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Lyon et la mer au XVIIIe siècle

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Olivier Le Gouic

Chapitre I. Un héritage : le commerce atlantique de Lyon aux XVIe et XVIIe siècles

Texte intégral

  • 1 Montenach A., Espaces et pratiques du commerce alimentaire à Lyon au XVIIe siècle, Grenoble, 2009, (...)
  • 2 Giustiniani M. A., La politique économique de Colbert, 1668.
  • 3 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 49.

1Alors que le Grand Siècle approche de son crépuscule et qu’on élève à Lyon une statue équestre à la gloire du Grand Roi, sur cette « belle cour » rebaptisée du nom de Louis-le-Grand, que l’auguste souverain offrit en 1658 au Consulat de la ville – à condition toutefois qu’aucun d’édifice, pour quelque raison que ce soit, n’y fût jamais bâti – la glorieuse époque des foires est révolue et le siècle de la soie n’en est qu’à ses prémices. La ville de Lyon semble s’être repliée sur elle-même du fait du recul du grand commerce et de l’activité bancaire qui firent de la ville l’une des principales places européennes d’un XVIe siècle révolu. Les foires se sont endormies mais, plus que jamais, « le commerce est partout1 » : boutiques innombrables, bancs et étals qui encombrent les rues et les ponts, indispensables marchés qui envahissent les places ou halles imposantes comme celle de la Grenette, près de l’église Saint-Nizier, ou celle de la poissonnerie, construite après 1670 sur la place de la pêcherie, tous témoignent ensemble d’une grande vitalité du commerce, licite ou non, et de l’intense activité de tous ceux qui l’animent, petits marchands et boutiquières, revendeurs et revenderesses, sédentaires, marchands forains ou colporteurs. D’abord centré sur le Lyonnais et les provinces circonvoisines du Dauphiné, du Bugey, de la Bresse et de la Dombes, du Beaujolais et du Forez, l’espace commercial de Lyon couvre une large partie de l’est du royaume incluant, outre la Bourgogne, la Franche-Comté nouvellement annexée et l’Auvergne, la Provence et le Languedoc, avec une excroissance majeure en direction de Paris, à laquelle la relie la vallée de la Saône. Au-delà, les provinces du nord et de l’ouest s’inscrivent dans une périphérie éloignée avec laquelle Lyon n’entretient, à en croire Pierre Léon et tous ceux qui, dans son sillage, ont étudié le commerce lyonnais, que des relations « secondaires ». Certes, les grandes places portuaires de l’époque, Nantes, Rouen, la Rochelle et, dans leur ombre, Saint-Malo, Bordeaux et Bayonne, sont demeurées dans l’orbite commerciale lyonnaise ou l’ont intégrée mais, en aucun cas, elles ne peuvent prétendre rivaliser avec Paris, Marseille ou Montpellier par l’intensité des relations commerciales et financières établies. Pourtant, alors que l’atlantisation des économies européennes s’affirme de plus en plus et que se posent, outre-mer, tant aux Indes occidentales qu’aux Indes orientales, les fondements d’une économie coloniale qui a pour objet de fournir aux métropoles « sucres, peaux et beaucoup d’autres marchandises [et produits] connus pour être les plus nécessaires à l’homme2 », une ville de l’importance de Lyon, dont la population triple pratiquement au cours du XVIIe siècle, ne peut ignorer ni subir d’une manière ou d’une autre le contrecoup du formidable élan qui s’apprête à emporter les économies portuaires du Ponant, et ce d’autant qu’à la belle époque de ses foires elle avait déjà su s’ouvrir « sur les larges horizons de l’Occident et du Monde3 ».

  • 4 Pétré-Grenouilleau O., op. cit., p. 31-32.

2Parmi les grandes places portuaires du royaume qui, les premières, tirent avantage du take-off atlantique qui accompagne la révolution sucrière antillaise, Nantes connaît une croissance très rapide. En quelques années, entre 1680 et 1687, le nombre de navires armés annuellement pour les colonies y passe de 20 à 73. La Rochelle, qui arme 273 bâtiments vers les Îles, la Nouvelle-France et les comptoirs africains entre 1670 et 1679, n’est pas en reste, tout comme Saint-Malo qui en affrète 610 à destination des Antilles entre 1674 et 1697, tandis que Bordeaux suit le mouvement, mais plus lentement4. Rouen ferme la marche. À l’exception de Saint-Malo, des relations entre Lyon et chacun de ces ports sont attestées depuis le temps des foires. Limitées alors à l’approvisionnement de la cité du Rhône en épices atlantiques, en laines d’Espagne et en productions des îles britanniques, elles connaissent un réel renouveau à partir des années 1680 et imposent d’emblée Nantes comme le principal partenaire atlantique de Lyon.

Premiers contacts avec l’Atlantique : Anvers, Rouen et l’ouverture sur le Nouveau Monde (XVIe siècle)

  • 5 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 123.
  • 6 Ibid., t. 1, p. 88.
  • 7 Ibid., t. 1, p. 90.

3Si Nantes fait figure de premier partenaire atlantique de Lyon à l’orée du XVIIIe siècle, l’ouverture de notre ville au grand commerce maritime et aux vastes horizons océaniques est d’abord passée, au XVIe siècle, par Anvers et par Rouen. Alors que les foires de Lyon rayonnaient sur toute l’Europe, le port flamand, véritable capitale économique de l’Europe du nord, leur fournissait, outre une gamme très étendue de toiles, de draps et de divers articles textiles de Flandre et d’Angleterre qui, à eux seuls, représentaient près des trois quarts des importations anversoises5, les « épices atlantiques » que les Portugais faisaient venir des lointaines Indes et qui seraient apparues pour la première fois sur les bords de la Saône en 1508, sous l’appellation de « poivre de Flandres6 ». Jusqu’à la promulgation, en 1540, d’un édit de François ier réservant aux seuls ports maritimes du royaume l’importation des épices, Anvers fournit jusqu’à 25 % des balles négociées aux foires de Lyon et peut prétendre concurrencer Marseille qui, de son côté, grâce à ses importations levantines, les approvisionne à hauteur de 45 %, les 30 % restant arrivant essentiellement par l’Italie, par l’entremise des incontournables marchands génois et vénitiens7. L’installation de marchands flamands sur la rive droite de la Saône, où une « rue des Flandres » débouche sur la porte de Pierre-Scize, au-delà de laquelle commence la grande route qui permet de rallier les Pays-Bas, témoigne du dynamisme du courant d’échanges qui s’établit alors entre Lyon et les bords de la mer du Nord, d’où continuent à arriver les marchandises de Flandres et d’Angleterre, ainsi que du sucre, en provenance de Lisbonne et de Séville.

  • 8 Bayard F., « Les Bonvisi... », op. cit., p. 1234.
  • 9 Ibid., p. 1246.
  • 10 Ibid., p. 1260-1261.

4Mais les événements politiques et la dégradation des relations entre l’Espagne et ses provinces septentrionales viennent tout remettre en question. À partir de 1566-1567 les troubles qui secouent les Pays-Bas annoncent en effet la décadence d’Anvers avec, bientôt, le blocage de l’Escaut en 1583, puis le siège et le pillage de la ville par les troupes d’Alexandre Farnèse en 1585. Ces désordres entraînent alors le glissement vers Rouen d’une partie des activités anversoises, en particulier son rôle d’entrepôt du commerce d’Espagne. Le port normand, où se sont installés des marchands flamands, devient à son tour une porte d’entrée privilégiée pour les produits des Indes espagnoles et le point de passage obligé pour la plupart des effets destinés au marché américain. Pour constituer leurs frets, les marchands rouennais et les commissionnaires espagnols qui s’installent dans la ville se tournent alors vers le grand centre de redistribution européen qu’est devenu Lyon, pour s’approvisionner en toiles, soieries, articles de mercerie, papier, livres, mais aussi quincaillerie et coutellerie d’Auvergne et du Forez qu’ils font acheminer par la Loire et la Seine jusqu’à leurs magasins. Balles et ballots sont ensuite chargés sur des navires à destination de Séville, où les Rouennais deviennent bientôt la première communauté française établie sur les rives du Guadalquivir et où, avec les Flamands, ils contrôlent presque l’intégralité du trafic entre l’Andalousie et l’Europe du nord-ouest. Aussi est-ce par l’intermédiaire du port de Rouen, et non par celui de Nantes, qui n’offre alors qu’un accès indirect à Séville, via Bilbao et les foires de Castille, qu’au cours des trois dernières décennies du XVIe siècle la route du Nouveau Monde s’ouvre aux marchandises lyonnaises. Rien d’étonnant donc à retrouver Rouen en bonne place dans l’aire commerciale des Bonvisi, les plus entreprenants des marchands italiens de Lyon, « la plus riche famille de la ville et la plus prestigieuse8 » qui, en s’engageant dans le commerce d’Espagne, trouvent, à partir du port normand, de formidables opportunités pour envoyer rapidement leurs marchandises vers Séville9, au point qu’en 1595 Antoine Bonvisi envisage de créer à Rouen même, en association avec un marchand de Thiers et avec la participation des Ruíz ou des Torre y Aldona de Séville, une compagnie de commerce afin d’exporter des toiles vers le port andalou et rapporter en retour des laines, des huiles, des épices et de la cochenille. Malheureusement le projet fait long feu quand le roi d’Espagne refuse d’accorder les autorisations et sauf-conduits nécessaires à l’entreprise10.

  • 11 Bottin J., « La redistribution des produits américains par les réseaux marchands rouennais (1550-1 (...)

5Devenue pour « le premier véritable entrepôt du royaume sur la façade atlantique » le commerce des produits américains, Rouen joue dorénavant un rôle majeur dans la redistribution des cuirs d’Inde, du sucre, de la cochenille et des bois de teinture, « parfois assez loin à l’intérieur du royaume11 ». Pour les produits de teinture comme pour le sucre, Lyon devient certainement un marché de premier plan pour les marchands rouennais, autant que Paris et Troyes, plus encore que Tours. Malheureusement, les circuits de redistribution sont difficiles à saisir, tout comme il est impossible d’évaluer la quantité de marchandises américaines qui, de Rouen, gagnent les rives de la Saône. Cependant, il ne nous paraît guère risqué d’avancer l’hypothèse que le renforcement de la position de Rouen sur les grands itinéraires du commerce atlantique au début du XVIIe siècle entraîne une augmentation du trafic entre le port normand et un marché lyonnais alimenté par la voie de la Saône, laquelle demeure la première des grandes artères qui relie alors Lyon à l’espace atlantique, devant la Loire et la route de Limoges qui, de leur côté, permettent de rallier les principaux ports du Ponant que sont alors Nantes, La Rochelle et Bayonne, autres relais de ce « commerce d’Espagne » qui ouvre devant notre ville les larges horizons de la mer océane.

Les partenaires atlantiques du commerce lyonnais à la fin du XVIIe siècle

Lyon et Nantes : du commerce d’Espagne au commerce des Îles

  • 12 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 119 et 139.
  • 13 Ibid., t. 1, p. 118.
  • 14 Ibid., t. 1, p. 80.
  • 15 Bayard F., « Les Bonvisi... », op. cit., p. 1242 et 1243 et p. 1245-1246.

6Les premières liaisons entre Lyon et Nantes s’établissent dans la deuxième moitié du XVIe siècle, après le traité du Cateau-Cambrésis (1559) qui rétablit la paix entre la France et l’Espagne. Aussitôt, le commerce entre les deux royaumes connaît un essor rapide, d’autant qu’au-delà du seul marché espagnol c’est tout l’espace hispano-américain qui entrouvre ses portes aux produits venus de l’autre côté des Pyrénées. Les nouvelles opportunités offertes par le royaume de Philippe II et ses colonies pourvoyeuses d’argent et avides de marchandises européennes n’échappent pas aux marchands lyonnais, et les échanges avec la péninsule qui, semble-t-il, n’avaient jamais cessé, se renforcent. S’appuyant sur les puissants réseaux d’affaires auxquels ils appartiennent, réseaux qui ont des ramifications jusque sur la façade atlantique, les puissants marchands italiens qui dominent alors l’économie lyonnaise sont certainement les premiers à faire partir des marchandises vers l’Espagne, bientôt imités par leurs confrères du crû qui, jusqu’alors, se consacraient plutôt à la redistribution des draps et des toiles ainsi qu’à la revente des soies et des épices dans le royaume et qui, avec l’ouverture du marché espagnol, saisissent la chance qui se présente à eux pour élargir leurs activités au-delà du marché intérieur. Au cours de cette deuxième moitié du XVIe siècle, les échanges entre Lyon et l’Espagne se font à l’avantage très net de Lyon, puisque les importations, qui restent très faibles, ne représentent, d’après les registres du nouveau droit de 6 deniers par livre de 1569, que 0,6 % du total des marchandises entrant dans la ville12. C’est que ni les laines ni la soie espagnoles ne correspondent alors aux besoins des fabricants lyonnais, et la liste des marchandises espagnoles dressée par Richard Gascon à partir du registre de 1569 ne mentionne que « quelques soieries de luxe : des velours de Navarre ; quelques balles de maroquins et de chats d’Espagne [tandis que] les deux principales matières premières, le safran et la soie crue, entrent en quantités infimes : 8 balles de safran dont une de Catalogne et 6 balles de soie13 ». Par contre, les marchés ibériques sont très demandeurs de soieries d’Italie et de produits manufacturés qui font alors la réputation de la région lyonnaise, comme les quincailleries, le papier et les livres, mais aussi les toiles de Bresse, du Beaujolais, du Charolais et du Forez qui, par l’intermédiaire de Lyon, trouvent un nouveau débouché et partent à « la conquête du marché espagnol14 ». Déjà présents à Rouen et acteurs de premier plan de ce commerce avec l’Espagne, les Bonvisi, pour qui « la péninsule ibérique apparaît comme un élément vital dans la géographie [de leurs] activités », entretiennent aussi des « relations bancaires très vastes avec Nantes » : c’est ainsi qu’entre 1581 et 1587, sur les 616 lettres de change dont ils sont tirés, 91 sont d’origine nantaise (14,7 %), tout comme 58 des 1307 lettres dont ils sont bénéficiaires (4,4 %)15.

  • 16 Tanguy J., Le commerce nantais à la fin du XVIe et au début du XVIIe, th. doct., Rennes, 1967, p.  (...)
  • 17 Les Ruiz de Nantes achètent alors aux foires de Lyon « des toiles, des soieries italiennes, du pap (...)
  • 18 Priotti J.-P., op. cit., p. 251-252.
  • 19 Gérardin Panse, « le plus gros marchand de toiles de Lyon dans les années 1550-1560 » ou ses confr (...)

7Selon Jean Tanguy, les relations entre les deux places « semblent avoir été plus actives au XVIe siècle » qu’au XVIIe, et ce malgré « toute l’épaisseur de terre qui sépare Lyon de l’Atlantique16 ». Draperies, futaines, rubans, fils d’or et d’argent et autres produits de mercerie, mais aussi des livres et des cartes à jouer, une autre spécialité lyonnaise, arrivent à Nantes afin d’être embarqués pour l’Espagne ou le Portugal. À l’origine de ces achats, on trouve souvent des commissionnaires espagnols établis sur les bords de Loire, tels que les Ruiz, une puissante famille de marchands castillans très implantée à Bilbao et aux foires de Medina del Campo, ou des marchands bilbanais comme Juan Arbolancha Aguirre ou Martín de Álava, qui reçoivent respectivement des livres de Claude Seneton et de Guillaume Roville, tous deux libraires à Lyon17. C’est donc un véritable « axe Lyon-Nantes-Bilbao-La Castille » qui se met en place au milieu du XVIe siècle sous le contrôle des marchands biscayens et de leurs commissionnaires établis à Nantes, mais aussi à Lyon comme Diego de Guinea qui, sur place, coordonne l’expédition par la Loire et par la voie terrestre de marchandises lyonnaises et thiernoises18. Dans l’autre sens, de la morue, des harengs, de l’huile de baleine, mais aussi les inévitables toiles de Bretagne19 remontent vers Lyon, qui demeure un marché secondaire pour ces articles, dans la mesure où elle a développé sa propre industrie toilière que le Dauphiné, le Beaujolais et surtout la Bresse voisine approvisionnent alors en chanvre. De manière plus épisodique, Nantes fournit aussi à Lyon des produits exotiques venus de la lointaine Amérique, la cochenille, les bois de Brésil et de Campêche dont la Fabrique lyonnaise a déjà l’usage, ainsi que du poivre provenant des Indes portugaises et, bientôt, le sucre.

  • 20 Pétré-Grenouilleau O., op. cit., p. 31-32.
  • 21 La valeur de ces importations de sucre s’élèvent en 1786 à 22,6 millions de livres, contre 8,1 mil (...)
  • 22 Pétré-Grenouilleau O., op. cit., p. 121.
  • 23 Laucoin C., La naissance du trafic antillais (1638-1660), mém. maîtrise, Nantes, 1999, p. 34.

8À la fin du règne de Louis XIV, Nantes est devenu le premier port du royaume et son trafic est, depuis les années 1670, nettement dominé par le commerce antillais. L’engagement du port breton sur la route des Îles fut progressif avant 1660, avec des premiers retours en tabac et en indigo. Puis, avec l’implantation de la culture de la canne à sucre dans les Petites Antilles, ses négociants s’enhardissent : si 20 navires sont armés pour les Îles en 1680, 56 le sont en 1685 et 73 en 168720. Même si, par la suite, sa part relative dans le commerce colonial décline, Nantes reste tout au long du XVIIIe siècle un gros importateur de produits coloniaux et, en 1786, le sucre représente en valeur 60 % de ces importations, le café 22 % et l’indigo 8 %21. Les raisons de ce déclin relatif sont connues et, parmi elles, le fait que Nantes ne soit pas parvenue à se doter d’un arrière-pays homogène capable de rivaliser avec les hinterlands bordelais et marseillais, à la fois en offrant le marché indispensable à l’écoulement de ses importations et en fournissant les marchandises les mieux adaptées aux demandes du marché antillais : « La Loire a beau joindre Nantes aux confins du Lyonnais, son arrière-pays ne peut rivaliser avec les atouts de ses concurrents22. » Néanmoins, dès le début de « l’ère antillaise », les études faites sur le commerce entre Nantes et les Antilles révèlent la présence de « draps de soie de Lyon et de Tours » et de produits de mercerie parmi les premières cargaisons embarquées pour Saint-Christophe, la Martinique et la Guadeloupe23.

  • 24 ADR, 1C 279, affaires économiques, procédure extraordinaire contre la veuve et frères Lescalier, 1 (...)
  • 25 AMN, HH 219 – HH 222, Compagnie des Indes, ventes, 1719-1722.

9Mais jusqu’en1734 Nantes est aussi la place où se vendent les riches cargaisons d’épices, de soie et de toiles de coton que les navires des Compagnies de commerce rapportent de l’océan indien. Forte de sa position géographique qui permet une redistribution aisée des marchandises rapportées par les vaisseaux des Indes, la cité ligérienne offre également toutes les commodités d’une grande place marchande, notamment en matière d’accueil et d’hébergement des acheteurs, mais aussi les infrastructures logistiques indispensables à l’organisation des grands événements commerciaux que sont alors les ventes de la Compagnie. Pendant quatre décennies, de manière quasiment ininterrompue, les négociants nantais, qui représentent les quatre cinquièmes des adjudicataires lors de ces ventes, conservent la haute main sur ce fructueux négoce et Lyon, qui se trouve alors dans leur aire d’expansion, reçoit très certainement par la Loire des balles de soie et d’épices ainsi que des toiles blanches, les seules cotonnades dont le puissant lobby des fabricants de textiles traditionnels de Lyon et d’ailleurs n’ait pas réussi à faire interdire la vente et l’usage. Mais au lendemain de la guerre de Succession d’Espagne, on signale aussi la présence sur place de marchands lyonnais qui acquièrent des toiles de coton, des indiennes et des mousselines, et de la porcelaine de Chine. Certains reviennent même plusieurs fois, à l’instar des frères Lescalier, marchands toiliers qui font le voyage à Nantes en septembre 1716 et septembre 171724, de Chabassol en 1719, de Boyer en 1720, ou de Peyrusse et Gascon en 1721 et 172225.

Lyon et La Rochelle : un partenariat pourtant prometteur

  • 26 Trocmé E., Delafosse M., Le commerce rochelais de la fin du XVe au début du XVIIe siècle, Paris, 1 (...)
  • 27 Gascon relève l’arrivée, en 1544, de 31 quintaux de sucre en provenance de La Rochelle, puis de 90 (...)
  • 28 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 88.
  • 29 Trocmé E., Delafosse M., op. cit., p. 94.
  • 30 En 1522-1523, 25 des 6016 balles de draps qui entrent à Lyon viennent de La Rochelle (0,4 %) ; Gas (...)

10Comme avec Nantes et Rouen, c’est aussi dans le cadre du commerce d’Espagne que se nouent les premières relations entre Lyon et La Rochelle, laquelle s’impose, au XVIe siècle, comme la troisième porte de sortie pour les marchandises lyonnaises qui gagnent par la mer les royaumes ibériques et leurs dépendances. « La constance des rapports Lyon-La Rochelle est certaine26 », malgré le coût et les contraintes liées au transport par charrettes ou à dos de mulets. Le port charentais reçoit alors de Lyon les velours et les taffetas fabriqués sur les bords du Rhône, mais aussi les précieuses étoffes italiennes qui transitent par les magasins lyonnais, passementeries et draps d’or et de soie de Milan, serges de Florence, velours de Gênes et luxueux draps de soie de Lucques, qui viennent ici aussi compléter les cargaisons pour Bilbao, Séville ou Lisbonne. Ces marchandises croisent dans l’autre sens des balles de poivre portugais, de l’alun d’Espagne, du coton et des tonneaux de sucre de Madère, dont l’entrée à Lyon est avérée dès les années 1540, sans qu’il soit pour autant possible de déterminer si ces arrivages sont réguliers27. Mais les expéditions d’épices atlantiques restent cependant modérées à côté de celles d’Anvers ou de Bayonne : en 1533-1534, six balles seulement provenaient de La Rochelle contre 149 autres de Bayonne et 141 d’Anvers28. Par ailleurs, les relations commerciales entre les deux villes sont doublées par des relations bancaires puisque, par exemple, les importateurs espagnols de laine de Castille installés dans le port charentais se font payer en lettres de change tirées sur Lyon par les fabricants de draps du Poitou, eux-mêmes fournisseurs des marchands lyonnais29. La Rochelle s’intègre donc bien de manière complète dans le circuit des échanges qui se met en place entre Lyon et l’Espagne au cours de la première moitié du XVIe siècle. Mais le port de l’Aunis fournit également à Lyon quelques marchandises anglaises, du plomb, de l’étain et quelques balles de draps30, se posant là aussi comme une alternative à la voie rouennaise.

  • 31 Une vingtaine de navires appareille chaque année pour les Antilles entre 1670 et 1678, puis de 40 (...)
  • 32 Ibid., p. 257.
  • 33 Tours, Saint-Étienne et le Poitou sont désignés comme premiers fournisseurs d’étoffes ; ibid., p.  (...)
  • 34 Ibid., p. 253.

11Mais, à La Rochelle comme ailleurs, la structure du commerce maritime connaît des changements importants au cours du XVIIe, avec l’avènement des liaisons transatlantiques vers les Antilles, la Nouvelle-France, puis la Louisiane. Toutefois, s’ils sont parmi les premiers à se lancer dans le commerce colonial, les Rochelais ont du mal à se maintenir face à la montée en puissance de Nantes et de Bordeaux. « Les années 1660-1686 sont pour le XVIIe la belle période du commerce avec les îles31 », en particulier avec cette « côte Saint-Domingue » d’où les navires rochelais rapportent du tabac, de l’indigo, du rocou et du sucre qui, une fois raffiné, est revendu « en pains enveloppés de papier gris ou bleu [...] à des marchands d’Orléans, de Lyon, de Limoges, de Bordeaux32 ». À l’aller, ils ont emporté dans leurs cales, outre les vivres et les matières premières indispensables à des économies coloniales encore balbutiantes, une foultitude d’objets manufacturés, ces « marchandises sèches » au premier rang desquelles figurent les textiles que les armateurs et négociants du port font venir de « presque toutes les provinces productrices », y compris de la région lyonnaise33. C’est ainsi, par exemple, qu’en 1681 La Maligne lève l’ancre avec à son bord « un grand assortiment de soieries, rubans, vêtements de luxe » dont on peut légitimement penser qu’une partie pourrait venir de Lyon34. Jusqu’à la guerre de Succession d’Autriche, La Rochelle, qui assurait encore à la fin du XVIIe siècle quelques 20 % du trafic avec la mer des Antilles, reste le premier port à destination des colonies françaises de l’Amérique et contrôle largement les liaisons avec la Nouvelle-France. Si les luxueuses productions de la Fabrique lyonnaise ne trouvent guère de place parmi les cargaisons qui y sont destinées, Lyon n’en est pas moins un marché de premier ordre pour les fourrures de castor et autres martres, indispensables aux maîtres fourreurs et aux chapeliers lyonnais dont les articles ont alors une belle réputation dans tout le royaume et au-delà.

Lyon et Bordeaux : du commerce du pastel à celui du sucre

  • 35 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 128.
  • 36 Dans les inventaires des marchands fabricants André Blic en 1560, puis Claude Gapaillon et son con (...)
  • 37 Les marchands lyonnais, eux, risquent peu leur capital en dehors de leur ville. Néanmoins, Gascon (...)

12À la grande époque des foires de Lyon, Bordeaux n’est encore qu’un port d’exportation de vin et de pastel, notamment vers l’Angleterre, et d’armement pour la pêche à la morue sur les bancs de Terre Neuve. Son hinterland est avant tout aquitain et, s’il déborde sur l’Auvergne et le Languedoc, il n’inclut certainement pas Lyon où, au moment des foires, en dehors de pastels et de laines de la région de Toulouse, on trouve très peu de marchandises du sud-ouest, ces pays demeurant bien, comme l’écrit Richard Gascon, « quasi en marge de l’aire des foires lyonnaises35 ». D’ailleurs, il ne relève que très peu d’échanges entre les deux villes et place Bordeaux à la périphérie de l’espace commercial lyonnais, que ce soit dans le domaine des soieries ou dans celui des livres, alors deux composantes essentielles des exportations lyonnaises36. C’est que Bordeaux est alors sous la dépendance de Toulouse, dont elle expédie le pastel vers Anvers, et on a pu comparer le couple formé par les deux villes du sud-ouest à celui que forment, par leurs relations également faites de subordination et de complémentarité, Marseille et Lyon. Toutefois, les opportunités offertes par le commerce du pastel et du verdet attirent à Bordeaux, à l’aube du XVIIe siècle, des négociants de grande envergure comme les grandes maisons de banque italiennes, florentines et lucquoises déjà présentes sur la place de Lyon, les Arnolfini, les Bonvisi, les Cenami, qui participent directement au commerce pastelier et lui apportent les capitaux nécessaires à ses entreprises37. À la fin du XVIe siècle le port de Bordeaux s’est donc bien intégré à l’espace bancaire de Lyon, même s’il reste encore en marge de son aire marchande.

  • 38 Ils sont 25 à Bordeaux entre 1630 et 1640, 35 entre 1641 et 1650, 46 entre 1651 et 1660 et représe (...)
  • 39 Ibid., p. 18-22
  • 40 Gautier B., « Commerce et marchands bordelais dans la première moitié du XVIIe siècle, 1630-1660 » (...)
  • 41 Butel P., « Guerre et commerce au XVIIIe siècle vus de Bordeaux », dans Rochefort et la mer, guerr (...)
  • 42 Petre Grenouilleau O., op. cit., p. 32.
  • 43 Gautier B., « Commerce et marchands bordelais... », op. cit., p. 48.

13Au XVIIe siècle les horizons bordelais s’élargissent, sous l’impulsion d’abord de marchands hollandais, comme à Rouen et à La Rochelle, mais aussi Portugais – essentiellement marranes – à partir des années 164038. Si les premiers sont très présents dans les activités de banque et de prêt, mais aussi dans le trafic des marchandises entre leurs terres d’origine et l’Espagne, les seconds pratiquent le prêt à la grosse et l’assurance maritime, tout en participant à l’ouverture de Bordeaux sur le commerce du sucre, de la cassonade, du tabac, de la cannelle et du poivre, avec leur pays d’origine et les archipels atlantiques de Madère et des Açores39, la préparant ainsi à l’émergence prochaine du commerce avec les îles plus lointaines de l’Amérique. Aussi, à partir des années 1660, le port de la Garonne est-il en mesure de saisir l’opportunité que représente l’émergence des premières colonies antillaises, la Martinique et la Guadeloupe, dont l’économie est alors en train de se remodeler sous l’effet de la révolution sucrière. D’ailleurs, c’est en 1660 qu’est repéré le premier armement bordelais pour les « Îles de l’Amérique dépendant de la France », celui du Saint Pierre affrété par Jean Buisson qui, avec son frère Armand, se pose d’emblée parmi « les pionniers du négoce américain de Bordeaux40 ». Mais ce démarrage est prudent et le trafic maritime bordelais reste toujours essentiellement orienté vers l’Europe du nord. On est encore loin du spectaculaire essor du grand commerce transatlantique qui, après le décollage de l’économie de plantation à Saint-Domingue, se poursuit tout au long du XVIIIe siècle – malgré les aléas de la politique étrangère41 – et permet à Bordeaux de devenir le premier port du royaume. Pour le moment, les armateurs bordelais ne sont pas encore en mesure de rivaliser avec leurs confrères nantais ou rochelais et n’arment en droiture qu’une quinzaine de navires par an entre 1675 et 1685, tout en s’essayant, à partir de 1672, à la traite négrière42. Mais qu’ils fassent le détour par les côtes de l’Afrique ou qu’ils cinglent directement vers les « Isles », il est peu probable que ces navires emportent dans leurs cales quelques marchandises de Lyon, les besoins des colonies en gestation consistant surtout en matières premières, en vivres et en vins aquitains que le vaste arrière-pays bordelais est en mesure de leur fournir. De même, les relations financières entre les deux places semblent peu importantes à cette époque et Bertrand Gautier, qui a étudié la communauté marchande bordelaise au cours des années 1630-1660, considère que le marchand lyonnais Pierre Garrigue, qui investit 10 300 l.t. dans des prêts à la grosse en 1650, puis 9 823 l.t. entre 1655 et 1660 ferait figure d’« exception qui confirme la règle » selon laquelle il n’y aurait pas d’afflux de capitaux lyonnais dans la cité girondine43.

Lyon et Rouen : une complémentarité idéale compromise par la distance

  • 44 Une quarantaine de Hollandais et Flamands entre 1627 et 1646, et une trentaine d’Ibériques jusqu’e (...)
  • 45 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 128 et 69.
  • 46 En 1522-1523, sur 5 202 balles de draps qui entrent à Lyon, 234 proviennent de l’ensemble Normandi (...)
  • 47 Sur 2 585 balles entrées à Lyon en 1522-1523, 25 seulement arrivent de Rouen (1 %) ; ibid., t. 1, (...)

14Seule place économique du royaume qui, au XVIe siècle, ait été capable, avec Paris et Lyon, de prétendre au rang de grande place internationale et de rivaliser avec les plus grands ports du temps, Rouen est devenue à la fois le premier port de la façade atlantique française et une place manufacturière de grande envergure. Ville drapière et toilière, elle se trouve, à l’orée du XVIIe siècle, au centre d’un vaste espace maritime et terrestre largement ouvert, d’un côté, sur l’océan, depuis les côtes de l’Afrique et de l’Amérique jusqu’à la Baltique, et qui, de l’autre, à l’intérieur, étend ses tentacules jusqu’au Massif Central et au Lyonnais. Forte de sa situation géographique, de l’importance de sa population, des productions de son arrière-pays toilier et d’un vaste hinterland susceptible, grâce à Paris notamment, d’absorber toutes sortes de marchandises de diverses provenances, mais forte aussi du dynamisme de ses marchands et de la présence, parmi eux, de Portugais, de Castillans et de Flamands44, le port normand aurait pu prétendre, à la faveur de la guerre qui sévissait aux Pays-Bas, se substituer à Anvers à la tête de l’économie-monde qui s’était alors mise en place sur les rivages septentrionaux de la Manche et de la mer du Nord. Devenu, par ses accointances ibériques, le premier port français par lequel entrent les sucres de Madère et des Açores, ainsi que la malaguette, le poivre importé d’Afrique par les Portugais, Rouen s’était lancée à son tour, grâce à quelques audacieux armateurs qui avaient su aller chercher le soutien de grands marchands parisiens, dans la navigation vers les côtes d’Afrique et du Brésil. Mais la grande affaire rouennaise restait certainement le commerce d’Espagne. Il n’est d’ailleurs pas insensé de comparer Rouen et Lyon, tant les deux villes se ressemblent sur bien des points, par leurs fonctions d’entrepôt et de redistribution de marchandises entre le nord et le sud de l’Europe, mais aussi par le dynamisme et le cosmopolitisme de leurs groupes marchands et par l’importance des activités textiles dans leur économie. Pourtant, malgré ces similitudes, les relations entre les deux villes ne s’étaient guère développées pendant la première moitié du XVIe siècle et Lyon était restée un « débouché secondaire » pour les draps de Normandie, bien qu’il n’y eût « guère de province drapière dont les produits ne [fussent] représentés aux foires, véritable exposition de la draperie de France45 ». Si les productions drapières normandes ne sont pas les plus abondantes aux foires de Lyon46, le bilan est tout aussi maigre concernant les toiles, qui ne parviennent pas à s’imposer face aux productions du Beaujolais, du Forez ou de la Bresse, qui assurent la moitié des approvisionnements lyonnais. « La grande région des toiles de l’ouest échappait encore à peu près totalement à l’attraction de Lyon » conclut fort justement Richard Gascon47. Il est vrai que chacune des deux places anime alors sa propre aire commerciale et financière et que, si l’essor de Rouen est étroitement lié à la proximité de Paris, Lyon, de son côté, accompagne plutôt l’émergence de Marseille. Néanmoins, même si chacune des deux villes se tient encore à la périphérie de l’espace commercial de l’autre et n’en subit que très faiblement l’influence, leurs marchands ne s’ignorent pas, ne se tournent pas le dos et, comme nous l’avons vu précédemment, Rouen contribue à l’ouverture océanique de Lyon à travers le commerce des produits qui lui arrivent de l’Espagne, du Portugal et de leurs possessions atlantiques et ultramarines.

15Après avoir été le principal relais pour les échanges entre l’Europe du Nord-Ouest et Séville, notamment entre 1570 et 1620, époque de son apogée, Rouen voit sa fonction portuaire quelque peu reléguée au second plan au cours du XVIIe siècle. La ville-port devient en effet une véritable place économique et ses activités se diversifient, tant dans le secteur marchand que dans le secteur manufacturier, avec le renforcement de la production drapière et l’apparition de l’industrie cotonnière pour la fabrication de « rouenneries », avant l’essor de l’indiennage dans la seconde moitié du siècle. Si l’aire commerciale de Rouen couvre désormais pratiquement toute la France au nord de la Loire, elle s’étire aussi le long de la façade atlantique jusqu’à Bayonne et, à l’est, se prolonge jusqu’à Marseille avec laquelle les marchands rouennais entretiennent d’ailleurs des relations constantes.

16Quant à Lyon, en tant que grande place manufacturière, elle fait désormais partie des partenaires privilégiées du négoce rouennais, au point d’être, après Paris, la ville de l’intérieur avec laquelle les relations seraient les plus suivies, malgré le handicap de l’éloignement qui, tout au long de l’époque moderne, empêche véritablement l’estuaire de la Seine de capter une part conséquente des échanges qui ont lieu entre Lyon et les espaces atlantiques. Pour s’approvisionner en denrées coloniales les négociants Lyonnais lui préfèrent en effet successivement Nantes, Bordeaux, puis Marseille qu’ils plébiscitent également pour leur commerce avec l’Espagne, après lui avoir préféré Nantes et La Rochelle au XVIe siècle.

Lyon et Marseille : un partenariat contrarié

17Quand on se demande vers quel port peut, de prime abord, se tourner le négoce lyonnais quand il s’agit d’expédier vers les espaces océaniques les productions de son économie ou d’approvisionner la ville et sa région en denrées et autres marchandises lointaines, une première réponse vient naturellement à l’esprit, dictée par le bon sens et la géographie : Marseille. Reliée à Lyon par les quelques 350 kilomètres de la vallée du Rhône, la cité phocéenne a en effet tous les atouts pour être « l’avant-port » de Lyon. De plus, l’Histoire est là pour nous rappeler l’ancienneté des liens qui existent entre les deux villes.

  • 48 Ibid., t. 1, p. 90, fig. 6, épices méditerranéennes, épices atlantiques.
  • 49 Ibid., t. 1, p. 91.
  • 50 Ibid., t. 1, p. 93.
  • 51 En 1569 la quantité d’aluns négociée aux foires de Lyon, environ 80 tonnes, correspond aux quantit (...)

18Quand au XVIe siècle les marchands lyonnais cherchèrent à s’émanciper de la tutelle des ports italiens, et en particulier de Gênes et de Venise, pour leurs approvisionnements en soies, épices et autres marchandises du Levant, ils se tournèrent vers Marseille et contribuèrent au réveil du port provençal en armant leurs premiers navires vers les Échelles. Dès les années 1530, Marseille pouvait ainsi se poser comme la principale porte d’entrée des épices du Levant sur le marché lyonnais qu’elle approvisionnait, rappelons-le, à hauteur de 45 %48 et « vers le milieu du siècle la prépondérance de Marseille dans l’importation des épices destinées aux foires de Lyon était solidement établie49 ». Toutefois, la montée en puissance de cette « route marseillaise » ne fut pas l’œuvre des Marseillais eux-mêmes, mais bien des marchands italiens établis à Lyon. Et c’est au contact de ceux-ci que les marchands marseillais s’initièrent aux pratiques et aux techniques du grand commerce maritime, tout en resserrant leurs liens avec Lyon dont « la puissance financière et commerciale vint soutenir la montée de Marseille50 ». À la même époque, Marseille fournit également à Lyon des sucres, que ce soit de Valence, de Candie ou de Madère, des aluns51, mais aussi du coton, des soies d’Italie et d’Espagne, sans oublier toute la gamme des productions méditerranéennes.

  • 52 Louis Bergasse cite une lettre de 1659 dans laquelle le Prévôt des marchands de Lyon affirme que « (...)
  • 53 Ibid, tableau de répartition des navires par pays de provenance et de destination pour les années (...)

19Dans les premières décennies du siècle suivant, Lyon est devenue « le principal pôle d’attraction du commerce marseillais », et le partenariat est désormais étroit avec le port provençal, d’où remontent la soie, le coton et les drogues tinctoriales qui arrivent du Levant comme l’indigo et le safranon d’Égypte52. Les besoins de la ville du Rhône en marchandises levantines sont tels que des marchands lyonnais participent au financement d’affrètements marseillais. Ils chargent également à bord de ces navires, dont ils comptent parmi les nolisataires, toutes sortes de soieries, de la filozelle, de la serge, de la futaine, du bazin, des articles de mercerie et diverses productions textiles de l’arrière pays lyonnais comme l’escapollone, une toile grossière fabriquée dans la région de Bourg-en-Bresse et qui servait pour la fabrication des sacs, ou les quincailles du Forez. Mais bien peu de navires marseillais s’aventurent alors vers le Ponant, l’essentiel des mouvements de navires se faisant avec l’Italie, l’Espagne et le Levant, comme le révèlent les registres de l’Amirauté53.

  • 54 Zysberg A., Marseille au temps du Roi-Soleil. La ville, les galères, l’arsenal, Marseille, 2007, p (...)

20Dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, Marseille connaît des transformations importantes. Sous l’impulsion de l’intendant général des galères Nicolas Arnoul, la ville s’agrandit, double sa superficie, et son port se transforme54. La communauté marchande voit ses effectifs augmenter dans des proportions importantes et s’enrichit d’éléments exogènes avec l’installation de négociants et de banquiers suisses et hollandais tels que les Sollicoffre ou Nicolas Rutz, et de nombreux marchands italiens et arméniens, ces derniers s’imposant d’ailleurs dans le commerce de la soie, jusqu’à ce qu’une ordonnance de Seignelay (1687) n’interdise cette activité à tous ceux qui se disaient encore sujets du Sultan ottoman. L’essor des activités du port phocéen doit alors beaucoup à l’édit de 1669, accordé par Colbert, qui fait de Marseille un port franc. En imposant un droit de 20 % sur les marchandises du Levant apportées sur des navires étrangers, mais aussi sur toutes celles qui entrent dans le royaume par un autre port que Marseille ou Rouen ou qui transitent par Livourne ou n’importe quel port italien, l’édit de franchise confère à Marseille un monopole de fait sur le commerce du Levant. Aussi le négoce maritime marseillais semble se détourner pour quelques décennies de tout commerce extra-méditerranéen, sans interrompre pour autant ses liaisons avec l’Espagne, par l’intermédiaire de laquelle il continue à s’approvisionner en cochenille et surtout en piastres et matières d’argent du Mexique.

  • 55 « Par arrêt du conseil du 15 septembre 1674, Maurellet et son co-directeur Gabriel Gail furent aut (...)
  • 56 Savary des Bruslons J., op. cit., t. I, p. 129.

21Même si les navires marseillais ne franchissent encore que très rarement le détroit de Gibraltar, quelques expéditions ont toutefois lieu vers les îles de l’Amérique au tout début des années 1670, à l’initiative des négociants Gaspard Maurellet et Augustin Magy, par ailleurs très impliqués dans le négoce levantin. L’objet essentiel est alors de rapporter à Marseille le sucre indispensable aux deux hommes d’affaires qui détiennent également le monopole du raffinage sur la place55. À partir des années 1680, le commerce antillais marseillais bénéficie aussi du soutien de l’Intendant des Galères, Michel Bégon, récemment arrivé des Antilles et qui ne cesse d’encourager les armateurs phocéens à se risquer davantage sur cette nouvelle route commerciale, qu’il leur assure très prometteuse en termes de réussite et de profits. Mais le nombre d’armements reste bon an mal an compris entre deux et quatre. « Si [les] vaisseaux [marseillais] passent quelquefois le détroit, écrit alors Jacques Savary, ce n’est que pour aller dans les ports que la France a sur l’océan et dans quelques autres des nations voisines, ou tout au plus aux îles françaises de l’Amérique, auxquelles les Marseillais ont coutume de borner leurs voyages de plus long cours56. » Comme à Bordeaux, les premières cargaisons expédiées vers les Îles répondent aux besoins immédiats des colons. Aussi ne comprennent-elles pas de soieries, mais de la farine, du vin, de l’eau de vie, des viandes, du fer, de l’outillage et des quincailles, des chandelles, du savon et, en ce qui concerne le textile, des toiles et des draps uniquement. Par contre, à partir des années 1680, elles évoluent quelque peu et intègrent progressivement des articles de mercerie, des chapeaux, des vêtements et, bientôt, les premières soieries... marseillaises, productions de la manufacture de Joseph Fabre. Il faut attendre en fait l’aube du XVIIIe siècle pour repérer les précieuses étoffes lyonnaises à bord des navires marseillais du commerce antillais, peut-être d’abord parmi les pacotilles embarquées par les officiers et quelques passagers, plutôt que dans les états des cargaisons.

De nouveaux partenaires : ces incontournables « Messieurs de Saint-Malo »

22Au moment où Marseillais et Bordelais s’engagent à leur tour derrière les Nantais et les Rochelais dans la navigation commerciale transocéanique, bien plus au nord, sur le littoral de la Manche, à l’embouchure de la Rance, Saint-Malo intègre brusquement le cercle très fermé des ports les plus importants du royaume en diversifiant ses activités, à partir de la pêche à la morue et du grand cabotage vers le commerce d’Espagne et une nouvelle forme de grand commerce élargi aux trois océans, Atlantique, Indien et Pacifique.

  • 57 Lespagnol A., op. cit., t. 1, p. 405.

23Après 1680 les Malouins règnent en effet en maîtres incontestés sur la route de Cadix qui, depuis une cinquantaine d’années, s’est substituée à Séville comme tête de pont de la Carrera de Indías. Les premiers contacts entre les deux cités insulaires remontent à plus d’un siècle, quand les navires bretons fréquentaient la Méditerranée pour écouler la morue pêchée sur les bancs de Terre-Neuve, tant en Italie et en Provence que dans les ports andalous, d’où ils assuraient ensuite le transport vers Anvers et Rouen des marchandises des Indes, cochenille et argent en particulier. L’axe Saint-Malo-Cadix est progressivement devenu, au cours du XVIIe siècle, « la principale liaison entre la France manufacturière et la Carrera de Indías57 ». Vers 1700 le port breton, qui arme près de vingt navires par an pour Cadix, assure à lui seul près de la moitié des échanges en valeur entre les royaumes de France et d’Espagne et plus des deux tiers du trafic avec Cadix. Si, à cette époque, Lyon peut expédier par Gênes ou par Marseille les étoffes qu’elle destine aux marchés de l’Amérique espagnole, le faible nombre d’armements marseillais vers le port andalou – quatre à cinq navires par an seulement – amène naturellement ceux de ses négociants qui pratiquent le commerce d’Espagne à faire charger une partie de leurs marchandises sur les frégates malouines, trouvant dans la plus grande fréquence des armements bretons une compensation aux contraintes de transport et aux coûts supplémentaires induits par cette option. De leur côté, les armateurs bretons, très bien implantés sur la place gaditane et parfaitement au fait des besoins des cargadores de la Flotte des Indes, font venir de Lyon comme de toutes les villes manufacturières du royaume les marchandises de luxe les plus à même de bien se vendre au Mexique. D’ailleurs en 1688 un mémoire malouin évoque quelques unes de ces marchandises adressées par le commerce lyonnais :

  • 58 Ibid., t. 1, p. 408.

« C’est par Saint-Malo que sort la plupart des dentelles d’or et d’argent, toutes les soieries de Tours et grande partie de celles de Lyon [...], les dentelles du Puy et autres villes circonvoisines58. »

  • 59 Ibid, t. 1, p. 459.
  • 60 A. Lespagnol nous apprend que l’hôtel des monnaies de Lyon entretenait un commis à Saint-Malo dès (...)
  • 61 Parmi les 66 co-propriétaires des 21 frégates malouines qui sont armées pour Cadix en 1682, 53 son (...)

24La connaissance que les Malouins acquièrent du commerce des Indes au contact de Cadix jointe à leur expérience de la navigation et aux difficultés rencontrées par l’Espagne pour approvisionner régulièrement ses colonies américaines, les amène au début des années 1680 à se lancer dans l’interlope dans la mer des Antilles, commerce « à la longueur de la pique » qui leur permet d’approvisionner directement les possessions espagnoles, Saint-Domingue, Porto-Rico, la partie orientale de Cuba mais aussi Vera-Cruz, la Terre Ferme et les Côtes de Caraque. Avec le lancement du commerce dans la Mer du Sud en 1703, à la faveur de la guerre de Succession d’Espagne, Saint-Malo devient pour quelques temps un acteur privilégié d’un grand commerce transatlantique qui se spécialise dans les marchandises de luxe, notamment pour les cargaisons destinées aux colonies espagnoles du Pacifique. Même si les toiles représentent près de la moitié de la valeur de ces cargaisons pour le Pérou, les soieries et les dorures lyonnaises, les dentelles du Puy, les livres et les cartes à jouer sont eux aussi chargés en grandes quantités à bord des frégates armées par les maîtres de ce négoce hors du commun. Ainsi, en 1720, les dentelles du Puy représentent 17 % de la valeur d’une « emplette » de 84 145 l.t. que Magon de la Balue destine à la Nouvelle-Espagne, soit 14 313 l.t.59. Au retour de ces longs périples, les navires malouins rapportent de belles cargaisons dans lesquelles les cochenilles et l’indigo côtoient les précieuses « matières d’Amérique », l’or et surtout l’argent, en barres, lingots, piastres ou pignes. Elles complètent avantageusement celles qui continuent à arriver de Cadix. Cet argent péruvien et mexicain est alors redistribué dans tout le royaume, soit vers les hôtels des monnaies60, soit sur le marché libre de Lyon où des profits substantiels peuvent être faits compte tenu des besoins de la Fabrique pour produire les fils d’argent nécessaires à la fabrication des étoffes en dorures, besoins considérables que ne parviennent pas à satisfaire les seules entrées marseillaises et génoises. La nature de ces retours et les grands espoirs de profits qu’ils génèrent amènent pour un temps le capitalisme lyonnais qui, un siècle plus tôt, avait contribué à l’éveil commercial de Marseille, à se tourner vers l’estuaire de la Rance et à investir dans les armements vers Cadix et la Mer du Sud. C’est ainsi qu’on relève la présence des marchands-banquiers Commerer et Hertner parmi les treize consors non malouins co-propriétaires de la vingtaine de frégates malouines armées vers l’Espagne en 168261. Mais les expéditions vers le Pacifique entraînent ensuite un surcroît d’intérêt et une augmentation des intéressements, tant chez les banquiers que chez les marchands-fabricants des bords de Saône, comme nous le développeront plus loin.

25Quand s’ouvre le XVIIIe siècle, des liaisons sont donc bien avérées entre Lyon et les grands ports animateurs du commerce atlantique. Depuis quelques décennies déjà, un réseau de relations s’est structuré, construit sur l’héritage de la glorieuse période des foires. Certes, Rouen, qui fut autrefois le principal pourvoyeur des foires en épices atlantiques et en sucre, s’est éclipsé devant Nantes, pour se concentrer sur le commerce des productions de son industrie toilière, et le port breton s’impose dorénavant comme le premier partenaire atlantique de Lyon, devant La Rochelle. Initialement nouées dans le cadre du commerce d’Espagne, les liaisons entre Lyon et ces deux derniers ports se sont consolidées avec la mise en place de l’économie antillaise. La demande du marché lyonnais en tabac et en sucre, mais aussi en rocou, en peaux de castors et en cotonnades des Indes, a favorisé le renforcement de l’axe ligérien et de la route terrestre transversale qui relie Lyon à Limoges comme voies principales du commerce atlantique de Lyon. Mais, pour le moment, les productions de la Fabrique et de l’arrière-pays lyonnais ne trouvent d’autres débouchés atlantiques que ceux des marchés ibérique et hispano-américain, des exportations auxquelles le développement, à partir de Saint-Malo, du commerce de Cadix et de l’interlope antillais donnent un nouvel élan. De leur côté, Bordeaux et Marseille demeurent encore en retrait : si, sur les bords de la Garonne, armateurs et négociants commencent à élargir progressivement leurs horizons vers les îles des Antilles, le port provençal, lui, privilégie encore ses liaisons méditerranéennes et levantines et tourne encore le dos aux vastes étendues océaniques.

Notes

1 Montenach A., Espaces et pratiques du commerce alimentaire à Lyon au XVIIe siècle, Grenoble, 2009, p. 69.

2 Giustiniani M. A., La politique économique de Colbert, 1668.

3 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 49.

4 Pétré-Grenouilleau O., op. cit., p. 31-32.

5 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 123.

6 Ibid., t. 1, p. 88.

7 Ibid., t. 1, p. 90.

8 Bayard F., « Les Bonvisi... », op. cit., p. 1234.

9 Ibid., p. 1246.

10 Ibid., p. 1260-1261.

11 Bottin J., « La redistribution des produits américains par les réseaux marchands rouennais (1550-1620) », dans Sanchez J.-P. (dir.), Dans le sillage de Colomb. L’Europe du Ponant et la découverte du Nouveau Monde (1450-1650), Rennes, 1992, p. 27 et 31.

12 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 119 et 139.

13 Ibid., t. 1, p. 118.

14 Ibid., t. 1, p. 80.

15 Bayard F., « Les Bonvisi... », op. cit., p. 1242 et 1243 et p. 1245-1246.

16 Tanguy J., Le commerce nantais à la fin du XVIe et au début du XVIIe, th. doct., Rennes, 1967, p. 247 et 28.

17 Les Ruiz de Nantes achètent alors aux foires de Lyon « des toiles, des soieries italiennes, du papier, des livres, de la quincaillerie » qu’ils expédient vers Bilbao et les ports de la Biscaye, Santander ou Bermeo. En novembre 1567 et à diverses reprises en 1578 Andrés et Julien Ruiz chargent ainsi des articles de mercerie, du papier et des cartes à jouer – autre spécialité lyonnaise – à bord de plusieurs naves destinées à Bilbao où, en janvier 1581 six autres bateaux apportent, outre du papier, du fil et « six pièces de velours de Lucques envoyées par les Buonvisi ». Bayard F., « Les Bonvisi... », op. cit., p. 1249 ; Priotti J.-P., Bilbao et ses marchands au XVIe siècle. Genèse d’une croissance, Villeneuve d’Ascq, 2004, annexe 3, p. 329 à 359.

18 Priotti J.-P., op. cit., p. 251-252.

19 Gérardin Panse, « le plus gros marchand de toiles de Lyon dans les années 1550-1560 » ou ses confrères De Villars, Tassart, Vaillant ou Guérin en font venir de Nantes, ainsi que des toiles Normandie et des draps du Poitou, d’Angleterre et de Flandre ; Gascon R., op. cit., t. 1, p. 79.

20 Pétré-Grenouilleau O., op. cit., p. 31-32.

21 La valeur de ces importations de sucre s’élèvent en 1786 à 22,6 millions de livres, contre 8,1 millions pour le café et 2,8 millions pour l’indigo, la valeur totale des importations coloniales nantaises étant alors de 37,5 millions de livres contre 64,8 millions à Bordeaux ; Bois P. (dir.), Histoire de Nantes, Toulouse, 1977.

22 Pétré-Grenouilleau O., op. cit., p. 121.

23 Laucoin C., La naissance du trafic antillais (1638-1660), mém. maîtrise, Nantes, 1999, p. 34.

24 ADR, 1C 279, affaires économiques, procédure extraordinaire contre la veuve et frères Lescalier, 1718.

25 AMN, HH 219 – HH 222, Compagnie des Indes, ventes, 1719-1722.

26 Trocmé E., Delafosse M., Le commerce rochelais de la fin du XVe au début du XVIIe siècle, Paris, 1952, p. 93-94.

27 Gascon relève l’arrivée, en 1544, de 31 quintaux de sucre en provenance de La Rochelle, puis de 90 quintaux de cassonade en 1578. De leur côté, Trocmé et Delafosse constatent que le marchand rochelais Nicolas Bobineau expédie à Lyon 7618 livres de sucre en 1540, 3104 livres en 1541, puis seize balles de poivre en 1557. Mais Gascon sur la nature de ces arrivages : « achats exceptionnels, simples épisodes ou courants réguliers ? ». Gascon R., op. cit., t. 1, p. 97, note 134 ; Trocmé E., Delafosse M., op. cit., p. 94-95.

28 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 88.

29 Trocmé E., Delafosse M., op. cit., p. 94.

30 En 1522-1523, 25 des 6016 balles de draps qui entrent à Lyon viennent de La Rochelle (0,4 %) ; Gascon R., op. cit., t. 1, p. 163.

31 Une vingtaine de navires appareille chaque année pour les Antilles entre 1670 et 1678, puis de 40 à 55 par an entre 1678 et 1686 ; Delafosse M., « La Rochelle et les Îles au XVIIe siècle », Revue d’histoire des colonies, 1949, vol. xxvi, p. 243.

32 Ibid., p. 257.

33 Tours, Saint-Étienne et le Poitou sont désignés comme premiers fournisseurs d’étoffes ; ibid., p. 255.

34 Ibid., p. 253.

35 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 128.

36 Dans les inventaires des marchands fabricants André Blic en 1560, puis Claude Gapaillon et son confrère René Laurencin en 1583, les sommes dues par leurs clients bordelais représentent seulement entre 0,5 et 2 % de l’ensemble des créances qui n’ont pas été soldées. Ibid., t. 1, cartes du marché du livre (fig. 8) et du marché des textiles (fig. 10) et p. 64 et 137.

37 Les marchands lyonnais, eux, risquent peu leur capital en dehors de leur ville. Néanmoins, Gascon relève l’exemple de deux maisons lyonnaises impliquées ensemble dans le commerce du pastel entre 1551 et 1560, celui des Camus et des épiciers Paffy et Gella qui s’associent pour 2/5e chacun au toulousain Étienne Ferrières ; ibid., p. 292.

38 Ils sont 25 à Bordeaux entre 1630 et 1640, 35 entre 1641 et 1650, 46 entre 1651 et 1660 et représentent au cours de ces trois décennies la moitié des marchands étrangers établis dans la ville. Les marchands ibériques ne sont que 9 avant 1640, puis leur nombre passe à 22 entre 1641 et 1650 et à 39 entre 1651 et 1660. Gautier B., « Les marchands étrangers à Bordeaux et à Rouen dans la première moitié du XVIIe siècle », Bulletin du centre d’histoire des espaces atlantiques, Bordeaux, 1995, no 7, p. 11.

39 Ibid., p. 18-22

40 Gautier B., « Commerce et marchands bordelais dans la première moitié du XVIIe siècle, 1630-1660 », Bulletin du centre d’histoire des espaces atlantiques, Bordeaux, 1993, no 6, p. 18.

41 Butel P., « Guerre et commerce au XVIIIe siècle vus de Bordeaux », dans Rochefort et la mer, guerre et commerce maritime au XVIIIe siècle, Jonzac, 1994, p. 56-69.

42 Petre Grenouilleau O., op. cit., p. 32.

43 Gautier B., « Commerce et marchands bordelais... », op. cit., p. 48.

44 Une quarantaine de Hollandais et Flamands entre 1627 et 1646, et une trentaine d’Ibériques jusqu’en 1656, qui représentent respectivement 39 à 52 % et 31 à 38 % de l’ensemble des marchands étrangers présents à Bordeaux au cours de la première moitié du XVIIe siècle ; Gautier B., « Les marchands étrangers à Bordeaux et à Rouen... », op. cit., p. 11.

45 Gascon R., op. cit., t. 1, p. 128 et 69.

46 En 1522-1523, sur 5 202 balles de draps qui entrent à Lyon, 234 proviennent de l’ensemble Normandie – Picardie, dont 46 seulement (0,8 %) de Rouen. Même s’il s’en trouve certainement d’autres parmi les quelques 981 balles qui viennent de Paris où une partie des draps normands sont terminés, c’est peu. Par contre, un quart des draps anglais vendus à ces mêmes foires de Lyon aurait transité par Rouen. Ibid., p. 70 et 127.

47 Sur 2 585 balles entrées à Lyon en 1522-1523, 25 seulement arrivent de Rouen (1 %) ; ibid., t. 1, p. 78.

48 Ibid., t. 1, p. 90, fig. 6, épices méditerranéennes, épices atlantiques.

49 Ibid., t. 1, p. 91.

50 Ibid., t. 1, p. 93.

51 En 1569 la quantité d’aluns négociée aux foires de Lyon, environ 80 tonnes, correspond aux quantités d’alun de Civitavecchia qui entrent en moyenne chaque année à Marseille ; « pour les aluns comme pour tant d’autres marchandises débarquées à Marseille, Lyon est le grand centre commercial et financier de redistribution » ; ibid., t. 1, p. 97-98.

52 Louis Bergasse cite une lettre de 1659 dans laquelle le Prévôt des marchands de Lyon affirme que « l’intérêt notable que les Lyonnais ont toujours pris et continuent de prendre au commerce de Marseille, puisqu’il est solidaire du leur et qu’il ne peut recevoir aucun préjudice sans qu’il rejaillisse sur celui-ci ». Rambert G., Histoire du commerce de Marseille, t. IV, De 1599 à 1660. De 1660 à 1789, Paris, 1954, p. 134

53 Ibid, tableau de répartition des navires par pays de provenance et de destination pour les années 1613, 1615, 1628, 1636, 1647 et 1651, p. 89.

54 Zysberg A., Marseille au temps du Roi-Soleil. La ville, les galères, l’arsenal, Marseille, 2007, p. 67-101.

55 « Par arrêt du conseil du 15 septembre 1674, Maurellet et son co-directeur Gabriel Gail furent autorisés à faire transporter de Marseille dans le royaume “la quantité de 50 milliers [50 000 livres-pesant] de sucre raffiné par chacun an dans la raffinerie par eux établie, en payant seulement aux bureaux établis à l’entrée du royaume 4 l.t. pour chacun cent pesant desdits sucres raffinés”. » Rambert G., Histoire du commerce de Marseille, t. VII, De 1660 à 1789. L’Europe moins les trois péninsules méditerranéennes, les États-Unis, Marseille, 1966, p. 20.

56 Savary des Bruslons J., op. cit., t. I, p. 129.

57 Lespagnol A., op. cit., t. 1, p. 405.

58 Ibid., t. 1, p. 408.

59 Ibid, t. 1, p. 459.

60 A. Lespagnol nous apprend que l’hôtel des monnaies de Lyon entretenait un commis à Saint-Malo dès 1660 ; ibid., t. 1, p. 476.

61 Parmi les 66 co-propriétaires des 21 frégates malouines qui sont armées pour Cadix en 1682, 53 sont malouins. Si ces derniers se partagent 112 parts d’intérêt, les 13 consors non malouins s’en partagent 14 ; ibid., t. 1, p. 424 et 426.

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