Les villes de Bretagne au XVIIIe siècle
|4e partie. Ville et politique
Chapitre XVIII. Une fiscalité de plus en plus pesante
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La fiscalité en Bretagne
Le poids financier de l'armée et de la guerre : une longue pratique contestée
1Faire la guerre, entretenir des armées, amenèrent bon gré, malgré les gouvernants à mettre en place des mesures fiscales ou parafiscales. Ils le firent d'abord en situation d'urgence en temps de guerre puis pour maintenir un dispositif militaire en temps de paix. Cela s'effectua par à-coups, avec des arrêts, des repentirs, mais la tendance du xve siècle au xvie siècle est nette.
- 1 A.D., 35~C 2640, États 1570. A. Rebillon, Les États… 1932, t. I, p. 214.
2Les Bretons payaient déjà sous les ducs et les rois héritèrent d'une fiscalité qu'ils ne firent qu'améliorer dans un premier temps. En 1512, les États votèrent la levée des fouages, d'un impôt sur le vin, d'une aide sur les villes exemptes des fouages pour l'entretien des places fortes et l'achat de munitions. Ils firent de même en 1525, sans oublier de rappeler que la levée des fouages avait pour objet limité la solde des « troupes étrangères appelées à la défense du pays » et que les ducs n'avaient pu les lever « qu'avec le consentement des sujets, de gré à gré », sujets qui se cotisaient « volontairement pour subvenir à la sécurité et affaires publiques1 ».
- 2 En 1575, 32444 feux payant 10 L 18 s chacun. Le crue des Maréchaux créé en 1572 (supprimé en 1720) (...)
3Aux fouages ordinaires qui rapportaient d'abord 214 000 L, puis 279 500 L, les gouvernants joignirent d'autres impositions : garnison, taillons, crus des prévôts, qui portèrent le tout à 445 375 L2. Ils pratiquèrent aussi à l'occasion le doublement, voire le triplement. Une vingtaine de villes les rachetèrent mais elles payèrent les aides en contrepartie et les sommes déboursées étaient tout à fait dérisoires. Les autres impôts perçus par les États, les impôts et billots, devaient, ainsi que le rappela leur assemblée en 1724, servir aux fortifications des villes comme « ils furent premièrement à ce introduit ». Usage d'ailleurs exclusif aux dires du procureur de Nantes qui demanda que le procureur des États fasse opposition « à la baillée des billots pour autant que ils le voldraient autrement emploiez ».
4Ni les impôts ducaux, ni la contribution des villes à leur défense ne suffisaient à couvrir les frais qu'entraînaient les guerres nouvelles. Dans un premier temps l'appel aux fonds bretons apparut exceptionnel. Le Roi en appelait à la solidarité bretonne pour faire face à ses difficultés. Il s'agissait de contributions « extraordinaires » pour payer l'entretien des troupes venant en Bretagne en période de danger. Le Roi s'adressait aux États de Bretagne, leur expliquait la situation et leur indiquait le montant de l'aide qu'il voulait obtenir. Les députés n'appréciaient pas toujours ses demandes et ils protestèrent en 1543, encore en 1569, quand il leva 60000 L sur les villes. Nous savons l'histoire mouvementée de cette période aussi retrouvons-nous sans étonnement, la levée des 60 000 L en 1575 et les années suivantes. Quelques aménagements, apportés à l'occasion, soulageaient en partie les Bretons, en 1579 et en 1593, le Roi décida d'exempter « les villes closes où il aurait garnison » des fonds ordonnés pour le paiement de ces garnisons.
- 3 BN. Man. fr., 8291, t. III, art. « garnison ». Les appointements des gouverneurs, des états majors (...)
5Au xviie siècle, protestations et prélèvements alternèrent avec quelques périodes de rémission3, mais dès qu'il fut en guerre Louis XIV en appela plus que jamais à l'argent des Bretons et commença à mettre en place un système fiscal moins aléatoire. Il se caractérisa par la mise au pas d'une province incapable d'empêcher la mise en place d'un prélèvement permanent et plus lourd.
6Le contrôleur général des Finances s'appuya d'abord sur ce qui existait pour arrêter définitivement les principes de paiement. Le Roi exigea, et il avait les moyens de se faire obéir surtout après la révolte de 1675, que la Province pourvoirait aux dépenses quand il serait obligé d'y envoyer des troupes. L'organisation de la Milice générale, ou tout au moins ses prémices, celle de la Milice garde-côte entraînèrent des besoins supplémentaires. L'établissement de la capitation pour les besoins de la guerre le 18 janvier 1695, sa suppression en 1698 et son rétablissement en 1701, marquèrent l'histoire de la fiscalité bretonne et l'histoire des Bretons qui jusque-là connaissaient un prélèvement fiscal qui pour l'essentiel s'inscrivait dans la logique de l'héritage ducal. Soumis à la loi commune, ils connaîtront aussi le dixième et le vingtième et entrèrent dès lors dans une fiscalité nouvelle que leurs privilèges leur permit par la suite d'améliorer mais non de supprimer.
- 4 BN. Fonds fr. 8291 f°282. f° 286 v°.
7Le premier effort demandé aux Bretons concernait l'entretien, le logement, le déplacement des troupes, que le Roi levait ou envoyait sur leur sol. Préoccupation très ancienne ainsi que nous l'avons vu, en la matière son règne fut décisif. En 1671, les États demandaient toujours que les étapes fussent aux frais du Roi, que les troupes prissent les routes les plus sûres, les plus courtes, accompagnées par la maréchaussée responsable de la discipline, que les frais fussent payés d'avance ! Encore le 10 décembre 1675, le duc de Chaulnes qui voulait rassurer les Bretons rudement secoués par les événements du printemps et de l'été, leur fit part d'une lettre de M. de Pomponne selon laquelle le Roi n'avait envoyé des troupes que par nécessité et qu'elle conserverait la Province dans ses anciens privilèges. Deux jours plus tard, le même duc demanda 240 000 L pour les étapes de la milice en 1674. À partir de 1693, sous la dénomination de « rations de fourrages », les frais de casernement furent levés et ils ne cessèrent de l'être. En 1710, les États obtinrent que les sommes exigées des paroisses pour la dépense de la milice seraient en partie restituées, mais le Roi à court d'argent finit par répondre aux États que la « Province ayant été chargée des étapes et des quartiers d'hiver, il ne peut changer cet usage4 ».
- 5 L’édit de novembre 1493, proclamait que : « les gens de guerre […] venant ou séjournant par notre (...)
- 6 Kerorguen, op. cit., t. II.p.26-28. En 1720, les commissaires du roi proposèrent un abonnement aux (...)
- 7 AD. 35, C 2828. Minutes 1760 f° 229.
8Les États tentèrent en vain de profiter de la mort de Louis XIV, en rappelant l'ordonnance de 14935. L'évolution de l'état monarchique depuis cette date, l'augmentation de ses pouvoirs réels et de ses besoins, expliquent la réponse que le Régent fit au nom du Roi en 1718 : « qu'il ne peut se priver de ce secours, et qu'il faut que la Province continue de faire cette dépense, ou qu'elle accepte l'abonnement qui lui sera proposé par ses commissaires6 ». Si le ton paraît plus modéré que sous le règne précédent, l'exigence restait la même. Par la suite, on ne repoussa plus les protestations des États au nom des besoins mais on leur demanda : « le titre qui exempterait la Province de fournir la subsistance aux troupes, des quartiers d'hiver, garnison ». Jamais les États ne désarmèrent et en 1760, ils rappelaient encore que l'article 21 du contrat les exemptait de ces charges. En plus du fourrage et du casernement, les États durent emprunter un million en 1748 sur lequel ils devaient encore 400 000 L en 1760 et emprunter à nouveau 800 000 L en 1758 alors que les incursions des Anglais avait attiré en Bretagne une armée entière. Ils insistaient sur le fait que ces troupes protégeaient certes la province mais qu'elles assuraient aussi la tranquillité des autres provinces et que ces dernières n'en subissaient pas les conséquences pécuniaires. L'argumentation des États reposait sur une réalité, la protection de la Bretagne dépassait largement ses propres intérêts. Les députés soulignaient son appartenance à un ensemble plus vaste, ils comprenaient que ce qui s'y passait n'était pas spécifiquement breton, ils en avaient pour autre exemple les troupes de la compagnie des Indes, troupes soldées, particulières dont ils devaient soit fournir l'étape soit rembourser les frais de déplacement. Ils protestaient donc et en particulier contre la dernière levée de 100 000 L qui avait été faite sans leur consentement pour l'entretien des garnisons et places fortes. Pas plus écoutés que les fois précédentes, ils reprirent en 1762, leurs arguments de 1760, mais n'obtinrent du Roi que de bonnes paroles7. On comprendra mieux leur attitude en examinant d'un peu plus près ces différentes charges.
- 8 AD. 35, C 923-927. Article IX du bail.
- 9 RCV, Lamballe, 22 et 30 juin 1725. AD. 35, C 5486. L’adjudicataire ou étapier devait fournir l’éta (...)
9Les étapes concernaient, ainsi que le nom l'indique, les troupes en marche, elles consistaient en des distributions de vivres8. Cette charge devenue pratiquement obligatoire depuis 1675, les communautés et Généraux des paroisses s'occupaient de son établissement. Le 15 avril 1718, le Roi décida que désormais les troupes paieraient sur leur solde la nourriture et les fourrages qui leur étaient nécessaire. Ce système ne dura que deux ans puisqu'il fut supprimé en 1720. Il fut, pendant cette courte période, la source de biens des difficultés entre militaires et indigènes, soit que les uns cherchent à se procurer la nourriture à meilleur prix en allant au-devant des paysans qui se rendaient au marché soit que les autres refusent de leur fournir ce qui était nécessaire. Bien des fois, malgré les efforts de leurs chefs, les soldats exigeaient « une partie de leur subsistance sans les rembourser et même se prendre sur leur passage des volailles, légumes et autres denrées surtout lorsque plusieurs bataillons (arrivaient) ensemble dans le même lieu ». Devant ces difficultés le système fut aboli et les États obtinrent dans un premier temps l'affranchissement sur la base des propositions qu'ils avaient refusées précédemment. Puis l'ordonnance du 13 juillet 1727 rétablit l'ancien système et régla à nouveau les étapes9 en les affermant sur la base d'un tarif qui réglait avec précision les fournitures dues à chaque catégorie de soldat suivant son grade. Le 5 septembre 1731, le Roi consentit à ce que l'adjudication se fit aux États pendant une année et que l'année suivante se fut l'intendant et les députés de la commission intermédiaire qui s'en occupent. À partir de 1732 et jusqu'en 1757, le bail fut conclu pour deux ans et la commission intermédiaire chargée de tout ce qui concernait cette fourniture. Elle passait marché avec les fournisseurs, directement ou indirectement par le biais de ses correspondants. À ce moment-là, on prit les 200 000 L de dépenses sur le produit des devoirs et des fouages. Elles ne constituaient donc pas une charge plus forte pour les Bretons, mais obligeaient à une autre distribution des postes du budget des États. Évidemment avec les nécessités de la guerre, la somme augmenta jusqu'à grimper à 600 000 L en 1779. Les étapes concernaient aussi le remboursement des frais d'hébergement. Les logeurs devaient assurer gratuitement les huit premiers jours d'hébergement et les communautés engager des frais pour alléger la charge des citadins.
- 10 AD. 35 C 3847. Mémoire du 24 octobre 1732. En particulier 20 000 livres pour l’intendant. En 1732, (...)
10Le casernement avait pour objet de couvrir les dépenses en fourrage des troupes en quartier dans la province et ce en sus des 5 s payés par le Roi pour chaque ration. Il couvrait aussi le logement en argent des officiers et l'ustensile des soldats, le loyer des casernes, la fourniture de bois, la lumière aux corps de gardes, enfin le loyer des écuries, en un mot toute la dépense d'entretien des troupes en quartier. L'impôt devait peser sur tous les contribuables (au marc la livre de la capitation ou des fouages) et devait rapporter 350 000 L non compris les frais de régie. Le trésorier des États assurait le paiement mois par mois. Le logement des officiers de terre et de mer et les différentes gratifications étaient pris sur ce fonds10. Tous les arrêts du conseil qui suivirent cette décision et ces dispositions renfermèrent une clause selon laquelle l'excédent des recettes s'il y en avait, serait converti en « moins imposé ». Le gouvernement désirait simplement qu'il y ait une sorte de fonds de roulement « réel et effectif » de 350000 L, abaissé ensuite à 250 000 L.
- 11 AD. 35, C 3847. Mémoire du 24 octobre 1732. Malgré l’intervention française dans la guerre de Polo (...)
- 12 Idem. Premier emprunt en 1748 de 600 000 L, puis un second de 400 000. 1758 : 800 000 L ; 1760 : 1 (...)
- 13 AD. 35, 3847.
11Tant que la Province ne fut chargée que des garnisons ordinaires, ces fonds suffirent largement11. La reprise de la guerre modifia la situation en particulier au moment de la guerre de Sept Ans quand le déficit atteignit 7 171 700 L 10 s 8 d. de 1753 à 1772, les arrêts continrent une clause de réimputation du déficit que les États préférèrent régler par voie d'emprunt ou en puisant dans leurs fonds12. Ils en vinrent à augmenter leurs impôts, mais ces dépenses entièrement payées par la Province ne pouvaient plus être uniquement supportées par elle dans la mesure où les troupes qui y séjournaient défendaient certes le territoire breton mais dans le cadre d'une guerre dont les enjeux la dépassaient largement. Une longue discussion entre les États, leurs représentants et le gouvernement s'engagea sur ce thème dès 1760 où ils demandèrent au Roi de se charger des dépenses de casernement qui excéderaient la somme de 350 000 L imposée chaque année. Terrain de discussion plus solide que celui où ils s'aventuraient en 1756 en proposant au Roi de faire sortir de la Province les troupes qui entraîneraient un dépassement des crédits ! La discussion restait néanmoins difficile. Quand en 1771 et 1772, les États voulurent que le gouvernement prit en charge le déficit de ces deux années, celui-ci refusa d'abord, ensuite un compromis porta la participation des États à 550 000 L non compris le sol pour livre, le Roi se chargeant du déficit éventuel : « dans le cas où la dépense viendrait à excéder le dit fonds de 1 100 000 (pour 1773-1774), S.M. pourvoirait au dit excédent ». En 1780, le Roi fit remarquer que : « les sommes considérables qui depuis la fixation de cette imposition en 1772 ont été tirées du Trésor royal pour l'excédent de dépenses prouvent combien cette fixation est avantageuse pour la province13 ». Certes, les caisses du roi avaient payé de 1773 à 1780 : 2 436 772 L en excédent, mais le souverain oubliait l'augmentation de 43 % que l'accord de 1772 avait fait peser sur la Bretagne.
- 14 AN. H 532. Le 11 octobre 1735, le roi fixa à 188 050 livres la somme à payer pour 1736, « pour par (...)
12Il existait d'autres postes de dépenses liés à une fiscalité nouvelle née des besoins militaires. Louvois pour éviter qu'un sol sorte des caisses du roi rejeta en 1688 sur les paroisses déjà chargées de la levée et de l'habillement de leurs miliciens, le soin de les armer et ses successeurs suivirent plus ou moins la même politique14. Pourtant cette charge directe n'étant simple ni à supporter ni à imposer, le Roi décida le 1er janvier 1736 que le paiement de la fourniture et des frais serait fait au marc la livre de la capitation « sur les dites paroisses sujettes à la milice ». Les États protestèrent et continuèrent par la suite de protester en vain contre une levée qui devint permanente, sauf en 1770, 1775 et 1776 où il ne fut pas nécessaire de la percevoir, les frais de solde ayant pu être payés sur les excédents des années précédentes. Enfin une contribution annuelle fut levée pour la maréchaussée. Elle était de 70 566 L 15 s en 1768 soit une augmentation de 35 283 L 7 s 6 d sur la somme autrefois perçue de 58 903 L en 1770. Les États refusèrent en 1786, de payer 3 030 L supplémentaires annuelles pour établir les nouvelles brigades de Lorient et du Faouët. Bien entendu tous ceux qui payaient la capitation ne payèrent pas le nouvel impôt dans la mesure où les exempts de milice le furent de l'impôt et les registres de la capitation rendent compte de cette situation. La décision de 1736 fut extrêmement importante pour les villes bretonnes. Car si, l'enrôlement des miliciens pesait proportionnellement beaucoup plus sur les paroisses rurales que sur les paroisses urbaines, la participation des urbains —sous une forme fiscale— au poids de la milice fut beaucoup plus forte.
- 15 1744 : 115 000 L (+150 000), 1746 : 34 792 L ; 1747 : 114 801 L ; 1748 : 445 046 L 3 s 4 d ; 1764 (...)
- 16 AN. H 533, Ordonnance du 13 avril 1747 (plus les frais).
- 17 La position des États est résumée dans un mémoire dont la rédaction fut décidée le 9.02.1757 et qu (...)
13Depuis 1667, les États votaient un subside au roi pour les milices garde-côtes bretonnes. La somme forfaitaire de 150 000 L fut ainsi versée jusqu'en 1744. À ce moment-là, le Roi obtint, malgré les protestations des États, le remboursement des frais de casernement de 2 000 miliciens envoyés à Brest et à Lorient en 1743 et en 1744. À partir de cette date, la solde et les frais restèrent quel qu'en fut le montant à la charge de la Province qui paya aussi en 1744, 150 000 L pour la construction et la réparation des corps de garde. Le Roi d'ailleurs renouvela son exigence en 1746, 1747 et enfin en 176415 et de plus annonça en 1747 par la voix de son commissaire aux États, son intention de faire désormais payer aux paroisses soumises à la milice générale un impôt de 61 500 L qui servirait au paiement de la solde16. Les États devaient rembourser de surcroît les frais d'armement, 200 000 L. Ils acceptèrent cette dernière dépense parce qu'elle était occasionnelle mais refusèrent de payer la solde17. Finalement le Roi ordonna le 13 avril 1757, les levées ordinaires des communautés telles qu'elles avaient été fixées en 1681 et réglées les années suivantes dans les diverses villes.
14Les villes devaient aussi entretenir leur milice bourgeoise, payer les gages des officiers, des quelques militaires spécialisés (les canonniers), acheter les armes, la poudre, les balles, les équipements divers tels les instruments de musique, les enseignes. La communauté de Lamballe fut, en 1744, dans l'incapacité financière d'acheter 100 fusils. Les municipalités payaient l'exercice des troupes, les manœuvres, les revues, les défilés. À côté de leurs miliciens, les villes avaient aussi un personnel « militaire », des gardiens de portes. Il existait à Rennes un grand portier, deux petits portiers établis en 1583 et des gardes de l'artillerie dont la présence est attestée encore au xviiie siècle. La ville entretenait aussi, bien souvent, des archers, des tambours, des fifres qui donnaient aux cérémonies l'allure martiale que les échevins aimaient tant. S'ajoutaient à ces débours, ceux de personnels divers. À Rennes, le gouverneur percevait 1 333 L, son lieutenant 300 L, les deux connétables 400 L pour le logement, chacun plus 300 L de gages, les quatre tambours 128 L, le trompette 68 L, l'escopateur et le garde de l'artillerie 18 L. Il faut y adjoindre le logement du commandant en chef. La réparation de l'hôtel de Brissac coûta 17 844 L en 1718. On aménagea l'hôtel de Montbarrot quand le comte de Toulouse décida d'y loger. La ville dépensa 1 345 L pour recevoir le comte d'Armagnac etc. Certes il s'agit de la capitale de la Bretagne mais, à leur niveau, la plupart des villes se virent contraintes à de telles dépenses. Enfin, rappelons que beaucoup de cités, pour répondre aux besoins des troupes de passage avaient acheté et entretenaient des casernes et des lits.
15Il est difficile de dissocier dans la politique fiscale de la monarchie française concernant la Bretagne ce qui était directement lié à l'effort militaire de ce qui intéressait plus largement l'ensemble des dépenses, dans la mesure où tous les prélèvements pouvaient concourir aux dépenses militaires. Le Roi put justifier des accroissements fiscaux par les besoins engendrés par la guerre. Ces charges s'ajoutèrent aux dépenses consenties auparavant par les villes emmurées pour l'entretien de leurs remparts souvent obsolètes. Ainsi à Morlaix, la communauté dépensa de 1598 à 1684, plus de 45 000 L pour des murailles qui ne servaient en rien. Les États demandèrent en octobre 1578, puis encore en 1580, que le Roi propriétaire d'une grande partie des fortifications urbaines paie au moins les frais d'entretien. Les deniers d'impôt et billot ayant été affectés « de tout temps » à l'entretien des fortifications et ne voulant pas que ces fonds fussent employés à autre chose, ils tentèrent de convaincre le Roi d'utiliser les 10 000 L de ces impôts aux fortifications de Nantes, Saint-Malo, Brest, Concarneau. Leur revendication pour aussi légitime qu'elle paraisse, oubliait que les souverains avaient accordé aux villes bretonnes le droit de lever des octrois justement pour faire face non seulement à des frais d'entretien mais aussi quelquefois, à l'amélioration des fortifications urbaines. Ainsi, les bourgeois de Morlaix avaient payé le château du Taureau et les Malouins subvenaient à des dépenses qui dépassaient celles des autres villes bretonnes. Il est aussi évident que, depuis leur création, les octrois avaient perdu en grande partie cette destination et qu'ils servaient à payer bien d'autres dépenses.
16Au bout du compte, la fiscalité traduit bien la volonté des souverains et la réalité de leur pouvoir. Elle donne, au-delà des intentions, des explications que les ministres fournirent en abondance, l'image la plus pesante de la permanence des choix de l'État qui ne peut se réduire à cette simple fonction prédatrice. Mais, sa politique fiscale est un des plus constants révélateurs. Elle eut des conséquences incontestables sur la Bretagne, c'est-à-dire sur les Bretons.
Les antécédents : une longue accoutumance
- 18 de Rebillion à Brékilien (cf. bibliographie).
17Le poids fiscal pesant sur la Bretagne constitue une des explications les plus communément avancées des difficultés rencontrées par les Bretons dès la fin du xviie siècle et pendant le xviiie siècle. Cette affirmation mainte fois répétée par les historiens les plus divers18, paraît contradictoire avec celle de contemporains qui considéraient au contraire que les Bretons payaient proportionnellement moins que les autres régnicoles. Ces deux affirmations d'apparence si opposées, le sont peut-être moins qu'il ne paraît car le poids fiscal pouvait s'accroître et rester au-dessous de celui que d'autres supportent. Il existait d'autres prélèvements, ceux des États de Bretagne que nous venons d'examiner, du clergé, des villes, voire des seigneurs, ils ajoutaient leur charge à celle du souverain et mériteraient qu'on les regarde d'un peu plus près.
18Le Roi, successeur des ducs, percevait d'abord les revenus du Domaine : droits de contrôle, de scel, d'insinuation, de franc-fief et de timbre qui rapportaient un peu moins de 2 ML (1 877 708) et auxquels s'ajoutaient 153 614 L de revenus fixes et casuels. Quand le Domaine royal fut cédé aux États de Bretagne en 1759, avec tous les impôts qui y étaient réunis, Ce fut pour eux une excellente opération. Rébillon le souligna : contre les 40 millions versés pour cet achat, le revenu du Domaine et le contrôle dépassèrent sensiblement le montant des intérêts à payer et l'auteur montrait que cela permit aux États de racheter plusieurs impôts de guerre exceptionnels. Ensuite, le Roi possédait un certain nombre de monopoles : celui du tabac en 1746 rapportait 3 ML, près de 4 ML de 1752 à 1760, celui des poudres, 42 832 L, des postes et messageries, 799 344 L, de la monnaie, 21 411 L. Le troisième chapitre des recettes concernait les traites : droits de ports et havres, de brieux, de la prévôté de Nantes. S'y ajoutaient les « droits uniformes » perçus sur les navires étrangers (50 sous par tonneau), les droits de douane créés par Colbert. Le tout rapportait un peu moins de deux millions (1 795 285 L). Le quatrième chapitre de recettes comprenait des revenus non spécifiés.
1911 y en avait pour 62 349 livres. Le cinquième, celui du bail de la Ferme générale pour les sous par livres (1 713 333 L) et pour les huit sous par livre (275 018 L). L'addition de ces chiffres, dont certains sont discutables, donne en 1779, 10 643 368 L, somme considérable et fort différente de celle avancée par Expilly 1 068 121 livres perçues par la Régie générale.
20Ces revenus importants, le restèrent pendant toute la période et même s'accrurent soit grâce à l'élévation de leur taux, soit à l'augmentation des produits sur lesquels ils pesaient. Par exemple, il y eut une augmentation très importante des droits sur les cuirs en 1759 par substitution d'un droit de marque aux droits de circulation antérieurs. Enfin, la levée des sols par livre, en sus des droits de ferme, en 1706, 1760, 1763, 1771 et 1782 augmenta considérablement les droits perçus, puisqu'elle monta à dix sols, soit 50 % en plus.
- 19 L. Guihenneuc, Étude sur la Capitation proprement dite dans la province de Bretagne de 1695 à 1788(...)
21Nous avons déjà rencontré les fouages. Cet impôt frappait seulement une partie de la province et les États veillaient à ce qu'ils ne fussent pas étendus et que le taux fixé à 10 L 18 s par feu en 1575 (sans les droits de mandatements, ni les frais de confection des rôles et de perception) ne bouge pas. En deux siècles, le montant de l'impôt resta constant et sa répartition immuable : les 32 444 feux en 1640, rapportaient 353 640 L et en 1786, 344 860 L. La capitation, devenue impôt de répartition, ne représentait que 14 à 15 % du poids total des impôts payés par les Bretons. Depuis son rétablissement en 1701 et jusqu'à la Révolution Française, l'impôt fut perçu sans interruption. Dans son principe, il touchait tout le monde et pesait sur le revenu de chacun. L'arrêt du conseil du 4 juin 1695, décida que les valets, servants et maîtresses auraient leur capitation payée par les maîtres et les maîtresses. Mais le clergé réussit d'abord à obtenir un abonnement puis le rachat définitif en 1710 et la noblesse fut capitée à part. Cet impôt levé essentiellement sur les membres du Tiers servit de base de calcul à d'autres impôts : la milice, le casernement19.
- 20 Necker, De l’administration des Finances de la France, 1784, t.I, p. 306. AD. 29, 100 J 20. Compte (...)
22Peut-on faire une estimation globale du poids fiscal pesant sur la Bretagne ? Des contemporains le tentèrent. Expilly estima que les Bretons payaient vers les années soixante : 12 657 119 L 16 s 4 d. Vingt ans plus tard, Necker porta ce chiffre à 28 500 000 L soit une augmentation de plus de 125 %. En payant 12 L 10 s par individu, le Breton était le sujet le moins imposé de France avec le Lorrain qui payait 12 L 19 s. Très loin derrière les gens de la généralité de Paris (64 L 5 s) et ceux de celle de Lyon (30 L) les plus imposés. En rapprochant textes de Necker, le compte-rendu au roi de 1781, et De l'administration des Finances de la France de 1784, du compte-rendu au roi de 178820, l'on peut se faire une idée de la contribution bretonne. En 1781, il calculait que la Bretagne procurait 4 573 000 L au trésorier des États, et 66 000 L au receveur général des Finances, au total 4 639 000 L, soit 43,86 % des versements effectués par les pays d'État (8 265 000 L), et 1,37 % des revenus de la monarchie. En 1788, Bretagne devait au titre des différents impôts et contributions 6 115 400 L. Il faut enlever de cette somme les impôts versés à la Régie générale, 2 037 500 L, le montant des impôts sur les ordonnances de la commission intermédiaire des États, 1 212 524 L, les indemnités diverses, 1 441 979 L et 1 600 000 L pour le paiement des arrérages et annuités des emprunts. Il restait donc au Trésor royal : 3 073 421. L'imposition générale pesant sur la Bretagne serait donc à la veille de la Révolution française relativement faible et le poids sur chaque habitant plus léger qu'ailleurs. Elle serait aussi, si l'on en croit ces chiffres, d'un meilleur rapport pour la monarchie. Armand Rébillon utilisant l'état des fonds arrêté en 1786 pour les années 1787 et 1788 constatait le versement au Trésor royal de 15 388 000 L soit 7 684 000 L par an. La différence entre ce chiffre et les 6 115 400 L dont il a été parlé plus haut (soit 1 568 600 L) provient de ce que l'on a porté là le montant des impôts et billots (900 000 L) qui étaient au débit de l'état précédent et aussi partie des secours extraordinaires (812 000), auxquels s'ajoutaient 143 900 L livres de taxes diverses. Il est vrai que les anciens impôts ducaux, qu'ils fussent levés par le receveur général de la Province, les receveurs particuliers des diocèses ou par les fermiers allaient directement dans les caisses du roi. Des sommes importantes n'apparaissent pas dans ces états et en particulier une partie des impôts indirects, par exemple le montant de la ferme du tabac, passé de 7 à 30 millions de livres entre 1730 et 1789.
- 21 Ce pourquoi les Bretons se dressaient contre toute tentative de les introduire, par exemple en 167 (...)
23Necker prétendait, parlant des impôts indirects : « qu'à peine un ou deux hommes par génération venaient à bout d'en prendre toute la science ». Il est certain que l'enchevêtrement des droits, l'existence de caisses multiples, les contradictions fréquentes des comptes-rendus des trésoriers masquent aux yeux de l'historien, le détail des opérations et plus grave encore, quelquefois leur résultat. Les apparences de rigueur et de rectitude des redditions des comptes cachent en partie la réalité. Malgré tout, force est de constater qu'en Bretagne le poids fiscal entre la fin du xviie siècle et la fin de l'Ancien Régime s'alourdit considérablement par l'introduction de nouveaux impôts indirects (papier timbré, sur l'étain, sur le tabac), de nouveaux impôts directs (capitation, dixième, vingtième, milice, casernement). Les trois impôts ducaux qui formaient l'essentiel de la fiscalité royale vers les années 1680, rapportaient en moyenne et ensemble moins de 2 millions. Ils étaient loin des sommes qu'auraient pu donner la taille, la gabelle et les aides si elles avaient pu être introduites en Bretagne21. Les impôts nouveaux rapportaient en 1788 : 4 969 000 L, alors que les anciens impôts ducaux ne donnaient que 1 847 000 L soit respectivement 72,90 % et 27,10 % des impôts prélevés et une augmentation de plus de 300 %.
24Même si le poids des impôts était comparativement plus faible ici qu'ailleurs, il avait considérablement augmenté et pesait très lourd sur des Bretons habitués les siècles précédents à des charges moins fortes. Ces résultats auraient pu satisfaire dans la mesure où ils expliquaient les récriminations bretonnes, leurs doléances et en partie les raisons, du marasme relatif caractérisant la région. Mais, dans d'autres provinces une fiscalité plus lourde n'empêchait pas les affaires. Demandons-nous, si la comparaison facile entre la fin du xviie siècle et la fin du xviiie siècle, deux périodes éloignées ne cachait pas une évolution des prélèvements plus significative et surtout plus cohérente avec ce que nous savons de l'évolution de la Bretagne. La réponse se trouve dans les comptes des États de Bretagne, dans celui des comptes des trois quarts que nous possédons pour les années 1725 à 1728 et 1783 à 1788 et ceux de l'état de fonds de 1720 à 1786. La série n'est complète qu'à partir de 1742.
- 22 Kerorguen, Tenue des États de 1736, t. II, p. 21 et 31.
25Soit pour quarante-cinq ans : 393 171 396 L et une moyenne par an de 8 737 186. Quelques moments remarquables ressortent de ces chiffres, d'abord la période de six ans qui précède la guerre de Sept Ans où les versements annuels furent inférieurs à 6 ML, ensuite pendant la guerre, les États payèrent, en 1759 et 1760, une somme très supérieure à celle fournie auparavant. Il y eut, pendant la guerre américaine, des versements importants mais loin d'égaler ceux de la guerre précédente. D'une manière générale, la capitation chargea l'ensemble de la province d'un fardeau supplémentaire. Mais, au-delà de cette réalité évidente, force nous est de rappeler que tous les impôts et taxes diverses n'avaient pas les mêmes conséquences ni sur les hommes ni sur leurs activités. Le système fiscal breton portait toutes les tares du système fiscal d'Ancien Régime. Il reposait sur des impôts inégalitaires, entre les ordres, à l'intérieur du tiers état. La capitation fut rachetée par le clergé, les nobles capitaient à part mais jusqu'en 1736 les gentilshommes pratiquant le commerce payaient avec le tiers ainsi que leurs enfants tant qu'ils commerçaient. La veuve d'un secrétaire du roi capitait avec le tiers et les enfants avec la noblesse. Il y avait aussi le problème des doubles résidences, les contribuables essayant de payer là où le poids de l'impôt était le plus faible. C'est pourquoi il fut arrêté : « que tous les membres du tiers qui [occupaient] des maisons ou possédaient des charges dans les villes [seraient) tenus d'y payer la capitation en décharge de ces villes sans pouvoir s'en dispenser sous prétexte d'élection de domicile en leurs campagnes22 ».
- 23 AD. 35, C 3969.
26D'une manière générale, l'on estime à deux millions par an, la capitation versée par les Bretons mais ainsi que le tableau suivant le montre, il y eut dans le temps des variations autour de cette somme23.
- 24 AD. 35, C 3968, 5690, 5691, sauf de 1735 à 1738, où le prélèvement est supérieur. Il s’agissait d’ (...)
27En Bretagne, les États suivant la politique des autres États, s'abonnèrent pour 1.4 puis 1,8 ML. Ils ne mirent pas l'impôt en question, en particulier lors de la tenue de Dinan. Entre le prélèvement théorique et les sommes perçues, il y avait toujours une différence, au profit de la Province24. de plus 560 000 L furent retenues par les États pour couvrir la partie des capitaux trop perçus des anciens rôles. de 1743 à 1746, le Roi permit de prendre 310 000 L sur les impôts de1739, 1740, 1741 et 1742 pour rembourser les dettes. En 1750, une baisse de l'impôt, la paix revenue donna un excédent de 400 000 L sur lequel 300 000 L allèrent au remboursement de l'emprunt de 4 ML et 100 000 L à la statue du roi à Rennes. Dans la période suivante, il y eut une remise de 600 000 L par an sur les 2 400 000 L qui avaient été prévues pour rembourser les dettes. de 1757 à 1760, alors que 6 ML devaient aller au Trésor royal, 1 200 000 L étaient affectées encore à des remboursements et 150 000 L mises à la disposition de la couronne. Jusqu'en 1772 nous trouvons la même politique qui consistait à retenir une partie du montant de l'impôt pour payer les arrérages des dettes (4 600 000 L de 1762 à 1772).
28Il existait aussi une différence entre le montant théorique et le rapport réel de la capitation tel qu'il ressort des rôles. Le prix de l'abonnement de 1735 à 1760, monta à 61,2 ML dont 2 310 000 L furent déduites, restait donc à percevoir 58 890 000 L. Là-dessus les rôles ne laissent apparaître que 47 388 928 L 19 s. Le détail année par année nous montre les variations des prélèvements, supérieures ou inférieures à la somme prévue. Un état du détail des sommes dépensées les porte à 48 308 116 L 5 s 7 d. 40 850 000 livres allèrent dans les caisses du roi, le reste servit à payer les dettes (1 140 000 L), à rembourser une partie de l'emprunt de 1748 (3,3 ML), à installer la statue de Louis XV (100 000 L). 40 928 livres furent consacrées aux hôpitaux et aux offices municipaux, 140 000 L à l'augmentation des gages du Tiers État et 134 784 L aux receveurs des fouages. Le solde couvrit les frais divers de gestion de la capitation.
29En ne tenant compte que de la capitation et des impôts indexés, les citadins payaient en 1780, 1 L 15 en moyenne, les paysans un peu moins, 1 L 23. En réalité, l'écart était un peu plus important puisque la capitation dite des villes ne comprenait que la part payée par celles députant aux États. D'un diocèse à l'autre, la part des citadins différait : dans le diocèse de Rennes, elle correspondait à 2,10 %, dans celui de Nantes à 2,55 %, de Vannes à 0.98 %, dans celui de Quimper à 2,66 %, de Saint-Pol à 1,30 %, de Tréguier à 2,16 % de Saint-Brieuc à 2,54 %, de Saint-Malo à 3,24 %, de Dol à 1,65 %. La capitation payée par chaque ville souligne encore cette différence. En calculant trois rapports : celui entre le montant de la capitation et la population, entre la population et le nombre des capités, entre l'impôt payé et les capités (pour 38 villes) nous arrivons aux résultats suivants :
- Le rapport entre la population et les sommes demandées accuse des écarts relativement faibles. La moyenne est de 1,43 ; 15 villes sont au-dessous avec pour extrêmes, La Guerche (0,52) et Carhaix (3,02), avec une fourchette de 4 à 6,76.
- Si l'on compare le nombre des habitants et celui des capités, nous obtenons 5,34. Mais avec des écarts extrêmes beaucoup plus importants : Hennebont (2,22) La Guerche (17,02). Le rapport entre le nombre des habitants et celui des capités peut être un indice de la vitalité de la cité. Plus il est faible et plus le nombre des imposés est fort, l'on peut donc estimer que le nombre des indigents est faible. À l'inverse, un rapport élevé traduit une répartition malsaine entre les citadins. Nous ne sommes pas étonnés de rencontrer parmi les douze villes au-dessus de la moyenne : Châteaulin (7,2), Dinan (6,0), Quintin (6,38), La Guerche (10,02), Le Croisic (7,38), Moncontour (8,09), Ploërmel (11,09), Saint-Pol (5,75), toutes cités stagnantes ou déclinantes. Brest (5,68), Lorient (7,65), Morlaix (7,72) en se trouvant dans cette position démontrent l'existence d'une population misérable nombreuse en leur sein.
- La somme payée en moyenne par capité jouait un rôle. Les communautés qui se plaignaient de la capitation soulignaient l'effet dissuasif sur les élites urbaines d'une imposition trop forte. Ici les écarts extrêmes étaient très importants : 3,38 à Antrain, 13,25 à Morlaix, une forte imposition à Ploërmel et à Saint-Malo. Les citadins des villes les plus riches payaient moins que ceux de cités économiquement moins favorisées. Les marchands de Nantes (- de 15 L) moins que Saint-Malo et Rennes (- 20 L), moins encore que Carhaix, Quimper, Quimperlé (+ de 20 L) en 1748.
- 25 Vingtième des biens fonds sur le revenu net, vingtième mobilier (art. 4, 5 et 6 de la déclaration (...)
- 26 AD. 35, C 4520. Ordonnances de Viarmes du ter mars 1750.
- 27 AD. 35, 2168 1749-1752/1754-1756, 2164, 2168. 4647.
30Tous les autres impôts directs levés par la monarchie au xviiie siècle, le furent aussi en Bretagne. L'on y perçut le dixième, le cinquantième, les deux sols pour livres et les vingtièmes. Leur assiette posa plus de problèmes et notre documentation ne nous fournit, en dehors de chiffres globaux, que peu de registres semblables à ceux de la capitation. Dixième et vingtième, dans leur principe impôts réels, pesaient sur les biens et non plus sur les personnes. Ils concernaient l'Eglise, mais pas les biens personnels des ecclésiastiques ; dans son principe cet impôt cédulaire parait équitable, mais la Bretagne s'abonna25. L'on constate que les prélèvements calculés sur la fortune et sur les affaires ne présentaient pas les mêmes caractères de rigueur que pour la capitation à laquelle ils furent souvent indexés pour éviter des enquêtes qui s'avéraient longues, voire impossibles étant donné la dispersion des propriétés et l'attitude des propriétaires. Seules, les fortunes immobilières urbaines étaient contrôlables. Pour le reste, il fallait compter sur la bonne volonté, l'honnêteté des déclarants. Aussi, l'Intendant chercha en 1750 à améliorer le système et à obtenir des déclarations plus sincères26. Mais comment espérer aboutir avec un contrôleur pour 25 000 à 30 000 imposables ? Difficultés accrues par les multiples erreurs des rôles antérieurs. Les nobles, surtout les plus riches, figuraient parmi les mauvais contribuables. Héritier du dixième, le vingtième créé par l'édit de 1749, eut un mode d'assiette fixé par les ordonnances de l'intendant des 1er mars, 30 avril 1750 et des 16 et 24 janvier 1751 auxquelles on se référa lors du renouvellement et du doublement. Les rares documents en notre possession de valeur très inégale nous empêchent toute étude comparative sérieuse. Prenons Vitré pour exemple, les registres du deuxième vingtième, des 2 sols et du dixième du commerce et de l'industrie couvrent la période 1760 à 1786 mais 1761-1768, 1773, 1776, 1785 manquent, les autres, nous donnent seulement le nombre des propriétaires et le montant du dixième. Le montant de l'imposition varia très peu en trente ans, avec une moyenne sur dix-huit ans de 2 382 L avec pour écarts extrêmes 2 790 L, et 2 503 L et un nombre d'imposés passant de 791 à 980 et une moyenne par personne de 3 L 16 s (1771) à 2 L 6 s (1778). À Lesneven, la moyenne était de 4 L 7 et à Saint-Pol de 2 L 19 en 1755. Au titre du commerce et de l'industrie, Fougères versait 529 L, Hédé 40 L, Vitré 303 L en 1756, et 802 L en 1758, Saint-Malo 2 507 L en 1779 et 2 506 L en 1781, La Guerche 76 L 8 s 3 d de biens fonds et 6 L 16 s pour le commerce. Les registres de Rennes et de Redon plus riches, permettraient des études plus précises pour ces villes à qui voudrait poursuivre leur étude. Les villes et non plus les citadins, contribuaient pour leurs revenus. L'examen de leurs comptes montre qu'elles payaient sur le montant théorique des charges annuelles fixes, réparties en trois classes. Le vingtième portait sur la deuxième, c'est-à-dire ni sur les gages, ni sur les charges payées de deux ans en deux ans. Dans le budget de Lamballe, la seconde classe ne représentait que 129 L 15 s 2 d sur 2 021 L 3 s 2 d et l'impôt ne montait qu'à 26 L 8 s 6 d. Dépendant de la répartition des postes, il atteignait 13,33 % à Lannion en 1755, 14,96 % en 1778 et 4,2 % en 1778, à 8,76 % en 179427 à Moncontour.
31Province réputée étrangère, la Bretagne échappait aux Cinq grosses fermes et ses habitants ne payaient pas la gabelle. Situation tempérée par la perception de droits à l'entrée, les uns anciens, les autres récents. Le plus vieux, le droit de brieu, substitué à l'ancien droit de bris, appartenait au souverain. Réglé par la Pancarte du 20 mars 1453, il rapportait entre 5 000 et 6 000 L, soit peu de chose. D'autres prélèvements s'y ajoutèrent et les villes cherchèrent à éviter qu'en s'empilant, ils ne grossissent les taxes à l'entrée de leurs ports chassant les commerçants vers des cités moins touchées par la fiscalité. À Nantes et à Saint-Malo, on ne payait qu'un seul droit si les navires partaient et revenaient à l'intérieur de l'évêché. On se fondait sur les termes des anciens passeports : « pour servir à... maître de vaisseau allant et venant ». Dans les autres ports, il existait une autre formule : « pour servir à voyage seulement allant à... ». La taxe se décomposait en un brieu d'amenée sur les barques de moins de 5 tx, allant de port à port sans guidage ni conduit, un brieu de victuailles sur les bâtiments de plus de 5 tx (ou demi brieu ou brief), un brieu de victuailles, de conduit et de sauveté pour 10 tx et plus versés à chaque voyage.
- 28 BN. 8 306, f° 107-108. Le brieu de conduite avait été créé par le comte de Léon pour entretenir de (...)
- 29 AN. G7 177.
32Au xviiie siècle, le Contrôleur général demandait l'application, sauf à Nantes, de la Pancarte de 1453 même dans les ports et havres de 1532. À Saint-Malo un seul brief suffisait jusqu'à 5 tx28. Au xviie siècle, le Surintendant des Finances établit un droit uniforme de 50 sols sur tout bâtiment étranger venant fréter, décharger ou charger dans les ports et havres du royaume. Il ne fut pas perçu dans toute la Bretagne, en tout cas ni à Belle-Île-en-Mer, ni à Bouin, ni à Pornic. On levait d'autres droits, non plus sur les navires mais sur les marchandises transportées : les droits de port et havre. Ils n'auraient rapporté que 70 000 L en 1689. Dans la principauté de Léon, les droits de port et havre se prélevaient au double profit du roi et du duc de Rohan, à Landerneau de la maison d'Artois et le conseil maintint ces privilèges malgré la demande des fermiers du Domaine. Dans le même esprit, les fermiers voulurent que tout bâtiment de 6 tonneaux et plus, acquitte ses droits en quittant la Prévôté de Nantes, à tout voyage, et ceux de moins de 6 tx une fois par an. Or les droits de la Prévôté constituaient un ensemble complexe tout à fait particulier fixé par la Pancarte du 25 juin 1565. Ils étaient plus élevés que ceux de la Pancarte générale en particulier pour les navires de fort tonnage. Morues, laines et indigo (à partir de 1740) furent affranchis ainsi que les produits coloniaux et la droguerie à la sortie. Les marchandises de la compagnie des Indes payaient à l'entrée ou à la sortie. Sur celles provenant de la Loire, en particulier les vins, on levait 11 sous par pipe sous depuis 1611. À Saint-Nazaire, la traite domaniale remplaça les devoirs et trépas devenus droits d'issue, en 1565. La Pancarte du 3 décembre 1512 en précisait le tarif. Il s'agissait de droits concernant les marchandises non originaires de Bretagne et sortant en destination de l'Amérique. Devant un tel système l'on comprend que les Nantais voulaient en rester là. Or, un droit de passeport pesait sur les produits consommés en Bretagne et des droits de congé et d'ancrage touchaient la circulation maritime. Les droits d'ancrage consistaient en 3 s par tonneau plein et 1 s 6 d par tonneau vide. Des droits de chargement et de déchargement pouvaient s'y ajouter ici où là. La confusion grande sur les droits, l'était aussi, davantage encore peut-être, sur leurs destinataires. Dans l'amirauté de Saint-Brieuc, le droit d'ancrage allait à un seigneur qui percevait, sauf à Brest, 6 sols par bateau français ou étranger29. Un droit de relâche moins répandu, concernait quelques ports. Dans l'amirauté de Saint-Brieuc, il en coûtait 2 L par bâtiment jusqu'à 30 tx, plus quelques droits annexes, le tout montant à 3 L 1 s 2 d (2). À Saint-Brieuc même, il ne valait que 1 L 15 s. Enfin d'après, le tarif de 1673, rappelé par Lettre patente en 1770, il ne pesait aucun droit sur les bâtiments naviguant de port à port de la même province et de six lieues en six lieues. L'entretien du feu du cap Fréhel avait entraîné la création d'un droit particulier aux ports de la Manche. Fixé à 2 s par l'arrêt du 21 avril 1717, à 3 sols par celui du 9 septembre 1732, il fut très combattu et supprimé en 1740 pour les bateaux allant et venant de Regneville à Granville et pour ceux, non pontés, de Saint-Malo, Morlaix, Lannion, Saint-Brieuc, Pontrieux, Paimpol et Binic. Le personnel attaché à la perception de partie de ces droits, percevait des émoluments proportionnels au tonnage ou à la valeur des transactions que les juristes trouvaient onéreux et peu fondés.
33D'une manière plus générale, les droits d'entrée établis en 1708-1709, furent supprimés, mais ceux de jaugeage (1691) et de courtage (1696) ne disparurent pas. Doublés en 1696, réduits en 1722, ils augmentèrent ensuite. D'autres droits connurent un sort éphémère, tels ceux d'inspecteur aux boissons (1705-1720), la taxe sur les hôteliers et cabaretiers (1693-1715) que des émeutes firent retirer. Ils ne pesèrent plus sur les marchandises mais les États durent les racheter à raison de 350 000 L par an. Pour tout compliquer, les droits de l'Amiral perçus à Saint-Malo par le receveur général qui y résidait, consistaient en la réunion des droits de la pancarte de 1672, du droit d'ancrage et des 6 s par livre, mais la perception d'un droit d'ancrage supplémentaire de 6 s 6 d par bâtiment de moins de 100 tx entrant dans le port et de 13 s au delà exemptait du 10 sols par livre.
34Cette impressionnante collection de droits divers dont la plupart se levaient sur l'entrée maritime de la Bretagne, d'autres sur les confins terrestres, explique bien des choses : les incessantes contestations entre les fermiers, les agents de perception, les payeurs. Elle explique aussi l'incapacité des Contrôleurs généraux à bien dominer cet ensemble, ce que reconnaissait bien volontiers Necker. Elle permettrait sans doute de mieux comprendre les inégalités entre les ports, si nous étions certains de pouvoir en calculer le montant avec assez d'exactitude.
35Les États rappelaient souvent que la contribution bretonne aux charges de l'État, passait par leur bonne volonté. Pure fiction que le Roi venait dissiper à l'occasion et qui donnait lieu, en périodes de tensions, à un jeu politique dont le Souverain sortait vainqueur. En Bretagne, le don gratuit voté à toutes les tenues après la demande de 1614, devint l'objet d'un marchandage permanent, âpre quelquefois et donna naissance au « contrat » régulier, solennel que nous laissent les Remontrances. Le montant de cette contribution correspondit dès 1651 à ce que demandait le Roi et à partir de 1675, la demande ne changea pas : 1 ML en période de paix, 1,5 ML en période de guerre. Cette contribution « volontaire » dura jusqu'à la Révolution et le contrôleur général des Finances comptait sur elle, comme il comptait sur tous les dons que pouvaient lui faire les villes à l'occasion d'événements exceptionnels, tel celui du joyeux avènement que Louis XVI ne fit point lever.
- 30 Il aurait du être de 165 840 L par an en Bretagne, soit 994 980 L rame nées à 800 000 L si les Éta (...)
- 31 C. Nières, Histoire de Saint-Malo… AN., G7 176 (dépenses : 127 338 L).
36D'autres sortes de dons gratuits, extraordinaires, pesaient sur les villes en période de guerre. En septembre 1710, le Roi décida la levée de 700 000 L sur les villes du royaume soit le doublement des droits patrimoniaux et d'octroi pendant six ans, en principe payable par les exemptés et non exemptés, privilégiés ou non, à partir du 1er octobre. L'édit du 16 janvier 1712 en réglementa la levée. Déjà 260 000 L avaient été perçus en 1692 et 300 000 L en 1694. Sommes bien inférieures à celles payées en 1710, Rennes devant à elle seule, 120 000 L. En 1758, le nouveau don décidé ne concerna pas la Bretagne, les États s'occupaient alors de l'affaire d'Aiguillon et le Parlement refusa l'enregistrement30. En 1763-1764, le contrôleur souhaitait que le duc d'Aiguillon réclamât encore le don gratuit des villes avec rachat des États. Or, un conflit éclata en 1764 sur le sol additionnel et les droits du roi et des villes. Ces surtaxes avaient entraîné la protestation du maire de Nantes et du miseur de Rennes, les États refusèrent de les voter et le Parlement s'opposa à la perception bien qu'il s'agisse d'un impôt enregistré. Le Roi poussait quelques villes à faire des dons exceptionnels justifiés par leur richesse. Entre 1689 et 1694, les demandes du roi à Saint-Malo, montèrent à plus de 140 000 L obligeant les particuliers à avancer 160 000 L en trois mois. Le 20 septembre 1695, le roi autorisa les Malouins à relever leurs octrois pour neuf ans31. Ajoutons qu'en 1692, Rennes et Nantes payèrent chacune 200 000 L pour la confirmation de leurs privilèges. L'on peut aussi considérer que l'équipement du Bretagne fut, bien que volontaire, une contribution déguisée d'un million de livres.
- 32 AD.35, C 1852, 1854, 519. En 1776, le roi supprima tous les gouverneurs des villes bretonnes sauf (...)
37Le Roi avait d'autres ressources : le droit de renouvellement des octrois qui astreignait les communautés à de fortes dépenses, la création d'offices qui rapporta en 1722, 2 165 240 L. Les villes conduites, parfois forcées, à racheter les offices les plus importants, perdaient une partie de leurs moyens financiers mais les Contrôleurs des Finances connurent quelques déconvenues. Le bordereau de la finance des offices nouveaux avait fait espérer, en 1748, une rentrée de 2 799 500 L, mais les choses traînèrent et, dix ans plus tard l'opération n'était pas terminée. Il restait d'ailleurs à vendre des offices municipaux créés précédemment (600 000 L à recouvrir dans 48 villes). En 1748, l'établissement de gouverneurs dans douze villes où ils n'existaient pas encore, fut évalué à 50 500 L. En 1766, l'on essayait encore de vendre des offices créés en 173332. il en était de même d'ailleurs lorsqu'elles souscrivaient aux emprunts de l'État et des États. Pour faire face à ces dépenses, surtout celles liées à la création des offices, les villes pouvaient obtenir des augmentations d'octrois mais encore fallait-il qu'elles en possédassent. Ainsi le Roi leva, en 1760,10 237 L, sur 27 « petites villes et bourgs » où il n'y avait point d'octrois. Rappelons enfin que la création ou la confirmation des privilèges les plus divers, ceux des maîtrises par exemple, appelait le paiement de taxes plus ou moins élevées. Dans le cas des métiers en jurande seules Rennes, Nantes, Dinan, Saint-Malo, Morlaix et Brest furent concernées.
38Nous avons déjà parlé des droits seigneuriaux et de la participation du souverain, en tant que seigneur à leur prélèvement. Parmi les droits tombés en désuétudes nous pouvons citer ceux de bris et de naufrage que dans l'amirauté de Saint-Malo, aucun seigneur ne prétendait posséder, mais que l'évêque et les chanoines continuaient à percevoir. Le droit principal concernait le passage de Saint-Malo à Dinard : 1 sol par personne, 5 s par cheval ou bœuf, 2 s 6 d par vache, 1 s 6 d par cochon, mouton. Un autre droit, appartenait au Roi, propriétaire de la rive Saint-Malo/Dinan, et au seigneur de Châteauneuf propriétaire de l'autre rive. Il rapportait en 1689, 25 L de fermage. Bien d'autres droits de passage existaient au xviiie siècle dont ceux perçus sur les ponts de Châtelaudren, de Châteaulin, de la Roche-Derrien et cédés en 1767 par le prince de Soubise. Le prince de Tanguy possédait un droit d'ancrage sur chaque bateau allant à Brest. Quant au possesseur des droits de passage de Brest à Recouvrance, il demandait 1 d par personne, à charge d'entretenir 37 bateaux capables de transporter 12 personnes chacun et 2 chalands. Il existait encore d'autres droits dans l'évêché de Léon ainsi que dans celui de Quimper. Dès 1669, Louis XIV envisageait de supprimer par le rachat ces droits qui venaient concurrencer ceux qu'il percevait au titre de souverain, mais faute de moyens, il n'arriva pas à de grands résultats. L'idée fut reprise en 1724 et l'on créa un bureau des péages qui se heurta à l'opposition du Parlement de Bretagne. En 1740, les États prirent l'affaire en main poussés par le besoin d'entretenir l'entrée des villes et les ouvrages d'art sur les axes principaux : la traversée de Martigné-Ferchaud appartenait au prince de Condé, celle de Pont-Scorff au prince de Guémené, le pont de Redon aux moines, l'entrée de Combourg aux Chateaubriand. Au bout du compte, les deux tiers des droits avaient été supprimés en 1789, mais il s'agissait de ceux qui entraînaient des frais d'entretien concernant les ports (46 % supprimés), les chaussées (88 %) et les ponts (93 %). Quelques rares seigneurs arguant d'un droit de coutume gardaient la possession d'entrées sans frais d'entretien. Les bacs restaient en majorité entre les mains des seigneurs. Les droits persistant donnaient encore aux seigneurs, à la veille de la Révolution, la maîtrise d'une partie des grands chemins auxquels il convient d'ajouter tous ces chemins creux de campagne entretenus grâce à la corvée seigneuriale, lacis de veinules irriguant les axes de circulation principaux et par eux les villes.
- 33 Art. CCCLXXXIII de la Coutume de Bretagne, titre XVIII.
- 34 Arrêts de 1613, 1618, 1643, 1672, des 14 avril et 14 juillet 1685, ensuite du 10 octobre 1686 pour (...)
- 35 Ces droits variaient considérablement : 1 s par mesure de blé à Concarneau et à Rosporden, 6 d à P (...)
- 36 Tous ces droits pesaient sur les ventes alors que les péages se levaient sur ce qui passait en un (...)
- 37 Les 14 mars 1682, 30 août 1684, 27 février 1698, le 30 juillet 1700. À Port-Louis, Augustin de la (...)
- 38 Soit 34 800 L somme versée à A. Boudel. Requête du 16 octobre 1783.
- 39 H. See, Les classes rurales, éd.1978, p. 146. Souvent grâce aux droits payés sur les étaux : Coutu (...)
39Dans un autre domaine, la présence des seigneurs jouait un grand rôle. La Coutume de Bretagne réglementait l'usage des fours banaux. L'obligation d'aller au moulin du seigneur n'existait que s'il se trouvait à l'intérieur des limites de la banlieue33 et les boulangers qui voulurent passer outre furent condamnés. Néanmoins le Parlement avait, depuis le début du xviie siècle pris des arrêts contraires et qu'il rappelait en 168 534. Il s'agissait d'une bataille fort importante, surtout pour les villes qui souffraient à la fois du petit nombre de fours et de moulins banaux à leurs dispositions et de la lourdeur des droits aggravée par la cupidité des fourniers35. Ce système reposait sur la cuisson ménagère, s'opposait au développement des boulangeries, il poussa la communauté de Brest à demander la suppression des fours banaux qui ne suffisaient pas à cuire toute la pâte fournie par les boulangers et le Parlement de Rennes accorda aux boulangers et forains de Brest de vendre farine, pain et biscuits sans que l'engagiste perçoive aucun droit. Les arrêts de 1685 concernant la Roche-Derrien et Guer accordaient aux boulangers le droit d'aller moudre où ils voulaient les grains qu'ils emploieraient pour leur commerce. Ces situations créaient des conflits avec les fermiers et les communautés de quelques villes préférèrent racheter ces droits : Brest le fit en 1751, Vannes en 1756, Saint-Malo en 1784. Landerneau hésitait devant les frais entraînés par les droits d'amortissement et de franc-fief. Ancenis eut la chance qu'ils fussent abandonnés en 1777. Il n'y avait pas de marché sans droit de coutume, de minage, de havage, de mesurage, d'étalage, de gardage36. Dans bien des villes, ils étaient plus symboliques que lourds mais les seigneurs les défendaient. Rappelons que la création des foires et marchés dépendait du roi et qu'il ne manquait pas d'exciper de ses droits y compris de celui d'obliger les marchands à faire peser leurs marchandises au poids du roi. En plusieurs occasions, le Parlement le rappela aux marchands37. Plus rarement le souverain accordait la franchise, il le fit pour le marché de Port Louis et pour dix ans, pour Brest au moment du transfert du marché de Saint-Renan, pour Rennes en 1760, dans le cadre limité d'une foire franche aux chevaux pendant les tenues des États. La multiplicité de ces droits créait des difficultés nombreuses. Le 14 mai 1709, on décida une évaluation en argent des droits de minage, de mesurage, d'étalage perçus par le Domaine, les communautés, et les seigneurs. Contestations et récriminations avaient rendu nécessaires aussi bien le dépôt des tarifs de chaque marché au greffe que leur affichage. En 1768, seulement, l'on passa à la vérification de ces droits. En 1775, se reposa la question de leur utilité. On les jugeait pernicieux par leur nombre et on dénonçait le peu de soucis qu'avaient les seigneurs d'entretenir les bâtiments, les halles où ces droits se percevaient. À Brest, Olivares de Tredem obtint le droit de halle le 15 mars 1695 pour trente ans, à charge pour lui de faire construire une halle avec un pavillon qui servirait d'auditoire et de prison, très vite, il apparut qu'il n'entreprendrait rien malgré une mise en demeure en 1698, suivie de beaucoup d'autres. Quand en 1719, il abandonna ses droits rien n'était fait. Antoinette Boudel signa le 30 juin 1719, un contrat aux mêmes conditions qui n'eut pas de meilleure suite. Du côté de Recouvrance, la duchesse de Portsmouth et d'Aubigné reçut en 1684 : « le droit de tenir un marché tous les lundis de chaque semaine et quatre fois dans la place publique de Brest du côté de Recouvrance ». Ses successeurs furent enjoints de construire une halle mais en vain et encore en 1781 et en 1783, la communauté désespérait de pouvoir obliger les engagistes malgré les interventions multiples et les procès. Sachant le Roi à court d'argent, elle l'implora de l'autoriser à les rembourser afin de faire construire les halles38. Les seigneurs dont le roi, ne voyaient dans ces droits que l'occasion de percevoir des revenus. L'attitude des engagistes de Brest n'était pas isolée et les marchands de Hennebont se retrouvaient, au moins pour la moitié dans la rue les jours de marché, ce qui n'empêchait pas le fermier d'exiger d'eux les droits de halle. Le seigneur qui affermait, mettait son pouvoir à la disposition des fermiers. Le Roi hérita des droits du duc à Morlaix où le poids au duc existait depuis 1455. Sur les Halles de Rennes pesaient minage, mesurage, levage et gardage qui lui rapportaient 1200 L. Le duc de Penthièvre, engagiste lui même, possédait un droit de coutume à Antrain et à Bazouges, de minage à Fougères, de mesurage à Hédé et percevait en plus 1/20 des offices. Ces droits variaient à l'extrême : 10 s. par tonneau de grain exposé à Rennes, 322e partie de chaque boisseau mis en vente à Saint-Brieuc. Abandonnés rarement, rachetés quelquefois, ils continuaient d'exister comme persistaient les droits de bouteillage (un à deux pots par pipe de vin exposée) et les anciens droits. Leur persistance avait pour conséquence le maintien d'un « véritable monopole seigneurial » auquel le roi participait. Ce monopole exista jusqu'à la Révolution parce que son rachat eut été trop onéreux pour le Trésor royal qui d'ailleurs y trouvait son profit39.
La fiscalité des Etats de Bretagne
40Obligés par les abonnements à posséder une administration plus efficace, les États levèrent des impôts supplémentaires pour couvrir leurs besoins, ajoutant une fiscalité provinciale à la royale. Les Fouages extraordinaires ne se perçurent régulièrement qu'à partir de 1661. Accrochés aux anciens fouages, ils multiplièrent par deux leurs recettes et rapportèrent 428 000 L par an. Sous la pression des besoins, ils grimpèrent fortement sous Louis XIV, passant à 642 000 L et atteignirent 1 284 000 L. Assortis de droits annexes montant à 450 000 L de 1714 à 1719, 327 000 L de 1720 à 1734, 352 000 L de 1735 à 1740, puis 316 000 L, ils ne sauraient être tenus pour négligeables. Le rachat des « droits d'usage et de nouvel acquêt » ajouta 7338 L dans un premier temps, puis 10 274 l. Mais, la ressource la plus ancienne et la plus importante consistait en la levée de droits sur les boissons. Le Grand Devoir, en place depuis 1593, consista d'abord en un droit d'entrée sur les vins. Il fut remplacé en 1604 par un droit sur le débit au détail et toucha alors plus directement les consommateurs. Plus récent, le Petit Devoir était destiné à payer des charges déterminées (pensions, sièges au Parlement, à la chambre des comptes, des officiers). Depuis 1697, l'assiette des devoirs n'évolua guère, ils rapportaient plus d'argent que la capitation.
41De 1721 à 1772, la capitation produisit 80 740 000 L et les devoirs et levées diverses au moins 135 ML. En ajoutant, par barrique, aux grands et petits devoirs, les 4 s par livre, les impôts et billots et leurs 8 s par livre, le courtage et les 4 sous par livre, les droits des inspecteurs et les 4 sous, les Bretons payaient des sommes fort importantes par rapport au prix du produit (59 %). Ces droits pesaient à la fois sur des boissons de consommation courante et sur les liqueurs et eaux-de-vie. Les taxes levées sur les vins du cru étaient supérieures à celles sur les vins de l'extérieur, mais le prix de ces derniers restait plus élevé (34,32 % en plus sur une barrique de vin rouge). Les droits d'octroi perçus par les villes s'y s'ajoutaient. Au total, cette fiscalité bretonne passa de 4 ML au début du siècle à près de 8 Ml à la veille de la Révolution avec pour écarts extrêmes : 3 808 000 L pour la période 1710-1713 et 9 280 000 L en 1733-1784. Il ne s'agissait certes pas d'une fiscalité concernant seulement les villes, mais elle venait peser davantage encore sur les Bretons et le commerce des vins.
- 40 de 1759 à 1779, ils avaient reçus 65 793 861 L dont ils remboursèrent 50 727 361 L.
42L'on ne peut assimiler les emprunts à la fiscalité bien que leur caractère souvent obligatoire, la modification arbitraire de l'intérêt, les retards de remboursements, le paiement du vingtième, l'en rapprochent. Nous possédons les listes des souscripteurs des emprunts émis par les États pour leur compte et pour celui du roi. Leur utilisation n'est pas simple, souvent nous avons seulement le nom sans autre indication. Nous connaissons seulement une minorité des souscripteurs individuels, les collectivités publiques, mais surtout religieuses et hospitalières participaient largement. La souscription d'un contrat en un lieu n'impliquait pas qu'il concernait uniquement ses habitants. Trois grandes villes centralisaient les souscriptions : Paris, Rennes et Nantes. Ces deux dernières ramassaient essentiellement les fonds bretons et surtout les participations religieuses. En 1763, Rennes reçut 916 974 L en provenance de l'Eglise : les Ursulines de Montfort versèrent 200 L, celles de Hédé 600 L. Les ecclésiastiques de Fougères apportèrent 18 880 L et ceux de Saint-Malo 470 024 L. L'emprunt de 6 ML (au denier vingt) fut souscrit à 23.71 % à Rennes et à 1,88 % à Nantes. Paris se taillait la part du lion avec 74.41 % du capital et 65.6 % des contrats. Est-il meilleure preuve de l'impossibilité d'enfermer la Bretagne dans ses frontières, ce qui était vrai en matière économique par le biais des investissements est vrai aussi pour les finances. L'argent des emprunts manipulé par les États de Bretagne provenait pour les deux tiers de l'extérieur. Les souscripteurs des emprunts antérieurs à 1732 furent doublement lésés : il y eu d'abord réduction de l'intérêt du denier 20 au denier 50, puis les États proposèrent à leurs créanciers de ne leur payer que les trois cinquième40. Pourvus de moyens, les États pouvaient intervenir dans les domaines les plus divers, investir ou aider les créateurs d'entreprises, les novateurs et même s'ils ne le firent qu'à un faible niveau, ils ne s'en privèrent pas. Ils avaient aussi l'argent pour entreprendre des travaux publics.
L'impôt en nature ou le temps confisqué
43Une des formes fiscales les plus importantes et les plus décriées consista en la confiscation d'un temps de travail pour effectuer pour le compte de l'État, des États, voire des municipalités, des travaux sur les routes, sur des chantiers urbains, des charrois. Il s'agit là d'un des aspects des rapports villes campagnes qui mériterait une plus vaste étude. L'on utilisait les gens de la campagne à des travaux qui dépassaient largement le cadre de leurs intérêts. La forme la plus connue est la corvée royale qui avait pour but l'entretien des routes royales, les « grands chemins » et s'ajoutait à la corvée seigneuriale. Nous avons déjà dit que jamais introduite officiellement en Bretagne, elle ne put être supprimée. de plus, en cas de problèmes exceptionnels, civils ou militaires, on réquisitionnait les paysans, leurs animaux de traits, leurs charrettes. Ce qu'ils firent lors de la reconstruction de Rennes. Ils avaient aussi la charge de transporter les matériaux, les bagages des militaires, les malades. Ils le faisaient comme pour les travaux exceptionnels sur réquisition de l'intendant. Ils assurèrent avec les citadins, le transport des forçats dans la seconde moitié du siècle. Cela se faisait comme pour le transport des troupes d'étape en étape et contre indemnisation. À Landerneau, on payait aux voituriers 40 sols par lieue y compris le retour, 5 sols par lieue de cheval. La chaîne annoncée quelques jours à l'avance, faisait étape et repartait le lendemain à trois heures du matin. En 1770, la municipalité de Landerneau écrivit à l'intendant pour « obtenir des voitures par corvée » pour le transport des mendiants. Celui-ci répondit que ce service devait se faire gratuitement.
- 41 C, Nières, « Les paysans et les transports au xviiie siècle », MSHAB, LXI, 1984, p, 153 et suiv.
44Il est impossible de chiffrer la part « fiscale » des hommes dans les travaux bretons. Certes la participation à la corvée se calculait pour chaque paroisse en fonction de la capitation, certes les charrois étaient indemnisés, tout au moins en partie, mais il y a unanimité des cahiers de doléances pour demander la suppression de ces prélèvements par trop inégalement répartis41. Le bon état des routes principales, celles qui servaient au transport des marchandises de ville à ville, au passage des troupes, la construction des fortifications de Brest de Lorient, les grands terrassements des camps, passaient par ce prélèvement qui pesa lourd au moment de la Révolution.
L'équilibre difficile des budgets municipaux
- 42 AD. 35, 1 Fg 5, Mémoire concernant les pays et duché de Bretagne, f° 401 et suiv. Suivi de la desc (...)
45Comment imaginer une politique municipale sans moyens financiers ? La seule marge d'autonomie que possédaient les villes reposait sur leurs moyens. Parmi les villes bretonnes, une quarantaine42 finit par posséder à la fin du xviie siècle des ressources qui provenaient à la fois des biens qu'elles détenaient (biens patrimoniaux) et des taxes diverses qu'elles levaient. Quant à celles qui se trouvaient sans ressources propres, elles dépendaient des généraux des paroisses et des aides fournies par l'État, les États ou leurs seigneurs. Seules les premières pouvaient prétendre dans des limites néanmoins réglementées, à dans une politique autonome touchant les secteurs de la santé, de l'éducation et de l'urbanisme.
Les budgets municipaux : un carcan réglementaire
- 43 AD. 35, C 3992.
- 44 Par exemple le maire de Rennes, Hévin, acheteur de son office en 1758, sus pendu par l’intendant e (...)
46Le roi accordait aux villes des ressources dont il contrôlait l'usage. Il prétendait à l'encontre des États de Bretagne avoir hérité ce droit des ducs et à la fin du xviie siècle, il fixa les budgets municipaux. C'en fut terminé de l'autonomie financière des communautés urbaines. Dès lors, le contrôleur général des Finances et l'intendant exercèrent une étroite tutelle conjointement avec la cour des comptes de Nantes. Surveillant la gestion municipale ils intervenaient chaque fois que les communautés voulaient, ou devaient, entreprendre des dépenses imprévues dans un budget tendu au solde légèrement positif. La logique exigeait que l'on acquittât en premier les dépenses qui concernaient en principe plusieurs postes budgétaires d'importance décroissante aux yeux de l'autorité de tutelle. Les miseurs dépensaient les fonds dans l'ordre fixé et s'arrêtaient les caisses vides. Aussi les ordonnances distinguaient-elles les dépenses ordinaires (annuelles, bisannuelles, voire trisannuelles), des dépenses extraordinaires auxquelles pouvaient s'ajouter des dépenses occasionnelles. Partout appointements et gages venaient en tête, avec le logement du gouverneur ou du lieutenant du roi à moins qu'il ne s'agisse de celui du commissaire des guerres, accompagnés de gratifications diverses. Suivait le paiement des rentes dues par la ville et les dépenses de gestion. Enfin l'on prévoyait quelques sommes pour l'entretien de la cité : remparts, portes, fontaines, enlèvement des boues et immondices, pavé, horloges etc. À l'occasion d'une enquête menée dans la première moitié du xviiie siècle et non datée précisément43, l'intendant essaya d'analyser les charges des communautés. Dans la première catégorie des dépenses (les charges ordinaires) nous retrouvons, mais dans un ordre différent, plus logique, les postes fixés vers les années quatre-vingt : rentes foncières et constituées, gages des officiers municipaux et des professeurs de collèges, le vingtième au profit de la province, la députation aux États. Emoluments des enseignants et vingtième n'existaient point avant. Dans la catégorie des charges extraordinaires, onze postes : 1/rachat d'offices, 2/marc d'or, 3/gages du Présidial, 4/logement, du gouverneur et du commandant, 5/logement du commissaire des guerres, 6/Prédicateur de l'Avent, du Carême etc. 7/taxation du miseur, frais de comptes, épices à la Chambre, 8/taxation des Généraux des Finances (8 d /L), 9/droits d'aides, 10/fermiers généraux et maîtres des postes, 11/loyer des maisons servant d'auditoires et de conciergeries. Déjà, nous remarquons des glissements : gouverneurs et prédicateurs passaient des ordinaires aux extraordinaires, de même que les frais de gestion, chose plus étonnante dans la mesure ou les miseurs ne s'oubliaient jamais. Ce budget plus précis que le précédent, surtout en matière financière, servait de référence type sans prétendre que toutes les villes s'alignaient dans son application stricte. Ici encore nous constatons l'absence de prévisions concernant les dépenses extraordinaires : feux de joie aux occasions multiples, entrées coûteuses, frais d'entretien des armes, matériel de la milice, remplacement de l'horloge, construction d'ouvrages publics, réfection des pavés, sans oublier les dépenses onéreuses qu'entraînaient les renouvellements des octrois et le rachat des offices, sans compter les dons gratuits et les impôts supplémentaires. Un accident, un incendie, une inondation, venaient bouleverser toutes les prévisions. Dans une colonne intitulé : « observations », le rédacteur notait cependant les dépenses prévues pour des travaux entrepris ou à entreprendre, les chiffrant parfois mais pas toujours. Or, les ressources initialement affectées aux dépenses ordinaires ne laissaient que peu de fonds pour couvrir les autres ce qui avait pour conséquence d'empêcher toute prévision et toute politique de transformation de la ville, sauf à ne tenir aucun compte de ces budgets théoriques ce qui n'était pas toujours possible. Ces budgets contenaient donc, en germe la recherche de ressources nouvelles, répondant à des besoins nouveaux. On pourrait objecter que Colbert et ses successeurs cherchaient moins à limiter les dépenses urbaines qu'à contrôler celles des municipalités afin de les harmoniser avec les moyens. Ils voulaient que soient payées les gratifications, les gages, les factures d'entretien et empêcher, autant que faire se pouvait, les dépenses de prestige et les gaspillages, allant jusqu'à chipoter l'exécution du portait du maire de Lorient. Ils envisageaient moins d'alléger les charges pesant sur les villes que de rendre celles-ci capables de leur faire face. Toutes les difficultés vinrent des charges, des dépenses que le pouvoir imposait aux villes sans les avoir anticipées alors qu'il était maître des ressources. Ce furent les décisions de l'État qui surchargèrent les municipalités et déséquilibrèrent leurs budgets dans la plupart des cas. À la fin du xviie siècle, les dépenses liées aux besoins de la monarchie se multiplièrent : emprunts, dons gratuits, offices municipaux. Certaines disparurent à la mort de Louis XIV pour renaître à l'occasion, par exemple les offices. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, les besoins d'argent liés aux travaux publics augmentèrent concernant auditoires, banlieues, traverses, toutes charges allant bien au-delà des sommes fixées dans les budgets initiaux pour le simple entretien. Dans ces conditions, l'on comprend l'inquiétude non seulement des édiles, mais aussi des intendants et des Contrôleurs généraux. Lettres, mémoires, mesures se suivaient et parmi ces textes, le Mémoire instructif'envoyé aux intendants nous précise la position du Contrôleur. Il rappelait une fois encore, les charges ordinaires des villes qui comprenaient réparation et entretien des portes, murailles, pavés, ponts, chaussées et édifices publics divers. Il mettait ainsi en avant des préoccupations édilitaires qui n'apparaissaient pas ou beaucoup moins, dans les budgets fixés à la fin du xviie siècle. Il renouait avec ce qui avait été l'occasion de la création des octrois. Les intendants, faute de trouver des ressources supplémentaires, faute aussi de pouvoir décharger les villes de ces travaux, tenus au contraire à leur en faire porter le poids, ne pouvaient que surveiller avec plus d'attention encore les comptes pour empêcher toute dilapidation. Le reproche qu'ils firent aux maires de « dissiper » le revenu des villes me semble en l'occurrence peu fondé, même si, ici où là, à Rennes en particulier, quelques magistrats en aient pris à leurs aises avec la réglementation44.
47Les villes avaient peu de moyens de pression pour éviter de payer au moins une partie, de ce que le roi exigeait. Elles demandaient des allègements, des délais, tardaient à débourser. Elles ne manquaient pas non plus de réclamer l'augmentation de leurs ressources. C'est ce qui se produisit pour les offices municipaux. Ultime moyen, l'émission d'un emprunt couvrait quelquefois des dépenses imprévues et particulièrement élevées. En 1782, à propos d'affaires concernant Saint-Brieuc, l'intendant précisa sa pensée en écrivant en juillet 1782 à Joly de Fleury :
« En général, il serait assez juste que les villes fussent obligées d'entretenir les grandes routes dans toute l'étendue des lieux où elles perçoivent leurs octrois. Je regarderai même cette obligation comme de rigueur si la majeure partie des produits de leurs octrois ne se trouvait pas absorbée par une infinité de charges qui n'existaient pas autrefois [...]. Lorsque les communautés ont demandé la concession des octrois leurs objets étaient d'en employer le produit aux ouvrages publics qui les intéressent et surtout à rendre praticables les abords des villes qu'on a depuis désignés et limités sous le titre de banlieues [.] mais depuis le gouvernement s'est attribué une partie des octrois, il en a affecté une portion aux gouverneurs, il en a donné une autre à des réparations qui étaient à la charge du Domaine ».
48En 1788, la situation des finances urbaines parut si fâcheuse qu'il ne sembla plus possible de différer davantage leur redressement. Elles ne pouvaient plus couvrir les dépenses fixes et ordinaires, encore moins en entreprendre d'extraordinaires telles que les réparations urgentes des pavés, ponts, quais, ports et édifices publics. Brest se trouvait parmi les villes les plus touchées par cette crise mais le Croisic ne faisait face qu'à la moitié des dépenses ordinaires, Dol, Saint-Malo déboursaient un tiers en plus de leurs ressources, Rennes, Morlaix, Quimper, Vannes se retrouvaient sans moyens. de toute urgence, il fallait après une enquête scrupuleuse, retrancher toutes les charges inutiles, améliorer les recettes, lutter contre les détournements et contre ce « préjugé général en Bretagne qui s'oppose toujours aux moyens de porter les perceptions d'octrois à leur véritable produit ». À la veille de la révolution, l'on est reporté un siècle en arrière au moment où Colbert entreprenait l'assainissement des dépenses urbaines.
- 45 AD. 35, C 237, État des revenus et charges des communautés des villes de la Province de Bretagne é (...)
49Les conditions d'établissement des budgets, tout au moins pour les dépenses ordinaires, expliquent le solde positif théorique des budgets municipaux. Même en ne tenant compte que de la fiction budgétaire, les possibilités variaient d'une cité à une autre. Sur 40 villes possédant des budgets réglés en 177745, dix avaient un solde comptable théorique inférieur à 1 000 L, neuf entre 1 000 et 2 000 L, onze de 2 000 à 5 000 L, trois de 5 000 à 10 000 L, quatre de 20 000 à 30 000 L et deux au-dessus de 30 000 livres. Le Croisic avait le solde le plus faible (49 L 4 s 9 d), Guérande venait ensuite (133 L), Ancenis, 381 L, il restait à la communauté d'Hennebont 2745 L, ce qui n'était pas négligeable. Au sommet, nous trouvons Brest (31 431 L 11 s 1 d) et Nantes (32 000 L). Morlaix avec un solde créditeur de 26 340 L.4 s 1 d possédait en principe une aisance remarquable pour la taille de la ville. Dans cet état, Dol et Vitré présentaient le cas aberrant de soldes théoriques négatifs, c'est-à-dire d'un budget en déséquilibre permanent.
- 46 AD. 22, C 1. 1775. Ils consistaient en un droit de pavage de six deniers par tonneau de vin…/...
50Les ressources de l'ensemble des villes provenaient soit des recettes des octrois, soit des biens patrimoniaux. En Bretagne, ces derniers de peu d'importance voire même négligeables, consistaient dans la plupart des cas dans la perception du revenu propriétaire, le paiement de rentes. À Saint-Brieuc ils représentaient 0,04 % des recettes totales, à Tréguier 0,5 %, à Lannion, 1,9 %. Il en allait différemment des octrois qui fournissaient l'essentiel des ressources. Ils avaient pour origine les devoirs de « cloison » ou « clouaison » qui servaient aux fortifications et depuis détournés vers d'autres dépenses. Ces recettes avaient toujours, au début, une justification précise. Ainsi, Auray obtint le 30 juin 1609, un octroi d'un sol par pot de vin pour payer les dettes contractées pendant les troubles. Quand la ville bénéficia à nouveau de cet octroi en 1620, il s'agissait alors de la construction du couvent des Capucins commencé en 1607, des frais d'installation d'une pompe et d'un abreuvoir sur la Grand place, de l'entretien du pont Saint-Goustan. Les renouvellements suivants, en 1629 pour six ans, en 1639 pour neuf ans, se justifiaient par des dépenses publiques : entretien ou construction de bâtiments à l'usage du clergé (presbytères, couvents), à l'usage des citadins (pyramide pour installer l'horloge, quais, abreuvoirs...). En 1664, la ville reçut, en supplément, 6 deniers par pot de cidre pour payer le rétablissement du grand pont : « un des plus grands et des plus fréquentés de la province de Bretagne46 ». Elle continua par la suite de jouir de ces octrois. À Sarzeau, ils existaient depuis 1632, et la communauté en demandait régulièrement le renouvellement. En 1672, elle précisa qu'ils serviraient à l'entretien des halles, de l'auditoire, de la prison, de l'horloge, des murailles, des remparts de Suscinio, des pavés, du corps de garde enfin à la réparation des chemins. Tout ceci absorbait la moitié des recettes, l'autre allait à la remise en état de l'église. Quand intervint le règlement de 1681, d'autres dépenses, sans doute négligées jusque-là, apparurent : gages des officiers municipaux, du maître d'école, du médecin, le tout estimé à 915 L. Mal calculé, ce budget ne couvrait point les débours de la ville qui versait 225 L pour frais de représentation aux États. Enfin, les villes qui ne possédaient pas d'octrois, pouvaient, à l'occasion, en obtenir pour accomplir une tâche précise. Audierne, cité sans communauté, pour couvrir les frais de mise en état du port, eut le droit de percevoir 6 d par pot de cidre vendus au détail dans le bourg et dans les débits d'Esquibien, Primelin, Cléder, Goulien, Plogoff et Ploërmel.
- 47 AM. St-Malo, BB 53, f° 26 v°. 20 septembre 1773, Lors du bail précédent, la valeur des octrois ava (...)
51La perception des octrois pesant sur les marchandises à destination des citadins ou en transit, sur la consommation, donnait lieu à adjudication. Il fallait à Sarzeau une recette égale à 1 325 L pour couvrir les dépenses. de 1718 à 1740, le bail fut toujours inférieur à 1 000 L et, pire, la ville ne trouva aucun preneur de 1741 à 1768 malgré une lettre patente de renouvellement pour 25 ans. Cas extrême d'une cité qui ne disposait plus de moyens réguliers pour faire face au moindre frais et qui vivait alors comme les cités dépourvues de finances propres en s'appuyant sur le général de la paroisse. Les fermiers, ici comme ailleurs, ne s'engageaient que pour faire des bénéfices et les baux traduisent les estimations qu'ils faisaient de l'évolution économique de leur ville. Quand ils se trompaient, ils ne manquaient point de demander une réduction de leurs versements voire la résiliation de leur contrat comme le fit Béranger à Rennes après l'incendie : le bail de 102 260 L (20 juillet 1720) tomba à 86 000 L (20 février 1722), remonta à 100 000 L en 1731 et redescendit à 99 000 L puis à 79 000 L. Ces variations dans les recettes, que l'on pourrait croire accidentelles parce que liées à la situation de la capitale bretonne étaient au contraire générales47. Elle dépendait de l'activité des cités, de la situation des habitants. Les baux traduisent la situation économique de chaque ville : les revenus de Combourg atteignaient 115 421 L 9 s 5 d en 1698, 92 011 L 11 s 4 d en 1704 et seulement 68 121 L 16 s en 1737.
52Mais il y avait loin de la théorie à la pratique telle que celle-ci apparaît en recoupant trois documents : le budget, les comptes rendus des miseurs et receveurs des droits patrimoniaux et surtout les états au vrai, difficiles de lecture mais heureusement complétés par les bordereaux de paiement quand ils existent ce qui est loin d'être la majorité des cas. L'expérience apprend que les chiffres varient d'un document à un autre. Non quand il s'agissait du calcul des deux masses : recettes/dépenses, mais dans la ventilation. Il est facile de comprendre que les miseurs inscrivaient dans les documents officiels soumis à examen, des dépenses qui ne correspondaient pas forcément à leur intitulé. À Rennes, nous constatons, et ce n'est qu'un exemple partout répété, qu'il n'y avait plus de relations (dés le début du xviiie siècle) entre le budget théorique réglementé en 1681 et celui des miseurs. Dès 1719, les dépenses se faisaient sans distinction d'origine des fonds ce qui compliquait leur tâche dans la mesure où ils rendaient compte tous les ans des dépenses ordinaires et tous les trois ans des comptes de sol et liard. En 1731, l'on établit un compte unique annuel qui avait pour avantage outre la simplification des écritures, de permettre à la municipalité d'avoir une idée plus précise de la réalité de l'état de ses finances sans que pour autant fut perdue l'habitude de travestir les débours.
53La perception des octrois pose le problème de l'étendue du territoire fiscal. Déjà, nous avons vu que la capitation se prélevait au-delà des murs, il en était de même pour les octrois. La notion de barrière ne recouvrait qu'une réalité partielle dans la mesure où l'on acquittait des droits aux portes réelles ou fictives des villes. Mais à Rennes l'emplacement des perceptions varia en fonction du développement des faubourgs. La perception des taxes sur les boissons, vins, eaux-de-vie, bières dépassait largement ces limites. Or, les augmentations les concernaient le plus souvent en priorité car, Terray l'expliquait, elles ne gênaient pas le commerce. À la demande d'augmentation de revenus de quelques villes, il répondit :
- 48 AD. 35, C 237. Terray à l’intendant (12 septembre 1770).
« Il conviendrait de m'indiquer quels sont les produits de consommation dans chacune des villes qui sont susceptibles ou de l'établissement d'un nouvel octroi ou de l'augmentation de certains subsistants [...] je n'en autoriserai aucune [augmentation] qui puisse porter sur le commerce extérieur ou qui ne frappassent pas également sur tous les habitants48 ».
- 49 Ces droits existaient à Rennes en 1418 (BM. Rennes, 16 257 n°25), à Dinan, à Fougères, à Guingamp, (...)
- 50 AD. 35, C 4693.Un fardeau vaut une demi charge soit 150 lp.
- 51 AN. 1 H 579, AD. 35, C 870.
54Une partie des droits initialement établis, tels ceux des « devoirs » ou « pavages » destinés à l'entretien des rues, concernait normalement les produits pondéreux entrant dans la cité49. Les Pancartes urbaines, à ne pas confondre avec la pancarte de 1453 générale pour la Bretagne, réunissaient tous les droits dus. Celle de la Prévôté de Nantes les répartissait en trois : 1/sur la vente de toutes les marchandises et denrées arrivant par mer à Saint-Nazaire ou y allant, 6 deniers par livre (soit un quarantième). Cela concernait les poissons, les textiles, les cuirs. 2/sur les marchandises qui échappaient au quarantième : les fardeaux50 de toiles, de droguerie, d'épicerie, la garance, les futaines, les canevas, le papier, 2 sols 6 deniers par fardeau en une seule fois à l'aller ou au retour. 3/les blés, les vins, les eaux-de-vie payaient des tarifs particuliers. Le marchand de blé les acquittait déchargé au Pèlerin, à Couëron et entre Couëron et Saint-Nazaire (5 sous), même taxe pour la charge de 12 setiers. Enfin un droit de quillage de 3 s 1 d se levait sur tout bâtiment de plus de 6 tx et transportant des céréales. En 1712, le sieur Chalet obtint la ferme des octrois de Nantes pour 28 ans à raison de 170 000 L par an. Subrogé par Ralet qui versa 104 000 L à partir du 1er janvier 1715, il fut prorogé, sur proposition de l'intendant de Brou, du 1er janvier 1724 au 31 décembre 1732 et à la suite d'une requête en subrogation présentée en 1729 par J.-B. Grosset, il obtint à nouveau le marché pour 110 000 L. En 1740, Michel Gérard devint le nouveau fermier pour 151 000 L mais la guerre survenant, il demanda d'être déchargé et ne versa en 1744,1745 et 1746 que 116 000 L. Les difficultés conduisirent à la mise en régie des octrois qui rapportèrent 196 688 L par an de 1759 à 1769, puis 733 413 L en quatre ans : (1772 à 1775) soit plus de 183 000 L en moyenne51.
- 52 AN G 7/76,/178. Lettre de B. de Nointel au Contrôleur (30 mars 1695). Le budget de Nantes avait ét (...)
55Nantes, d'après ces comptes apparaît comme une ville florissante dont les seules taxes aux entrées traduisaient la prospérité. Mais une ville riche par son trafic, n'est pas toujours une ville aux finances aisées. Dès la fin du xviie siècle, la ville connut des difficultés budgétaires et demanda en 1695, la prolongation du bail pour pot de vin accordé le 1er février 1653 qui arrivait à expiration le 31 juillet 1698. Elle souhaitait son maintien jusqu'en 1713 à charge pour elle d'assurer la finance de la milice bourgeoise. En fait, les deniers de la communauté étaient engagés jusqu'en 1713 pour le paiement du don gratuit (150 000 L52). Il y avait un déficit de 14 800 L par an du aux dépenses imprévues liées à la création des offices. En 1723, nouvelles difficultés. Cette fois, il s'agissait de la construction de la bourse. Sur les 99 000 L prévues, 70 000 avaient été fixés par l'arrêt du conseil du 16 août 1720 à la charge de l'État qui avait versé 63 520 L. Mais la dépense montait à 134 685 L soit un dépassement qui atteignait quelques 36 000 L au moment où la ville construisait un quai à la Chèzine. Faute d'argent, les travaux furent interrompus ce qui eut pour conséquence de retarder l'achat par les investisseurs privés des terrains sur lesquels devaient s'élever les magasins. Cette situation poussa Grosset à remplacer Ralet en proposant de payer 110 000 L en prime à la communauté, somme bienvenue, mais en offrant 100 000 livres pour 9 ans à partir de 1733, il faisait une bonne affaire.
56Nantes jouissait comme toutes les villes maritimes, de ressources plus diversifiées que les villes de l'intérieur. L'examen de ses comptes entre 1760 et 1768, en souligne le caractère très variable. Il y avait sept postes de recettes mis en régie : 1/les droits de Prévôté (mais ils appartenaient au roi), 2/les droits sur la vente au détail des vins et du cidre (ville et banlieues), 3/ 8 sous par pipe de vin, 4/le produit des fermes, 5/le produit des amendes, 6/les deniers patrimoniaux.7/le sol par livre appartenant au miseur, plus les droits perçus jusqu'en 1768 sur la compagnie des Indes.
57La seule différence, sensible, entre les deux années, concernait le premier poste, celui des marchandises arrivant à Nantes en provenance de Marseille et des Îles. Les vins de Bordeaux ne rapportaient alors pas plus de 800 L, les bières étrangères 600 L, le cidre 100 L et l'ensemble des autres marchandises payant les droits de prévôté pas plus de 500 L.
58Il existait à Nantes d'autres droits réunis : un droit de méage réuni au Domaine royal en 1684 (6 sous par muid de sel), des droits d'octroi levés à l'entrée de la ville suivant la pancarte du 13 avril 1596, un droit de pavage (2 s par demi charge- 5 d par charrette, 3 d par animal). S'y ajoutaient 6 deniers accordés le 15 juillet 1695 jusqu'au 20 juin 1713, doublé du 5 octobre 1707 au 1er janvier 1716, encore recueillis pour trois ans en 1722 et dont 1/3 allait au Sanitat et 2/3 à l'Hôtel Dieu.
- 53 AD. 56, 2 E 1503, Arrêt du conseil du 31 juillet 1787. Impôt réparti sur les propriétaires et les (...)
59Toutes les villes ne disposaient pas d'une telle variété de droits : les octrois de Brest consistaient en 8 L par tonneau de vin, 4 L par tonneau de cidre entrant et en 8 sols par pot de vin et 1 sol par pot de cidre. Quant aux villes qui ne possédaient pas de droits ni de biens, elles recevaient quelquefois, l'autorisation de lever sur les habitants un impôt particulier. Lesneven obtint ainsi 12 000 L payables en quatre ans pour installer un nouveau cimetière et réparer le clocher de l'église53.
60Non seulement les villes servaient de relais pratiques pour la perception d'un impôt, mais encore des débours improductifs grevaient les finances urbaines. Le prix de gestion du budget, la tenue des comptes, leur reddition, revenaient très cher. Le miseur touchait en principe 1 s/L auquel s'ajoutaient les frais de fourniture, les épices et 5 s/L sur ces épices. Sans compter les frais bisannuels de jugement. Les miseurs qui se rendaient à Nantes étaient défrayés et recevaient une indemnité. Lannion paya pour le voyage 36 L en 1775, plus 450 L de frais divers à Nantes, ce qui, ajouté à la taxe des miseurs, porta le coût de l'opération à 668 L soit 25,81 % du budget de la ville. À Lamballe, entre 1766 et 1778, on déboursa entre 645 et 768 L annuelles et tous les deux ans 60 livres de déplacement, ce qui correspondait à prés du dixième des ressources de la cité. À Tréguier, la taxe grimpa à 400 L par an, plus 778 L 18 s de reddition de compte tous les deux ans. Ainsi, la gestion financière des cités revenait très cher et ce ne fut pas une des moindres revendications des édiles que d'en voir diminuer le poids, mais, dans beaucoup de villes, le cursus municipal passait par cette fonction et l'intérêt privé des échevins les portait à garder cet avantage.
- 54 AD. 35, C 1267. Ils rapportaient 34 610 livres.
- 55 F. Lebrun, Se soigner autrefois…, 1983, p. 48. L’enseignement de l’obstétrique fut décidé par les (...)
- 56 AD. 35, C 513. 523, 528. La ville fixa la gratification des médecins à 300 L par mois pour la visi (...)
61Plus espacés dans le temps, les frais d'obtention des lettres patentes pour le renouvellement des octrois augmentaient épisodiquement les charges. À Lannion, il fallait débourser de 800 à 900 L tous les 15 ans et les édiles mirent sagement 54 L de côté par an. Tréguier versait tous les 9 ans plus de 150 L pour les grands octrois et 186 L pour les nouveaux, Moncontour régla 1571 L 10 s 5 d en 1778. L'on peut rapprocher de ces débours, les sommes allouées aux représentants des villes aux États. de petites cités comme Moncontour prévoyaient 200 L tous les deux ans, soit 8,9 % des charges en 1778, 12,1 % en 1784. Lannion 500 L, Lamballe, 200 L et il en coûta 1586 L à Guingamp pour la seule année 1771. Les ports de lettres et de paquets ne dépassaient guère une dizaine de livres à Moncontour mais montèrent à 40 L à Lannion en 1775. Encore ne s'agit-il que de petites cités. Au bout du compte, toutes ces dépenses pesaient davantage sur les villes petites et moyennes auxquelles elles laissaient peu de moyens, diminués encore par les gratifications, les salaires du greffier, du héraut, des tambours. Toutes par contre n'avaient point d'horlogers à demeure, il apparaît tardivement à Moncontour et à Lamballe, il n'y avait ni valet de ville, ni portiers, à l'inverse de Rennes où le Grand Portier recevait 36 L et les deux Petits Portiers 20 L chacun. Cette ville rétribuait aussi un concierge pour son hôtel de ville et donnait 400 L aux députés de quartier. Ce personnel s'accrût au cours du xviiie siècle avec le recrutement plus systématique d'enseignants et d'un personnel médical ou paramédical. La santé apparaît dés les premiers budgets par la participation aux frais de gestion de quelques hôpitaux. Dans certains cas, il avait fallu leur trouver des ressources propres plus importantes et plus régulières que celles des fondations quoique le sieur Guillaume léguât 200 000 L en 1781 ; ce fut le cas à Nantes où les administrateurs demandèrent et obtinrent 6 d par pot de vin pour trois ans (renouvelables). Les Nantais auraient préféré lever 15 000 L sur leurs octrois. À ce moment-là, les revenus de l'Hôtel-Dieu ne pouvaient couvrir les dépenses (20 317 L contre 53 430 L), quant au Sanitat ses 14 000 L ne lui permettaient pas de s'occuper décemment des 400 pauvres qu'il recevait. La lettre patente d'augmentation des octrois fut accordée 1e 9 décembre 1728 et renouvelée par la suite. Quand l'Hôpital général de Rennes fut fondé en 1679, il reçut un « octroi » sur les boissons et divers droits complémentaires : l'un portant sur la vente de la viande pendant le Carême, les autres perçus lors des entrées du Parlement (6 L 8 s) et du Présidial (3 L 4 s54). Les comptes montrent que les municipalités se préoccupaient de la santé des habitants non seulement en rétribuant médecins et chirurgiens, mais aussi en envoyant les sages-femmes suivre des stages de démonstration d'accouchement sur la machine55. Saint-Brieuc payait 400 L à son médecin et versa une gratification de 100 L à sa sage-femme pour ses cours d'accouchement. Des cours furent organisés à Lamballe même où, en 1786, 17 femmes et filles suivirent les cours d'accouchement du sieur Dubois et, Lannion qui possédait une accoucheuse, demanda à l'intendant l'autorisation d'avoir un médecin et un chirurgien appointés56.
- 57 J. Quéniart, « Autour du collège d’Ancien Régime. », Pouvoir, ville et société en Europe, 1983,p. (...)
62Un effort tout aussi important concerna l'enseignement avec des différences de niveaux et plus de diversités : ici, un maître d'écriture, là, un maître d'hydrographie, ailleurs des enseignants de dessin, des professeurs pour les collèges. Leur existence précédait la réforme budgétaire de 1680-1681, aussi entrèrent-ils dans les budgets types. D'autres apparurent par la suite, tel le maître de latin et d'écriture de Redon en 1774, ou le professeur assisté de deux anciens marins qui assurait les cours d'hydrographie de Saint-Malo. Mais si la communauté de Tréguier versait 200 L au régent et payait les réparations du collège, si celle de Rennes joua un rôle déterminant dans l'installation et le développement du collège des Jésuites57, si l'effort de Brest fut réel, le budget de Saint-Brieuc ne laisse apparaître aucune dépense de ce type.
63En versant ces gages ou ces gratifications, les villes s'engageaient dans une politique de municipalisation qui les amenait à contrôler ces secteurs. Il n'en était pas de même pour les gouverneurs ou leurs lieutenants, pour les connétables. Les villes supportaient ce paiement sans aucun avantage. Quant aux dépenses militaires, nous en avons parlé. Rappelons aussi, les fonds consacrés aux prédicateurs (non prévus en 1681), l'achat des cierges, des chandelles que l'on brûlait lors des cérémonies religieuses, de la fête du saint patron, des processions de l'Assomption, du Vœu, du jour de la Circoncision. Petites dépenses qui ne dépassaient guère quelques dizaines de livres pour une ville comme Rennes.
64Il est évident que l'addition de toutes ces charges laissait peu de chose pour les travaux publics, pour l'équipement des cités. Tous les budgets possédaient des lignes concernant l'entretien des édifices publics. Mais, les baux ne prévoyaient ni le remplacement des équipements, ni l'achat de matériel nouveau, encore moins la construction de bâtiments neufs. Saint-Brieuc ne réservait que 15 L pour son horloge et 10 L pour l'horloger ; elle dut néanmoins débourser quelque 1 000 L de réparations. Aucune augmentation budgétaire ne correspondit aux dépenses d'urbanisme : éclairage public, bâtiments neufs et surtout traverses et banlieues dont l'intendant exigeait qu'elles fussent en bon état.
65Les travaux publics revenaient chers. Certains avaient un caractère répétitif : entretien des rues, des ponts et d'autres, un caractère exceptionnel : constructions de bâtiments publics, agrandissements, lotissements, sans parler de ceux qu'entraînaient inondations et incendies. Les premiers concernaient les baux d'entretien. Adjugés pour plusieurs années, en bloc ou par catégories, ils tendaient à maintenir en état la voirie, les murs, tours, bâtiments divers appartenant à la ville. À Vitré, Pierre Huard passa un marché de neuf ans pour les « pavés et autres ouvrages » à raison de 1 400 L par an. À Ancenis, le bail de neuf ans ne concerna que les pavés (300 livres), à Vannes, l'entretien des pompes revint à 200 L pour cinq ans. Ces prix n'avaient rien à voir avec les sommes investies dans les grosses réparations. Le pavé de Hennebont coûta 27 000 L. Le seul rétablissement des banlieues de Rennes exigea au cours du siècle des sommes considérables. En vingt ans, de 1737 à 1757, la ville déboursa au moins 125 236 L. Elle couvrit aussi les frais d'établissement de la Motte, du port de Viarmes, prés de 40 000 L en 1740. À Redon, pour ne prendre qu'un autre exemple, les travaux publics de 1765 à 1783, montèrent à 84 000 L. Partout où il fallait non plus entretenir mais remplacer ou créer, les dépenses dépassaient très largement les possibilités des municipalités et les travaux liés aux villes de Brest, de Lorient et l'agrandissement des villes anciennes, montaient à des niveaux inaccessibles. Le projet Vauban concernant Saint-Malo et qui n'a pas été réalisé demandait un investissement initial de 306 310 L dont une partie pouvait être récupérée grâce à la vente des terrains, des boutiques et des chambres. Garengeau envisageait de porter la dépense à 999 472 L (25 septembre 1712). Il est vrai que dans l'un et l'autre cas, la communauté n'en payait qu'une partie, 6,6 % du second ce qui correspondait à la moitié des dépenses consacrées aux quais et aux cales et bénéficiait des investisseurs privés. Quant aux accroissements ultérieurs, le devis de 1735 était de 164 000 L mais il montait à 442 832 L l'année suivante. Certes Saint-Malo connut les travaux les plus importants du début du siècle, mais nous avons vu l'ampleur des travaux qui concernèrent la Province, ses ports en particulier. Bien que les chantiers de Morlaix ne concernèrent qu'une partie des projets, ils absorbèrent 113 920 L.16 s 3 d de juillet 1751 à fin novembre 1759. À Saint- Brieuc les aménagements du Légué devaient revenir à 336 000 L en 1756 auxquelles s'ajoutèrent 78 420 L. pour des améliorations.
- 58 AD. 35, C 4856, Bail adjugé à Mérré : 40 000 L payables en neuf ans par parties égales (devis du 2 (...)
- 59 AD. 35, C 3 933. Lettre de la communauté à l’intendant (1er janvier 1778). Autre requête présentée (...)
- 60 AD. 35, C1913. Terray à Dupleix de Bacquencourt (Versailles, 4 octobre 1773). Le mémoire non daté (...)
66La politique suivie par l'État au cours du xviiie siècle aggrava cette situation. D'une part, il exigea des villes que banlieues et traverses fussent en bon état, d'autre part, il se défit de l'entretien des auditoires. L'entretien des banlieues pesait davantage sur les villes petites et moyennes que sur les grandes dans la mesure où leur nombre ne dépendait pas de la taille de la cité. Aussi ne faut-il pas s'étonner des embarras de Guérande qui dut payer 15 149 L pour l'entretien de ses quatre banlieues. Des villes plus importantes avaient aussi des difficultés. Les huit banlieues de Dinan épuisant ses finances, la communauté décida de les « mettre à bail » lors du rétablissement général des pavés publics. La ville joua de malchance. Une fois les travaux terminés, un orage épouvantable les détruisit créant des dégâts considérables et obligeant à travailler trois mois supplémentaires58. À Quimperlé, la communauté après avoir déboursé 32 650 L pour ses banlieues, ne put réparer ses ponts, ni aménager la traverse encore moins désensabler le port. La situation délicate où se trouvaient bien des caisses entraîna des retards importants dans la progression des travaux, voire leur arrêt. La réfection des pavés commencée à Ancenis en 1757 traînait encore douze ans plus tard. Il est vrai que dans cette affaire, la responsabilité des États se trouvait engagée dans la mesure où ils n'avaient pas débloqués les fonds accordés. En 1778, Châteaubriant dut commencer des travaux urgents estimés à 30 000 L alors qu'elle ne pouvait espérer que 1274 livres par an. Carhaix ne disposait que de 1674 L 17 s 4 d quand sa charge monta à 102 162 L. La ville déboursa pour l'ouverture de la traverse et l'établissement des cinq banlieues 50 000 L, plus 15 000 L pour le champ de foire. Aussi ne faut-il point s'étonner de la réaction vive des communautés quand le roi les obligea à payer la réparation des auditoires et des prisons. Parmi les protestataires, les municipalités de Hennebont et de Quimperlé. Dans la première, quais et banlieues avaient grand besoin de travaux en 1764 et la ville manquait de moyens. En 1770, rien n'était encore fait. L'ingénieur Magin, envoyé sur place, ne pouvait que constater la situation déplorable : avec 9 000 L dont une partie était affectée comment payer 35 000 L de réparations des quais et 38 à 39 000 L pour les banlieues ? Aussi la ville s'opposa vigoureusement à l'obligation qui lui était faite de réparer le toit de la prison. Condamnée à payer, elle continua à réclamer que les villes fussent dispensées des dépenses extraordinaires auxquelles le gouvernement les assujettissait59. Quimperlé avait une position identique. L'intendant comprenant leur attitude tarda à communiquer aux villes l'arrêt de mars 1773 et ne le fit, par lettre circulaire du 17 octobre 1773, que sur injonction du contrôleur général des Finances. Ce dernier profitant de l'opposition des gens de Quimperlé donna son sentiment à l'intendant qu'il sentait pour le moins réticent60 :
« Il n'est pas possible de mettre en Bretagne une administration différente sur l'entretien des Palais de Justice et des prisons que celle établie dans les autres provinces. La plus grande partie des villes [bretonnes] dépendent des Domaines entre les mains des engagistes qui ont été jusqu'ici tenus d'entretenir les auditoires et qui continuent de l'être [...] il en résulte pour ces villes un très grand soulagement [...] dans quelques autres les engagistes seront tenus non seulement de l'entretien des auditoires mais encore de celui des prisons. Cet arrêt n'offre aux villes de Nantes et de Quimper aucune charge extraordinaire puisque depuis longtemps elles sont assujetties à l'entretien des Palais de Justice et des prisons. [À Saint- Malo] c'est l'évêque de cette ville qui pourvoit à l'entretien de ces bâtiments qui est assis sur son fief [...] reste donc Rennes, Vannes Saint-Brieuc et quelques autres ».
67L'intendant enquêta et trouva deux sortes de villes : celles avec « communauté » (une vingtaine) et celles dites « sans » (huit). Parmi les premières, Auray, Carhaix, Dinan, Fougères, Hennebont, Lannion, Lesneven, Ploërmel, Quimperlé engagées au duc de Penthièvre, Guérande à l'évêque de Nantes. Le duc de la Valières qui possédait Rhuys et le marquis de Troyes, Morlaix ne se chargeaient pas des réparations. Par contre les prisons de Ploërmel au sieur Crevy, celles de Nantes et de Quimper, déjà à la charge des communautés étaient régulièrement réparées. Aucune indication ne concernait Brest, Concarneau, Hédé et Vannes. Dans le second groupe : Antrain et Bazouges à la charge du duc, Châteaulin à celle de M. de Penfao, rien sur Jugon, Châteauneuf, Gourin et Saint-Aubin-du-Cormier.
68La difficulté essentielle rencontrée par les cités résidait dans la politique royale de fiscalité déguisée. Nous avons un exemple intéressant de cette politique dans la création des octrois pour la réunion des offices municipaux en 1748 et en 1758. Ces rachats présentèrent des charges d'autant plus considérables pour les budgets que la situation du début du siècle n'était pas toujours liquidée. Quimperlé devait en 1700, 6050 L et des années durant elle ne put trouver un maire alors qu'elle avait payé sa réunion. Il est vrai que la fonction paraissait une charge onéreuse, aléatoire prenant trop de temps. Il en coûta 19506 L à Auray pour réunir 16 offices, 6 661 L à Brest (13 offices), 12 426 L à Carhaix (13), À Moncontour, le remboursement atteignit 34,6 % des dépenses en 1778, 31,4 % en 1784, à Lannion, 26 %. En ne considérant que les 20 villes pour lesquelles nous possédons quelques détails de gestion concernant les offices, nous constatons qu'elles en achetèrent 209 dont une partie réunie faute de candidats. Il en fut ainsi à Auray des offices d'adjoints au maire ancien et alternatif, à Brest des mi triennaux, à Carhaix, des 13 offices créés par l'édit de novembre 1733 et réunis par l'arrêt du 9 avril 1748, au Croisic, à Fougères. Nantes, le plus gros acheteur versa d'abord 352 568 L et paya finalement 516 834 L. Dol acquit l'office de maire (3084 L) mais n'en acheta aucun autre et personne ne se porta acquéreur. Lorient bénéficia de l'appui de la compagnie des Indes qui paya les 16 offices de la ville. Les particuliers achetaient plus volontiers les offices clefs ou de prestige tel celui de gouverneur, de miseur ou de contrôleur : Jacques Guillemot prit celui de miseur à Auray. À Concarneau, le même office trouva preneur, comme à Brest, ceux de gouverneur, avocat du roi, contrôleur des deniers et à Saint-Brieuc, de gouverneur et lieutenant du roi. Les seigneurs en achetant les charges principales trouvaient le moyen de contrôler les corps municipaux : le marquis de Villeroy acquit en 1742 les offices de maire alternatif, de maire alternatif mi triennal, de procureur du roi, il fit de même à Quimper. Le duc de Lorge prit celui de maire alternatif de Quintin. L'on comprend dans ces conditions que des municipalités se portassent acquéreuses des offices principaux quelles que fussent les difficultés financières. Il en avait été ainsi au début du siècle par exemple à Rennes et cette politique continua par la suite. La Guerche, Auray rachetèrent les offices de miseurs. Nous comprenons mieux ainsi, les limites de l'action des communautés, surtout en matière d'urbanisme. Prenons l'exemple de Lamballe qui disposait après l'arrêt du 3 juin 1682 d'un solde budgétaire de 4 274 L. Dans cette ville peu de gages (8,81 %), par contre d'importants travaux d'entretien (22,43 % des dépenses). Nous possédons les comptes de 1712 à 1783 avec des lacunes pour 1714 -1715, 1724 -1727, 1744 -1745. Le solde était négatif en 1712 -1713, positif de 1716 à 1740, négatif à nouveau de cette date à 1747, puis en 1750 -1751 et en 1756 -1761. Pourtant cette ville bénéficia entre le début et la fin du siècle d'une augmentation très forte de ses recettes réelles puisqu'elle passa, aux dates extrêmes de 5 992 L à 22 850 L soit 281 %, le maximum ayant été atteint lors des années 1772-1773 avec 45 686 L, soit 662 %. Dès 1736, le subdélégué soulignait l'insuffisance des revenus ordinaires. Il proposait en même temps de reporter à une demi lieue des limites des faubourgs, la perception des droits et d'augmenter les octrois d'un tiers. Le tout devait servir à réparer les hôpitaux et à payer les gages des officiers. La communauté n'obtint pas l'augmentation des octrois. Grâce à une gestion très stricte et après les débours du début du siècle, elle réussit à garder longtemps un solde positif. Mais, en 1746, l'urgence de travaux plus importants, les besoins divers, le cumul de plusieurs années déficitaires obligèrent à une augmentation des octrois facilitée par la bonne situation de la ville que traduisent les aménagements de Dahouet. Les baux plus élevés lui permirent de bénéficier de 8 160 L en 1783 (5 500 L le Grand octroi et 2 660 L le Petit). À cette date, la situation financière redevenue saine, elle avait plus de 5 200 L en caisse, une fois ôtées les dettes exigibles, la cité envisagea d'entreprendre divers travaux importants dont la traverse. Saint-Brieuc, à la même date, se trouvait dans une situation beaucoup plus délicate, certes la ville avec 20 000 L en caisse et 18 000 L de dettes exigibles avait encore un solde positif, mais elle prévoyait de s'engager dans une politique de travaux ambitieuse (129 000 L) que la ville ne pouvait envisager sans obtenir des secours et de nouveaux moyens.
69Parmi toutes les cités bretonnes, Saint-Malo se trouvait dans une situation tout à fait particulière du fait de ses privilèges notamment celui de se défendre elle-même. Nous ne possédons les comptes détaillés de cette ville qu'à partir de 1729, avec quelques indications pour le début du siècle. La ville avait, outre les dépenses que nous rencontrons partout ailleurs deux postes spécifiques de débours : l'entretien de ses fortifications et du sillon sans cesse menacé par la mer. À la fin du xviie siècle, le roi demandant à la ville de fournir pour les fortifications 40 000 L par an pendant quatre ans et d'acheter des canons et des affûts, en 1694 la ville dépensa pour le roi 85 693 l et se trouva dans une impasse financière, les avances de 1693 n'ayant pas été remboursées. Le Roi demanda davantage à la ville qui fournit l'équipement de plusieurs bâtiments. En contre partie, le contrôleur accorda l'aliénation du doublement des droits d'ancienne coutume et des quais et chaussées, mais la ville ne trouva pas d'acquéreur lui faisant une proposition convenable. La situation ne s'améliora guère en 1695, cette année là Saint-Malo dut entretenir onze chaloupes alors que la communauté estimait avoir perdu 77 bâtiments valant plus de 4 millions de livres et que le bombardement de la ville avait causé des dégâts considérables. Période noire pour la communauté qui connut à l'occasion des autres conflits les exigences financières de l'état. Pour faire face à ces dépenses, la communauté puisa dans ses caisses et fit appel aux particuliers. Même en période de paix, elle devait débourser entre 20 000 L et 30 000 L pour l'entretien des murailles mais aussi de sa voirie et des bâtiments publics (12,5 % des dépenses). Le volume des recettes et des dépenses augmenta fortement au cours de la seconde moitié du xviiie siècle 113 317 L de recettes et 112 162 L de dépenses en 1744-1746, 193 963 L, et 173 819 L en 1771-1773, 189 048 L et 231 829 L, en 1786-1788. La ville qui avait des soldes positifs depuis au moins 1753, se trouvait alors en déficit).
Gestion financière prudente des municipalités
- 61 AD. 35, C 1178, correspondance avec l’intendant Le Bret, affaire terminée sous son successeur Fles (...)
70Les communautés cherchaient à garder le plus possible la maîtrise de leurs finances et face aux exigences royales voulaient en limiter les conséquences. Un moyen consistait à éviter le gaspillage des fonds surtout en matière de travaux publics en surveillant les chantiers et en en prenant la direction à l'occasion. La demande de mise en régie, de conduite des travaux par économie ne plaisait guère aux intendants dont les adjudications augmentaient le rôle. Elles leur permettaient d'intervenir dans les affaires municipales en profitant des disputes nombreuses et fréquentes entre édiles et adjudicataires. Néanmoins nous avons l'exemple de nombreux marchés de ce type. La petite ville de Sarzeau qui vivait depuis 1740 grâce à son général, dut ouvrir des chantiers de voirie importants. Elle demanda et obtint de le faire par économie. En 1752, la communauté d'Auray qui voulait faire curer le port entra en conflit avec l'ingénieur et lui opposa les plans dressés à sa demande par un maçon de la ville. Elle se félicitait d'avoir pendant des années conduit des travaux de la sorte et que ceux-ci se fussent avérés solides et peu chers. Elle arracha l'autorisation. Le nettoiement de la rivière de Tréguier se fit ainsi et à Lannion, le maire, appuyé par Aufray, combattit Magin et dirigea les travaux du port en 1761. À Landerneau, la municipalité excipant de la bonté de ses ouvrages « infiniment plus solides » que ceux qui avaient été faits par marché protesta contre les projets que l'on tentait de lui imposer. La politique de la ville de Rennes lors de la reconstruction alla dans le même sens. Souvent à court d'argent, les villes se montraient mauvaises débitrices et un des moyens de faire des économies consistait à payer le plus mal possible et le plus tard possible employés et fournisseurs. Les ingénieurs en faisaient souvent les frais. Gabriel réclama en 1739, trois ans de gages et n'obtint satisfaction que le 17 août 1740. À sa mort en 1742, son fils dut demander le solde non payé. Sans cesse, la communauté rennaise chicanait entrepreneurs et architectes, arguant toujours qu'elle les payait trop. Elle ne fut pas la seule : Magin choisit Loiseau en 1757 pour faire sous la direction de Bonvallet, ingénieur des Ponts et Chaussées, les travaux de nettoiement du port d'Auray. Il dressa les plans et dirigea les chantiers du 23 novembre 1757 au 3 janvier 1758. Il obtint pour le plan 300 L et l'intendant satisfait de son travail écrivit à la communauté afin que celle-ci lui accorde une gratification à titre de remerciement pour l'excellence des résultats61. En 1765, Loiseau envoya une lettre fort amère où il rappelait ses services bien oubliés par la communauté. À la suite d'une nouvelle et ferme intervention de l'intendant, il obtint 60 L, soit 4 sous par jour à un moment où un manœuvre touchait 15 s. La ville justifiait son attitude en prétextant qu'il n'avait pas passé beaucoup de temps à ses travaux « étant occupé soir et matin à ses écoles ». Il est vrai que Loiseau, professeur d'hydrographie enseignait alors à quatre écoliers d'Auray. Quant elles conduisaient les travaux en régie, les communautés en arrivaient à se débarrasser des ingénieurs trop chers à leurs yeux. À Auray, un charpentier continua les travaux de Loiseau. Nous trouvons la même politique à Pontivy en 1771, à Tréguier, à Sarzeau, à Lannion. de plus, les villes parvenaient à faire des économies en discutant à chaque renable la qualité des travaux et en remettant au plus tard possible le paiement du solde des marchés.
- 62 M. Sauvageau, Coutumes de Bretagne…, 1771, p. 17. Titre II, « Des Droits du Prince et autres Seign (...)
71Une autre solution consistait à faire débourser les autres. D'abord les particuliers, surtout les propriétaires chaque fois que cela était possible. Les communautés se heurtaient souvent à ces derniers opposés à tous les aspects de la politique d'urbanisme qui touchaient à leurs intérêts : alignements, élargissements des rues, règles de construction. Non seulement elles attentaient à la propriété mais elles leurs faisaient aussi régler l'entretien des pavés au droit des maisons et, ici ou là, leur établissement. Elles n'y arrivaient pas toujours. À Rennes, la municipalité voulut faire payer le premier pavé aux bâtisseurs qui s'adressèrent aux États, leur faisant remarquer qu'il serait juste que cette charge revint au seigneur ou au corps de ville, l'entretien allant ensuite à la charge des propriétaires. Ils s'appuyaient sur l'article 54 de l'Ancienne Coutume selon lequel le propriétaire avait obligation de réparer les rues une fois pavées62. La communauté réussit à leur faire supporter par moitié la dépense des conduits publics. Elle fit l'avance mais exigea que les adjudicataires la remboursent un mois après l'adjudication et que les propriétaires paient immédiatement leur part sous peine soit de la saisie-arrêt de leurs loyers, soit de la mise en vente de leurs emplacements. Quand en 1758, Saint-Brieuc envisagea la reconstruction de tous ses pavés et surtout ceux de la traverse, Chocat de Grandmaison proposa (mars 1759) que remblais et déblais fussent à la charge de la ville et les pavés à celle des propriétaires. Il semble qu'il fut écouté puisqu'en mars 1760, trois propriétaires qui n'avaient pas les moyens de payer « des sommes considérables » obtinrent en grâce de régler seulement le tiers ou la moitié de leurs factures. Nous trouvons sans difficultés d'autres exemples de cette politique dans d'autres villes telles Quimper ou Malestroit.
72Faire payer les autres, c'était aussi s'adresser aux États de Bretagne, à l'État, aux seigneurs, surtout en matière de voirie. Si traverses et banlieues ressortaient à la responsabilité des cités encore fallait-il s'entendre sur les limites de celle-ci. Pour les villes, pour Rennes en tout cas, cela ne concernait pas les alignements, mais simplement le bon état de la voie, au contraire pour les États, une communauté devait faire tout ce qui était nécessaire à la « bonne entrée » d'une ville, ce qui comprenait l'achat ou le dédommagement des terrains indispensables à moins que l'autorité souveraine ne l'en dispense. Ainsi, à chaque dépense imprévue ou un tant soit peu importante, les villes tentaient de la faire supporter en totalité ou en partie par les États et les archives nous ont conservé ces demandes incessantes et respectueuses. L'insolence de la communauté du Croisic tranche avec le ton généralement adopté. Dans une lettre adressée au bureau de Nantes, les édiles écrivaient :
« Vous presque tous Nos Seigneurs des marais salants que feriez-vous de vos sels ? Quel en serait le prix ? Et enfin quel serait le produit de vos revenus sans la quantité de vaisseaux qui abordent au Croisic et à Pouliguen pour les enlever [votre] intérêt particulier [est] intimement lié avec le bien général. »
73Au-delà des intérêts de certains de ses membres, les États de Bretagne s'intéressèrent par la force des choses aux travaux publics. Ils intervinrent dans l'aménagement des routes bretonnes, quelquefois dans leur établissement. Ils veillèrent au bon état des ports et consacrèrent à tous ces travaux beaucoup de soins et d'argent. En effet, leur entretien, voire leur aménagement dépendait des villes, des États, quelquefois des seigneurs. Par contre, les États refusaient, obstinément, par principe, de payer ce qu'ils considéraient être à la charge des autres. En 1773, Dupleix de Bacquencourt ne put imposer aux États l'arrangement proposé par la communauté de Guingamp à la suite de dégâts commis par les eaux :
- 63 Les 18 et 19 août 1773, une inondation catastrophique entraîna entre autres destructions celles de (...)
« Nous sommes à cet égard sans pouvoir et les États ont déclaré de la manière la plus formelle en 1768 ne pouvoir prendre sur leur compte aucun ouvrage des grands chemins en charge des villes. La Province pourra d'ailleurs à peine dans cette circonstance malheureuse faire face à ceux qui la concernent63 ».
74Ils avaient eu la même attitude en 1770, lorsqu'ils refusèrent de réparer le pont de Hennebont ou quand ils se contentèrent d'avancer de l'argent à Rennes dont une partie des murs tombait en ruine. Cette attitude trouvait des exceptions : à Rennes, ils payèrent la Tour de l'Horloge et procurèrent des aides diverses, à Dol, à Hédé en 1766 pour leur permettre de rétablir leurs pavés. Ils arguèrent alors de la modicité des sommes engagées et des faibles capacités financières de ces villes. Dol fut d'ailleurs une des cités dont ils s'occupaient le plus volontiers. Ils acceptèrent de réparer les ponts de Malestroit, d'Auray, de la Roche-Derrien, de Redon (Saint-Nicolas), le grand pont de Hennebont, les traversées de Châteaulin, de Dol, de Saint-Aubin-du-Cormier, les banlieues de Vitré, les pavés de Rostrenen, l'ouverture de la route de Lamballe à Dahouet mais ils attendirent des « temps meilleurs » pour entreprendre les travaux. Cependant, nous savons qu'ils intervinrent partout où le mauvais état des traverses, des ponts venait gêner la circulation sur des axes qu'ils remettaient en état, en rappelant toujours qu'il s'agissait de leur part d'une aide exceptionnelle et non d'une obligation. En 1776, quand ils voulurent que l'intendant obligeât les villes à faire leurs banlieues. Il leur répondit que l'état des finances urbaines l'empêchait. Par contre, Intendants et États appuyaient les communautés quand celles-ci tentaient d'obtenir de leurs seigneurs qu'ils participassent à l'entretien des routes, banlieues et ponts sur lesquels ils percevaient des droits.
75Le problème des ports était plus complexe, Leur entretien, voire leur aménagement dépendait des villes, des États, quelquefois des seigneurs. Peu de villes pouvaient faire face seules aux dépenses portuaires, aussi se tournaient-elles vers les États qui participèrent souvent à ces travaux. de 1753 à 1759, ils fournirent 108 000 L à Vannes, 51 000 L à Morlaix sur les 113 920 L dépensées alors pour le port de cette ville. Le reste fut payé par le miseur. Lorient présentait une situation quelque peu particulière, ville nouvelle sans ressources propres pendant de longues années, elle bénéficia pour ses travaux publics de l'aide directe de la compagnie des Indes qui paya l'équipement portuaire et les principaux aménagements et qui fit aussi des avances d'argent à la communauté : du 29 juillet 1738 au 27 mai 1751, elle paya 358 550 L 18 s 2 d.
76Les villes ne pouvaient guère compter sur l'aide financière de l'État. Certes le conseil secourait volontiers les individus auxquels il accordait des secours en argent, des remises d'impôts à l'occasion d'événements exceptionnels, de même, il arrivait qu'il payât ici ou là un bâtiment, le Présidial de Rennes constitue à cet égard un exemple quasi unique, mais il préférait agir d'une autre manière, plus indirecte, efficace néanmoins. En fait, l'État intervenait surtout pour répartir les charges, trancher des litiges entre villes et particuliers, villes et État, villes et fermes. Les villes défendaient âprement auprès de lui leurs privilèges quand elles les estimaient menacés, en particulier, elles prêtaient attention à ce que les employés des Fermes ne vinssent percevoir des taxes indues ou empiéter sur celles que la ville estimait les siennes. Le conflit qui opposa la communauté de Saint-Malo à la Ferme à propos des droits d'entrée et d'issue, parait exemplaire. Les fermiers voulaient les accaparer alors que les Malouins les percevaient depuis 1356. Les ducs, puis Charles VIII s'en étaient départis en leur faveur, aussi les considéraient-ils comme des droits patrimoniaux. Les Fermiers arguèrent qu'ailleurs, ils se percevaient au profit du Domaine mais ils n'obtinrent pas gain de cause auprès du contrôleur et les Malouins continuèrent à les percevoir et à les partager avec le gouverneur de la ville. Ils les avaient d'ailleurs afféagé à perpétuité quelques années plus tôt. Le 1er mai 1763, ils obtinrent du conseil, la perception d'une taxe sur le bois à brûler entrant dans la ville et ses faubourgs et étudièrent la mise en régie des droits perçus sur le Couesnon et l'Arguenon. Ils se préoccupèrent aussi des droits d'ancrage et de lestage, autres droits patrimoniaux, qui concernaient tous les navires, barques ou bateaux pontés. Morlaix fournit un autre exemple. Il y existait une pancarte (1564) dont les fermiers voulaient percevoir les droits. L'arrêt du 6 mars 1725, les autorisa à le faire sauf pour les marchandises prohibées depuis. Dans cette affaire, les fermiers avaient tenté de remettre en vigueur des droits anciens que l'on ne percevait plus depuis longtemps. Charles Cordier qui avait à cette période, la régie des fermes, se plaignait que : « marchands et négociants qui [étaient] dans l'usage de ne payer aucun de ces droits négligés, prétendent que cette possession abusive leur donne un titre à ne plus payer ». Dans ces sortes d'affaires, il s'agissait plus de la défense d'individus que de celles des intérêts des communautés qui s'intéressaient à ces questions parce qu'elles se trouvaient en concurrence avec la ferme pour la perception des droits ou bien parce que ces droits n'entrant pas dans les baux étaient aux seuls bénéfices des adjudicataires. Aussi, firent-elles attention au refus des quatre marchands de Landerneau qui refusèrent de payer en 1723, un droit en arguant que négligé pendant dix ans, il était périmé. de même, les habitants de Morlaix s'opposèrent avec force à l'arrêt de 1725 en déclarant que : « les habitants des villes maritimes de cette province et surtout ceux de Saint-Malo et de Morlaix sont dans une possession non interrompue de ne payer aucun droit pour les marchandises qu'ils font sortir par mer ». Ils obtinrent en 1727 un arrêt du conseil qui décidait de rendre aux négociants toutes les soumissions qu'ils auraient faites et de laisser désormais partir les bâtiments sans en exiger de droits sur les brieux. L'affaire ne s'arrêta pas là, les fermiers voulaient qu'il ne reste pas trace des soumissions rendues alors que les négociants voulaient au contraire que l'on put grâce aux registres empêcher les fermiers de demander par la suite de nouvelles commissions puisqu'ils ne pourraient nier qu'ils avaient été obligés de rendre ce qu'ils avaient indûment exigés.
77Dans, la mesure ou l'essentiel des ressources urbaine reposait sur des droits pesant sur la consommation, les villes n'avaient que deux solutions, d'ailleurs compatibles, l'une consistait à faire payer davantage chaque consommateur, l'autre à étendre le territoire fiscal. Sans négliger la première, la seconde solution paraissait meilleure aux édiles qui s'attachaient à reculer les bornes de leurs banlieues ce qui pouvait donner aux limites de perception des octrois une grande étendue. Lamballe en 1736 demanda de les repousser une demi-lieue plus loin. Saint-Brieuc fit de même et l'obtint en 1757, avec un résultat satisfaisant puisque de 1762 à 1783, les recettes passèrent de 5 992 L à 22 580 L et le solde devint positif. À Hennebont, la communauté demanda le 14 avril 1739 que l'augmentation d'octroi concernât les débits placés à un quart de lieue à compter de la dernière maison des faubourgs. L'arrêt du conseil du 1er décembre 1739, le fit partir de chaque porte ce qui n'apportait pas les mêmes avantages. Quimperlé essaya en vain d'étendre ses droits dans un rayon de 15 km et les fermiers de Quintin rattachèrent le bourg de la Ramée à leur circonscription. Partout, les aubergistes, cabaretiers, habitants des bourgs et des villages, victimes de cette politique protestaient. Les habitants de Saint-Servan réclamaient un choix clair, soit que leur ville fut réunie à celle de Saint-Malo, soit qu'elle fut déclaré paroisse de campagne, mais qu'elle n'ait plus à supporter les inconvénients des deux situations. de leur côté les habitants de la campagne de Saint-Pol voulaient être inscrits sur le registre de capitation de la ville qui étendait ses octrois jusqu'à Roscoff, Guinilcas et Labert. Les habitants de Rosporden demandèrent en 1779 à ne plus être soumis à l'octroi de Concarneau. La communauté de Saint-Brieuc trouva une solution ingénieuse : obtenir la réduction de ses banlieues, ce qui diminuait ses recettes mais étendait le travail d'entretien aux paroisses voisines, une toise et demi supplémentaire par livre de capitation.
78Les villes dont les ressources ordinaires ne permettaient pas de financer des charges supplémentaires après avoir épuisé tous les artifices, ne pouvaient que chercher à trouver de l'argent par l'augmentation des octrois ou emprunter. Dans l'un et l'autre cas, ce ne leur était possible qu'avec l'aval de l'intendant et du contrôleur général des Finances. Deux exemples nous permettront d'en comprendre les mécanismes. Le gros problème à Saint-Brieuc consistait à donner à la ville un bon port par l'aménagement du Légué et des liaisons entre la cité et son port. Les travaux, tôt engagés, piétinaient à la fin des années quatre-vingt. Aussi la communauté envisagea d'emprunter 24 000 L pour les mener enfin à bien. L'intendant se montra très réticent. Craignant que la charge ne fût trop lourde pour les finances de la ville, il pensait réduire le montant de l'emprunt à 15 000 voire à 12 000 L. Dans cet esprit, il chargea l'ingénieur Corbin de faire l'estimation des besoins réels. Or, les résultats de son enquête montrèrent qu'il y avait eu sous-estimation des besoins et qu'il fallait pour terminer 46 078 L 10 s. Comme l'intendant ne pouvait autoriser la ville à un tel emprunt, il maintint son point de vue et, en 1786, Saint-Brieuc n'engagea que 12 000 L auxquelles elle ajouta 2 850 L provenant de la vente des portes de la cité. Les problèmes ne se trouvaient pas pour autant résolus et bientôt, la communauté ne put payer les droits de renouvellement des offices municipaux. Elle demanda à nouveau l'autorisation d'emprunter en particulier pour couvrir les frais d'ouverture du canal (15 000 L) rendue nécessaire par l'avancement des travaux du port, le reste serait employé moitié pour agrandir l'auditoire, moitié pour les « besoins ordinaires ». L'on procéda donc à une nouvelle estimation qui se révéla catastrophique pour les finances de la ville, la dépense montant cette fois pour couvrir tous les besoins à 127 890 L 4 s 10 d. Personne ne pouvait envisager un emprunt dont les intérêts obéreraient les finances et conduiraient à la faillite. Les Briochins trouvèrent la solution en eux-mêmes. Le général de la paroisse prêta l'argent sans intérêt, la communauté le rembourserait en dix ans à raison de 1 200 L par an, ce qui était raisonnable. Quant à la main d'œuvre, les pauvres la fourniraient.
79À Rennes la situation se présentait autrement. La ville avait des charges très importantes. Onze banlieues, le pavé de la ville, treize écluses, différents édifices donnaient aux édiles des soucis d'entretien permanents. À cela s'ajoutèrent les dépenses considérables entraînées par la reconstruction. Que l'on se souvienne que l'Hôtel de Ville coûta 350 000 L, le port de Viarmes et les promenades près de 66 000 L, les conduits publics 43 000 L etc. La communauté emprunta, avec l'autorisation de l'intendant, 167 250 L en 1754 qui ne suffirent point. Endettée auprès du Roi (79 055 L), des entrepreneurs (36 404 L), obligée de refaire les banlieues, de réparer l'écluse Saint-Hélier, la communauté se trouva devant un trou de 173 946 L, sans compter les 257 543 L nécessaires à la réfection des pavés à laquelle l'intendant la poussait. Ici, à l'inverse de ce qui se passa à Saint-Brieuc, Le Bret voulait après estimations qu'elle empruntât 300 000 L remboursables en 13 ans. La ville plus sage se contenta de 150 000 L effectivement indispensables, emprunt qu'elle fractionna en plusieurs appels. Ce choix politique, suivi de la mise en régie des octrois, réussit un premier temps et permit d'entreprendre de nouveaux travaux mais non sans difficultés. En effet, en 1766, la ville obtint un nouvel emprunt de 150 000 L que sa situation empêcha de couvrir. Les besoins ne cessaient pas pour autant, dès 1774, la destruction de la porte aux Foulons et de la porte Mordelaise, en 1777, celle de la Porte Blanche, de Toussaints en 1780, suivies en 1783 de destructions complémentaires marquaient la volonté de la ville et des intendants Caze de la Bove et Bertrand de Molleville d'entamer une nouvelle phase de transformation. Dans ces deux exemples, nous voyons assez bien pourquoi les villes empruntaient et pourquoi intendants et contrôleurs surveillaient étroitement cette pratique. Bien au fait de l'état des finances des différentes cités, souvent à l'initiative des travaux à entreprendre, responsables sur place des débours imprévus imposés par le roi, ils cherchaient la solution qui réglait dans l'immédiat les problèmes sans obérer par trop l'avenir. Redon nous fournit la confirmation de cette attitude ouverte aux solutions les meilleures. La remise en état du port y était « utile et nécessaire », mais il fallait emprunter. L'intendant écrivit à Turgot que la ville pouvait à la fois faire face aux intérêts de l'emprunt et faire un fonds annuel pour le remboursement du capital. Turgot donna son accord.
80Le remboursement des emprunts se faisait soit dans le cadre des budgets tels qu'ils étaient fixés, soit grâce à l'augmentation des droits pendant le temps prévu pour le remboursement. C'est ce qui se produisit à Saint-Malo quand pour réparer le Sillon une fois encore détruit, la ville emprunta 200 000 L. Le remboursement prévu en 12 ans, se fit par la levée de droits : 10 L par tonneau de vin de Bordeaux entrant à Saint-Malo ou à Saint-Servan, 5 L par barrique de bière ou de cidre, 3 L pour l'eau-de-vie et le vin d'Espagne. Ces droits devaient être payés par tous, exempts compris, sous peine d'une amende de 100 L versées à l'Hôtel-Dieu. La communauté de Pont-l'Abbé ayant échoué dans toutes ses demandes de secours auprès des États, sollicita en 1788 l'obtention d'octrois pour 20 ans (2 L par 30 veltes d'eau-de-vie débarquées à Pont-l'Abbé depuis l'embouchure de la rivière). Elle s'appuyait sur le fait que Douarnenez avait obtenu des taxes sur les eaux-de-vie, les vins, la bière, le cidre, la poirée et l'hydromel.
81Ces politiques rejoignaient celles bien connues que les villes menaient pour obtenir que le poids fiscal ne pèse pas trop sur elles. L'on devine aux réactions des édiles qu'ils avaient une double conviction : 1°/ une forte fiscalité, au mieux empêchait leur ville de croître, au pire l'entraînait dans le déclin en faisant fuir les contribuables, particulièrement les plus riches. 2°/ il y avait contradiction entre ce que les municipalités pouvaient obtenir de leurs concitoyens et ce que le roi exigeait d'eux. Ces points de vue s'exprimaient dans les demandes répétées des villes tendant à obtenir des décharges et à ce que la capitation fut mieux répartie entre elles. Tout le monde savait que dans ce système fiscal toute décharge obtenue d'un côté devait être compensée de l'autre et ce qui était vrai à l'intérieur d'une ville entre les contribuables, l'était tout autant entre les villes et ne pouvaient que les opposer les unes aux autres. L'attitude des villes vis-à-vis des impôts variait. Certaines protestèrent énergiquement par exemple Quimper qui jugeait que le montant de sa contribution en 1758, 18 507 L 12 s 10 d dépassait ses facultés réelles « de plus de moitié ». La ville écrivait que : « sans commerce, sans débouché, elle s'appauvrit et se dépeuple tous les jours [...] un grand nombre d'habitants et de boutiques n'ayant pour toute ressource qu'un mince détail étaient imposées depuis cinquante jusqu'à quatre-vingt et même quatre-vingt-dix », c'est-à-dire plus que d'autres. Dans cette ville, le receveur des fouages, en principe exempt, payait 350 L et l'ingénieur des Ponts et Chaussées, 72 L. La communauté demandait donc d'être rabattue de 10 000 L et que cette somme fut répartie entre Brest, Lorient, Morlaix et Saint-Malo. Cette revendication n'aboutit pas. Quimper nous fournit l'exemple d'une attitude commune aux municipalités bretonnes qui luttaient contre l'injustice fiscale et cherchaient à obtenir une meilleure répartition de l'impôt. Landerneau et Quimperlé demandaient aussi en 1756 d'être déchargées ce qui leur fut refusé. En 1758, la riche cité malouine arguant des dégâts causés par les Anglais fit de même et se heurta aux États qui rappelèrent que toute décharge venait en surplus aux autres villes qui n'étaient pas en meilleure situation. Le contrôleur général des Finances qui avait eu à se louer de l'attitude des Malouins accepta de les soulager, ainsi que les gens de Cancale, de 2 000 L en 1759. Une partie de la population de Lorient échappait encore en 1758 à la capitation alors que la bourgeoisie y était aisée et que des étrangers fortunés y étaient installés. Cela provoqua la colère et les récriminations des villes voisines, de Quimper en particulier qui réclama, cette année là, que Lorient fut imposée comme les autres. D'une ville à une autre, les différentes couches de la population ne payaient pas les mêmes sommes. L'on peut comparer deux cités assez semblables, Saint-Brieuc et Lamballe. La différence par tête était assez importante à l'avantage de Saint-Brieuc. Par exemple les officiers de justice payaient dans cette ville en moyenne 36 L 4 s, à Lamballe 59 L 3 s 4 d, les avocats respectivement 22 L 4 s et 34 L 3 s 9 d, les bouchers 4 L 8 s 10 d contre 9 L, 15 s 5 d. Si l'on prend les petits métiers nous trouvons encore les mêmes différences : les cardeurs de laine (une livre et deux livres), les chaisiers (une et deux) les journaliers, (1 L 1 s 2 d et 1 L 10 s 3 d). Seules les filandières échappaient à la règle générale : 1 L 1 s 3 d et 1 L 1 s.
82Quelques cités ne se contentaient point de demander un allégement de la capitation mais liaient l'ensemble de la fiscalité à celui de la capitation. Ce fut le cas de Brest qui protestait contre un certain nombre de droits fiscaux qui s'accumulaient : le droit de rachat sous la juridiction du châtelain, le droit de franc-fief depuis 1751, parce que toutes les terres de la ville étaient réputées nobles, le centième denier. Les Brestois faisaient remarquer que les héritiers collatéraux avaient les trois à payer et s'appuyant sur le fait que les habitants du Havre étaient exempts de rachat et de francs-fiefs, ils demandaient pourquoi ce n'était pas la même chose à Brest.
Communautés et urbanisme
- 64 AN. G 7, 171,172. La réformation du Domaine en Bretagne a commencé en 1612 avec l’établissement d’ (...)
83À la lecture des dossiers, les vues des communautés sur les aménagements de leurs cités apparaissent confuses et divergentes. Les édiles devaient tenir compte de situations qui d'une localité à une autre variaient, mais qui faisaient se dresser individus ou groupes contre toute innovation remettant en cause la propriété des sols. Ces réticences se heurtaient à la logique qui poussait aux « retranchements » et que rendaient inévitables les aménagements de la voirie, la construction des fortifications, d'édifices publics sur des sols anciennement urbanisés. La possession des murs, des portes, des fossés, des places vagues constituait un des éléments essentiels d'une politique d'urbanisme. Les Rennais au début du siècle, le savaient quand il fallut reconstruire leur cité. Ils se heurtèrent alors au marquis de Pézé, gouverneur de la ville et Fermier des Domaines qui avait afféagé plusieurs emplacements situés dans les fortifications urbaines. Il s'appuyait sur un arrêt du conseil d'État du 24 septembre1678 qui rappelait que : « les murailles, les remparts, fossés et autres lieux et emplacements servant aux clôtures et fortifications sont hors du commerce des autres biens et de la nature de ceux qui n'appartiennent à personne, sur lesquels aucun particulier ni communauté n'a de droit et dont la propriété n'est réservée qu'à S.M. seule64 ».
84La ville de son côté proclamait : « Le corps de ville et communauté ont un droit certain de tenir et posséder des biens propres [.] ils peuvent en acquérir et leurs biens ne sont pas du Domaine ». Les deux affirmations n'étaient pas contradictoires en apparence. Le roi, seigneur domanier avait la possibilité d'afféager tout ou partie des murs et de faire don des terrains vagues. Il le faisait quelquefois et il le fit en particulier à Rennes en 1657 où il donna par lettre patente à la cité toutes les places publiques au-dedans et au-dehors. Il précisait la portée de ce don qui concernait : « la place des lices et autres vagues de ladite ville et faubourgs, les ponts, issues, fossés, boulevards, bastions, contrescarpes, remparts, bords et rivages des rivières [...] dans l'enceinte de la dite ville et faubourgs, pour y bâtir maisons, boutiques et autres logements avec faculté et droit de les arrenter, vendre et autrement en disposer comme bon leur semblera et comme de leur propre héritage sans en payer aucun lods et vente. » Donation fort importante, justifiée par le manque de moyens de la ville qui devait alors s'équiper en eau. Mais, le 19 octobre 1687, les commissaires de La Réformation des Domaines obtinrent la condamnation de la communauté de Rennes obligée à rendre l'argent provenant de plusieurs emplacements vendus. Ils rappelèrent les droits du gouverneur. Le Parlement de Bretagne tempéra sans doute cette condamnation en déchargeant la communauté du remboursement, mais elle se trouvait bridée dans ses possibilités et ne pouvait plus espérer la pleine et totale disposition des espaces. Il en fut de même partout ailleurs. de son côté, le gouverneur obtint deux arrêts renouvelés en 1726, le maintenant en possession des murailles. Quand, en 1776, les Redonnais demandèrent à l'intendant, puis au conseil, l'autorisation d'abattre les remparts pour élever des maisons à l'emplacement du mur qui dominait le quai afin de « tirer tout l'avantage possible de l'espace étroit » dans lequel elle était resserrée, Caze de la Bove y était assez favorable et pensait même que le Domaine pourrait accorder ici une concession gratuite, sans afféagement et « non pas au plus offrant suivant l'usage ordinaire ». Il voulait ainsi favoriser les propriétaires voisins des murs qui jouiraient, de fait, d'un droit de préemption. Le conseil ne le suivit point, sans doute pour ne pas créer de précédent dangereux. Il rappela par arrêt que le Roi étant le propriétaire, toutes les installations sans son autorisation se trouvaient de simples usurpations. En conséquence, il annulait tous les baux et rentes perçus indûment par la communauté, mais maintenait par « grâce » tous les détenteurs en place, à la condition qu'ils présentassent sous six mois, leurs baux à l'intendant et qu'ils paient au Domaine les cens et rentes autrefois versés à la communauté. Ceux qui seraient incapables de fournir des titres d'occupation avaient six mois pour acquitter un droit de six deniers par toise carré ainsi que les droits seigneuriaux de mutation. Si les uns et les autres ne satisfaisaient point à ces dispositions, tout serait remis au Domaine qui procéderait à une vente par adjudication « à titre d'accensement et de propriété incommutable ». Le Roi gardait ainsi la disposition des murs et fossés et réservait ses droits. Il en avait usé ainsi à Rennes après l'incendie. À Dinan, la première concession aurait été faite seulement en 1731. Vingt ans plus tard, une demande fut repoussée par le roi sur avis de la communauté, par contre en 1774, le comte de la Brétonnière, gouverneur de la ville, procéda à des afféagements et en 1784, Gazon et Tavet qui s'engageaient à construire une manufacture obtinrent des terrains que la communauté convoitait. Néanmoins celle-ci put en 1782-1783, éventrer les remparts pour permettre le passage vers le grand chemin. En 1786, la ville demanda l'afféagement des tours Saint-Julien et Saint-Charles pour améliorer le passage de la ville vers les faubourgs.
- 65 AD. 29, 2 E 1517. Notons que la communauté avait été condamnée par arrêts du Parlement de Bretagne (...)
85Tous les seigneurs propriétaires agissaient à l'occasion de même. À Quimper, l'évêque fit remarquer en 1780, qu'il fallait distinguer les villes et agglomérations qui relevaient en proche fief du Domaine de S.M. (le roi avait construit les fortifications à ses propres frais) de celles qui relevaient des seigneurs particuliers. Dans ce cas les murs avaient été élevés au frais des habitants pour leur propre défense. À Quimper, l'usage constant voulait que la communauté de Ville ne puisse rien innover sans la participation du seigneur évêque. Il prit pour exemples les demandes qui lui furent adressées en 1748 et 1753 quand on voulut aplanir les douves pour le champ de foire et quand on envisagea de supprimer l'une des arches du pont Sainte-Catherine. Il ajoutait que si arguant de leur inutilité présente, l'on jugeait à propos de démolir les murs, il reprendrait : « son ancien droit, sa propriété et son fief tels que ses prédécesseurs les avaient avant la construction de ces murs et fortifications65 ». En l'occurrence, la communauté défendit le point de vue de son seigneur évêque, rappelant que, depuis un temps immémorial, les particuliers jouissaient dans cette ville des terrains situés dans une bande de neuf pieds à partir des murailles et qu'ils le faisaient sous « aveu collectif » inféodé au fief des régaires, lui-même inféodé au Roi. Le Domaine n'avait donc aucun sujet de réclamation sur les terrains de part et d'autre du mur. Par contre les édiles admettaient que ce qui subsistait de l'enceinte : « seraient les seules choses que S.M. aurait le droit de réclamer pour cause de son droit de souveraineté ». de son côté, le représentant du duc de Penthièvre défendait avec force le droit de l'engagiste en s'appuyant sur les arrêts du conseil du 31 août 1746 et du 10 juillet 1753 qui lui accordaient le droit de jouir sans limite des murs, remparts, fossés et de tout ce qui servait à la clôture.
86Toutes ces prétentions soulignent l'importance du problème que le Roi régla à son bénéfice en tant que seigneur immédiat. En l'espèce, le comte de Toulouse n'aurait pas du approuver les appropriations des terrains vagues car en 1701, il n'était pas engagiste des domaines de Quimper et sa qualité de gouverneur l'empêchait encore davantage de disposer du Domaine. Dans d'autres villes, les problèmes se posaient avec moins d'acuité, mais les seigneurs y surveillaient leurs domaines et tentaient d'éviter toute usurpation. À Josselin, l'absence des Rohan entraîna la dégradation des murailles sans profit pour la municipalité, à Châteaubriant, le prince de Condé contrôlait étroitement la communauté qui dut obtenir son accord pour démolir la porte Saint-Jean et pour combler les fossés afin d'établir une esplanade. En dehors de ces grandes possessions seigneuriales, l'emprise sur le sol de la ville n'entraînait que le paiement des droits de lods et vente et de franc-fief lors des transferts de propriété avec l'établissement des aveux. À Rennes, après l'incendie l'on dut rédiger un terrier et procéder à la redistribution des nouvelles parcelles.
87Il ne peut y avoir de politique d'aménagement urbain sans la maîtrise, au moins suffisante, du parcellaire. Nous en avons longuement parlé. Lewis Mumford insistait sur l'apparition au xviiie siècle d'une notion nouvelle, celle d'un parcellaire négociable, « capitaliste », grâce à la forme et aux dimensions des lots qui autorisaient l'édification de vastes bâtiments. En Bretagne comme ailleurs, ce type de construction se rencontrait dans des lotissements nouveaux, sur l'emplacement de terrains vagues, sur les terrains de vastes propriétés que l'on pouvait allotir : ce fut le cas à Nantes, pour l'île Feydeau, à Lorient, à Brest. Par contre, partout où l'ancien bâti subsistait, il fallait soit que les individus rachetassent les parcelles, soit qu'un remembrement opéré par l'État vienne faciliter comme à Rennes ces nouvelles constructions. Hors des grandes circonstances qui favorisaient l'aménagement de nouveaux quartier ou la reconstruction d'anciens, l'impression que nous laissent la plupart des travaux dans les villes bretonnes, est celle d'un long grignotage, d'une attente patiente des communautés, d'une obstination à profiter de l'occasion pour intervenir auprès des propriétaires afin qu'ils tiennent compte des obligations de construction et d'alignement. Prenons l'exemple de Lamballe. Dans cette cité, un plan dressé, en 1770, prévoyait plusieurs modifications, en particulier l'élargissement des rues principales. Or, si l'on entreprit assez tôt les travaux d'amélioration de la traverse, il fallut attendre pour le reste que les bâtiments tombent en ruine ou que les propriétaires envisagent des transformations de leur façade. Ils devaient alors appliquer la délibération de 1769 selon laquelle : « tous les propriétaires dont les maisons menacent ruine seront tenus de les rétablir ou de les reconstruire sur les alignements qui leurs seront donnés par les commissaires de la communauté et par l'ingénieur ». Cette année-là, la demoiselle Bottier voulait faire reconstruire une des deux maisons qu'elle possédait et qui donnait sur une ruelle large de 12 pieds que la communauté voulait porter à 18. Malgré ses protestations et bien qu'il ne s'agit point d'une rue principale, elle dut s'adresser à la communauté qui rappela à cette occasion que l'on ne pouvait dresser de plan et encore moins commencer des travaux sans avoir pris la précaution de vérifier s'ils étaient conformes au plan d'alignement. Quand le mur du jardin de mademoiselle Villetaret s'effondra en 1768 sous l'effet de la pluie, elle ne put, malgré ses plaintes opiniâtres, le faire réparer sur place. J'ai longuement décrit les changements que des villes connurent aussi bien dans leur tracé que dans leur bâti, il ne me semble pas utile d'insister davantage.
88Le procédé qui consistait à faire dresser des plans auxquels les propriétaires pouvaient et devaient se référer constituait à la longue, un des moyens les plus efficaces pour que les communautés obtinssent satisfaction. L'arrêt de 1770, précisait que si elles avaient la possibilité de faire démolir les maisons et les bâtiments « nuisibles à l'embellissement », les travaux seraient alors à sa charge et les propriétaires indemnisés. Nous trouvons dans toutes les villes dont nous possédons les comptes les traces de ces expropriations et des indemnités qu'elles entraînaient. Il en était de même du roi qui n'hésitait point à confisquer terres et immeubles quand il s'agissait d'établir les défenses d'une ville, mais défrayait les individus ou les collectivités de leurs pertes.
Conclusion : forces et faiblesses des administrations urbaines
89Somme toute les moyens d'interventions des villes pour défendre leurs intérêts apparaissent à la fois dépendantes et autonomes. Dépendantes plus ou moins de leurs seigneurs, du Parlement et des États, du roi et de ses agents, elles ne disposaient pas de la liberté financière, subissaient les choix politiques, administratifs, économiques et stratégiques de la monarchie. Mais en même temps, la diversité, les rivalités de ses tuteurs, la faiblesse des contrôles leur donnaient une autonomie certes limitée mais réelle. Quand, les cités possédaient les instruments nécessaires, des ressources régulières et suffisantes, des protecteurs influents, puissants, quand leurs dirigeants savaient s'appuyer sur les États, utiliser le Parlement, elles avaient les possibilités de promouvoir leur politique, de défendre efficacement leurs intérêts. Elles en avaient les moyens, par les privilèges obtenus et défendus par leurs municipalités, par leur présence aux États pour 42 d'entre elles, par le biais des consulats, des généraux du commerce comme à Nantes, du conseil du commerce auquel quelques-unes participaient. Leurs élites en exerçant des responsabilités contradictoires, en apparence incompatibles, soit en même temps, soit successivement, pouvaient en agissant à l'avantage de leurs affaires, défendre leurs cités. Cela dépendait des circonstances, de la richesse des cités, de leurs possibilités de développement et, des choix économiques mais aussi sociaux de leurs négociants.
Notes
1 A.D., 35~C 2640, États 1570. A. Rebillon, Les États… 1932, t. I, p. 214.
2 En 1575, 32444 feux payant 10 L 18 s chacun. Le crue des Maréchaux créé en 1572 (supprimé en 1720) rapportait 11 663 L 18 s 5d ; le taillon levé en 1559 augmenta les fouages de 25 sols par feu (54 528 L15 s 5d), la garnison : 61 L 11 s par feu. Les fouages étaient toujours exprimés en monnaie de compte et suivaient par conséquent, les fluctuations de la livre. Dinan et Lamballe se rachetèrent en 1767.
3 BN. Man. fr., 8291, t. III, art. « garnison ». Les appointements des gouverneurs, des états majors se payaient sur le produit des fouages (10 000 L par an). f° 28, f° 282. AD. 35, C 2648.
4 BN. Fonds fr. 8291 f°282. f° 286 v°.
5 L’édit de novembre 1493, proclamait que : « les gens de guerre […] venant ou séjournant par notre dit pays et duché de Bretagne payeront dorénavant leur écot et dépenses par où ils passeront ». L’étape aurait été payée pour la première fois en 1568, Kerorguen, Tenu des États de 1736.
6 Kerorguen, op. cit., t. II.p.26-28. En 1720, les commissaires du roi proposèrent un abonnement aux sur la base de cent cinquante mille livres en temps de paix et de deux cents mille en temps de guerre. Proposition que les États repoussèrent le 29 août 1720.
7 AD. 35, C 2828. Minutes 1760 f° 229.
8 AD. 35, C 923-927. Article IX du bail.
9 RCV, Lamballe, 22 et 30 juin 1725. AD. 35, C 5486. L’adjudicataire ou étapier devait fournir l’étape espèces ou rembourser le particulier sur le pied de l’adjudication. C 3845. Art.1er ; à partir du 1er janvier 1728, la fourniture étapes en vins et en fourrages sera faite dans les villes où les troupes logeront.
10 AD. 35 C 3847. Mémoire du 24 octobre 1732. En particulier 20 000 livres pour l’intendant. En 1732, les États prirent cette somme sur d’autres fonds. Les frais de régie et de recouvrement étaient d’un sol par livre levée (Arrêt du conseil du 30 janvier 1733).
11 AD. 35, C 3847. Mémoire du 24 octobre 1732. Malgré l’intervention française dans la guerre de Pologne (1733- 1738), il y eut des excédents en 1733 et 1734. Pendant quatorze années échues le 31 décembre 1746, il fut levé : 3 829 406 livres 15 sols 10 deniers soit une moyenne de 274 943 L 11 s 1 d par an.
12 Idem. Premier emprunt en 1748 de 600 000 L, puis un second de 400 000. 1758 : 800 000 L ; 1760 : 1113000 L ; 1761 : 1 000 000 L ; 1762 : 634 245 L, soit un total : 4 567 245 L. Le 1er janvier 1782 les États avaient encore à rembourser : 1 627 950 L 10 s.
13 AD. 35, 3847.
14 AN. H 532. Le 11 octobre 1735, le roi fixa à 188 050 livres la somme à payer pour 1736, « pour partie de la solde et dernier tiers de l’habillement ».
15 1744 : 115 000 L (+150 000), 1746 : 34 792 L ; 1747 : 114 801 L ; 1748 : 445 046 L 3 s 4 d ; 1764 : 183 538 L.
16 AN. H 533, Ordonnance du 13 avril 1747 (plus les frais).
17 La position des États est résumée dans un mémoire dont la rédaction fut décidée le 9.02.1757 et qui fut approuvé par la commission intermédiaire le 11 juin 1757.
18 de Rebillion à Brékilien (cf. bibliographie).
19 L. Guihenneuc, Étude sur la Capitation proprement dite dans la province de Bretagne de 1695 à 1788. Thèse pour le doctorat, Rennes 1905.
20 Necker, De l’administration des Finances de la France, 1784, t.I, p. 306. AD. 29, 100 J 20. Compte rendu au roi.
21 Ce pourquoi les Bretons se dressaient contre toute tentative de les introduire, par exemple en 1675 (Y. Garlan, C. Nières, ibid., 1975).
22 Kerorguen, Tenue des États de 1736, t. II, p. 21 et 31.
23 AD. 35, C 3969.
24 AD. 35, C 3968, 5690, 5691, sauf de 1735 à 1738, où le prélèvement est supérieur. Il s’agissait d’un emprunt sur le montant de la capitation à 4 sols par livre.
25 Vingtième des biens fonds sur le revenu net, vingtième mobilier (art. 4, 5 et 6 de la déclaration de 1710, 6, 8 et 9 de l’édit de mai 1749) vingtième des offices et des droits, vingtième d’industrie.
26 AD. 35, C 4520. Ordonnances de Viarmes du ter mars 1750.
27 AD. 35, 2168 1749-1752/1754-1756, 2164, 2168. 4647.
28 BN. 8 306, f° 107-108. Le brieu de conduite avait été créé par le comte de Léon pour entretenir des navires protégeant pécheurs et commerçants des pirates. Celui de victuailles donnait la liberté de prendre des vivres sur la côte.
29 AN. G7 177.
30 Il aurait du être de 165 840 L par an en Bretagne, soit 994 980 L rame nées à 800 000 L si les États rachetaient.
31 C. Nières, Histoire de Saint-Malo… AN., G7 176 (dépenses : 127 338 L).
32 AD.35, C 1852, 1854, 519. En 1776, le roi supprima tous les gouverneurs des villes bretonnes sauf à Brest, Vannes, Saint-Malo, Belle-Île, Lorient/Port -Louis, Nantes et celui du fort du Taureau.
33 Art. CCCLXXXIII de la Coutume de Bretagne, titre XVIII.
34 Arrêts de 1613, 1618, 1643, 1672, des 14 avril et 14 juillet 1685, ensuite du 10 octobre 1686 pour Quimper, 2 juillet 1686 pour Châteaulin…
35 Ces droits variaient considérablement : 1 s par mesure de blé à Concarneau et à Rosporden, 6 d à Pont-Aven et à Scaër, 1/48 d à Clisson.
36 Tous ces droits pesaient sur les ventes alors que les péages se levaient sur ce qui passait en un lieu. Le duc de Penthièvre possédait à Guingamp des droits de péage dans la ville et à la sortie, et un droit de coutume sur les halles.
37 Les 14 mars 1682, 30 août 1684, 27 février 1698, le 30 juillet 1700. À Port-Louis, Augustin de la Faudrière acheta en 1762 les droits attachés aux halles, ils restèrent entre les mains de sa fille jusqu’en. En 1785, 13 négociants de Port-Louis faisaient remarquer qu’ils possédaient tous des poids et qu’ils ne recouraient à ceux du roi qu’en cas de contrainte (Buffet, Vie et Société., 1972,p.339. Un arrêt du conseil, du 29 juillet 1757 précisa qu’il fallait des mesures en fonte et en cuivre, qu’elles devaient être marquées des armoiries des seigneurs et déposées aux archives des communautés ou à la seigneurie qui a droit de police sur les mesures (AD, 29, Quimper, 2 E 1518).
38 Soit 34 800 L somme versée à A. Boudel. Requête du 16 octobre 1783.
39 H. See, Les classes rurales, éd.1978, p. 146. Souvent grâce aux droits payés sur les étaux : Coutume de Rieux en 1262, de Ploërmel (B. Pocquet du Haut Jussé, « Le plus ancien rôle. » MSHAB, t. XXVI, 1946, Dom Morice, Preuves, p. 1805-1948. Il existait des halles domaniales à Fougères au milieu du xvie siècle (cohue à chair, cohue à blé, saulnerie (Manceron, « Les anciennes foires de Nantes. » BSAHNLA, 1961, p. 166-179), à Antrain, à Bazouges, à Rennes.
40 de 1759 à 1779, ils avaient reçus 65 793 861 L dont ils remboursèrent 50 727 361 L.
41 C, Nières, « Les paysans et les transports au xviiie siècle », MSHAB, LXI, 1984, p, 153 et suiv.
42 AD. 35, 1 Fg 5, Mémoire concernant les pays et duché de Bretagne, f° 401 et suiv. Suivi de la description des : « petites villes de Bretagne qui n’ont point de deniers d’octroi ».50 dont trois îles et quatre gros bourgs assimilés.
43 AD. 35, C 3992.
44 Par exemple le maire de Rennes, Hévin, acheteur de son office en 1758, sus pendu par l’intendant en 1766 garda sa charge jusqu’en 1774 après avoir conclu un compromis avec la municipalité (C. Nières, « l’incendie. », Histoire de Rennes, 1972, p. 242.
45 AD. 35, C 237, État des revenus et charges des communautés des villes de la Province de Bretagne établi le 24 avril 1777
46 AD. 22, C 1. 1775. Ils consistaient en un droit de pavage de six deniers par tonneau de vin…/...
47 AM. St-Malo, BB 53, f° 26 v°. 20 septembre 1773, Lors du bail précédent, la valeur des octrois avait été estimée à 56 000 L par an. En 1773, le fermier perdit 8 000 L.
48 AD. 35, C 237. Terray à l’intendant (12 septembre 1770).
49 Ces droits existaient à Rennes en 1418 (BM. Rennes, 16 257 n°25), à Dinan, à Fougères, à Guingamp, à Morlaix (J.-P. Leguay, op. cit, p. 248). Nantes possédait un droit de passage affecté à des travaux spéciaux et levé temporairement pour reconstruire les ponts hors d’usage.
50 AD. 35, C 4693.Un fardeau vaut une demi charge soit 150 lp.
51 AN. 1 H 579, AD. 35, C 870.
52 AN G 7/76,/178. Lettre de B. de Nointel au Contrôleur (30 mars 1695). Le budget de Nantes avait été fixé par arrêt en juillet 1681. L’ordonnance de B. Nointel et l’arrêt du conseil du 5 juillet 1695 estimaient les charges ordinaires à 38 643 L 11 s 1 d et imprévues à 42 643 L.
53 AD. 56, 2 E 1503, Arrêt du conseil du 31 juillet 1787. Impôt réparti sur les propriétaires et les rentiers (499 articles).
54 AD. 35, C 1267. Ils rapportaient 34 610 livres.
55 F. Lebrun, Se soigner autrefois…, 1983, p. 48. L’enseignement de l’obstétrique fut décidé par les États en 1762. Par la suite, Mme du Coudray organisa des stages de six à huit semaines.
56 AD. 35, C 513. 523, 528. La ville fixa la gratification des médecins à 300 L par mois pour la visite des malades, à 200 L celle des chirurgiens opérant en alternance, six mois par six mois, à 100 L celle du chirurgien qui assurait les cours d’accouchement.
57 J. Quéniart, « Autour du collège d’Ancien Régime. », Pouvoir, ville et société en Europe, 1983,p. 369 et suiv.
58 AD. 35, C 4856, Bail adjugé à Mérré : 40 000 L payables en neuf ans par parties égales (devis du 27 mars 1758, adjudication, 1762). L’adjudicataire compta 28 000 toises au lieu de 19 028. Le paiement traîna jusqu’en 1784 (lettre du 18 octobre 1784).
59 AD. 35, C 3 933. Lettre de la communauté à l’intendant (1er janvier 1778). Autre requête présentée le 17 mars 1787, elle aussi repoussée. La ville avait déjà protesté contre l’ordonnance du 19 décembre 1732 qui mettait les banlieues à la charge des communautés (Mairie Hennebont, RCV, BB 14).
60 AD. 35, C1913. Terray à Dupleix de Bacquencourt (Versailles, 4 octobre 1773). Le mémoire non daté est suivi par la lettre du 17.
61 AD. 35, C 1178, correspondance avec l’intendant Le Bret, affaire terminée sous son successeur Flesselles. En utilisant une drague comme on le faisait à Lorient, Loiseau avait réussi à faire passer des bateaux de 300 tx.
62 M. Sauvageau, Coutumes de Bretagne…, 1771, p. 17. Titre II, « Des Droits du Prince et autres Seigneurs et Aides Coutumières », art. XLIX. Il est certes prévu que : « les Seigneurs doivent mettre les deniers de leurs amendes pour réparer et amender les mauvais chemins » Mais il est ajouté : « Et s’il n’y a deniers d’amende, pourront les Juges desdits seigneurs contraindre les possesseurs des terres voisines de contribuer à la réparation des dits chemins. »
63 Les 18 et 19 août 1773, une inondation catastrophique entraîna entre autres destructions celles des ponts urbains ordinairement à la charge des villes. Guingamp et Nantes (pont rousseau dans la banlieue) s’adressèrent aux États qui refusèrent.
64 AN. G 7, 171,172. La réformation du Domaine en Bretagne a commencé en 1612 avec l’établissement d’une Chambre souveraine supprimée en 1674. En 1676, les officiers de la chambre des comptes de Nantes prétendirent y travailler, mais le roi nomma le sieur Deshoulières commissaire Général de la Réformation en Bretagne. Il le resta jusqu’en 1680 et souleva le problème des places vagues de Guérande, Morlaix, Nantes, Rennes et Vannes.
65 AD. 29, 2 E 1517. Notons que la communauté avait été condamnée par arrêts du Parlement de Bretagne (3 juin 1619 et 25 mai 1624) à réparer frais le mur d’enceinte sur lequel s’appuyait le palais épiscopal. Aveux du 24 avril 1540, 17 mars 1571, 15 septembre 1604, 11 juillet 1682.
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