Chapitre XVI. Les transformations du système scolaire sur le terrain de la IIIe à la Ve République
p. 399-419
Texte intégral
« […] le nombre moyen d’années de scolarité par enfant après la scolarité obligatoire est passé de 1,3 années en 1950-1951 à 2 années en 1957-58, ce qui correspond à peu près à un allongement spontané de la scolarisation d’une année en 10 ans. […] Il s’agit là, notons le bien, d’un mouvement spontané qui résulte du désir des parents. Sans doute l’ouverture de nouvelles écoles a-t-elle favorisé ce mouvement, mais si cette extension avait été plus large il eût été plus rapide encore, de sorte que loin d’être accélérée par la politique scolaire, la scolarité a été freinée par l’insuffisance des moyens mis à la disposition des enfants », Alfred Sauvy, « La situation démographique et le développement économique », in Encyclopédie pratique de l’éducation en France, Paris, IPN, 1960, p. 1161-1162.
1Un examen rapide peut laisser croire que le système scolaire à la fin de la IVe République est presque identique à ce qu’il était en 1940, et que les aménagements qu’il a subis sont mineurs : telle est d’ailleurs l’interprétation qui a été généralement retenue. Accepter cette interprétation, qui fut celle de Gustave Monod et d’une partie des observateurs de l’époque, conduit cependant à négliger des éléments institutionnels que l’on peut qualifier a posteriori d’importants, mais qui s’ajoutèrent discrètement à l’édifice scolaire, et à oublier des évolutions significatives de la scolarisation.
Les aménagements institutionnels de l’après-guerre
2Les premières mesures prises après la Libération reposent sur un tri effectué parmi les décisions antérieures du gouvernement de Vichy. Celles qui possèdent un caractère discriminatoire à l’égard des personnels ou des élèves sont annulées, de même que toutes celles auxquelles le régime déchu a conféré un caractère symbolique. Les écoles normales sont ainsi restaurées et la gratuité des études secondaires rétablie. D’autres mesures sont avalisées par les autorités nouvelles, notamment celles qui s’inscrivaient dans des évolutions institutionnelles en cours. Il en va ainsi pour la transformation, décidée en 1941, des écoles primaires supérieures en « collèges modernes » et des écoles pratiques de commerce et d’industrie en « collèges techniques ». Les cursus des collèges modernes avaient été réorganisés en 1943, adoptant les programmes de l’enseignement secondaire moderne et les appellations de ses classes. Dans les années qui suivent immédiatement leur transformation, ces collèges n’offrent souvent pas de classe au delà de la 3e ou de la seconde.
3Vichy laisse également en héritage un type d’établissement administrativement mal défini, souvent désignés comme des « centres de formation professionnelle ». Une partie de ceux-ci sont issus d’une création temporaire de 1939, destinée à assurer la formation rapide d’une main-d’œuvre ouvrière pour les industries d’armement ; d’autres, plus nombreux, ont été créés après la défaite sous la tutelle du secrétariat à la Jeunesse et pour assurer un encadrement politique de celle-ci. Un peu avant la fin de la guerre, tous ces centres sont placés sous la tutelle de la direction de l’enseignement technique. Financés principalement par l’État à travers des associations, certains centres sont rattachés à des établissements d’enseignement technique publics. Ils sont souvent logés dans des locaux de fortune, avec des enseignants pour partie issus du corps des instituteurs, pour partie anciens ouvriers de métier1. En 1944, près de 900 centres reçoivent 60 000 élèves, garçons ou filles – une comptabilité certainement approximative.
4Dans les finalités qui leur sont attribuées dès la Libération, ces centres doivent préparer aux certificats d’aptitudes professionnelles (CAP), et donc occuper une place identique à celle qu’attribuait la loi Astier de 1919 aux cours professionnels pour apprentis. On a vu (chapitre x) que les cours professionnels n’avaient touché qu’une faible partie de la population qu’ils auraient dû concerner. Leur échec est patent à la veille de 1940, et dans le contexte politique de 1944, l’acceptation d’une préparation sous forme scolaire de la main-d’œuvre ouvrière qualifiée ne peut surprendre. Le patronat des industries mécaniques et électriques est d’ailleurs, depuis les années vingt, favorable à la formule d’un apprentissage en école. Dotés d’un personnel qui se syndique fortement à la CGT, les centres de formation professionnelle de 1945 trouvent rapidement une place dans l’organigramme des institutions scolaires, dans un contexte de reconstruction où la main-d’œuvre ouvrière qualifiée est rare. Aucune voix ne s’est élevée en 1944 pour réclamer la suppression de ces centres et, dès 1945, des écoles normales nationales d’apprentissage (ENNA) ont été créés pour former leurs maîtres2. Les centres recrutent leurs élèves à la fin de la scolarité obligatoire, sans obligation d’un succès préalable au certificat d’études, et proposent une scolarité de trois ans jusqu’au CAP – mais les abandons d’études à la fin de la première année sont nombreux. En 1949, les centres sont officiellement dotés d’une nouvelle appellation, « centre d’apprentissage » (CA), et d’un statut d’établissement public. Aucune discussion parlementaire sur ce nouveau statut n’aurait eu lieu sans la question des centres privés : la Commission du travail de l’Assemblée nationale avait donné à l’unanimité son accord pour un vote sans discussion. Mais les députés communistes refusent la création de centres de statut privé, et cette seule question fit l’objet d’une discussion très brève, si l’on excepte l’intervention de Jacques Bardoux, député du Puy-de-Dôme, qui manifeste l’hostilité traditionnelle des parlementaires de centre-droit et de droite à la formation professionnelle d’ouvriers dans des écoles3. La situation matérielle des centres d’apprentissage reste durablement précaire4. Mais ces établissements ont trouvé une formule pédagogique qui s’est révélée efficace, adaptée de la « méthode Carrard » diffusée pendant la guerre5.
5On peut relever la rapidité avec laquelle est mise en œuvre une formule pédagogique efficace et s’est constitué sur tout le territoire un réseau de centres d’apprentissage relativement dense : le nombre d’établissements est, dès 1945, comparable à celui des établissements secondaires, constitué, quant à lui, au fil de plusieurs siècles. Ce réseau a été greffé pour partie sur des établissements préexistants, notamment sur celui des établissements techniques publics qui hébergent ou fournissent du personnel et des machines aux centres qui leur sont annexés.
6La création des centres d’apprentissage a entraîné une modification de la finalité associée aux collèges techniques et de leur place dans l’organigramme scolaire : destinés officiellement avant 1940 à former des « ouvriers qualifiés dont les meilleurs pourront devenir contremaîtres ou chefs d’ateliers », les collèges techniques offrent, après 1945, une filière d’études considérée comme parallèle, quoique inférieure, aux filières secondaires classiques et modernes. Selon leur définition officielle, ils ne forment plus des ouvriers, et leurs meilleurs élèves peuvent prétendre devenir « techniciens », ou passer le baccalauréat technique et devenir cadres.
7Le nombre de centres d’apprentissage ne croit pas sensiblement entre 1945 et 1958 : il passe de 860 environ en 1944 à 946 en 1958-19596. La carte scolaire, initialement produite par la juxtaposition d’initiatives isolées, n’est à demi stabilisée qu’après 1949. En 1948, 93 centres ou sections sont fermés pour insuffisance d’effectifs, si bien que les créations sont bien plus nombreuses que ne le suggère la seule évolution du nombre total de centres7. Les effectifs qui y sont scolarisés connaissent une augmentation sensible d’année en année : voisins de 60 000 en octobre 1944, ils atteignent 170 000 élèves (garçons et filles) en 1958-1959. De nouveau, un type de filière scolaire destiné aux garçons a donné naissance à une filière homologue pour filles – mais celle-ci est davantage tournée vers la formation d’employées.
8Un second élément institutionnel important de l’immédiate après-guerre est la réorganisation des cours complémentaires. On a vu que l’avenir de ceux-ci n’avait pas été tranché par Zay, qui envisageait d’en faire simplement des classes où s’effectuerait la scolarité prolongée à 14 ans des élèves ne poursuivant pas d’études générales ou techniques. Leur avenir ne le fut pas non plus à la Libération, en l’attente de la réforme préparée par la commission Langevin. La doctrine de la direction de l’enseignement du second degré n’a pas évolué en 1950, selon une note probablement destinée au ministre :
« Les futurs cours complémentaires devront reprendre leur véritable place en fin de scolarité obligatoire, ou en tout cas après 14 ans, ils donneront une culture générale en assurant une préparation à la vie pratique. C’est ce que réalisent déjà les Centres d’apprentissage8… »
9En l’absence de réforme d’ensemble, les cursus des cours complémentaires sont réglementés par arrêté en 19479. Alors que depuis 1880 leurs programmes étaient sommairement définis par référence aux trois années des études des écoles primaires supérieures, des programmes sont publiés à leur intention. La durée des études dans les cours complémentaires est fixée à quatre années – les cours supérieurs des écoles disposant de cours complémentaires sont transformés en classes de sixième, et les classes prennent les appellations en usage dans l’enseignement secondaire (6e, 5e, etc.).
10Ainsi réorganisés, les cours complémentaires constituent une filière assurant, parallèlement aux établissements secondaires, les quatre années d’études du premier cycle. Un nouveau diplôme, le Brevet d’études du premier cycle (BEPC), remplace le Brevet d’études primaires supérieures (BEPS). Il peut aussi être présenté par les élèves de l’enseignement secondaire : attendus en petit nombre, les élèves des classes de 3e des lycées et collèges viennent nombreux à cet examen, ce qui accentue le rapprochement entre études des cours complémentaires et du premier cycle des études secondaires (les classes de la 6e à la 3e). En 1951, une nouvelle section est créée dans le second cycle secondaire pour permettre l’accès au baccalauréat des élèves des cours complémentaires : cette nouvelle section (M’), se distingue de la section moderne (M) par la substitution de matières scientifiques à une seconde langue vivante pour la première partie du baccalauréat. Sa création contribue également à une redéfinition des études dans les cours complémentaires : l’achèvement des études à la fin de la classe de 3e et l’obtention du BEPC (antérieurement à 1947 : à l’obtention du BEPS) cesse d’être l’aboutissement scolaire des cours complémentaires. Cette nouvelle section M’suscita les critiques d’une partie des professeurs du second degré : certains déclarent « déficients » ces élèves issus des cours complémentaires, et d’aigres polémiques les opposent aux personnels des cours complémentaires, qui défendent leurs anciens élèves10.
11La création de la section M’est le pendant de la création, en 1946, d’une « section technique » au baccalauréat, envisagée dès 1937 par Jean Zay. Elle est destinée aux élèves des écoles nationales professionnelles et à « l’élite » des élèves des collèges techniques : le modèle des cursus de l’enseignement secondaire est ainsi, à partir de 1951, adopté par toutes les filières d’études prolongées. Les cursus de l’enseignement technique commencent cependant généralement après le passage du certificat d’études, dans des classes de 4e.
12L’ensemble de ces transformations institutionnelles apparaît rétrospectivement comme autant d’étapes qui pouvaient préparer la réforme envisagée de l’organisation des filières scolaires : un tronc commun d’études pour la tranche d’âge 11-15 ans, et la création de filières différenciées pour la scolarisation de la tranche d’âge suivante.
L’augmentation presque continue du budget de l’éducation nationale
13L’augmentation des capacités d’accueil dans les établissements scolaires dépend d’abord, pour l’enseignement public, des budgets votés annuellement par le Parlement. Dans les années cinquante, chaque direction du ministère négocie, son budget avec le ministère des finances, avant la soumission du projet de budget au Parlement. La relation entre augmentation des capacités d’accueil et budgets votés est seulement indirecte, car des créations de classes peuvent utiliser des locaux disponibles ou un personnel libéré d’autres tâches. Il en va de même pour les cours complémentaires qui ont récupéré des postes d’instituteurs libérés par la fermeture d’écoles ou de classes primaires à faibles effectifs.
14Les conjonctures budgétaires sont à plusieurs reprises difficiles après 1945. Des réductions drastiques de tous les budgets sont envisagées en 1950, mais l’Éducation nationale échappe finalement à une partie des réductions envisagées. L’argumentation développée par certains parlementaires en faveur du développement de la scolarisation trouve peu de contradicteurs directs, et la proportion du budget de l’Éducation nationale dans le budget de l’État croît entre 1945 à 1952, et continûment à partir de cette date jusqu’en 196511.
15Ces budgets paraissent cependant insuffisants : la question de l’estimation des locaux scolaires nécessaires est confiée, comme on l’a vu dans le chapitre précédent, à la commission Le Gorgeu en août 195112. Une sous-commission, placée sous l’autorité de l’administrateur du Collège de France, Edmond Faral, est chargée d’une évaluation des « besoins » auprès des différentes directions de l’enseignement – une évaluation qui, ainsi présentée, avait toutes les chances d’être élevée. Elle repose en effet sur l’addition des besoins déclarés par les différentes directions. Les autres sous-commissions sont chargées d’étudier une simplification des procédures administratives et financières, le financement, les techniques et les coûts de construction.
16Le rapport final de la commission Le Gorgeu présente un « état des besoins » en classes, dortoirs, réfectoires, etc., par ordre d’enseignement. L’estimation des crédits nécessaires s’élève à 975 milliards de francs, dont 469 pour les cinq ans à venir. La loi des finances réduisit cette somme à 270 milliards, dont 205 à la charge de l’État13. Les demandes sont du même ordre de grandeur pour l’enseignement primaire et pour l’enseignement technique, mais celles de l’enseignement secondaire ne s’élèvent qu’à 75 % environ des précédentes14.
17Les équipements considérés comme de première urgence par la commission Le Gorgeu ne sont pas tous réalisés dans les années suivantes. En dépit de ses efforts pour standardiser les constructions, le ministère ne parvient pas à dépenser dans les délais requis les crédits de construction qui lui sont alloués : ainsi, en 1956, ce sont seulement les deux tiers des crédits de paiement alloués à la direction de l’enseignement secondaire pour des constructions ou des aménagements de locaux qui sont dépensés, et seulement 52 % pour l’enseignement technique15. Comme dans la période précédente, et avec les mêmes justifications, le Parlement fait preuve d’une faveur évidente pour le développement de l’enseignement technique, même si la part consacrée au technique décline vers 1950, avant de se retrouver à parité avec le secondaire au début des années soixante16. L’équipement de l’enseignement technique est cependant plus coûteux que celui de l’enseignement du second degré, et la capacité de réalisation de l’administration de l’enseignement technique, moins étoffée que celle de l’enseignement du second degré, est moindre. On constate en fin de compte que le développement des filières d’enseignement général a été rapide, alors que presque tous les ans, les centres d’apprentissage et les collèges techniques affirment refuser des milliers de candidats, faute de places (mais le décompte des refusés inclut ceux qui ont été candidats à plusieurs établissements : il n’a donc pas une signification claire).
La densification du réseau des établissements offrant des études post-obligatoires
18Deux différences essentielles distinguent le système de la IVe République du système de filières antérieur à 1940. Le cloisonnement entre filières est moindre, puisque les élèves poursuivant leur scolarité dans la filière d’études des cours complémentaires peuvent parvenir au baccalauréat, et donc éventuellement poursuivre ensuite des études supérieures, tout comme ceux des collèges techniques et des écoles nationales professionnelles. L’offre de places dans le réseau des cours complémentaires de 1950 est par ailleurs bien plus étoffée que celui des EPS d’avant 1941.
19Les ouvertures de cours complémentaires ont été nombreuses après 1945, et, dès 1950, il existe environ 1 000 cours complémentaires de garçons et 1 100 cours complémentaires de filles pour le seul enseignement public, ce qui correspond aussi à un réseau plus resséré que le réseau des établissements secondaires (910 en 1951, pour garçons, filles, ou les deux sexes).
Des ministres de l’Éducation nationale au cours de la période se déclarent d’ailleurs favorables à l’ouverture de cours complémentaires – « J’entends par la création des postes envisagée, favoriser tout particulièrement les Cours complémentaires ruraux », affirme par exemple André Marie, lors de la discussion du budget de 195217. Selon une définition dorénavant souvent avancée, mais que dément la carte scolaire, ceux-ci s’adressent essentiellement aux populations rurales, qui constituent la clientèle politique de parlementaires du centre gauche et du centre droit élus de ces zones rurales : par exemple le 2 décembre 1953, la commission de l’Éducation nationale du Conseil de la République adopte une proposition de résolution demandant au gouvernement de « multiplier les cours complémentaires » et de dégager des ressources pour l’équipement de leurs internats.
20Ce développement des cours complémentaires a été favorisé par leur faible coût pour les communes et pour l’État. Les déplacements de population vers les zones urbaines imposent par ailleurs après 1950 une nouvelle répartition des postes d’instituteurs à l’intérieur des départements, alors que la faible taille des générations nées de 1940 à 1944 diminue, de 1946 à 1950, le nombre d’instituteurs nécessaires pour assurer l’enseignement des classes élémentaires. Des instituteurs sont ainsi disponibles pour une nomination dans des cours complémentaires qu’ils considèrent comme une « promotion ». Il faut également mentionner l’exacerbation de la concurrence entre les écoles publiques et privées consécutive à l’instauration des aides à l’enseignement privé par les lois Barangé et Marie de 1951. La comparaison des effectifs des cours complémentaires en 1946 et dans les années suivantes suggère une augmentation notable et générale de leurs capacités d’accueil. Dans de nombreux départements, le réseau des cours complémentaires a été progressivement renforcé : des cours pour filles sont ouverts là où des cours complémentaires de garçons ont trouvé une clientèle ; des cours complémentaires de garçons ou de filles deviennent mixtes, et des bourgs éloignés des cours préexistants bénéficient de créations18.
Les évolutions de la carte des cours complémentaires sont très variables selon les départements, comme on peut le voir à travers deux exemples contrastés, le Finistère et l’Aube.
Dans le Finistère, qui figure parmi les départements les plus scolarisés à la fin de la IVe République, il existe 36 cours complémentaires en 1946, dont 2 à Landerneau, qui laissent l’année suivante la place à un collège moderne. 15 de ces cours complémentaires sont alors mixtes. Le nombre de cours complémentaires s’élève à 52 en 1952, dont 27 mixtes, et à 62 en 1960. Une grande partie des chefs-lieux de canton dispose alors d’un cours complémentaire. Le renforcement du réseau des cours complémentaires est ici en partie liée à l’âpreté de la concurrence avec un enseignement catholique qui dispose lui aussi d’un réseau dense d’établissements secondaires et de cours complémentaires. Mais il faut remarquer que ces créations ont été bien accueillies par la population, puisqu’un recrutement difficile après une série de créations aurait découragé les créations nouvelles, comme on le voit dans d’autres départements.
L’Aube, qui était un des départements les plus « avancés » pour la scolarisation en 1880, figure au contraire à la fin de la IVe République parmi les départements où les taux de scolarisation au-delà de l’âge l’obligation scolaire sont faibles. Le réseau de cours complémentaires, peu développé en 1946, est resté stable jusqu’en 1952, avec 3 cours complémentaires de garçons, 3 cours complémentaires de filles, et 3 cours complémentaires mixtes ; le seul changement concerne la mixité instaurée dans deux des cours complémentaires de filles. Entre 1952 et 1960, 4 nouveaux cours complémentaires sont ouverts, dont un cours pour filles. Un collège classique mixte est également ouvert entre 1952 et 1960 à Romilly, ainsi que deux lycées techniques à Troyes – un équipement curieusement absent en 1945 dans une ville de cette importance –, alors que le collège moderne mixte de Bar-sur-Seine a fermé entre 1946 et 1952, remplacé par un cours complémentaire.
Dans les villes et certaines zones urbaines, comme dans le Pas-de-Calais et la Seine-et-Oise, la création de cours complémentaires sert aux autorités académiques à compenser l’insuffisance des capacités d’accueil dans l’enseignement secondaire. À Montpellier, l’offre passe ainsi d’un cours complémentaire de filles et un cours complémentaires de garçons en 1946 à 4 cours de garçons et 3 de filles en 1960. Le Havre, ville pourtant dotée de 3 lycées ou collèges pour les garçons et d’autant d’établissements pour les filles en 1945, ouvre 2 cours complémentaires pour chaque sexe entre 1952 et 1960.
21Les aménagements de la carte des établissements secondaires et des collèges techniques ne sont pas négligeables, même s’ils ont eu une incidence plus faible sur la croissance de la scolarisation que les créations de cours complémentaires. Une circonstance paradoxalement favorable a été l’importance des dommages subis par les établissements scolaires pendant la guerre : en 1948, un rapport indique que 44 établissements relevant de la direction du secondaire sont complètements détruits, 110 partiellement, et que 350 autres ont été pillés19. L’adoption de solutions d’urgence, comme la fusion d’établissements masculins et féminins situés dans la même ville, s’est souvent imposée en entraînant la mixité, dans une période où les budgets de l’Éducation nationale sont serrés et les ressources des villes limitées.
22Les aménagements de la carte scolaire ont été rendus possibles par le statut administratif et financier identique à celui des collèges classiques qui est conféré à la Libération aux collèges modernes et aux collèges techniques20. Celui-ci rend possible la fusion d’établissements de dénominations différentes, ainsi que l’implantation de n’importe quel type de filière d’études post-élémentaire dans les établissements secondaires et techniques. Un obstacle à la fusion d’établissements tient aux personnels de direction et d’enseignement, et une commission paritaire administration syndicats est chargée en mai 1946 de réviser la carte scolaire. Les évolutions sont relativement lentes : elles tirent parti des disponibilités en locaux, des départs à la retraite et des mutations des personnels21. Quelques établissements situés dans une même ville – par exemple collèges modernes et collèges techniques – sont fusionnés, ou seulement réunis sous la même direction. Des collèges classiques ou modernes deviennent « classiques et modernes » ; d’autres deviennent « classiques, modernes et techniques », ou « techniques et modernes ». D’autres encore, initialement « modernes et techniques », ne sont plus que « techniques », les sections modernes étant transférées dans un lycée voisin. Enfin quelques collèges sont créés dans des communes ou des zones sous-équipées scolairement : on vient de le voir pour Landerneau et pour Troyes.
23L’instauration de la mixité dans une partie des établissements secondaires et techniques a également augmenté l’offre scolaire. L’évolution, commencée en 1924, lors de l’instauration des préparations du baccalauréat dans le plan d’études des établissements de jeunes filles, s’est poursuivie entre 1940 et 1944. La destruction de locaux a imposé parfois, comme on l’a vu, le regroupement de deux établissements, l’un de garçons, l’autre de filles préludant à leur fusion, même s’il existe des villes où des réticences du personnel de direction, du personnel enseignant ou de la clientèle, à l’égard de la mixité ont conduit après la guerre au retour à une stricte séparation des sexes, maintenue parfois jusqu’à la fin des années soixante22. La question de la séparation des sexes dans les études secondaires, qui avait suscité de longs et prudents commentaires vingt ans plus tôt, a cessé cependant d’être une question très controversée : en 1947, 46 collèges de petites villes sont fusionnés en donnant naissance à 23 établissements mixtes, une mesure présentée comme une source d’économie23.
Les transformations de l’équipement scolaire du département de l’Isère donnent une illustration de ces transformations et des changements de statut les plus fréquents entre 1946 et 1960. À Grenoble, le collège Vaucanson – une ancienne EPS – a cessé d’offrir des études modernes pour se concentrer sur l’enseignement technique. À Bourgoin, le collège moderne de garçons devient collège moderne et technique. À Pont-de-Beauvoisin, les collèges techniques de garçons et de filles, autrefois indépendants, sont placés sous la même direction. À La Mure et à Saint-Marcellin, même évolution : les collèges modernes de garçons et de filles sont fusionnés, donnant naissance à des collèges classiques et modernes entre 1952 et 1960. À Vizille et à Vienne, les collèges classiques de garçons sont également devenus mixtes, mais le collège moderne de filles a cependant subsisté dans la dernière localité. À Voiron, le collège moderne de filles est devenu un collège mixte, classique, moderne et technique. Les autres établissements du département – lycées, collèges ou écoles nationales professionnelles – ont conservé leur statut antérieur, et aucun établissement nouveau du second degré n’a été ouvert. À l’issue de ces changements, l’offre scolaire pour chaque filière d’études et chaque sexe n’est jamais inférieure dans une ville à ce qu’elle était en 1946, et elle est le plus souvent supérieure. La comparaison des effectifs révèle aussi la construction (ou l’appropriation) de locaux supplémentaires dans les établissements.
24La carte scolaire des établissements offrant des études prolongées a été aussi modifié par la création de nouveaux lycées à partir de 1945. Le directeur de l’enseignement du second degré, Gustave Monod est à l’origine de ces nouvelles implantations. Convaincu depuis 1936 qu’un mouvement de développement de la scolarisation est en cours, Monod remarquait que les créations nouvelles à Paris n’entraînaient aucune baisse d’effectifs dans les lycées proches de celles-ci. On a vu (chapitre vi) que le mouvement de création d’établissements nouveaux à Paris et dans la proche banlieue avait commencé dans les années trente. Après 1945, la direction de l’enseignement secondaire procède de manière plus expéditive qu’avant la guerre : plutôt que de commencer par des constructions, elle loue des locaux et y installe des annexes de lycées préexistants, évitant les procédures d’ouverture et les négociations avec des communes toujours réticentes à la prise en charge d’une partie des dépenses24. Les implantations de lycées en Seine-et-Oise échappent également à l’autorité de l’inspection académique du département, ainsi qu’à la connaissance du conseil général25. Dans les années qui suivent la Libération, les implantations nouvelles sont parfois l’occasion de la mise en place d’une organisation scolaire inspirée par la réforme attendue : classes nouvelles, réunion dans un même établissement de filières diverses, et mixité.
Entre 1944 et 1960, 9 annexes de lycées sont ouvertes à Paris, 13 autres dans la Seine (hors Paris), et 10 dans la Seine-et-Oise26. La quasi-totalité de ces annexes devinrent plus ou moins rapidement – dans la moitié environ des cas, dès le début des années soixante – des établissements autonomes. La même démarche dote Lyon et Bordeaux d’un nouveau lycée, Marseille et Toulouse de 2 nouveaux lycées ou annexes de lycées. À Marseille comme à Toulouse, une nouvelle implantation est installée dans un parc et constitue, comme les lycées de Sèvres, Montgeron et Enghien, un établissement modèle ne comportant au début que des classes nouvelles. Dans la Seine-Inférieure, des villes proches de Rouen et du Havre reçoivent des annexes des lycées de ces villes. Le lycée du Havre a ainsi ouvert une annexe mixte à Lillebonne en 1946, et annexé, après 1952, le collège de Montivilliers, une ancienne EPS elle-même issue d’un collège du XIXe siècle. Le lycée de garçons de Rouen a conservé et rendu mixte son annexe, ouverte depuis 1892, à Elbeuf, ville qui dispose par ailleurs d’un collège mixte issu de la fusion d’une EPS de filles et d’un collège technique de garçons. Il a également ouvert, entre 1952 et 1960, deux annexes dans la banlieue rouennaise, à Darnétal et à Petit-Couronne. Le lycée de filles de Rouen a de son côté implanté une annexe à Sotteville, ville dotée par ailleurs d’un collège technique de filles. Ces dernières implantations s’inscrivent évidemment dans la rivalité entre les directions du secondaire et du technique.
25Il faut souligner que l’impulsion pour la création, les constructions ou les aménagements des établissements secondaires et techniques vient presque exclusivement des administrateurs locaux ou de l’administration centrale. Les villes, même importantes, n’ont pas les ressources qui leur permettraient de prendre des initiatives – mais c’était déjà le cas dans l’entre-deux-guerres – et elles cherchent à se décharger sur l’État de leurs établissements27. Une politique de « nationalisation » des établissements (qui diminue la charge pour les communes) est d’ailleurs mise en place dans les années cinquante et poursuivie au début de la Ve République28.
26À la veille de la réforme de 1959, le réseau des implantations qui détermine l’offre de places de l’enseignement du second degré est donc plus serré qu’il ne l’était en 1939 : les deux apports les plus conséquents ont été ceux des anciennes EPS, qui dispensent depuis 1943 des enseignements conduisant au baccalauréat (enseignement classique fréquemment inclus), et ceux des annexes de lycées implantées après 1945 dans les zones urbaines. Il reste encore cependant en 1959 des zones sous-équipées, comme les banlieues des grandes villes et les zones urbaines du nord de la France. Pour incomplète qu’elle soit, la régularisation de la carte scolaire a presque complètement fait disparaître, parfois grâce à l’instauration de la mixité, les collèges à effectif squelettique encore nombreux avant 1940. L’un des plus petits établissements secondaires, le collège de Treignac (Corrèze), devenu mixte, déclare ainsi 116 élèves en 1952 alors qu’il n’en comptait que 36 en 1922-1923 et 81 en 1934-1935.
Le mouvement d’ensemble que dissimule plus qu’il ne le révèle la série statistique nationale du nombre d’établissements entre 1938 et 1957 – année pour laquelle on dispose d’une statistique d’établissements plus précise que pour les années suivantes – résulte des processus d’évolution qui viennent d’être présentés et des transformations de collèges en lycées. Entre 1938 et 1957 le nombre de lycées de garçons est passé de 129 à 127, celui des lycées de filles de 75 à 90, mais il existe aussi à cette dernière date 45 lycées mixtes et 42 autres implantations comme annexes de lycées. Les collèges de garçons – 216 collèges classiques et 315 EPS en 1938 – ne sont plus que 182 en 1957. Aux 114 collèges de filles et 240 EPS (pour une part des annexes des précédents) de 1938 ont succédé 210 collèges de filles. Les 193 collèges modernes mixtes de 1957 sont issus d’établissements de garçons et de filles. Enfin 36 collèges, parmi ceux qui figurent dans l’une des rubriques précédentes, relèvent d’un directeur de l’enseignement technique – il s’agit parfois d’une ex-EPCI de 1938.
27L’enseignement technique « moyen » (pour utiliser une désignation non officielle), initialement dispensé dans les EPCI et les ENP, a bénéficié au cours de la même période d’un renforcement du réseau de ses établissements, et surtout d’un renforcement notable de ses capacités d’accueil. Ses effectifs, qui mesurent sans doute à peu près celles-ci, passent, pour les écoles nationales professionnelles et les collèges techniques, de 66 000 en 1938 à 86 500 en 1944-1945, à 137 000 en 1957-1958 (y compris les élèves des sections administrativement rattachées à des établissements du second degré).
Le nombre total de collèges techniques – garçons et filles – a augmenté d’une soixantaine entre 1938 (208 pour garçons et filles, dont 122 pour les premiers) et 1958 (266 pour garçons ou filles, dont 167 collèges de garçons et 59 collèges de filles), alors que le nombre d’écoles nationales professionnelles passe de 23 à 31 (pour partie par changement de statut de quelques collèges techniques). Il faut y ajouter l’implantation de sections techniques dans des établissements secondaires et dans des cours complémentaires. Le réseau des établissements qui offrent des études techniques est ainsi beaucoup plus développé à la veille de la réforme de 1959 qu’il ne l’était en 1945.
28À considérer séparément la carte scolaire de chaque type d’établissement, on manque un phénomène majeur qui est passé sur le moment inaperçu : l’effacement progressif de l’établissement d’un type défini (lycée, collège technique, etc.) comme unité administrative (et, par voie de conséquence, de collecte des statistiques). Plus encore que dans la période précédente, à des établissements préexistants ont été greffées des filières scolaires relevant d’autres types, dont elles utilisent les locaux, l’internat, l’infrastructure administrative, le personnel enseignant. On a mentionné le cas, fréquent, des sections techniques rattachées à des lycées, à des collèges ou à des cours complémentaires. Un autre cas, également fréquent, est celui des centres d’apprentissage annexés à d’autres établissements techniques. Les locaux ne sont pas toujours complètement communs : l’établissement annexé utilise parfois seulement l’internat, ou certains ateliers, ou même n’a en commun avec l’établissement originel que la direction et les services administratifs. Ces arrangements expliquent en partie la rapidité de la création d’un réseau national de centres d’apprentissage.
29L’harmonisation des cartes scolaires des établissements secondaires et des cours complémentaires est limitée, en raison des rivalités entre les administrations et les corps enseignants correspondants. Comme dans la période antérieure, les responsables de l’enseignement secondaire se plaignent fréquemment de ce que les personnels primaires privilégient l’orientation vers les cours complémentaires29. Ces rivalités ont favorisé le développement des scolarités prolongées, en incitant chaque chef d’établissement à augmenter ses effectifs.
30Les réaménagements de la carte scolaire ont été facilités, sinon rendus possibles, par une autre réforme institutionnelle : la fusion en un petit nombre de catégories de fonctionnaires des catégories antérieures d’enseignants qui reposaient sur des différences de sexe, de type d’établissements (lycées, collèges classiques, collèges modernes), et par ailleurs sur la distinction entre cadres de Paris et de province. Une première réorganisation, en 1945, fait disparaître cette distinction pour les professeurs du second degré : les rémunérations deviennent indépendantes du lieu d’exercice et du statut de l’établissement30. En application du statut de la fonction publique, de nombreuses catégories de fonctionnaires sont un peu plus tard fusionnées en un petit nombre de catégories nouvelles. Pour le second degré, deux grandes catégories sont constituées : les agrégés et les certifiés. Les membres de cette dernière catégorie devaient être recrutés par des concours analogues à l’agrégation, les Capes, qui remplacent les concours créés en 1941 pour recruter les professeurs de collèges, les CAEC. Le rattachement à une même catégorie des professeurs licenciés ou certifiés des lycées, des collèges classiques et des collèges modernes, efface rapidement les antagonismes catégoriels entre ces personnels, et prive par contrecoup définitivement les derniers de la solidarité primaire. La place est donc libre pour de nouveaux antagonismes catégoriels. L’enseignement technique a conservé une partie de ses corps d’enseignement spécifiques, mais de nouveaux concours de recrutement, les Capet, ouvrent, comme les Capes, l’accès au corps des professeurs certifiés.
31Pas plus que dans la période antérieure, les chefs d’établissements n’ont cherché à contenir les effectifs scolarisés dans les différents types de filières ou d’établissements : augmenter les effectifs là où ils sont faibles ou déclinants par rapport aux moyens mis en œuvre, accueillir les candidats même trop nombreux là où ils se présentent, constituent des normes de fait pour les administrateurs. On trouve, comme dans la période précédente des remarques qui montrent la légitimité pour ceux-ci d’une politique de maintien des effectifs dans leurs établissements : ainsi, dans le rapport destiné au conseil académique de Toulouse pour 1951, l’inspecteur d’académie du Gers (département qui se distingue du reste de l’académie par une baisse de ses effectifs d’élèves) mentionne en passant que le proviseur du lycée d’Auch « a dû éliminer une dizaine d’élèves coloniaux, recrutés pour soulager le budget de l’internat31 ». Au niveau de l’administration centrale, Brunold lui-même, bien que favorable en 1953, on l’a vu, à une limitation des effectifs juge celle-ci à peu près impossible en 1956, dans une note au ministre à propos des résultats de l’examen d’entrée en 6e :
« Il paraît difficile de limiter notre recrutement en demandant aux jurys d’être plus exigeants pour l’examen de 6e… dans l’état actuel de l’opinion il n’est guère possible de limiter notre recrutement à la base. Peut-être est-il plus facile de procéder dans les premières années, à une sélection prudente32 ? »
32Les transformations institutionnelles qui viennent d’être présentées ont moins retenu l’attention que les problèmes aigus du fonctionnement quotidien des établissements au cours de la période : l’insuffisance des locaux et les difficultés de recrutement du personnel enseignant nécessaire pour faire face à des effectifs croissants dans tous les types d’établissements33.
33Les difficultés de recrutement concernent les instituteurs dès la fin des années quarante, avec la croissance des effectifs des classes maternelles, puis des classes primaires. Le développement des cours complémentaires a certainement aggravé le déficit d’instituteurs, même si cet élément n’est jamais évoqué ni par le personnel politique ni par les syndicats enseignants. Le déficit du recrutement d’instituteurs constitue, par suite du recrutement et de la gestion à l’échelon départemental, un problème traité selon les ressources locales par les inspecteurs d’académie. Il est lié pour une part à l’inégalité entre la taille des générations à scolariser – exceptionnellement nombreuses pour les générations nées à partir de 1946 qui entrent à l’école primaire à partir de 1952 – et les générations au contraire peu nombreuses dans lesquelles s’effectue à ce moment le recrutement des instituteurs. On peut constater a posteriori que la pénurie relative d’instituteurs n’a pas empêché un développement continu de la scolarisation dans les cours complémentaires.
34Des difficultés de recrutement concernent aussi les professeurs du second degré dans de nombreuses disciplines, et avant tout dans les disciplines scientifiques. L’enseignement technique connaît des difficultés encore plus aiguës. De 1945 à 1955, la crise ne touche pas toutes les disciplines et le recrutement d’auxiliaires permet d’y pallier plus ou moins facilement, en recrutant dans les générations antérieures de diplômés, ou en pré-recrutant des étudiants avant l’achèvement de leurs études supérieures. Le déficit d’enseignants du secondaire est accentué à partir de 1956, et pour les quinze années qui suivent, mais dans un contexte où la croissance de la scolarisation est officiellement encouragée, et où la question du personnel enseignant est traitée comme un « moyen » pour une politique définie par des objectifs de formation de la main-d’œuvre.
Une croissance induite par les transformations institutionnelles des scolarisations longues (1936-1950)
35À partir de 1944, les séries statistiques d’élèves dans tous les types d’établissement offrant des études prolongées révèlent une croissance presque continue des effectifs d’une année sur l’autre, avec parfois un palier d’une année, suivis d’une reprise de la croissance l’année suivante34. Il ne faut cependant pas conclure immédiatement à une croissance des taux de scolarisation, comme le firent les administrateurs et les observateurs de la réalité scolaire des années 1945-1955. Plusieurs facteurs contribuent à cette hausse continue d’effectifs : des transformations du mode de classement des élèves dans les statistiques, la durée croissante des scolarités, la taille des générations à scolariser.
36La conviction de la direction de l’enseignement secondaire qu’un processus de développement des scolarisations longues est en cours s’appuie, comme on l’a indiqué, sur un constat antérieur en partie erroné, et sur des essais d’évaluation des taux d’accès en 6e. L’évaluation plus précise que permettent les données démographiques a posteriori disponibles fait cependant apparaître que les changements dans les comportements de scolarisation sont limités au cours de la période 1936-1950.
Les données sur les effectifs d’élèves après 1939 sont grevées par les conditions de l’époque : l’académie de Strasbourg a momentanément disparu des enquêtes, et on ignore parfois si celle d’Alger est incluse. Cette première difficulté est mineure. Les conditions de réalisation des enquêtes ne laissent pas attendre des statistiques très précises. Les changements dans la classification des établissements et des élèves ont eu des conséquences importantes. La transformation des EPS en collèges modernes a déversé des effectifs antérieurement comptés à part dans les statistiques du secondaire. De plus, les effectifs des années préparatoires de ces établissements, qui sont l’équivalent des cours supérieurs des écoles primaires élémentaires, n’étaient pas inclus (en principe) dans les statistiques des EPS, alors que, devenues des classes de 6e en 1943, leurs effectifs sont comptabilisés dans l’enseignement secondaire. On peut cependant évaluer une partie de cet ajout, car une statistique isole les collèges modernes des autres établissements secondaires. Elle ignore cependant les ex-EPS qui étaient des annexes de collèges ou de lycées et dont les effectifs en 1942 (ou peut-être en 1943) ont été intégrés à ceux de l’établissement principal.
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Abréviations : G : garçons ; F : filles ; second. : tous établissements secondaires ; coll class. : collèges classiques ; coll. mod. : collèges modernes. Les collèges modernes, qui sont avant 1941 des EPS, ont officiellement des classes de 6e à partir de l’année 1943-44. Pour 1937-38 et 1938-39 les taux entre parenthèses correspondent à une évaluation des taux de passage par génération en année préparatoire d’EPS. Sources, champ du tableau et mode d’estimation : voir l’annexe statistique.
Tableau 9. – Évolution des taux de scolarisation en 6e de 1937-1938 à 1950-1951.
37Un calcul des taux de scolarisation en 6e par génération (tableau 9) fait apparaître que, pour les garçons, l’essentiel des 4 % de la croissance estimée entre 1937-1938 et 1950-1951 procède de l’absorption des EPS par l’enseignement secondaire. L’augmentation s’est effectuée en deux temps. L’apport des EPS indépendantes, identifiable, correspond à environ 3 %. Cette augmentation mise à part, il ne subsiste qu’une faible croissance, de 1 % à 1,5 %, de l’accès à la 6e pour les garçons entre 1937-1938 et 1950-1951 – une variation d’ampleur bien plus faible que celle que l’on a observée au cours des années 1927-1933, et que l’on ne peut donc interpréter comme révélant des comportements nouveaux de la population. Compte tenu de la densification du réseau d’établissements et de la taille fortement déclinante des générations arrivant à l’âge de l’entrée en 6e, on doit donc considérer que, à l’inverse de ce qu’affirmait la direction de l’enseignement secondaire vers 1950, la croissance de la scolarisation en 6e pour les garçons est très modeste entre 1938 et 1950, c’est-à-dire pour les générations nées entre 1927 et 1939.
38La croissance de la scolarisation des filles en 6e au cours de cette même période est au contraire marquée : entre 1937-1938 et 1950-1951, les taux d’accès en 6e passent de 3,6 % à 10,4 %, avec un apport des ex-EPS de 3,2 % environ. La part de filles entreprenant des études menant jusqu’au baccalauréat a ainsi presque triplé en 1950 par rapport à l’avant-guerre, et les taux d’accès à l’enseignement secondaire public sont devenus pratiquement égaux à ceux des garçons, ce qui indique un abandon rapide des pratiques antérieurement inégalitaires des familles en matière de scolarisation – un changement cette fois significatif des comportements par rapport à la scolarisation dans les classes moyennes et supérieures.
39L’augmentation des effectifs dans les établissements secondaires à partir de 1943, et dans les sept années qui suivent, est pour partie une conséquence peu surprenante de l’allongement des études induit par la possibilité de préparation du baccalauréat pour les élèves des EPS : l’objectif d’études se bornait généralement avant 1944 à la préparation du Brevet élémentaire puisque peu d’EPS, notamment pour les garçons, étaient autorisées à préparer au Brevet supérieur.
40Bien que la poursuite d’études secondaires jusqu’à l’obtention du baccalauréat concerne moins du tiers des élèves entrés en 6e entre 1945 et 1950, les estimations des taux de bacheliers par génération montrent que la transformation des cursus dans les EPS devenues collèges modernes n’a pas été sans conséquence : la proportion des bacheliers pour la génération 1927 était de 4,1 %, mais elle atteint 5,5 % pour la génération née en 193435. La réforme Carcopino de 1941, qui a transformé les EPS en établissements secondaires de seconde zone, fournit ainsi un exemple de réforme ayant les effets opposés à ceux que recherchait son auteur – les mémoires de Carcopino sont évidemment silencieux sur ce point. Les alarmes quant à « l’excessif développement » des scolarités générales longues du démographe Alfred Sauvy et de certains administrateurs, comme Charles Brunold, relèvent plus de la crainte ancienne d’un « excès » de scolarisation que d’un phénomène observable.
41Une évaluation précise de l’évolution de la scolarisation dans les cours complémentaires bute sur l’absence de données autres que les effectifs totaux des classes officiellement post-élémentaires. Ces effectifs connaissent une forte augmentation, qui n’est freinée pendant la guerre qu’en 1940-1941 : pour les garçons, ils passent de 56 800 en 1938-1939 à 66 500 en 1945-1946 et à 91 600 en 1950-1951 ; pour les filles de 67 600 en 1938-1939 à 86 300 en 1945-1946 et 114 500 en 1950-195136. Mais les classes de 6e, qui étaient anciennement des cours supérieurs, ont été intégrées après 1947 dans les effectifs des cours complémentaires. Une croissance des flux d’entrée dans ces établissements est cependant certaine, ne serait-ce que du fait de l’ouverture de nouveaux cours complémentaires et de l’augmentation du nombre de classes de cours complémentaires : de 4505 en 1938-1939 à 6 458 en 1945-1946, 7 632 en 1948-1949 et 8 074 l’année suivante37.
42Pour la première fois en 1949-1950, on dispose de données permettant une estimation des taux de scolarisation en 6e dans les cours complémentaires publics : ceux-ci atteignent 7,5 % pour les garçons et 10,1 % pour les filles de la génération née en 1938, contre 5,7 % et 6,4 %, comme on l’a vu, pour la génération née en 1921. Cette augmentation s’inscrit dans une évolution ancienne engagée dès le début du siècle, et on ne peut la considérer comme un phénomène nouveau. Le coût supplémentaire pour les familles du passage par les cours complémentaires n’est pas nécessairement très élevé depuis que la scolarité obligatoire s’étend jusqu’à 14 ans.
C’est ce que relève dans L’éducation nationale, une directrice d’école primaire de grande ville : « Aline et Jeanne sont deux élèves de cours moyen deuxième année. Même âge, 11 ans, mêmes possibilités intellectuelles : quelconques ; même situation de fortune : modeste. Aline se présente au concours d’entrée en sixième et à l’examen des bourses, elle est reçue. Elle reste quatre ans au collège et obtient un BEPC. Jeanne reste à l’école primaire, n’a droit à aucune bourse et après trois ans d’études entièrement aux frais de sa famille, obtient un certificat d’études. Conséquence : je m’en voudrais de conseiller aux familles de me laisser leurs fillettes38. »
43Plus significatif d’un changement au cours de la période en matière de comportements de scolarisation est le succès, immédiat et durable, que rencontrent les centres d’apprentissage, dont le recrutement s’effectue à peu près exclusivement dans les classes populaires. Dans la génération née en 1931 (qui accède à ces établissements en 1945-1946) les flux d’entrée dans ces établissements atteignent environ 5 % pour les garçons et 3 % pour les filles : on voit qu’il y a, dès la fin de la guerre, des enfants de classes populaires susceptibles de poursuivre des études au-delà de 14 ans – sans doute en partie, entre autres raisons, parce que les emplois accessibles aux moins de 18 ans dans les villes se raréfient. Dans les années suivantes, les effectifs totaux des centres d’apprentissage croissent, pour les garçons comme pour les filles, et les taux estimés atteignent 13,7 % chez les garçons et 9,4 % chez les filles pour la génération 1939, la plus ancienne pour laquelle on dispose d’une statistique précise pour la première année d’études dans les centres d’apprentissage (en 1953-1954).
44On connaît mal les effectifs des établissements privés plus ou moins comparables – dont l’offre scolaire est d’ailleurs certainement différenciée39. Mais il ne fait aucun doute que les flux d’élèves scolarisés après l’âge de fin d’obligation scolaire dans des filières à finalité professionnelle affichée ne sont pas négligeables dès la fin de la guerre, et ils ont probablement cru dans les années suivantes. Une enquête de la direction de l’enseignement technique sur les enfants ayant 14 ans en 1948, confirme que la poursuite des études au-delà de l’obligation scolaire concerne à ce moment plus qu’une petite minorité d’élèves de classes populaires : sur 306 000 garçons, 31 % poursuivent des études, 24,5 % travaillent dans l’agriculture, 18,6 % dans des emplois non agricoles, et 25,8 % sont inoccupés40. Avec ces formes de scolarisation s’introduisirent de nouveaux comportements de scolarisation dans les classes populaires. Ceux-ci ont certainement préparé la réaction à la situation nouvelle que définit, dans les années soixante, la prolongation de l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans.
45De 1938 à 1950, on n’observe pas de croissance des effectifs scolarisés dans les écoles nationales professionnelles, qui recrutent d’ailleurs toujours leurs élèves par concours. Les variations d’effectifs non négligeables tiennent sans doute aux moyens en locaux et en personnels qui déterminent leurs capacités d’accueil. Les effectifs totaux des collèges techniques et de sections techniques des lycées et collèges ont certainement crû mais le mode de décompte des élèves a également été modifié au cours de la période.
46On voit que, pour les générations arrivées en fin de scolarité obligatoire entre 1938 et 1950, les évolutions significatives de la scolarisation qui ne sont pas simplement induites par la réforme Carcopino concernent essentiellement, d’une part les filles pour l’enseignement secondaire, c’est-à-dire les filles de classes moyennes et supérieures, d’autre part les classes populaires, pour la scolarisation dans les cours complémentaires, et, surtout pour les garçons, dans les centres d’apprentissage et les filières scolaires voisines.
Une croissance marquée (1950-1958)
47La seconde guerre mondiale n’a pas eu une incidence aussi massive que la première sur la taille des générations : la génération la moins nombreuse, née en 1941, représente 85 % de la génération née en 1939. Lorsque ces générations creuses arrivent à l’âge du début des études secondaires, à partir de 1951, on observe sans surprise le même genre d’évolution qu’à la fin des années vingt : une augmentation accentuée des taux de scolarisation en classe de 6e (tableaux 10 et 11). Celle-ci s’est plus tard accompagnée d’une augmentation de la proportion de bacheliers : 11,3 % pour la génération 1941, contre 8,7 % pour la génération 1939. Mais il n’y a pas eu, comme ce fut le cas dans les années trente, un tassement notable des taux de scolarisation en 6e lors de l’arrivée des générations postérieures plus nombreuses. La croissance de ces taux est ensuite rapide à la fin de la période – autour de 1,5 % d’une année à l’autre – et elle concerne aussi bien les garçons que les filles. Les cours complémentaires, qui accueillent depuis 1950 des flux du même ordre de grandeur que ceux qui entrent dans les établissements secondaires, connaissent une évolution similaire. La croissance des taux de scolarisation en 6e dans l’enseignement privé est plus lente et ne concerne que les cours complémentaires. Dans les établissements secondaires privés de garçons, les taux varient simplement en raison inverse de la taille des générations, si bien qu’ils sont, en 1959-1960, identiques à ceux que l’on observait dix ans plus tôt.
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Abréviations : génér. : génération ; eff. : effectifs ; lyc. : lycées et collèges ; cc. : cours complémentaires ; pu. : public ; pr. privé. Sources, champ du tableau et mode d’estimation : voir l’annexe statistique.
Tableau 10. – Taux de scolarisation en 6e (filles).
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Abréviations : génér. : génération ; eff. : effectifs ; lyc : lycées et collèges ; cc : cours complémentaires ; pu : public ; pr. privé. Sources, champ du tableau et mode d’estimation : voir l’annexe statistique.
Tableau 11. – Taux de scolarisation en 6e (garçons).
48Il existe donc, au cours de cette seconde période, une diffusion progressive assez rapide des comportements de scolarités prolongées, principalement par l’enseignement public. Elle passe davantage par les cours complémentaires que par les établissements secondaires, mais c’est l’offre scolaire qui est ici en cause, et donc à la fois la facilité plus grande de création des cours complémentaires, le fait que certaines zones rurales sont parmi les moins scolarisées et que l’attention des administrateurs et du personnel politique est maintenant focalisée sur celles-ci. Cette croissance n’est pas indépendante des activités des administrateurs et de décisions institutionnelles, comme la suppression de l’examen d’entrée en 6e en 1957. L’augmentation du niveau de vie d’une partie des familles de classes populaires et de classes moyennes, ainsi que le développement des emplois typiquement urbains et la fréquence des promotions dans l’emploi (mise en évidence ultérieurement dans l’enquête Formation qualification professionnelle de l’Insee sur la période 1959-1964) sont évidemment d’autres facteurs plausibles de l’augmentation de la fréquence des scolarisations prolongées. On peut mentionner également la raréfaction des emplois accessibles aux moins de 18 ans, avec le déclin des emplois dans l’agriculture.
49La tentative du directeur de l’enseignement secondaire Charles Brunold pour freiner la croissance de la scolarisation dans les filières générales par son projet de réforme de 1954 est la seule qui vise explicitement à contenir les effectifs. Après 1956, la haute administration de l’Éducation nationale, les ministres et les nouveaux experts qui les conseillent, considèrent qu’il ne suffit pas de renforcer l’offre de formation professionnelle par l’enseignement technique, mais qu’il faut aussi élever le niveau d’instruction générale de la main-d’œuvre. La croissance des effectifs scolarisés est traitée par les administrateurs comme un phénomène auquel il convient de faire face, comme l’indique une circulaire du 7 février 1958, signée du directeur de l’enseignement du premier degré, qui remarque que l’augmentation à la rentrée « dépassera nos calculs41 ». Il poursuit :
« Il faut tout faire pour que nous soyons en état d’accueillir tous les élèves admis dans les cours complémentaires en octobre prochain. À cette fin, il convient de recenser, surtout dans les milieux ruraux ou semi-ruraux, les communes ou groupes de communes où pourra être réalisée la conjoncture (sic) d’effectifs suffisants et de locaux disponibles pour ouvrir une classe de 6e en 1958 […]. »
50À la veille de la réforme de 1959, l’entrée en 6e, tous types d’établissements confondus, concerne 41,7 % d’une génération de garçons et 46 % d’une génération de filles. Ces taux n’étaient que de 28 % pour les garçons et 20 % pour les filles pour la première génération scolarisée en 6e après la guerre. La proportion de bacheliers (hommes et femmes ensemble) est passée de 5,3 % pour la génération née en 1933 à 7 % pour la génération née en 1937, et 12 % pour la génération née en 194642.
51L’augmentation des taux de scolarisation dans les centres d’apprentissage public est au contraire limitée au cours de cette seconde période : pour la génération née en 1944, les taux de scolarisation en première année de ces établissements sont à peine supérieurs à ce qu’ils étaient au début de cette période pour la génération née en 1939 : 14,7 % pour les garçons, et 10,1 % pour les filles.
52On voit que la contribution de la IVe République à la croissance de la scolarisation n’est pas négligeable : les scolarités prolongées au-delà de l’obligation scolaire ne concernent plus en 1958 une petite minorité, principalement issue des classes moyennes et supérieures, mais près de la moitié de chaque génération, et donc certaines fractions des classes populaires. Par contre, dans cette première phase, les scolarisations prolongées jusqu’au baccalauréat ne concernent qu’une petite fraction de chaque génération. Le titre de l’ouvrage du directeur de l’administration du ministère et ancien collaborateur de Monod et de Billères, Louis Cros, L’explosion scolaire, désigne moins ce qui s’est alors produit que l’évolution postérieure, qui fut à la fois souhaitée et redoutée43.
Notes de bas de page
1 Voir Vincent Troger, Histoire des centres d’apprentissage, 1939-1959. Les enjeux économiques, politiques et culturels de la constitution de l’enseignement technique, thèse pour le doctorat d’histoire, Université de Paris IV, 1990, ainsi que deux articles du même auteur, « Les centres d’apprentissage de 1940 à 1960 : le temps des initiatives », Formation Emploi, no 27-28, juillet-décembre 1989, p. 147-162 ; « Du modèle allemand à la scolarisation à plein temps des apprentissages. Le tournant des années 1940-1950 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1993, 40 (3), p. 490-502.
2 Voir au J.O. Déb. Assemblée nationale constituante 26 mai 1946, le compte rendu de la discussion du rapport de Cogniot à la commission des finances et du contrôle des budgets, séance du 5 avril 1946, p. 102-122.
3 Voir J.O. Déb. Parl. AN, séance du 14 décembre 1948, p. 7577-7580, et 1re séance du 16 décembre 1948, p. 7606-7617. Jacques Bardoux est le fils d’Agénor Bardoux, le seul intervenant à s’interroger sur la création de l’enseignement primaire supérieur lors de la discussion parlementaire sur la loi qui définit son statut.
4 Voir sur ce point les documents de préparation du budget pour 1946-1952 in AN F17/17876.
5 Sur Carrard, un ingénieur suisse, et sa méthode pédagogique, voir Bernard Bonnet, La formation professionnelle des adultes. Une institution et ses formateurs, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 38-40 et 57-86 ; Hervé Terral, « Alfred Carrard (1889-1948) et la formation du travailleur : une philosophie pédagogique », in Thérèse Charmasson (dir.), Formation au travail, enseignement technique et apprentissage, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques, 2005, p. 87-95.
6 Le travailleur de l’enseignement technique, mai 1948, no 22, avance le chiffre de 480 centres pour garçons et 380 pour filles à la Libération, en précisant que certains n’existent que sur le papier.
7 Statistique fournie par le secrétaire d’État à l’enseignement technique, lors de la discussion citée supra à l’Assemblée nationale, J.O. Déb. Parl. AN, 1re séance du 16 décembre 1948, p. 7610.
8 Note du 17 janvier 1959 in AN F17/17503.
9 Arrêté du 24 juillet 1947, Bulletin officiel de l’éducation nationale, 31 juillet 1947, no 25, p. 858-876 ; voir aussi, dans le même numéro, la circulaire du 17 juillet 1947, p. 847.
10 Voir L’éducation nationale, 31 octobre 1957, no 29, p. 7 ; 14 novembre 1957, no 31, p. 9 ; 28 novembre 1957, no 33, p. 6 ; 5 décembre 1957, no 34, p. 8-9 ; 12 décembre 1957, no 35 p. 8-9. L’une de ces critiques est signée par le secrétaire général de la Société des agrégés. Voir aussi les rapports aux conseils académiques du début des années cinquante, in AN F17/17789.
11 La part du budget de l’Éducation nationale dans le budget de l’État est de 6,7 % en 1945 et de 7,2 % en 1952. Pour les années postérieures, voir Jean-Charles Asselain, Le budget de l’éducation nationale (1952-1967), Paris, PUF, 1969, p. 49.
12 Les archives de la commission se trouvent dans AN F17/17554.
13 Victor Le Gorgeu, « Quelques considérations sur le plan d’équipement scolaire », L’éducation nationale, 28 mai 1953, no 19, p. 3-5.
14 Rapport de la Commission du Plan d’équipement scolaire, universitaire, scientifique et artistique, Paris, IPN, 1952. Ce rapport porte aussi sur les équipements du CNRS et de l’enseignement supérieur ainsi que sur les équipements culturels et sportifs.
15 Rapport général sur le budget 1957, Doc. Parl. AN, Annexe no 3233, séance du 14 novembre 1956, p. 649.
16 Voir AN F17/17876, et Asselain, op. cit., p. 160.
17 L’éducation nationale, 3 janvier 1952, no 1, p. 18.
18 Je m’appuie ici sur l’examen d’un échantillon de départements et sur les Annuaires de l’éducation nationale de 1946, 1947, 1952 et 1960.
19 Note de Monod au Ministre in AN F17/17837 ; voir aussi les documents de l’enquête réalisée en 1947 par l’inspecteur général Piobetta in AN F17/17517.
20 Arrêté ministériel du 9 mai 1946, Bulletin officiel de l’éducation nationale, 13 mai 1946, supplément au no 24, p. 708. La mesure est en partie la ratification d’une décision inscrite par Vichy dans la loi du 15 août 1941.
21 Voir l’exemple du collège moderne et technique d’Albi, in Justin Combelles, La « Sup » d’Albi. De ses origines à l’ensemble éducatif Louis Rascol, Gaillac, 2002.
22 Sur l’hostilité du personnel de direction à la mixité, voir le témoignage de Jean Ferrez, Au service de la démocratisation. Souvenirs du ministère de l’Éducation nationale 1943-1983, Lyon, Service d’histoire d’éducation INRP, 2004, p. 40.
23 Voir AN F17/17860.
24 Ferrez (op. cit., p. 47-48), attribue à Louis Cros, alors inspecteur général des services administratifs et l’un des collaborateurs de Monod, l’idée de ce moyen de création de lycées.
25 Les délibérations du Conseil général de Seine-et-Oise comportent des plaintes des conseillers généraux à ce sujet. Voir aussi la note envoyée à Monod in AN F17/17776.
26 Cette statistique est incertaine : il n’est pas possible de suivre année par année l’acquisition de locaux provisoires et, d’autre part, certaines annexes proches de l’établissement d’origine n’ont pas toujours fonctionné comme des unités distinctes de l’établissement principal.
27 Voir AN F17/17837.
28 Le nouveau statut d’établissement nationalisé est défini par le décret du 20 mai 1955, Bulletin officiel de l’éducation nationale, 2 juin 1955, no 21, p. 1513-14.
29 Voir le Rapport du 22 novembre 1950 sur la coexistence des collèges et des cours complémentaires, in AN F17/17801.
30 Jean-Michel Chapoulie, Les professeurs de l’enseignement secondaire. Un métier de classe moyenne, Paris, Presses de la Maison des Sciences de l’Homme, 1987, p. 13.
31 AN F17/17889.
32 Note du 26 septembre 1955, in AN F17/17837.
33 Sur la crise de recrutement des professeurs, voir Les professeurs de l’enseignement secondaire, op. cit.
34 Voir les séries des Annuaires statistiques de la France, éditions 1953 et 1961.
35 Voir Population, 1967, 22 (5), p. 928-929.
36 Voir l’Annuaire statistique rétrospectif de la France 1940-1945.
37 Selon le Recueil de statistiques scolaires et professionnelles 1949-1951 du Bus, p. 15. Le document suggère que l’intégration dans les effectifs des classes de 6e s’est peut être partiellement effectué avant la réforme de 1947.
38 L’éducation nationale, 27 mai 1954, no 19, p. 31.
39 Des données issues d’une enquête menée par un inspecteur général de l’enseignement technique figurent dans Pierre Naville, La formation professionnelle et l’école, Paris, PUF, 1948, p. 40-46. Elles suggèrent que, vers 1946, les flux d’entrée dans les écoles techniques privées sont d’un ordre de grandeur moitié moindre que ceux des collèges techniques.
40 Statistique issue d’une enquête que je n’ai pas retrouvée, citée par J. Louis, « L’enseignement et les exigences de la vie moderne », L’éducation nationale, 12 juin 1956, no 23, p. 1-4.
41 Bulletin officiel de l’éducation nationale, 20 février, 1958, no 8, p. 618.
42 Je reprends ici l’estimation publiée dans Population, 1967, 22 (5), p. 928-930.
43 Louis Cros, L’explosion scolaire, Paris, Centre universitaire d’informations pédagogiques, 1961.
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