Le chantier sylvestre
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Métiers des forêts
Tableau 5 La profession des ouvriers du chantier d’Abzac (1719-1731)

1Sur le chantier d’Abzac, comme sur beaucoup d’autres, se rencontrent quatre catégories d’ouvriers aux tâches en apparence nettement définies (tableau 5). Trois d’entre elles sont liées à la préparation du charbon. La fabrication du combustible incombe au charbonnier : il édifie la meule et surveille sa cuisson. C’est une opération délicate qui exige autant d’attention et d’expérience que d’habileté et de résistance physique. Un fourneau commun formé de 40 cordes de bois se consume très lentement : jusqu’à neuf jours si le bois est sec, douze s’il est vert1. Pendant ce temps, le charbonnier doit, toutes les deux ou trois heures, nuits comprises, contrôler l’évolution du brasier, hanté par les caprices du climat et les traîtrises du feu2. En amont règne le bûcheur, plus rarement appelé bûcheron ou coupeur de bois. Il a monté en cordes la charbonnette, ces rondins ou quartiers qui servent à bâtir la meule. C’est aussi lui qui les a débités après avoir procédé à l’abattage du taillis3. En aval, le charbon refroidi est confié au voiturier de charbon qui en remplit ses sacs et les achemine jusqu’au lieu de consommation.
2Quelques variations de vocable attestent de spécialisations plus étroites. On relève ainsi parfois la qualité de dresseur ou dresseur de fourneau qui désigne celui qui est chargé d’élever la meule sous les ordres du charbonnier. Selon Louis Robert de Beauchamp, maître de la forge de Verrières, le charbonnier « a ordinairement avec lui trois ouvriers, un dresseur à 3 sols par corde, un feuilleur à un sol par corde et un semainier à qui l’on donne 20 à 24 sols par jour ; il augmente le nombre de ses ouvriers en proportion des cordes qu’il a à faire cuire »4. La mention épisodique du dresseur laisse penser toutefois que le charbonnier s’acquittait souvent luimême de cette tâche5 ou que les deux fonctions étaient confondues par les rédacteurs des registres. Quant au feuilleur, il n’apparaît qu’une seule fois dans les actes : à Ruffec, en 1737, en la personne de François Paillé. La besogne qui consistait à recouvrir le fourneau d’une cache de feuilles, d’herbes et de terre est sans doute la plupart du temps confiée au dresseur ou à un ouvrier sans qualification particulière : François Paillé est, en effet, identifié comme « charbonnier » en 1738 puis comme « bûcheur », l’année suivante.
3L’état de sacquetier, enfin, qui, littéralement, s’applique au responsable du remplissage et du transport des sacs de charbon, est à l’évidence semblable à celui de voiturier6. L’administrateur de Verrières utilise ces qualités l’une pour l’autre et des individus les arborent indifféremment, sans doute au gré des habitudes lexicales du curé. La synonymie n’est d’ailleurs même pas assortie d’une nuance de régionalisme, les deux mots se retrouvant aussi bien en Poitou et en Berry qu’en Maine et Bretagne. Il existe toutefois une valeur d’emploi spécifique puisque le terme de sacquetier est absent des dictionnaires et révèle de ce fait un usage populaire. Notons, en outre, que le mot, courant à la fin du xviiesiècle, se raréfie ensuite et doit alors faire figure d’archaïsme.
4De même que le langage distingue, il lui arrive aussi à l’inverse de mêler, laissant penser que les frontières sont, parmi ces métiers des forêts, plutôt floues. Il existe ainsi une confusion entre les tâches du bûcheur et celles du charbonnier, spécialement sur le pourtour du Massif armoricain. Faut-il invoquer les rigueurs du climat hivernal dans ces pays du nord de la Loire ? Le charbonnier dans l’incapacité de cuire l’hiver, s’emploierait alors à faire son bois. Plus vraisemblablement, le flottement du lexique tient à ce qu’un même ouvrier bûche le bois, le dresse en meule et le charbonne. C’est une perméabilité similaire que l’on observe entre le charbonnier et le voiturier : Pierre Charpentier passe, par exemple, deux fois d’un état à un autre au cours de sa carrière. Mais l’exercice simultané des deux activités était sans doute encore plus fréquent. En 1680, le contrat d’engagement de François Livernaud, charbonnier à Saulnay7, par le fermier de la forge berrichonne de Corbançon, stipule ainsi que l’ouvrier devra servir « de son mestier de charbonnier à cuire les charbons et à ayder à les voiturer et aussi de la mine dans les halles desdits forge et fourneau avec le nombre de huict chevaux ou plus s’il peut »8. La double activité peut aussi plus curieusement associer en une personne l’abattage du bois et le transport du charbon. Du moins si l’on en croit le desservant de Mont-Saint-Jean9 qui, en 1668, qualifie Jean Laisné de « sacquetier et bûcheur ». Dans une certaine mesure, la plume des prêtres est donc le reflet d’une réalité souvent plus souple qu’il n’y paraît. Mais elle rend compte aussi d’un regard commun qui ne s’embarrasse pas forcément de détails pour singulariser ces gens des bois ; même si, de temps à autre, la présence d’un « maître charbonnier » vient souligner une préoccupation hiérarchique en distinguant le chef d’équipe de ses assistants.
5D’autres professions fréquentaient les chantiers pour se procurer le bois nécessaire à leur ouvrage. Entre Marche et Berry, les taillis hébergeaient ainsi la besogne de quelques tourneurs sur bois, des artisans qui modelaient dans les billes la fruste vaisselle du paysan avant que ne se diffuse la mode de l’étain puis de la faïence. En 1702, Michel Plaudet, « maître tourneur au bois de Brenne », près de Rivarennes10, en val de Creuse, est de ceux-là. Et c’est sans doute son fils, Léonard Plaudet, également tourneur, qui fait soucheàAzérables11 dans le deuxième tiers du xviiiesiècle.
6Les sabotiers, eux, se rencontrent surtout en Bretagne où, jusqu’à la fin du xviiie siècle, ils travaillent en suivant le déplacement annuel des coupes12. Dans le Maine et le Perche, leur présence n’est pas rare non plus. En 1679, « Jean Barbé, Pierre Lucas, Pierre Bounier, Pierre Duval et autres, leurs compagnons », creusent leurs sabots dans les bois de haute futaie dépendant du prieuré de Monguyon, en la paroisse de Placé13. C’est aussi là qu’ils vivent, à la saison de l’abattage du taillis c’est-à-dire en hiver afin de pouvoir façonner un bois vert. Un ou deux siècles plus tard, on retrouvera sans doute leurs descendants, doler, vriller et parer encore le hêtre ou le bouleau dans les clairières de la forêt de Mayenne. Mais un peu à l’image de Louis-François Pinagot, le sabotier de la Basse-Frêne14, ceux-ci auront quitté leur sommaire cabanon sylvestre pour un plus solide habitat de lisière.
7A une époque ancienne, dans les bois du Poitou et Berry, il s’est aussi trouvé des sabotiers. Migrants saisonniers, ils venaient de la Marche comme ce Pierre Mathé qui, avec son frère et son fils, s’est transporté vers 1470 de Cromac15 à la forêt de La Gâtine pour « mectre et convertir en botz certains boys » dépendants du prieuré de La Puye16. Les sabotiers marchois se firent ensuite plus discrets en Poitou mais continuèrent, en revanche, à fréquenter les massifs berrichons : un Genié Bassetié « de la paroisse d’Auradou près du Dorat en la Basse-Marche », travaillait « lors qu’il se portoit bien en la lande de Meillan avec les sabbothiers de son païs et de sa paroisse ». Le vicaire d’Arpheuilles17 lui administra les derniers sacrements le 1er mars 1615 dans la loge de son confrère Légier Canot. Ce flux semble à son tour s’être tari au cours du xviie siècle non sans alluvionnement marginal : en 1685, décédait dans le bois du Mez, sur la paroisse de Niherne18, Hélie Hérault, un sabotier « venu en cette paroisse depuis environ quinze ans et de la Marche depuis environ 25 ans ». L’activité serait restée plus longtemps une spécialité du Haut-Limousin d’où les sabotiers partaient l’hiver fabriquer et vendre leur production en Berry et en Poitou19 : cette migration n’a cependant pas laissé de traces en milieu forestier.
Tableau 6
Scieurs et chabins sur les chantiers du Haut-Poitou

8Autres travailleurs de bois brut, aguerris à une besogne rude et dangereuse, les scieurs de long fréquentèrent, en revanche, les coupes poitevines durant tout le xviiie siècle (tableau6).Certains étaient aussi appelés « chabins »,un terme qui désignait plus particulièrement l’équarisseur, c’est-à-dire celui qui taillait la grume à angle droit avant que le scieur ne la débitât en planches. On ne sait pas si les deux tâches étaient accomplies par le même homme ou si l’équarissage était réservé à des bras moins robustes mais plus adroits. Ce qui est sûr, c’est que chabins et scieurs voyageaient et travaillaient ensemble. C’est d’ailleurs une des caractéristiques de ces ouvriers que de ne pouvoir pratiquer leur art en solitaire, deux hommes au moins étant nécessaires pour débiter la bille, l’un juché sur le bois, l’autre en contrebas : chacun tirait l’un après l’autre la scie vers soi20. Les registres témoignent de ce travail d’équipe en signalant, lorsque l’un d’eux venait à mourir de cette vie rigoureuse, la présence de confrères, souvent des frères ou des cousins. Ce sont eux qui se chargeront de rapporter la triste nouvelle au pays vers la saint Jean avant de repartir, à l’automne, généralement par les mêmes chemins. Car le sciage sur ces grandes coupes du Poitou est encore l’exclusivité de migrants, mais de migrants temporaires. La région paraît accueillir surtout des ouvriers venus des monts du Forez dont on croise aussi la route de-ci de-là, depuis au moins les années 1660, indépendamment des grands chantiers d’abattage. Quelques uns prirent femme dans les familles de forestiers nomades21, épousant par la même occasion leur mode de vie, mais la plupart voisinèrent sans se mélanger.
9En Poitou et en Berry, scieurs et sabotiers n’appartiennent pas au peuple de la forêt, du moins tel que nous l’entendons. Ils vivent du bois mais ne vivent pas forcément dans les bois, et lorsque c’est le cas, cet asile n’est que temporaire, borné du moment où l’ouvrier voyageur va ramener les fruits de sa campagne au village, y retrouver ceux qui lui sont chers et reprendre ses outils de paysan le temps d’une récolte. Leur forêt est celle des frimas et des tapis de feuilles mortes. Ce n’est pas le cas pour les fendeurs, hôtes fidèles des ramures dégarnies comme des denses feuillées d’été. Spécialistes du débitage des billes en merrains, c’est-à-dire en bois de charpente ou en douves de tonneau, ils sont représentés à Abzac sous le nom de mérandier : le vocable, inconnu du lexique officiel, n’apparaît qu’en Angoumois et en Marche, sa variante merrainier, exceptionnelle, semblant plus particulière au Maine et à l’Anjou22. Dans la plupart des chantiers, les fendeurs de merrains sont présents aux côtés des ouvriers producteurs de charbon. Ils doivent plus précisément agir avant que le bois ne soit monté en corde. C’est ce que prévoit un contrat signé en 1665 entre Macé Moreau, marchand à Valençay23, et Louise Dubu, la maîtresse des forges de Bonneau : le vendeur cède « le bois propre à faire corde qui pourra estre dans le bois de Villaine » mais l’acquéreur ne pourra en disposer comme combustible « qu’après que les cordeurs auront passé » et « que ledit Moreau aura tiré le bois propre à faire sciage, écarissage et fendage »24. Robert de Beauchamp confirme cet ordonnancement dans ses instructions25 : « lorsqu’on abat les bois où l’on peut faire de l’ouvrage, il faut y passer les fendeurs, scieurs de long et autres ouvriers avant les bûcheurs »26
10La plupart du temps, tout ce monde travaille sous le contrôle d’un commis aux bois27. Nommé par le maître de la forge, l’homme est un ancien forestier qui sait lire et écrire. Sa tâche est de superviser la coupe : il doit être très attentif à l’emplacement des cordes et des meules ainsi qu’à la conformité des mesures de rondins et des sacs emplis de charbon. Il assure aussi la police de la forêt, effectuant des tournées régulières pour prévenir les incendies, les vols de bois et les conflits de tous ordres entre les ouvriers ou avec la population locale.
11Le chantier apparaît donc comme un îlot à l’hétérogénéité réglée et ordonnancée : des individus venus d’horizons différents, aux modes et aux rythmes de vie variés, s’y succèdent et s’y fréquentent. Il conviendra plus tard de vérifier comment cette réunion d’itinéraires hétéroclites engendre des amitiés, des mariages, des solidarités. Mais avant d’en arriver là, approfondissons encore notre définition du peuple des forêts. Affiner ses contours suppose, en effet, que nous nous interrogions sur le lien qui attache l’ouvrier à la destination majeure de son travail. Dans quelle mesure, la forge joue-t-elle un rôle dans la construction des identités forestières ?
Le fer et le bois. Un monde à l’extérieur des forges ?
12Nous avons eu l’occasion de signaler, dans le premier chapitre, la force d’attraction des forges sur les itinéraires. Dans la plupart des cas, en effet, l’exploitation massive et durable d’une forêt coïncide avec l’existence d’un haut fourneau établi dans ses alentours. « Une forge à fer engloutit tous les ans plus de bois converti en charbon qu’il n’en faut pour chauffer deux petites villes » selon Michel Robert, maître de forge à Verrières de 1756 à 179028. La forêt alimente donc la forge, laquelle offre ainsi les conditions de leur subsistance à une foule de travailleurs des taillis et des futaies. A ce titre, nos forestiers ne constitueraient que les premiers maillons d’une chaîne de production conduisant jusqu’au marteau de la chaufferie. Au même titre que les mineurs, ils fournissent une matière première. Certains auteurs distinguent donc dans l’aire métallurgique deux types de main-d’œuvre : les « ouvriers de l’intérieur » sont ceux qui s’activent autour du fourneau, les « ouvriers de l’extérieur » ceux qui préparent et transportent le combustible, le minerai et la castine.
13Cette distinction a probablement sa pertinence appliquée à certaines catégories de notre peuple des forêts. Nombre de voituriers sont notamment qualifiés par leur attache à l’établissement qu’ils ravitaillent : nous en reparlerons. Cela arrive aussi à certains cuiseurs de meule : ainsi ce Paul Ravisé, « charbonnier de la forge de Goberté », dont l’épouse décède à Bouresse en 1679 ou bien Jean Pellicot qui pendant plus de vingt ans n’a pas « exercé d’autres métiers que celui de charbonnier pour la forge de Monseigneur le duc de Mazarin »29. C’est, en revanche, tout à fait exceptionnel dans le cas de bûcherons : Antoine Sicard et Michel Bizot qui coupèrent entre 1738 et 1740 le bois des Fouillarges « pour la forge de Luchapt », sur le site de l’ancienne verrerie du Vigeant30, en constituent un exemple unique. Quant aux fendeurs, il va de soi que leur activité ne peut guère s’identifier à l’entreprise métallurgique puisque, comme nous venons de le suggérer, leur production est vendue par le propriétaire de la forêt ou l’adjudicataire de sa coupe à des artisans de la tonnellerie et de la construction31. Certains d’entre eux transforment d’ailleurs de leurs propres mains douves et planches en barriques et charpentes32. L’échelle que nous venons de dessiner décrit, en fait, un monde de l’extérieur qui semble diffuser le sentiment d’appartenance à la forge en radiations concentriques. Les ouvriers les plus liés à la forge sont les producteurs et les transporteurs du charbon, les plus éloignés coupent et préparent le bois.
14Autant dire que ce que nous appelons le peuple de la forêt ne s’assimile qu’imparfaitement à ce que les historiens de l’industrie nomment l’« extérieur de la forge ». Tout simplement parce que notre point de vue ne se définit pas en fonction d’un type de production mais plutôt d’une aire de production : l’espace forestier qui, si on reprenait cette terminologie, deviendrait du coup notre « intérieur ». Cet espace a été ensuite balisé par une autre composante essentielle de l’expérience des individus : le nomadisme professionnel. Le nomadisme trace, en effet, une frontière entre le peuple de la forêt et les métiers du bois sédentaires ou saisonniers. Mais il inclut aussi des ouvriers – les fendeurs – qui, travaillant un jour sur les coupes avec le personnel « externe » de la forge, se retrouveront un autre jour en compagnie de scieurs de long foreziens sur un chantier sans lien avec une quelconque entreprise métallurgique et d’où ne sort que le bois d’œuvre.
Le passeur de lisières
15L’appartenance forestière, de son côté, établit les limites que le déracinement permanent ne permet pas de poser entre les travailleurs du bois et ceux qui façonnent le fer. Et pourtant, là encore, la distinction entre l’extérieur et l’intérieur de la forge peut s’avérer flottante. Cela spécialement lorsqu’on s’attache au voiturier et à sa fonction. Car le rapport le plus évident entre forestiers et forgerons se réalise physiquement dans celui qui achemine le charbon jusqu’à la halle de la forge. C’est lui, de surcroît, qui doit généralement assurer le transport des autres matières premières. Ainsi, en 1683 à Corbançon, cinq voituriers demeurant dans la forêt de Bergère sont-ils engagés pour acheminer « chascun avec le nombre de leurs dix chevaux (...) incessamment et sans perdre de temps des charbons, mines et castines »33. Leur tâche est ici clairement confinée à l’approvisionnement du fourneau. Or, on sait qu’il existe aussi des charrois pour livrer le fer aux marchands des grandes villes ou, tout du moins, pour les conduire jusqu’à une rivière navigable. Les voituriers de charbon ou sacquetiers s’en chargeaient-ils ? La question devrait a priori être tranchée par la négative en raison de conditions de transport spécifiques : les sacs de charbon étaient habituellement chargés à dos de mulets ou de chevaux alors que l’expédition de la production nécessitait un attelage. Pour le charroi des fers, les responsables de la forge avaient donc probablement recours à des voituriers locaux34 ou à des itinérants qui n’habitaient pas la lisière des forêts mais plutôt le site même de la fabrique. Ce sont là encore les formules du registre qui nous guident : les « voituriers à la forge de Charneuil », près de Mauvières, les « voituriers à la forge de la Caillaudière » ou encore les « voituriers de la forge de Bonneau » appartiennent manifestement au monde de « l’intérieur » et, de ce fait, seraient plus proches des forgerons que des forestiers. L’expression « voiturier de fer » est toutefois trop rare35 pour qu’on puisse établir avec quelque constance un distinguo entre l’individu transportant les produits de la forge et celui véhiculant le combustible. Dans les papiers de la forge de Verrières, la famille des voituriers Martin apparaît aussi bien dans l’agenda de la vente des fers que dans les registres des mines et du charbon entre 1754 et 178436. Le même homme avait donc probablement les moyens matériels de passer rapidement d’une tache de roulage à une autre, d’autant qu’à Verrières le charbon était parfois amené de la forêt par voiture.
16Le contact qu’il assure entre des univers disjoints fait du voiturier l’homme des appartenances équivoques. Vivant dans la compagnie des forestiers ou parmi le personnel de la forge, il lui arrivait également de se rapprocher du monde paysan en s’installant à l’écart des coupes et des bâtiments ouvriers. Dans le Maine de la fin du xviiie siècle, Evelyne Robineau a remarqué que certains voituriers prenaient en sous-ferme des métairies ou des bordages dépendants de seigneuries à forges et en acquittaient le loyer en transportant fers, minerais, et charbons. Nous n’avons pas trouvé traces de telles conventions en Poitou. En revanche, il est arrivé que des voituriers se regroupent dans des villages avantageusement situés : au lieu-dit « les Forges »37, par exemple, sur le chemin qui relie le fourneau de Luchapt à Poitiers mais aussi à l’Angoumois et au Limousin via Confolens, s’est établie entre 1734 et 1770 une espèce de station de roulage qui assurait sans doute à la fois l’approvisionnement de Luchapt et l’écoulement de ses fers. La plupart des ouvriers qui l’habitaient avaient auparavant travaillé et vécu en forêt. S’il peut exister une différence de fonction entre le voiturier de charbon niché dans les bois et ce voiturier polyvalent qui gîte près de la forge, il n’en est en fait pas d’origine : le second étant le plus souvent un enfant de la forêt qui est sorti des ombrages38.
Les marges du terroir
17Le peuple des forêts regroupe donc des individus pour lesquels tout ou partie de l’existence s’est déroulée dans les marges boisées du terroir, lieu de la résidence aussi bien que du travail. Il existait certes des villages aux abords de la forêt. Pourtant, en Poitou et en Berry, les ouvriers passants ne se mêlaient qu’exceptionnellement aux paysans des fermes voisines. C’était une nécessité pour le charbonnier qui devait impérativement suivre de près, comme on l’a dit, l’édification et la cuisson du fourneau. Les autres choisissaient sans doute cette solution par commodité mais aussi parce que le transitoire n’a nul raison de s’abriter dans la pierre, au sein de campagnes au demeurant déjà pleines : le désir de vivre ensemble rencontrait là l’exclusion nécessaire des sols agricoles. Charbonniers et bûcherons sont donc « de la forêt » à Lussac, « demeurant dans le bois de Loubatière » à Arthon39.A Abzac, il est précisé qu’ils habitent « aux Cayanes de la forêt de Saint-Germain ». Ce terme de cayanes, visiblement dérivé du bas latin caya signifiant « demeure », est cependant peu commun : outre Abzac, on ne l’a rencontré qu’une seule fois, dans la paroisse voisine d’Asnières-sur-Blour, sous la forme de cayennes. Partout ailleurs, on préfère parler de loges, appellation générique applicable à toute sorte de « petit lieu serré où on se retire en quelques occasions »40.
18Pour savoir à quoi ressemblait ce frêle repaire, il ne faut guère compter sur les registres. Tout au plus nous permettent-ils de supposer qu’il pouvait se situer « dans la forêt » ou « dans le bois » et, si l’on en juge par l’emploi du pluriel, que les loges ou les cayennes regroupaient parfois plusieurs foyers. Quelques plumes de prêtres un peu bavards renseignent au passage sur la spontanéité de ces constructions : à Beaulieu-sous-Parthenay41, Pierre Dugenet est décédé le 14 mai 1735 « dans les habitations que ses confrères fendeurs de bois ont fait dans les bois de la Meilleraye ». Enfin, les termes de huttes ou de cabanes relevés incidemment témoignent de leur caractère rudimentaire. Dans le Maine, à Deux-Evailles42 en 1640, c’est un nommé François Pierre, fils de Michel Pierre qui voit le jour « dans une hute dans le bois de Brée ». Bien plus tard, au mois de mars 1777, et bien plus loin, à Saint-Sauvant43 en Poitou, c’est toujours « en une cabane construite dans une partie du bois du Roy » qu’accouche la femme du commis des adjudicataires.
19D’autres sources seront donc nécessaires pour étayer notre connaissance. L’emplacement des loges, d’abord, est généralement réglementé par les clauses des baux concédant les coupes. A Ardentes, en 1693, leur construction est permise dans les cantons exploités à condition qu’elles soient détruites à la fin du chantier pour ne pas gêner le repeuplement du site. Certains ouvriers établissaient donc leur abri au cœur de la forêt, dans une trouée d’arbres déjà existante ou qu’ils dégageaient eux-mêmes : ils n’avaient que quelques pas à accomplir jusqu’aux troncs qu’il fallait abattre, équarrir ou fendre… D’autres s’installaient plutôt en lisière, sur des terrains vagues pour ne pas concurrencer l’espace cultivable. Les loges d’orée concernaient surtout les voituriers qui avaient besoin d’une vaste étendue pour bâtir leurs écuries et faire paître leurs bêtes. Afin d’éviter tout litige, certains préféraient louer une prairie aux propriétaires du voisinage : ainsi Louis Desbleds qui en 1691 prit à ferme « les prés pour l’herbe et voictures » dépendant de la métairie du Goulay, près de la forêt de Bergère en Berry44. Ce confinement des mulets et chevaux visait aussi à les empêcher de pénétrer dans les jeunes coupes et d’y brouter goulûment les pousses45. Souvent sans succès : la répétition fréquente de ces dégâts et l’impuissance des gardes à les éviter, conduisirent certains maîtres de forges comme Robert de Beauchamp à proscrire la construction des loges de sacquetiers dans les bois exploités46. Cette évolution venait renforcer la dimension intermédiaire du voiturier de charbon qui tendit bien, tout au long du xviiie siècle, à se fondre à la société des bourgs et des villages.
20Pour les autres ouvriers, le directeur de Verrières préconise des dispositions plutôt souples. Il conseille, en effet, d’insérer dans les marchés de bois la « possibilité pour les charbonniers, fendeurs, scieurs de long, bûcheurs, dresseurs et tous ceux qui travaillent à l’exploitation de bâtir des loges à l’endroit qui leur convient le mieux et de les changer de place lorsque c’est nécessaire »47. On comprend dès lors que la localisation de l’habitat ne suit pas de norme. Des cabanons se dressent ça et là dans les bois, habitat dispersé et saisonnier, suivant la progression de la coupe. Il s’en construit aussi en bordure, associant plusieurs familles, peut-être regroupés par secteur d’activité professionnelle : c’est le cas près d’Ardentes où les voituriers et charbonniers occupent les loges de Dressais tandis que les bûcheurs peuplent celles de la Cueille. La forêt de Châteauroux offre d’ailleurs un exemple unique de « citéchampignon » pérennisé en lisière. Les premiers occupants sont arrivés dès 1667-1668, édifiant leurs huttes dans des terres vagues à l’est de la forêt, sur la paroisse de Saint-Martin d’Ardentes. Vers 1676-1677, l’affouage des fourneaux de Clavières par les cantons situés sur la paroisse de Lourouer provoque l’émergence d’un habitat spontané à la lisière nord, aux lieux-dits Grandmont et les Devises, tandis qu’à la même époque, l’ouverture d’un chantier à Arthon achève l’encerclement du massif par le sud. Cette « banlieue rurale », entre le terroir cultivable et la forêt, ne cesse par la suite de s’accroître. En 1737, les loges de Dressais et de la Cueille forment un énorme baraquement, vaste zone regroupant 85 foyers.
21L’aspect des huttes n’est jamais décrit. On sait qu’elles étaient de petite taille car il convenait de ne pas trop perdre de bois dans leur construction. Les photographies de la fin du xixe ou du début du xxe siècles livrent peut-être une image fidèle à la réalité de l’Ancien Régime, quoique manifestement théâtralisée. On y voit des familles posant fièrement avec ustensiles, outils et litrons devant des tanières coniques dressées sur perches ou des cahutes trapézoïdales, clayonnées autour de quatre pieux et appelées « cul de loup ». Toutes sont tapissées de mottes de gazon et de ramée. Plus rarement, la baraque a été bâtie de planches ou de rondins mal ajustés. Cet habitat de fortune n’a bien sûr laissé aucune trace matérielle. Mais son souvenir a surmonté la fragilité des matériaux et la fluidité du temps à travers les multiples hameaux « Les Loges », fossiles d’une activité perdue, voire d’une forêt disparue.
Rythmes et effectifs
22C’est généralement au milieu de l’automne ou au début de l’hiver qu’apparaissent les forestiers étrangers dans les registres (tableau 7). Les froidures marquent traditionnellement le début des travaux d’abattage et il n’est pas surprenant que les premiers noms cités concernent exclusivement des bûcheurs, mais aussi des fendeurs dont on a vu qu’ils avaient la priorité sur les autres spécialistes pour sélectionner et travailler le bois d’œuvre.
Tableau 7
L’ouverture des principaux chantiers pour les forges du Haut-Poitou

23Les charbonniers arrivaient plus tard : il fallait, en effet, attendre que le bois ait séché au moins deux mois avant de le cuire. Surtout, l’hiver était fort peu propice à une bonne carbonisation en raison des vents et des pluies mais aussi parce que la gelée, en durcissant la terre, entravait le pelletage et l’aménagement de la « place ». Robert de Beauchamp signale toutefois qu’on pouvait bâtir des fourneaux en hiver à condition de les protéger d’un feuillage plus épais. En Poitou et en Berry, les gelées moins fortes qu’au nord de la Loire rendaient peut-être possible une activité toute l’année. Les relevés nominatifs sur le chantier d’Abzac semblent aller dans ce sens : les charbonniers, en tout cas, ne quittent pas la forêt avec la mauvaise saison48. Les derniers à s’affairer sur les coupes étaient les voituriers de charbon. Selon Robert de Beauchamp, la meilleure période pour transporter les provisions d’hiver du fourneau se situait en septembre et en octobre : après, les pluies rendaient vite les chemins impraticables et les bêtes, nourries d’une herbe moins riche et moins abondante, perdaient de leur vigueur. A Abzac, entre 1719 et 1731, les voituriers étaient encore logés dans la forêt et y passaient, eux aussi, toute l’année.
24Pendant quelques années, la paroisse se grossissait donc d’un nombre variable de nouveaux occupants. L’estimation de cet apport démographique est délicate compte tenu du flux incessant des arrivées et des départs et de l’absence de listes ou de dénombrements du personnel. Les registres paroissiaux ne donnent qu’un aperçu global qui doit être rapporté à la durée de l’exploitation. Au minimum, les chantiers produisant le combustible pour les forges accueillent de dix à quinze paires de bras (tableau 1 de l’annexe 1). Les plus gros, généralement étalés sur dix ans et plus, voient passer trente à cinquante forestiers : c’est le cas à Saulnay en Berry, à Leugny ou encore à Lauthiers à la fin du xviie siècle. Quelques décennies plus tard, à Abzac, le nombre de travailleurs recensés est de 37 pour une exploitation qui dura une douzaine année : l’intensité de l’activité fut, semble-t-il, très inégale et atteignit son point culminant en 1722 avec 27 ouvriers présents sur la coupe. Mais c’est incontestablement la forêt de Lussac qui est la plus fréquentée. On y a dénombré entre janvier 1687 et mars 1697 au moins 56 ouvriers. Si l’on considère que la grande majorité d’entre eux étaient accompagnés de leurs femme et enfants, on peut raisonnablement penser que 200 personnes étrangères, au bas mot, ont durant cette période fréquenté une paroisse qui ne comptait alors sans doute pas plus d’un millier d’âmes. La chute brutale des courbes démographiques après les dernières coupes reflète directement le retour à l’étiage des flux migratoires (graphique 2).
Graphique 2
Moyenne des baptêmes par tranches décennales à Lussac-les-Châteaux de 1690 à 179949.

Vers les chantiers « invisibles »
25A partir du milieu du xviiie siècle, de telles invasions sont devenues exceptionnelles en Poitou. Les chantiers où s’installaient en masse bûcherons, fendeurs et cuiseurs prennent place dans les trente ou quarante années qui suivent la renaissance ou l’établissement d’un fourneau. Aucune création industrielle de ce type n’étant intervenue après celle de Luchapt, les campagnes d’exploitation mobilisant une main d’œuvre importante sont, après 1740, de plus en plus vouées à la production de bois de construction ou de marine (tableau 1 de l’annexe 1). Ce n’est pourtant pas que les chantiers à débouchés métallurgiques disparaissent : entre 1756 et 1775, la révolution des coupes des forêts appartenant au duc de Mortemart, propriétaire de la forge de Verrières, a produit 40 663 cordes. Du coup, le changement ne peut venir que d’un nouveau comportement de la main d’œuvre. Depuis maintenant plus de 80 ans que la sidérurgie a été relancée en Poitou, une partie de la troupe forestière s’est stabilisée. Quant à la population locale, elle s’est acclimatée aux besognes sylvestres. Lorsqu’il a besoin d’ouvriers, le commis en charge de l’exploitation de la forêt de Verrières peut recruter dans les paroisses riveraines où vit une population de spécialistes sortis du cru ou sédentarisés. Quand la coupe est plus lointaine, l’absence de compétences sur place est comblée par le recours à des forestiers qui ne sont plus des nomades mais des saisonniers. Le chantier n’est pas lisible dans le registre paroissial dès lors que ses occupants y viennent sans leur famille : sans baptême et sans mariage, l’effet de masse s’atténue alors que la main d’œuvre est, elle, peut-être toujours aussi nombreuse.
26Une partie du peuple des forêts a terminé son exode en Montmorillonnais et s’est progressivement convertie à la migration temporaire ou à un semi-nomadisme localisé. On reviendra plus tard à ce phénomène et à ses incidences sur les stratégies familiales et le devenir social des lignées forestières. Pour le moment, s’impose l’idée que le Poitou reproduit avec un siècle de retard sur le Maine et plus de cinquante ans sur le Berry, ce qui s’est passé dans ces provinces où la tradition métallurgique est plus ancienne. Dans le Maine, les derniers chantiers définis dans le temps par un recours en nombre à une force de travail étrangère sont localisés à Placé et surtout vers 1650 dans la forêt de Charnie près de laquelle les religieuses d’Etival avaient fait édifier le fourneau de la Cosnuère50. C’est aussi l’époque où l’habitat précaire se raréfie : dès 1660, nombreux sont autour de la forêt de Mayenne, les forestiers qui résident dans des villages, y ayant pris à ferme maisonnette et jardins51. La clôture séparant le monde des bois de celui des champs est là déjà bien affaissée… Le Berry suit de près, où les traces d’exploitation forestière par des vagues ouvrières itinérantes commencent à s’étioler autour de 1700. A cette date, enfin, le village de Reffannes, au cœur de la Gâtine poitevine, est presque entièrement peuplé de charbonniers et de voituriers employés dans la forêt de la Saisine pour la forge de la Meilleraye construite vers 1645.
27Plus de quarante ans après l’essor industriel d’une région, la population forestière y présente donc nécessairement un caractère d’endémie : le seuil optimal des besoins une fois atteint, les spécialistes doués ou audacieux peuvent aller exercer leur art dans des zones de métallurgie pionnière, où les compétences forestières sont rares et rudimentaires, exportant du même coup plus loin le chantier familial et nomade. C’est ce schéma qui a sous-tendu bien des parcours individuels, se déversant en cascade entre le Maine et la Touraine, la Touraine et le Berry, le Berry et le Poitou, entrecoupant les déplacements lointains de longues phases de stabilité autour de sites prospères comme Château-la-Vallière ou Ardentes.
Notes de bas de page
1 Rigoley, Mémoire sur l’art du charbonnier, 1775, cité par Chamand (Paul), Forges de « Verrières », op. cit., p. 23.
2 L’Ordonnance des Eaux et Forêts de 1669 (titre XXVII) et la Déclaration du 13 novembre 1714 interdisaient la transformation du bois en charbon dans les forêts par crainte des incendies et obligeaient les charbonniers à construire leurs meules à l’écart des bois. Cette législation était cependant régulièrement contournée, soit par infraction, soit par le biais des permissions exceptionnelles (cf. Dumontet (Eric), La maîtrise des Eaux et Forêts de Poitiers de la Réformation à la Révolution, 1661-1790, op. cit., p. 182).
3 Il était aussi chargé d’un labeur plus délicat et plus périlleux : abattre les grands arbres de la futaie qui serviraient à façonner du bois d’œuvre.
4 Robert de Beauchamp (Louis), Réponses au programme de questions proposées aux maîtres de forges, 1774, texte cité dans Chamand (Paul), Forges de « Verrières », op. cit., p. 184.
5 Comme le recommande Louis Robert de Beauchamp (« Instructions et mémoires concernant les fonctions des maîtres de forge à fer et de leur commis », 1774, texte cité dans Chamand (Paul), Forges de « Verrières », op. cit.,p. 201).
6 Les « muletiers » sont rares : cette dénomination a été utilisée par le desservant de Beaulieu-sous-Parthenay, entre 1654 et 1663, dans les débuts de la forge de la Meilleraye.
7 Indre, arrondissement du Blanc, canton de Mézières-en-Brenne.
8 Arch. dép. Indre, 2 E 5354, engagement du 28 avril 1680.
9 Sarthe, arrondissement du Mans, canton de Sillé-le-Guillaume.
10 Indre, arrondissement du Blanc, canton de Saint-Gaultier.
11 Creuse, arrondissement de Guéret, canton de La Souterraine.
12 Duval (Michel), Forêt et civilisation dans l’Ouest au xviiie siècle, op. cit., p. 11.
13 Arch. dép. Mayenne, 3E29/71. Placé : Mayenne, arrondissement de Mayenne, canton de Mayenne Ouest.
14 Corbin (Alain), Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Paris, Flammarion, 1998, p. 110-114.
15 Haute-Vienne, arrondissement de Bellac, canton de Saint-Sulpice-les-Feuilles.
16 Champagne (Alain), L’artisanat rural en Haut-Poitou (milieu xive-fin xvie siècles), op. cit., p. 491.
17 Cher, arrondissement de Saint-Amand-Montrond, canton de Charenton-sur-Cher.
18 Indre, arrondissement de Châteauroux, canton de Châteauroux Ouest.
19 Kiener (Michel), Peyronnet (Jean-Claude), Quand Turgot régnait en Limousin. Un tremplin vers le pouvoir, Paris, 1979, p. 131.
20 Sur la profession de scieur de long, on consultera avec profit les travaux d’Annie Arnoult (La Grande histoire des scieurs de long, Sauvain, collection « Les scieurs de long du Massif Central », 2001, 2 tomes).
21 A Moulismes, en Montmorillonnais, le 14 février 1774 JeanBaptiste Collonge, scieur de long natif du village de « Goutte Bernon, paroisse de Lavalat, diocèse de Lyon » épousait Jeanne Lerouge, fille de bûcheron, descendante d’une famille de forestiers originaire du Bas-Maine. Installé au bourg de Moulismes depuis 1772 environ, il devait y rester jusqu’à sa mort le 28 novembre 1791.
22 René Grevet et Louis Lemoyne sont ainsi désignés à Saint-Denis d’Orques en 1689 et 1690 (actuel département de la Sarthe) ; il en va de même pour Julien Leclerc et René Vincent à Chanveaux (Maine et Loire) en 1669 et 1670.
23 Indre, arrondissement de Châteauroux, chef-lieu de canton.
24 Arch. dép. Indre, 2E 6437, vente du 2 janvier 1665.
25 Robert de Beauchamp (Louis), « Instructions et mémoires concernant les fonctions des maîtres de forge à fer et de leur commis », 1774, texte cité dans Chamand (Paul), Forges de « Verrières », op. cit., p. 191.
26 Cette formulation laisse penser que mérandiers et scieurs couchaient eux-mêmes leurs arbres. Ce qui permettrait de comprendre l’absence de bûcheurs sur certains chantiers qui, comme à Vouzeron ou à la Celle-Bruère, en Haut-Berry, ne mobilisent que des fendeurs. L’hypothèse est confirmée par ce marché passé entre le notaire poitevin Jean Decressac et le scieur de long lyonnais Mathieu Chavancrin, lequel « s’est chargé d’abbattre le bois (…) avec Labsy, fendeur, bien conformément à l’ordonnance et d’escarir tout le bois de sciage après que le fendeur aura pris celluy propre à la fente » (Arch. dép. Vienne, SAO 282, livre journal de Jean Decressac (1730-1785), marché du 28 novembre 1737).
27 La présence d’un commis sur les chantiers concerne surtout le Poitou et le Berry. Dans ces provinces, elle n’est d’ailleurs pas vérifiée partout.
28 Robert (Michel), Méthode pour laver et fondre avec économie les mines de fer relativement à leurs différentes espèces, 1757, texte publié par Chamand (Paul), Forges de « Verrières », op. cit., p. 101. Michel Robert avait pris à ferme la forge de Verrières, conjointement avec son frère cadet Louis Robert de Beauchamp, en 1756.
29 Mairie de la Ferrière-en-Parthenay, registre paroissial, mariage de Nicolas Aguillon et de Renée Tardiveau, 25 septembre 1704.
30 Vienne, arrondissement de Montmorillon, canton de l’Isle-Jourdain.
31 Le fendeur reçoit un salaire de son employeur mais peut aussi être rétribué en nature comme dans cet accord de 1675 qui s’apparente à un bail à moitié fruits : Macé Moreau, un marchand de Valençay, baille à Macé Quartier, fendeur de bois, les bois « propres à faire merrain » qui lui appartiennent dans les forêts du marquisat de Mézières « à la charge pour ledit Quartier de faire à ses frais du bardeau desdits bois et de le partager par moitié entre ledit Moreau et ledit Quartier » (Arch. dép. Indre, 2E 5349, minutes de Pain, notaire à Mézières-en-Brenne, 10 janvier 1675).
32 Citons, par exemple, Charles Teinturier, « fendeur et tonnelier » sur le chantier de la forêt de Moulière, à Bignoux, en 1730 (Arch. dép. Vienne, E 4/23/141, minutes Louis Darbez, contrat de mariage du 3 septembre 1730).
33 Arch. dép. Indre, 2E 5357, contrat d’engagement du 10 janvier 1683.
34 Le bourg de Liglet, aux confins du Berry et du Poitou, était dès la fin du xviie siècle ainsi peuplé d’une foule de voituriers et marchands voituriers qui travaillaient manifestement pour la forge toute proche de la Gâtevine.
35 Le seul que nous connaissions est un dénommé Joseph Touchard, présent avec cette qualité en 1738 à Verrières.
36 Chamand (Paul), Forges de « Verrières », op. cit., p. 21, 24, 143.
37 Commune de Millac, Vienne, arrondissement de Montmorillon, canton de l’Isle-Jourdain.
38 On peut citer le cas de la famille Etève qui vers 1715 quitte la forêt pour s’installer dans des villages proches de la forge de Verrières. Jacques Chabenat, lui, a été successivement l’hôte de sites de forges, de loges et de hameaux entre 1715 et 1741. D’une manière générale, le cordon qui lie le voiturier à la forêt est plus solide lorsqu’il exerce aussi le métier de charbonnier : cela n’empêchera cependant pas Pierre Charpentier et Louis Mathé de sortir des bois vers la fin de leur vie.
39 Indre, arrondissement de Châteauroux, canton d’Ardentes.
40 Furetière (Antoine), Dictionnaire universel, 1690, t. ii, p. 481.
41 Deux-Sèvres, arrondissement de Parthenay, canton de Mazières-en-Gâtine.
42 Mayenne, arrondissement de Laval, canton de Montsûrs.
43 Vienne, arrondissement de Poitiers, canton de Lusignan.
44 Arch. dép. Indre, 2E 5337, Delatremblaye, notaire du marquisat de Mézières, 6 mai 1691.
45 Tournaire (Jacques), Les forges de Clavières, op. cit., p. 12.
46 Robert de Beauchamp (Louis), « Instructions et mémoires concernant les fonctions des maîtres de forge à fer et de leur commis », 1774, texte cité dans Chamand (Paul), Forges de « Verrières », op. cit., p. 204.
47 Ibidem, p. 199.
48 Maurice Depasse est ainsi présent sur le chantier en novembre 1720, février et décembre 1721, novembre 1722 et janvier 1724.
49 Auger (Virginie), Lussac-les-Châteaux au xviiie siècle. Etude démographique et généalogique, mémoire de maîtrise, sous la direction de Sébastien Jahan, Université de Poitiers, 1999.
50 Ou la Connaire, commune de Chemiré-en-Charnie, Sarthe, arrondissement du Mans, canton de Loué.
51 Arch. dép. Mayenne, 3E29/67 : bail d’une maison et de deux jardins au lieu de Lessard, paroisse de Placé, à Jean Souhard, bûcheur (21 juin 1665), bail d’une maison et d’un jardin à la Garde, paroisse de la Bigotière, à Jean Lemercier, bûcheur (21 juin 1665).
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