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L’école d’État conquiert la France

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Jean-Michel Chapoulie

Quatrième partie. Après la réforme de l’organisation des filières scolaires

Chapitre XXI. Une vue d’ensemble rétrospective sur les évolutions de la scolarisation

Texte intégral

« L’Éducation nationale : c’est la grande affaire, tout de suite et pour longtemps. Elle doit d’ailleurs contribuer à effacer peu à peu les classes sociales, à condition que tous les jeunes Français y jouissent de chances égales et que son ouverture aux masses soit compensée par une orientation et une sélection appropriées », Déclaration du Président de la République à l’ouverture du conseil des ministres du 12 décembre 1962.

« Cependant, dans les faits, il semble bien que, si la reproduction est assurée par l’école, la démocratisation reste encore un objectif à atteindre », André Legrand (alors directeur des lycées et collèges), Georges Solaux : « Théories et pratiques des bilans d’orientation », Éducation permanente, 1992, n ° 109-110, p. 60.

1Quel bilan peut-on dresser au niveau national des évolutions consécutives à la réorganisation du système scolaire ? On se limitera ici à deux aspects qui ont été durablement au centre de la politique scolaire : les évolutions de l’intensité de la scolarisation et la question de la « démocratisation » des études dans la tranche d’âge 11-19 ans. J’examinerai d’abord la réalisation de la scolarisation unifiée jusqu’à 16 ans, l’âge de fin de l’obligation scolaire, et les évolutions de la scolarisation dans la tranche d’âge 16-19 ans qui sont les plus significatives après 1967. La question de la « démocratisation des études », examinée ici sur une période aussi longue que le permettent les statistiques, exige au préalable une analyse critique des sources documentaires et des instruments de « mesure » de l’évolution des publics scolaires. J’utiliserai parfois des statistiques qui portent sur les enseignements publics et privés et qui, pour la dernière période, incluent aussi souvent les enseignements agricoles et l’apprentissage. Les statistiques disponibles ne permettent en effet pas toujours de séparer les différentes formes de scolarisation. Cette lacune laisse peu de regret : le rapprochement progressif de celles-ci rend les données portant sur tous les enseignements plus significatives que les seules statistiques de l’enseignement public sous la tutelle de l’Éducation nationale.

L’évolution de la scolarisation du second degré depuis 1970

2L’obligation de scolarisation jusqu’à 16 ans ne fut pas appliquée dans les délais prévus : le taux de scolarisation à 15 ans (public et privé) qui était de 53 % en 1958-1959, atteint seulement 62, 5 % en 1967-1968. La croissance est ensuite régulière mais lente : 81,1 %, 92,4 % et 93,1 % respectivement en 1970-1971, 1975-1976 et 1979-1980 – la croissance entre les trois dernières dates étant en sa totalité imputable à l’enseignement public. On voit que le collège unique défini par la loi Haby était, cinq ans après sa définition, loin d’être réalisé sur le terrain (tableau 12).

a. Dont 2,6 enseignement spécialisé, 10,5 % dans les centres de formation d’apprentis (CFA).
b. Dont 1,5 % enseignement spécial, 8,8 % CFA.
c. Dont 2 % en enseignement spécialisé, 7,2 % en CFA. Les données ne permettent pas d’estimation des taux de scolarisation en 2e cycle court.
d. Dont 7,5 % CFA et 5 % autres.
e. Le calcul, comme celui qui concerne le second cycle court correspond à l’année 1996-1997.
f. Dont 9,2 % en CFA.
g. Dont 8,9 % apprentis en CFA, 4,4 % autres enseignements (agricoles, etc.). Il s’agit d’une évaluation.
Tableau 12. – Évolution des taux de scolarisation à différents âges (1958-2005).

3Ce déficit de scolarisation ne signifie pas que les dispositions légales ne sont pas appliquées, mais résulte pour une grande part des dérogations justifiées par les entrées précoces en apprentissage. Les effectifs de l’enseignement agricole ne sont, par ailleurs, pas inclus jusqu’aux années 1980 dans les statistiques scolaires. On voit cependant que la mise en œuvre d’une scolarité effective jusqu’à 16 ans ne fut guère plus aisée que celle de l’obligation scolaire sous la IIIe République.

4Lors de l’élaboration de la carte scolaire au cours du Ve Plan, la ventilation choisie pour déterminer les capacités d’accueil retient 8 % des flux pour l’enseignement spécial, 40 % dans le second cycle court, 35 % dans le second cycle long (dont 17 % en sections classique ou moderne). La répartition des flux de scolarisation à la même époque, et donc avant la mise en place de la scolarisation obligatoire à 16 ans, était, on l’a vu, profondément différente, comme le déploraient les autorités gouvernementales, unanimes à condamner le « développement excessif » de la filière longue de l’enseignement général. En 1965-1966, les flux (en pourcentage sur l’ensemble de la génération) dans le seul enseignement public sont en effet de 11,5 % dans l’enseignement technique court à 15 ans (âge où ils atteignent leur maximum), et de 20,5 % (à 16 ans) dans l’enseignement général long (tableau 12). Six ans plus tard, en 1971-1972, le flux maximum des élèves dans l’enseignement technique court est atteint à 16 ans ; il correspond à 18,8 % d’une génération, contre 20,7 % pour la filière générale longue. La politique suivie en matière d’équipement scolaire a donc été relativement efficace. L’évolution postérieure est moins favorable à la filière courte, puisque, en 1979-1980, les proportions correspondantes, toujours à 16 ans, dans l’enseignement public s’élèvent à 23,6 % pour la filière courte et à 28,6 % pour la filière longue. Pour l’enseignement privé, entre les deux dates extrêmes, les proportions passent de 5,8 % (à 15 ans) en 1971-1972, à 7,9 % (à 16 ans) en 1979-1980 pour la filière courte, et de 6,3 % à 7,8 % pour la filière d’enseignement longue.

5Une politique d’intensification de la scolarisation se dessine de nouveau à partir de 1981, avec l’objectif d’un maintien plus durable des adolescents de la tranche d’âge 11-19 ans dans le système scolaire. À partir de 1985, il s’agit d’augmenter les flux de bacheliers dans les séries générales et technologiques et de développer la nouvelle série du baccalauréat professionnel, ce qui suppose une augmentation de la durée de la scolarisation dans les filières longue et courte du second cycle. Cette augmentation de la scolarisation (tableau 13) s’est effectuée principalement entre 1985 et 1995 : les taux d’accès au baccalauréat général passent de 19,8 % à 37,2 %, et de 9,6 % à 17,6 % au baccalauréat technologique, alors que le taux d’accès au nouveau baccalauréat professionnel atteint 7,9 % en 1995. Cette évolution, qui concerne l’enseignement public et l’enseignement privé, montre la place croissante prise par les filières qui sont les héritières des filières de l’enseignement technique d’avant 1970.

Tableau 13. – Taux de bacheliers par génération (générations 1940 à 1986).

  • 1 Le point est relevé par Pascale Poulet-Coulibando, « Parcours d’élèves dans le secondaire. Les gra (...)

6Toutes sections confondues, le taux d’accès au baccalauréat atteint presque les deux tiers d’une génération à partir de 1995. La croissance au cours des dix années précédentes a concerné des générations moins nombreuses que leurs devancières, ce qui ne saurait surprendre1. Comme le baccalauréat des sections technologiques cesse simultanément de constituer un diplôme de fin d’études, cette croissance de la scolarisation dans le second cycle du second degré est associée à une croissance de la scolarisation dans l’enseignement supérieur, IUT et sections de techniciens supérieurs des lycées inclus.

  • 2 Catherine Agulhon, « Les turbulences produites par les 80 % au niveau baccalauréat », in Bernard C (...)

7Pour la première fois depuis que le système scolaire connaît une croissance de la scolarisation, cette évolution n’a pas été présentée officiellement comme le résultat d’une « demande » de la population, même si, selon Catherine Agulhon, cette « explication » est toujours utilisée à l’occasion par les administrateurs de cette époque2. La difficulté de l’accès à l’emploi, et plus encore aux emplois stables, pour les jeunes entrant sur le marché du travail, a favorisé une transformation rapide des comportements de scolarisation, et cette politique d’augmentation de l’offre scolaire a presque atteint dix ans plus tard les objectifs avancés en 1985. Après 1995, et dans les années suivantes, la croissance de la scolarisation dans la tranche d’âge 16-19 ans s’interrompt et l’on observe même un léger recul. Cette quasi-stagnation de la scolarisation marque les limites de l’efficacité de la diversification des modes d’accès aux différents diplômes, qui inclut aussi un recours à l’apprentissage pour les baccalauréats professionnels. Le dispositif a atteint ses limites pour la partie de chaque génération la plus rétive à l’égard de l’école puisque le déclin des sorties sans qualification – c’est-à-dire sans obtention d’un diplôme professionnel – s’est également interrompu.

8Réalisé à partir de 1995, le réaménagement des sections générales du baccalauréat a eu des conséquences mitigées : la proportion parmi les bacheliers généraux des bacheliers de la nouvelle série scientifique atteint 50,2 % en 2005, contre 51,4 % en 1994 pour l’ensemble des trois filières scientifiques antérieures. L’augmentation de la proportion de baccalauréats scientifiques officiellement espérée n’a donc pas eu lieu, mais les flux ont toutefois notablement cru.

  • 3 Jacques Narbonne, De Gaulle et l’éducation. Une rencontre manquée, Paris, Denoël, 1994.

9On voit que c’est par une erreur de perspective que l’on peut soutenir, comme l’a fait avec d’autres Jacques Narbonne, que l’impossibilité de mettre en place une orientation autoritaire entre 1963 et 1968 marque un tournant de la politique scolaire3. La focalisation sur l’épisode de l’échec d’une mise en place d’une orientation autoritaire révèle une méconnaissance de l’incidence des capacités d’accueil sur la ventilation des élèves en cours d’études entre les différentes filières – des capacités d’accueil qui sont déterminées bien avant que ne s’expriment les « demandes » des parents d’élèves. Par ailleurs, en France comme dans les pays comparables, avec des variantes dans les modes de réalisation, la deuxième moitié du XXe siècle fut le moment d’une croissance des taux de scolarisation et de l’accès aux études supérieures d’une toute autre ampleur que celle que la France a connu dans les seules années soixante. La politique qui a été suivie renvoie d’ailleurs à des réflexions sur les évolutions de l’économie et de l’emploi qui ne sont pas propres à la France.

10On observera que certaines décisions réglementaires, comme la création des CES en 1963, ou certains événements, comme les conditions exceptionnelles de l’organisation du baccalauréat de 1968, ne correspondent pas à des ruptures importantes dans les séries statistiques qui saisissent les évolutions quantitative de la scolarisation, mais infléchissent à peine ou pas du tout les évolutions en cours. On sait qu’il en avait été de même en ce qui concerne les évolutions de la scolarisation primaire lors de l’application des lois scolaires de 1880 (ou de 1833-1836). La relation entre réglementation scolaire et scolarisation sur le terrain est souvent plus complexe que ne l’affirment les observateurs et les acteurs d’un épisode particulier.

Les équivoques de l’interrogation sur la démocratisation du système scolaire

11On a vu la fréquence avec laquelle un objectif de « démocratisation » de l’accès aux études a été mis en avant dans les projets et les réformes des filières scolaires à partir du début du XXe siècle. On ne peut donc s’étonner que le terme « démocratisation » ait été utilisé de manière imprécise et changeante, parfois dans un même texte à plusieurs sens différents, ni que sa signification ait varié avec l’état des connaissances des inégalités devant et dans l’école. Il en va de même pour l’expression « égalité des chances » plus tardivement introduite.

12Au moins trois types d’usage du terme « démocratisation » peuvent être distingués. Dans le premier, la « démocratisation » est associée à l’élargissement de la base sociale dans laquelle s’effectue le recrutement de l’élite scolaire destinée à former l’élite, c’est-à-dire selon les contextes, les candidats au baccalauréat, les étudiants, et dans la période plus récente, les étudiants de quelques grandes écoles scientifiques et commerciales et de Sciences Po. Dans un second usage, sans doute le plus fréquent dans les discours officiels et les programmes politiques, le terme désigne de manière un peu vague une élévation générale du niveau d’instruction de la population : au cours des vingt dernières années, permettre l’obtention d’une qualification professionnelle autorisant un accès à un emploi stable semble souvent l’objectif mis au premier plan des politiques scolaires placées sous le label de la démocratisation. On peut attribuer la diffusion d’un troisième sens du terme « démocratisation » au développement des statistiques scolaires et des sciences sociales après 1960 : une convergence des taux de scolarisation selon l’origine sociale à différents niveaux d’études est alors la tendance que résume ce terme. Le point litigieux de cette acception tient à la mesure choisie pour définir cette convergence. On observera qu’un accès égal, indépendant de l’origine sociale, aux filières de relégation ou aux filières de second rang n’est jamais ouvertement désigné dans les discours publics comme un objectif de démocratisation, si bien que l’interrogation sur la démocratisation à ce dernier sens présente une sorte de dissymétrie évidemment significative.

13Les critiques initialement formulées contre le système scolaire de la IIIe République portaient sur les obstacles à la scolarisation longue dans la filière secondaire rencontrés par les enfants appartenant aux classes populaires et à une partie des classes moyennes. Ces obstacles ont été progressivement supprimés à partir de 1924, et surtout de 1959 : plus de prédétermination précoce des avenirs scolaires par des filières dont le « choix » vers 11 ou 12 ans exige une initiative parentale ; moindre coût des études, avec l’extension de la gratuité de l’externat et un système progressivement élargi d’aides financières. Ces aides sont certes très limitées par rapport au coût des études, mais les emplois accessibles avant 18 ans sont devenus rares après 1960, et les scolarisations générales longues n’impliquent donc pas immédiatement un manque à gagner patent par rapport aux filières « courtes » dont les durées d’études ont été beaucoup allongées.

14Mais d’autres obstacles aux scolarités longues des élèves des classes populaires, sont apparus au grand jour à partir des années soixante : la diversité, socialement constituée avant l’entrée dans le cycle d’enseignement obligatoire, des capacités scolaires ; l’inégale propension des élèves, variable avec leur origine sociale, à investir des intérêts dans les activités scolaires ; des « choix » d’orientation tout au long des études qui, à caractéristiques scolaires identiques, révèlent des « ambitions » scolaires croissantes avec la hiérarchie sociale ; une affinité, enfin, entre les comportements favorables à la réussite scolaire et ceux qui découlent de la socialisation des enfants dans les familles dont les parents ont suivi eux-mêmes des scolarisations longues. Bref, pour résumer en une formule : ce que Bourdieu et Passeron désignaient en 1964 par l’expression « héritage culturel ». Les évolutions dans l’accès aux différentes filières d’études et niveaux scolaires sont la résultante du jeu entre ces différents éléments : conditions matérielles et économiques, représentations de l’avenir, héritage culturel – dans le contexte lui-même changeant de l’organisation des filières scolaires.

  • 4 Une liste assez complète de ces publications se trouve dans les bibliographies des ouvrages de Pie (...)

15Statisticiens et sociologues ont proposé de nombreuses analyses des évolutions des inégalités scolaires depuis que l’inégalité des chances scolaires est un sujet de spéculation publique et qu’il existe des enquêtes sur l’origine sociale des élèves4. Les périodes de référence et les niveaux d’études retenus sont variés, mais c’est l’accès à une forme d’excellence scolaire qui est presque toujours scrutée, et rarement l’accès aux filières de second rang ou aux filières de relégation. Les quelques données statistiques disponibles sur les filières de relégation montrent sans ambiguïté que les filières scolaires antérieurement peu valorisées ne sont que très rarement empruntées par les enfants des fractions supérieures des classes moyennes et de la bourgeoisie. Cet aspect essentiel des inégalités de scolarisation s’est maintenu pratiquement sans changement jusqu’à aujourd’hui. Ce constat pourrait suffire pour affirmer que les objectifs de la réforme des filières scolaires – s’ils ont été ceux d’un égal accès de tous les enfants indépendamment de leur origine sociale à tous les types et niveaux d’études (la démocratisation au troisième sens ici distingué) – sont loin d’avoir été atteints. Les évolutions à un niveau intermédiaire de scolarisation, par exemple, au niveau du baccalauréat dans les sections technologiques, mériteraient aussi certainement d’être examinées, notamment sous le rapport d’un rapprochement ou d’une divergence entre catégories populaires et moyennes. Mais les données publiées ne sont pas assez souvent suffisamment détaillées pour permettre de saisir les évolutions à long terme.

  • 5 La diversité des conclusions est suggérée par les titres des articles suivants, Dominique Goux, Ér (...)

16Les nombreuses analyses consacrées à la question de la démocratisation publiées dans des revues de sciences sociales, dans des publications officielles du ministère, comme Education et formations, ou de l’Insee, comme Données sociales, portent non pas sur la réalisation de la démocratisation au troisième sens distingué – nul ne discute sa non-réalisation – mais sur les tendances d’évolution. Elles s’attachent presque toujours aux filières d’excellence dans des définitions plus ou moins larges. Leurs conclusions sont loin d’être identiques, même quand les périodes prises en compte sont à peu près les mêmes : elles vont d’une démocratisation partielle pour telle ou telle période à une non-démocratisation durable, et parfois à une accentuation des différences entre les catégories retenues5. Ces divergences s’expliquent par la diversité des définitions retenues de l’excellence scolaire, par les différences de sources statistiques, par celles des instruments de « mesure » des tendances à la démocratisation, et par les sympathies et intérêts des auteurs – je laisse dans la suite ce dernier point de côté. Mais il s’agit là d’un type de difficultés récurrentes, car l’étape la plus délicate d’une analyse quantitative est celle de la traduction des données numériques en langage ordinaire. Je me propose ici d’adopter une perspective temporelle aussi large que le permettent les données disponibles et, sans entrer dans le détail de l’examen des modes de raisonnement statistiques – on verra que c’est inutile –, de justifier les conclusions prudentes que l’on peut tirer de l’examen de ces données. Pour cela il convient d’abord d’examiner au préalable d’un peu près les enquêtes qui fournissent les données de base, ainsi que les modes d’interprétation de leurs résultats.

L’incomparabilité des catégories des enquêtes statistiques sur les périodes longues

17L’heureux hasard de l’absence de données statistiques sur la période antérieure à 1936 a longtemps découragé d’analyser la « démocratisation » en comparant deux états du système correspondant à des périodes antérieures très éloignées. Il faut plutôt s’en satisfaire que le déplorer. Les comparaisons supposent en effet une relative identité dans le temps des deux types de catégories qu’elles mettent en œuvre : les catégories de classement des populations et les catégories retenues pour saisir les étapes des cursus scolaires. Ni les unes ni les autres ne peuvent être tenues pour à peu près invariables, même lorsqu’elles ont conservé le même nom, au cours d’une période comme celle qui sépare le début des années soixante et la période actuelle. Il en va ainsi inévitablement : les catégories de classement des populations sont prises dans les mêmes processus d’évolution que les comportements de scolarisation : des métiers et positions professionnelles « exigent » dans une période des qualifications scolaires qu’ils n’exigeaient pas auparavant. On est donc contraint au choix entre une identité nominale dans le temps des catégories – au demeurant approximative quand il s’agit des appellations de métiers – et une identité formelle reposant sur une définition statistique (par exemple : comparer les 10 % de la population française qui ont les revenus les plus faibles au 10 % qui ont les revenus les plus élevés).

18Si l’on veut illustrer les difficultés qu’impliquent les changements simultanés de la composition des catégories et des comportements de scolarisation, le cas des agriculteurs est sans doute le plus frappant. Dans les années soixante et avant, la catégorie de l’Insee « agriculteurs » présentait, pour ses enfants, un niveau de scolarisation souvent inférieur ou tout au plus égal à celui des enfants de la catégorie « ouvrier », et des « choix » aussi peu favorables en termes d’orientation que les choix de celle-ci. Les enquêtes sur la scolarisation dans les années 1980 placent généralement les enfants d’agriculteurs à peu près au même niveau pour la scolarisation que les enfants d’artisans et commerçants, c’est-à-dire dans une position plus favorable que celle des enfants d’ouvriers. Mais la catégorie « agriculteurs » de 1980 se distingue de la catégorie de même nom de 1960, avec la disparition presque achevée en 1980 des petites exploitations. En comparant la scolarisation des enfants d’agriculteurs de 1960 et de 1980, on saisit donc de manière inséparable les transformations des cursus suivis par les enfants issus de cette catégorie et les transformations de la place de celle-ci dans une structure sociale elle-même transformée. Affirmer qu’une démocratisation de l’accès aux études longues a concerné ou non cette catégorie est simplement dépourvu de sens si l’on ne précise pas immédiatement l’ensemble de ces changements. Dans la suite, je laisserai de côté cette catégorie, celle dont la position relative dans les inégalités scolaires a le plus nettement évolué au cours des cinquante dernières années, mais sans oublier que des évolutions similaires, mais de moindre ampleur concernent toutes les catégories, et notamment les employés et les cadres supérieurs dont la définition s’est élargie.

19Une autre difficulté dans l’interprétation des statistiques tient au changement du système des catégories de l’Insee au début des années 1980 – le passage du code des CSP de 1954-1975 au code des PCS de 1982. Ce passage rend évidemment difficile la comparaison des enquêtes des deux périodes, notamment pour les catégories de salariés qui, même lorsqu’elles n’ont pas changé de nom, présentent des différences importantes de définition.

20Plus fondamentalement, un arbitraire inévitable grève la définition de tout système de catégories pour saisir les différences internes à une population comme la population française, si bien que les conclusions que l’on peut tirer de données construites à partir d’un système de catégories n’indiquent rien pour d’autres que l’on aurait pu utiliser – un point que les statisticiens semblent toujours oublier.

21Les catégories de repérage des trajectoires scolaires – diplômes et niveau d’études – posent un problème aussi délicat que celui des catégories de classement des origines sociales. Les paliers d’études significatifs ont varié, comme on l’a vu, entre 1960 et aujourd’hui, ainsi que la définition des filières. On peut certes affirmer qu’il y a eu démocratisation de l’accès à la classe de 3e, puisque près de 97 % des générations actuelles y parviennent (parcours particuliers inclus) ; mais cette affirmation ne fait que formuler autrement la transformation institutionnelle des filières de scolarisation qui visait à conduire jusqu’à la classe de 3e la totalité d’une génération. On a vu que les élèves passés par des parcours particuliers ont un avenir scolaire tout à fait différent de celui des autres élèves et que ces parcours concernent principalement des élèves d’origine populaire. L’examen des chances scolaires d’accéder au niveau de la classe de 3e – parcours particuliers exclus – n’aboutirait pas à des conclusions plus significatives, puisque c’est après la classe de 3e que s’effectue, depuis les années 1970, la différenciation la plus significative des études.

  • 6 Une telle table d’équivalence des niveaux de diplômes dans le temps est utilisée par Claude Thélot(...)

22L’interprétation des probabilités d’accès au niveau sans doute le plus intéressant pour l’enseignement du second degré, le baccalauréat, présente d’autres difficultés. La multiplication des séries au fil des années, et les différences de définition sociale qui sont associées à celles-ci, rendent difficiles – et toujours discutables – les comparaisons en longue période. La solution adoptée par certaines études est la définition a priori d’une table d’équivalence des niveaux de diplômes au cours du temps : par exemple le certificat d’études de 1920 à 1956 est tenu pour un équivalent du brevet d’étude du premier cycle de 1958 à 19856. Ces tables d’équivalence reposent sur des spéculations fondamentalement subjectives sur la valeur différentielle des diplômes au cours du temps, qui autorisent aussi bien l’expression de la nostalgie du passé que l’approbation « moderniste » des changements. Leur usage ne peut déboucher que sur des conclusions d’humeur.

La qualité des enquêtes statistiques

  • 7 Les professeurs de l’enseignement secondaire, op. cit., p. 308.
  • 8 Jean-Pierre Briand, « Sur quelques conséquences des différents emplois du code des catégories soci (...)
  • 9 Voir pour un exemple Jean-Pierre Briand, Jean-Michel Chapoulie, Henri Peretz, « L’inculcation en t (...)

23Il est indispensable de rappeler – puisque les analyses semblent si généralement les oublier – les limites de la qualité des enquêtes où interviennent les professions des parents d’élèves. Les premières enquêtes de l’Éducation nationale, à partir de 1936, ont été réalisées avec un système dont les catégories étaient définies par une simple appellation dont l’interprétation était laissée aux personnels à qui était confiée la catégorisation des professions des parents (le « codage » dans la terminologie des sociologues). Cette catégorisation était réalisée dans le secret de chaque établissement, et on ne saurait soutenir que la perception sociale de ceux qui procédèrent à ces classements fut identique d’une période à l’autre et d’un établissement à l’autre. À partir de 1958-1959, l’Éducation nationale a défini ses catégories de recueil par les intitulés des catégories socio-professionnelles de l’Insee, sans modifier le mode de codage dans les établissements. On peut vérifier – je l’ai fait en consultant les documents de base des enquêtes de 1958-1959, 1967-1968 et 1976-1977 – que le codage des professions ainsi réalisé présente de nombreuses anomalies7. Celles-ci s’expliquent, comme l’a montré Jean-Pierre Briand dans une analyse approfondie, par les conditions de réalisation de ces enquêtes dans les établissements8. La catégorie « employé » a certainement reçu une partie des personnes qui, dans les recensements, sont classés ailleurs (et notamment dans la catégorie « ouvrier »), et d’autre part la proportion de personnes classées dans la rubrique « divers » varie fortement avec les enquêtes, ce qui suffirait à décourager d’interpréter des différences de pourcentages faibles (de 1 ou 2 %, voire plus). Rapprocher ces données de celles que fournissent les recensements de population réalisés dans des conditions tout à fait différentes, comme ce fut parfois le cas, est pour le moins téméraire puisqu’il existe des années où le taux de scolarisation en classe de 4e des enfants de la catégorie « employé » ainsi calculé dépasse 140 %9.

  • 10 Voir Charles Soulié, « L’origine sociale des collégiens et des lycéens en France : une analyse des (...)

24On peut exclure que le codage réalisé dans un autre type d’enquête sur lequel on peut s’appuyer – les enquêtes par panel qui suivent la progression au fil du temps dans l’institution scolaire d’une génération d’élèves – témoigne d’une fidélité sans faille aux consignes appliquées par l’Insee lors du codage des professions dans ses propres enquêtes. On sait d’ailleurs qu’un problème autrefois mineur, mais qui a cessé de l’être, réside dans la détermination du « responsable » de chaque élève10. Cependant, comme la profession de ces responsables – l’un des parents en général – a été une seule fois codée dans ces enquêtes, les catégories d’origine sociale des élèves dont on suit les cursus au cours du temps ont une composition stable. Il est tentant – je le ferai ici – de rapprocher les résultats de ces enquêtes de celle réalisée par l’Ined sur un échantillon d’élèves du cours moyen 2e année en 1961-1962. Il faut cependant rappeler que les catégories de classement de l’Ined en 1962 n’étaient pas tout à fait identiques à celles de l’Insee, que l’échantillon d’élèves retenu en 1962 reposait sur des quotas, et enfin que la refonte du code des CSP en 1982 ajoute encore une approximation à la mise en série de l’ensemble de ces enquêtes.

  • 11 Voir Marie Duru-Bellat, Annick Kieffer, La démocratisation de l’enseignement « revisitée » : une m (...)
  • 12 Marie Duru-Bellat, Annick Kieffer, « La démocratisation de l’enseignement en France : polémiques a (...)

25Un troisième type d’enquête, les enquêtes Formation qualification professionnelles (FQP) réalisées par l’Insee sur des échantillons de la population française, a été ces dernières années utilisé par plusieurs études sur la scolarisation. Il faut ici recourir simultanément à plusieurs de ces enquêtes, qui sont réalisées après chaque recensement et dont la solidité ne semble pas avoir été jusqu’ici prise en défaut. Leur mise en série est cependant plus problématique, car toutes les enquêtes n’ont pas été exploitées avec les mêmes catégories – les premières utilisent les CSP de 1954, les dernières les PCS de 1982 et le codage des diplômes ne semble pas non plus le même dans toutes les enquêtes11. Une des exploitations de ces données fait apparaître une « anomalie » surprenante : un plus faible taux d’obtention d’un baccalauréat pour les cohortes entrées en 6e correspondant aux générations nées entre 1954 et 1963 par comparaison avec les générations immédiatement antérieures et postérieures12. L’estimation à partir des statistiques annuelles du ministère des taux d’accès au baccalauréat par génération ne fait pas apparaître un déclin de la proportion de bacheliers pour ces générations, mais cette anomalie (imputable aux échantillons, à la généralisation de l’entrée en 6e pour ces générations, ou aux variations au fil du temps de l’exactitude des réponses aux questions sur les diplômes possédés ?) devrait rendre prudent dans les interprétations, notamment quand sont prises en compte ces générations. Il faut ajouter que ces enquêtes ne distinguent pas, comme les enquêtes par panel, les études dans l’enseignement public et les études dans l’enseignement privé, et que l’on ne peut en tirer sans précaution un bilan sur le fonctionnement de l’enseignement public, le seul à s’être attribué un objectif de démocratisation.

Comment « mesurer » les évolutions de la scolarisation ?

26Un autre élément, l’usage d’indices de mesures variés, introduit des confusions supplémentaires dans les analyses. Ont été utilisées principalement dans les études publiées les différences des probabilités d’accès entre catégories à deux époques différentes, les rapports entre ces mêmes probabilités, ainsi que des indices un peu plus compliqués comme les odds ratio, introduits en partie pour régler… les divergences d’interprétation auxquelles conduisait l’usage simultané des indices précédents. Il est facile de voir que c’est ici la forme de la réponse attendue qui détermine les techniques statistiques adoptées. Il n’y a sans doute guère de raison de s’intéresser à des rapports de probabilités d’accès, sinon en raison de la possibilité de formulations simples (par exemple « deux fois plus de chances ») et d’un usage commun fréquent dans la vie quotidienne de ce type de formules.

  • 13 Pour une présentation récente, voir Daniel A. Powers, Yu Xie, Statistical Methods for Categorical (...)

27Introduits d’abord aux États-Unis pour l’étude de la mobilité sociale, les odds ratio, ont été de plus en plus souvent utilisés ces dernières années13. Il s’agit d’indices calculés à partir du rapport des chances relatives d’accéder ou non à un diplôme ou un niveau d’études donné pour deux catégories (l’indice utilisé est le logarithme népérien des rapports des chances d’obtention et de non obtention). Cet indice est interprété comme une mesure du caractère « juste » ou biaisé de la « compétition » entre ces deux catégories pour l’accès à un bien. Il est insensible aux transformations de la distribution des origines sociales et il fournit ainsi une mesure qualifiée d’« intrinsèque » du lien entre origine sociale et diplôme, en laissant de côté ce qui renvoie aux variations de la durée des études ou aux changements de la répartition par CSP.

  • 14 Se limiter à deux catégories n’est évidemment pas indispensable, mais considérer tous les odds rat (...)

28L’usage le plus fréquent de cet indice a conduit à focaliser l’attention sur les deux catégories de salariés extrêmes dans la hiérarchie (approximative) des catégories actuellement en usage : cadres et professions intellectuelles supérieures (parfois associés à d’autres catégories voisines) et ouvriers. On ne peut cependant oublier que ces deux catégories ont connu des changements très importants au cours du dernier demi-siècle, et que les évolutions relatives qui les concernent renvoient aussi aux évolutions internes de leur composition et de la place qu’elles occupent dans la structure sociale. D’autres catégories pourraient être retenues, par exemple la comparaison séparée de ces deux catégories avec une catégorie intermédiaire. Il n’est nullement assuré que les conclusions que l’on en tirerait pourraient être résumées par une même alternative simple entre démocratisation et non-démocratisation à laquelle conduisent les comparaisons entre cadres supérieurs et ouvriers14.

  • 15 Cette récusation ne signifie pas que l’instrument des odds ratio ne puisse pas être à l’occasion u (...)

29L’un des raisons du succès de l’usage de cet indice tient à l’évidence à la diffusion de logiciels d’utilisation aisée. Cette mesure « intrinsèque » mérite cependant qu’on s’y arrête un instant : il s’agit d’une abstraction statistique, et les évolutions intéressantes (si l’on se place du point de vue des membres des générations concernées) ne sont pas celle d’une « mesure intrinsèque », mais justement les évolutions observées, en partie liées aux variations des marges, c’est-à-dire ici notamment aux variations de la durée des études. Les conclusions que l’on peut tirer de l’examen des odds ratio me semblent donc dans ce cas peu intéressantes15.

Transformations institutionnelles des filières et évolutions tendancielles

30Les difficultés qui viennent d’être évoquées – flou des catégorisations, fiabilité incertaine des enquêtes, statistiques portant parfois sur l’enseignement public, parfois sur les enseignements public et privé, indices arbitrairement choisis pour mesurer les différences de cursus scolaires – ne sont pas ignorées, ou pas toutes ignorées, de ceux qui ont proposé des analyses sur la démocratisation. Parfois mentionnées en début d’analyse, elles risquent cependant d’être oubliées par le lecteur lors de la présentation des résultats, et a fortiori lors de leur interprétation, si souvent péremptoire, notamment lorsqu’un modèle statistique sophistiqué a été utilisé. Elles le sont encore davantage dans les conclusions des analyses formulées de manière simpliste par l’alternative entre démocratisation et non-démocratisation, même lorsque seules deux catégories sociales, « avantagées » et « désavantagées », ont été étudiées.

31L’incertitude qui grève les données rend préférable de ne s’intéresser qu’aux données les plus simples que l’on peut interpréter sans oublier cette incertitude, et de proscrire des démarches dont la sophistication technique laisse ignorer ce que celle-ci introduit, notamment les modèles dont on compare les « ajustements ». (Que valent des ajustements de données incertaines, définies à l’issue de choix arbitraires de catégorisation ?) L’instrument de mesure qui doit être préféré est la différence de probabilités d’accès aux différents niveaux d’étude ou diplômes, car sa signification est dépourvue d’ambiguïté. Quand des probabilités d’accès ne peuvent être calculées, on peut utiliser, pour déterminer des tendances d’évolution, ce substitut imparfait qu’est l’évolution des distributions d’origine sociale lorsqu’on dispose de statistiques annuelles ou quasi annuelles, puisque les évolutions de la composition sociale des générations successives d’une année à l’autre peuvent alors être considérées comme négligeables. L’unité d’analyse appropriée est la génération scolaire – la cohorte définie par son passage à une étape décisive des cursus, en premier lieu ici l’entrée en 6e ou l’entrée au cours préparatoire. Cependant la statistique scolaire a eu, pendant une longue période, pour repère l’année scolaire et l’on est souvent conduit à l’approximation qui consiste à interpréter les évolutions par référence à des cohortes de naissance.

32Ce sont les tendances d’évolution par période et en relation avec les transformations de l’organisation scolaire décrites dans les chapitres précédents que l’on a cherché ici à déterminer. Celles-ci ne peuvent que rarement être décrites dans les termes de l’alternative simple que suggère la question dans sa forme usuelle : comme tendances à la démocratisation ou à la non-démocratisation. La convergence vers une même valeur des indices utilisés pour toutes les catégories sociales est certes une éventualité – la tendance à la démocratisation – mais bien d’autres peuvent se rencontrer : convergence pour une partie des catégories sociales mais divergences avec d’autres, divergence de toutes les autres catégories par rapport à une catégorie « favorisée », ou par rapport à une catégorie « défavorisée », etc. Dans ce cas, la difficulté est d’ordre linguistique : faute d’un vocabulaire assez riche, il est impossible de résumer en une phrase l’évolution d’une série de coefficients.

33On voit que l’interrogation sur la démocratisation du système d’enseignement n’est simple que si l’on se contente d’une perception distante des donnés disponibles, et que l’interprétation de ces données se heurte à des difficultés non négligeables. Des réponses relativement précises peuvent cependant être avancées. On ne se limitera pas ici, comme on le fait souvent, à la comparaison de deux catégories prises comme représentant les deux extrêmes de la hiérarchie sociale : cadres supérieurs (parfois réunis à d’autres catégories supposées proches) d’un côté, et ouvriers de l’autre.

  • 16 Voir par exemple « Population » et l’enseignement, Paris, 1970, PUF/Ined, p. 38.

34Pour une première période, entre 1936 et 1956, on dispose principalement de la série issue d’une enquête annuelle qui donne les distributions d’origine sociale des élèves de la classe de 6e dans les établissements secondaires. La catégorisation des professions des pères, propre à l’Éducation nationale, distingue les professions libérales, les employés, les artisans, les ouvriers d’industrie, les cultivateurs et les fonctionnaires. On doit douter de la qualité et de la précision de ces données, mais il est plausible puisque leurs conditions de production sont identiques, qu’elles sont relativement comparables d’une année à la suivante. La série, que l’on n’a pas reproduit pas ici, a été, entre autres, reproduite dans des publications de l’Ined16. Elle ne suggère aucune évolution notable dans les distributions d’origine sociale, en dehors de celle qui prend place entre 1936 et 1943, et qui correspond à l’intégration des écoles primaires supérieures dans l’enseignement secondaire : au cours de la période, la proportion d’élèves issus des trois catégories cultivateurs, ouvriers d’industrie et artisans connaît une augmentation sensible passant de 8,7 % à 32,5 % des effectifs de 6e entre 1936-1937 et 1944-1945 c’est à dire pour les générations nées entre 1925 et 1933. Le déclin de la proportion des enfants de professions libérales et de chefs d’entreprises industrielles et commerciales en 6e est cohérent avec cette évolution. On ne dispose pas de statistique sur d’autres niveaux d’études que la classe de 6e, mais l’augmentation de la proportion de bacheliers pour les mêmes générations rend plausible que, de manière atténuée en raison d’une élimination différentielle en cours d’études vraisemblablement plus forte pour les élèves issus des catégories populaires que pour les autres, une augmentation de la part des élèves d’origine populaire concerne l’ensemble des classes de l’enseignement secondaire. Celle-ci a probablement été accentuée plus tard, au niveau du second cycle, par la création de la section M’qui recevait les élèves ayant poursuivi leur scolarité jusqu’en 3e dans un cours complémentaire.

35Cette première « démocratisation » des études longues, d’ampleur modeste, qui concerne les générations nées autour de 1930, est la conséquence de décisions institutionnelles concernant les filières scolaires : le rattachement des EPS à l’enseignement secondaire et la création d’un nouveau baccalauréat. Pour les générations suivantes, nées entre 1935 et 1945, l’absence d’évolution dans la composition sociale des classes de 6e des lycées suggère une croissance de la scolarisation proportionnellement plus forte dans les catégories supérieures que dans les catégories populaires. Celle-ci est sans doute imputables avant tout aux filles, et traduit un alignement rapide des comportements de scolarisation les concernant sur ceux des garçons (les statistiques d’origine sociale ne distinguent pas entre les deux sexes).

  • 17 Antoine Prost, L’enseignement s’est-il démocratisé ? Paris, PUF, 1986.

36Pour une période, 1945-1980, qui recouvre partiellement celle qui vient d’être examinée, on dispose des données réunies par Antoine Prost à partir de fichiers d’élèves d’un échantillon d’établissements de l’Académie d’Orléans et des enquêtes du ministère de l’Éducation nationale sur la France entière17. Je reprends ici partiellement les conclusions établies de manière prudente et méthodique par l’auteur, mais en formulant les conclusions par référence aux générations.

  • 18 Voir la Note d’information du ministère no 80-22 (1980).

37Les conclusions de Prost pour la période antérieure à 1956 sont similaires à celles qui viennent d’être avancées. Pour la période suivante, entre 1958 et 1967, on dispose d’abord d’enquêtes annuelles sur l’origine sociale des élèves, puis d’enquêtes espacées de quelques années, mais étendues aux cours complémentaires et aux collèges techniques. Celles-ci font apparaître une augmentation croissante dans les classes de 6e des lycées de la proportion des élèves fils ou filles d’ouvriers et d’employés, et un déclin relatif ou une stabilité de la proportion des enfants de patrons et de cadres supérieurs, alors que le recrutement très largement ouvrier des CEG s’accentue encore. Pour l’ensemble des classes de 4e (les classes de relégation qui ne débouchent pas sur des études au-delà de la 3e étant exclues), l’évolution est analogue, et l’on peut conclure à une tendance à la démocratisation de l’accès à ce niveau. Rien de surprenant en effet à ce que les générations directement concernées par les réformes des filières scolaires de 1957-1963 aient connu un accès à la fois croissant et moins discriminant socialement dans le premier cycle, et l’on constate seulement ici les conséquences du rapprochement des CEG et des premiers cycles de lycées, puis de la création des CES. Si l’année 1967 semble associée à une inflexion dans les évolutions, c’est sans doute parce qu’on ne dispose d’enquête statistique ni pour les trois années précédentes, ni pour les six années suivantes. L’évolution des distributions d’origine sociale des élèves au niveau des classes de seconde est curieusement semblable à celle des classes de 4e, avec de nouveau une inflexion à partir de 1967, alors qu’on attendrait une évolution décalée dans le temps. On sait par ailleurs que la croissance des taux d’obtention par génération du baccalauréat a été particulièrement rapide pour les générations dont les naissances s’échelonnent entre 1947 et 1955 – c’est-à-dire pour les générations qui ont été les plus directement concernées par la réforme du premier cycle et par ses suites immédiates18. Il est plausible que les élèves d’origine populaire de ces générations ont bénéficié d’un accès croissant au baccalauréat. Cette croissance est cependant d’ampleur limitée puisque le recrutement social des classes du second cycle court est resté très stable, avec une proportion d’enfants d’ouvriers qui présente même une légère croissance, laquelle peut s’expliquer par la croissance de la part d’ouvriers dans la population active au cours de cette période.

Sources : voir annexe statistique.
a. Pour 1962 les % concernent les élèves sortis de CM2 et non les élèves entrés en 6e.
b. Y compris les inactifs et catégories divers ne figurant pas dans le tableau.
Tableau 14. – Pourcentage d’élèves entrés en 6e en 1962, 1973, 1980 et 1989 qui ont obtenu le baccalauréat selon l’origine sociale.

38Entre 1967 et 1978, la proportion d’élèves d’origine populaire a cessé de progresser au niveau des classes de 4e et de seconde, et la seule évolution nette est un renforcement de la proportion d’enfants de cadres supérieurs et de professions libérales dans les secondes de la section scientifique. La différenciation des filières de second cycle qui découle de la réforme a permis d’orienter vers les filières technologiques une partie importante des élèves d’origine populaire. L’âge a pris à ce moment une importance croissante comme critère d’orientation scolaire, et ce critère, défavorable aux élèves d’origine populaire en moyenne plus âgés que ceux d’origine plus élevée, explique au moins une partie de l’arrêt de la croissance de l’accès des élèves d’origine populaire aux filières d’études générales. La création – ou la redéfinition – de filières de second rang (technologiques, etc.) à côté des filières d’enseignement général au niveau du second cycle a ainsi bloqué le processus d’accès aux études générales longues qui était en cours pour les générations nées avant 1956.

39On ne dispose plus après 1980 d’enquêtes annuelles du ministère de l’Éducation nationale sur les origines sociales des élèves. Mais on peut s’appuyer sur les enquêtes par panel qui suivent des promotions d’élèves au cours de leurs études secondaires. La première, réalisée par l’Ined en 1962, correspond à peu près à la génération née en 1951, une génération qui a subi partiellement l’application de la réforme du collège et ses suites. L’enquête suivante porte sur des élèves en classe de 6e en 1972 – c’est-à-dire sur des enfants nés autour de 1961, une génération scolarisée dans le secondaire avant la création du baccalauréat professionnel. L’enquête, comme les suivantes, inclut cette fois l’enseignement privé, et il faut donc insister sur le fait que les analyses qui suivent ne peuvent fonder tout à fait des bilans des effets de la politique suivie par le ministère de l’Éducation nationale, puisqu’une partie des décisions qui concernent les établissements privés ne peuvent être totalement imputées à la politique de ce ministère. La comparaison pour les deux générations 1951 et 1962 des probabilités d’accès au baccalauréat par origine sociale (tableau 14) confirme à une exception près les conclusion des analyses précédentes : les catégories supérieures ont vu leur probabilités d’accès au baccalauréat croître davantage que l’ensemble de la population et que les classes populaires (ouvriers et employés). Par contre le déclin des probabilités d’accès des seuls enfants de cadres moyens paraît peu plausible. Peut-être renvoie-t-elle à l’intégration du privé dans la seconde enquête et aux différences des codages, réalisés par l’Ined pour la première enquête, par l’Éducation nationale pour la seconde. Les évolutions ultérieures ne le confirment d’ailleurs pas.

  • 19 Jean-Paul Caille et Sylvie Lemaire, « Que sont devenus les élèves entrés en 6e en 1989 ? », Donnée (...)

Il semble aussi que les résultats des enquêtes par panel du ministère ne sont pas dépourvus d’une certaine fragilité puisque les résultats successivement publiés présentent parfois des divergences importantes et inexpliquées. Ainsi les probabilités d’accès au baccalauréat général pour l’ensemble de la population des panels 1980 et 1989 atteignent 35,1 % et 52,3 % dans une publication, 38,5 % et 62,7 dans une autre, cette fois baccalauréat professionnel inclus, mais on sait que celui-ci ne peut compter pour plus de 6 %19. On voit de nouveau que l’interprétation des différences faibles – et a fortiori l’utilisation d’indices et de modèles statistiques présume trop de la qualité des données.

  • 20 Une autre enquête par panel du ministère de l’Éducation nationale, qui concerne à peu près la géné (...)

40La comparaison du panel 1973 avec les deux panels suivants, qui concernent approximativement les générations nées en 1969 et en 1978, permet de prendre la mesure des effets de l’augmentation massive de la scolarisation à partir du milieu des années 1980. Celle-ci, comme on sait, a accompagné une augmentation importante des probabilités d’accès au baccalauréat – passées de 28,1 % pour la génération née en 1962 à 62,7 % pour la génération née en 1971. Les évolutions semblent cette fois plus favorables aux ouvriers et aux employés, voire aux cadres moyens, qu’aux cadres supérieurs et professions libérales. Mais les probabilités d’accès au baccalauréat des enfants de cadres supérieurs et professions libérales atteignaient déjà 74,1 % pour la génération née en 1962 et sont donc peu susceptibles d’une forte augmentation. L’examen des probabilités d’accès aux baccalauréats scientifiques suggère qu’il y a eu simplement déplacement des inégalités : l’avantage différentiel des enfants de cadres supérieurs par rapport aux enfants des d’ouvriers ou des employés, et même des cadres moyens, a notablement crû pour cette section d’excellence. La fusion des différents baccalauréats scientifiques en une seule section nouvelle en 1995 n’a donc pas eu les effets « démocratisant » qui en étaient attendus. La convergence des probabilités que l’on observe quand on considère ensemble toutes les sections du baccalauréat dissimule donc de nouveau une relégation accentuée dans les sections de second rang des élèves d’origine populaire. Ainsi comme les réformes de 1957-1967 et l’augmentation corrélative de la scolarisation, les réformes des cursus du milieu des années 1980 sont associées à un déplacement des différences accompagnant une démocratisation de l’accès global au niveau d’un baccalauréat qui, toutes sections confondues, perd progressivement la signification sociale qui lui était attachée antérieurement20.

Les nombres entre parenthèses correspondent à des évaluations approximatives. La catégorie « Ensemble » comprend aussi des catégories qui ne sont pas reproduites ci-dessus.
Sources : voir annexe statistique.
Tableau 15. – Pourcentage d’élèves obtenant le baccalauréat parmi les élèves entrés en 6e en 1989 et en 1995.

  • 21 Michel Euriat, Claude Thélot, « Le recrutement social de l’élite scolaire en France. Évolution des (...)

41Lorsqu’on récapitule l’ensemble des évolutions de la scolarisation depuis la IVe République jusqu’à la période actuelle, on voit le simplisme d’une conclusion en termes univoques de démocratisation ou de non-démocratisation. Les deux périodes de croissance rapide de la scolarisation – 1957-1967 et 1985-1995 – sont associées à une augmentation de l’accès des élèves d’origine populaire à des études auxquelles ils accédaient peu auparavant. Les différences de probabilité entre classes populaires et classes supérieures s’atténuent ainsi quand un niveau d’études est atteint par une grande partie de la population. L’évolution des probabilités de scolarisation des catégories intermédiaires – employés, artisans et commerçants – ne les rapproche ni de celles des classes populaires, ni de celles des classes supérieures. Les augmentations de la scolarisation sont associées à une différenciation des filières qui ne permet de conclure ni à une réduction, ni à une augmentation des inégalités entre classes populaires et classes supérieures ou entre classes populaires et moyennes. Les différences entre ces catégories sont importantes pour les deux générations extrêmes. Les deux états du système scolaire sont donc associés à une hiérarchie des chances de scolarisation dans les filières d’excellence qui, dans son principe et dans ses ordres de grandeur, n’a pas été profondément altérée. L’examen de l’accès à l’élite des grandes écoles, l’autre niveau scolaire où des données sont disponibles pour une période qui va de 1950 à 1990, montre également une grande stabilité des différences : ce qui confirme que l’objectif d’une démocratisation – au sens de l’égalisation des chances d’accès selon l’origine sociale – n’est pas un objectif atteint par le système scolaire mis en place au début de la Ve République21.

Notes

1 Le point est relevé par Pascale Poulet-Coulibando, « Parcours d’élèves dans le secondaire. Les grandes tendances nationales dans le secondaire », Education & Formations, janvier-mars 2002, no 62 p. 11-20 (voir p. 13).

2 Catherine Agulhon, « Les turbulences produites par les 80 % au niveau baccalauréat », in Bernard Charlot, Jacky Beillerot (dir.), La construction des politiques d’éducation et de formation, Paris, PUF, 1995, p. 129-137 (voir p. 130-131).

3 Jacques Narbonne, De Gaulle et l’éducation. Une rencontre manquée, Paris, Denoël, 1994.

4 Une liste assez complète de ces publications se trouve dans les bibliographies des ouvrages de Pierre Merle, La démocratisation de l’enseignement, Paris, La Découverte, 2002, et de Marie Duru-Bellat, Les Inégalités sociales à l’école. Genèses et mythes, Paris, PUF, 2002.

5 La diversité des conclusions est suggérée par les titres des articles suivants, Dominique Goux, Éric Maurin, « Démocratisation de l’école et persistance des inégalités », Économie et statistique, 1997, no 306, p. 27-39 ; Claude Thélot, Louis-André Vallet, « La réduction des inégalités sociales devant l‘école depuis le début du siècle », Économie et statistique, 2000, no 334, p. 3-32 ; Pierre Merle, « Démocratisation ou accroissement des inégalités scolaires ? L’exemple de l’évolution de la durée des études en France (1988-1998) », Population, 2002, 57 (4), p. 633-660. Voir aussi Marie Duru-Bellat, Pierre Merle, « De quelques difficultés à cumuler des savoirs sur les phénomènes éducatifs. L’exemple de la démocratisation de l’enseignement », Revue française de pédagogie, 2002, no 140, p. 65-74.

6 Une telle table d’équivalence des niveaux de diplômes dans le temps est utilisée par Claude Thélot, Louis-André Vallet, op. cit.

7 Les professeurs de l’enseignement secondaire, op. cit., p. 308.

8 Jean-Pierre Briand, « Sur quelques conséquences des différents emplois du code des catégories socioprofessionnelles », Economie et statistique 1984, no 168, p. 45-58.

9 Voir pour un exemple Jean-Pierre Briand, Jean-Michel Chapoulie, Henri Peretz, « L’inculcation en théorie et le calcul en pratique », La Pensée, 1980, no 213, p. 138-158.

10 Voir Charles Soulié, « L’origine sociale des collégiens et des lycéens en France : une analyse des conditions sociales de production de la statistique », Population, 2000, 55 (1), p. 169-180. Dominique Merllié, « La confrontation de deux sources d‘information sur la catégorie socioprofessionnelle des parents d’élèves », Population, 2000, 55 (1), p. 181-188 (cet article confronte le codage selon le recensement et le codage administratif pour l’enquête par panel de 1989).

11 Voir Marie Duru-Bellat, Annick Kieffer, La démocratisation de l’enseignement « revisitée » : une mise en perspective historique et internationale des inégalités des chances scolaires en France, Dijon, Cahier de l’IREDU no 60, 1999.

12 Marie Duru-Bellat, Annick Kieffer, « La démocratisation de l’enseignement en France : polémiques autour d’une question d’actualité » Population, 55 (1), 2000, p. 51-80. Ces anomalies apparaissent notamment dans le graphique 2, p. 56. Les auteurs ne les ont pas relevées.

13 Pour une présentation récente, voir Daniel A. Powers, Yu Xie, Statistical Methods for Categorical Data Analysis, San Diego, Academic Press, 2000.

14 Se limiter à deux catégories n’est évidemment pas indispensable, mais considérer tous les odds ratio définis à partir d’un système de catégories rend nécessaire de recourir pour leur interprétation à la comparaison avec des modèles et donc à s’appuyer sur des comparaisons entre les ajustements. C’est ce que font Marion Selz, Louis-André Vallet, « La démocratisation de l’enseignement et son paradoxe apparent », Données sociales 2006, Paris, Insee, p. 101-107. Cette démarche conduit malheureusement à un résultat peu plausible : la démocratisation aurait moins progressé entre les générations nées entre 1944 et 1956, les plus directement concernées par l’augmentation de l’accès en 6e – que pour les générations antérieures et postérieures. Les auteurs ne précisent pas davantage comment ils ont choisi leur modèle et ils ne s’interrogent pas sur la fiabilité différentielle des données, issues de plusieurs enquêtes Emplois de l’Insee.

15 Cette récusation ne signifie pas que l’instrument des odds ratio ne puisse pas être à l’occasion utile dans l’analyse d’autres évolutions – je pense notamment aux mobilités dans l’emploi.

16 Voir par exemple « Population » et l’enseignement, Paris, 1970, PUF/Ined, p. 38.

17 Antoine Prost, L’enseignement s’est-il démocratisé ? Paris, PUF, 1986.

18 Voir la Note d’information du ministère no 80-22 (1980).

19 Jean-Paul Caille et Sylvie Lemaire, « Que sont devenus les élèves entrés en 6e en 1989 ? », Données sociales 2002, p. 81-92 ; Claude Thélot, Louis-André Vallet, op. cit., p. 25.

20 Une autre enquête par panel du ministère de l’Éducation nationale, qui concerne à peu près la génération née en 1984 (élèves en 6e en 1995), a donné lieu à des publications, voir la Note d’information 06-11 (2006). Les catégories utilisées permettent une comparaison avec le seul panel 1989. Aucune évolution importante nouvelle significative n’apparaît (voir tableau 15) – la catégorie « indépendants » de ce tableau est de définition non précisée.

21 Michel Euriat, Claude Thélot, « Le recrutement social de l’élite scolaire en France. Évolution des inégalités de 1950 à 1990 », Revue française de sociologie, 1995, 36 (3), p. 403-438.

Table des illustrations

Légende a. Dont 2,6 enseignement spécialisé, 10,5 % dans les centres de formation d’apprentis (CFA).b. Dont 1,5 % enseignement spécial, 8,8 % CFA.c. Dont 2 % en enseignement spécialisé, 7,2 % en CFA. Les données ne permettent pas d’estimation des taux de scolarisation en 2e cycle court.d. Dont 7,5 % CFA et 5 % autres.e. Le calcul, comme celui qui concerne le second cycle court correspond à l’année 1996-1997.f. Dont 9,2 % en CFA.g. Dont 8,9 % apprentis en CFA, 4,4 % autres enseignements (agricoles, etc.). Il s’agit d’une évaluation.Tableau 12. – Évolution des taux de scolarisation à différents âges (1958-2005).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/111120/img-1.jpg
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Légende Tableau 13. – Taux de bacheliers par génération (générations 1940 à 1986).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/111120/img-2.jpg
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Légende Sources : voir annexe statistique.a. Pour 1962 les % concernent les élèves sortis de CM2 et non les élèves entrés en 6e.b. Y compris les inactifs et catégories divers ne figurant pas dans le tableau.Tableau 14. – Pourcentage d’élèves entrés en 6e en 1962, 1973, 1980 et 1989 qui ont obtenu le baccalauréat selon l’origine sociale.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/111120/img-3.jpg
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Légende Les nombres entre parenthèses correspondent à des évaluations approximatives. La catégorie « Ensemble » comprend aussi des catégories qui ne sont pas reproduites ci-dessus.Sources : voir annexe statistique.Tableau 15. – Pourcentage d’élèves obtenant le baccalauréat parmi les élèves entrés en 6e en 1989 et en 1995.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/111120/img-4.jpg
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