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Les forces politiques en Bretagne

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Christian Bougeard

Chapitre II. Gauche et centre gauche dans les années 1920 (1919-1932)

Texte intégral

  • 1 Le positionnement politique de ces députés « centristes », à gauche avant 1914, n’est pas toujours (...)
  • 2 Laurent Paubert, Formation de l’opinion publique, politisation et structuration des identités poli (...)
  • 3 Id., p. 641-643.
  • 4 Paul Maulion, candidat radical-socialiste à Pontivy 1 en 1914, est son chef de cabinet-adjoint.

1À la veille de la guerre de 1914, la gauche républicaine et radicale a consolidé ses positions en Bretagne dans ses bastions urbains et littoraux et dans quelques régions de tradition bleue. Plusieurs de ses notables, élus députés à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe, se sont durablement enracinés tels les radicaux-socialistes Georges Le Bail à Quimper 1 en pays bigouden depuis 1902 et Paul Guiyesse, à Lorient 1 de 1890 à 1910, battu dans une triangulaire par le maire de Lorient (1904-1912) Louis Nail, alors « candidat laïque », député de 1910 à 1920 ; les radicaux Paul Le Troadec à Lannion 2 de 1893 à 1920 et Charles Baudet à Dinan 1 de 1903 à 1920 ; les républicains-socialistes Gustave de Kerguézec à Guingamp 1 de 1906-1920 et Pierre Even à Lannion de 1910 à 1924. En Ille-et-Vilaine, René Brice est député républicain depuis 1871 et il conserve cette image même s’il a plutôt glissé vers la droite. Charles Guernier s’est imposé à Saint-Malo 1 en 1906 et l’avocat Louis Deschamps à Rennes 1 en 1913 ; tous les deux appartiennent au groupe de la gauche radicale en 19141. La lente montée en puissance de la gauche républicaine et laïque en Bretagne se traduit par la conquête des conseils généraux même si elle tient parfois à la forte personnalité de quelques notables. Le conseil général du Finistère a été gagné par la gauche républicaine dès 1880 sur un légitimiste, même si en 1909, du fait du glissement vers la droite des républicains progressistes, il est orienté au centre droit2. Mais dès 1912, le centre gauche en avait repris le contrôle avec l’élection d’Albert Louppe (centre gauche, ARD). Dans les Côtes-du-Nord, Louis Armez, député (gauche radicale) de Saint-Brieuc-Paimpol de 1876 à sa mort en 1917, préside le conseil général. Celui du Morbihan, dirigé depuis 1871 par quatre aristocrates monarchistes, bascule à gauche en 1913 à une voix de majorité, portant à sa présidence le radical-socialiste Louis Nail3 qui entre au gouvernement en octobre 1915 (à la Marine) et est le garde des Sceaux de Georges Clemenceau de novembre 1917 à janvier 19204.

  • 5 Jean Pascal, Les parlementaires bretons de 1789 à 1983, Paris, PUF, 1983, p. 415.
  • 6 Id., p. 430-431. En y intégrant les quatre républicains de gauche (rép. de g.) élus avec des voix d (...)

2En 1910, sur 45 députés la Bretagne compte 17 laïques déclarés mais le centre gauche et la gauche bretonne vont au-delà avec 23 élus si on tient compte des inscriptions dans les groupes parlementaires (3 gauche démocratique, 8 gauche radicale, 2 républicains-socialistes, 9 radicaux-socialistes, 1 SFIO) et à condition d’intégrer quelques députés favorables à la liberté de l’enseignement5. En 1914, avec 22 élus cette gauche élargie est presque majoritaire en dépit du recul des radicaux-socialistes réduits à six membres6.

Succès aux élections législatives de 1919 ?

  • 7 Au sein du Bloc national la droite et le centre droit ont la majorité absolue avec 319 députés mai (...)
  • 8 Jean Pascal, op. cit., p. 440-454. Louis Nail, Paul Maulion et Pierre Bouligand, directeur d’école (...)
  • 9 Il avait succédé à Pontivy 1 à son beau-père de Lanjuinais (député depuis 33 ans). Libéral, il a s (...)

3Alors que le glissement au centre et à droite est marqué au niveau national avec la victoire du Bloc national en 1919, un mouvement inverse est sensible en Bretagne puisque la gauche laïque et modérée devient majoritaire avec 24 députés contre 18 aux forces de droite7. Les succès sont les plus nets dans les Côtes-du-Nord et dans le Morbihan. Dans ce dernier département, pour la première fois la liste de l’Union républicaine (47,5 % des voix), conduite par le ministre radical-socialiste Louis Nail enlève cinq sièges sur huit (fig. 7 pl. VII du cahier couleur). Avec trois radicaux8, le républicain-socialiste Alphonse Rio et le républicain de gauche (ARD) Maurice Marchais, cette liste laïque est indiscutablement de gauche. La droite ne conserve que trois élus républicains indépendants mais ses candidats les plus conservateurs, issus de la tradition monarchiste, ont été battus notamment les deux députés sortants, le comte Joseph de Gouyon de Coypel et Arthur Espivent de la Villesboisnet9.

  • 10 Son père Alfred a été nommé 1er président de la cour d’appel de Rennes en 1892.
  • 11 Jean-Pierre Huet, Paul Maulion (1875-1946), maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1994.
  • 12 Laurent Paubert, op. cit., p. 683-686. Une brochure avec caricatures et dialogues présente Maulion (...)
  • 13 La division à droite y contribue, les conservateurs et les libéraux présentant deux listes séparée (...)

4Des hommes de gauche se sont progressivement imposés dans le paysage politique morbihannais longtemps dominé par les aristocrates monarchistes et les conservateurs. C’est le cas de Paul Maulion, né en 1875 dans une famille de juristes10, lui-même avocat à la Cour d’appel de Rennes, élu de justesse en 1910 conseiller général de Mauron11. C’est par mariage, en 1899, que l’avocat rennais s’est fixé à Mauron où il réside dans le château de sa belle-famille. En 1914, soutenu par le Parti radical-socialiste et par l’Alliance républicaine démocratique (ARD), il n’est battu que de 14 voix par le conservateur Espivent de la Villesboisnet à l’issue d’une campagne de dénigrement12. Engagé en 1914, il dirige à la fin de la guerre un important cabinet d’affaires juridiques à Paris quand il est élu en 1919 député radical du Morbihan (en 3e position) et maire de Mauron. L’évolution du Morbihan vers la gauche modérée semble se confirmer au début des années 1920 avec l’entrée au Sénat le 11 janvier 1920 de l’ancien député (1910-1914) radical-socialiste de Pontivy 2 Alfred Brard qui succède à Louis Nail décédé à la tête du conseil général. L’élection sénatoriale traduit un certain enracinement municipal de la gauche républicaine qui gagne le 6 janvier 1924 un second siège de sénateur (sur 4) pour le député républicain-socialiste Alphonse Rio, alors sous-secrétaire d’État à de la Marine de Raymond Poincaré13.

  • 14 Christian Bougeard, thèse citée, p. 68-93.
  • 15 Un républicain de gauche, 2 gauche radicale, 2 rép.-soc., 2 rad.-soc.
  • 16 En 1910, il a écrasé à Dinan 2 le conservateur et anti-dreyfusard Frédéric Rioust de Largentaye qu (...)
  • 17 Mais il conduira la liste républicaine à l’élection partielle de 1921.
  • 18 Selon Rosemonde Sanson, op. cit., p. 541-543, seul le député sortant Eugène Mando appartient encor (...)
  • 19 En 1908, il est élu maire de Plougrescant.
  • 20 Henri Avril, ancien combattant décoré, est lui aussi de gauche mais il ne s’inscrit pas au groupe (...)
  • 21 Loïc Thomas, Gustave de Kerguézec 1868-1955. Un missionnaire de la République, à paraître.

5Dans les Côtes-du-Nord, la situation politique en 1919 est plus ambiguë même si la continuité politique l’emporte avec la réélection de six députés sortants sur neuf. Mais le plus surprenant est que des adversaires politiques de la veille se retrouvent sur la même liste d’Union républicaine. Cette liste conduite par Henri Servain, le maire républicain de gauche de Saint-Brieuc depuis 1904 soutenu par l’ARD, est en position centriste, allant du centre gauche au centre droit contre une liste de droite alliant les libéraux issus de l’ALP et les conservateurs14. En 1914, avec sept députés sur neuf la gauche républicaine laïque dominait ce département15. Grâce à l’Union sacrée, le « Parti républicain » s’est même élargi à l’avocat Louis de Chappedelaine16 (fig. 8 pl. VIII du cahier couleur), n’écartant qu’un seul député sortant, Charles Meunier-Surcouf considéré comme un rallié trop récent17. Cette liste fait cohabiter des hommes que l’on peut classer au niveau national au centre droit en 1919, quatre républicains de gauche (rép. de g.) se réclamant de l’Alliance républicaine démocratique (ARD)18, un parti de centre gauche lors de sa fondation le 23 octobre 1901 qui a évolué vers le centre droit, et cinq hommes de centre gauche (un radical, un radical-socialiste et trois républicains-socialistes). Parmi eux, un nouveau venu, Yves Le Trocquer (rép. de g.), un polytechnicien haut fonctionnaire qui va participer comme ministre des Travaux publics à tous les gouvernements du Bloc national de 1920 à 1924, et des hommes de gauche. Les étiquettes sont parfois floues et fluctuantes comme les inscriptions dans les groupes parlementaires le montreront mais, en Bretagne, ces notables républicains, défenseurs de la laïcité, sont encore perçus par les électeurs comme de gauche contre les droites catholiques. Deux notables républicains-socialistes, se réclamant du parti dirigé par Aristide Briand après la guerre, représentent le Trégor. C’est d’abord le vicomte Gustave de Kerguézec, personnage haut en couleurs, partisan du Bloc des gauches, initiateur de luttes épiques lors de l’inauguration de la statue d’Ernest Renan à Tréguier le 13 septembre 1903 par le président du Conseil Émile Combes en personne et le ministre de l’Instruction publique Joseph Chaumié (fig. 9 pl. IX du cahier couleur). De Kerguézec est conseiller général (1901) et député de Guingamp 1 depuis 1906, élu avec l’étiquette républicain radical19. Le second est le Dr Even député de Lannion 1 depuis 191020. Or, de Kerguézec a été un militant de la Jeunesse royaliste très engagé, reçu même par le pape en 1897, formé à l’École libre des Sciences politiques de Paris et à la conférence Molé-Tocqueville (1894-1899), avant de se convertir brutalement à la cause laïque21. Il a été ouvertement antisémite au début de l’affaire Dreyfus et a défendu l’Église catholique. Mais après l’élection d’Émile Loubet à la présidence de la République, en février 1899, de Kerguézec s’est rallié au régime républicain et s’est lancé dans le combat politique dans le Trégor.

  • 22 L’abstention élevée atteint 30,6 % (+ 1,7 % sur la moyenne nationale).
  • 23 En Bretagne 29 députés votent pour dont A. Briand (3 des Côtes-du-Nord), 11 votent contre (4 dans (...)

6La guerre et l’Union sacrée ont quelque peu assagi ces notables républicains des Côtes-du-Nord qui vont rapidement gagner le Sénat. Contre une liste de droite et une liste socialiste, la liste d’Union républicaine enlève les neuf sièges avec 37,5 % des inscrits et 54,4 % des suffrages exprimés (34,7 % pour la liste de droite), les candidats les plus modérés obtenant plus de voix que ceux ayant les « idées les plus avancées ». Une campagne menée sur le thème « ni bolchevisme, ni monarchisme » a permis ce succès le 16 novembre 1919 des républicains centristes22. Ils sont tous dans la majorité de Bloc national même si les sensibilités politiques réapparaissent comme lors du vote du 30 novembre 1920 sur le rétablissement d’une ambassade au Vatican23.

  • 24 Il a succédé à Le Hérissé élu au Sénat. En décembre 1918, il entre au gouvernement Clemenceau comm (...)
  • 25 Aux trois sortants s’ajoute F. Marçais.

7En 1919 en Ille-et-Vilaine, contre une liste très à droite, la liste républicaine théoriquement en position de centre gauche compte des notables solidement enracinés : trois députés sortants dont le vieux René Brice, président du conseil général, Charles Guernier, professeur de Droit à Caen, député de Saint-Malo 1 depuis 1906, membre de l’ARD en 1910 et en 1914, et l’avocat Louis Deschamps élu de Rennes 1 depuis 1913 et ministre en exercice24. Grâce à la présence d’une liste socialiste (un élu) et avec 46,18 % des voix, la liste républicaine obtient quatre députés en Ille-et-Vilaine25. Toutefois l’inscription de deux députés de cette liste : Brice et Fernand Marçais au groupe de l’Entente républicaine démocratique qui rassemble des élus de la droite républicaine permettent de discuter le classement au centre gauche de ladite liste dont deux membres seulement (Deschamps et Guernier) s’inscrivent au groupe de la gauche républicaine et démocratique (dix membres en Bretagne).

8Les résultats sont plus décevants dans le Finistère pour la liste de concentration républicaine conduite par le radical-socialiste Georges Le Bail qui, avec 35 % des voix, n’obtient que trois sièges sur onze. Deux républicains de gauche membres de l’ARD, Maurice Bouilloux-Lafont et l’amiral Guépratte (fig. 10 pl. X du cahier couleur), sont élus mais plusieurs députés radicaux sortants sont battus (Lancien, Louppe) ainsi que l’ancien député de Quimperlé Jules Le Louédec.

Le retour du républicain-socialiste Aristide Briand à Nantes (1919)

  • 26 Jusqu’à sa disparition en 1932, le Nantais sera onze fois président du Conseil et 25 fois ministre
  • 27 Jean Pascal, op. cit., p. 420. Guist’hau devient sous-secrétaire d’État à la Marine du 2e gouverne (...)

9En 1919, Nantes voit arriver Aristide Briand, l’un des poids lourds de la vie politique nationale qui a déjà été six fois président du Conseil entre juillet 1909 et mars 1913 (4 cabinets) et entre octobre 1915 et mars 1917, siégeant dans la plupart des gouvernements (fig. 11 pl. XI du cahier couleur). Ancien socialiste devenu indépendant en refusant de rejoindre la SFIO à sa naissance, Aristide Briand se heurte à l’hostilité de ses anciens camarades car il a accepté en 1906 d’entrer dans le gouvernement Clemenceau qui a durement réprimé les grèves ouvrières et est en 1913 le principal initiateur de la loi des Trois ans, l’allongement de la durée du service militaire de deux à trois ans combattue par Jean Jaurès et par une partie des radicaux-socialistes. Mais, comme rapporteur de la loi de séparation de l’Église et de l’État votée le 9 décembre 1905 qui a en réalité permis un compromis, l’homme d’État né à Nantes le 28 mars 1862 est honni par la droite catholique la plus conservatrice puissante en Loire-Inférieure. En novembre 1919, en pleine maturité politique26, il se présente pour la première fois aux élections législatives dans sa ville natale à la demande de son ami Gabriel Guist’hau, avocat comme lui, devenu maire (1908-1910) et député de Nantes 1 depuis 1910. Briand l’a d’ailleurs appelé à ses côtés entre 1910 et 1913 et c’est l’un des ministres bretons27. On dit que ce retour n’est possible que parce que ce département dont les campagnes votent à droite a été divisé en deux circonscriptions dont celle de Nantes-Saint-Nazaire, urbaine et industrielle.

  • 28 Bernard Oudin, Aristide Briand. La paix : une idée neuve en Europe, Paris, R. Laffont, 1987, chap. (...)
  • 29 Il est un temps guesdiste au groupe de Saint-Nazaire qui appartient au Parti ouvrier français (POF (...)
  • 30 En 1904, il est avec Jaurès l’un des principaux éditorialistes de L’Humanité.
  • 31 Durant cette période, l’avocat défend son camarade socialiste brestois Gustave Hervé qui développe (...)
  • 32 Installé à Paris, il a tenté sa chance dans le XIXe comme « socialiste révolutionnaire » aux élect (...)

10Aristide Briand renoue avec sa jeunesse passée à Saint-Nazaire. Il a fait ses études au lycée de Nantes, puis son droit à Paris, avant d’entamer sa carrière d’avocat et son action politique à Saint-Nazaire comme journaliste et conseiller municipal radical (1888-1889)28. Le jeune homme lié aux Pelloutier, père et fils, écrit bientôt dans des journaux de gauche, défend des ouvriers et des révolutionnaires dont l’auteur d’un attentat anarchiste à Paris en 1893. Il devient socialiste à une époque où pas moins de cinq partis se concurrencent29. A. Briand se fait connaître en septembre 1892 en défendant la thèse de la grève générale comme moyen de prendre le pouvoir au congrès de Marseille de la Fédération des syndicats et des Bourses du travail, puis à celui du parti guesdiste, le POF, contre Jules Guesde lui-même qui rejette cette solution miracle. Briand se situe alors avec son ami Fernand Pelloutier dans la mouvance anarchosyndicaliste tout en étant au fond légaliste et modéré. Dans le processus laborieux d’unification des partis socialistes, de 1899 à 1905, le militant et journaliste30 Briand qui participe à plusieurs congrès socialistes nationaux et internationaux choisit Jaurès contre Guesde31. En 1901, il participe avec Jaurès et Viviani à la fondation du Parti socialiste français (PSF) qui regroupe les modérés plutôt réformistes et en devient secrétaire. Ce parti s’oppose au Parti socialiste de France du courant révolutionnaire des guesdistes et des blanquistes d’Édouard Vaillant. Il commence alors sa carrière parlementaire en 1902 comme député socialiste de Saint-Étienne (Loire) et il s’impose rapidement comme un des ténors de la Chambre32.

  • 33 Averti, Jaurès aurait approuvé ce choix à titre personnel.
  • 34 Bernard Oudin, op. cit., p. 120-126.
  • 35 Il est devenu garde des Sceaux en janvier 1908.

11En 1904, le congrès d’Amsterdam de la IIe Internationale impose l’unification des deux partis socialistes français rivaux. Jaurès l’accepte. Briand participe aux premières discussions mais il trouve que Jaurès cède trop de place dans le nouveau parti aux guesdistes qui se réclament du marxisme d’autant plus qu’au même moment, en janvier 1905, le nouveau président du Conseil Maurice Rouvier lui propose le portefeuille de l’Instruction publique et des Cultes, un poste où ses qualités de médiateur auraient pu être fort utiles en plein débat sur la loi de séparation de l’Église et de l’État. Jean Jaurès refuse la demande d’autorisation de Briand qui s’incline, mais c’est la rupture entre les deux leaders du PSF. En vérité, depuis que la querelle du ministérialisme divise les socialistes avec l’entrée d’Alexandre Millerand en 1899 dans le gouvernement Waldeck-Rousseau, le Nantais a pris fait et cause pour ce dernier. Mais Millerand n’a cessé depuis d’évoluer vers la droite. Lors du dernier congrès du PSF de Jaurès en mars 1905, Briand s’oppose au processus de fusion des socialistes qui aboutit le mois suivant à Paris à la naissance de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Aristide Briand est présent mais le brillant orateur n’intervient pas dans les débats. Tout au long de l’année, Briand et Jaurès mènent le même combat pour faire aboutir la loi de séparation mais le premier a pris ses distances avec la SFIO dirigée par le second, « oubliant » d’y faire adhérer sa fédération de la Loire. Le député de Saint-Étienne prône le Bloc des gauches et logiquement, en mars 1906, il accepte d’entrer dans le gouvernement Sarrien comme ministre de l’Instruction publique, des Beaux-Arts et des Cultes pour appliquer la loi dont il a été l’habile rapporteur en pleine querelle des Inventaires33. Le soir même, il est exclu de la SFIO par le conseil national du parti34. Il reste au même ministère dans le gouvernement Clemenceau35 auquel il succède comme président du Conseil le 24 juillet 1909.

  • 36 C’est le cas de 24 députés socialistes qui n’ont pas adhéré ou ont quitté la SFIO.
  • 37 Yves Billard, « Le Parti républicain-socialiste a vraiment existé », Vingtième siècle, no 51, juil (...)

12En mai 1906, celui qui évolue vers le centre gauche a été facilement réélu député comme socialiste indépendant36. Avec d’autres socialistes indépendants dont René Viviani qui participe comme lui au gouvernement Clemenceau, Aristide Briand s’efforce de mettre sur pied une nouvelle formation politique, à la charnière du Parti radical-socialiste et de la SFIO. C’est d’abord en 1910, la formation du groupe parlementaire des républicains-socialistes qui compte deux députés bretons : Gustave de Kerguézec, conseiller général de Tréguier (1901), et le docteur Pierre Even, tous deux élus dans le Trégor des Côtes-du-Nord. En 1914, ils sont rejoints par le docteur Ferdinand Lancien, maire et conseiller général (1904) de Carhaix (Finistère). La représentation bretonne n’est pas négligeable pour un groupe qui ne compte que 24 députés. Briand, avec Barthou et Millerand, s’est alors efforcé de rassembler les partisans de la loi des trois ans dans la Fédération des gauches. En juillet 1911, à Paris, un congrès a donné naissance à un nouveau parti politique, le Parti républicain-socialiste qui va compter jusqu’à 9 000 adhérents en 1912 mais qui disparaît avec la guerre pour renaître en 192337. Dans sa brève déclaration du 7 juin 1910, le nouveau groupe parlementaire se voulait « résolument et exclusivement réformiste » en soutenant une politique sociale avancée pour l’opinion bretonne (impôt progressif sur le revenu, journée de 8 heures). Le Centre-Bretagne et le Trégor bretonnant qui avaient brutalement basculé à gauche dans les premières années du siècle, en rejetant la domination politique de l’aristocratie monarchiste ou bonapartiste, ont élu des républicains et des laïques convaincus mais qui ne venaient pas du socialisme ouvrier comme dans certaines régions industrielles. Il s’agit de notables encore traditionnels, rétifs à la discipline partisane, qui s’appuient sur des comités électoraux républicains mobilisés à l’occasion des joutes électorales. Pour cette raison, il semble bien que le Parti républicain-socialiste n’ait pas eu de véritable structuration militante sur le terrain, du moins dans les Côtes-du-Nord, même après sa réorganisation de 1923.

  • 38 Bernard Oudin, op. cit., p. 388-389.
  • 39 En 1914, l’ARD a obtenu quatre députés en Loire-Inférieure, Roch, Guist’hau, Sibille, Delaroche-Ve (...)
  • 40 Contrairement à ce qu’écrit Bernard Oudin, la liste Briand n’a que trois députés sur quatre. Voir (...)

13Dirigeant politique de premier plan de 1914 à 1917, écarté du gouvernement par Clemenceau en 1917, Briand revient sur le devant de la scène parlementaire en mars 1919 en défendant le mode de scrutin de liste proportionnel qui est adopté. Dans la Loire, son département d’élection depuis 1902, il plaide pour une liste de concentration républicaine de centre gauche, allant de la SFIO aux radicaux-socialistes et à l’ARD. La SFIO s’y refuse. S’estimant désavoué et acceptant la proposition de son ami Guist’hau, Aristide Briand décide le soir même, le 26 avril 1919, de quitter Saint-Étienne pour prendre la tête de la liste de concentration républicaine dans la 1re circonscription de la Loire-Inférieure38. Le 29 octobre 1919, l’ancien président du Conseil prononce son premier discours à Nantes au nom de la liste d’Union des républicains sur laquelle figurent deux députés sortants, Gabriel Guist’hau et Maurice Sibille élu la première fois en 188939. Avec un tel ténor, la liste dirigée par Briand, qui obtient personnellement 46,9 % des voix, enlève trois sièges sur quatre n’en laissant qu’un à René Delafoy (37,8 %) de la liste de solidarité nationale et de reconstitution économique de la droite (ERD) alors que la liste socialiste du PSU atteint 17,6 %40. Aristide Briand se positionne bien au centre gauche contre la SFIO de Loire-Inférieure en 1919 en s’inscrivant dans l’héritage des bleus.

  • 41 À G. de Kerguézec et P. Even, réélus dans les Côtes-du-Nord, s’ajoute Alphonse Rio du Morbihan.
  • 42 Jean Pascal, op. cit., p. 453.
  • 43 Nous laissons volontairement de côté l’importante action d’Aristide Briand comme ministre des Affa (...)

14À la Chambre, Aristide Briand est le leader du groupe des 26 républicains-socialistes qui a quatre députés en Bretagne41. Notons que ses deux colistiers de l’Alliance s’inscrivent au groupe centriste de la gauche républicaine et démocratique. Le 30 novembre 1920, A. Briand vote avec 29 députés bretons de droite et du centre le rétablissement de l’Ambassade de France auprès du Saint-Siège qu’il a défendu à la Chambre, une proposition refusée par 11 élus de gauche dont les trois autres républicains-socialistes42. Alexandre Millerand élu à l’Élysée, le Nantais peut former son septième ministère en janvier 1921 et diriger le pays et sa diplomatie pendant un an en appelant son ami Guist’hau au ministère de la Marine43. Revenu en Bretagne, Aristide Briand va incarner ce centrisme de gauche dont la fraction la plus modérée souhaite l’apaisement de la question religieuse et est disposée à faire alliance avec les républicains-démocrates. Les républicains centristes ont marqué des points contre la droite catholique dans la région en 1919-1921 comme le montre le renforcement de leur implantation locale.

L’Alliance républicaine démocratique (ARD) et la gauche républicaine

  • 44 De fait l’aile gauche de l’ARD rejoint le groupe parlementaire de la gauche républicaine démocrati (...)
  • 45 Christian Bougeard, « Itinéraires de parlementaires modérés en Bretagne des années 1920 aux années (...)

15La fraction modérée du centre gauche laïque, qui souvent évolue vers le centre droit dans les années 1920, se retrouve en Bretagne au sein de l’ARD dont les élus portent en général l’étiquette de « républicains de gauche » (rép. de g.), mais on les retrouve aussi dans le groupe parlementaire de la gauche républicaine démocratique constitué en janvier 192044. Dans d’autres régions de France, nettement à gauche, ces notables sont classés au centre droit, voire à droite. Or, en Bretagne, dans la mesure où ils défendent la République laïque et du fait de leur opposition à la droite catholique et de leurs alliances avec la gauche, ces centristes sont perçus par les électeurs comme appartenant au camp de la gauche, du moins au début des années 192045. Cette étiquette de républicain de gauche est fréquemment revendiquée par des maires, des conseillers généraux et des parlementaires modérés.

  • 46 Laurent Caro, Le Finistère et Maurice Bouilloux-Lafont député de Quimper (1914-1932). Ligne politi (...)
  • 47 Son frère aîné Marcel dirige la banque familiale qui fait faillite en 1932 à la suite de l’affaire (...)
  • 48 Le candidat de droite, le libéral Hugot-Derville a enlevé le siège grâce à une triangulaire et au (...)
  • 49 Rosemonde Sanson, op. cit., chap. XII, p. 449-495.

16Certaines personnalités laïques modérées comme Maurice Bouilloux-Lafont (1875-1937) incarnent bien une forme de centrisme breton évoluant du centre gauche vers le centre droit46. Appartenant à une famille de banquiers d’Étampes (Seine-et-Oise)47, Bouilloux-Lafont se lie par mariage à une vieille famille républicaine quimpéroise. À 37 ans, en 1912, il devient maire de Bénodet et conseiller général, reprenant en 1914 avec 58 % des voix le siège de Quimper 3 perdu en 1912 par Louis Hémon48, un grand notable républicain modéré proche de la Fédération républicaine. Comme son prédécesseur, il s’est appuyé sur le journal Le Finistère, adversaire de la presse catholique représentée par Le Progrès du Finistère. Le nouvel élu, soutenu en 1914 par l’Alliance républicaine démocratique (ARD), son parti, et la Fédération des gauches de Barthou et Briand s’est positionné au centre gauche modéré en s’inscrivant au groupe des républicains de gauche (1914-1919). Il appartient d’ailleurs en 1919 au comité directeur de l’Alliance présidée par son fondateur Adolphe Carnot, décédé en juin 1920, et remplacé par Charles-Célestin Jonnart. En effet, à l’issue de la guerre les responsables de l’ARD, qui s’est appelée le Parti républicain démocratique (PRD) depuis 1911, veulent reconstruire un « grand parti républicain démocratique » attaché aux lois de laïcité et au développement des lois sociales49. Ce souhait rencontre l’initiative de radicaux modérés et débouche le 30 juin 1920 sur la naissance du Parti républicain démocratique et social (PRSD) qui va exister sous cette appellation jusqu’en 1926.

  • 50 Aux sénatoriales de 1921, 4 sénateurs républicains (3 modérés) sur 5 sont élus. Le rédacteur en ch (...)

17En juin 1920, Maurice Bouilloux-Lafont est membre de la commission provisoire d’organisation du PRSD et son délégué départemental dans le Finistère. Son positionnement centriste, à la charnière du centre gauche et du centre droit, peut être précisé. En effet, en prévision des élections législatives de 1919, il a mené avec Albert Louppe des négociations sur une liste commune avec les républicains-démocrates de Paul Simon et Pierre Trémintin. Mais les pourparlers ont échoué du fait de l’intransigeance du radical-socialiste Georges Le Bail, marqué par l’anticléricalisme, et aussi de la droite conservatrice finistérienne. Une convergence des modérés finistériens des deux camps, recherchée aussi par Yves Le Trocquer dans les Côtes-du-Nord, a échoué pour longtemps. Mais Bouilloux-Lafont prend bien soin en même temps de soutenir Le Finistère qui tient un discours laïque beaucoup plus à gauche, faisant campagne pour une laïcité intransigeante, alors que lui-même prône la tolérance religieuse50. Il est en outre lié à La Dépêche de Brest. Réélu en 1919 sur la liste de concentration républicaine avec Le Bail et l’amiral Guépratte, le commandant de la force navale française des Dardanelles, Bouilloux-Lafont prend soin de s’inscrire au groupe de la gauche républicaine et démocratique, ce qui le place encore dans le camp de la gauche même modérée.

  • 51 Son père Eugène a été le maire républicain de Douarnenez dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

18À l’inverse, pour quelques notables élus députés de droite avant la guerre, l’étiquette républicain de gauche est un moyen de se rapprocher du « Parti républicain », c’est-à-dire du centre gauche laïque. Il existe au moins trois cas de députés venus de la droite en Bretagne qui ont suivi ce cheminement pendant et après la guerre dont deux vont accéder à des fonctions ministérielles. Ils sont bien sûr considérés comme des traîtres par la droite catholique. Deux proviennent de familles républicaines mais ils ont fait le choix de la droite catholique du fait de rencontres : Charles Daniélou51 dans le Finistère, ou par opportunité politique : Charles Meunier-Surcouf, député de Saint-Brieuc 2 de 1913 à 1919. Le choc de la Première Guerre mondiale les a fait évoluer vers le centre gauche qui ne les accepte que difficilement dans un premier temps. D’ailleurs Meunier, polytechnicien et industriel à Saint-Brieuc, est refusé sur la liste d’Union républicaine des Côtes-du-Nord en 1919, avant de la conduire aux élections partielles de 1921. Il se rapproche ensuite des radicaux et devient président du conseil général des Côtes-du-Nord en 1930, puis sénateur en 1931. Le troisième exemple est celui de l’avocat Louis de Chappedelaine qui a battu en 1910 à Dinan 2 un aristocrate conservateur. Meunier s’est inscrit avant la guerre au groupe de l’Action libérale populaire (ALP), le parti des catholiques ralliés à la république fondé par Jacques Piou en 1902, puis il a rejoint l’ARD, sans doute pendant la guerre. En 1919, de Chappedelaine est réélu sur la liste d’Union républicaine dont il constitue l’aile droite avec l’étiquette de « républicain de gauche » mais il va siéger avec les non-inscrits avant d’évoluer rapidement vers le centre gauche. L’évolution vers la gauche du corps électoral des Côtes-du-Nord n’est sans doute étrangère à ces glissements et à ce repositionnement de notables venus de la droite à la faveur de l’Union sacrée et dans le contexte politique très ambigu du Bloc national en 1919. La radicalisation politique des années 1930 permettra de mesurer les nouvelles évolutions de ces notables de type ancien.

  • 52 Patrick Gourlay, Charles Daniélou (1878-1953). Itinéraire politique d’un Finistérien, Rennes, PUR, (...)
  • 53 C’est l’un des principaux acteurs de l ‘ affaire des fiches en 1904.
  • 54 Patrick Gourlay, op. cit., chap. II.
  • 55 À l’issue du 1er tour, la gauche était pourtant largement majoritaire et le radical-socialiste s’é (...)
  • 56 En 1907 et en 1911, deux cuirassés ont explosé faisant de nombreux morts, dont des marins bretons, (...)
  • 57 Patrick Gourlay, op. cit., chap. IV.

19L’itinéraire de Charles Daniélou (1878-1953) de la droite la plus extrême vers le centre gauche est révélateur des évolutions politiques provoquées par le premier conflit mondial. Il montre que la coupure majeure droite/gauche peut être surmontée, non sans difficultés d’ailleurs. Né dans une famille anticléricale – des parents mariés civilement et des enfants non baptisés – Charles Daniélou part à 19 ans tenter l’aventure littéraire dans les salons parisiens52. En pleine affaire Dreyfus, il y rencontre des écrivains nationalistes, antidreyfusards et souvent antisémites comme François Coppée, Jules Lemaître et Maurice Barrès qui fondent contre la Ligue des droits de l’homme la Ligue de la patrie française le 31 décembre 1898, un mouvement d’extrême droite qui combat la république parlementaire. Le jeune poète breton accède à la direction de la Ligue (1902) qui se développe rapidement dans le pays et dans l’Ouest comme secrétaire du trésorier Gabriel Syveton, député de la Seine53. Il en est nommé délégué général pour l’Ouest de la France. Son entrée en politique à Paris se fait dans une période fort agitée. Lorsque la Ligue disparaît avec le règlement de l’affaire Dreyfus et la victoire du Bloc des gauches, Daniélou retourne à la poésie et au journalisme en s’intéressant au régionalisme breton au sein de l’Union régionaliste bretonne (URB) dominée par le milieu clérico-aristocratique. Il a épousé en 1904 Madeleine Clamorgan, une fille de général, agrégée de Lettres très croyante, qui fonde en 1906 une École normale libre pour former les enseignantes catholiques à Paris. À partir de 1905, Charles Daniélou revient à Locronan dont il est élu maire en 1912. En octobre 1909, il reçoit l’investiture de la droite conservatrice et de l’ALP dans la première circonscription de Châteaulin pour affronter le député sortant de centre gauche (rép. de g.) Théodore Halléguen, maire de Châteaulin54. Menant une campagne à l’américaine, soutenu par l’influent Courrier du Finistère, développant des positions conservatrices et nationalistes, le jeune candidat (32 ans) l’emporte à l’arraché le 18 mai 191055. Le député d’opposition, inscrit d’abord au groupe de l’ALP rejoint celui des républicains progressistes au début de 1911, ce qui traduit un repositionnement au centre droit qui tient compte de la sensibilité dominante de l’électorat de la région de Châteaulin. C’est lui qui déclenche à la Chambre l’affaire des poudres à la fin de 1911, un moyen d’affaiblir son futur adversaire Albert Louppe, un polytechnicien, responsable de la poudrerie de Pont-de-Buis, maire de Quimerc’h56. Ce scandale domine la campagne électorale de 1914. Daniélou affronte deux candidats de gauche : Louppe (rép. de g.) investi par son camp et un transfuge de la droite57. Au second tour, Daniélou est nettement battu par le président du conseil général du Finistère qui s’inscrit au groupe de la gauche radicale.

  • 58 Jean Pascal, op. cit., p. 445. Baudet et Le Troadec (Côtes-du-Nord) et Guernier et Deschamps (Ille (...)

20C’est la guerre – il s’engage en 1915 –, la mort au front de son frère André, et surtout sa rencontre avec Aristide Briand dont il devient un ami proche qui va faire évoluer Charles Daniélou vers le centre gauche. En 1916, il est nommé responsable du service de presse du ministère des Affaires étrangères où il se lie d’amitié avec Briand. En 1919, il aurait souhaité figurer sur la liste de concentration républicaine de centre gauche du Finistère mais son leader Georges Le Bail refuse ce transfuge, si bien que Charles Daniélou se retrouve sur la liste de droite qui rassemble républicains-démocrates et conservateurs. Il est réélu dans la Chambre « bleu horizon » à la suite d’une campagne discrète et il s’inscrit au groupe des républicains de gauche qui rassemble en fait des hommes de centre droit avec quatre députés (trois démocrates-chrétiens) du Finistère et Le Trocquer de l’ARD. Ce groupe se distingue de celui de la gauche républicaine et démocratique auquel s’inscrivent dix députés de centre gauche bretons, des modérés laïques venant soit du radicalisme soit de l’Alliance républicaine démocratique (ARD)58.

  • 59 Patrick Gourlay, op. cit., chap. V.
  • 60 Il a voulu créer pour lui un poste de sous-secrétaire d’État des Affaires étrangères refusé par le (...)
  • 61 Daniélou a accepté d’être accueilli à Roscoffavec les honneurs d’un ministre, ce qui vaut une inte (...)

21Appartenant à la majorité du Bloc national, Charles Daniélou évolue alors vers le centre gauche dans le sillage d’Aristide Briand en prenant des responsabilités. Le 21 juin 1920, membre de la commission des Affaires étrangères, il prononce un discours remarqué sur les insuffisances de la propagande française à l’étranger, puis il est chargé d’une mission en Hongrie en octobre 1920 comme rapporteur du traité de Trianon que la Chambre doit ratifier59. Comme Briand ne peut pas encore lui confier un maroquin60 quand il redevient président du Conseil (janvier 1921-janvier 1922), il nomme le Finistérien haut-commissaire de la Propagande et de l’Expansion française à l’étranger, ce qui lui vaut d’être durement attaqué par ses colistiers républicains-démocrates du Finistère, sans être pour autant accepté par la gauche61.

  • 62 Patrick Gourlay, op. cit., p. 113.

22C’est cette évolution « briandiste », sans rejoindre pour autant le Parti républicain-socialiste réorganisé en 1923 qui va conduire Daniélou à figurer sur la liste de concentration républicaine du Finistère grâce à l’appui du député Bouilloux-Lafont, dirigeant national du Parti républicain démocratique et social (PRDS), le nouveau nom de l’ARD après la guerre. Daniélou adhère à ce parti en octobre 1923, un moyen pour lui d’obtenir la bénédiction de la gauche centriste et modérée62.

La consolidation de l’enracinement du centre gauche laïque et républicain

  • 63 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 70-73 et Quelques souvenirs. Jean Janvier, maire de Rennes, J (...)
  • 64 Il s’agit de Rennes, Fougères, Redon et Saint-Malo. Il n’y a pas de socialistes à Vitré.
  • 65 Quelques souvenirs, op. cit., p. 234-236. La liste était composée de trois anciens notables dont Ga (...)

23Lors des élections municipales de novembre-décembre 1919, le processus de conquête des municipalités rurales entamé par les républicains à la fin du XIXe siècle se poursuit lentement, conforté par l’Union sacrée et les rapprochements nés des souffrances communes de la guerre. Mais, au niveau local, le clivage laïques/catholiques n’a pas disparu pour autant même si des hommes d’opinions différentes peuvent figurer sur la même liste. Les républicains de centre gauche, déjà majoritaires dans les Côtes-du-Nord, le deviennent dans le Finistère en gagnant une quarantaine de communes. Ils en gagnent autant dans les campagnes du Morbihan. Seulement, les républicains sont encore très minoritaires en Loire-Inférieure (38 % des municipalités). Les villes, de tradition bleue, sont généralement détenues par le centre gauche, parfois avec des socialistes SFIO. Les maires sortants, fortement engagés dans l’effort de guerre, l’accueil des blessés et des réfugiés, sont le plus souvent réélus comme Paul Bellamy à Nantes ou Jean Janvier à Rennes. Jean Janvier, maire de Rennes depuis 1908, est réélu à la tête d’une liste de gauche composée de 22 radicaux-socialistes et 14 SFIO63. Sur huit villes d’Ille-et-Vilaine, six sont dirigées en 1919 par la gauche républicaine et laïque, voire par des radicaux-socialistes, dont quatre avec des élus socialistes64. La coupure ville-campagne est nette. La droite est encore majoritaire en Ille-et-Vilaine comme en témoignent les élections sénatoriales du 11 janvier 1920 lorsque la liste républicaine conduite par Jean Janvier est battue par la liste conservatrice65.

24Dans les conseils généraux, sauf en Loire-Inférieure où les droites restent hégémoniques, les notables de gauche renforcent leur majorité, ne perdant qu’un siège en Ille-et-Vilaine (tableau 1). À la faveur de l’important renouvellement de 1919 (près de la moitié de nouveaux élus dans les Côtes-du-Nord) et avec 56,7 % des élus, la gauche progresse de 12 sièges en Bretagne sur 1914, surtout dans les Côtes-du-Nord et dans le Finistère. Elle conforte son enracinement dans le Morbihan où elle ne l’avait emporté que d’un seul siège en 1913.

  • 66 David Bensoussan, thèse citée, p. 178.

Tableau 1 – Classement politique des conseillers généraux bretons en 1914 et en 191966.

  • 67 Laurent Paubert, La vie politique en pays bigouden entre les deux guerres, Quimper, éd. Hantérion, (...)

25Dans le Finistère, le glissement au centre droit des républicains progressistes avait brièvement donné, de 1909 à 1912, la présidence au centre droit mais dès 1912 la gauche la reprend avec Albert Louppe, élu député en 1914. En 1921, c’est l’ancien député Ferdinand Lancien (gauche radicale) qui accède à la présidence avec une large majorité ; il conservera son fauteuil jusqu’en 1940. Mais, la guerre achevée et victorieuse le combat gauche-droite reprend tous ses droits dans le pays bigouden. Réélu député, Georges Le Bail rejette dans son journal Le Citoyen la proposition d’alliance de la droite pour les élections sénatoriales. Pour lui, l’Union sacrée, trêve entre les partis selon Jean-Jacques Becker, est bien terminée quand il reprend son inlassable combat contre le cléricalisme. Les élections à répétition dans son canton de Plogastel-Saint-Germain – pas moins de quatre consultations de 1919 à 1922 – le montrent bien. Son adversaire, Jean Hénaff, l’industriel de la conserve de porc et de légumes, maire de Pouldreuzic soutenu par les démocrates-chrétiens, l’a emporté en 1919 avec une poignée de voix mais l’élection est invalidée deux fois avant que Le Bail ne prenne le dessus en 192267. À chaque fois, l’affrontement gauche-droite, anticléricaux-cléricaux est brutal entre le leader radical-socialiste et les députés républicains-démocrates venus en renfort. Les combats de l’avant-guerre se poursuivent avec âpreté, du moins verbalement et dans la presse militante. Finalement, en 1925, Jean Hénaff qui rejoint la droite républicaine reprend le canton (jusqu’en 1937), ce qui traduit un certain déclin du radical-baillisme en pays bigouden.

  • 68 Jean Pascal, op. cit., p. 422. En 1906, il se définissait comme « l’humble serviteur de la Républi (...)
  • 69 Précisons qu’en 1922, la droite cléricale l’emporte avec sept sièges d’écart mais conserve Guernie (...)
  • 70 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 55-58.

26Ailleurs, la plupart des grands notables sortants de la gauche républicaine sont réélus mais avec plusieurs changements de présidences en 1920 ou 1921 du fait de la disparition d’hommes qui dominaient la scène politique départementale. Dans les Côtes-du-Nord, le député (radical-socialiste en 1914) Charles Baudet a pris le relais d’Armez décédé en 1917. Lors du fort renouvellement du conseil général (46 % de nouveaux élus) en décembre 1919, la gauche s’est renforcée (tableau 1) ; succédant au Dr Baudet, Gustave de Kerguézec (rép.-soc.) a été porté à la présidence de l’assemblée départementale qu’il présidera jusque 1931. Dans le Morbihan, le sénateur Alfred Brard (rad.-soc.) succède en 1921 à Louis Nail décédé, jusqu’en 1937. Il s’agit d’un industriel, conseiller général de Guéméné-sur-Scorffdepuis 1905, député radical-socialiste de Pontivy 2 de 1910 à 1914, battu en 1914 et 1919 sur la liste d’Union républicaine68. Le 11 janvier 1920, Brard a enfoncé un coin dans l’hégémonie sénatoriale des droites morbihannaises en entrant au Sénat où il siégera jusqu’à la guerre. Dans ces assemblées qui évoluent peu d’un scrutin à l’autre, la continuité des notables l’emporte souvent dans l’entre-deux-guerres sauf en Ille-et-Vilaine. Là, le vieux républicain Brice préside jusqu’à sa mort en 1921 ; il est remplacé par le radical-indépendant Charles Guernier69 jusqu’au changement de majorité en 1925. En 1928, la gauche modérée récupère la présidence à une voix de majorité pour Maugère, remplacé à sa mort en 1935 par le radical-socialiste Gasnier-Duparc, mais elle la perd à nouveau en 193770.

  • 71 En 1912, il y avait 41 % de délégués sénatoriaux de droite et 17 % de progressistes, globalement p (...)
  • 72 David Bensoussan, thèse citée, p. 508-510.
  • 73 Jean-Yves Michel, Religion et politique en Bretagne de 1850 à 1960. Le cas du Poher, Keltia Graphi (...)

27Dans le Finistère, la progression de la gauche républicaine au niveau municipal, sensible en 191971, ajoutée à la division des droites catholiques permettent à la gauche et au centre gauche de remporter un beau succès : quatre sièges de sénateurs sur cinq, notamment pour des députés sortants battus en 1919 sur la liste de concentration républicaine. Ainsi, en janvier 1921, Albert Louppe, président du conseil général (1912), député (gauche radicale) de Châteaulin 1 de 1914 à 1919 entre au Sénat tout comme Ferdinand Lancien, député (rép.-soc.) de Châteaulin 2 de 1914 à 1919 et le maire de Quimper Théodore Le Hars qui vient du radicalisme. Albert Fenoux (rép. de g.), élu en 1912 comme centre gauche avec son colistier Hémon est reconduit. Avec Jules Fortin, le leader de l’ALP avant-guerre, la droite catholique ne conserve qu’un seul siège. Pourtant, la droite finistérienne restait encore légèrement majoritaire en nombre de communes détenues en 1920 : 149 contre 141 à la gauche72. Le Dr Ferdinand (en fait Fernand) Lancien est lui aussi un transfuge de la droite, un antidreyfusard issu d’une famille catholique dont le père notaire était un élu municipal de Carhaix73. Il a commencé sa carrière politique au conseil général comme républicain libéral en battant de manière controversée en 1904 le sortant de gauche, Eugène Anthoine, maire de Carhaix, avec l’appui de l’ALP et du clergé. Mais ensuite, Lancien siège avec la gauche sans être accepté par les radicaux-socialistes locaux. Devenu maire de Carhaix en 1906, il lorgne le siège du député radical Dubuisson et adhère en 1910 au Comité radical Mascuraud. Contre le député sortant, il se fait désigner par la gauche républicaine de la circonscription et est élu à Chambre avec l’étiquette de républicain-socialiste en 1914, mais battu en 1919. En 1921, Ferdinand Lancien devient sénateur (élu au 2e tour) et président d’un conseil général de gauche. Les changements de camp et d’étiquettes du Dr Lancien, dans une région du Centre-Bretagne où la gauche républicaine est bien enracinée, reflètent bien les contorsions politiques d’un notable qui veut faire carrière et doit tenir compte de l’orientation de son électorat.

  • 74 Le Troadec, élu sénateur en septembre 1920, est rejoint par Mando et Servain (rép. de g.) et Baude (...)
  • 75 Charles Meunier a obtenu les plus mauvais résultats au premier tour. On peut penser qu’une fractio (...)

28La consolidation du vote de centre gauche a été confirmée dans les Côtes-du-Nord par les élections au conseil général et les élections municipales. Au conseil général, les gauches ont 36 sièges sur 48. Ainsi, la liste conservatrice sortante (quatre aristocrates) est-elle totalement battue lors des élections sénatoriales de 1921 qui voient l’entrée en force au Sénat de cinq députés de l’Union républicaine74. Cette fois la balance semble pencher en faveur du centre gauche : trois sénateurs pour deux de centre droit. Avec ce second succès total, les partisans de la République laïque semblent en passe de contrôler toutes les fonctions parlementaires en 1921 dans les Côtes-du-Nord. Mais cette Union républicaine (UR) est trop sûre d’elle car la droite a renoncé à présenter une liste aux élections législatives partielles du 17 avril 1921. La liste de sensibilité radicale conduite par l’ancien député de Saint-Brieuc 2 Charles Meunier n’a qu’une liste SFIO comme adversaire. L’électorat de gauche accepte mal une liste dirigée par un notable venu de la droite (APL) et l’absence d’un représentant marquant du monde rural ; la presse de droite, toutes tendances confondues, fait campagne pour l’abstention. Or, ce taux d’abstention (60,25 %) nécessite un second tour le 1er mai car moins de la moitié des inscrits se sont déplacés. L’UR refuse l’offre d’alliance des socialistes contre la liste de droite qui rafle quatre sièges sur cinq. L’UR n’obtient que 22,8 % des électeurs inscrits, 35,9 % des suffrages exprimés et un seul député, Yves Gallou, un agriculteur de Ploézal, président de l’office départemental agricole, qui a remplacé l’industriel briochin Meunier au 2e tour75. Une partie de l’électorat de centre droit a réagi contre une liste républicaine nettement de centre gauche et sans doute aussi pour rééquilibrer la représentation parlementaire départementale alors que l’électorat de droite, un temps découragé, se mobilisait. Un an et demi après le relatif consensus républicain derrière le Bloc national, le clivage gauche/droite, illustré par une forte poussée socialiste (19,6 % des voix au 1er tour, 11,1 au second), recommence à jouer dans ce département.

  • 76 Marylise Le Mouël, La vie politique à Hennebont de 1919 à 1939, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 199 (...)
  • 77 Il préside six associations dont l’Union mutualiste du Morbihan et a construit des cités ouvrières (...)

29Localement, l’alliance électorale entre les radicaux et les républicains de gauche de l’Alliance démocratique, c’est-à-dire du centre gauche et du centre droit laïque, est fréquente au niveau municipal, voire cantonal, au début des années 1920 avec la domination d’un notable local. C’est le cas de la municipalité élue en 1919 à Hennebont (Morbihan), ville vivant de l’activité des Forges. En 1922, les choses semblent se clarifier lorsque Camille Herwegh (radical), ingénieur des Mines, directeur des Forges d’Hennebont depuis 1912, est élu conseiller général avec 54,3 % au 1er tour malgré la virulente campagne de L’Ouest-Éclair sur ses origines « germaniques »76. En 1925, il devient maire à la tête d’une liste cartelliste à majorité radicale et est réélu sans adversaire au conseil général en 1928. C’est le type même du notable instruit qui s’appuie sur de nombreux relais associatifs et est un patron paternaliste77. Réélu maire radical-socialiste en 1929 (avec sept hommes de droite sur sa liste), sans SFIO, il incarne un centrisme qui se méfie de la gauche marxiste.

  • 78 Jean Pascal, op. cit., p. 452.

30En janvier 1924, aux élections sénatoriales, le centre gauche obtient un second siège de sénateur dans le Morbihan pour le républicain-socialiste Alphonse Rio, député-maire de Quiberon (1919) qui bénéficie de la division des droites conservatrices et modérées. Il est déjà devenu un notable de premier plan en participant comme sous-secrétaire d’État aux ports et à la Marine aux gouvernements Briand et Poincaré (janvier 1921-mars 1924)78. Ses fonctions ministérielles lui attirent certainement la faveur d’élus locaux.

Les comités républicains et radicaux : de 1919 au Cartel des gauches

  • 79 Voir le chapitre IV.

31Au début des années 1920, la tradition des comités républicains perdure quand il s’agit de choisir des candidats contre la droite. Sans structure partisane véritablement permanente, souvent dépendante de l’aura de ses notables élus, la gauche républicaine fonctionnait depuis la fin de XIXe siècle sur la base de comités réactivés à l’approche des échéances électorales et chargés de désigner les candidats au cours de congrès. Des fédérations du « Parti républicain » se sont formées dans les années 1900-1910 et ce système souple et ouvert fonctionne encore après la Première Guerre mondiale, lors des élections législatives de 1919 et même de 1924, même si des reclassements ont pu en écarter telle ou telle personnalité. Une véritable différenciation partisane ne s’opère qu’au début des années 1930, donnant naissance à des partis politiques modernes structurés. Auparavant, les étiquettes politiques, à droite comme à gauche, renvoient à l’appartenance à un camp, plutôt qu’à un parti précis et les positionnements gauche/droite évoluent tout au long de la période avec une importance non négligeable pour les centristes et les modérés des deux blocs antagonistes. Toutefois, dans les affrontements droite/gauche de 1924, 1932 et 1936, les deux blocs se reconstituent quitte à laminer les notables en position centriste dans les années 1930 du fait de la montée en puissance sur le terrain électoral de la SFIO et du PCF79.

  • 80 Laurent Le Bar, Les élections législatives du 11 mai 1924 dans le Morbihan, maîtrise d’histoire, R (...)

32En 1919, les comités républicains, d’action démocratique, radicaux ou radicaux-socialistes sont plus ou moins actifs selon les villes et les départements. Ce sont eux qui désignent les candidats après des débats plus ou moins houleux durant lesquels les notables s’affrontent. Dans le Morbihan, la douzaine de comités de la région de Lorient (deux dans la ville, Lanester, Pont-Scorff…) pèse lourd dans la décision et est dominée en 1924 par les radicaux-socialistes80. Au niveau départemental, ils sont regroupés dans une Fédération d’Union républicaine dont le congrès désigne une commission exécutive présidée en 1924 par Edmond de Camas, un propriétaire foncier de Saint-Avé près de Vannes. Les parlementaires en sont membres de droit. Et leur étiquette « radicale » ou « radical-socialiste », qui les situe dans la gauche laïque, ne signifie nullement une discipline partisane dans une période où les structures des partis sont inexistantes ou faiblement organisées sur le terrain.

  • 81 Hervé Baudru, Les républicains laïques d’Ille-et-Vilaine, de l’affaire Dreyfus à la mort de Charle (...)
  • 82 Georges Dottin est son premier adjoint de 1908 à 1912.

33Néanmoins, des comités se sont structurés dans les villes comme le Comité radical et radical-socialiste à Rennes en novembre 1905 qui cherche à rassembler tous les militants républicains et aurait rassemblé plus de 300 membres dès mars 190681. Une nouvelle génération de militants laïques et républicains de gauche prend alors la relève de notables radicaux. Georges Dottin, professeur de grec puis de langues et de littérature celtiques à l’université de Rennes, engagé en 1898 avec ses collègues Victor Basch et Henri Sée dans la lutte pour la révision du procès Dreyfus, est le premier président du Comité radical et radical-socialiste de Rennes. En 1925, toujours président du comité, il conduit la liste de gauche à la victoire mais il refuse de devenir maire, fonction qui échoit au socialiste Carle Bahon. Le bloc des gauches rennaises fonctionne bien de 1905 à 1929 et il est incarné par Jean Janvier, maire de Rennes de 1908 à sa mort en 1923, qui a créé en 1906 le Comité de concentration républicaine, puis le Comité d’union républicaine de Rennes, positionné au centre gauche et favorable à une alliance allant des républicains modérés, aux radicaux et même aux socialistes82. C’était souvent le cas dans les villes de tradition bleue sauf à Brest où radicaux et socialistes s’affrontaient rudement.

  • 83 Christian Bougeard, thèse citée, p. 95.

34Dans les Côtes-du-Nord, en 1919, un congrès républicain, émanation des comités locaux, a désigné les candidats de la liste d’Union républicaine en reconduisant six des sept députés sortants. Le 21 novembre 1920, la Fédération républicaine des Côtes-du-Nord réunit 250 personnes (élus locaux et délégués des comités républicains) pour investir ses cinq candidats aux élections sénatoriales, lesquels sont d’ailleurs cinq des notables choisis pour la députation un an plus tôt83. Pour autant, le Parti radical et radical-socialiste de la rue de Valois ne contrôle pas véritablement ces comités républicains car en Bretagne son implantation et son niveau d’organisation sont encore faibles.

Le poids limité du radical-socialisme en Bretagne dans les années 1920

  • 84 Voir Serge Berstein, Histoire du Parti radical, t. 1 et 2, Paris, PFNSP, 1980 et 1982.

35Si les républicains radicaux et les radicaux-indépendants sont nombreux parmi les élites locales (maires, conseillers généraux) en Bretagne dans les années 1920, et que leur appartenance au camp laïque permet le plus souvent de les classer au centre gauche, les radicaux-socialistes réellement liés au parti de la rue de Valois fondé en 1901 sont nettement moins bien implantés comme en témoignent les résultats électoraux. D’autant plus que l’étiquette n’implique pas toujours l’appartenance au parti. En outre, le positionnement politique des notables évolue dans le temps avec la montée en puissance d’une gauche marxiste, si bien que la référence au radicalisme ne signifie plus obligatoirement l’appartenance au centre gauche et bon nombre de radicaux-indépendants glissent de fait au centre droit. Il faut donc tenir compte des rapports de force politiques du moment et de la culture politique locale pour essayer d’y voir clair. L’impact du radical-socialisme est plus facile à cerner sur le plan électoral84. Il fait apparaître la faiblesse du radicalisme en Bretagne en 1914 et dans les années 1920 (tableau 2).

  • 85 Ibid., t. 1, tableau p. 78-79.
  • 86 Jean Pascal, op. cit., p. 415. Vernet-Delaroche et Robert-Surcouf sont passés à la gauche radicale (...)
  • 87 Nail est réélu à Lorient 1 et Le Rouzic à Lorient 3 mais Brard est battu à Pontivy 2.
  • 88 Il meurt à 32 ans en juin 1918.
  • 89 Rolland Le Bail devient maire de Plozévet en 1837, son fils Lucien lui succède sous le Second Empi (...)
  • 90 Maurice Lucas, L’évolution de la Cornouaille maritime sous la troisième République (1870-1914), th (...)
  • 91 Son fils Georges, le député décédé brutalement en juin 1918, a des obsèques religieuses.

36En 1914, le Parti radical qui présentait 12 candidats a obtenu sept députés dont six sortants85. Pourtant neuf députés bretons s’étaient inscrits au groupe des républicains radicaux-socialistes en 1910 et ils ne sont plus que six en 1914 (deux élus dans trois départements)86. Avec près de 20 % des suffrages exprimés recueillis par quatre candidats, le Morbihan apparaît comme une zone de force grâce à l’enracinement radical dans les régions lorientaise et de Pontivy87. Avec quatre candidats (13,04 % des voix) et deux élus, le Finistère sud présente la particularité d’élire le père et l’un de ses fils en 1914. Georges Le Bail, député depuis 1902 est réélu à Quimper 1, mais en plus à Quimper 2 il fait entrer son fils, l’avocat Georges Le Bail-Maignan au Palais-Bourbon88. Ce « bleu » de Cornouaille, souvent perçu comme « un rouge » du fait de son anticléricalisme virulent, cherche à créer une dynastie. En effet, le « radicalbaillisme » est le fait d’une lignée républicaine ancrée à Plozévet en pays bigouden. Avocat, Georges a été élu maire de sa commune en 1898, « La Mecque du baillisme » selon le journal de droite Le Progrès du Finistère, à la suite de son grand-père et de son père89, avant de gagner le Palais-Bourbon90. Par une habile politique matrimoniale, la famille Le Bail, d’un républicanisme intransigeant puis d’un radicalisme dreyfusard et très anticlérical, a su élargir sa fortune foncière passée de 2 à 150 hectares. Georges dispose d’une double base électorale : ses nombreux fermiers et domaniers ainsi que sa clientèle d’avocat au barreau de Quimper. Mais il n’est pas à une contradiction près puisque son épouse Marie Maignan est une catholique pratiquante qui incarne ce catholicisme bleu qui en Bretagne se méfie du clergé et du cléricalisme91. Georges Le Bail déteste davantage les démocrates-chrétiens, puissants dans le Finistère dans les années 1920, que les conservateurs non seulement car ils sont ses principaux adversaires politiques mais surtout parce qu’il ne croit pas à la sincérité de leur engagement républicain. En 1919 et en 1924, le radical-socialiste Le Bail est clairement à gauche car il est partisan d’une alliance avec les socialistes contre la droite unie dans le Finistère, ce qui n’est pas le cas de ses collègues radicaux bretons réélus comme lui au Parlement.

  • 92 Serge Berstein, op. cit., t. 1, carte 1, p. 83.

37Les Côtes-du-Nord réélisent deux députés radicaux-socialistes en 1914, le docteur Charles Baudet et Louis Turmel, maire et conseiller général de Loudéac. Ce dernier se situe nettement à gauche car il a voté contre la loi des trois ans. En revanche, les radicaux-socialistes sont peu implantés en Ille-et-Vilaine et carrément absents de Loire-Inférieure où ils laissent un espace au développement des socialistes. Au total, avant la guerre, l’Ouest et la Bretagne sont une zone de faiblesse pour le radicalisme qui n’y atteint pas les 10 % des inscrits, sauf dans le Morbihan92. La guerre désorganise le parti mis en sommeil ; sa participation à l’Union sacrée va contribuer à détacher de l’engagement partisan une partie de ses notables. L’apaisement relatif de la querelle religieuse et les combinaisons électorales de Bloc national semblent jouer ce rôle en Bretagne même si l’affrontement gauche/droite ne disparaît pas en 1919. Pendant un temps, l’effacement du radicalisme et sa participation à la majorité de Bloc national gomment les aspérités par trop anticléricales du parti d’avant-guerre, ce qui permet à ses notables centristes et modérés du Morbihan de continuer à marquer des points sur le plan électoral tout en prenant rapidement leurs distances avec un Parti radical-socialiste réorganisé.

  • 93 Serge Berstein, op. cit., t. 1, p. 78-79 et 130-132, 377-381 ; t. 2, p. 59-63, 196-199.

(1) Moyenne en pourcentage des suffrages exprimés. (2) Moyenne en pourcentage des inscrits.
Tableau 2 – Nombre de députés et résultats du Parti radical-socialiste en Bretagne de 1914 à 193293.

  • 94 Nail est réélu sur la liste d’union républicaine avec Bouligand et Maulion.
  • 95 Serge Berstein, op. cit, t. 1, carte 2, p. 109.
  • 96 Dans les Côtes-du-Nord, Baudet se dit radical et Turmel, arrêté pour trahison en 1917, est mort à (...)

38En 1919, le radical-socialisme sort affaibli de la guerre ne conservant que quatre députés en Bretagne dont trois dans le Morbihan94 et un dans le Finistère (G. Le Bail). Au niveau national son groupe est réduit à 86 députés. Il s’agit d’ailleurs des deux seuls départements à avoir participé aux activités du comité exécutif du Parti radical de 1917 à 191995. Les listes de concentration républicaine de centre gauche ont favorisé les éléments les plus modérés au détriment des radicaux-socialistes concurrencés par des listes de la SFIO et il n’est donc pas possible d’évaluer la part des voix radicales96. Les résultats sont d’autant moins bons dans la région que les radicaux-socialistes ont disparu dans trois départements sur cinq laissant la place à des radicaux-indépendants, des républicains-socialistes ou des républicains de gauche. Aux élections législatives de 1924, alors que la poussée radicale-socialiste est forte au niveau national (139 députés), le radicalisme semble en voie de disparition en Bretagne où il ne conserve que deux députés avec la réélection de Pierre Bouligand et de Georges Le Bail. Si Édouard Labes, le maire de Lorient depuis 1919, semble avoir appartenu au Parti radical-socialiste, son opposition aux radicaux partisans du Cartel et surtout à la SFIO lorientaise le place à l’aile droite du mouvement et il va d’ailleurs s’inscrire au groupe de la gauche radicale avec son colistier Maurice Marchais qui vient de l’Alliance républicaine. Des radicaux ou des sympathisants sont cependant présents sur une liste centriste en Ille-et-Vilaine et une de centre gauche dans les Côtes-du-Nord, signe de la renaissance du parti sous la houlette d’Édouard Herriot président du parti depuis septembre 1919.

  • 97 Serge Berstein, op. cit., t. 1, cartes 4 et 5, p. 150 et 154.
  • 98 Serge Berstein, op. cit., t. 1, carte 7, p. 163.
  • 99 D’après les statuts de 1926, il faut cinq cotisants pour créer un comité, sept en 1935.
  • 100 Serge Berstein, op. cit., t. 1, p. 184 et carte 8, p. 185. Il existe un comité à Rennes, deux dans (...)
  • 101 Serge Berstein estime que de 1924 à 1939, les effectifs du Parti radical ont varié d’un minimum de (...)

39Les cadres et militants radicaux-socialistes s’investissent dans les instances nationales de manière inégale selon les départements. Les délégués d’Ille-et-Vilaine et du Finistère sont les plus assidus aux séances du comité exécutif de 1922 à 1925 mais cette fréquentation ne correspond pas au poids du parti en fonction du nombre de délégués nommés97. Les participants de province (Morbihan) sont d’ailleurs des militants et non des notables élus qui ne goûtent guère ce type d’activité. Mais la faiblesse militante sur le terrain se reflète dans les structures partisanes : de 1919 à 1925, seul le Finistère possède une fédération radicale-socialiste, créée le 23 novembre 1921, et relayée par cinq comités comme dans le Morbihan98. Il n’y a que deux comités en Loire-Inférieure et un seul dans chacun des deux autres départements. À partir de 1925 et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la direction du parti met l’accent sur la création de comités locaux, véritables cellules de base99. Quels en sont les résultats en Bretagne alors que la SFIO et le PCF développent leur action militante ? Un bilan en 1927-1928 qui recense 692 comités de base en France donne des résultats limités en Bretagne : ils existent dans 19 villes et bourgs dont 11 du Morbihan (avec plusieurs comités à Lorient)100. Cette géographie traduit bien la faiblesse de l’implantation à un moment où une nouvelle génération plus militante va prendre la relève des notables radicaux vieillissants notamment dans les Côtes-du-Nord et le Finistère. Il n’est alors pas possible d’évaluer le nombre d’adhérents radicaux-socialistes dans la région101.

  • 102 Les effectifs du comité exécutif passent de 1 216 en 1922 à 2 146 en 1938. Serge Berstein, op. cit (...)
  • 103 Ibid., p. 228-229.

40La participation des délégués des départements aux réunions du comité exécutif pendant l’entre-deux-guerres permet aussi de mettre en valeur une implantation limitée dans certains départements comme la Loire-Inférieure ou l’Ille-et-Vilaine102. En Loire-Inférieure, ses délégués viennent presque tous de Nantes et de Saint-Nazaire, ce qui traduit une implantation quasi-exclusive dans les classes moyennes urbaines alors que dans les Côtes-du-Nord la représentation est clairsemée et faible mais avec une présence plus forte de délégués issus des zones rurales. Le faible poids du radicalisme en Bretagne apparaît aussi dans la composition du bureau car deux départements seulement y sont représentés pendant l’entre-deux-guerres (le Finistère et le Morbihan)103. La pression de la base conduit le 20 juin 1923 le comité exécutif du Parti radical-socialiste à rompre avec le Bloc national et à entrer dans l’opposition. Beaucoup souhaitent mettre en œuvre une union des gauches à l’approche des élections législatives de 1924. Mais, en Bretagne où les élus liés au parti de la rue de Valois sont peu nombreux, les sortants de centre gauche ne sont guère disposés à suivre cette ligne de rupture ni l’alliance électorale de Cartel des gauches qui a été adoptée au congrès de Paris par le Parti radical en octobre 1923.

Un centre gauche non-cartelliste en 1924

  • 104 187 voix pour le Cartel, 87 contre. La SFIO y est encore plus favorable par 320 voix contre 20 (co (...)
  • 105 Au début des années 1920, les républicains-démocrates participent au capital du quotidien mais son (...)
  • 106 Laurent Caro, Le Finistère et Maurice Bouilloux-Lafont, op. cit.

41Les alliances de Cartel des gauches ne sont pas à l’ordre du jour en Bretagne en 1924, sauf dans le Finistère où la tentative d’accord des radicaux et des socialistes échoue. Le radical-socialiste Georges Le Bail qui veut regagner le terrain perdu en 1919 sur les droites unies pousse à une alliance électorale avec la SFIO, accord électoral accepté par le congrès républicain de Châteaulin le 23 mars 1924 contre l’avis de radicaux et de modérés comme les sénateurs Lancien et Louppe104. Mais la puissante Dépêche de Brest, tenue par une majorité de républicains modérés très antisocialistes, s’y oppose105 ainsi que le député sortant de l’Alliance devenue le PRDS Bouilloux-Lafont, si bien qu’aucune liste de Cartel des gauches ne voit le jour favorisant le succès de la liste des droites. Au cœur des manœuvres qui divisent le centre gauche se pose la question de la présence de Charles Daniélou, l’ami de Briand, qui a adhéré au PRDS en octobre 1923. Comme en 1919, Bouilloux-Lafont veut une liste de concentration républicaine des modérés laïques et des radicaux sans la SFIO. Pour pouvoir se représenter sur une liste de gauche, Bouilloux-Lafont, qui a toujours soutenu la politique étrangère de fermeté vis-à-vis de l’Allemagne de Raymond Poincaré, l’un des principaux leaders de l’ARD-PRDS, prend ses distances avec la majorité poincariste sortante en difficulté sur l’occupation de la Ruhr. Comme les radicaux, à partir de la fin 1923, il vote contre le gouvernement106. Au printemps 1924, il paraît approuver du bout des lèvres une alliance de Cartel qui le place en deuxième position sur la liste allant même jusqu’à annoncer au début avril qu’il « reprend sa liberté d’action », c’est-à-dire qu’il démissionne des organes dirigeants et même du PRDS quelques jours avant la rupture du Cartel dans le Finistère. Cette démarche qu’il effectue à contrecœur repositionne ce notable laïque modéré au centre gauche.

  • 107 Patrick Gourlay, op. cit., p. 113-119.
  • 108 Guépratte est d’ailleurs éliminé de la liste ensuite.
  • 109 Parmi les candidats, citons l’ancien député radical-socialiste de Quimperlé Le Louédec et pour les (...)
  • 110 À la veille du scrutin, le journal dénonce le « lèche-bottes de Briand », « traître et girouette é (...)

42Le député-maire de Bénodet n’en estime pas moins que la présence d’un ancien élu de droite est un gage de progression dans l’électorat catholique centriste encore effrayé par l’anticléricalisme du « cacique » radical-socialiste de Plozévet107. Malgré les réticences, le congrès de Châteaulin a avalisé la candidature de Daniélou (en 3e position). Pourtant, le 11 avril, jour de la ratification par les délégués républicains de la liste des sept candidats de centre gauche – quatre places sont réservées à la SFIO – sur la liste cartelliste, coup de théâtre : Daniélou télégraphie son retrait car il ne veut pas être élu avec des socialistes. Et pour sauver les apparences, il explique à la Dépêche de Brest que c’est la faute des républicains-démocrates si le Cartel des gauches a été jugé indispensable par les gauches finistériennes. Il semble bien que tout cela fasse partie de manœuvres de la fraction modérée et de Bouilloux-Lafont pour faire éclater la liste de Cartel des gauches. Il a d’ailleurs imposé à cet effet le maintien de l’amiral Guépratte, député sortant, sachant que la SFIO ne peut l’accepter. Avançant cette raison, le 14 avril 1924, les socialistes rompent le Cartel de gauches dans le Finistère108. Le Bail conduit alors comme en 1919 une liste de concentration républicaine (six radicaux-socialistes et cinq républicains de gauche)109 sur laquelle figure Charles Daniélou. Pendant la campagne, celui qui « a retourné sa veste » et « a servi de porte-queue à M. Briand pendant toute la législature » devient la principale cible du Courrier du Finistère110.

  • 111 Bernard Oudin, op. cit., p. 445-447.

43Écarté du gouvernement après son renversement en janvier 1922, Aristide Briand a pris ses distances avec la politique de fermeté de son successeur Raymond Poincaré qui a décidé d’occuper la Ruhr le 11 janvier 1923 pour contraindre l’Allemagne à verser les réparations. Sans être formellement partie prenante du Cartel des gauches, l’ancien président du Conseil prend position contre la poursuite du Bloc national lors d’un discours à Carcassonne le 24 février 1924 en dénonçant : « L’Union sacrée, piège à républicains », ce qui n’avait guère été le cas pendant la guerre et encore moins en 1921-1922 lorsqu’il avait gouverné avec la Chambre bleu horizon. À l’approche des élections législatives, Briand veut se positionner à gauche en réactivant le clivage gauche/droite et en précisant que : « La France ne peut faire de bonne politique extérieure qu’en restant la France de la Révolution et de la liberté111. » En Loire-Inférieure, il va conduire une liste républicaine de centre gauche sans concurrence radicale-socialiste.

  • 112 Voir le chapitre III.
  • 113 Le socialiste Emmanuel Svob est présent au congrès pour tenter d’infléchir la ligne des notables.
  • 114 Serge Berstein, op. cit., p. 14.

44Dans le Morbihan, c’est la fraction fidèle au Parti radical-socialiste qui plaide en 1924 pour le « Bloc des gauches », appellation locale et un peu dépassée – le vocable ne remonte-t-il pas au début du siècle ? – du Cartel des gauches, à moins qu’il s’agisse de ne pas effrayer l’électorat modéré morbihannais ? Et effectivement, devant le refus d’alliance de l’UR avec la SFIO, la fraction réellement radical-socialiste du comité lorientais de concentration républicaine animée par le Dr Roux a décidé le 31 mars 1924 de faire liste commune avec la SFIO. Comme dans les autres départements bretons, les notables de l’UR, en position centriste, occupant un espace politique allant du centre droit à la gauche sont désignés après de longues tractations le 6 avril 1924 par un congrès départemental à Auray. Ils justifient le refus du Cartel des gauches avec des socialistes, d’ailleurs divisés112, par le mot d’ordre classique « ni réaction, ni révolution », au nom de la défense de la République parlementaire, « de l’idée de patrie et de la propriété individuelle » et de la condamnation de l’internationalisme et du collectivisme. Pour le député sortant Maurice Marchais, il s’agit de rassembler tous « les vrais républicains » qui acceptent « les lois politiques, laïques et sociales du régime ». Mais, au-delà des divergences idéologiques bien réelles avec la SFIO perçue d’extrême gauche, il y a une position stratégique de consolidation électorale car ce programme « du juste milieu » « répond bien à l’opinion générale du département ». Quoi qu’il en soit, lors du congrès de l’UR, à la demande du député Marchais et du sénateur Brard, appartenant à l’aile droite du radicalisme, un vote rejette le Cartel des gauches défendu par le Dr Lettry, conseiller d’arrondissement de Lorient et président de la Ligue des droits de l’homme113. Et la grande majorité des 295 délégués vote l’investiture des notables candidats qui recueillent entre 285 et 267 voix contre dix seulement aux partisans du Bloc des gauches. Ce centrisme qui voudrait préserver l’unité du « Parti républicain » d’avant-guerre n’a pas l’appui du parti de la rue de Valois114.

Les élections législatives de 1924 : l’affaiblissement du centre gauche

  • 115 Voir le tableau 5 du chapitre III. Si on ne considère que les résultats des têtes de liste, la SFI (...)
  • 116 David Bensoussan, tableau cité.
  • 117 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 36-37. David Bensoussan ne retient que 25,6 % pour cette list (...)

45En Bretagne, les républicains laïques pratiquent des alliances au centre gauche entre républicains de gauche, républicains-socialistes et radicaux au sein d’unions républicaines très modérées en position centriste entre la droite conservatrice et catholique et les deux partis marxistes, la SFIO qui avec 12,2 % des voix obtient deux sièges et le PCF 1,7 % seulement115. En incluant la liste Le Trocquer de concentration républicaine (46 %) à condition de la considérer de centre gauche, ce qui est contestable, ces listes auraient obtenu 34,9 % des voix en Bretagne en 1924, perdant néanmoins 7,5 % sur 1919116. Malgré ce refus affirmé du Cartel des gauches par les notables centristes sortants, les résultats de la gauche républicaine ne sont pas bons dans la région. La situation est la plus catastrophique en Ille-et-Vilaine puisque le centre gauche laïque est éliminé pour quatre ans, la liste des droites catholiques ayant largement dépassé la majorité absolue et raflé tous les sièges. Avec 27,49 % des suffrages exprimés, la liste de concentration républicaine de Charles Guernier n’a aucun élu117. Outre la peur du Cartel, sans doute les républicains laïques paient-ils les ambiguïtés de 1919 ?

  • 118 Par exemple, G. Le Bail a perdu 3 000 voix et Bouilloux-Lafont près de 5 000, Laurent Caro, op. ci (...)

46Dans le Finistère, la stabilité politique l’emporte car la liste de concentration républicaine conserve ses trois sièges (deux pour la SFIO) avec ses sortants G. Le Bail (rad. soc.), Bouilloux-Lafont et Daniélou qui a changé de camp, tous les deux s’inscrivant au groupe de la gauche radicale. Cette liste a obtenu 28,9 % des suffrages exprimés alors que celle de la SFIO totalisait 20,2 % mais elle a perdu 6 % de ses voix sur 1919, ce qui traduit bien un recul électoral du centre gauche alors que la SFIO s’est maintenue118.

47Dans la Morbihan, la présence d’une liste cartelliste menée par des radicaux avec les socialistes déporte vers le centre droit la liste d’Union républicaine (UR) conduite par les trois députés sortants : M. Marchais (ARD), P. Maulion et P. Bouligand (rad.- soc.), ancien instituteur. Les deux premiers sont avocats comme Labes, le maire radical de Lorient depuis 1919 (en 6e position sur la liste mais qui sera élu). Cette liste compte l’ancien député Le Rouzic (1910-1919), directeur de l’École d’agriculture de Rennes, le pharmacien Raude, un négociant, et un propriétaire foncier, ancien militaire (de Camas). Les classes moyennes urbaines sont bien représentées par des élus locaux (sept maires et cinq conseillers généraux) qui ont en général fait des études supérieures ou secondaires et sont socialement aisés.

  • 119 Christian Bougeard, thèse citée, p. 109-113.
  • 120 En 1926, cinq des six députés suivent Le Trocquer dans le groupe centriste de la gauche indépendan (...)

48Dans les Côtes-du-Nord, la liste d’Union républicaine et nationale conduite par le ministre poincariste sortant, l’ARD Yves Le Trocquer, s’oppose à la liste de droite et à trois listes de gauche et d’extrême-gauche. Elle présente les cinq députés sortants et est complétée de trois nouveaux candidats dont Armand Waron, le maire (rép. de g.) de Saint-Brieuc et Pierre Sérandour, un agriculteur, maire et conseiller général119. La liste poincariste tente de reconduire une alliance des centres comme en 1919 mais elle se réclame clairement du Bloc national sortant donc elle s’oppose au Cartel des gauches, ce qui la positionne pour le moins au centre droit. Le Trocquer voudrait prolonger la fiction de « l’unité du Parti républicain » mais la présence de personnalités modérées ne va guère dans le sens du centre gauche. En outre, les deux députés sortants identifiés à gauche, Henri Avril et Pierre Even, durement attaqués par la droite, sont nettement battus, ce qui accentue le positionnement au centre droit de la liste républicaine qui a ajouté le qualificatif de « nationale » pour tenter de grapiller des voix sur sa droite. Son succès est indéniable : avec 34 % des inscrits et 46 % des suffrages exprimés, elle enlève six sièges sur huit, reprenant donc deux sièges à la droite qui en comptait quatre depuis 1921. D’ailleurs, dans la crise politique qui suit la victoire du Cartel des gauches, sept des huit députés des Côtes-du-Nord, des deux listes, de droite et de centre droit, se retrouvent ensemble dans l’opposition120.

  • 121 Le préfet Guillemaut a été un proche collaborateur de l’ancien ministre Louis Nail.
  • 122 Laurent Le Bar, op. cit., p. 59-68.
  • 123 Paul Maulion tente de retrouver un siège en se présentant à Pontoise (Seine-et-Oise) en 1928 et à (...)
  • 124 Jean Pascal, op. cit., p. 459-465. Ce sont les deux seuls membres du groupe en Bretagne.

49Dans la Morbihan, la liste de centre gauche, pourtant soutenue par l’administration préfectorale121, n’obtient que 30,41 % des inscrits alors que la liste de droite en recueillait 37,72 %. L’abstention a été de 22,73 %. L’UR a rassemblé 39,35 % des suffrages exprimés (un recul de 8,15 % sur 1919), ce qui ne lui donne que trois sièges, deux de moins qu’en 1919. Elle a pourtant mené une campagne des plus modérée loin du radicalisme militant122. C’est la poussée de la droite, qui a attiré une partie de l’électorat modéré dans une configuration d’affrontement des deux blocs, qui explique ce recul car la liste concurrente du « Bloc des gauches » (radicaux et SFIO) n’a obtenu que 8 %, à peu près les mêmes résultats qu’en 1919. Une liste unitaire des gauches cartellistes n’aurait sans doute pas permis de l’emporter ? Paul Maulion, devancé de 92 voix par Bouligand, est battu123. Ce sont les hommes les plus modérés de la liste, le Vannetais Maurice Marchais et le maire de Lorient Édouard Labes, inscrits au groupe de la gauche radicale, qui sont élus tandis que Bouligand choisit le groupe radical-socialiste où il siège avec le Finistérien Georges Le Bail124. La coupure politique ouest/est et intérieur/littoral se confirme dans la répartition des suffrages : le pays bretonnant et les cantons côtiers et urbains votant pour l’Union républicaine et même pour la liste cartelliste à Lorient (plus de 20 % des inscrits). Dans la partie orientale gallèse, de tradition blanche, seul le canton de Mauron, représenté sur la liste par son maire et conseiller général Paul Maulion (2e), et celui de La Trinité-Porhoët avec son conseiller général Joseph Gastard (4e) donnent une majorité absolue à la gauche modérée. D’ailleurs, pendant la campagne, les radicaux-socialistes de l’Union républicaine ont maintenu un profil bas pour ne pas effaroucher la fraction modérée de l’électorat républicain.

  • 125 Guist’hau ne se représente pas. Sibille réélu s’inscrit comme républicain de gauche.
  • 126 Delaroche-Vernet est inscrit au groupe radical-socialiste en 1910. En 1914, il a rejoint celui des (...)

50La liste républicaine d’Aristide Briand qui n’est pas une liste de Cartel (elle s’oppose aux listes socialiste et communiste) a un positionnement identique. Elle enlève quatre sièges sur cinq125 (43,3 % des voix) dans la 1re circonscription de Loire-Inférieure contre un à la droite républicaine (32,1 %). Les deux nouveaux députés de sa liste, le maire de Nantes Paul Bellamy et Philippe Delaroche-Vernet, s’inscrivent au groupe des républicains-socialistes qui n’a plus de représentant dans les autres départements bretons. Delaroche-Vernet, ancien maire du Pouliguen et conseiller général, qui avait été battu en 1919 sur la liste d’Aristide Briand, revient au Palais-Bourbon où il a représenté la 1re circonscription de Saint-Nazaire de 1910 à 1919126.

  • 127 À condition d’assimiler tout le camp laïque (et les élus de la liste Le Trocquer) au centre gauche (...)

51Au total avec 18 sièges sur 44, les gauches sont battues en Bretagne alors qu’elles l’emportent au niveau national. Pourtant, elles ont obtenu 39 % des inscrits mais répartis sur les listes de centre gauche, de la SFIO et du PCF, contre 35 % à la droite127.

  • 128 Jean Pascal, op. cit., p. 465.
  • 129 Laurent Le Bar, op. cit., p. 167-168. Le programme gouvernemental est pourtant approuvé par Le Pro (...)

52Les votes des parlementaires bretons lors de la crise institutionnelle déclenchée par le président de la République Millerand – la tentative de formation d’un gouvernement de droite minoritaire le 10 juin 1924 après le refus de la gauche de travailler avec lui – et sur l’investiture du gouvernement de Cartel des gauches d’Édouard Herriot permet de déterminer la ligne de partage entre la gauche et la droite. Les centristes de sensibilité de gauche et les poincaristes du centre droit laïque doivent choisir leur camp : les trois députés de l’UR du Morbihan votent pour la majorité cartelliste ; douze députés bretons seulement soutiennent le gouvernement Herriot contre 32 opposants. Il s’agit des cinq inscrits de la gauche radicale, des deux radicaux-socialistes, des trois républicains-socialistes de Loire-Inférieure et des deux SFIO du Finistère. Réélu sur la liste poincariste de Le Trocquer, l’ancien député de droite (1910-1919) Louis de Chappedelaine est le seul élu des Côtes-du-Nord alors qu’il y a cinq Finistériens et les trois députés de l’UR du Morbihan. Ces votes les placent indiscutablement dans la majorité de gauche mais avec des réserves128. Lors du débat d’investiture du 18 juin 1924, le Morbihannais Maurice Marchais met en garde le président du Conseil sur sa politique religieuse et internationale au cas où elle remettrait en cause les relations diplomatiques avec le Vatican129. En Bretagne, ce sont donc des députés d’un centre gauche minoritaire et bien modéré, craignant le rejeu des affrontements anticléricaux-cléricaux du début du siècle, qui soutiennent avec des réserves la politique du Cartel des gauches.

  • 130 Patrick Gourlay, op. cit., p. 120-122.
  • 131 Ibid., p. 122-129. Le Finistère n’a pas eu de ministre depuis le passage de Paul Rousseau à ce post (...)

53Le soutien de la gauche radicale est indispensable à la majorité cartelliste si bien que Bouilloux-Lafont devient vice-président de la Chambre des députés et Charles Daniélou secrétaire de la commission des Affaires étrangères130. À ce titre, il défend l’établissement de relations diplomatiques entre la France et l’URSS annoncée par Édouard Herriot. Son ami Aristide Briand n’est pas appelé au gouvernement mais son appui est tout autant indispensable à la majorité cartelliste car il est désormais à la tête d’un groupe de 44 députés. Il est envoyé comme délégué de la France à la cinquième assemblée plénière de la Sociétés des Nations (SDN) à Genève et en fait un tremplin pour revenir à Paris comme ministre des Affaires étrangères dans le cabinet Painlevé en avril 1925, puis à la présidence du Conseil d’un Cartel des gauches en crise et recentré de novembre 1925 à juillet 1926 (trois cabinets Briand). Il en profite pour faire entrer au gouvernement le député de Châteaulin. Charles Daniélou devient pendant quinze mois, d’abord sous-secrétaire à la Marine marchande de Painlevé puis de Briand, puis sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil et aux Affaires étrangères (mars-juillet 1926)131. C’est un proche collaborateur du Nantais et avec lui le seul Breton appartenant aux gouvernements du Cartel des gauches.

  • 132 Le 10 décembre 1926, il obtient le prix Nobel de la paix avec Stresemann et A. Chamberlain. Très m (...)
  • 133 C’est le 5 septembre 1929, à Genève, que Briand avance le projet de fédération européenne.

54Dès lors, Aristide Briand va imposer sa politique de réconciliation franco-allemande et devenir « le pèlerin de la paix » en restant de manière inamovible au Quai d’Orsay dans tous les gouvernements de centre gauche, de centre droit (avec Poincaré de 1926 à 1928) et de droite jusqu’en janvier 1932132. Après le retrait de Poincaré pour des raisons de santé, c’est Briand qui lui succède en formant son 11e gouvernement (29 juillet-22 octobre 1929)133.

  • 134 Il est exclu du comité de défense laïque de Quimper, réintégré et exclu définitivement en avril 19 (...)
  • 135 Cette dérive est dénoncée par G. Le Bail dans Le Citoyen comme par la SFIO dans Le Breton Socialis (...)

55Compte tenu de la politique cartelliste, des modérés de la gauche républicaine comme Bouilloux-Lafont rompent rapidement avec la majorité alors que Le Page, le rédacteur de son journal Le Finistère, défend bec et ongles la politique engagée en particulier contre la mobilisation du camp clérical ; en désaccord avec son patron, il démissionnera en juin 1925. En effet, le député du sud-Finistère a voté contre la suppression des crédits à l’ambassade du Vatican134 et au nom de l’orthodoxie financière il refuse l’impôt sur le capital et la taxation des rentes. Le 22 novembre 1925, en s’abstenant avec 12 autres membres de la majorité, il provoque la chute du 2e cabinet Painlevé renversé à une voix de majorité… Comme bon nombre de modérés hostiles au Cartel des gauches, il est partisan de gouvernements de concentration avec les modérés laïques de centre droit, une politique ébauchée par Briand (fin 1925-1926) et poursuivie par l’Union nationale de Poincaré en 1926 qu’il appelait de ses vœux135. Ce réalignement au centre droit de Bouilloux-Lafont est caractéristique de l’évolution politique de nombreux membres de la gauche radicale, ce qui oblige les radicaux-socialistes réellement à gauche à se structurer et à se présenter dans les luttes électorales.

Vers la construction et les progrès d’une gauche radicale (1924-1928)

  • 136 Christian Bougeard, thèse citée, p. 114-116.
  • 137 Elle comprend un ancien socialiste, trois rad.-soc., un rép. soc., un rad. ind.
  • 138 Serge Berstein, op. cit., t. 1, p. 382 et carte 25.

56Les élections législatives de 1924 et les affrontements gauche/droite sur la question religieuse lors du Cartel des gauches de 1924-1926 conduisent à une clarification politique après les ambiguïtés du Bloc national. Si les accords de Cartel n’ont pas été possibles en Bretagne en 1924, sauf de manière limitée dans le Morbihan, les bases d’une gauche radicale dégagée des alliances centristes ont été posées notamment dans les Côtes-du-Nord où une liste de défense républicaine, laïque et sociale s’est constituée136. Cette liste de notables locaux (trois conseillers généraux dont Henri Le Vézouët de Loudéac, un conseiller d’arrondissement, deux maires) ne peut pas être qualifiée de « radicale-socialiste »137. Il en existe dans 23 circonscriptions en France138. La campagne contre le Bloc national défendu par Yves Le Trocquer et pour la laïcité situe cette liste à gauche. Avec 5 % des inscrits et 6,75 % des suffrages exprimés, ses résultats sont faibles mais ils témoignent de la volonté de réoccuper un espace politique au centre gauche. Cette liste a refusé l’accord de Cartel des gauches proposé par la SFIO qui l’a distancée. C’est aussi une occasion de se faire connaître pour des personnalités qui vont bientôt jouer un rôle politique.

  • 139 Ibid., t. 2, p. 56-69. Le parti présente 8 candidats dans le Finistère, 5 en Ille-et-Vilaine, 4 dan (...)

57C’est surtout dans ce département que la réorganisation du Parti radical-socialiste porte ses fruits lors des élections législatives de 1928 qui voient le retour au scrutin d’arrondissement et l’arrivée de jeunes élus plus militants. Le regain d’activité du Parti radical-socialiste s’est traduit par la présentation en Bretagne de 21 candidats, dans presque la moitié des circonscriptions139. Le radicalisme semble retrouver dans la région son niveau de 1914 (six députés contre sept) mais en voix il a progressé car alors il obtenait 10,43 % des suffrages exprimés (tableau 2). En 1928, il a rassemblé 11,08 des inscrits, 3,5 % de moins que sa moyenne nationale (14,52 %) et c’est toujours la Loire-Inférieure (un seul candidat) qui pèse négativement sur cette moyenne.

  • 140 Le Parti radical a 118 députés en France métropolitaine.
  • 141 Guy Le Normand (SFIO) a obtenu 22 % au 1er tour ; Lorgeré 33 %.

58En effet, trois des six députés radicaux-socialistes élus en Bretagne le sont dans les Côtes-du-Nord (trois candidats)140. L’un d’eux, Pierre Even, battu en 1924, retrouve son siège avec 63,3 % des voix, sous les couleurs du Parti radical-socialiste après avoir quitté le Parti républicain-socialiste, sans doute parce que ce laïque de gauche réprouve le glissement centriste d’Aristide Briand. Mais des hommes nouveaux, plus militants, l’emportent grâce à toutes les voix de gauche (sauf celles des communistes) tels André Lorgeré (1891-1973) à Guingamp 1 et Michel Geistdoerfer (1883-1964) à Dinan 1 dans la foulée de la poussée à gauche sensible lors des élections municipales de 1925. À Guingamp, l’avoué André Lorgeré, jeune maire de 37 ans s’est difficilement imposé à la candidature mais il l’a emporté contre un URD au second tour (52,7 %) grâce au bon report de l’électorat socialiste141. À gauche avant la guerre, cette circonscription y revient tout comme celle de Dinan 1 conquise de haute lutte par le militant radical-socialiste Michel Geistdoerfer (de 82 voix) sur l’industriel Barbé (rép. de g.). Issu d’une famille républicaine dinannaise, journaliste et fonctionnaire à la Préfecture de Paris, partisans de l’union des gauches, Geistdoerfer a repris le flambeau de son beau-frère (décédé en 1927) au conseil général avant d’être élu maire de Dinan en 1929 (fig. 12 pl. XII du cahier couleur). C’est bien un radicalisme rajeuni et plus militant qui prend pied en Bretagne à côté de vieux notables.

  • 142 Jean-Charles Floch, Les républicains démocrates du Finistère (1911-1940), maîtrise d’histoire, UBO (...)
  • 143 Jean-Charles Floch, op. cit., p. 119. Le député du PDP sortant V. Balanant n’obtient que 29,5 % et (...)
  • 144 En 1928, Pouchus a pourtant été exclu du Parti radical pour indiscipline car il s’est présenté san (...)
  • 145 Laurent Caro, op. cit. Pouchus a recueilli 17,6 % au 1er tour, le PCF 12,5 % et la SFIO 6,9 % pour (...)

59Pourtant, dans le Finistère, le vieux cacique du radicalisme Georges Le Bail est battu au second tour par l’URD Jacques Queinnec, à cause du maintien du candidat communiste ; son fils Albert subit le même sort à Quimper 2 contre le député PDP sortant Jean Jadé. Après la disparition de son fils Georges, le maire de Plozévet a lancé dans l’arène politique son fils Albert, lui aussi avocat. Au premier tour, il a rassemblé 28,9 % des voix contre 47,4 % à Jadé, gêné par le bon résultat de Daniel Le Flanchec, le maire communiste de Douarnenez142. La triangulaire du second tour ne lui a donné que 42,11 % des voix malgré le désistement du socialiste du fait du maintien du communiste (8 %). Dans sa zone d’influence du sud-Finistère le radical-baillisme a empêché durablement l’implantation de la SFIO au profit du PCF mais en 1928 il est victime de la ligne « classe contre classe » du PCF qui maintient ses candidats. Néanmoins, dès le 16 décembre 1928, la mort accidentelle du sénateur-maire de Quimper Théodore Le Hars, permet à Georges Le Bail de gagner le Sénat. Cette défaite historique et retentissante est à peine compensée par le retour à la Chambre du maire radical-socialiste de Quimperlé Jules Le Louédec qui avait été battu en 1919 et en 1924 sur la liste de concentration républicaine après avoir été député de 1906 à 1914. Il est élu dès le premier tour avec 51,94 % des voix contre la droite divisée143. Les résultats de Pierre Pouchus, maire radical-socialiste de Penhars (1925), animateur du comité radical-socialiste de Quimper sont encourageants face au notable sortant de « concentration républicaine » Bouilloux-Lafont qui a glissé vers la droite depuis 1925144. Le député-maire de Bénodet n’a obtenu que 29 % des voix au premier tour et n’a été réélu au second avec 45 % que grâce au désistement de Pouchus145. Réélu avec les voix de la gauche, Bouilloux-Lafont reste avec Daniélou au groupe de la gauche radicale.

  • 146 Christian Bougeard, thèse citée, p. 184-186.

60En 1930, Le Louédec est élu sénateur et c’est l’ostréiculteur François Cadoret, maire de Riec-sur-Belon et conseiller général de Pont-Aven, qui conserve cette circonscription au Parti radical. Ce n’est pas le cas dans les Côtes-du-Nord où l’élection au Sénat de Pierre Even se traduit par la perte de Lannion. L’ancien député Henri Avril qui est devenu une personnalité du Parti radical a tenté de conserver le siège mais il s’est retiré à l’issue du premier tour146. Et, avec l’entrée au Sénat de deux radicaux-socialistes (Le Louédec et Even) et le décès de Pierre Bouligand, le groupe radical-socialiste est de nouveau réduit à quatre députés en Bretagne en 1931.

Les résultats encourageants des élections législatives de 1928

  • 147 Id., p. 131. Dans les Côtes-du-Nord, la droite n’a plus qu’un député, Victor Le Guen réélu de juste (...)
  • 148 À condition d’inclure les trois inscrits au groupe des républicains de gauche récoltant en Bretagn (...)

61Le retour au scrutin d’arrondissement change la donne électorale lors des élections législatives de 1928 qui permettent de rééquilibrer le rapport gauche/droite en Bretagne, après les mauvais résultats de 1924, tout en faisant émerger de jeunes élus radicaux-socialistes dans les Côtes-du-Nord. Dans ce département, la mouvance radicale (radicaux-socialistes, radicaux indépendants, républicains radicaux, républicains-socialistes) a totalisé 32 % des voix au premier tour mais a enlevé six sièges sur huit au second montrant la poussée de la gauche dès 1928. On observe un retour à des rapports de forces gauche-droite plus équilibrés après l’anomalie de 1924 liée au scrutin de liste147. Au total 25 ou 26 députés dont trois de la SFIO sur 44 sont élus dans la région, ce qui donne une majorité au centre gauche favorisé par les divisions à droite148. Mais 33 députés se réclament de la majorité poincariste, ce qui brouille à nouveau les cartes, rendant moins évident le positionnement à gauche de plusieurs élus centristes.

  • 149 L’ancien socialiste SFIO Bourgot élu à Morlaix 1 s’inscrit dans ce groupe parlementaire.
  • 150 En fait, il est en 4e position au 1er tour.
  • 151 Christian Bougeard, Tanguy Prigent paysan ministre, Rennes, PUR, 2002, p. 42-44.

62Ministre des Affaires étrangères de Raymond Poincaré, le « sauveur du franc » en 1926, Aristide Briand se présente dans la circonscription de Nantes 3 où il est facilement réélu. Mais depuis le passage d’Even au Parti radical, les républicains-socialistes ne sont plus que deux en Bretagne sur 46 au niveau national (plus deux)149. Delaroche-Vernet, son colistier de 1924, a été éliminé à Saint-Nazaire 1 par le socialiste SFIO François Blancho150, ce qui montre qu’à gauche, face aux centristes qui soutiennent le gouvernement Poincaré, la relève vient de la SFIO. Quant à l’autre sortant, le républicain de gauche Maurice Sibille, député depuis 1889, il a été réélu à Nantes 2 mais avec l’appui de la droite contre un socialiste. Il n’est donc plus guère possible de la classer au centre gauche. L’autre républicain-socialiste est François Bourgot, conseiller général (1919) au parcours politique sinueux151. Venu du radicalisme, Bourgot a adhéré à la SFIO en 1919. Mais il a rompu avec le parti pour se présenter comme « socialiste indépendant » en 1928 contre Guillaume Châtel, le maire SFIO de Morlaix soutenu aussi par le Parti radical-socialiste. Dans cette circonscription ancrée à gauche, Bourgot l’emporte dans une triangulaire au second tour contre Châtel et l’ancien député centriste Cloarec. Dans la foulée, comme Châtel a démissionné de la mairie, Bourgot devient maire mais il est considéré par la gauche et la SFIO comme un opportuniste et un renégat.

  • 152 Christian Bougeard, thèse citée, p. 130-167.
  • 153 Le député sortant de droite J.-L. Henry, malade n’obtient que 35 % des voix au 1er tour, alors que (...)
  • 154 Le dirigeant de l’ARD Le Trocquer s’inscrit à ce groupe semblant vouloir se repositionner au centr (...)
  • 155 Poincaré lui propose d’ailleurs rapidement le ministère du Travail vacant mais Daniélou décline l’ (...)

63En 1928, la gauche radicale modérée obtient des résultats honorables en Bretagne. Dans les Côtes-du-Nord, de Chappedelaine (rép. rad.) est aisément réélu dès le 1er tour (61,2 %) dans son fief de Dinan 2 contre le conservateur de Pontbriant, de même que le vétérinaire Le Vézouët (rad. ind.), maire de Loudéac qui a battu avec 50,7 % l’ancien député conservateur de Kéranflec’h152. L’avocat Jean Laurent (rép. rad.) l’emporte au 2e tour contre des candidats de la droite catholique à Saint-Brieuc 1. Il a nettement distancé au premier tour le député sortant (ARD) Waron qui s’est désisté en sa faveur, et il a battu au second l’autre député sortant (URD) Épivent. Dans le Finistère, Daniélou a été réélu facilement ; son compère Bouilloux-Lafont beaucoup moins. L’ancien ministre Daniélou n’ayant guère d’adversaires à sa taille l’a emporté au second tour avec 58,85 % des voix153. Il est porté à la présidence du groupe de la gauche radicale passé de quarante à cinquante-trois membres dont huit en Bretagne154 et peut aspirer à un poste ministériel155.

  • 156 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 58.
  • 157 Ibid., p. 36-37 et 30-32.
  • 158 Voir le chapitre I.
  • 159 Il est ministre des PTT dans le 1er cabinet Laval (janvier 1931-février 1932), puis ministre des T (...)
  • 160 En février 1930, il est nommé dans le 1er cabinet Chautemps renversé le jour de sa présentation.

64Dans le département d’Ille-et-Vilaine, totalement enlevé par la liste d’union des droites en 1924, le scrutin d’arrondissement permet la réélection en 1928 de notables républicains qui campent à la charnière de centre gauche et du centre droit156. Revanche sur 1924 ? Toujours est-il que la poussée du centre gauche républicain est particulièrement forte puisqu’il passe de 27,49 % des voix en 1924 à 42,4 % en 1928157. Son leader, le radical-indépendant Charles Guernier (1870-1943), conseiller général de Cancale depuis 1910, retrouve son siège de député de Saint-Malo 1 contre un sénateur conservateur qui n’a pas accepté l’appui du quotidien démocrate populaire L’Ouest-Éclair à un centriste laïque158. Sa position charnière lui permet d’ailleurs de participer à des gouvernements de centre et de droite en 1931 et 1932159 (fig. 13 pl. XIII du cahier couleur). À Montfort, le républicain indépendant Alphonse Barbot campe aussi au centre à la différence près qu’il a battu le député PDP sortant Armand Le Douarec avec des voix de gauche. Un nouveau venu de 30 ans apparaît pour longtemps sur la scène politique départementale : il s’agit de Guy La Chambre élu à Saint-Malo 2. Le nom de ce jeune avocat parisien, formé à Paris, n’est pas inconnu dans la région malouine car il appartient par son père à la grande bourgeoisie et par sa mère à la noblesse d’Empire. Son grand-père et son père ont été députés de droite d’Ille-et-Vilaine, ce dernier a d’ailleurs été battu en 1906 par Charles Guernier. Guy La Chambre a appartenu très jeune au cabinet d’Aristide Briand (1921-1922) et quand il se présente en 1928, il laisse entendre qu’il serait républicain-socialiste tout en prenant l’étiquette d’indépendant de gauche, seul député de Bretagne inscrit à ce groupe une fois élu. Pour bénéficier des voix républicaines, à gauche comme à droite, ce modéré discrètement soutenu par L’Ouest-Éclair se positionne au centre avec une étiquette floue, ce qui lui vaut d’être brocardé de « candidat caméléon gauche-droitier ». À Vitré, Robert Bellanger, un autre républicain modéré l’a emporté avec l’appui ouvert de L’Ouest-Éclair contre un candidat proche des conservateurs mais son ralliement au centre gauche a provoqué une crise à droite160. Et, à Rennes 2, après le décès de Guérault, c’est Léon Thébault (radical-indépendant), un avocat aveugle de guerre, président de l’UNC d’Ille-et-Vilaine, maire et conseiller général de Janzé, qui accède à la députation le 30 octobre 1930. Avec cinq députés sur huit, le centre gauche modéré l’emporte désormais en Ille-et-Vilaine.

  • 161 Jean Pascal, op. cit., p. 480.

65Dans le Morbihan, le centre gauche reprend aussi des sièges à la droite. À Lorient 2, Albert Charrier (1868-1934), maire de Port-Louis (1923), est élu au second tour en battant le candidat de droite, l’URD Firmin Tristan161. Et à Lorient 3, le cultivateur républicain de gauche Joseph Le Pévédic (1879-1964), maire et conseiller général de Belz, bat au second tour le député sortant de droite Pierre Le Moyne. En rejoignant en cours de législature le groupe du centre républicain, il se rapproche de la droite la plus virulente animée par André Tardieu.

Les progrès du centre gauche aux élections municipales et sénatoriales

  • 162 David Bensoussan, thèse citée, p. 510.
  • 163 Christian Bougeard, thèse citée, p. 169-174.
  • 164 Les radicaux ont refusé l’union avec la SFIO.

66Contrairement à 1925, les élections municipales de 1929 n’interviennent pas dans un climat de crise religieuse et d’affrontement gauche-droite, ce qui rend les alliances à gauche avec la SFIO moins nécessaires. Dans les Côtes-du-Nord, la gauche et le centre gauche se renforcent en contrôlant 73,14 % des communes et 52,2 % dans le Finistère mais la droite catholique serait encore majoritaire en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan, sans parler de sa domination en Loire-Inférieure162. Mais les étiquettes des maires sont souvent aléatoires : les mêmes hommes évoluent en fonction du grand notable dominant comme ces maires du pays de Dinan qui prennent en 1929 ou 1935 l’étiquette radicale sous l’influence du député Michel Geistdoerfer amorçant un glissement du centre droit vers le centre gauche163. Les villes des Côtes-du-Nord évoluent vers le radicalisme. Le sénateur Servain est réélu maire de Saint-Brieuc à la tête d’une liste d’union des gauches et il désigne un premier adjoint socialiste qui lui succédera en 1931. C’est aussi le cas à Dinan, à Guingamp et à Loudéac avec les députés Geistdoerfer, Lorgeré164 et Le Vézouët ou à Lannion où le maire Soisbault l’emporte de justesse sur Edgar de Kergariou (rép. ind.).

  • 165 Pierre Brigant, La fédération socialiste SFIO du Finistère (1908-1969), thèse, Rennes 2, 2002, p.  (...)

67Dans Le Finistère, la répartition officielle – les étiquettes déclarées par l’administration préfectorale – des conseillers municipaux donne une faible majorité au centre gauche laïque en 1929 avec 50,01 % des élus contre 47,17 % à la droite catholique (URD et conservateurs) dont 15,6 % seulement pour les radicaux-socialistes et 6 % pour la SFIO165. En effet, dans plusieurs villes les alliances de Cartel des gauches ont été rompues et des municipalités centristes plus ou moins hostiles à la SFIO l’ont emporté. La SFIO a ainsi perdu les villes de Morlaix, de Brest prise par le radical-indépendant Victor Le Gorgeu, et a été éliminée de Quimper. Elle a aussi perdu Rennes en 1929.

  • 166 Christian Bougeard, thèse citée, p. 174-177.
  • 167 Ils ont obtenu entre 59,8 et 50,6 % des suffrages.
  • 168 Lors de l’élection législative partielle de 1930, Oswen de Kérouartz (rép. de g., en fait de droit (...)

68Les élections sénatoriales du 20 octobre 1929 et les partielles de 1930-1931 traduisent l’enracinement des notables souvent âgés du centre gauche modéré. Dans les Côtes-du-Nord, quatre sénateurs sortants se représentent devant le congrès républicain de Saint-Brieuc (700 personnes) le 29 septembre 1929, trois sont facilement désignés (de Kerguézec, Servain et Mando) mais Le Troadec, accroché, se retire au profit du député radical-socialiste de Lannion Pierre Even166. Seul, le Dr Baudet prend sa retraite et est remplacé par le Dr Cochet, un radical-socialiste, ancien maire de Broons. La liste de « concentration républicaine », appuyée par le préfet, compte trois hommes de centre gauche pour deux de centre droit alors que la droite n’est pas en mesure de présenter une liste. Le grand perdant de cette journée est le député Yves Le Trocquer dont la candidature a été écartée par le congrès républicain, signe que l’ancien ministre, vice-président de l’ARD, est perçu par ses pairs comme un homme de centre droit, voire de droite. Les grands électeurs vont-ils suivre ce choix ? Trois notables sont élus au premier tour (de Kerguézec, Servain et Even167) alors que Mando n’est réélu qu’au 3e tour. En revanche, le seul radical considéré comme vraiment de gauche par les socialistes, à savoir le Dr Cochet, est battu par Le Trocquer (au 3e tour) qui sera porté à la présidence du groupe de l’Union démocratique et radicale du Sénat168. Les sénateurs élus en 1929 dans les Côtes-du-Nord sont des notables modérés même lorsqu’ils se réclament du radicalisme comme Even ou des républicains-socialistes comme de Kerguézec. Quand Henri Servain meurt en 1931, c’est le radical-socialiste Meunier, devenu président du conseil général qui lui succède.

  • 169 Pierre Brigant, op. cit., p. 220. C’est à cette occasion que le député SFIO de Brest Goude entre e (...)
  • 170 Pierre Brigant, op. cit., p. 230. Le maire de Brest est élu au 3e tour grâce au retrait des social (...)
  • 171 Voir le chapitre III.

69Dans le Finistère, toute la liste républicaine de centre gauche est réélue au second tour grâce au désistement de la liste de la SFIO qui a rassemblé une centaine de voix169. Les sénateurs Lancien, président du conseil général, et Le Bail sont réélus. Le député-maire de Quimperlé, Jules Le Louédec rejoint le Sénat mais il disparaît le 19 mars 1931. G. Le Bail et J. Le Louédec se réclament clairement du radical-socialisme. Victor Le Gorgeu (radical indépendant), le tombeur de la municipalité socialiste de Brest en 1929, devient à son tour sénateur le 21 septembre 1930 en battant le député de droite Vincent Inizan170. Un glissement du centre gauche vers le centre droit paraît se dessiner chez les grands notables finistériens. Assez générale dans les années 1930, cette évolution va favoriser la montée du vote socialiste dans les milieux laïques et populaires urbains et dans les régions de gauche171. Le radicalisme centriste en est d’autant plus menacé. Plusieurs exemples, d’Hennebont, cité ouvrière, à Lanmeur, dans le Trégor finistérien, montrent que des notables radicaux, souvent âgés, sont mis en difficulté par des militants socialistes, en 1934 ou en 1936.

  • 172 Marylise Le Mouël, op. cit., Annexes.
  • 173 Le patron Herwegh s’oppose au développement du syndicalisme dans son entreprise et licencie des mi (...)
  • 174 Avec les grèves de 1936, 2 000 des 3 000 ouvriers des Forges ont adhéré à la CGT.

70Dans la commune d’Hennebont, aux élections législatives de 1928, le socialiste Emmanuel Svob (25,25 % au 1er tour) menace le candidat de centre gauche Marcel Charrier (29,6 %) ; en 1932, le socialiste Louis Cren (36,9 %) le devance ainsi que le candidat de la droite172. Des radicaux centristes doivent faire appel aux électeurs de droite pour l’emporter. Lors des élections cantonales d’octobre 1934, le sortant Camille Herwegh (rad.-soc.) a pour seul adversaire Louis Cren : il brandit la menace de « la Révolution » et de « la lutte des classes » contre « le socialo-communiste » et est réélu par son canton avec 87 % des voix comme radical-indépendant. Au moment où s’ébauche le Front populaire, des radicaux se retrouvent mécaniquement déportés vers le centre droit tandis que d’autres revendiquent ce positionnement173. Aux élections municipales de 1935 à Hennebont, la liste d’Herwegh (avec la même configuration, radicaux et minorité de droite) est aisément réélue (73,3 %) contre une liste communiste. Et aux élections législatives de 1936, le maire soutient le député sortant le modéré Firmin Tristan contre le socialiste qui arrive en tête dans les cités ouvrières d’Hennebont et d’Inzinzac au premier comme au second tour. Le radicalisme a viré à droite et de fait, à la veille de la guerre, en milieu ouvrier, le centrisme de gauche a déjà été laminé au profit de la SFIO174. La question sociale s’impose sur la question laïque dans ce canton où un socialiste l’emporte au conseil d’arrondissement en octobre 1937 contre le sortant de droite (URD).

  • 175 Bernard Oudin, op. cit., p. 542-545.
  • 176 Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 181-183.
  • 177 A. Briand n’a fait qu’un très bref passage dans la franc-maçonnerie dans sa jeunesse.
  • 178 Briand qui a obtenu 401 voix et aurait dû en avoir 500 contre 442 à Doumer se retire au 2e tour. L (...)

71La fin de la carrière politique d’Aristide Briand illustre ce glissement au centre qui paraît pourtant contredit par les résultats des élections législatives de 1932 marquées en Bretagne comme au niveau national par une poussée du radicalisme. En mai 1931, sous la pression de son entourage dont Daniélou, Briand croit pouvoir couronner sa longue carrière politique en succédant à Gaston Doumergue à l’Élysée175. Il s’oppose à l’autre présidentiable Paul Doumer, président du Sénat, sénateur radical-socialiste de Corse, appartenant en principe au comité exécutif de ce parti. Mais si Doumer est perçu par bon nombre de radicaux comme étant à droite176, il a le soutien des loges maçonniques et des radicaux177. Le 11 mai, une délégation de parlementaires de centre gauche comprenant de nombreuses personnalités radicales, dont le président du parti Daladier, rencontre Briand pour lui demander d’être candidat. Blum et la SFIO qui approuvent sa politique étrangère font connaître leur appui, ce qui fait apparaître Briand comme le candidat du Cartel des gauches et froisse les divers modérés alors que les droites lui sont hostiles. Aristide Briand, déjà malade, qui a laissé ses proches faire sa campagne, est battu par Paul Doumer élu au deuxième tour de scrutin à Versailles178. La Bretagne n’enverra donc pas l’un des siens à la tête de l’État.

Les élections législatives de 1932 : l’apogée du radicalisme en Bretagne

  • 179 Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 184-188.

72En mai 1932, après quatre années de gouvernement de centre droit et de droite, l’enjeu électoral oppose clairement la droite conduite par le président du Conseil André Tardieu, et la gauche qui se présente divisée. Le Parti radical-socialiste dans l’opposition depuis plus de trois ans paraît en position de force car il n’est plus lié à la SFIO avec laquelle il polémique depuis 1929. Le Parti radical qui a formellement redonné à l’automne 1931 au congrès de Paris sa présidence au maire de Lyon, Édouard Herriot, se présente uni en affirmant son indépendance complète à l’égard des autres forces politiques de gauche et en présentant les socialistes non plus comme des alliés mais comme des adversaires179. Face à la droite, il apparaît en position centriste et peut séduire la fraction modérée de l’électorat qui fait la différence tout en comptant recueillir les fruits de la discipline républicaine au second tour. Ses succès aux élections cantonales d’octobre 1931 (53 % des sièges) sont de bon augure pour les législatives du printemps 1932 d’autant plus que les républicains-socialistes viennent de perdre leur leader Aristide Briand. En outre, l’intégration des Jeunes-Turcs et de leur thématique dans la direction, plus formelle que réelle, semble avoir rajeuni et rénové le Parti radical. Durant la campagne électorale, Herriot a rejeté l’offre d’union nationale de Tardieu et il se garde bien de répondre aux conditions posées par Léon Blum pour participer au pouvoir.

  • 180 Ibid., t. 2, p. 195-213.
  • 181 Voir le chapitre IV.
  • 182 Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 200-213. Il écrit dans sa profession de foi : « Crise dont on a (...)

73Le Parti radical-socialiste présente 366 candidats le 1er mai 1932 dans ses zones d’implantation pour 596 sièges dont 25 en Bretagne (plus quatre par rapport à 1928) pour 44 circonscriptions180. La présence radicale se renforce mais la concurrence de la SFIO dans les circonscriptions de gauche peut constituer un handicap181. Dans les villes comme dans les campagnes touchées par la crise économique, les radicaux-socialistes proposent un programme économique libéral pensant qu’une politique de rigueur budgétaire réglera les difficultés sans se rendre compte que cette politique déflationniste va aggraver en France une crise du capitalisme qui est mondiale. Rares sont les candidats qui saisissent les mécanismes d’une crise de surproduction relative. À Morlaix 1, Pierre Mazé qui affronte le député sortant Bourgot (rép.-soc.) et le secrétaire fédéral de la SFIO Guy Le Normand est l’un des rares à poser la question de la répartition des richesses et de la consommation182.

  • 183 Christian Bougeard, thèse citée, p. 283-284. Il l’emporte contre Bazin, candidat de l’ARD qui est (...)
  • 184 Martine Dufresne, Les campagnes électorales des élections législatives de 1932 et 1936 dans le Mor (...)

74Au premier tour, avec 15,88 % des suffrages des électeurs inscrits (14,52 % en 1928), la progression en voix du radicalisme est sensible dans l’ensemble du pays. En Bretagne, avec 13,35 % des inscrits (tableau 2), elle est aussi sensible (+ 2,27 %) et même supérieure à la moyenne nationale. Le Parti radical a trois élus dans la région dès le premier tour pour 64 en France : Michel Geisdoerfer réélu à Dinan 1 (52,7 %)183, François Cadoret facilement réélu à Quimperlé, et Paul Lotz, maire et conseiller général de Saint-Aignan (54,4 %) qui, sans concurrent de la SFIO, bat à Pontivy 1 le député de droite sortant, l’URD Joseph Cadic184.

  • 185 En incluant Pierre Michel, élu à Saint-Brieuc 1 contre Lefevre, le candidat officiel du Parti radi (...)
  • 186 Jean Pascal, op. cit., p. 492-493. P. Michel et A. Cornu (Côtes-du-Nord) et L. Thébault (Ille-et-V (...)

75Plusieurs candidats sont en position favorable pour le second tour du fait de la discipline républicaine et des désistements à gauche. Le 8 mai 1932, le Parti radical-socialiste remporte un succès national avec 157 députés (+ 48) dont onze sièges en Bretagne (tableau 2)185. En outre, plusieurs radicaux-indépendants sont proches du parti de la rue de Valois et vont rejoindre son groupe parlementaire qui passe de 10 membres le 21 juin 1932 à 13 en mai 1935186. C’est le premier parti politique en Bretagne pendant cette législature.

  • 187 Christian Bougeard, thèse citée, p. 282-291.
  • 188 P. Michel a demandé son inscription au groupe radical-socialiste dans lequel il est admis avec And (...)

76La forte progression est acquise avec les voix de toute la gauche et de beaux succès dans le Finistère (cinq députés sur 11, plus deux SFIO), les Côtes-du-Nord (quatre sur huit) et le Morbihan (deux) du fait de la réélection du pharmacien Eugène Raude à Pontivy 2 contre un URD avec 58,5 % des voix grâce au désistement du socialiste Jean Le Coutaller (14,4 % au 1er tour). Les Côtes-du-Nord et le Finistère connaissent en 1932 une nette poussée à gauche en faveur des radicaux et des radicaux-socialistes. Les Côtes-du-Nord n’ont plus qu’un seul député de droite : Oswen de Kérouartz réélu de justesse (250 voix) face au radical-socialiste Loth (49,4 %)187. Le maire de Guingamp André Lorgeré (53,2 %) est largement réélu contre Yves Hervé, un nouveau venu à droite, avec les voix du socialiste Augel (12,8 % au 1er tour). Au second tour, il a mis l’accent sur le combat classique « des rouges contre les blancs » et « les chouans » qui fonctionne dans les zones bleues et rouges du Centre-Bretagne. À Lannion, Yves Le Gac reprend à Yves Le Cozannet, un homme de droite qui s’est rapproché du PDP, le siège de Pierre Even, perdu en 1930. Mais avec 29,8 % de voix au premier tour, il n’a devancé le socialiste Philippe Le Maux que de 2,3 % ; il l’emporte au second tour avec 56 % dans une circonscription ancrée à gauche mais où une fracture s’est opérée entre les militants de gauche, y compris radicaux, et les notables du parti représentés par le sénateur Even. À Saint-Brieuc 1, la situation est compliquée par la présence du député radical sortant, Jean Laurent, un centriste éliminé dès le premier tour (18,3 %), et de deux radicaux-socialistes : le candidat officiel et président du parti valoisien, Gaston Lefebvre (10,2 %) et Pierre Michel, un agriculteur, maire de Trémuson et conseiller général de Saint-Brieuc nord, vice-président du Parti radical-socialiste. L’élu local (27,4 %) emporte la primaire sur l’appareil et bat au second tour le candidat du PDP, Émile Le Guen, avec 56,7 %. Avec cinq députés sur huit en 1933, les radicaux-socialistes se sont renforcés lors des élections législatives de 1932 dans les Côtes-du-Nord188.

  • 189 Christian Bougeard, Tanguy Prigent, op. cit., p. 42-43. Mazé obtient 8 704 voix contre 6 069 à Bou (...)
  • 190 Ce dernier, soutenu par L’Ouest-Éclair, a devancé au premier tour le candidat de droite Nader. Par (...)
  • 191 En juin 1932, l’ancien député de Quimper est nommé ministre d’État de la principauté de Monaco.
  • 192 Jean-Charles Floch, op. cit.
  • 193 Le Flanchec a eu 15,4 % des voix au 1er tour, 3,81 % seulement au second. La SFIO n’a pas présenté (...)

77En mai 1932, la poussée à gauche est marquée dans le Finistère avec huit sièges sur onze et des résultats symboliques. La SFIO conserve ses deux sortants, mais les radicaux-socialistes obtiennent cinq sièges plus le radical-indépendant Daniélou. Dans les terres de gauche de Morlaix, la bataille oppose le député républicain-socialiste sortant François Bourgot au médecin radical-socialiste Pierre Mazé, conseiller général de Sizun (1925). Ce dernier l’emporte aisément au second tour grâce au désistement en sa faveur du socialiste Guy Le Normand189. Tout le Finistère sud bascule en faveur du radicalisme. À Quimperlé, François Cadoret est réélu. À Quimper 1, le modéré Bouilloux-Lafont qui a nettement soutenu Poincaré et les divers gouvernements de Laval et de Tardieu de 1928 à 1932 et a été éclaboussé par la faillite de la banque de son frère en 1932 et l’affaire de l’Aéropostale, est nettement devancé au 1er tour (19,6 % seulement) par le radical-socialiste Pierre Pouchus (1885-1957) (26,1 %) qui l’emporte d’extrême justesse au second tour avec 49 % de suffrages et seulement 42 voix d’avance sur le vétérinaire Cornic (rép. de g.)190. Usé politiquement – il a 57 ans –, le notable centriste s’est retiré en appelant à voter pour le candidat laïque, sans le nommer191. Les deux tiers de son électorat choisissent le radical-socialiste ce qui confirme une base électorale de gauche. Surtout, à Quimper 3, Albert Le Bail (1898-1952), venge la défaite de 1928 de son père Georges, en battant au second tour l’URD Jacques Queinnec assez nettement. Et, en dépit du maintien sur ordre du Parti de Daniel Le Flanchec (PCF) au second tour, l’agriculteur Jean Perrot (1889-1976) parvient à battre le PDP sortant Jean Jadé avec 49,09 % des suffrages exprimés192. En effet, les trois quarts de l’électorat du candidat communiste se sont reportés sur le radical-socialiste193. La gauche radicale a triomphé permettant au vieux sénateur de Plozévet de savourer sa revanche dans son journal Le Citoyen le 4 août 1932 : « Tout semblait être perdu dans la Bigoudénie, tout allait être sauvé », du moins provisoirement. Car, en même temps des notables de centre gauche commencent à être éliminés par la gauche radicale, voire par les socialistes, signe d’un transfert des voix plus que d’un progrès même si le centre gauche paraît encore bien résister en Bretagne en 1932.

Un centre gauche qui résiste

  • 194 En février 1930 et de janvier 1931 à mai 1932, de Chappedelaine a été plusieurs fois ministre (Mar (...)
  • 195 Le député sortant de droite Victor Le Guen a été éliminé au 1er tour.

78Dans les Côtes-du-Nord, le centre gauche enlève trois autres sièges. La question du positionnement politique du ministre sortant de gouvernements de droite, Louis de Chappedelaine (radical indépendant)194 se pose car il a été réélu dès le premier tour (62,6 %) contre le conservateur de Pontbriand (22,5 %, moins 14,3 % sur 1928) et trois candidats de gauche (SFIO, PCF) dont le radical-socialiste Kérambrun (12 %). Dans sa profession de foi, il rappelle qu’il a appartenu aussi bien « au cabinet cartelliste de Chautemps » (qui a duré trois jours en février 1930) « qu’aux ministères nationaux Laval et Tardieu », ce qui lui permet en position centriste de ratisser les voix des modérés des deux camps (fig. 14 pl. XIV du cahier couleur). Il s’inscrit au groupe de la gauche radicale (avec Pierre Michel) qui soutient le gouvernement Herriot. C’est aussi le cas de deux autres députés radicaux-indépendants élus avec les voix de la gauche, le maire de Loudéac Henri Le Vézouët réélu avec 51,3 % des voix contre l’industriel parisien de l’aviation Paul Morane. Venant de l’administration centrale du ministère de l’Intérieur, préfet, André Cornu (républicain-radical) s’est présenté à Saint-Brieuc 2 avec le soutien du Parti radical et il a pris ce fief de la droite défendu par le conservateur Paul de Robien avec 54,3 % des voix195.

  • 196 Daniel Cordier, Jean Moulin. L’inconnu du Panthéon, 1, Paris, JC Lattès, 1989, chap. VIII, p. 545- (...)
  • 197 Il a participé aux gouvernements de centre gauche de Chautemps du 21 février au 1er mars 1930 et d (...)
  • 198 Patrick Gourlay, op. cit., p. 150-159. Originaire de Crozon, ce Disarbois obtient 12,48 % au 1er t (...)
  • 199 Disarbois et le socialiste se sont désistés en sa faveur.

79Dans le Finistère, solidement relayé par le jeune sous-préfet de Châteaulin Jean Moulin devenu un ami de la famille196, Charles Daniélou, deux fois éphémère ministre de la Marine marchande197, n’a en principe guère de souci à se faire. Mais le président du groupe de la gauche radicale est entré en conflit avec André Tardieu, le chef de la majorité de droite qui s’efforce de le faire chuter dans sa circonscription en envoyant un candidat « radical indépendant de gauche »198. Avec 40,9 %, le candidat de droite Louis Larvol (URD) devance le maire de Locronan au premier tour (34,4 %). Le très actif Jean Moulin est convoqué par son ministre et retenu à Paris pour l’empêcher d’agir sur les notables locaux. Néanmoins, Charles Daniélou est réélu le 8 mai 1932 avec 52 % des voix199. En période de poussée de la gauche dans le pays et dans le Finistère, l’érosion électorale est sensible par rapport à 1928.

  • 200 Martine Dufresne, op. cit., p. 97-100.
  • 201 Jean Pascal, op. cit., p. 498-499.
  • 202 Il reste inscrit au groupe des républicains de gauche auquel Bréant et Duez (Nantes 3) sont appare (...)

80En Ille-et-Vilaine, les notables centristes sortants sont réélus sans difficultés en 1932 (Guernier et Guy La Chambre à Saint-Malo, Thébault à Rennes 2 et Barbot à Montfort) sauf Robert Bellanger qui, considéré comme un traître pour avoir rallié le centre gauche, est battu à Vitré par le conservateur Hervé de Lyrot. Dans le Morbihan, Marcel Charrier (radical indépendant) conserve Lorient 2 contre son adversaire de droite Tristan avec 51,5 % au 2e tour. Mais sa disparition en 1934 permet le succès de l’URD Firmin Tristan (1886-1965) dès le 1er tour, ce qui fait basculer cette circonscription à droite jusqu’à la guerre200. Quant au sortant de Lorient 3, Le Pévédic (républicain de gauche), il ne peut plus être considéré comme étant au centre gauche lorsqu’il est réélu dès le 1er tour en 1932 avec 66,8 % de voix car il l’a été avec toutes les voix de droite et du centre contre trois candidats de gauche (SFIO, radical-socialiste et communiste). Son abstention avec le PDP lors de l’investiture du gouvernement Herriot le 7 juin 1932 et lors de celui de Paul-Boncour le 22 décembre 1932 vient le confirmer201. Cet exemple illustre le glissement vers la droite de laïques centristes au début des années 1930, un mouvement qui s’accentue avec le Front populaire202. Ce n’est pas le cas du maire de Châteaubriant, Ernest Bréant, réélu avec les voix de gauche en 1932 qui vote l’investiture des gouvernements de gauche comme Armand Duez (1872-1943) qui a succédé à son ami Aristide Briand à Nantes 3 en battant un socialiste.

  • 203 Patrick Gourlay, op. cit., p. 157.
  • 204 Serge Berstein, op. cit., II, p. 253.
  • 205 Patrick Gourlay, op. cit., p. 159-164. Il dépose une proposition de loi sur les habitations bon ma (...)

81Sous la poussée du radical-socialisme, le groupe de la gauche radicale se réduit d’ailleurs à sept membres en Bretagne (47 en France), dont trois députés des Côtes-du-Nord vont bientôt rejoindre les radicaux-socialistes. Daniélou a tenté sans succès de créer un nouveau groupe parlementaire républicain radical, plus proche de celui des radicaux-socialistes, et surtout plus nettement ancré à gauche203. Pas assez nombreux, ses partisans ont dû se rabattre sur la gauche radicale au comportement plus ambigu, c’est-à-dire prêt à soutenir des combinaisons gouvernementales de centre gauche comme de centre droit. Charles Daniélou peut espérer entrer au gouvernement, ce qui advient après la chute du gouvernement Herriot à la mi-décembre 1932. Le 18 décembre 1932, le sénateur Paul-Boncour (républicain-socialiste) appelle le député de Châteaulin au ministère de la Santé publique récemment créé (en mars 1930). La présence du leader de la gauche radicale constitue « un gage donné aux modérés204 » à un moment où la grande crise se fait de plus en plus sentir. Daniélou occupe ce ministère pendant onze mois, y restant dans le gouvernement Daladier (31 janvier-25 octobre 1933)205.

  • 206 Il est sous-secrétaire d’État à la Guerre de Paul-Boncour, puis à la présidence du Conseil de Dala (...)
  • 207 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 32. En septembre 1934, Renouvin a traité La Chambre « d’assas (...)

82Guy La Chambre, conseiller général de Dinard (maire de Saint-Servan en 1933) réélu député indépendant de gauche de Saint-Malo 2, fait ses classes ministérielles dans les gouvernements de gauche de 1932 à 1934 du fait de ses liens amicaux avec Édouard Daladier dont il devient le ministre de la Marine marchande du 30 janvier au 7 février 1934206 (fig. 15 pl. XIV du cahier couleur). Ses fonctions ministérielles dans le gouvernement victime des émeutes parisiennes des ligues nationalistes le situent désormais au centre gauche, ce qui lui vaudra un duel retentissant le 30 septembre 1934 avec l’avocat Jacques Renouvin de l’Action française207.

  • 208 Jean Pascal, op. cit., p. 498-499.

83L’investiture du gouvernement Herriot le 7 juin 1932 comme celle de Paul-Boncour le 22 décembre permet de cerner la majorité de gauche en Bretagne. Elle se réduit à 25 députés car trois députés centristes proches de l’ARD s’abstiennent avec les élus du PDP, ce qui les classent désormais pour le moins au centre droit : Barbot et Guernier d’Ille-et-Vilaine et Le Pévédic du Morbihan208. Ces votes à la Chambre reflètent bien la sensibilité de leur électorat effrayé par le radicalisme. Pourtant, malgré son succès électoral, Édouard Herriot a refusé toute combinaison de Cartel des gauches ainsi que toute politique de relance économique, si bien que les radicaux au pouvoir vont s’enliser jusqu’au 6 février 1934 dans les scandales et l’impuissance. Leur incapacité à apporter des réponses à la Grande Dépression va favoriser la relève entamée à gauche au profit de la SFIO et du PCF, même en Bretagne.

  • 209 Jean-Pierre Huet, op. cit., p. 10. En 1927, Maulion a été battu par le conservateur Roger Grand (4 (...)

84Pourtant, les élections sénatoriales du 10 octobre 1932 traduisent encore une certaine poussée vers le centre gauche en Bretagne, en particulier dans le Morbihan où la liste radicale désignée par le congrès d’Auray de la Fédération républicaine morbihannaise, légèrement majoritaire, et appuyée sur de solides réseaux locaux, rafle les quatre sièges. Outre les sortants Brard et Rio (rép.-soc.), le maire de Quiberon et ancien ministre, deux nouveaux notables entrent au Palais du Luxembourg : l’ancien député radical-socialiste Paul Maulion qui avait déjà tenté sa chance lors d’une élection partielle en août 1927 et Edmond de Camas, un des principaux responsables radicaux, propriétaire cultivateur, investi dans de nombreuses associations agricoles dont la présidence du Crédit Agricole du Morbihan209. Mais c’est d’un radicalisme bien modéré qu’il s’agit lorsque les candidats défendent les valeurs républicaines, la laïcité et la propriété en reprenant les vieux slogans de la fin du XIXe siècle : « Lutte contre la réaction et contre la révolution. » Sans doute ne faut-il pas effrayer les délégués sénatoriaux des campagnes. Dans le Morbihan, avec ces notables, on a plus affaire à un centrisme républicain engourdi qu’à un radical-socialisme militant disposé à s’allier aux partis de la gauche marxiste.

  • 210 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 72-73.

85La situation paraît quelque peu identique en Ille-et-Vilaine où le centre gauche obtient deux sièges de sénateur en 1932, pour l’ancien député Robert Bellanger battu à Vitré aux élections législatives, et pour le radical-socialiste Gasnier-Duparc. Alphonse Gasnier-Duparc (1879-1945) est une personnalité de premier plan, issu d’une famille de la bonne bourgeoisie du commerce. Avocat au barreau de Saint-Malo, conseiller municipal (1908), puis maire de la cité en 1912, son conseil municipal se compose en 1919 de 21 radicaux-socialistes et de 6 SFIO, ce qui le positionne clairement à gauche210. En 1924, il a été battu à la députation sur la liste de concentration républicaine mais devient sénateur en 1932 en connaissance de cause car il préside la Ligue des droits de l’homme (1928). À part quelques fortes personnalités comme Georges Le Bail ou Gasnier-Duparc, la modération politique est bien souvent le trait dominant des élites radicales, ce qui va dégager un espace politique pour le socialisme dans les villes et dans les campagnes les plus avancées de tradition bleue.

*

86Finalement, dans les années 1920 et sauf en 1924, l’image d’une Bretagne enracinée à droite ne correspond pas à la réalité politique, sauf pour les campagnes blanches de Haute-Bretagne et du Léon. Aux élections législatives de 1919 comme à celles de 1928, le centre gauche laïque et républicain est majoritaire à la Chambre des députés, la Première Guerre mondiale ayant consolidé les institutions de la IIIe République. Les notables les plus à gauche encore en place après guerre se sont assagis. La modération et le centrisme ont partout gagné du terrain – mouvement d’ailleurs renforcé par l’émergence d’un mouvement catholique démocrate-chrétien qui se voudrait au centre mais est toujours perçu de droite par les électeurs malgré ses efforts de dissociation des conservateurs. À la base aussi, dans les communes et les conseils généraux, le centre gauche a gagné du terrain en Bretagne ce qui s’est traduit lors des élections sénatoriales avec un apogée du centre gauche et du radical-socialisme en 1932. Mais, la montée en puissance électorale d’une gauche défendant le socialisme avec la SFIO, voire secondairement le communisme perçu comme extrémiste, est déjà à l’œuvre dans les villes comme dans certaines campagnes. La Grande Dépression économique des années 1930 et la perception d’un « danger fasciste » avec les événements du 6 février 1934 vont accélérer la progression électorale de ces partis marxistes intégrés au camp de la gauche à la faveur du Front populaire. Des glissements électoraux entre forces de gauche se produisent rapidement faisant apparaître a posteriori les succès de la gauche radicale en 1932 comme son chant du cygne en Bretagne. Mais avant d’analyser ce processus, il convient de préciser la gestation et les conditions du développement de la SFIO et du PCF en Bretagne des années 1910 au début des années 1930.

Notes

1 Le positionnement politique de ces députés « centristes », à gauche avant 1914, n’est pas toujours facile à saisir car il faut distinguer l’appartenance à un parti politique de l’inscription dans un groupe parlementaire et ces inscriptions peuvent évoluer d’une élection à l’autre. Par exemple, en 1919, les 140 députés de l’Alliance démocratique républicaine (ARD), membres du parti ou soutenus par elle, se sont dispersés dans six groupes différents dont quatre groupes principaux reflétant des sensibilités plus ou moins à gauche. Voir Rosemonde Sanson, L’Alliance républicaine démocratique. Une formation de centre (1901-1920), Rennes, PUR, 2003, p. 469-476.

2 Laurent Paubert, Formation de l’opinion publique, politisation et structuration des identités politiques en Bretagne au XIXe siècle, thèse, UBO, Brest, 2003, p. 623-625. En 1880, Paul Rousseau, maire de Brest, a remplacé le légitimiste François de Kerjégu à la présidence du conseil général. Son fils, James de Kerjégu, député de Quimperlé (1889-1908) rallié à la république, a succédé à Rousseau mais en tenant en lisière la gauche radicale et en s’opposant à la politique combiste. En avril 1909, c’est l’alliance des progressistes avec les conservateurs et les libéraux de l’ALP qui permet l’élection à la présidence du sénateur-maire de Brest Delobeau contre le député de Carhaix-Châteaulin 2 (1898-1914), le Dr Louis Dubuisson inscrit à la gauche radicale qui avait pourtant voté contre la loi de Séparation de l’Église et de l’État. En 1910, Dubuisson est l’un des quatre députés de l’ARD du Finistère avec Émile Cloarec et Édouard Plouzané.

3 Id., p. 641-643.

4 Paul Maulion, candidat radical-socialiste à Pontivy 1 en 1914, est son chef de cabinet-adjoint.

5 Jean Pascal, Les parlementaires bretons de 1789 à 1983, Paris, PUF, 1983, p. 415.

6 Id., p. 430-431. En y intégrant les quatre républicains de gauche (rép. de g.) élus avec des voix de gauche (Bouilloux-Lafont et Cloarec dans le Finistère, Mando dans les Côtes-du-Nord et Sibille à Nantes), il y a 8 gauche radicale, 6 radicaux-socialistes (dont G. Le Bail et son fils Georges Le Bail-Maignan à Quimper 2, mort en 1918), 3 républicainssocialistes, 1 SFIO. Selon Rosemonde Sanson, op. cit., annexes 6 et 11, l’ARD a neuf députés en Bretagne en 1914 (Guernier en Ille-et-Vilaine, quatre en Loire-Inférieure) contre dix en 1910.

7 Au sein du Bloc national la droite et le centre droit ont la majorité absolue avec 319 députés mais le centre gauche et la gauche non-socialiste (208) y participent au début de la législature.

8 Jean Pascal, op. cit., p. 440-454. Louis Nail, Paul Maulion et Pierre Bouligand, directeur d’école publique à Lorient et conseiller général.

9 Il avait succédé à Pontivy 1 à son beau-père de Lanjuinais (député depuis 33 ans). Libéral, il a siégé parmi les non-inscrits.

10 Son père Alfred a été nommé 1er président de la cour d’appel de Rennes en 1892.

11 Jean-Pierre Huet, Paul Maulion (1875-1946), maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1994.

12 Laurent Paubert, op. cit., p. 683-686. Une brochure avec caricatures et dialogues présente Maulion comme « candidat des francs-maçons et de Caillaux », un homme « sans convictions » et « aux promesses irréalistes ». Il dément être franc-maçon dans La Bretagne Républicaine du 29 mars 1914.

13 La division à droite y contribue, les conservateurs et les libéraux présentant deux listes séparées. Le monarchiste Gustave de Lamarzelle, sénateur depuis 1894, est battu.

14 Christian Bougeard, thèse citée, p. 68-93.

15 Un républicain de gauche, 2 gauche radicale, 2 rép.-soc., 2 rad.-soc.

16 En 1910, il a écrasé à Dinan 2 le conservateur et anti-dreyfusard Frédéric Rioust de Largentaye qui avait succédé à son père en 1884.

17 Mais il conduira la liste républicaine à l’élection partielle de 1921.

18 Selon Rosemonde Sanson, op. cit., p. 541-543, seul le député sortant Eugène Mando appartient encore à l’ARD laquelle a soutenu trois autres membres de la liste : Henri Servain, Paul Le Troadec et Louis de Chappedelaine. Notons qu’Yves Le Trocquer (rép. de g.) n’appartient pas à l’ARD en 1919.

19 En 1908, il est élu maire de Plougrescant.

20 Henri Avril, ancien combattant décoré, est lui aussi de gauche mais il ne s’inscrit pas au groupe rép.-soc.

21 Loïc Thomas, Gustave de Kerguézec 1868-1955. Un missionnaire de la République, à paraître.

22 L’abstention élevée atteint 30,6 % (+ 1,7 % sur la moyenne nationale).

23 En Bretagne 29 députés votent pour dont A. Briand (3 des Côtes-du-Nord), 11 votent contre (4 dans les Côtes-du-Nord, 1 rad.-soc., 2 rép.-soc. et de Chappedelaine qui rejoint alors le centre gauche) et 2 s’abstiennent (H. Avril, M. Marchais).

24 Il a succédé à Le Hérissé élu au Sénat. En décembre 1918, il entre au gouvernement Clemenceau comme sous-secrétaire d’État et le restera jusqu’en janvier 1921. Voir Jacqueline Sainclivier, L’Ille-et-Vilaine 1918-1958, op. cit., p. 27-30.

25 Aux trois sortants s’ajoute F. Marçais.

26 Jusqu’à sa disparition en 1932, le Nantais sera onze fois président du Conseil et 25 fois ministre.

27 Jean Pascal, op. cit., p. 420. Guist’hau devient sous-secrétaire d’État à la Marine du 2e gouvernement Briand (novembre 1910-février 1911), ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts dans le 1er cabinet Poincaré (janvier 1912-janvier 1913), ministre du Commerce et de l’Industrie dans les 3e et 4e cabinets Briand (janviermars 1913).

28 Bernard Oudin, Aristide Briand. La paix : une idée neuve en Europe, Paris, R. Laffont, 1987, chap. 1, 2, 3. En 1889, il se présente aux élections législatives à Saint-Nazaire et se désiste pour un républicain modéré contre la droite.

29 Il est un temps guesdiste au groupe de Saint-Nazaire qui appartient au Parti ouvrier français (POF).

30 En 1904, il est avec Jaurès l’un des principaux éditorialistes de L’Humanité.

31 Durant cette période, l’avocat défend son camarade socialiste brestois Gustave Hervé qui développe des positions antimilitaristes et antipatriotiques.

32 Installé à Paris, il a tenté sa chance dans le XIXe comme « socialiste révolutionnaire » aux élections législatives de 1893 puis à Clichy en 1898.

33 Averti, Jaurès aurait approuvé ce choix à titre personnel.

34 Bernard Oudin, op. cit., p. 120-126.

35 Il est devenu garde des Sceaux en janvier 1908.

36 C’est le cas de 24 députés socialistes qui n’ont pas adhéré ou ont quitté la SFIO.

37 Yves Billard, « Le Parti républicain-socialiste a vraiment existé », Vingtième siècle, no 51, juillet-septembre 1996, p. 43-55.

38 Bernard Oudin, op. cit., p. 388-389.

39 En 1914, l’ARD a obtenu quatre députés en Loire-Inférieure, Roch, Guist’hau, Sibille, Delaroche-Vernet, en 1919, elle en conserve deux avec Sibille et Guist’hau inscrits à la gauche républicaine et démocratique.

40 Contrairement à ce qu’écrit Bernard Oudin, la liste Briand n’a que trois députés sur quatre. Voir Jean Pascal, op. cit., p. 443-444. Ce sont les résultats des têtes de liste et non les moyennes des listes.

41 À G. de Kerguézec et P. Even, réélus dans les Côtes-du-Nord, s’ajoute Alphonse Rio du Morbihan.

42 Jean Pascal, op. cit., p. 453.

43 Nous laissons volontairement de côté l’importante action d’Aristide Briand comme ministre des Affaires étrangères tout au long des années 1920.

44 De fait l’aile gauche de l’ARD rejoint le groupe parlementaire de la gauche républicaine démocratique tandis que l’aile droite maintient le groupe des républicains de gauche.

45 Christian Bougeard, « Itinéraires de parlementaires modérés en Bretagne des années 1920 aux années 1960 », François Roth (dir.), Les modérés dans la vie politique française (1870-1965), Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2000, p. 209-223.

46 Laurent Caro, Le Finistère et Maurice Bouilloux-Lafont député de Quimper (1914-1932). Ligne politique (1914-1939), maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 1996.

47 Son frère aîné Marcel dirige la banque familiale qui fait faillite en 1932 à la suite de l’affaire de l’Aéropostale. Il est maire et conseiller général d’Étampes.

48 Le candidat de droite, le libéral Hugot-Derville a enlevé le siège grâce à une triangulaire et au maintien du socialiste Hippolyte Masson lors d’une partielle en 1912.

49 Rosemonde Sanson, op. cit., chap. XII, p. 449-495.

50 Aux sénatoriales de 1921, 4 sénateurs républicains (3 modérés) sur 5 sont élus. Le rédacteur en chef du Finistère Le Page appelle à balayer « les sillonnistes ».

51 Son père Eugène a été le maire républicain de Douarnenez dans la deuxième moitié du XIXe siècle.

52 Patrick Gourlay, Charles Daniélou (1878-1953). Itinéraire politique d’un Finistérien, Rennes, PUR, 1996, chap. I.

53 C’est l’un des principaux acteurs de l ‘ affaire des fiches en 1904.

54 Patrick Gourlay, op. cit., chap. II.

55 À l’issue du 1er tour, la gauche était pourtant largement majoritaire et le radical-socialiste s’était désisté pour Halléguen.

56 En 1907 et en 1911, deux cuirassés ont explosé faisant de nombreux morts, dont des marins bretons, à cause de poudres de mauvaise qualité fabriquées dans le Finistère.

57 Patrick Gourlay, op. cit., chap. IV.

58 Jean Pascal, op. cit., p. 445. Baudet et Le Troadec (Côtes-du-Nord) et Guernier et Deschamps (Ille-et-Vilaine) viennent de l’ARD et du radicalisme modéré ; Servain (Côtes-du-Nord), Bouilloux-Lafont et Guépratte (Finistère), Marchais (Morbihan), Guist’hau et Sibille (Loire-Inférieure) de l’ARD.

59 Patrick Gourlay, op. cit., chap. V.

60 Il a voulu créer pour lui un poste de sous-secrétaire d’État des Affaires étrangères refusé par les députés.

61 Daniélou a accepté d’être accueilli à Roscoffavec les honneurs d’un ministre, ce qui vaut une interpellation à Briand par le député Jadé.

62 Patrick Gourlay, op. cit., p. 113.

63 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 70-73 et Quelques souvenirs. Jean Janvier, maire de Rennes, Jean-Yves Andrieux et Catherine Laurent (éd.), Rennes, PUR, 2000, p. 228-234.

64 Il s’agit de Rennes, Fougères, Redon et Saint-Malo. Il n’y a pas de socialistes à Vitré.

65 Quelques souvenirs, op. cit., p. 234-236. La liste était composée de trois anciens notables dont Garreau, maire de Vitré, ancien sénateur, Le Hérissé (rad.-soc.), maire d’Antrain, sénateur sortant, et Robert-Surcouf, ancien député (gauche radicale) de Saint-Malo 2 (1898-1919).

66 David Bensoussan, thèse citée, p. 178.

67 Laurent Paubert, La vie politique en pays bigouden entre les deux guerres, Quimper, éd. Hantérion, p. 29-32. En 1919, Hénaffa obtenu 50,02 %. En 1920, Le Bail reprend le siège avec 50,51 %, est battu en 1921 avec 49,05 % et le reprend en 1922 avec 51,43 %.

68 Jean Pascal, op. cit., p. 422. En 1906, il se définissait comme « l’humble serviteur de la République démocratique, sociale et laïque » n’ayant « pas d’amis à droite et pas d’ennemis à gauche ».

69 Précisons qu’en 1922, la droite cléricale l’emporte avec sept sièges d’écart mais conserve Guernier à la présidence.

70 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 55-58.

71 En 1912, il y avait 41 % de délégués sénatoriaux de droite et 17 % de progressistes, globalement passés au centre droit, contre 28 % de républicains de gauche, 13 % de radicaux et 1 % de socialistes. La gauche ne pèse donc que 42 %. Au Sénat, le centre droit à trois élus, le centre gauche deux. Laurent Paubert, op. cit., p. 593-594. En 1921, la gauche dispose de 731 délégués (81 socialistes, 143 radicaux, 507 rép. de G) 54,7 % mais 48,6 % sans la SFIO ; la droite en a 605 (136 libéraux et 469 conservateurs).

72 David Bensoussan, thèse citée, p. 508-510.

73 Jean-Yves Michel, Religion et politique en Bretagne de 1850 à 1960. Le cas du Poher, Keltia Graphic éd., p. 27-31.

74 Le Troadec, élu sénateur en septembre 1920, est rejoint par Mando et Servain (rép. de g.) et Baudet (rad.-soc.) et de Kerguézec (rép.-soc.).

75 Charles Meunier a obtenu les plus mauvais résultats au premier tour. On peut penser qu’une fraction de l’électorat de droite a sanctionné son ralliement au centre gauche et qu’il n’a pas pour autant rallié tous les électeurs de gauche. Y. Gallou représente d’ailleurs le centre droit laïque car en 1924 il sera réélu sur la liste Le Trocquer comme républicain de gauche.

76 Marylise Le Mouël, La vie politique à Hennebont de 1919 à 1939, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1993, p. 24-28. Le grand-père, opposant socialiste, a quitté l’Allemagne et a été naturalisé français.

77 Il préside six associations dont l’Union mutualiste du Morbihan et a construit des cités ouvrières à Hennebont et Inzinzac.

78 Jean Pascal, op. cit., p. 452.

79 Voir le chapitre IV.

80 Laurent Le Bar, Les élections législatives du 11 mai 1924 dans le Morbihan, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1990, p. 11-16.

81 Hervé Baudru, Les républicains laïques d’Ille-et-Vilaine, de l’affaire Dreyfus à la mort de Charles de Gaulle, thèse, Rennes 2, 2000, p. 53-60. Notons que les notables radicaux, le député de Rennes 1 René-Félix Le Hérissé et Auguste Lajat, ancien maire de Rennes, n’en font pas partie.

82 Georges Dottin est son premier adjoint de 1908 à 1912.

83 Christian Bougeard, thèse citée, p. 95.

84 Voir Serge Berstein, Histoire du Parti radical, t. 1 et 2, Paris, PFNSP, 1980 et 1982.

85 Ibid., t. 1, tableau p. 78-79.

86 Jean Pascal, op. cit., p. 415. Vernet-Delaroche et Robert-Surcouf sont passés à la gauche radicale en 1914 ; Brard et Le Louédec ont été battus. Il est probable que c’est Robert-Surcourf qui est encore comptabilisé comme rad.-soc. par Serge Berstein.

87 Nail est réélu à Lorient 1 et Le Rouzic à Lorient 3 mais Brard est battu à Pontivy 2.

88 Il meurt à 32 ans en juin 1918.

89 Rolland Le Bail devient maire de Plozévet en 1837, son fils Lucien lui succède sous le Second Empire.

90 Maurice Lucas, L’évolution de la Cornouaille maritime sous la troisième République (1870-1914), thèse de 3e cycle, UBO, Brest, 1983 et Laurent Paubert, La vie politique en pays bigouden…, op. cit., p. 107-117.

91 Son fils Georges, le député décédé brutalement en juin 1918, a des obsèques religieuses.

92 Serge Berstein, op. cit., t. 1, carte 1, p. 83.

93 Serge Berstein, op. cit., t. 1, p. 78-79 et 130-132, 377-381 ; t. 2, p. 59-63, 196-199.

94 Nail est réélu sur la liste d’union républicaine avec Bouligand et Maulion.

95 Serge Berstein, op. cit, t. 1, carte 2, p. 109.

96 Dans les Côtes-du-Nord, Baudet se dit radical et Turmel, arrêté pour trahison en 1917, est mort à Fresnes en 1919. La liste du Finistère peut être considérée de centre gauche alors que Serge Berstein la classe au centre droit, carte 5, p. 122. Lancien et Le Louédec ne sont pas élus.

97 Serge Berstein, op. cit., t. 1, cartes 4 et 5, p. 150 et 154.

98 Serge Berstein, op. cit., t. 1, carte 7, p. 163.

99 D’après les statuts de 1926, il faut cinq cotisants pour créer un comité, sept en 1935.

100 Serge Berstein, op. cit., t. 1, p. 184 et carte 8, p. 185. Il existe un comité à Rennes, deux dans les Côtes-du-Nord, trois en Loire-Inférieure et quatre dans le Finistère. La Gironde en a 106…

101 Serge Berstein estime que de 1924 à 1939, les effectifs du Parti radical ont varié d’un minimum de 70 000 à un maximum de 100 000 membres.

102 Les effectifs du comité exécutif passent de 1 216 en 1922 à 2 146 en 1938. Serge Berstein, op. cit., t. 1, p. 208 et 218-219.

103 Ibid., p. 228-229.

104 187 voix pour le Cartel, 87 contre. La SFIO y est encore plus favorable par 320 voix contre 20 (congrès de Brest du 30 mars).

105 Au début des années 1920, les républicains-démocrates participent au capital du quotidien mais sont minoritaires. Ils échouent à en faire un outil de la recomposition au centre de l’échiquier politique finistérien.

106 Laurent Caro, Le Finistère et Maurice Bouilloux-Lafont, op. cit.

107 Patrick Gourlay, op. cit., p. 113-119.

108 Guépratte est d’ailleurs éliminé de la liste ensuite.

109 Parmi les candidats, citons l’ancien député radical-socialiste de Quimperlé Le Louédec et pour les républicains de gauche, les docteurs Le Gorgeu et Guillemot considérés ensuite comme radicaux.

110 À la veille du scrutin, le journal dénonce le « lèche-bottes de Briand », « traître et girouette électorale ».

111 Bernard Oudin, op. cit., p. 445-447.

112 Voir le chapitre III.

113 Le socialiste Emmanuel Svob est présent au congrès pour tenter d’infléchir la ligne des notables.

114 Serge Berstein, op. cit., p. 14.

115 Voir le tableau 5 du chapitre III. Si on ne considère que les résultats des têtes de liste, la SFIO obtient 14,8 % et le PCF 2,1. D. Bensoussan retient une moyenne de 13,4 %, vol. 7, fig. 9.

116 David Bensoussan, tableau cité.

117 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 36-37. David Bensoussan ne retient que 25,6 % pour cette liste.

118 Par exemple, G. Le Bail a perdu 3 000 voix et Bouilloux-Lafont près de 5 000, Laurent Caro, op. cit. C’est à peu près le score d’une liste républicaine d’action économique et sociale qui a pris des voix au centre gauche alors que la liste de droite est stable.

119 Christian Bougeard, thèse citée, p. 109-113.

120 En 1926, cinq des six députés suivent Le Trocquer dans le groupe centriste de la gauche indépendante.

121 Le préfet Guillemaut a été un proche collaborateur de l’ancien ministre Louis Nail.

122 Laurent Le Bar, op. cit., p. 59-68.

123 Paul Maulion tente de retrouver un siège en se présentant à Pontoise (Seine-et-Oise) en 1928 et à Lorient 1 le 4 mai 1930 où il est nettement devancé à gauche au premier tour par le socialiste L’Hévéder élu au second. Il est vice-président du conseil général du Morbihan de 1924 à 1937.

124 Jean Pascal, op. cit., p. 459-465. Ce sont les deux seuls membres du groupe en Bretagne.

125 Guist’hau ne se représente pas. Sibille réélu s’inscrit comme républicain de gauche.

126 Delaroche-Vernet est inscrit au groupe radical-socialiste en 1910. En 1914, il a rejoint celui des républicains-socialistes.

127 À condition d’assimiler tout le camp laïque (et les élus de la liste Le Trocquer) au centre gauche, ce qui est sans doute exact sur le plan électoral mais contestable quant au positionnement politique. Les votes lors de la crise d’investiture du gouvernement clarifient la situation en renvoyant cette liste au centre droit.

128 Jean Pascal, op. cit., p. 465.

129 Laurent Le Bar, op. cit., p. 167-168. Le programme gouvernemental est pourtant approuvé par Le Progrès du Morbihan du 22 juin 1924.

130 Patrick Gourlay, op. cit., p. 120-122.

131 Ibid., p. 122-129. Le Finistère n’a pas eu de ministre depuis le passage de Paul Rousseau à ce poste en 1885. Son chef de cabinet est Alexis Léger (Saint-John Perse).

132 Le 10 décembre 1926, il obtient le prix Nobel de la paix avec Stresemann et A. Chamberlain. Très malade, Briand démissionne le 8 janvier 1932 et meurt le 7 mars.

133 C’est le 5 septembre 1929, à Genève, que Briand avance le projet de fédération européenne.

134 Il est exclu du comité de défense laïque de Quimper, réintégré et exclu définitivement en avril 1926.

135 Cette dérive est dénoncée par G. Le Bail dans Le Citoyen comme par la SFIO dans Le Breton Socialiste qui s’en prend « au Satrape de Bénodet ».

136 Christian Bougeard, thèse citée, p. 114-116.

137 Elle comprend un ancien socialiste, trois rad.-soc., un rép. soc., un rad. ind.

138 Serge Berstein, op. cit., t. 1, p. 382 et carte 25.

139 Ibid., t. 2, p. 56-69. Le parti présente 8 candidats dans le Finistère, 5 en Ille-et-Vilaine, 4 dans le Morbihan.

140 Le Parti radical a 118 députés en France métropolitaine.

141 Guy Le Normand (SFIO) a obtenu 22 % au 1er tour ; Lorgeré 33 %.

142 Jean-Charles Floch, Les républicains démocrates du Finistère (1911-1940), maîtrise d’histoire, UBO, Brest, 1990, p. 119. Le Flanchec a obtenu 17,2 % et le SFIO Kerjean 6,45 %.

143 Jean-Charles Floch, op. cit., p. 119. Le député du PDP sortant V. Balanant n’obtient que 29,5 % et l’URD Cadic 16 %.

144 En 1928, Pouchus a pourtant été exclu du Parti radical pour indiscipline car il s’est présenté sans son investiture.

145 Laurent Caro, op. cit. Pouchus a recueilli 17,6 % au 1er tour, le PCF 12,5 % et la SFIO 6,9 % pour 34,7 % à la droite. Le candidat du PCF obtient encore 13 % au 2e tour.

146 Christian Bougeard, thèse citée, p. 184-186.

147 Id., p. 131. Dans les Côtes-du-Nord, la droite n’a plus qu’un député, Victor Le Guen réélu de justesse contre le radical Meunier à Saint-Brieuc 2, et un centre droit avec Yves Le Trocquer (rép. de g.) réélu à Guingamp 2. Comme toujours se pose la question de De Chappedelaine que l’on peut classer au centre gauche.

148 À condition d’inclure les trois inscrits au groupe des républicains de gauche récoltant en Bretagne des voix de gauche comme Ernest Bréant, un ami de Briand, élu à Châteaubriant contre le député de droite sortant Ginoux-Defermon. Le ralliement au centre gauche de Bellanger porte ce nombre à 24. D. Bensoussan réduit la droite catholique stricto sensu à 18 députés. Dans le Morbihan, Le Pévédic (rép. de g.) peut sans doute être classé au centre gauche en 1928 comme Barbot en Ille-et-Vilaine car ils ont battu des sortants de la droite catholique Le Moyne et Le Douarec (PDP).

149 L’ancien socialiste SFIO Bourgot élu à Morlaix 1 s’inscrit dans ce groupe parlementaire.

150 En fait, il est en 4e position au 1er tour.

151 Christian Bougeard, Tanguy Prigent paysan ministre, Rennes, PUR, 2002, p. 42-44.

152 Christian Bougeard, thèse citée, p. 130-167.

153 Le député sortant de droite J.-L. Henry, malade n’obtient que 35 % des voix au 1er tour, alors que le socialiste Bodros en recueille 21,2 %. Patrick Gourlay, op. cit., p. 134-139.

154 Le dirigeant de l’ARD Le Trocquer s’inscrit à ce groupe semblant vouloir se repositionner au centre gauche, peut-être pour coller à l’évolution de l’électorat de son département ? Mais comme Bouilloux-Lafont, il est pour le moins au centre droit. Les autres peuvent être classés au centre gauche, du fait de leurs prises de position et parce qu’ils ont été élus avec les voix de gauche et du centre contre la droite catholique.

155 Poincaré lui propose d’ailleurs rapidement le ministère du Travail vacant mais Daniélou décline l’offre car il devrait appliquer la nouvelle loi sur les assurances sociales qu’il a critiquée pendant sa campagne.

156 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 58.

157 Ibid., p. 36-37 et 30-32.

158 Voir le chapitre I.

159 Il est ministre des PTT dans le 1er cabinet Laval (janvier 1931-février 1932), puis ministre des Travaux publics et de la Marine marchande dans le 3e cabinet Tardieu (février-juin 1932).

160 En février 1930, il est nommé dans le 1er cabinet Chautemps renversé le jour de sa présentation.

161 Jean Pascal, op. cit., p. 480.

162 David Bensoussan, thèse citée, p. 510.

163 Christian Bougeard, thèse citée, p. 169-174.

164 Les radicaux ont refusé l’union avec la SFIO.

165 Pierre Brigant, La fédération socialiste SFIO du Finistère (1908-1969), thèse, Rennes 2, 2002, p. 214. Le camp laïque se compose aussi de 12,15 % de républicains radicaux et de 16,26 % de républicains de gauche. Selon les résultats des sénatoriales de 1929, on peut penser que les républicains de gauche se situent encore à gauche dans ce département.

166 Christian Bougeard, thèse citée, p. 174-177.

167 Ils ont obtenu entre 59,8 et 50,6 % des suffrages.

168 Lors de l’élection législative partielle de 1930, Oswen de Kérouartz (rép. de g., en fait de droite) l’emporte avec 67 voix d’avance sur le radical-socialiste W. Loth à Guingamp 2.

169 Pierre Brigant, op. cit., p. 220. C’est à cette occasion que le député SFIO de Brest Goude entre en dissidence.

170 Pierre Brigant, op. cit., p. 230. Le maire de Brest est élu au 3e tour grâce au retrait des socialistes Le Goïc, le candidat officiel du parti, et de Goude.

171 Voir le chapitre III.

172 Marylise Le Mouël, op. cit., Annexes.

173 Le patron Herwegh s’oppose au développement du syndicalisme dans son entreprise et licencie des militants.

174 Avec les grèves de 1936, 2 000 des 3 000 ouvriers des Forges ont adhéré à la CGT.

175 Bernard Oudin, op. cit., p. 542-545.

176 Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 181-183.

177 A. Briand n’a fait qu’un très bref passage dans la franc-maçonnerie dans sa jeunesse.

178 Briand qui a obtenu 401 voix et aurait dû en avoir 500 contre 442 à Doumer se retire au 2e tour. La gauche a présenté un sénateur radical au 2e tour.

179 Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 184-188.

180 Ibid., t. 2, p. 195-213.

181 Voir le chapitre IV.

182 Serge Berstein, op. cit., t. 2, p. 200-213. Il écrit dans sa profession de foi : « Crise dont on a dit à tort, selon nous, qu’elle était due à une production trop abondante, mais dont nous disons, nous, qu’elle est due à ce que la production a été faite sans que l’on se soit soucié d’en assurer la répartition et la consommation. »

183 Christian Bougeard, thèse citée, p. 283-284. Il l’emporte contre Bazin, candidat de l’ARD qui est bien à droite, un républicain-socialiste, un SFIO et un communiste.

184 Martine Dufresne, Les campagnes électorales des élections législatives de 1932 et 1936 dans le Morbihan, maîtrise d’histoire, Rennes 2, 1996, p. 98.

185 En incluant Pierre Michel, élu à Saint-Brieuc 1 contre Lefevre, le candidat officiel du Parti radical.

186 Jean Pascal, op. cit., p. 492-493. P. Michel et A. Cornu (Côtes-du-Nord) et L. Thébault (Ille-et-Vilaine) s’y inscrivent.

187 Christian Bougeard, thèse citée, p. 282-291.

188 P. Michel a demandé son inscription au groupe radical-socialiste dans lequel il est admis avec André Cornu en 1933.

189 Christian Bougeard, Tanguy Prigent, op. cit., p. 42-43. Mazé obtient 8 704 voix contre 6 069 à Bourgot ; au 1er tour Le Normand avait recueilli 3 508 voix.

190 Ce dernier, soutenu par L’Ouest-Éclair, a devancé au premier tour le candidat de droite Nader. Partisan de Tardieu, il concurrence directement le député sortant.

191 En juin 1932, l’ancien député de Quimper est nommé ministre d’État de la principauté de Monaco.

192 Jean-Charles Floch, op. cit.

193 Le Flanchec a eu 15,4 % des voix au 1er tour, 3,81 % seulement au second. La SFIO n’a pas présenté de candidat.

194 En février 1930 et de janvier 1931 à mai 1932, de Chappedelaine a été plusieurs fois ministre (Marine marchande et Colonies) dans les gouvernements Chautemps, Laval et Tardieu.

195 Le député sortant de droite Victor Le Guen a été éliminé au 1er tour.

196 Daniel Cordier, Jean Moulin. L’inconnu du Panthéon, 1, Paris, JC Lattès, 1989, chap. VIII, p. 545-593.

197 Il a participé aux gouvernements de centre gauche de Chautemps du 21 février au 1er mars 1930 et de Steeg du 16 décembre 1930 à janvier 1931.

198 Patrick Gourlay, op. cit., p. 150-159. Originaire de Crozon, ce Disarbois obtient 12,48 % au 1er tour contre 11,2 % au socialiste Mével.

199 Disarbois et le socialiste se sont désistés en sa faveur.

200 Martine Dufresne, op. cit., p. 97-100.

201 Jean Pascal, op. cit., p. 498-499.

202 Il reste inscrit au groupe des républicains de gauche auquel Bréant et Duez (Nantes 3) sont apparentés mais ces deux derniers votent en 1932 avec la majorité de gauche. Duez rejoint d’ailleurs le groupe de la gauche radicale en 1935.

203 Patrick Gourlay, op. cit., p. 157.

204 Serge Berstein, op. cit., II, p. 253.

205 Patrick Gourlay, op. cit., p. 159-164. Il dépose une proposition de loi sur les habitations bon marché (HBM).

206 Il est sous-secrétaire d’État à la Guerre de Paul-Boncour, puis à la présidence du Conseil de Daladier.

207 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 32. En septembre 1934, Renouvin a traité La Chambre « d’assassin » à propos des victimes des manifestations du 6 février à Paris, d’où ce duel.

208 Jean Pascal, op. cit., p. 498-499.

209 Jean-Pierre Huet, op. cit., p. 10. En 1927, Maulion a été battu par le conservateur Roger Grand (49 voix d’écart) ; en 1932, il est élu au 1er tour par 525 voix sur 1034 votants. Christophe Rivière, op. cit., p. 60-61.

210 Jacqueline Sainclivier, op. cit., p. 72-73.

Table des illustrations

Légende Tableau 1 – Classement politique des conseillers généraux bretons en 1914 et en 191966.
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Légende (1) Moyenne en pourcentage des suffrages exprimés. (2) Moyenne en pourcentage des inscrits.Tableau 2 – Nombre de députés et résultats du Parti radical-socialiste en Bretagne de 1914 à 193293.
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