Comment sortir de la guerre ?
|Troisième partie. Mémoire, traumatisme, violence. L’interface guerre-paix dans les rites et les mots
Chapitre XII. La cristallisation des représentations lors des entrées en guerre. Mémoire et acceptation du recours à la violence
Texte intégral
- 1 Bouthoul G., Traité de polémologie, Paris, Payot, 1991, p. 329 et 330.
1Outre la sortie de guerre, c’est aussi lors des entrées en guerre que les souvenirs des conflits précédents sont le plus investis, et cette fois, sans le support de commémorations. D’une certaine manière, celles-ci ont œuvré en amont, parmi d’autres supports et la menace comme les dangers qui résultent de la situation de guerre viennent aviver ces images acquises, transmises, partagées par la communauté nationale. Aussi, les références aux guerres passées servent-elles la justification du conflit, mais elles participent également à marquer le passage dans la société de l’état de paix à l’état de guerre. Comme l’a écrit Gaston Bouthoul, « la guerre bouleverse, lorsqu’elle éclate, la catégorie du sacré. […] La vie humaine, la propriété d’autrui, la liberté, souvent même le respect de soi-même et de la parole donnée n’ont plus le même sens. Il se produit un renversement des valeurs. […] Si l’on en juge par les comportements, tout se passe comme si notre mentalité et nos croyances étaient changées lorsqu’éclate un conflit. Tout se passe comme si la guerre était l’équivalent d’une psychose collective. Elle provoque un phénomène d’énorme contagion mentale1. » Le passé est dès lors convoqué comme référence mythique et les représentations de la culture guerrière cristallisées, évocatrices en soi, se trouvent réinvesties pour inscrire dans le présent cette nouvelle réalité. Ce ne sont pas tant les opinions sur l’entrée en guerre qui nous intéressent ici, mais bien plutôt les images choisies parmi les représentations communes de la guerre, pour en concevoir la nature, pour en construire au jour le jour la réalité signifiante, avant même que ceux qui les emploient établissent une opinion ou un jugement sur l’évolution des événements. Quel usage fait-on de ces souvenirs, de la mémoire, au moment des entrées en guerre ? Ont-ils toujours la même fonction, en 1870, en 1914, en 1939 ?
L’usage des souvenirs pour appréhender le présent incertain
2Tout d’abord, il s’agit de savoir si les souvenirs sont utilisés lors de l’entrée en guerre de telle manière que le système de représentations, notamment de la guerre en général, est cristallisé, pour fournir les justifications possibles au recours à la violence, mais aussi pour donner du sens à la transition vers un nouvel état social et psychologique. Puis, dans les premières semaines et les tout premiers mois du conflit, les souvenirs sont utilisés pour donner une intelligibilité aux événements inédits vécus par les contemporains, avant que la guerre en cours ne génère ses propres représentations.
La justification de la guerre
3L’une des fonctions essentielles de l’usage des souvenirs au moment de l’entrée en guerre est de justifier le choix qui vient d’être fait : le recours à la violence. Des faits anciens ressurgissent, alors qu’ils étaient devenus secondaires, ou, sans laisser indifférent, ils avaient perdu leur puissance d’évocation. Encore faut-il préciser que l’investissement d’un souvenir dépend du groupe qui l’utilise. Il y a des chances que le paysan sarthois rappelle moins le souvenir de la bataille d’Iéna qu’un journaliste ou un officier. La presse, notamment, contribue à éveiller ces souvenirs assoupis, et cela à chaque entrée en guerre. Que les journalistes ne partagent pas exactement les mêmes références culturelles que leurs lecteurs, c’est probable, quoiqu’au fur et à mesure du temps, et du fait de la scolarisation obligatoire, l’écart culturel se soit réduit. Surtout, les souvenirs rappelés en 1939 sont souvent ceux de la Grande Guerre, vécus par nombre de personnes.
4Dans l’ensemble, les souvenirs ravivés sont ceux de la guerre précédente, cela va de soi. Et puis, ce sont également les souvenirs communs à l’ensemble de la nation, sur une période longue. Les dates butoirs que l’on retrouve tout au long de la période sont peu nombreuses, chaque guerre ajoutant de nouvelles images : 1792 ; 1806, 1814 et 1815 ; 1870 ; 1914-1918. L’utilisation de ces souvenirs répond à deux conditions : l’existence de témoins qui sont susceptibles encore de raconter les faits, et le partage de références communes à tous les citoyens.
- 2 Charles L., Notice sur l’invasion à La Ferté-Bernard en 1870-1871, Paris et Le Mans, 1878, 23 p.
5Une grande partie des références utilisées renvoie en fait à un passé qui n’est pas encore tout à fait entré dans l’histoire : en 1870, vivent encore des témoins, certes fort âgés, de la période révolutionnaire et plus encore des guerres napoléoniennes. Ces souvenirs ravivés sont liés à une expérience ou à des souvenirs transmis par les ascendants directs. Quelques témoignages montrent la persistance d’impressions sur une longue période et la façon dont ils peuvent être ravivés, sans nécessairement l’intervention de médias : il suffit d’un témoin. Dans la Sarthe, l’approche de l’ennemi, en novembre 1870, éveille ainsi des représentations et des angoisses anciennes alors que la menace devient réelle : à Cherré, par exemple, à l’est du département, « de bouche en bouche, la sinistre annonce de l’approche de l’ennemi arrive jusqu’à nous, raconte L. Charles. Sur le bourg, tous les habitants ont l’air consterné ; beaucoup veulent fuir, n’importe où, n’importe comment. Les mères pleurent en regardant leurs enfants ; notre vieille locataire, la mère Provost, qui a déjà vu les Prussiens [en 1815], n’est pas la moins saisie ; des larmes coulent sur ses rides ; Mélanie, notre bonne, pleure aussi ; elle croit fermement que les Prussiens vont lui couper bras et jambes2. » On peut penser qu’au moment de l’entrée en guerre, ces représentations avaient également ressurgi, de façon moins tragique, certes, mais en participant malgré tout à la perception de l’événement.
6Ensuite, ces faits rappelés appartiennent à un patrimoine commun qui définit l’identité nationale. C’est bien sûr dans les souvenirs communs à la nation que l’on puise. En général, les références guerrières rappelées appartiennent le plus souvent à la guerre précédente, ce qui ne saurait surprendre. Cela signifie tout de même que les représentations de chaque conflit sont peu à peu remplacées par celles du conflit suivant, tandis que certains souvenirs demeurent, ou encore des images, des valeurs continuant leur existence sur toute la période. En fait, les mythes fondateurs autour desquels se noue l’identité nationale se retrouvent à chaque entrée en guerre, et notamment le rappel du départ des premiers volontaires en 1792.
7En 1870, les souvenirs se focalisent sur deux événements passés : la première guerre nationale contre la Prusse, en 1792, et le traité de 1815. Le souvenir de ce dernier semble plus logique dans la mesure où le régime impérial envisageait de reprendre la rive gauche du Rhin, acquisition de la Révolution, perdue lors de la défaite de 1815. Depuis l’accroissement de la puissance prussienne en Europe, et en particulier après Sadowa, les revendications françaises sur le Luxembourg et la Belgique rappelaient l’année de Waterloo et du traité de Vienne. En juillet 1870, c’est en tout cas l’un des faits qui justifient l’acceptation du combat, comme l’exprime le journaliste Robert Mitchell, dans un éditorial de La Sarthe :
- 3 LS, 18 juillet 1870.
« Les souvenirs de 1814 étaient assoupis ; le roi de Prusse les a brutalement réveillés. Il veut la guerre, soit. Nous l’acceptons, sûrs de notre droit, confiants dans la supériorité de nos armes. La Prusse nous insulte, passons le Rhin ! Les soldats d’Iéna sont prêts3. »
8Les références sont identiques dans la Marne, notamment dans des chants publiés à plusieurs reprises dans le Journal de la Marne, source intéressante puisqu’elle ne provient pas nécessairement des journalistes, mais du courrier adressé à la rédaction. Le premier, publié le 15 juillet, jour du vote des crédits de guerre, est intitulé « couplet champenois » et ranime sur un ton hardi, quoique léger, le souvenir des campagnes victorieuses de 1805, 1806 et 1809 :
- 4 JDLM, 15 juillet 1870.
« Nous sommes les enfants de ceux
Qui prirent Berlin et Vienne.
Le Prussien menace : qu’il vienne
Dans le pays du vin mousseux :
Nous lui gardons un accueil chaleureux4. (bis) »
9Un autre, dont l’auteur est indiqué – un officier du camp de Châlons –, publié quatre jours plus tard, est de la même veine, avec des accents plus belliqueux encore :
- 5 JDLM, 19 juillet 1870.
« […]
Si Sadowa, Prussiens, fait votre gloire,
Jusqu’à ce jour votre plus beau succès,
Ne prônez pas autant cette victoire.
Il faut aussi triompher des Français !
Morbleu ! le sang qui coule dans nos veines
N’a pas encore oublié Waterloo !
Prussiens pourquoi réveillez-vous nos haines ?
Prenez-y garde, aujourd’hui c’en est trop5 ! […] »
- 6 Voir La Sarthe des 7 août, 12 août, 17 août, 18 août, 19 août, 26 août, 1er septembre 1870, entre (...)
- 7 LS, 18 juillet 1870. Article intitulé « L’élan patriotique ». Précisons que ce journal est favorab (...)
10Cependant, le souvenir de 1792 prend également une place nouvelle. Cela pourrait sembler paradoxal, puisque cette référence pourrait appartenir davantage aux républicains. Pourtant, la Marseillaise étant de nouveau autorisée, le rappel de 1792 trouve aisément sa place6, au moment où la convocation pour la constitution de la garde mobile s’inscrit dans le processus de réalisation de la conscription généralisée. Cela ne signifie évidemment pas que toute la population ait accepté cette mesure avec enthousiasme, loin de là – comme le montrera la difficulté à réunir ces troupes. L’exemple des troupes révolutionnaires n’en est pas moins mis en valeur, dès juillet 1870, puis bien entendu après la proclamation de la République. « En province, on s’agite » souligne La Sarthe le 18 juillet, ajoutant : « C’est le pays entier qui se lève […]. Depuis les engagements de 92, depuis les guerres de la République, on n’avait pas vu pareil entraînement7. »
11Les mêmes références reviennent dans les colonnes de presse en 1914 : le 9 août, l’hebdomadaire radical Le Bonhomme sarthois revient sur la Révolution et 1870, publiant le premier ordre du jour du colonel Jullien, commandant le 117e RI, régiment caserné au Mans : « L’heure sonne pour la France de prendre sa revanche de 1870… ». La Sarthe le même jour publie un article du Temps sur « Les humiliations subies par la France ». Certes, ces faits anciens n’apparaissent pas dans tous les articles, mais ils ne sont pas rares. Sans être quotidiens, ils s’inscrivent dans la trame des justifications diverses apportées à la guerre.
- 8 La République sociale de l’Ouest, 8 août 1939.
12À l’inverse, en 1939, les références à la guerre de 1914-1918 sont innombrables dans certains titres de presse, comme Le Nord-Est dont l’éditorialiste, Gabriel Bruneau, est un ancien combattant. L’Union républicaine de la Marne y fait moins référence, au contraire de son homologue radical dans la Sarthe, Le Bonhomme sarthois. De même, les journalistes de La République sociale de l’Ouest, organe socialiste, ont troqué leur discours pacifiste d’avant 1938 contre une résolution plus favorable à l’entrée en guerre en 1939, utilisant les épithètes glorieuses pour évoquer le vingt-cinquième anniversaire de l’entrée en guerre par exemple8, et visant surtout à mettre en garde contre la menace hitlérienne, comme l’indique cet encart publié le 8 août 1939 :
« Vingt-cinq ans !
Hier : les atrocités en Belgique.
Aujourd’hui : l’horreur en Bohême.
Ceci n’est pas un réquisitoire mais un avertissement. […]
L’Allemagne restera toujours quel que puisse être le régime qui la domine, un
peuple fait pour la guerre et le pillage. L’instinct un peu sauvage du germanique
est maintenu chez les Allemands par la caste militaire qui continue à dominer. »
13Il faut tenir compte du fait que depuis les accords de Munich, une remobilisation a commencé, à l’initiative entre autre du ministre de l’Intérieur Albert Sarraut, pour garantir la sûreté générale. Un certain retour à la xénophobie a pu exister. Dans ce cadre, le rappel des faits de guerre, sans que le discours sur l’ennemi soit vraiment radicalisé en général, contribue sans doute à la remobilisation des esprits. Le lien entre l’usage des souvenirs et l’acceptation du recours à la guerre apparaît clairement ici. Il semble que ce ton se développe notamment dans le courant du mois d’août. La comparaison entre 1914 et 1939 est alors répandue : « Il n’y a vraiment rien de nouveau sous le soleil à Berlin. En 1914, tandis que nous laissions libre une bande de terrain pour éviter tout incident de frontière, les Allemands envahissaient notre pays sur trois points à la fois. Étant intervenus pour les chasser, nous prîmes, à leurs yeux, figures d’agresseurs. […] Le bluff continue, mais n’oublions pas qu’il peut conduire au pire. Soyons prêts. Chaque jour, devant notre attitude, la guerre recule. Chaque jour, notre force grandit. Nous avons gagné la guerre des nerfs. Si à force de bluffer, les dictateurs en viennent jusqu’à la folie sanguinaire, l’Histoire les jugera et ils y perdront tout, même l’honneur. », précise l’éditorialiste du Journal de la Marne le 13 août 1939. Cette tendance confirmerait l’évolution tout juste discernée dans l’étude des discours commémoratifs à la fin de l’année 1938.
14La prégnance d’images identitaires, par le biais de faits significatifs pour l’ensemble de la nation montre bien que la menace est perçue dans cette dimension identitaire d’autant plus mobilisée que le sentiment national est ancré dans la population. Il ne faudrait pas exagérer la portée de ces usages. Pour autant, ils semblent participer à la construction d’une argumentation favorable à l’acceptation du recours à la violence. Bien entendu, il est impossible d’en mesurer la portée sur le lectorat.
Des thématiques spécifiques à l’entrée en guerre ?
- 9 LS, 4 août 1870.
- 10 Le Nord-Est, 30 septembre 1939.
15Ainsi, la continuité des références se vérifie d’une entrée en guerre à l’autre. Les représentations ou les interprétations peuvent s’infléchir, les références demeurent souvent identiques. Un exemple très simple l’illustre parfaitement. Au moment où la violence devient réelle avec les premiers combats, les souvenirs anciens se trouvent également réinvestis. Au début du mois d’août 1870, le journaliste de La Sarthe évoque le sort de Sarrebruck en 1815 : « chef-lieu d’une principauté puis appartenant à la maison de Nassau, qui la garda depuis 1630 jusqu’à la paix de Lunéville, elle devient alors ville française, mais nous fut reprise à la suite des événements de 1815, qui la donnèrent à la Prusse9. » Soixante-neuf ans plus tard, les mêmes tacites regrets sont exprimés par le journaliste du Nord-Est, en septembre 1939, au moment de l’incursion française dans la Sarre : on évoque la bataille du 2 août 1870, puis le fait que Sarrebruck était française en 1794, et que la France l’a perdue en 181510. Ce n’est là qu’une information. Elle montre néanmoins la longue durée de certaines références, et peut-être dans le cas présent d’une image de la frontière.
- 11 LS, 19 juillet 1870.
16Bien d’autres thèmes reparaissent d’une entrée en guerre à l’autre, comme l’union, dont les premières références sont déjà présentes en 1870. Une lettre de Vétillard, conseiller général de la Sarthe par exemple, datée du 18 juillet 1870, publiée le lendemain dans La Sarthe, appelle à la trêve politique au moment de l’entrée en guerre : « La France est engagée dans une guerre qu’elle n’a pas cherchée. » « Il faut oublier tout dissentiment politique11. » Pour autant, si le vœu d’une union face au danger existe bien, celui-ci n’est guère réalisé, en tout cas, l’entrée en guerre de 1870 ne ressemble pas à la réalisation de cette union au début de la Grande Guerre. Cette aspiration existe bien et les journaux peuvent s’en faire le vecteur. Le Journal de la Marne par exemple, fustige à plusieurs reprises les désaccords parlementaires sur la guerre :
- 12 JDLM, 26 août 1870. L’auteur de cet article met ensuite en parallèle le Corps législatif de 1870 e (...)
« Par habitude, nous donnons le compte-rendu des débats du Corps législatif, mais nous sommes sûrs que le regard de nos lecteurs se détournera avec dégoût de ces discussions sans grandeur et sans élévation. […] Comme s’il devait y avoir maintenant une droite et une gauche, une majorité et une minorité ! Comme s’il n’y avait pas autre chose à faire que d’accorder ou de retenir tour à tour sa confiance au cabinet ! […] L’histoire dira plus tard qu’au moment où la France était envahie, au moment où Paris était menacé, il s’est trouvé une chambre plus prête à faire une révolution qu’à repousser l’ennemi12. »
- 13 LS, 8 juillet 1870. Éditorial.
17L’éditorialiste de La Sarthe, Dominique Mallet, exhorte lui-aussi à l’union, notamment le 10 août 1870, en reprenant les accents de 1792 : « C’est de l’union, c’est de l’entente qu’il nous faut aujourd’hui pour réussir. Les divisions intérieures seraient un crime. La patrie est en danger. Défendons-la ! » L’appui au gouvernement impérial ne fait pas de doute pour des deux principaux organes de presse de chaque département. Pour autant, l’idée d’une nécessité d’union de la part de la nation face à la menace mérite d’être soulignée. De même l’affirmation d’une tendance défensiste de la France est déjà présente en 1870, avatar des idéaux du temps de la révolution lorsque la France était décrite non comme un pays conquérant mais comme un libérateur de l’oppression des rois : « La France assurément désire la paix, elle la veut, elle la réclame. Mais il est des circonstances où la guerre est nécessaire pour assurer la paix et sauvegarder la grandeur et la dignité de la nation13. »
- 14 Par exemple, parmi les discours de généraux conservés au Prytanée National Militaire de La-Flèche (...)
18Un autre thème court toute la période : celui de la barbarie et de la civilisation. Le visage du barbare dont les caractères principaux ont été présentés auparavant semble se nouer tout particulièrement au cours de l’année 1870. Si le discours opposant la civilisation et la barbarie est plus ancien14, il n’est guère présent dans la presse au moment de l’entrée en guerre en 1870. Il faut dans la Sarthe, l’annonce du massacre de Passavant, une semaine après les faits, soit au début du mois de septembre, puis la relation du bombardement de Strasbourg, au même moment, pour que les premières condamnations soient exprimées de façon tranchée :
« L’épreuve sera dure, cruelle ; il y aura bien des deuils encore, bien des larmes, bien des souffrances. La barbarie tudesque va s’attaquer au foyer de la civilisation latine et semer les ruines dans la métropole des délicatesses du goût et de l’esprit. », annonce l’éditorialiste de La Sarthe le 18 septembre 1870, après avoir jeté l’opprobre sur « ces barbares frottés de métaphysique, ces Trissotins d’Université, ces idéologues démolisseurs qui prêchent les principes de régénération sociale et qui s’acharnent sur les chef-d’œuvre de l’art, de l’art gothique, de l’art allemand lui-même. Et ils ne le font que pour le simple plaisir de détruire ! »
- 15 Voir notamment un poème intitulé Les hordes d’Attila (LS, 7 décembre 1870).
19Les premières incursions allemandes dans le département à la fin du mois de novembre s’accompagnent de nouvelles imprécations15. Dans la Marne, l’occupation qui commence dès le mois d’août 1870 ne permet pas ce genre de jugement à l’emporte pièce.
- 16 Dans un article sur « la civilisation allemande ».
- 17 Un article du Petit Manceau, en date du 2 septembre 1914, intitulé « Les Froussards » critique ces (...)
- 18 La plupart des collections conservées à la BNF commencent à la fin septembre ou au début du mois d (...)
20Néanmoins, ces assauts de violence verbale sont bien peu nombreux au regard des titres proposés à la lecture des deux populations dès l’entrée en guerre de 1914. Les premières références à la barbarie apparaissent au moment des premiers combats significatifs, soit le 11 août dans la Sarthe et le 12 août dans la Marne. Le mot « barbare » était apparu dès le 6 août dans le quotidien sarthois16. Puis la presse se déchaîne : les deux organes principaux et bien d’autres journaux étudiés diffusent récits de vandalisme, de torture, de violences jugées illégitimes, visant en particulier des civils, tout en affublant l’ennemi d’épithètes toutes plus venimeuses les unes que les autres. Quelques exemples parmi d’autres donnent une idée de ce déchaînement de haine, qui ne saurait être généralisé à l’ensemble de la population, même s’il a pu nourrir des rumeurs, et éveiller un sentiment de panique17 : on parle de « soldats allemands incendiaires », de « cruauté contre nos agents diplomatiques en Allemagne », de « la fourberie allemande » dans Le Journal de la Marne du 12 août, et de « sauvagerie allemande », dans La Sarthe des 16 et 17 août 1914, puis le lendemain des « atrocités allemandes ». Même chose dans Le Nouvelliste de la Sarthe qui publie un article d’Albert de Mun, intitulé « furor teutonicus » et emprunté à L’Écho de Paris. Quant au Petit Manceau, il diffuse les mêmes titres : « Ils achèvent les blessés », « atrocités autrichiennes » le 13 août, « atrocités allemandes » « sauvagerie allemande » le 18, etc. Malheureusement, l’invasion ne permet pas de suivre l’évolution de la presse marnaise, en dehors de son titre châlonnais principal18.
- 19 JDLM, 11-12 septembre 1939. Ecl. E, 5 septembre 1939.
- 20 Voir aussi L’Éclaireur de l’Est, du 2 septembre 1939 – un article évoque « le Germain éternel ».
21Enfin, en 1939, l’évocation de la barbarie allemande se trouve davantage tempérée. Il est vrai que les journalistes, souvent anciens combattants, mettent en garde la population à plusieurs reprises contre les « bobards19 ». Si quelques titres et articles, notamment au cours de la première semaine du conflit, s’inscrivent dans la veine des représentations foncièrement hostiles, voire haineuses, envers l’ennemi, d’autres sont d’une pondération et d’une lucidité surprenantes. Le ton est en général plus modéré : le 3 septembre, un journaliste du Nord-Est utilise le mot « barbare », simplement pour montrer que les prières qui montaient sous la voûte de la cathédrale de Reims « demandaient moins peut-être l’éloignement du calice d’amertume des lèvres des mères, que le châtiment du barbare qui s’apprête à de nouveaux sacrilèges20 ». À gauche, la vision de l’ennemi est parfois plus nuancée, et l’éditorialiste de l’Union républicaine de la Marne de remarquer la cohésion du peuple français avant d’évoquer le peuple allemand :
- 21 Union républicaine de la Marne, 6 septembre 1939.
« Que faut-il penser du troupeau ainsi mené vers les durs chemins de la mort ? Une fois encore on a mâché ses pensées, on lui a fabriqué une vérité ; on l’a « doppé » soigneusement en vue de l’opération d’aujourd’hui. […] Et c’est bien la plus lamentable des choses que nous nous battions avec des hommes à l’égard de qui nous ne ressentons ni haine ni colère, mais dont la perpétuelle docilité a permis la guerre21. »
22L’ennemi demeure responsable de la guerre non plus par nature, mais par son adhésion à un régime totalitaire. Si les représentations demeurent sans trop de changement, l’interprétation évolue sensiblement. Dans l’ensemble, on constate néanmoins une continuité assez grande des références les plus importantes, références qui structurent l’identité nationale, et constituent un cadre de références possible permettant d’inscrire le conflit qui commence dans une continuité nationale. Bien sûr, déduire de ces articles de presse, de cette étude de la presse des deux départements au moment de chaque entrée en guerre ne saurait se substituer à une connaissance plus précise de l’attitude des Marnais et des Sarthois face à la guerre. Cependant, il est fort possible, en dehors des opinions qui sont construites à partir de ces références, que celles-ci traversent bien des esprits et donnent à percevoir l’événement d’une certaine manière. La référence au passé sert également à rendre rationnel un présent devenu insaisissable.
La comparaison passé-présent pour saisir l’inédit
- 22 Éditorial du Nord-Est du 17 octobre 1939.
23« Pour comprendre quelque chose au présent, il faut se reporter au passé chaque fois qu’il est possible22. » précise un journaliste du Nord-Est le 17 octobre 1939. Le souvenir n’est pas utilisé seulement pour justifier le recours à la violence ; il sert aussi à rendre intelligible le présent. La comparaison est bien sûr couramment utilisée dans la presse. Les journalistes cherchent à éclairer les événements en les comparant avec des faits passés, en donnant un sens aux faits qui se succèdent, ou en justifiant les décisions prises au niveau national.
- 23 Le Nord-Est, respectivement exemplaires des 3 septembre, 19 septembre, 25 septembre, et 22 octobre
24Les articles spécialisés dans l’information sur la guerre concernent bien sûr l’évolution des conditions du combat, les innovations techniques récentes en la matière, ou encore l’organisation de l’armée. La Sarthe du 16 août 1914 rappelle ainsi « Les effectifs des belligérants en 1870 », insistant sur la supériorité des effectifs allemands. La situation ouverte par la mobilisation générale appelle ainsi ce commentaire : « Aussi Bismarck pouvait-il dire : « La force prime le droit ». Seulement, il est des cas où le droit se trouve avoir pour lui la force. Les héritiers de sa politique brutale semblent l’avoir oublié. » Le Petit Manceau, quant à lui, avait présenté quelques jours plus tôt, « Le perfectionnement des armes et les pertes à la guerre » pour montrer comment, depuis 1859, l’évolution des armes à feu avait abouti à une réduction des pertes humaines en général. En 1939, les textes de ce genre sont très répandus dans la presse : Le Nord-Est compare ainsi les deux entrées en guerre de 1914 et de 1939, dès le 3 septembre, puis il décrit les finances de la guerre entre 1914 et 1939, évoque l’agriculture en guerre, les possibilités de l’empire colonial23, etc.
- 24 JDLM, 14 août 1870.
25Les considérations stratégiques proposées en regard des événements passés sont très courantes. Par exemple, on peut lire dans La Sarthe du 9 août 1870 cette lecture des premiers mouvements de troupe : « Les Prussiens ont envahi le territoire français. Comme en 1815, ils s’avancent sur notre sol. À qui revient la responsabilité de cette attitude défensive, qui devait être si funeste à nos troupes ? » Dans la Marne, la comparaison se construit sur les combats dont le département avait été le théâtre lors de la campagne de France, en 1814 : « Les Prussiens seraient précisément dans la position où Napoléon Ier voulait mettre les alliés en 1814 par sa marche excentrique24. » En 1939, les remarques se font sur le même registre, avec le désir de relier plus encore les évolutions des armées à tout ce qui demeure en mémoire pour la plupart des hommes d’âge mur. L’éditorial du Nord-Est du 8 septembre, choisi parmi d’autres, montre la tentation de relier les deux guerres pour comprendre le présent :
« Une note inspirée a commenté hier le premier communiqué de la journée. Elle répond certainement à la préoccupation d’une foule de gens qui ne réalisent pas du tout ce que c’est que la guerre moderne, et qui ne soupçonnent pas qu’un état-major puisse avoir un plan dont la première condition de succès est le secret.
Ceux de la guerre 1914-1918 n’ont pas cette sorte d’impatience. Ils se souviennent des interminables journées traînées dans les tranchées de l’Artois, de la Somme, du Chemin des Dames, de Champagne, d’Argonne, etc. Ils montaient en ligne parfois pour quinze jours, un mois, deux mois, avec des relèves monotones, sans qu’il se passât dans le secteur autre chose que des actions de patrouille, ou de coups de main audacieux, mais sans envergure. Cette immobilité était imposée par la fortification improvisée. Peut-on imaginer que devant des fortifications élevées suivant un plan méthodique dans le temps et sur les lieux, des mouvements d’amplitude soient exécutés aisément ? »
26Trois jours plus tard, toujours en se fondant sur une comparaison avec l’expérience de la guerre de 1914-1918, un autre éditorial intitulé « possibilités de manœuvres » présente une vision différente :
« Qui donc pourrait prétendre que la guerre a repris en 1939 au point où elle avait cessé en 1918 ? N’est-il pas survenu des changements considérables dans le matériel et les armes, et particulièrement dans les chars d’assaut et les avions ? »
27Le témoignage de vétérans ne tient pratiquement aucune place dans l’entrée en guerre de 1870 et celle de 1914, même si elle n’est pas totalement absente. Le 21 juillet 1870, La Sarthe publie par exemple la lettre du duc de Mortemart-Rochechouart, vétéran des guerres napoléoniennes : « Je me sers encore des éperons que je portais dans le 1er dragon pendant la bataille d’Iéna ; mais je ne supporterais plus les bivouacs », écrit celui-ci.
28La comparaison implicite voulue ici par la rédaction qui a choisi de publier ce témoignage, doit susciter l’émulation, tout en éveillant les souvenirs glorieux de l’épopée napoléonienne. La guerre de 1939 donne lieu dans certains titres de presse à la multiplication d’analyses faites par des anciens combattants : la proximité entre les deux conflits mondiaux, et le traumatisme profond encore vécu par bon nombre d’anciens « Poilus » explique l’usage important des comparaisons, sans que celles-ci se présentent toujours de façon exemplaire. La comparaison entre les belligérants apparaît ici ou là dans le but de jauger la force de l’un et de l’autre, ou de retirer de l’observation de l’adversaire des enseignements utiles à la victoire : « Agissons comme ont agi les Prussiens de 1813 et nous triompherons en 1870 », affirme Duchêne dans Le Siècle, sentence reprise par La Sarthe du 22 octobre 1870.
29Dans l’ensemble, comparer est un moyen permettant de mobiliser les références culturelles, tout en maîtrisant l’angoisse causée par le caractère inconnu et aventureux de la guerre. La force est affirmée, face à l’ennemi, dont on cherche à anticiper les actes en recourant aux précédents. Le procédé est fréquent dans le style employé par les journalistes. Toutefois, bien des contemporains y recoururent pour tenter de comprendre la trame des événements dont ils ne saisissaient pas toujours la diversité des causes, surtout lorsqu’ils avaient déjà connu le combat. L’abbé Fernand Duval, curé d’Yvré-l’Évêque, commence le récit de la guerre par des « remarques à faire entre 1870 et 1914 ». L’ancien brancardier de 1870 puise dans ses souvenirs de jeune homme la possible intelligibilité des faits, en même temps que l’espoir d’un combat mené de façon plus assurée :
- 25 Journal de l’abbé Duval F., Notes pour servir à l’histoire de la paroisse…, op. cit., année 1914.
« Mais il faut bien remarquer que dès le début, la guerre de 1914 ne ressemble en rien à celle de 1870, ni dans sa raison d’être, ni dans son organisation. Ne parlons pas de sa raison d’être, l’histoire est là qui nous le dit à tous. Mais dans son organisation quelle différence. Autant 1870 était mal préparé, autant c’est le contraire pour 1914. En 1870, l’armée partait mécontente, avec désunions, à la débandade, et accompagnée d’une véritable révolution dans les esprits.
En 1914, tous les cœurs, sans aucune exception, et cela chez toutes les opinions, marchent dans la plus grande union, avec courage et se soutiennent les uns les autres. Toutes les populations sont enthousiasmées, prêtes à tous les sacrifices, fleurissent, enguirlandent, les pièces d’artillerie de nos armées, les fusils de nos soldats. On se souvient encore de nos pauvres mobiles, revenant du combat de la Loire, dans un état lamentable, absolument déguenillés. Rien ne ressemble actuellement à cet état de choses. Tous nos soldats partent bien munis, bien habillés, et en tout dignes d’un grand peuple. Une chose consolante surtout qui est à remarquer c’est que nos soldats et officiers, en grand nombre, partout, se confessent et communient avant leur départ25. »
30Les souvenirs convoqués ici pour lire le présent proviennent de l’expérience personnelle tout autant que des représentations apposées sur cette expérience. Celles-ci se sont déposées en strates successives sur le fait originel au cours des cinquante années qui ont passé depuis la défaite. C’est à travers ce miroir déformant des souvenirs que la situation présente est analysée. Le mécontentement de l’armée, la désunion, ou encore l’esprit de révolution, révèlent une contraction en une image de faits nombreux dispersés sur toute l’année de guerre, depuis juillet 1870 semble-t-il jusqu’à la Commune de Paris. Quant aux manifestations d’enthousiasme, l’abbé paraît en avoir été le témoin. Rappelons que sa paroisse se trouve à seulement quelques kilomètres du Mans, où en effet, quelques manifestations patriotiques avaient eu lieu, notamment à la gare. La comparaison lui apporte en tout cas une consolation, et sans doute parvient-il par ce procédé à maîtriser quelque peu une inquiétude. Cependant, si de tels usages des souvenirs traversent en général toute la guerre, il semble que ceux-ci au bout de quelque temps s’estompent de façon significative.
31Les souvenirs ne sont pas rappelés sans reposer sur des formes d’argumentation particulières présentes à la fois dans la presse, dans les discours, voire dans des journaux personnels ou dans la correspondance. Le souvenir n’est jamais évoqué pour lui-même. Il est toujours associé au présent, en temps de guerre comme en temps de paix d’ailleurs. Cependant, cette association devient essentielle au moment du danger, au moment où toute une société vacille dans un autre état, dans l’inconnu et le risque, mettant en jeu sinon son existence, en tout cas son identité.
Le glissement vers de nouvelles représentations
32Au jour le jour, davantage en 1914 qu’en 1870, certains journaux proposent des moyens de comparer la situation présente avec les faits passés, d’une façon systématique. Ce sont de véritables grilles de lecture que la presse présente dans ses colonnes parfois sous la forme de feuilletons. Pourtant, dans les premiers mois du conflit, la réalité s’obstine à démentir une comparaison bien spécieuse : un nouveau système de représentations, celui de la Grande Guerre, se substitue au précédent, s’impose imperceptiblement. La guerre d’abord imaginée par le biais de l’Année terrible, acquiert sa propre capacité d’évocation, de signification.
Les limites du recours au passé
33L’étude du Bonhomme Sarthois, sans être absolument représentative, donne une idée de cette transition. Le 2 août 1914, l’annonce de la déclaration de guerre est accompagnée d’une première référence à 1870. Le 9 août, comme nous l’avons vu, l’ordre du jour du colonel Jullien, commandant le 117e R.I. est publié : « L’heure sonne pour la France de prendre sa revanche de 1870… ». Puis le premier effort du journal s’oriente vers une comparaison jour après jour des événements de 1870, avec l’évolution des troupes sur le terrain de 1914. La rubrique, intitulée « 1870-1914 » est publiée à partir du 23 août 1914. Un autre feuilleton du même genre apparaît le 25 octobre 1914 : « Le Mans pendant les deux guerres ».
- 26 Le Bonhomme sarthois, 22 août 1915.
- 27 Article intitulé « ce n’est pas d’aujourd’hui que les Prussiens ne respectent pas les traités : 17 (...)
34Il faut prouver que cette fois, la France est prête, et assumera son rôle jusqu’au bout, sans défection. Ces articles contribuent à la mobilisation des esprits, en ravivant les douleurs, les frustrations nationales, et la haine du Prussien. « On ne peut douter du succès final lorsqu’on compare la situation actuelle avec celle de 1870 à la même époque », écrit un journaliste le 18 octobre 1914. Le journal rappelle ainsi régulièrement au souvenir des lecteurs les invasions passées, par exemple au moment du centenaire de l’arrivée des Prussiens au Mans en août 181526. L’humiliation ressassée doit soutenir la volonté d’en finir, exacerber la haine de l’ennemi, en accréditant l’idée que la France ne fait que se défendre, est dans son bon droit, n’a pas provoqué une Allemagne véhémente, traditionnellement hostile et belliqueuse, bafouant les traités27. Malgré tout, le rappel de l’humiliation doit être nuancé. Les allusions à l’Alsace-Lorraine sont somme toute assez rares, ce qui peut sembler paradoxal.
35Puis le temps passe et la guerre, qui devait être courte s’éternise : la chronique « 1870-1914 » est exploitée jusqu’au jour où la guerre de 1914 dépasse en durée celle de 1870. Qu’à cela ne tienne ! Le journal poursuit le récit en évoquant la Commune de Paris, pour bien faire comprendre que l’union est la plus sûre des attitudes pour tenir et remporter la victoire. La chronologie s’interrompt le 6 juin 1915 à la date du 29 mai 1871, fin de la Commune de Paris. Le feuilleton sur Le Mans pendant les deux guerres est clos depuis le 30 mai. Le mythe de la guerre courte s’évanouit dans la guerre d’usure, de même le souvenir de 1870 devient de moins en moins propre à évoquer la guerre. Le changement de stratégie l’avait déjà mis à mal pour que le 20 septembre 1914, on s’aperçoive que « ce n’est plus comme en 1870 ». Et le journal de décrire les tranchées, l’enlisement… C’est là peut-être un exemple isolé. Malgré tout, d’autres chroniques ont sans doute vu le jour dans la presse française. En 1939, la rédaction du quotidien Le Nord-Est choisit le même procédé au moment de l’entrée en guerre, dès le 3 septembre en titrant en page 4 : « Comment fut engagée la guerre de 1914-1918 (rappel au jour le jour du déclenchement de la guerre) ».
- 28 « Il y a une idée qui commence à s’ancrer dans les esprits aux armées et chez les civils : c’est c (...)
36Dans l’ensemble, le glissement des représentations de la guerre commence vers la fin septembre 1914 pour la première guerre mondiale, et à l’automne 1939 pour la deuxième guerre mondiale. Sans doute intervient-il quand l’espoir d’une guerre courte commence à s’éloigner, comme le font penser certains articles28. Une autre raison explique ce début de substitution des représentations, dont le processus se poursuit bien après la fin du conflit comme cela a été montré auparavant : c’est la confrontation à des faits de caractère inédit. D’une certaine manière, le cadre de références mobilisé au moment de l’entrée en guerre, sans disparaître complètement, a tendance à perdre de sa pertinence à partir du moment où la réalité fait mentir le passé, à partir du moment où la perception des faits nécessite la révision des connaissances acquises, des représentations anciennes.
La bataille de la Marne
- 29 Dans un article intitulé « Les Prussiens à Châlons ».
37« C’est bien définitivement une invasion en présence de laquelle nous nous trouvons. Jusqu’au dernier moment, nous nous étions refusé à le croire », reconnaît le journaliste du Journal de la Marne, le 28 août 187029. Ce constat dit toute la surprise d’une défaite qui n’avait pas été envisagée dans un délai si rapide : la déclaration de guerre ne date que d’un mois et demi à peine ! La façon de présenter l’événement montre que celui-ci vient d’être perçu à sa juste mesure, ce qui inspire deux remarques : d’une part, la perception de l’invasion passe dans le cas présent par la reconnaissance d’une situation, peut-être à partir de références, comme les invasions anciennes, celles de 1814 et 1815 notamment ; d’autre part, l’impossibilité de réduire tout événement à la réminiscence d’une expérience ancienne, vécue ou transmise. Peut-être est-ce un lieu commun de rappeler que tout fait qui arrive est pour l’individu qui le vit inédit. Il ne faut pas perdre de vue également la façon dont un événement est porté à la conscience si l’on veut comprendre le rôle de références et de souvenirs, collectifs ou privés, dans la construction d’une opinion et d’une action.
38Les souvenirs, au moyen de la comparaison, ont pu permettre de saisir les premières péripéties de la guerre, jusqu’à ce que celle-ci, toujours différente de la précédente ne serait-ce que par les situations diplomatiques, les différences d’organisation militaire, l’évolution des techniques de combat, vienne à susciter ses propres représentations. Ce glissement vers de nouvelles représentations intervient au cours des premiers combats, et aussi longtemps que l’espoir d’une guerre courte et victorieuse subsiste. La durée des représentations provenant du conflit précédent peut être également due au fait que les journaux locaux n’ont pu dépêcher de correspondants sur les lieux des combats, ce qui est le cas souvent des feuilles locales, tributaires des informations diffusées par les titres nationaux, et des communiqués officiels publiés par l’état-major. En 1914 notamment, la situation désastreuse de l’armée française à la fin du mois d’août est cachée à la population jusqu’au communiqué du 25 août. Même si les populations en province ont accès à des journaux ou des hebdomadaires illustrés nationaux, plus à même d’établir une situation par les communications de leurs correspondants, il est fort probable qu’elles perçoivent la réalité d’un événement avec un certain décalage par rapport à la population parisienne.
39À ce propos, l’exemple de la bataille de la Marne se révèle significatif. Celle-ci semble avoir bouleversé les esprits, transformé la perception de la guerre : les Français pensaient revoir, à l’instar de 1870, des batailles rangées d’une journée ou de violents accrochages successifs pendant quelques jours. Une bataille longue sur un front d’une centaine de kilomètres était difficilement concevable. Les titres annonçant la bataille de la Marne dans les principaux journaux sarthois et manceaux montrent bien la difficulté à cerner, imaginer, concevoir cette gigantesque opération d’une semaine sur une ligne de 200 kilomètres.
- 30 JDLM, 24 août 1914.
- 31 L’illustration, 12 septembre 1914.
- 32 Le journal emploie l’expression « bataille de la Marne » le 17 septembre. Une section historique d (...)
40Dès la fin du mois d’août, les journalistes expriment une certaine surprise mêlée d’impuissance devant la situation militaire nouvelle créée par « L’énorme extension du front et l’importance des effectifs engagés [qui] empêchent de suivre pas à pas les mouvements de chacune de nos armées. Il convient en effet pour apprécier la situation d’attendre un résultat qui serve de conclusion à la première phase des combats30. » Certes, à ce moment, le laconisme des communiqués officiels ajoute encore à l’opacité des événements qui se déroulent. Les rumeurs et les paniques évoquées plus haut trouvent en partie leurs racines dans cette difficulté à saisir la réalité. Les premières relations assez précises sont éditées au moment où la bataille est en fait pratiquement achevée. L’exemple de La Sarthe illustre le cas des autres feuilles locales. Le 9 septembre, alors que les combats font rage sur l’ensemble du front à l’est de Paris, le journal évoque toujours « la reculade », et il faut attendre le 12 septembre pour que l’on annonce « la grande bataille », en indiquant prudemment que « la victoire se dessine en faveur des armées franco-anglaises ». Le rappel de l’enchaînement des faits est déjà précis, et la dimension de la bataille est bien comprise : « de l’Oise et de la Seine-et-Marne à la Meuse ». Bien entendu, la bataille n’a pas encore son nom de baptême, déjà présent dans la presse parisienne31. Il faut attendre quelques jours pour que la dimension exacte de la bataille de la Marne soit intégrée dans les représentations du présent. Le Nouvelliste de la Sarthe évoque « La bataille de Champagne » le 9 septembre, puis plus rapidement que son confrère, « La bataille sur la Marne » les 10-11 septembre 1914. L’idée de combats intensifs sur un front si étendu dépasse les représentations attendues d’une guerre encore imaginée à l’aide des souvenirs anciens32. Puis la succession des combats accentue encore le caractère inédit de l’événement, et les journalistes ont peine à concevoir les combats qui s’ensuivent. Est-ce une seule bataille ? Est-ce une succession de combats d’envergure limitée ? Les titres révèlent le tâtonnement. Voici comment La Sarthe présente l’évolution militaire au cours du mois de septembre :
12 septembre |
« La grande bataille » |
13 septembre |
« La victoire franco-anglaise » et titres divers dont « la bataille de Meaux » |
14 septembre |
« La bataille sur la Marne » |
16 septembre |
« La victoire » |
19 septembre |
« La bataille de l’Aisne » |
26 septembre |
« Bataille formidable » dans l’Aisne, autour de Péronne, à Verdun |
10 octobre |
« La bataille dans le Nord » |
- 33 Drévillon H., Batailles. Scènes de guerre de la Table Ronde aux Tranchées, Paris, Le Seuil, coll. (...)
41Dans le courant du mois d’octobre, environ un mois après la fin de la bataille de la Marne, il semble que les journalistes, et certainement les populations, aient pris conscience de la nouvelle forme prise par les combats. Toutefois, les combats qui s’enchevêtrent, sans transition ni pause et les différentes batailles qui jalonnent la course à la mer ne sont pas toujours parfaitement distingués : « nous tenons depuis trente jours dans la plus formidable bataille qui ait jamais existé », écrit un journaliste du Bonhomme sarthois le 18 octobre 1914. Ainsi disparaît le « paradigme événementiel que représentait la bataille » ; « la bataille n’était plus qu’une façon de parler », à défaut de pouvoir être pensée33.
42Sans doute la perception du présent est-elle très différente dans la Marne. L’absence de publication à partir du début du mois de septembre, et jusqu’au début du mois d’octobre empêche de les approcher correctement. Il est intéressant de constater qu’au sortir de la bataille proprement dite, puisque ce département est traversé par les mouvements de troupes et devient le théâtre des combats pendant une quinzaine de jours, la presse ne reprend pas simplement le fil des événements. Elle propose à ses lecteurs une vision rétrospective, recourant le cas échéant à la comparaison entre 1914 et 1870. Ainsi L’Union républicaine de la Marne présente le 9 octobre un « Coup d’œil rétrospectif sur l’ensemble des opérations », après avoir fait le parallèle entre les deux guerres franco-allemandes trois jours plus tôt. Le journaliste indiquait alors : « Voici deux mois que l’Allemagne a attaqué la France. C’est la première période de la guerre qui s’achève après les deux batailles colossales qui aient jamais été livrées. » Il remarque ensuite la similitude des stratégies allemandes visant le cœur du pays, et la prise de la capitale, afin de montrer comment la France a redressé la situation en 1914, omettant la description de la retraite du mois d’août. Quant au Courrier de la Champagne, il publie l’avis d’un vétéran le 1er octobre.
43Cependant, les nouvelles représentations vont se fixer à partir de l’enlisement des combats et de la constitution d’une ligne ininterrompue de tranchées depuis la mer du Nord jusqu’aux Vosges. La première référence aux tranchées apparaît dans Le Petit Manceau du 23 septembre 1914 :
- 34 Le Petit Manceau, 23 septembre 1914. « Comment est engagée la bataille – La guerre au fond des tra (...)
« Ce qui frappe dans les premiers communiqués du Ministère de la guerre relatifs à la bataille qui se déroule au Nord de l’Aisne, c’est que les armées allemandes se renforcent par des travaux de fortifications importantes depuis Reims jusqu’à la Meuse, à travers les défilés et les forêts de l’Argonne, et le long de la frontière de Lorraine et d’Alsace. La guerre a donc changé de caractère. Après les grandes batailles à découvert, nous avons la lutte à couvert dans des abris artificiels. Ce sont donc des opérations comme celles des Russes et des Japonais en Mandchourie qui ont commencé depuis huit jours. […] Mais si les armées allemandes remuent de la terre et creusent des tranchées, les armées françaises aussi font des trous et manient l’outil du terrassier34. »
- 35 Union républicaine de la Marne du 6 octobre 1914. Journal de la Marne des 15, 16 octobre 1914.
- 36 LS, 7 octobre, puis 11 novembre 1914.
44La perception est construite ici à partir du communiqué officiel, puis certainement par la suite à l’aide des premières photographies présentes notamment dans les hebdomadaires illustrés. C’est surtout deux à trois semaines plus tard que des articles se multiplient pour décrire cette nouveauté qui va peu à peu devenir une référence essentielle des représentations de la Grande Guerre35. Dès lors, une question va se poser : « la guerre sera-t-elle longue36 ? »
La drôle de guerre
- 37 Voir à ce sujet le Journal de la Marne, des 15 décembre 1939, 25 février 1940, et Le Nord-Est des (...)
45Des remarques similaires pourraient être faites à propos de la guerre de 1939-1940. La durée d’utilisation des références anciennes, liées à la guerre précédente, est assez proche. Les souvenirs sont focalisés sur la période de la guerre de position, alors que l’année 1918 avait révélé la puissance de nouvelles armes, le char et l’avion, ceux-ci ayant facilité la percée du front et la victoire. Or, la fortification demeure la référence absolue en matière de stratégie, tant chez les généraux que dans la population. Ainsi un communiqué de la mairie de Reims publié dans Le Nord-Est du 8 septembre précise que « des tranchées seront creusées pour ceux qui n’ont pas d’abris ». Quelques jours plus tard, la rédaction va jusqu’à proposer une méthode pour creuser des tranchées accompagnée de croquis, sous le titre : « Comment établir une tranchée dans son jardin ». Pourtant, la guerre surprend la population pour d’autres raisons : il n’y a pratiquement pas d’opérations. L’éditorialiste du même journal constate dès le 26 septembre 1939 que la guerre n’a rien à voir avec la précédente : « un ami qui revient du front, et qui a vu nos unités vaquer à leurs occupations de cantonnement comme en temps de guerre nous disait hier : “C’est une drôle de guerre”. » L’expression est connue et reprise plusieurs fois dans la presse ; dans le Journal de la Marne du 5 novembre 1939, en première page par exemple37 :
« Ce sont surtout ceux de l’autre guerre qui le disent. Mobilisés ou non, ils s’étonnent de cet arrêt des opérations. De leur temps, c’était un va-et-vient continuel des troupes. À tout instant, on réclamait des renforts, on passait des secteurs à l’arrière pour quelques jours de repos et on remettait ça. Secteurs tranquilles quelquefois ; le plus souvent secteurs agités en attendant les grands jours des attaques infernales, avec leur orchestre terrifiant, avec leurs manœuvres horribles. C’est bien ainsi que les anciens ont connu la guerre : pour eux, la guerre, c’est cela.
Or celle d’aujourd’hui n’a jusqu’à présent aucun de ces caractères et les anciens de répéter : « Quelle drôle de guerre ! » Nos gars sont partis en septembre. Ils écrivent abondamment. Que disent-ils ? Ils parlent peu de la guerre ; mais ils ont sur ce chapitre si peu de choses sensationnelles à raconter ! Il est difficile de broder sur le presque-rien. […] la plupart même des troupes d’avant avouent n’avoir même pas entendu le canon, sinon dans le lointain. […] Des héros alors ? non, mais ce sont des soldats qui font leur devoir. […] Tactique heureuse qui, grâce à la patience, a pu sauver déjà tant de précieuses vies humaines. »
46Peut-être cette situation inédite elle aussi par sa passivité et l’éloignement par rapport aux formes attendues de la guerre a permis le maintien assez longtemps des représentations de la Grande Guerre, peut-être davantage qu’en 1914 où le contraste des opérations guerrières par rapport à la première guerre franco-allemande et notamment le passage d’un nouveau seuil dans la violence, avaient pu reléguer les anciennes références en quelques semaines dans un passé moins susceptible de donner une lecture du présent.
*
47La crise de chaque entrée en guerre a suscité la mobilisation des références communes, d’un imaginaire de la guerre latent dans la société, préexistant au conflit. Cette cristallisation dans un moment où le danger fait basculer une société dans un autre état est propre à affecter des images qui, auparavant diffusées, n’étaient pas systématiquement évocatrices. Auparavant, chaque crise diplomatique a pu affecter momentanément ces représentations, entretenant un imaginaire de la guerre constitutif de la culture de toute société. Dans le choc et la tension de l’entrée en guerre, les images, thèmes, mythes véhiculés par la mémoire du conflit précédent s’impriment durablement dans les esprits. Ces représentations maintenues ou transmises sont d’abord utilisées pour justifier le recours à la guerre, le casus belli, mais aussi simplement pour saisir la réalité fuyante. Puis vient une étape pendant laquelle les représentations précédentes sont mises à mal par la confrontation à l’inédit suscitant de nouvelles images liées aux nouvelles formes de combat.
48Le consentement à la guerre, loin d’être spontané, ne prend un sens que dans ce contexte de crise colorant de nécessité et d’urgence des références communes dormantes, en tout cas plus ou moins appropriées par les individus. Pour autant, rien ne détermine une société à entrer en guerre, et les raisons du déclenchement se situent dans un enchevêtrement de causes extrêmement diverses. L’usage des souvenirs a sa part dans la conception et l’identification de la menace. Acceptation du recours à la violence, haine et peur de l’autre, se structurent, à partir du moment où l’identité du corps social est jugée remise en cause par une menace extérieure. Cette cristallisation se réalise d’abord sur le mode imaginaire, la majorité des hommes en passe de devenir des combattants n’ayant aucune expérience directe du combat.
49Dans le contexte d’hostilité latente ou potentielle entre la France et l’Allemagne notamment, mais aussi par moments envers le voisin britannique, nourrissant un sentiment d’insécurité tout au long de la période 1870-1939, la commémoration, vecteur d’un système de représentations, a pu faciliter l’entretien de l’idée du recours à la violence. Paradoxalement peut-être, la commémoration ne permet pas seulement de mesurer l’évolution du traumatisme de guerre, et son possible effacement progressif, mais elle véhicule également, parmi d’autres supports, une lecture de la guerre, qui conditionne le rapport qu’entretient une société avec cette éventualité. C’est dans l’interface entre la guerre et la paix que ces références sont les plus actives, les plus diffuses et les plus utilisées, lorsque le trouble du présent, par l’effraction de la violence, nécessite le recours au connu pour ne pas sombrer dans la hantise et la folie.
Notes
1 Bouthoul G., Traité de polémologie, Paris, Payot, 1991, p. 329 et 330.
2 Charles L., Notice sur l’invasion à La Ferté-Bernard en 1870-1871, Paris et Le Mans, 1878, 23 p.
3 LS, 18 juillet 1870.
4 JDLM, 15 juillet 1870.
5 JDLM, 19 juillet 1870.
6 Voir La Sarthe des 7 août, 12 août, 17 août, 18 août, 19 août, 26 août, 1er septembre 1870, entre autres, le souvenir de Valmy, de Carnot, des volontaires de 1792 sont régulièrement repris.
7 LS, 18 juillet 1870. Article intitulé « L’élan patriotique ». Précisons que ce journal est favorable au gouvernement impérial.
8 La République sociale de l’Ouest, 8 août 1939.
9 LS, 4 août 1870.
10 Le Nord-Est, 30 septembre 1939.
11 LS, 19 juillet 1870.
12 JDLM, 26 août 1870. L’auteur de cet article met ensuite en parallèle le Corps législatif de 1870 et la Chambre de 1815.
13 LS, 8 juillet 1870. Éditorial.
14 Par exemple, parmi les discours de généraux conservés au Prytanée National Militaire de La-Flèche depuis 1807, l’un d’entre eux est construit autour de ce thème, celui du général Duteil, en 1813 : « Combien de chefs illustres ont allié le savoir à l’héroïsme ! l’histoire les sépare des Alarics et des Attilas, comme elle sépare les peuples civilisés des peuples barbares », explique-t-il aux jeunes élèves. Discours prononcé le 15 septembre 1813. Brochure imprimée à La Flèche, discours et palmarès de la distribution des prix 1849 (Bibliothèque du Prytanée).
15 Voir notamment un poème intitulé Les hordes d’Attila (LS, 7 décembre 1870).
16 Dans un article sur « la civilisation allemande ».
17 Un article du Petit Manceau, en date du 2 septembre 1914, intitulé « Les Froussards » critique ces réflexes de panique causés par les nouvelles et liés aux souvenirs de l’invasion de la guerre précédente : « Depuis quelques jours trop de gens ne sont pas à la hauteur du courage de nos soldats. Parce que les Allemands ont fait une trouée – unique – dans nos ligne de défense, leur cœur de lièvre bat plus fort. Ils ont peur et vous crient que nous recommençons 1870. Vraiment ces trembleurs révèlent une piètre confiance en l’héroïsme de nos pioupious qui partirent le mois dernier si vaillants. »
18 La plupart des collections conservées à la BNF commencent à la fin septembre ou au début du mois d’octobre 1914.
19 JDLM, 11-12 septembre 1939. Ecl. E, 5 septembre 1939.
20 Voir aussi L’Éclaireur de l’Est, du 2 septembre 1939 – un article évoque « le Germain éternel ».
21 Union républicaine de la Marne, 6 septembre 1939.
22 Éditorial du Nord-Est du 17 octobre 1939.
23 Le Nord-Est, respectivement exemplaires des 3 septembre, 19 septembre, 25 septembre, et 22 octobre.
24 JDLM, 14 août 1870.
25 Journal de l’abbé Duval F., Notes pour servir à l’histoire de la paroisse…, op. cit., année 1914.
26 Le Bonhomme sarthois, 22 août 1915.
27 Article intitulé « ce n’est pas d’aujourd’hui que les Prussiens ne respectent pas les traités : 1756, 1866, 1870 », publié dans Le Bonhomme sarthois du 20 juin 1915.
28 « Il y a une idée qui commence à s’ancrer dans les esprits aux armées et chez les civils : c’est celle de la longue durée possible de la guerre » (Le Nord-Est, 6 octobre 1939). « L’opinion publique française s’installe dans une guerre prolongée » (Le Nord-Est, 6 novembre 1939).
29 Dans un article intitulé « Les Prussiens à Châlons ».
30 JDLM, 24 août 1914.
31 L’illustration, 12 septembre 1914.
32 Le journal emploie l’expression « bataille de la Marne » le 17 septembre. Une section historique de l’état-major de l’armée au Ministère de la Guerre fut chargée en 1919 « d’uniformiser et de réglementer les appellations à donner aux batailles d’ensemble et aux combats principaux. Dans ce tableau la bataille qui se déroula en septembre 1914 sur les plateaux au Nord de Sézanne, porte le nom des « Batailles des Marais de Saint-Gond ». Elle fait partie de la bataille d’ensemble dénommée « Bataille des deux Morins », classée elle-même dans l’opération appelée “Bataille de la Marne” » (JDLM, 21-22 décembre 1919).
33 Drévillon H., Batailles. Scènes de guerre de la Table Ronde aux Tranchées, Paris, Le Seuil, coll. « L’univers historique », 2007, p. 366.
34 Le Petit Manceau, 23 septembre 1914. « Comment est engagée la bataille – La guerre au fond des tranchées ». Souligné par nous.
35 Union républicaine de la Marne du 6 octobre 1914. Journal de la Marne des 15, 16 octobre 1914.
36 LS, 7 octobre, puis 11 novembre 1914.
37 Voir à ce sujet le Journal de la Marne, des 15 décembre 1939, 25 février 1940, et Le Nord-Est des 8 septembre 1939, 26 septembre 1939, 17 octobre, 6 novembre, 29 novembre, 27 décembre, 3 mars 1940, et 7 avril 1940.
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