de Høegh-Guldberg qui craignait que la paix ne donne « un sérieux coup d’arrêt à notre commerce » se réalise, davantage pour la navigation antillaise que pour celle de la Méditerranée158. Le ressac permet de souligner le caractère fictif des progrès du commerce atlantique danois. Pour autant, il ne doit pas faire oublier que la neutralité a permis non seulement aux négociants de Copenhague d’élargir leurs horizons, mais encore de favoriser l’intégration du Danemark dans le grand commerce mondial.

Neutralité et mondialisation : les horizons du commerce danois

  • 159 AAE, CP, Danemark, vol. 138, fol. 481-507, lettres et mémoires des directeurs de la Compagnie des (...)
  • 160 AAE, CP, Danemark, vol. 139, fol. 142, Ogier à Choiseul, 21 octobre 1758, fol. 273-274, les direct (...)
  • 161 AAE, MD, France, vol. 2022, septembre 1758, Ogier a une procuration de la Compagnie française des (...)
  • 162 Les Danois ne proposent qu’un service d’entrepôt à un prix exorbitant selon Ogier, AAE, CP, Danema (...)

65En 1620, les Danois acquièrent le comptoir de Tranquebar, en Inde, sur la côte de Coromandel. L’établissement végète de longues années, et plusieurs compagnies danoises se ruinent en tentant le commerce asiatique. En 1732, une nouvelle structure voit le jour, l’Asiatisk Kompagni. Fondée par des investisseurs privés, elle se voit reconnaître un monopole de 40 ans sur le commerce oriental. Elle base d’abord ses activités à Tranquebar, puis s’étend vers le Bengale avec l’acquisition de Serampore en 1755. À cette époque, la majorité des expéditions depuis Copenhague se dirige vers la Chine. Lors de la guerre de Sept Ans, la présence danoise en Inde attire l’attention des Français. Dès 1758, Ogier propose que l’Asiatisk Kompagni se charge du commerce entre la métropole, l’Île de France et de l’Île de Bourbon (Maurice et la Réunion)159. De là, les marchandises seraient réembarquées sur des bâtiments français en direction de Pondichéry et les bâtiments danois repartiraient chargés de café160. Le diplomate reçoit les ordres et les documents nécessaires pour entrer en négociation avec les directeurs de la compagnie danoise161. Mais la discussion n’aboutit pas, car ils refusent de compromettre la neutralité de leur pavillon aux yeux des Anglais et de courir le risque de condamner l’ensemble du commerce asiatique danois162.

Carte 5. – Les Danois dans le grand commerce mondial de la fin du XVIIIe siècle.

  • 163 « Mémoire contenant des détails et des observations… », 18 février 1783, AN Marine, B3/418, fol. 2 (...)
  • 164 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 207.
  • 165 Rasch A. et Sveistrup P., Asiatisk Kompagni i den florissante periode 1772-1792, Copenhague, Gylde (...)

66Dans les années 1770, l’Asiatisk Kompagni perd le monopole du commerce de l’Inde, mais conserve l’exclusivité des échanges avec la Chine. Globalement, la guerre d’Indépendance américaine est très favorable à la navigation danoise en Asie, comme en témoigne le consul Chezaulx en 1783 : « La ville de Copenhague a aussi beaucoup augmenté sa navigation dans les Indes orientales. Elle a fait armer plusieurs bâtiments particuliers pour cette partie du monde, indépendamment de ceux de la compagnie des Indes qui ont été en plus grand nombre qu’en temps de paix, car avant la guerre cette compagnie n’envoyait que un ou deux navires à la Chine et autant à la côte de Coromandel163. » Ces observations sont confirmées par l’étude des passeports « algériens ». Alors qu’en 1778 moins de 5 % concernaient le grand commerce oriental, la proportion passe à 11,7 % en 1783164. Avec l’élimination des Français et des Hollandais, il y a un espace commercial qui s’ouvre pour les Danois. La VOC qui armait 24 navires par an avant la guerre, n’en envoie plus que 6 en 1781, dont seulement 5 arrivent à destination. Les Danois recueillent des investissements anglais et hollandais165. Le développement de la navigation danoise vers l’Inde ou la Chine doit aussi beaucoup au soutien du gouvernement qui organise des convois.

  • 166 Feldbæk O., « The Danish Asia trade, 1620-1807. Value and volume », Scandinavian Economic History (...)
  • 167 Auteur anglais anonyme cité dans Feldbæk O., India trade under the Danish Flag, 1772-1808, Europea (...)
  • 168 Le gouverneur de Tranquebar se plaint que la plupart des capitaines danois pensent ne rien avoir à (...)
  • 169 Müller L., « Sweden’s neutral trade under Gustav III », art. cit., p. 156 et Feldbæk O., Dansk neu (...)

67Bien que l’accès aux comptoirs danois d’Inde soit interdit aux étrangers, ils servent en réalité à une intense contrebande qui s’intensifie lors de la guerre d’Indépendance américaine. Les Anglais se servent volontiers des couleurs danoises, en particulier au Bengale grâce à la proximité de Serampore avec Calcutta. La neutralité permet de se consacrer au commerce asiatique très exigeant en capitaux mais aussi extrêmement lucratif. La valeur des échanges danois avec l’Inde fait plus que tripler entre le début et la fin de la guerre d’Indépendance américaine166. Ces profits inquiètent les Anglais qui craignent de voir apparaître un nouveau concurrent: « our inconvenience is their convenience, and it is they not we [sic] that prosper by our extirpation of the French and the Dutch167 ». Pour autant, Tranquebar et Serampore ne prospèrent pas comme ils le devraient. Bien des capitaines partis de Copenhague préfèrent arriver directement à Calcutta où ils peuvent vendre les marchandises européennes à meilleur prix que dans les établissements danois168. D’autres pavillons profitent aussi de leur neutralité pour participer au commerce oriental, puisque quelques bâtiments suédois sont signalés aux îles de France et de Bourbon, alors que des navires d’Ostende, d’Emden, de Lisbonne ou de Trieste font également leur apparition dans l’océan Indien169.

  • 170 Ostende sert aussi bien au commerce chinois des Hollandais, des Français que des Anglais, Dermigny(...)
  • 171 Ibid., t. 2, p. 539.
  • 172 Rasch A. et Sveistrup P., Asiatisk Kompagni i den florissante periode, op. cit, p. 99 et 110 et(...)
  • 173 « Remarques pour servir d’éclaircissement aux listes ci-jointes et observations relatives au comme (...)

68L’évolution du commerce avec la Chine est un peu différente car les profits de la neutralité ne reposent pas sur les mêmes modalités que pour les échanges avec l’Inde. Globalement, Danois et Suédois, voient leur participation au commerce de Chine atteindre des sommets, surtout après l’élimination des Français et des Hollandais. Toutefois, la présence de ces derniers peut se mesurer à travers l’apparition des bâtiments d’Ostende170. De fait, lors de la guerre d’Amérique, il n’y a que trois compagnies européennes qui fréquentent Canton : l’East India Company anglaise, l’Asiatisk Kompagni danoise et la Svenska Ostindiska Companiet suédoise. Les marchandises de Chine les plus recherchées sont la soie et surtout le thé. Les importations de thé sous pavillon scandinave connaissent une augmentation de 42 % pour les Danois et 35 % pour les Suédois lors de la guerre d’Indépendance américaine. Les Scandinaves assurent alors un peu plus d’un tiers des importations de thé en Europe171. L’essentiel arrive à Copenhague ou à Göteborg, siège de la Svenska Ostindiska Companiet, pour être réexporté en contrabande vers les îles britanniques où les prix connaissent une forte augmentation172. Les Danois exploitent leur neutralité de deux manières différentes en Inde et en Chine, deux marchés qu’ils fréquentent de longue date. Dans le premier cas, sur le modèle de ce qui se passe aux Antilles ou en Méditerranée, ils pratiquent davantage la navigation que le commerce en prêtant leur pavillon neutre aux Anglais ; mais en Chine ils se font davantage commerçants, comme les Suédois, achetant des marchandises dans l’espoir de les revendre en Europe avec un confortable bénéfice173. L’exploitation de la neutralité comporte donc une vraie dynamique commerciale et une volonté de conquête de marchés lointains, aussi bien en Asie qu’en Amérique du Sud.

  • 174 Feldbæk O., « Caracas-spekulationen 1782-1783. Dansk neutralitetsudnyttelse under den amerikanske (...)
  • 175 Johansen H. C., « Et slesvigsk handelshus i det 18. arhundrede », Historie/Jyske Samlinger, no 17, (...)

69Les Danois ne fréquentent pas la Terre Ferme espagnole avant 1781. À cette date, sous l’influence conjuguée de négociants hollandais réfugiés à Saint-Thomas et de la conscience des profits à tirer de la neutralité, les Danois commencent à regarder vers les colonies espagnoles du continent. La fin de la neutralité hollandaise entraîne la chute de l’interlope de Curaçao qui perturbe profondément le commerce du Venezuela. Au printemps 1781, alors que les productions locales s’entassent à Caracas, des négociants espagnols et le consul danois à Cadix évoquent la possibilité d’envoyer des navires gaditans à Saint-Thomas d’où ils passeraient à Copenhague et à Altona. Cette sollicitation éveille l’intérêt du gouvernement danois qui entrevoit les profits à réaliser dans le commerce de l’Empire espagnol. En 1782, il encourage la fondation d’une compagnie par actions, la Handels og Kanalkompagni qui doit expédier trois navires danois au Venezuela174. On retrouve parmi les investisseurs des membres éminents du gouvernement, le principal ministre Høegh-Guldberg, et les ministres des Finances et du Commerce, Schimmelmann et Stemann, des habitués des investissements atlantiques. Ils sont associés à certains des membres de l’élite marchande danoise, comme le négociant d’Altona Christian Bruyn qui possède le plus grand nombre d’actions de la compagnie175.

  • 176 Feldbæk O., « Caracas-spekulationen 1782-1783. Dansk neutralitetsudnyttelse under den amerikanske (...)
  • 177 Klooster W., « Curaçao and the Caribbean Transit Trade », dans Riches from Atlantic Commerce, art. (...)

70Au début du mois de juillet 1782, le Gehejmeråd von Gähler quitte Altona en direction de Saint-Thomas. Le capitaine y reçoit de nouveaux ordres lui indiquant qu’il doit se rendre au Venezuela, il y prend également des attestations des autorités de la Nouvelle-Grenade et un passeport espagnol. Accompagné d’une frégate, il se rend à La Guaira (au nord de Caracas), puis repasse à Saint-Thomas retrouver sa pleine qualité danoise avant de mettre le cap sur Altona. Avec quelques semaines de décalage, deux autres navires effectuent le trajet mais reviennent à Cadix176. L’attention portée à bien faire passer les navires par un port danois, Charlotte Amalie en l’occurrence, montre que, fidèle à sa ligne de conduite, le gouvernement de Copenhague tient à respecter au moins les formes de la neutralité pour se mettre à couvert des accusations anglaises. Le commerce danois au Venezuela, bien que peu important en volume, introduit durablement ces Scandinaves sur des marchés dont ils étaient absents. Dans les années 1785-1786, la navigation danoise représente encore 18 % des départs de Curaçao qui a retrouvé sa fonction de relais interlope du commerce de la Nouvelle-Grenade177.

71Les Danois ont su profiter de leur neutralité pendant la guerre d’Indépendance américaine pour participer activement au grand commerce mondial que ce soit en Asie ou en Amérique du Sud. Ils sont, à leur niveau, des acteurs de la dynamique de la mondialisation des échanges qui caractérise l’époque moderne par leur participation aux circulations planétaires des hommes et des produits. De ce point de vue, les Danois ont davantage profité de leur neutralité que leurs voisins suédois qui sont pourtant également déterminés à utiliser les périodes de guerre pour participer au grand commerce, à commencer par celui de l’Atlantique.

Neutralité et ambitions atlantiques suédoises

  • 178 Schnakenbourg E., « Sweden and the Atlantic: The dynamism of Sweden’s colonial projects in the eig (...)

72En dehors de l’éphémère colonie de la Nouvelle-Suède de 1638 à 1655 (Nya Sverige, dans l’actuel Delaware) les Suédois ne se sont pas installés en Amérique. Pourtant, tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, ils s’intéressent au commerce atlantique178. Ils voient dans les conflits franco-anglais des moments favorables pour pénétrer un marché lucratif.

  • 179 Rönnebäck K., « Socker och slavplantager i svensk historia », Global historia från periferin, op. (...)
  • 180 Högberg S., Utrikeshandel och sjöfart på 1700 talet, op. cit, p. 175-177.
  • 181 Müller L., « Scottish and Irish Entrepreneurs in Eighteenth-Century Sweden », dans Irish and Scott (...)

73Même si la Suède n’a pas de possession en Amérique, elle entretient bel et bien des échanges avec les colonies européennes qui s’y trouvent. Ils sont attestés par l’existence de raffineries de sucre à Stockholm, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et à Göteborg, au siècle suivant, ainsi que par le rôle joué par le fer suédois dans l’expansion des Anglais dans l’Atlantique179. Les Antilles anglaises sont des marchés d’exportation important de harengs salés. Une petite part (3 à 4 % en 1766-1770) est expédiée directement aux Antilles depuis Göteborg, mais la plupart des cargaisons transitent par Amsterdam ou Cork, d’où elles sont réexpédiées vers les colonies anglaises180. L’implication des Suédois dans le commerce américain passe le plus souvent par Göteborg. Les Hollandais, les Irlandais et les Écossais, notamment les réfugiés jacobites, qui habitent dans cette ville intègrent la Suède dans l’économie atlantique grâce à leurs réseaux d’affaires internationaux181.

  • 182 AN, Affaires étrangères, B3/419, Lanmary à Maurepas 13 novembre 1744 et 13 juin 1747.
  • 183 Riksarkivet, Kommerskollegium, Huvudarkivet, Skrivelser från svenska konsuler, huvudserie, E VI aa (...)
  • 184 AAE, CP, Suède, vol. 229, fol. 479, Havrincourt à Rouillé, 15 décembre 1755 et AN, Affaires étrang (...)
  • 185 Il est certain que les Suédois ont bénéficié d’au moins quelques autorisations puisqu’en septembre (...)
  • 186 Pourchasse P., La France et le commerce de l’Europe du Nord au XVIIIe siècle, thèse, université de (...)

74C’est dans ce contexte qu’il faut envisager l’intérêt des Suédois pour le commerce colonial lors des guerres franco-anglaises. Dès le début de la guerre de Succession d’Autriche, les Suédois cherchent à profiter de leur neutralité pour participer directement à la navigation atlantique. Par l’intermédiaire de l’ambassadeur de Louis XV à Stockholm, des négociants demandent, sans grand succès semble-t-il, des passeports pour se rendre dans les îles françaises182. Les profits à espérer du commerce américain sont bien connus des négociants suédois lorsque la guerre de Sept Ans éclate. Ils en sont informés par leurs consuls, comme par exemple celui de Nantes, Jean-Christian Stierling, qui leur conseille de se lancer dans le commerce de hareng salé et la traite négrière vers les colonies françaises183. À Stockholm, l’ambassadeur Havrincourt est sollicité à plusieurs reprises par des marchands qui proposent d’approvisionner les colonies françaises en vivres et d’y livrer des esclaves184. Il est très difficile de connaître le degré exact de participation des Suédois au commerce atlantique pendant la guerre de Sept Ans. Certains d’entre eux demandent et obtiennent des passeports pour Saint-Domingue185. Mais à côté de ceux-là, combien de capitaux, de marchandises et d’individus venant de Suède ont fréquenté les colonies françaises ? Là encore, les réseaux commerciaux transnationaux jouent à plein, comme ceux du Nantais Pierre Babut, futur consul de Suède, qui s’enorgueillit en 1757 des services qu’il a rendus à ses « amis de Stockholm et de Göteborg » en affrétant une frégate suédoise entre Rochefort et Saint-Domingue avec retour sur Hambourg186.

  • 187 Nordenskiöld U., Afhandling om nyttan för Sverige af handel och nybyggen i Indierna och på Africa, (...)
  • 188 Essén Å., Johan Liljencrantz som handelspolitiker. Studier i Sveriges yttre handelspolitik 1773 – (...)

75La fondation d’une colonie américaine est l’objet d’une attention renouvelée à partir du début du règne de Gustave III en 1771. Outre l’envie du roi de procurer à son royaume un symbole de puissance, elle s’intègre à une réflexion sur les moyens d’enrichir la Suède par le développement de son commerce international. En 1776, paraît à Stockholm le premier ouvrage suédois spécifiquement consacré à la question coloniale : Afhandling om nyttan för Sverige af handel och nybyggen i Indierna och på Africa [Traité sur l’utilité pour la Suède du commerce et des colonies dans les Indes et en Afrique]. Son auteur, Ulric Nordenskiöld, prenant exemple sur les Danois, soutient que les Suédois devraient se faire céder une des îles des Antilles qui pourrait, sans grandes dépenses, produire du sucre, du café et de l’indigo, mais aussi permettre la traite négrière187. Ces réflexions sont publiées au moment où le président du Collège du Commerce (Kommerskollegium), Johan Liljencrantz, décide de changer l’orientation de la politique commerciale suédoise en tournant son regard vers l’Atlantique alors que commence la guerre d’Indépendance américaine188.

  • 189 Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 442, Creutz à Gustave III, 31 décembre 1778, et vol. 443, (...)
  • 190 Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 443, Creutz à Gustave III, 16 mai, 10 juin et12 août 1779.
  • 191 Hildebrand I., Den svenska kolonin S: t Barthélemy och Västindiska kompaniet from till 1796, Lund, (...)

76À partir de 1778, Vergennes signale à plusieurs reprises à l’ambassadeur suédois Gustave Creutz les bénéfices que ses compatriotes pourraient retirer du commerce américain en approvisionnant les îles en marchandises européennes, puis en ramenant des produits coloniaux qui seraient revendus en France et dans le Nord189. Pour en profiter, Creutz préconise d’utiliser le relais de Saint-Eustache avant d’obtenir la promesse de Vergennes qu’une fois la paix rétablie, Louis XVI cédera à Gustave III une des îles prises aux Anglais. Pour l’ambassadeur, il ne s’agit pas uniquement de procurer à la Suède une plaque tournante permettant de faire de la contrebande pendant la paix et d’assurer un commerce de transit sous couvert de neutralité pendant la guerre. Il faut disposer d’une colonie susceptible de produire des denrées tropicales pour satisfaire la demande suédoise, voire pour exporter dans le reste de l’Europe du Nord190. Comme Vergennes refuse de céder une des îles conquises avant la conclusion de la paix, les Suédois explorent d’autres possibilités pour acquérir immédiatement un territoire et tentent leur chance, toujours vainement, auprès des États-Unis et de l’Espagne191.

  • 192 AAE, CP, Suède, vol. 270, fol. 174, Chanceauline à Vergennes 26 avril 1779, également ibid., fol. (...)
  • 193 AAE, CP, Suède, vol. 270, fol. 214, Vergennes à Chanceauline, 31 mai 1779.

77Parallèlement aux discussions des diplomates, des négociants français s’intéressent également à l’usage du pavillon suédois dans le commerce avec les Antilles. Le Nantais Chanceauline propose à Vergennes de fonder à Göteborg une maison de commerce qui servirait à couvrir le commerce avec les colonies. Il s’adresse également à Creutz pour obtenir le soutien de Gustave III et des lettres de naturalisation192. Mais les inconvénients du projet apparaissent rapidement. Vergennes souligne qu’il sera impossible de justifier la navigation de navires suédois vers l’Amérique « où le roi de Suède n’a pas un pouce de terre193 ». Pour les Français, l’absence d’un territoire suédois aux Antilles interdit d’avoir recours à la neutralité de ce pavillon. Les seules possibilités dont disposent les Suédois sont la réalisation d’investissements dans des expéditions d’autres puissances neutres disposant de territoires aux Antilles, ou le chargement à destination de ports francs, comme Oranjestad ou Charlotte Amalie.

  • 194 AAE, CP, Suède, vol. 273, fol. 78, Creutz à Vergennes, 12 février 1781. La demande est acceptée pa (...)
  • 195 « Remarques pour servir d’éclaircissement aux listes ci jointes et observations relatives au comme (...)
  • 196 Hildebrand I., Den svenska kolonin S:t Barthélemy, op. cit, p. 315.
  • 197 On retrouve ce type d’arguments dans un mémoire publié en 1784 intitulé « Förslag, till Nybyggens (...)

78L’intérêt pour la navigation suédoise se renforce après la ruine de Saint-Eustache au début de 1781. Les négociants suédois se renseignent sur les conditions dans lesquelles ils pourraient fréter pour les Antilles françaises et sur la possibilité de naviguer au sein des convois français194. Le commissaire de la Marine français à Göteborg, Delisle, estime que la Suède pourrait rendre les mêmes services que le Danemark dans la navigation atlantique, à condition qu’elle dispose, elle aussi, de « quelque possession en Amérique dont elle puisse jouir tranquillement en temps de paix et qui, durant la guerre, serve de prétexte pour y faire des expéditions195 ». Malgré tout, la neutralité suédoise lors de la guerre d’Indépendance américaine permet incontestablement une large ouverture sur le commerce atlantique qui ressort des statistiques du Kommerskollegium. Elles mettent en évidence une multiplication par 33 de la valeur des échanges directs de la Suède avec les Antilles et l’ensemble du continent américain entre 1777 et 1783196. Les Suédois entendent faire fructifier leurs progrès dans le commerce atlantique en obtenant une île aux Antilles. Inspiré par les modèles hollandais et danois, Liljencrantz souhaiterait disposer d’un relais pour distribuer les productions suédoises et les esclaves en Amérique intertropicale197.

  • 198 Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 445, no 101 et 103, Creutz à Gustave III, 25 et 29 novembr (...)
  • 199 Geffroy A., Gustave III et la cour de France, Paris, Didier et Cie, 1867, vol. 1, p. 377.

79L’évolution des discussions conduites en France à ce sujet rend le gouvernement de Stockholm raisonnablement optimiste. La prise de Tobago par l’amiral de Grasse en juin 1781, ainsi que les belles paroles de Vergennes et de Castries, laissent croire à Creutz que l’île pourrait revenir à Gustave III une fois la paix restaurée. L’ambassadeur, tout à sa joie, signale à son roi les avantages de ce territoire : une topographie qui la rend facile à défendre, de bons mouillages et surtout une grande fertilité permettant la culture du sucre, de l’indigo, du coton et du café, pour conclure qu’avec sa proximité du continent l’île procurera à la Suède « un avantage infini et fournira des spéculations extremement lucratives198 ». Mais Creutz doit quitter son poste avant d’avoir pu mener à bien une négociation dont hérite son successeur Erik Magnus Staël von Holstein. Gustave III lui fixe clairement son objectif : « c’est Tabago que je veux199 ».

« Il est de l’intérêt de la France de multiplier dans les Antilles les possessions des neutres » : la cession de Saint-Barthélemy à Gustave III

  • 200 Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 465, n° 25, Staël von Holstein à Gustave III, 25 mai 1783. (...)
  • 201 « Mémoire sur les raisons qui pourraient déterminer la France à céder à la Suède une isle en Améri (...)
  • 202 « Remarques sur la manière la plus légale dont la cession de l’île de Saint Barthélémy à la couron (...)
  • 203 Mémoire sans titre, de 1783, commençant par « Un établissement suédois dans les Antilles… », AN, A (...)

80Le nouvel ambassadeur prend ses fonctions alors que les négociations de paix franco-anglaises sont déjà bien avancées et que leur conclusion prochaine ne fait plus guère de doute. Staël von Holstein comprend rapidement qu’il ne pourra obtenir la cession de Tobago, le seul véritable gain que la France retire de la guerre200. Par ailleurs, avec le retour de la paix, le transfert d’une île à la Suède ne fait pas d’unanimité au sein du gouvernement français. Peu avant la conclusion de la paix, le premier commis des Affaires étrangères, Pierre-Michel Hennin, rédige un mémoire sur cette question en s’appuyant sur une analyse des événements de la guerre d’Indépendance américaine. Le premier point est d’ordre logistique. La présence suédoise aux Antilles permettrait de disposer d’un approvisionnement abondant et bon marché en matériaux de marine. Les vaisseaux français pourraient être réparés sur place permettant de maintenir l’intensité de l’effort de guerre. Le second élément est d’ordre économique. La possession d’une île légitimerait la navigation transatlantique suédoise lors d’un futur conflit contre l’Angleterre. Leur territoire serait un entrepôt pour le commerce des Français en devenant une plaque tournante des échanges entre la métropole et ses colonies, « la guerre ne deviendrait plus pour les colonies un fléau aussi terrible qu’elle l’a été, elle n’affaiblieroit pas d’une manière aussi sensible leurs habitants et ne ruineroit pas les négociants français qui font le commerce des isles201 ». Un autre mémoire anonyme adressé à Castries reprend les arguments de Hennin en inscrivant la cession d’une île à la Suède dans une stratégie générale : « il est de l’intérêt de la France de multiplier dans les Antilles les possessions des neutres. Cette vérité a été démontrée par les événements des deux dernières guerres202 ». Le transfert d’un territoire antillais implique un positionnement politique favorable aux droits du commerce neutre qui doit trancher avec l’attitude hostile des Anglais. Mais un autre mémoire, également adressé à Castries, souligne tout au contraire les inconvénients de la présence suédoise aux Antilles. D’abord, inévitablement, les Suédois approvisionneront les arsenaux de la Jamaïque et d’Antigua. Ensuite, la présence suédoise ne manquera pas d’entretenir le commerce de contrebande des colonies françaises pendant les périodes de paix, à l’image de ce que font déjà les Hollandais et les Danois203.

  • 204 Essén Å., Johan Liljencrantz som handelspolitiker, op. cit, p. 231 ; « Note remise à M. l’ambassad (...)
  • 205 Mémoire anonyme adressé à Castries, 10 mars 1784, AN, Affaires étrangères, B3/419, « Avis des dépu (...)
  • 206 AN, Affaires étrangères, B3/419, Vergennes à Castries, 27 février 1784.
  • 207 AAE, CP, Suède, vol. 276, fol. 73, Vergennes à Pons, 18 avril 1784, AN, Affaires étrangères, B1/60 (...)

81Malgré tout, Vergennes ne revient pas sur l’engagement pris pendant la guerre de donner une île à Gustave III. À titre de compensation, Staël von Holstein propose la cession d’un droit d’entrepôt à Göteborg permettant aux Français de déposer leurs marchandises dans le port suédois en attendant pour qu’elles soient réexportées204. Pour Castries et les députés du Bureau du Commerce, il est clair que le droit d’entrepôt de Göteborg n’apportera aucun avantage205. Pourtant, les Français ne demandent pas de concessions supplémentaires car, comme le rappelle Vergennes, la cession d’une île à la Suède est déterminée par des raisons « relatives à la guerre maritime et au commerce206 ». Cette idée se retrouve à plusieurs reprises lorsque le ministre parle d’un « don » à Gustave III auquel « Sa Majesté [Louis XVI] ne met point un prix207 ».

  • 208 « Notes sur les isles qui sont dépendant des grandes Antilles » mars 1784, AAE, CP, Suède, vol 276 (...)
  • 209 AAE, CP, Suède, vol. 276, fol. 74-74, Castries à vergennes, 23 avril 1784.
  • 210 Hauterive P.-L. (d’) et de Cussy F. de, Recueil des traités de commerce et de la navigation de la (...)

82Il revient à Castries, en charge de la Marine et des Colonies, de proposer le nom de l’île qui doit être donnée à la Suède. Le choix se fait en avril 1784 sur la base d’un document qui passe en revue différentes colonies susceptibles d’être cédées. Certaines sont écartées en raison des piètres qualités de leurs mouillages (La Désirade, île de Saint-Louis face à Saint-Domingue), de leur proximité avec les colonies françaises qui favoriserait l’interlope (les Saintes), ou de leur potentiel commercial et agricole qui représenterait une perte trop importante pour la France (Tobago, Marie-Galante, ou la partie française de Saint-Martin). Il reste, enfin, Saint-Barthélemy qui « n’est guère susceptible d’accroissement, il y a plusieurs mouillages et un assez bon port où on peut carêner de gros bâtiments. Ils y sont en sûreté pendant toute l’année ». Elle est « la seule qui puisse être cédée sans inconvénient vu le peu d’établissement qui y sont formés et son éloignement des autres possessions. Les autres isles méritent d’être conservées soit par l’état de leur culture et de leurs revenus, soit par leurs positions208 ». Saint-Barthélemy est le parangon de l’île neutre : insignifiante sur le plan économique, mais disposant des qualités susceptibles d’en faire un pôle d’échanges internationaux. Castries présente à Vergennes la cession de l’île de Saint-Barthélemy comme « un titre qui puisse favoriser le commerce des neutres dans les guerres à venir209 ». La négociation est terminée lorsque Gustave III arrive à Paris le 7 juin 1784. Une convention en bonne est due forme est signée le 1er juillet. Son article 8 porte sur la cession « à perpétuité au Roi et à la Couronne de Suède, en toute propriété et souveraineté, de l’île de Saint-Barthélemi210 ».

  • 211 AAE, CP, Suède, vol. 276, fol. 158, Vergennes à Pons, 4 juillet 1784.
  • 212 Instructions de Gustave III avec la lettre du 27 mai 1784, Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. (...)
  • 213 « Mémoire du l’isle de S : T Barthélemy », 4 septembre 1784, par l’officier suédois Victor de Sted (...)

83Du point de vue français, l’abandon de Saint-Barthélemy à la Suède présente plusieurs avantages. Il permet d’introduire une puissance réputée neutre aux Antilles, tout en se débarrassant d’une île fort peu productive, éloignée des autres possessions donc difficilement défendable. Vergennes explique sans détours à l’ambassadeur à Stockholm le choix du roi qui « a considéré qu’en temps de guerre l’isle de St Barthélemy seroit un magazin très utile à sa marine et à ses colonies, et elle n’a pas cru acheter trop cher la certitude d’y trouver des provisions navales dans le temps où elles sont aussi indispensables aux Isles que difficiles à s’y procurer211 ». Du côté suédois, règne une certaine perplexité : « Nous ne connoissons guère, ou plutot nous ignorons presque absolument ce que c’est que l’Isle de St Bathelemy et de quelle utilité cette acquisition pourra devenir pour le commerce suédois » concède Gustave III212. Deux mémoires obtenus par Staël von Holstein montrent les faibles ressources de l’île, sa population limitée (750 habitants), tout en soulignant la qualité de son port213. Saint-Barthélemy ne correspond pas aux espoirs initiaux des Suédois, car elle est incapable d’approvisionner le marché métropolitain en productions tropicales, et encore moins de nourrir des exportations.

  • 214 « Aujourd’hui sept du mois de mars de l’an mil sept cent quatre-vingt-cinq à onze heure du matin, (...)
  • 215 Essén Å., Johan Liljencrantz som handelspolitiker, op. cit, p. 240-242 et Hildebrand I., Den svens (...)
  • 216 « Par les pouvoirs donnés de Sa Majesté permettons à tous les batiments de toutes les nations l’en (...)
  • 217 Tarrade J., Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime, op. cit, p. 618.

84Le 7 mars 1785, Salomon Mauritz von Rayalin, gouverneur de Saint-Barthélemy, prend officiellement possession de l’île au nom de Gustave III214. Tout semble la désigner pour devenir un port de transit. Les ambassadeurs suédois à La Haye et à Copenhague sont d’ailleurs chargés de se renseigner sur les régimes fiscaux des colonies hollandaises et danoises afin d’établir des conditions similaires à Saint-Barthélemy215. Rayalin, comprenant que l’île a besoin de l’extérieur pour subsister, décide de l’ouvrir à tous les pavillons et de n’imposer que des droits d’entrée et de sortie très modiques216. Rapidement, Saint-Barthélemy devient un des centres du commerce interlope de sucre dans la région217.

85Pour les Français, la cession de Saint-Barthélemy est un pari sur l’avenir pris à la lumière des enseignements de la guerre d’Indépendance américaine. La difficulté de maintenir les capacités de la flotte, le besoin de ravitailler les colonies par la voie des neutres, la vulnérabilité des Hollandais, l’intérêt à dissimuler le commerce des sujets du roi président à admettre les Suédois aux Antilles. Dans le cadre particulier de l’Amérique intertropicale, le service des neutres est intégré à une stratégie de guerre qui se décline en fonction de besoins militaires et des impératifs commerciaux.

  • 218 Müller L., Consuls, Corsairs and Commerce, op. cit, p. 169.
  • 219 Vidales C., « San Bartolomé : una colonia al servicio de la independencia », dans Suecia-Latinoamé (...)

86Les guerres de la Révolution font de Saint-Barthélemy l’un des hauts lieux du cabotage antillais et du commerce entre l’Europe, les États-Unis et les Antilles. L’île connaît alors son âge d’or, avec une population qui atteint 5000 habitants en 1800, et plus d’un millier de navires qui fréquente son port les meilleures années218. La colonie suédoise profite ensuite de la période des guerres d’indépendance latino-américaine entre 1810 et 1830 durant laquelle la neutralité sert de couverture aux différents belligérants219. Par la suite, en l’absence de conflits, Saint-Barthélemy décline peu à peu. En 1878, la Suède rétrocède sa colonie à la France avec un niveau de population équivalent à celui de 1784. Son destin illustre le paradoxe de la neutralité, toujours menacée par la guerre qui est en même temps son principe vital.

*

87Les pratiques de neutralité que l’on rencontre en Europe à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle trouvent des expressions singulières dans le monde américain. Ici, la question du commerce sous pavillon neutre ne concerne principalement ni le matériel militaire, ni les fournitures de marine, mais l’importation de vivres et l’exportation de produits coloniaux. Les neutres permettent la pérennisation des échanges transatlantiques pour lesquels on retrouve les pratiques éprouvées de fausses destinations assorties de l’utilisation de prête-noms. La liberté qu’ils conservent bénéficient à leurs îles qui polarisent des échanges reliant les Antilles, les États-Unis, l’Europe et l’Amérique du Sud pour donner aux insignifiantes colonies hollandaises et danoises, et même au hameau de Montechristi, une dimension transocéanique et une activité démesurée par rapport à leurs ressources.

88Acteurs mineurs sans doute, mais pas négligeables, des échanges entre les blocs impériaux au XVIIIe siècle, Hollandais et Danois contribuent à la grande circulation atlantique et à la formation d’un espace négociant euro-américain, à la fois économique et humain, qui transcende les unités politiques, les souverainetés et les nationalités. Leur succès illustre la fluidité des circulations commerciales et la capacité d’adaptation des réseaux négociants qui sont déjà à l’œuvre dans la contrebande ordinaire des temps de paix. La réactivité du commerce neutre en période de conflit dépend dans une large mesure de la vigueur de l’interlope des temps de paix qui passe alors de l’ombre à la lumière. Déclinaison de la toile des échanges frauduleux, le commerce neutre illustre le profit qu’il est possible de tirer de l’enchevêtrement des souverainetés, de la souplesse des échanges maritimes, des solidarités personnelles et des habitudes marchandes pour établir des relations débordant les frontières des états. De plus en plus en cours du XVIIIe siècle, les colons projettent leur activité au-delà de leur colonie pour embrasser un horizon véritablement régional. À ce titre, l’exploitation de la neutralité participe du grand mouvement de désenclavement commercial du XVIIIe siècle en permettant à des puissances de second ordre, comme le Danemark, de s’intégrer dans la grande dynamique de la mondialisation des échanges.

Notes

1 Pares R., War and trade in the West Indies, op. cit et Colonial Blockade and Neutral Rights, op. cit

2 La bibliographie sur cette question est très importante. Citons d’abord un important article historiographique, Zuñiga J.-P., « L’histoire impériale à l’heure de ‘‘l’histoire globale’’. Une perspective atlantique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 54-55, 2007, p. 54-68. Il faut également évoquer le colloque « Les empires du monde atlantique en révolution. Une perspective transnationale (1763-1898) », organisé par le laboratoire Mondes Américains, Sociétés, Circulations, Pouvoirs (MASCIPO), sous la direction de Frederica Morelli, Clément Thibaud, Alejandro Gómez et Gabriel Entin, 28 au 30 juin 2010, actes à paraître.

3 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, 1680-1791, Assen/Maastricht, Van Gorcum, 1985; Klooster W., Illicit riches. Dutch Trade in the Caribbean, 1648-1795, Leyde, KITLV press, 1998; Postma J. et Enthoven V. (dir.), Riches from Atlantic Commerce. Dutch Transatlantic Trade and shipping, 1585-1817, Leyde, Brill, 2003. Signalons également Emmer P., Poton de Xaintrailles D. et Souty F. (dir.), Les Pays-Bas et l’Atlantique 1500-1800, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.

4 Müller L., Rydén G., Weiss H. (dir.), Global historia från periferin. Norden 1600-1850, Lund, Studenlitteratur, 2010 et Naum M. et Nordin J. M. (dir), Scandinavian Colonialism and the Rise of Modernity: Small Time Agents in a Global Arena, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2013.

5 C’est la justification que Christian V de Danemark donne à Charles II d’Espagne dans une lettre du 10 août 1675 présentée dans le cadre de l’exposition Mare Clausum, Mare liberum : la piratería en la América española, Archivo general de Indias, Séville, novembre 2009-août 2010.

6 Dookhan I., A History of the Virgin Islands of the United States, Kingston, Canoe Press, 1994, p. 34-50.

7 Labat J.-B., Nouveau voyage aux Isles de l’Amérique, Paris, G. Cavelier, 1722, t. 5, p. 314.

8 Klooster W., Illicit riches, op. cit, p. 89.

9 Labat J.-B., Nouveau voyage aux Isles de l’Amérique, op. cit, t. 5, p. 322.

10 Crespo Solana A., Merdaderes atlánticos. Redes del comercio flamenco y holandés entre Europe y el Caribe, Cordoue, université de Cordoue, 2009, p. 259 et 262.

11 ANOM, C8A 7, fol. 305-307, Dumaitz de Goimpy à Maurepas, 27 février 1693.

12 Jørgensen D., Danmark-Norge mellom stormaktene, op. cit, p. 238-239. En 1693, Louis XIV accorde deux passeports pour des navires danois devant se rendre aux colonies après avoir fait escale à Madère, ANOM, B 14, fol. 471.

13 Pitman F., The Development of the British West Indies, 1700-1763, New Haven, Yale University Press, 1917, p. 195-196.

14 « Mémoire du sieur Casaux du Hallay, député de Nantes sur l’état du commerce en général », 4 mars 1701, dans Boislisle A. de (éd.), Correspondance des Contrôleurs généraux des finances avec les intendants de Provinces, op. cit, t. 2, p. 496.

15 Labat J.-B., Nouveau voyage aux Isles de l’Amérique, op. cit, t. 5, p. 324.

16 ANOM, C10D 2, no 40, Mémoire danois, sans auteur ni date.

17 « L’asile de la neutralité me semble aussy contenir à peu près ce que nous pouvons souhaiter de mieux », ibid., no 60, Plélo, ambassadeur à Copenhague, à Maurepas, 21 avril 1733.

18 Le Surinam ne devient colonie hollandaise qu’en 1667, à l’issue de la seconde guerre anglo-hollandaise.

19 Chemin Dupontès P., Les Petites Antilles, Paris, L’Harmattan, 1979 [réed.], p. 95-98 et Raynal G., Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce dans les deux Indes, op. cit, t. 3, p. 283 et 287.

20 Le commerce atlantique, essentiellement illégal, aurait représenté 30 à 35 % du commerce total des Provinces-Unies hors d’Europe, derrière celui de l’Asie, Emmer P., « L’histoire maritime hollandaise et l’expansion de l’Europe : 1600-1800 », Revue d’histoire maritime, 2010, no 10-11, p. 72.

21 Schnakenbourg C., Les sucreries de la Guadeloupe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (1760-1790). Contribution à l’étude de la crise de l’économie coloniale à la fin de l’Ancien Régime, thèse Paris II, 1973, p. 114 et p. 118-119 ; Pérotin-Umon A., La ville aux îles, la ville dans l’île. Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, Paris, D Karthala, 2000, p. 151.

22 ANOM, C8A 56, fol. 73-75, Champigny à Maurepas, 16 novembre 1744.

23 Klooster W., « An Overview of Dutch Trade with the Americas », art. cit., p. 377. Cette estimation ne tient pas compte du tonnage des bâtiments, plus important pour la navigation transatlantique que pour le cabotage antillais qui se fait au moyen de petites embarcations de 15 à 40 tonneaux, Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 198.

24 Butel P., Histoire de la chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux, op. cit, p. 107, et R. Pares, War and trade in the West Indies, op. cit, p. 345-347.

25 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue aux XVIIe et XVIIIe siècles, service de reproduction des thèses, Lille III, 1973, p. 580.

26 Villiers P., « La course en Martinique et en Guadeloupe pendant la guerre de Succession d’Autriche », dans Butel P. (dir.), Commerce et plantation dans la Caraïbe, XVIIIe et XIXe siècles, Bordeaux, Maison des pays ibériques, 1992, p. 46 et 61.

27 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 198-207.

28 AN, Affaires étrangères, B1/451, Lemaire à Maurepas, 8 mars 1746.

29 Klooster W., « An Overview of Dutch Trade with the Americas », art. cit., p. 417.

30 AN, Marine, B7/360, Lagau à Maurepas, 19 décembre 1746.

31 Pitman F., The Development of the British West Indies, op. cit, p. 293.

32 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p. 587.

33 AN, Marine, B7/402, Saint-Sauveur à Machault, 19 avril 1756.

34 R. Pares, Colonial Blockade and Neutral Rights, op. cit, p. 209.

35 Chassaigne P., « L’économie des îles sucrières dans les conflits maritimes de la seconde moitié du XVIIIe siècle », Histoire, économie et société, 1988, no 1, p. 101.

36 ANOM, C8A 64, fol. 51, La Rivière à Choiseul, 2 avril 1762 et fol. 305, 9 avril 1762.

37 Raynal G., Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce dans les deux Indes, op. cit, t. 3, p. 289.

38 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 210.

39 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p. 596.

40 Enthoven V., « ‘‘That Abominable Nest of Pirates’’ St. Eustatius and the North Americans, 1680-1780 », Early American Studies, 2012, vol. 10, no 2, p. 276-282 et Truxes T., Defying Empire: trading with the enemy in colonial New York, New Haven/Londres, Yale University Press, 2008, p. 59-60.

41 Pares R., War and trade in the West Indies, 1739-1763, op. cit, p. 376-379.

42 National Archive, CO 110/1, Crump à Pitt, 4 octobre 1759.

43 National Archive, CO 110/2, Dalrymple à Pitt, 29 octobre 1761.

44 Ibid., Dalrymple à Pitt, 16 février 1762. « The two little islands or rocks of St Eustatia and Curacao were made to cover almost all the produce of the French sugar colonies », Hardwicke à Bute, 7 mai 1762, dans Marsden R. (éd.), Law and custom of the sea, op. cit, vol. 2, p. 397-398.

45 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p. 596.

46 ANOM, C8A 61, fol. 282, Beauharnais et Givry, à Moras, février 1758.

47 AN, Marine, B7/410, Lagau à Massiac, 11 septembre 1758.

48 Pares R., Colonial Blockade and Neutral Rights, op. cit, p. 209.

49 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p. 598.

50 AN, Marine, B7/413, Astier à Berryer, 1er mars 1759.

51 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 210.

52 Par exemple, à la fin de l’année 1760, le gouverneur Beauharnais signale à Berryer l’arrivée à la Martinique de deux navires hollandais chargés de vivres et de munitions, ANOM, C8A 62, fol. 497, 28 décembre 1760.

53 ANOM, C8A 62, fol. 316, Rouillé de Raucourt à Berryer, 29 août 1759 et fol. 436, Mercier de la Rivière, intendant de la Martinique, au même, 20 janvier 1760.

54 ANOM, C8A 63, fol. 96, Levassor de la Touche à Berryer, 13 juin 1761. Le contrat n’est finalement pas honoré en raison du manque de farine et de bœuf dans les magasins de Saint-Eustache, ibid., fol. 208, Le Mercier de la Rivière à Berryer, 21 août 1761.

55 AAE, CP, Hollande, vol. 507, fol. 2 et 61, Affry à Choiseul, 1er mai et 30 juin 1761 et ANOM, C8A 64, fol 295, Jean Texier à Choiseul, 12 mars 1762.

56 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 211.

57 Schnakenbourg C., « L’essor économique de la Guadeloupe sous l’administration britannique, 1759-1763 », Bulletin de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, 1971, no 15-16, p. 8-12.

58 Butel P., « Guerre et commerce au XVIIIe siècle vus de Bordeaux », art. cit., p. 65-66 et Villiers P., Marine royale, corsaires et trafic dans l’Atlantique de Louis XIV à Louis XVI, op. cit, p. 466.

59 Par exemple, en 1759, Gradis finance l’armement à Cadix d’un navire de 140 tonneaux, Le Colibry, destiné aux Antilles, mais il est capturé dans l’Atlantique par un bâtiment anglais. Marzagalli S., « Opportunités et contraintes du commerce colonial dans l’Atlantique français au XVIIIe siècle », art. cit., p. 99.

60 Butel P., La croissance commerciale bordelaise, op. cit, p. 819-822.

61 Pontet J., « Guerre et commerce vus de Bayonne au XVIIIe siècle », Rochefort et la mer, no 9, Guerre et commerce maritime au XVIIIe siècle, Université francophone d’été, Jonzac, 1994, p. 73-74 et Butel P., « Guerre et commerce au XVIIIe siècle vus de Bordeaux », art. cit., p. 66. Le pavillon espagnol sert aussi à couvrir le commerce anglais, ce qui explique la condamnation par le Conseil des Prises de certains vaisseaux qui l’arborent comme la Sainte-Ines de Bilbao, AN, G5/260, fol. 430, 11 septembre 1756.

62 Tostado I. P., « Comercio y neutralidad en el Caribe : el caso de Monte Christi », colloque Reti Commerciali, interessi Nazionali e trattatri commerciali nell’Europa d’Antico Regime, organisé par Manuel Herrero Sánchez et Francisco Javier Zamora Rodríguez, université de Séville Pablo de Olavide, 18 juin 2010.

63 Commentaire de l’avocat de Saint-Domingue Nicolas Bourgeois dans Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p. 603.

64 Truxes T., Defying empire: trading with the enemy in colonial New York, op. cit, p. 79 et Pares R., Yankees and Creoles. The Trade between North America and the West Indies before the American Revolution, Londres, Longmans, 1956, p. 61.

65 Pitman F., The Development of the British West Indies, op. cit, p. 315-316 et R. Pares, War and trade in the West Indies, op. cit, p. 457 et 460.

66 Les propriétaires du Dolphin de New York donnent des ordres clairs à cet égard: « You are positively ordered and directed that while you are at Monte Cristo you do not by any means deal trade or traffic with any subjects of the French King but solely with Spaniards, that the rascals who act as judges in some of the Admiralty courts in the West Indies may not have so much as a pretence to confiscate the vessel and the cargo », Pares R., War and trade in the West Indies, 1739-1763, op. cit, p. 459 et p. 465-466.

67 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p. 601-602 et Pitman F., The Development of the British West Indies, 1700-1763, op. cit, p. 314-315.

68 Roscoe E. (éd.), Reports of Prize Cases determined in the High Court of Admiralty, vol. 1, op. cit, p. 7-8.

69 Pares R., War and trade in the West Indies, 1739-1763, op. cit, p. 464-465.

70 Truxes T., Defying empire: trading with the enemy in colonial New York, op. cit, p. 79.

71 Moreau de Saint-Méry É., Description topographique et politique de la partie espagnole de l’isle Saint-Domingue, Philadelphie, 1796, vol. 1, p. 201.

72 Westergaard W., The Danish West Indies under Company Rule, op. cit, p. 240.

73 AAE, CP, Danemark, vol. 130, fol. 105-106, Ogier à Machaut, 18 novembre 1755.

74 AAE, CP, Danemark, vol. 132, fol. 274-278, Ogier à Machaut, 9 novembre 1756 et vol. 132, fol. 274 et 467, Ogier à Machault, 21 décembre 1756.

75 Rigsarkivet, TKUA, Frankrig, vol. 101, Wedel-Friis à Bernstorff, 4 octobre 1756.

76 Rigsarkivet, TKUA, Frankrig, vol. 17, Wedel-Friis à Bernstorff, mars 1757, et Wafferschleben, qui accompagne Fabricius, à Bernstorff, 4 avril 1757.

77 AAE, CP, Danemark, vol. 132, fol. 282-289, « Mémoire d’un commerçant danois », 1756.

78 « Nécessité de l’union maritime des puissances neutres contre les déprédations des Anglois » et « Mémoire sur l’approvisionnement des colonies françaises de l’Amérique par les Danois », AAE, MD, France, vol. 2022, fol. 22, fol. 27-30, septembre 1758.

79 Truxes T., Defying Empire: trading with the enemy in colonial New York, op. cit, p. 61.

80 Power O., « Beyond Kinship: A Study of the Eighteenth-century Irish Community at Saint Croix, Danish West Indies », Irish Migration Studies in Latin America, 2007, vol. 5, no 3, p. 207-214.

81 AAE, CP, Danemark, vol. 133, fol. 458, Rouillé à Ogier, 29 avril 1757.

82 Frostin C., Histoire de l’autonomisme colon de la partie française de Saint-Domingue, op. cit, p. 599.

83 AAE, CP, Danemark, vol. 139, fol. 11-12, Ogier à Bernis, 3 octobre 1758 et fol. 226-227, Ogier à Choiseul, 7 novembre 1758.

84 Tuxen O., « Principles and Priorities: the Danish View of Neutrality », art. cit., p. 222 et Hornby O., Kolonierne I Vestindien, op. cit, p. 146.

85 Chassaigne P., « L’économie des îles sucrières dans les conflits maritimes de la seconde moitié du XVIIIe siècle », art. cit., p. 100.

86 Kent H., War and Trade in Northern Seas, op. cit, p. 151-153 et 157, Tuxen O., « Principles and Priorities: the Danish View of Neutrality », art. cit., p. 223 et Pares R., Colonial Blockade and Neutral Rights, op. cit, p. 282-283.

87 Les Anglais font en effet clairement savoir à l’ambassadeur danois que, comme pour les Hollandais, « jamais on leur permettroit le commerce qu’ils avoient commencé pendant cette guerre dans les isles et provinces françoises en Amérique », Rigsarkivet, TKUA, England, vol. 115, Bothmer à Bernstorff, 12 janvier 1759. AAE, CP, Danemark, vol. 140, fol. 279-282, Ogier à Choiseul, 3 mars 1759.

88 Vibæk J., Vore Gamle Tropekolonier, vol. II : Dansk Vestindien, 1755-1848, Copenhague, Fremad, 1966, p. 81 et Nielsen P., Flåden og dansk vestindien. Den danske flådes togter til Caribien 1671-1719, Copenhague, Orlogsmuseet, 1997, p. 12.

89 Felbæk O., Dansk Søfarts Historie 3: 1720-1814: Storhandelens tid, op. cit, p. 46-47.

90 Westergaard W., The Danish West Indies under Company Rule, op. cit, p. 254-255.

91 Gazette de Leyde, 6 avril 1781, p. 7.

92 Raynal G., Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce dans les deux Indes, op. cit, t. 3, p. 289.

93 Voir les différents actes reproduits dans Piggott F. et Ormond G. (éd.), Documentary History of the Armed Neutralities of 1780 and 1800, op. cit, p. 34, 36, 87.

94 Enthoven V., « ‘‘That Abominable Nest of Pirates’’ St. Eustatius and the North Americans, 1680-1780 », art. cit.

95 Miller D., Sir Joseph Yorke and Anglo-Dutch Relations, op. cit, p. 37-48 et Edler F., The Dutch Republic and the American Revolution, Baltimore, John Hopkins Press, 1911, p. 25-27.

96 Jameson J., « St Eustatius in the Americain revolution », American Historical Review, 1903, no 4, p. 685, Enthoven V., « ‘‘That Abominable Nest of Pirates’’ St. Eustatius and the North Americans, 1680 – 1780 », art. cit., p. 289-290. On trouve par exemple dans les minutes de maître Dupuch, notaire à Basse-Terre, une procuration de Jean Duran, représentant de la société Duran et Cie, donnée aux Frères « Wambiber », négociants de Baltimore, pour qu’ils règlent toutes les affaires que la firme guadeloupéenne a faites à Saint-Eustache avec John Guin et Cie, également négociants à Baltimore. A.D., Guadeloupe, 2E2-15, minutes Dupuch, no 5, 25 septembre 1781.

97 Schulte Nordholt J., The Dutch Republic and American Independence, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1982, p. 38-39 et Edler F., The Dutch Republic and the American Revolution, op. cit, p. 45. À l’automne 1777, les Hollandais estiment à près de 80 leurs vaisseaux saisis par les escadres anglaises, Renaut F., Les Provinces-Unies et la guerre d’Amérique (1775-1784), op. cit, p. 116.

98 Cité dans Tarrade J., Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime. op. cit, p. 467.

99 ANOM, C8A 80, fol. 77, « Observations sur le ravitaillement et le commerce des isles françaises », adressé par Bouillé à Sartine, 3 juillet 1780.

100 Welling G. M., The prize of neutrality: trade relations between Amsterdam and North America 1771-1817: a study in computational history, Rijksuniversiteit Groningen, 1988, p. 196.

101 Klooster W., Illicit riches. Dutch Trade in the Caribbean, op. cit, p. 226, les chiffres donnés sont arrondis. La valeur totale du commerce avec Amsterdam passe, environ, de 4 millions de florins en 1776 à 7 millions en 1778, pour culminer à 21 millions en 1779, ibid., p. 225.

102 Butel P., La croissance commerciale bordelaise dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, op. cit, p. 146-147 et Marzagalli S., « Opportunités et contraintes du commerce colonial dans l’Atlantique français au XVIIIe siècle », art. cit., p. 180.

103 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783. op. cit, p. 55.

104 Cité par Jameson J., « St Eustatius in the Americain revolution », art. cit., p. 684.

105 ANOM, C8A 78, fol. 3 et 22, Bouillé et Eu de Montdenoix, intendant, à Sartine, 6 mai et 25 octobre 1779 et vol. 79, fol. 4, Bouillé et Peynier à Sartine, 6 octobre 1780.

106 Scott H., « Sir Joseph Yorke, Dutch Politics and the Origins of the Fourth Anglo-Dutch War », Historical Journal, 1988, vol. 31, p. 580 et Enthoven V., « ‘‘That Abominable Nest of Pirates’’ St. Eustatius and the North Americans, 1680 – 1780 », art. cit., p. 292.

107 Miller D., Sir Joseph Yorke and Anglo-Dutch Relations, op. cit, p. 95.

108 Pour une description précise de cet épisode militaire Hurst R., The Golden Rock: an episode of the American war of Independence, op. cit, p. 108-132 et les lettres de Rodney des 3 et 4 février 1781, dans Mundy G. B., Life and correspondence of the late Admiral Lord Rodney, Londres, John Murray, 1830, vol. 2, p. 9-13.

109 Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 147-150.

110 Lettre du 7 février 1781, dans Mundy G. B., Life and correspondence of the late Admiral Lord Rodney, op. cit, p. 18.

111 Scott H., « Sir Joseph Yorke and the Waning of the Anglo-Dutch Alliance, 1747-1788 », art. cit., p. 22.

112 Instructions à Rodney, 20 décembre 1780, Mundy G. B., Life and correspondence of the late Admiral Lord Rodney, op. cit, p. 8.

113 Rodney à Stephens, secrétaire de l’amirauté, 4 février 1781, ibid., p. 12.

114 Scott H., « Sir Joseph Yorke, Dutch Politics and the Origins of the Fourth Anglo-Dutch War », art. cit., p. 584.

115 Spinney D., Rodney, Londres, George Allen and Unwin., 1969, p. 360.

116 AAE, CP, Hollande, vol. 542, fol. 394-395, La Vauguyon à Vergennes, 5 décembre 1780.

117 D. Spinney, Rodney, op. cit, p. 363, 366, 375, 419-421.

118 Schnakenbourg C., Les sucreries de la Guadeloupe dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, op. cit, p. 114.

119 Van der Oest E. W., « The Forgotten Colonies of Essequibo and Demerara, 1700-1814 », dans Riches from Atlantic Commerce, op. cit, p. 348.

120 AN, Affaires étrangères, B1/165, fol. 259, Lironcourt à Castries, 26 juin 1783.

121 Tarrade J., « Pavillons neutres et spéculation internationale pendant la guerre d’Indépendance américaine », Rochefort et la mer, op. cit, p. 36 et Postma J., « Suriname and its Atlantic Connections, 1667-1795 », dans Riches from Atlantic Commerce, p. 314.

122 Bustos Rodriguez M., « Le commerce avec l’Espagne et ses Indes : la réponse autrichienne aux contraintes espagnoles lors de la Guerre d’Indépendance des États-Unis », dans Marzagalli S. et Bonin H. (dir.), Négoce, Ports et Océans. Mélanges offerts à Paul Butel, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2000, p. 413.

123 « Les isles conquises ne commercent qu’avec des Anglois sous le déguisement danois, ostendois, etc. », ANOM, C8A 80, fol. 76, Bouillé à Castries, 3 juillet 1781, également Everaert J., « Le pavillon impérial aux Indes occidentales », art. cit., p. 53.

124 Parmentier J., « Profit and Neutrality: The Case of Ostend, 1781-1783 », art. cit., p. 220.

125 Lüthy H., La banque protestante en France, op. cit, p. 658 et Thésée F., Négociants bordelais et colons de Saint-Domingue. La maison Henry Romberg, Bapst et Cie, 1783-1793, Paris, Société Française d’Histoire d’Outre-Mer, 1972, p. 23.

126 Everaert J., « Le pavillon impérial aux Indes occidentales », art. cit., p. 53 et Butel P., La croissance commerciale bordelaise, op. cit, p. 136-137, 148 et 822-823.

127 Sveistrup P., « Det Kongelige Danske octroyerede Vestindiske Handelsselskab 1778-85. En driftsøkonomisk Undersøgelse », Historisk Tidsskrift, 1942-1944, vol. 10, no 6, p. 386-427.

128 Rigsarkivet, DUA, Frankrig, vol. 2096, Blome à Bernstroff, 16 juillet 1778 et AAE, CP, Danemark, vol. 161, fol. 404, Caillard à Vergennes, 7 décembre 1778.

129 Bernstorff y est encouragé par un agent américain, Stephen Sayre, qui se rend à Copenhague à la fin de l’année 1777 pour proposer aux Danois un plan pour le commerce avec les États-Unis, Fogdall S., Danish-American diplomacy, Iowa City University, 1922, p. 11.

130 Morgan K., Bristol and the Atlantic Trade in the Eighteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 25-26.

131 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 52-57, Hornby O., Kolonierne I Vestindien, op. cit, p. 151 et Vibæk J., Vore Gamle Tropekolonier, vol. II : Dansk Vestindien, op. cit, p. 82-83, et « Questions sur les isles danoises d’Amérique », AAE, MD, Danemark, fol. 279-280, s. d., probablement des années 1790.

132 Kellenbenz H., « The Armed Neutrality of Northern Europe and the Atlantic Trade of Schleswig-Holstein and Hamburg during the Seven Years Wars and the War of Independence », The American Revolution and the Sea, National Maritime Museum, Greenwich, 1974, p. 76-81.

133 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783. op. cit, p. 121.

134 Caron O., « à propos de l’indépendance américaine : la neutralité danoise de 1778 à 1783 », Revue d’histoire diplomatique, 1993, no 3, p. 201.

135 Intructions à Morton Eden, 2 mars 1779, Chance J. F. (éd.), British Diplomatic Instructions, Denmark, 1689-1789, op. cit, p. 193.

136 « udvide landets flor og velstand », Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 58.

137 Feldbæk O., Konvoy, op. cit, p. 18 et Goebel E., « The Voyage of the Bornholm: Danish Convoy Service in the Caribbean, 1780-1781 », dans Pirates and Privateers, op. cit, p. 251-259. À son retour à Copenhague, le commandant Peter Schioenning est renvoyé de la marine danoise pour ne pas avoir montré assez de détermination dans la défense des bâtiments qu’il devait escorter. AAE, CP, Danemark, vol. 163, fol. 264 et 282, La Houze à Vergennes, 13 mars et 10 avril 1781.

138 Rigsarkivet, DUA, Frankrig, vol. 2099, Blome à Guldberg, 23 mars 1781.

139 Felbæk O., Dansk Søfarts Historie 3: 1720-1814: Storhandelens tid, op. cit, p. 94.

140 « The produce of the French Islands, particularly Guadeloupe, is transported in Danish bottoms, Danish frigates and merchant ships under their convoy frequently going to that island and returning loaded with its produce. I have suffered none of His Majesty’s ships under my command to stop or detain them, being fully convinced of the numerous and unjust enemies His Majesty has already to contend with… », Rodney à l’amirauté d’Angleterre, 25 avril 1781, cité dans Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 192, note 62.

141 Andersen D., « Denmark-Norway, Africa and the Caribbean, 1660-1917: Modernisation financed by Slaves and Sugar », dans Emmer P., Pétré-Grenouilleau O. et Roitman J. (dir.), A Deus ex Machina. Atlantic Colonial Trade and European Economic Development, Leyde, Brill, 2006, p. 303.

142 La part du commerce méditerranéen est de 40 %. Dès que la guerre cesse, la proportion de la navigation antillaise retombe en deçà de 20 %, Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 207.

143 Nathanson M. L., Historisk statistik fremstilling of Danmarks national of Statshuusholding fra Frederic den fjerdes tid intil nutiden, Copenhague, Faaes, 1836, p. 483 et Vibæk J., Vore Gamle Tropekolonier, vol. II: Dansk Vestindien, op. cit, p. 87.

144 Hornby O., Kolonierne I Vestindien, op. cit, p. 154 et Goslinga C., The Dutch in the Caribbean and in the Guianas, op. cit, p. 151.

145 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 116.

146 Everaert J., « Le pavillon impérial aux Indes occidentales », art. cit., p. 52.

147 Felbæk O., Dansk Søfarts Historie 3: 1720-1814: Storhandelens tid, op. cit, p. 100-101.

148 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 51-55 et 114-115.

149 ANOM, C8A 80, fol. 76, Bouillé à Castries, 3 juillet 1781 et Tarrade J., Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime. op. cit, p. 486.

150 Frostin C., « Saint-Domingue et la révolution américaine », dans The American Revolution and the Sea, op. cit, p. 38.

151 La guerre d’Indépendance américaine est une période de croissance pour la traite négrière danoise qui déporte 7000 esclaves entre 1781 et 1785, Weiss H., « Danskar och Svenskar i den atlantiska slavhandeln, 1650-1850 », Global historia från periferin. Norden 1600-1850, op. cit, p. 53.

152 Tarrade J., Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime. op. cit, p. 488 ; Villiers P., Marine royale, corsaires et trafic dans l’Atlantique de Louis XIV à Louis XVI, op. cit, p. 684, Butel P., « Les Antilles pendant les guerres maritimes du XVIIIe siècle », art. cit., p. 334 ; M. Begouen Demeaux, Stanislas Foache, négociants de Saint-Domingue 1737-1806, Paris, Larose, 1951, p. 107.

153 Barton A., Scandinavia during the Revolutionary Era, 1760-1815, Minneapolis, University of Minneapolis Press, 1986, p. 116.

154 Rönnbäck K., Commerce and Colonisation. Studies of Early Modern Merchant Capitalism in the Atlantic Economy, Göteborg, Department of Economic History, university de Göteborg, 2010, p. 113-116.

155 Isert P. E., Voyages en Guinée et dans les îles caraïbes en Amérique, Paris, Maradan, 1793, p. 310-311.

156 « Mémoire contenant des détails et des observations… », 18 février 1783, AN Marine, B3/418, fol. 20-21.

157 AAE, CP, Danemark, vol. 163, fol. 476, La Houze à Vergennes, 20 novembre 1781 et vol. 164, fol. 68, du même au même, 9 avril 1782.

158 Cité dans O. Felbæk, Dansk Søfarts Historie 3 : 1720-1814 : Storhandelens tid, op. cit, p. 95.

159 AAE, CP, Danemark, vol. 138, fol. 481-507, lettres et mémoires des directeurs de la Compagnie des Indes orientales adressés à Bernis sur les propositions de l’ambassadeur Ogier de faire transporter des marchandises à l’île de France sous couleurs danoises, septembre 1758.

160 AAE, CP, Danemark, vol. 139, fol. 142, Ogier à Choiseul, 21 octobre 1758, fol. 273-274, les directeurs de la compagnie des Indes à Ogier, s. d., mais transmise par Ogier à Boullongne, Contrôleur général des Finances, 14 novembre 1758.

161 AAE, MD, France, vol. 2022, septembre 1758, Ogier a une procuration de la Compagnie française des Indes orientales (fol. 31), un mémoire « secret » qui fait office d’instruction (fol. 32-34), ainsi que les ordres du Contrôleur général des Finances, Boullongne (fol. 35-36).

162 Les Danois ne proposent qu’un service d’entrepôt à un prix exorbitant selon Ogier, AAE, CP, Danemark, vol. 139, fol. 275-280, Ogier à Boulogne, 14 novembre 1758.

163 « Mémoire contenant des détails et des observations… », 18 février 1783, AN Marine, B3/418, fol. 21.

164 Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783, op. cit, p. 207.

165 Rasch A. et Sveistrup P., Asiatisk Kompagni i den florissante periode 1772-1792, Copenhague, Gyldendal, 1948, p. 104.

166 Feldbæk O., « The Danish Asia trade, 1620-1807. Value and volume », Scandinavian Economic History Review, 1991, vol. 39, no 1, p. 24.

167 Auteur anglais anonyme cité dans Feldbæk O., India trade under the Danish Flag, 1772-1808, European enterprise and Anglo Indian remittance and trade, Odense, Studentlitteratur, 1969, p. 57.

168 Le gouverneur de Tranquebar se plaint que la plupart des capitaines danois pensent ne rien avoir à faire avec son comptoir, ibid., p. 65.

169 Müller L., « Sweden’s neutral trade under Gustav III », art. cit., p. 156 et Feldbæk O., Dansk neutralitetspolitik under krigen 1778-1783. op. cit, p. 124.

170 Ostende sert aussi bien au commerce chinois des Hollandais, des Français que des Anglais, Dermigny L., La Chine et l’Occident. Le Commerce à Canton au XVIIIe siècle 1719-1833, t. 3, Paris, SEVPEN, 1964, p. 964-968.

171 Ibid., t. 2, p. 539.

172 Rasch A. et Sveistrup P., Asiatisk Kompagni i den florissante periode, op. cit, p. 99 et 110 et Müller L., « Ostindiska kompaniet - ett globalt företag i 1700 - talets Sverige », dans Global historia från periferin, op. cit, p. 190-193.

173 « Remarques pour servir d’éclaircissement aux listes ci-jointes et observations relatives au commerce particulier de Goteborg et à celui de la Suède en général », 1781, AN, Marine, B3/418.

174 Feldbæk O., « Caracas-spekulationen 1782-1783. Dansk neutralitetsudnyttelse under den amerikanske frihedskrig », Historisk Tidsskrift, vol. 12, no 6, 1973, p. 163-164.

175 Johansen H. C., « Et slesvigsk handelshus i det 18. arhundrede », Historie/Jyske Samlinger, no 17, 1987, p. 91.

176 Feldbæk O., « Caracas-spekulationen 1782-1783. Dansk neutralitetsudnyttelse under den amerikanske frihedskrig », art. cit., p. 168-170.

177 Klooster W., « Curaçao and the Caribbean Transit Trade », dans Riches from Atlantic Commerce, art. cit., p. 206.

178 Schnakenbourg E., « Sweden and the Atlantic: The dynamism of Sweden’s colonial projects in the eighteenth century », Scandinavian colonialism and the Rise of Modernity, op. cit, p. 231-232.

179 Rönnebäck K., « Socker och slavplantager i svensk historia », Global historia från periferin, op. cit, p. 112 et Evans C. et Rydén G., Baltic Iron in the Atlantic World in the Eighteenth Century, Brill, Leyde, 2007.

180 Högberg S., Utrikeshandel och sjöfart på 1700 talet, op. cit, p. 175-177.

181 Müller L., « Scottish and Irish Entrepreneurs in Eighteenth-Century Sweden », dans Irish and Scottish mercantile networks in Europe and Overseas, op. cit, p. 147-174.

182 AN, Affaires étrangères, B3/419, Lanmary à Maurepas 13 novembre 1744 et 13 juin 1747.

183 Riksarkivet, Kommerskollegium, Huvudarkivet, Skrivelser från svenska konsuler, huvudserie, E VI aa, vol. 347, « Réflection sur l’avantage du commerce de Suède », Jean-Christian Stierling, 22 septembre 1756.

184 AAE, CP, Suède, vol. 229, fol. 479, Havrincourt à Rouillé, 15 décembre 1755 et AN, Affaires étrangères, B3/419, Havrincourt à Machault, même date, et AAE, CP, Suède, vol. 230, fol. 301 et 331, Havrincourt à Rouillé, 16 et 30 avril 1756.

185 Il est certain que les Suédois ont bénéficié d’au moins quelques autorisations puisqu’en septembre 1757, l’ambassadeur Ulrich Scheffer adresse une lettre de remerciements à ce sujet à Moras pour des bâtiments suédois destinés à Saint-Domingue. Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 403, Scheffer à Moras 4 septembre 1757.

186 Pourchasse P., La France et le commerce de l’Europe du Nord au XVIIIe siècle, thèse, université de Bretagne Sud Lorient, 2003, p. 367.

187 Nordenskiöld U., Afhandling om nyttan för Sverige af handel och nybyggen i Indierna och på Africa, Stockholm, 1776, p. 2-3 et p. 44.

188 Essén Å., Johan Liljencrantz som handelspolitiker. Studier i Sveriges yttre handelspolitik 1773 – 1786, Lund, Gleerupska, 1928, p. 237.

189 Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 442, Creutz à Gustave III, 31 décembre 1778, et vol. 443, du même au même, 3 et 10 janvier 1779.

190 Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 443, Creutz à Gustave III, 16 mai, 10 juin et12 août 1779.

191 Hildebrand I., Den svenska kolonin S: t Barthélemy och Västindiska kompaniet from till 1796, Lund, Lindstedts, 1951, p. 4, 21-22.

192 AAE, CP, Suède, vol. 270, fol. 174, Chanceauline à Vergennes 26 avril 1779, également ibid., fol. 207, copie d’une lettre de Chanceauline à Creutz, 22 mai 1779.

193 AAE, CP, Suède, vol. 270, fol. 214, Vergennes à Chanceauline, 31 mai 1779.

194 AAE, CP, Suède, vol. 273, fol. 78, Creutz à Vergennes, 12 février 1781. La demande est acceptée par le secrétaire d’État à la Marine, ibid., fol. 88, Castries à Vergennes, 19 février 1781.

195 « Remarques pour servir d’éclaircissement aux listes ci jointes et observations relatives au commerce particulier de Goteborg et à celui de la Suède en général », 1781, par Delisle, AN, Marine, B3/418.

196 Hildebrand I., Den svenska kolonin S:t Barthélemy, op. cit, p. 315.

197 On retrouve ce type d’arguments dans un mémoire publié en 1784 intitulé « Förslag, till Nybyggens anläggande i Indien och på Africanska Kusten » (Projet pour la fondation de colonies aux Indes et sur la côte d’Afrique). Son auteur est le poète Johan Henrik Kellgren, proche de Gustave III, qui détaille des possibilités d’acquisition d’une île des Antilles et souligne les avantages que la Suède en retirerait, Elovson H., « Kolonialintresset I Sverige under slutet av 1700-talet », Samlaren, vol. 9, 1928, p. 208-209.

198 Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 445, no 101 et 103, Creutz à Gustave III, 25 et 29 novembre 1781.

199 Geffroy A., Gustave III et la cour de France, Paris, Didier et Cie, 1867, vol. 1, p. 377.

200 Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 465, n° 25, Staël von Holstein à Gustave III, 25 mai 1783. Quelques semaines plus tard, le diplomate dit avoir perdu « tout espoir de réussir » dans sa négociation sur Tobago, ibid., no 62, du même au même, 6 juillet 1783.

201 « Mémoire sur les raisons qui pourraient déterminer la France à céder à la Suède une isle en Amérique », juillet 1783, par Hennin, AAE, CP, Suède, vol. 275, fol. 329-331. Ce mémoire est adressé une année plus tard par Hennin à Staël von Holstein, AN, Affaires étrangères, B1/606, fol. 106-107, avril 1784.

202 « Remarques sur la manière la plus légale dont la cession de l’île de Saint Barthélémy à la couronne de Suède pourrait être effectuée », 7 juin 1784, ANOM, C10D 1.

203 Mémoire sans titre, de 1783, commençant par « Un établissement suédois dans les Antilles… », AN, Affaires étrangères, B3/419.

204 Essén Å., Johan Liljencrantz som handelspolitiker, op. cit, p. 231 ; « Note remise à M. l’ambassadeur de Suède » 20 février 1784, AN, Marine, B3/41 ; AAE, CP, Suède, vol. 276, fol. 47-48, Pons à Vergennes le 12 mars 1784.

205 Mémoire anonyme adressé à Castries, 10 mars 1784, AN, Affaires étrangères, B3/419, « Avis des députés du commerce sur la note communiquée sur l’entrepot offert par la Suède », 19 mars 1784, AN, Marine, B3/418. « Mémoire sur le droit d’étape ou d’entrepot accordé par la Suède au port de Gothembourg et la demande que fait cette puissance d’une possession aux Isles du Vent », Castries à Vergennes, 30 avril 1784, AN, Affaires étrangères, B3/419.

206 AN, Affaires étrangères, B3/419, Vergennes à Castries, 27 février 1784.

207 AAE, CP, Suède, vol. 276, fol. 73, Vergennes à Pons, 18 avril 1784, AN, Affaires étrangères, B1/606, fol. 113, Castries à Staël von Holstein, 7 mai 1784.

208 « Notes sur les isles qui sont dépendant des grandes Antilles » mars 1784, AAE, CP, Suède, vol 276, fol. 62-63.

209 AAE, CP, Suède, vol. 276, fol. 74-74, Castries à vergennes, 23 avril 1784.

210 Hauterive P.-L. (d’) et de Cussy F. de, Recueil des traités de commerce et de la navigation de la France, vol. 3, op. cit, p. 321-322.

211 AAE, CP, Suède, vol. 276, fol. 158, Vergennes à Pons, 4 juillet 1784.

212 Instructions de Gustave III avec la lettre du 27 mai 1784, Riksarkivet, Diplomatica, Gallica, vol. 466.

213 « Mémoire du l’isle de S : T Barthélemy », 4 septembre 1784, par l’officier suédois Victor de Stedingt et « Observations sur l’isle de St Barthelemy », par le chevalier de Durat, commandant par intérim de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, Riksarkivet de Stockholm, St Barthélemysamlingen, no 1/5 et 8. Le second n’est pas daté, mais il en existe une copie dans une lettre de Clugny, gouverneur de la Guadeloupe, datée du 6 août 1784, ANOM, C10D 1. Ce second rapport a probablement été rédigé par Durat peu avant le transfert de l’île à la Suède, Tigbrand P., « A Swedish Interlude in the Caribbean », Forum navale, no 57, 2002, p. 65.

214 « Aujourd’hui sept du mois de mars de l’an mil sept cent quatre-vingt-cinq à onze heure du matin, j’ai reçu pour Sa Majesté Suédoise l’isle de St Barthelemi et dépendances des mains de M. le chevalier de Durat, capitaine aide-major commandant par interim aux isles de St Martin et de St Barthelemi », Procès-verbal du transfert de Saint-Barthélemy, Riksarkivet, St Barthélemysamlingen, no 1/6.

215 Essén Å., Johan Liljencrantz som handelspolitiker, op. cit, p. 240-242 et Hildebrand I., Den svenska kolonin S: t Barthélemy och Västindiska kompaniet from till 1796, op. cit, p. 42.

216 « Par les pouvoirs donnés de Sa Majesté permettons à tous les batiments de toutes les nations l’entrée du Carénage situé à l’isle de St Barthelemi libre et à y porter toutes espèces de marchandises leur assurant qu’on n’exigera d’eux aucune espèce de droit plus qu’une demie gourde pour la sortie », Proclamation du gouverneur Rayalin, 16 avril 1785, Riksarkivet, St Barthélemysamlingen, 1/9. Le 7 septembre 1785, le lieu dit le Carénage, qui devient Gustavia à partir de 1787, est érigé en port franc. La proclamation est traduite en anglais et en français puis distribuée dans les îles voisines pour attirer les étrangers, Müller L., Consuls, Corsairs and Commerce, op. cit, p. 178.

217 Tarrade J., Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime, op. cit, p. 618.

218 Müller L., Consuls, Corsairs and Commerce, op. cit, p. 169.

219 Vidales C., « San Bartolomé : una colonia al servicio de la independencia », dans Suecia-Latinoamérica : relaciones y cooperación, dans Karlsson W. et alii (dir.), Stockholm, Latinamerikainstitutet, 1992, p. 25-33.

Table des illustrations

Légende Carte 2. – Les souverainetés aux Antilles à la fin du XVIIe siècle.
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Légende Carte 3. – Montechristi et Saint-Domingue.
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Légende Carte 4. – Les Petites Antilles à la veille de la guerre d’Indépendance américaine.
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Légende Graphique 2. – Évolution des droits d’entrée à Charlotte Amalie de 1775 à 1784 (en rigsdalers).
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Légende Carte 5. – Les Danois dans le grand commerce mondial de la fin du XVIIIe siècle.
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