Les villes de Bretagne au XVIIIe siècle
|3e partie. Villes et économie
Chapitre IX. La Bretagne, « province réputée étrangère »
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- 1 AD. 35. C-3180, 3251, 4623. La pancarte de 1512, en vigueur, fixait les droits sur les marchandise (...)
- 2 Ch. Carrière. Négociants marseillais, p. 303.
1La Bretagne province réputée étrangère connaissait une situation particulière, isolée des autres provinces par une barrière douanière à l'existence ancienne1, elle avait développé ses relations avec l'Angleterre, les Provinces-Unies, l'Espagne, les pays du Nord. Elle possédait ses tarifs, la Pancarte du 25 juin 1565 qui comprenait aussi les droits de la Prévôté de Nantes, les droits de Ports et Havres et les droits de Brieux, tous droits maintenus par l'ordonnance de juillet 1681 et complétés par la Traite Domaniale. La guerre tarifaire qui opposa la monarchie française aux états hollandais et anglais vint perturber les trafics traditionnels, modifier durablement les échanges avec l'étranger et la fit participer définitivement à partir des tarifs de 1664 et de 1667 à la stratégie commerciale de la Monarchie. Dès lors, aucun souverain, aucun ministre ne laissa ce pays en dehors des choix généraux quand bien même des aménagements partiels marquèrent ici ou là son statut particulier. Les traités successifs notamment ceux d'Utrecht et de Paris, comportaient des clauses commerciales dont les effets concernaient la Bretagne : la pêche, le commerce avec les Îles et les commerces traditionnels européens. Remarquons cependant que le tarif de 1667 qui s'appliquait uniformément aux frontières du royaume supprimait les droits de douane intérieure et toute marchandise entrant par un port breton une fois les droits acquittés, certifiés par un document, circulait librement jusqu'à son destinataire dans le royaume. Ainsi, la Bretagne entourée de provinces appartenant aux Cinq Grosses Fermes devait appliquer une législation uniforme dans tout le Royaume, la circulation des marchandises n'y était pas libre, entrées et sorties de marchandises par mer supposaient leur passage par la douane pour l'obtention d'une déclaration du contenu du chargement (état ou facture des droits) sous 24 heures au risque de confiscation, procédure suspendue par le régime de transit qui permettait en souscrivant un acquit à caution, leur transport sous délai. Cela concernait essentiellement les denrées coloniales ou envoyées outre mer dans des possessions françaises et l'inverse. Autre régime suspensif favorable aux grands trafics d'exportation, celui de l'entrepôt, franchise et entrepôt se combinaient. Les règlements issus des grands traités régissant le commerce et l'industrie, ne doivent pas nous tromper. Charles Carrière soulignait avec raison la largeur des mailles du filet. L'administration malgré son organisation, le nombre de ses agents qui avaient pour tâche l'application de la politique de l'État, n'avait pas les moyens suffisants de la faire respecter2. En Bretagne, la proximité des côtes anglaises permettait l'existence d'une contrebande des alcools, du tabac d'autant plus importante que les jacobites réfugiés dans le royaume avaient gardé des contacts étroits avec les membres de leur famille ou des amis en Angleterre. Enfin le statut particulier de la Province qui évitait de payer la gabelle obligeait une surveillance constance de sa frontière intérieure, sans pouvoir empêcher loin s'en faut, la contrebande du sel.
La situation de l'économie bretonne au xviiie siècle : témoignages et analyses contrastés
- 3 AD. 35, E p. 38, Besclin de la Bastays, 1786.
- 4 Pinczon du Sel des Monts, Considérations sur le commerce de la Bretagne, 1756.
- 5 Boucharat, A, t. 35, C 1597.
2Les gens du xviiie siècle avaient de la Bretagne et surtout de ses activités commerciales des images assez contradictoires. Ils opposaient une région aux riches potentialités à l'incapacité des Bretons à les faire fructifier. Si l'abbé d'Expilly, trouvait la région riche, propice au commerce par sa position par ses productions, par l'activité de ses hommes et jugeait son négoce « extrêmement considérable », Béchameil de Nointel pourtant fin connaisseur, critiquait les Bretons surtout ceux de l'intérieur ni « industrieux, ni laborieux », ivrognes « ayant beaucoup mieux à boire qu'à travailler ». Un siècle plus tard, le Besclin de la Bastays voyait en la Bretagne « peut-être la province la plus reculée de toutes celles qui forment le royaume par rapport à l'industrie et aux manufactures3 ». Ses grossières industries de la laine, ses imprimeries de toiles venant des Indes, le manque de fabrique de coton, constituaient, à ses yeux, les signes d'une léthargie funeste alors que l'on redoublait partout d'activité pour animer l'industrie. Bertrand de Molleville soulignait la protection dont jouissait cette province qui : « quoique ménagée », souffrait de l'attitude des États dominés par le second ordre, « Il n'y a pas de pays où l'on soit moins disposé à faire des sacrifices pour le bien public, ce qui me parait provenir de ce que la noblesse qui a toute la prépondérance regarde l'industrie et le commerce comme des objets qui lui sont étrangers ». Pinczon du Sel des Monts4 et Orry, les membres de la société d'agriculture partageaient cette sévérité, soulignant à l'envie les immenses possibilités de la province, ils s'en prenaient aux hommes, à leur esprit retardataire, chicaneur, à leur ivrognerie source de paresse. Opinion que Boucharat tempérait en rappelant l'activité de Vitré, de Morlaix, de Saint-Malo qui n'avait « pas besoin d'être vanté », de Nantes, de Vannes, de Port-Louis aussi qui se rendait « de jour à autre plus aisé et plus habitable ». Il opposait néanmoins le monde de la chicane à celui du commerce et de l'industrie et proposait de réduire le nombre de collèges à quelques villes, Rennes, Nantes, Vannes et Quimper pour diminuer le nombre de ceux qui entreprenaient de longues études pour se destiner à la chicane ce qui était assez « conforme à l'humeur de ce pays5 », ou pire encore, pour entrer « dans la fainéantise que pratiquent ordinairement ceux qui se mettent dans l'Église ». Il souhaitait la création de bonnes écoles de matelots ou de « lieux publiques pour les manufactures ».
- 6 Gournay. Almanach général. 1788. R. Samuel, Traité général du commerce, 1781.
- 7 A. Rebillon, Histoire de Bretagne. 1957, E Durtelle de Saint-Sauveur, Histoire de Bretagne, 1935, (...)
- 8 R.-F. Le Men, La manufacture de faïence…, BSAF, T.111 (1875-1876) parlait « du peu d’aptitude indu (...)
3En somme, on reprochait aux Bretons de ne pas s'être adapté au marché ou de l'avoir mal fait et de manquer d'esprit public. Il aurait existé une contradiction entre des chances naturelles exceptionnelles et une pauvreté, voire une médiocrité générale étouffant les quelques îlots de prospérité relevés par Gournay et Ricard Samuel6. Une dizaine de villes, Nantes bien sûr, Saint-Malo, Lorient et Morlaix, à des titres différents, Châteaulin, le Croisic, Dinan, Hennebont, Landerneau, Lannion, Rennes et Vitré échappaient en partie à ces critiques. Devant de tels tableaux, univoques bien que contrastés, sorte de camaïeux, les historiens de la Bretagne présentèrent longtemps le xviiie siècle breton sinon comme un siècle de crise, tout au moins comme un siècle de difficultés, de déclin succédant à un glorieux xviie siècle. Image inversée de l'évolution française, image noire de la Bretagne dessinée de Lalande de Calan en 1896 à Rébillon en 1957. Quelques épigones dont Durtelle de Saint-Sauveur7, estimaient fort médiocre, voire archaïque une agriculture où les efforts de la société d'agriculture et de quelques propriétaires éclairés n'avaient eu que peu d'effets sur une Bretagne industrieuse et misérable. Rébillon soulignant le quasi immobilisme de la Bretagne ducale à la Révolution, opposait la province à l'économie généralement pauvre, aux quelques secteurs riches « dus à des causes étrangères à la province ». Des historiens tel Le Men8, partagèrent cette analyse, imputant la situation préoccupante de la Bretagne, ses retards, ses échecs, aux hommes, aux gens du peuple et aux nobles, n'épargnant, et encore, que la bourgeoisie. Ils n'incriminaient ni la politique royale, ni celle des États (Bertrand de Molleville excepté), ni la concurrence économique, ni surtout les conséquences du conflit avec l'Angleterre.
- 9 Y. Brékilien, Histoire de la Bretagne, 1977, p. 299. Ouvrage collectif, 1981, p. 96 (dir. M. Veill (...)
- 10 J. Meyer, « Le siècle de l’intendance (1688-1789 »), Histoire de Bretagne, 1971.
- 11 J.-Y. Nouailhat, Art et Histoire, Bretagne, 1979.
- 12 Y. Guin, Histoire de la Bretagne…, 1977 ; p. 28.
4Faut-il s'étonner de la réaction d'autres historiens qui voulurent se dégager de cette tradition ? Tout en admettant que la situation économique fût déplorable, ils cherchèrent ailleurs la responsabilité. La France, ses souverains devinrent sous leur plume, les causes de tous les maux. Version totalement inversée et par son outrance tout aussi peu vraisemblable que celle qui voulait faire des seuls Bretons les responsables de leurs difficultés. On opposait de plus en plus fréquemment une Bretagne ducale opulente à une Bretagne royale de plus en plus malmenée : thèse implicite de l'abbé Poisson et de bien d'autres. Une Bretagne qui restait prospère au xvie siècle, française, mais non encore intégrée, « Pérou de la France » jusqu'à la Ligue. Yann Brésilien situe la rupture fondamentale après la guerre de Sept Ans9: « l'opulente province est devenue un pays ruiné ». Ce qu'avaient commencé Colbert puis le duc d'Aiguillon, la guerre l'achevait. La crise bretonne s'installait, marquée par le travail forcé des paysans, les différences de niveau de vie entre le littoral et l'intérieur du pays, la hausse des prix « générale » dans les villes, la concentration de l'activité maritime. Le catalogue-guide du musée de Bretagne reprend les deux idées « dès le xviiie siècle, la situation économique va se dégradant [...] d'une part la politique de Louis XIV est contraire aux intérêts bretons : vivant de la mer, la Bretagne ne peut se satisfaire d'une politique continentale outrancière aux conséquences encore actuelles, d'autre part le manque d'initiative locale, ne permet pas de redresser un cap qui conduit droit à la faillite. ». Jean Meyer nous apporte une idée bien différente10. Le xviiie siècle fut pour lui celui de l'apogée du commerce atlantique breton, de l'édification « de très grandes fortunes commerciales » ayant pour résultat « le brutal développement des villes », sous-entendu de celles qui étaient liées à cette croissance, Nantes au premier chef. Yves Henri Nouailhat11 partage cette opinion en titrant : « Une province prospère et frondeuse » et sous titre : « la première province maritime française au xviiie siècle ». Y. Guin dit la même chose en soulignant l'existence de deux Bretagne, celle du capitalisme et celle d'ancienne économie12. C'est bien de cela qu'il s'agit et l'on peut dresser selon le regard, le tableau de deux pays qui paraissent étrangers. Les regarder ensemble au xviiie siècle, c'est comprendre pourquoi plus tard tant de blancs et tant de bleus, c'est voir une province « qui n'est chaque fois ni tout à fait la même ni tout à fait une autre » et les villes s'inscrivent dans cette dualité.
Les villes et les produits des campagnes
5Les villes bretonnes dépendaient des terroirs bretons certes pour leur subsistance mais aussi pour leurs échanges. La vente des produits agricoles, des animaux constituait pour nombre d'entre elles, en particulier pour les villes marchés, l'essentiel de leur commerce. Quoique le mouvement physiocratique marqua la seconde moitié du siècle, la campagne bretonne, ne connut pas de progrès agricoles rompant avec le système ancien malgré les efforts de quelques propriétaires et de la société d'agriculture. L'augmentation de la population a pu trouver dans les excédents céréaliers, et les productions végétales et animales traditionnelles, les moyens de satisfaire les besoins des citadins consommateurs de produits plus divers que les ruraux.
Les céréales et les pains des villes
- 13 Ph. Ariès, Histoire des populations, 1971.
6Le climat océanique rendait la Bretagne davantage propice aux herbes qu'aux céréales et sur des sols très divers, mais majoritairement acides, existait une végétation forestière, des landes d'ajoncs et de fougères. Les nécessités alimentaires avaient obligé des cultures céréalières, du blé et du sarrasin. Les terres plus alcalines favorisaient l'orge, la luzerne et surtout les légumineuses. Les hommes, aux capacités techniques limitées, cultivaient 57,27 % des terres bretonnes, dont 64 % fournissaient des céréales (sarrasin 7,10 %, froment 16,60 %, avoine et seigle ensemble un peu moins de 25 %, orge 2,83 % et méteil 2,5 %). Encore en 1840, le couple jachère - céréale couvrait 90 % des terres réputées cultivables. Dans ces conditions, dans une région où il n'y avait pas de terre sans seigneur, les paysans bretons, après les prélèvements, champart, dîme, le paiement des fermages, tout en gardant la part des semences, celle nécessaire à leurs besoins, pouvaient procurer la nourriture aux populations citadines plus nombreuses, aux militaires et aux marins. Ils consommaient peu de froment, plus de seigle, au nord surtout du blé noir, à l'intérieur du sarrasin « la céréale de civilisation de la Bretagne13 », peu exigeant, poussant vite, du mil apparu dans le comté nantais au xve siècle, de l'orge au sud et de l'avoine. Les fèves constituaient la base de leur alimentation. Le châtaignier autour de Vitré et de Rennes, leur fournissait pendant quelques mois une ressource alimentaire complémentaire. À Morlaix, les fèves, les bouillons d'orge ou d'avoine tenaient une grande place dans la nourriture même des citadins. Sans illusion sur les chiffres avancés, remarquons que la Bretagne en année moyenne pour fournir aux marchés intérieur et extérieur, devait avoir une récolte tournant autour de 15 M q, récolte très inégalement répartie selon les subdélégations.
- 14 Ancenis, Antrain, Blain, Callac, Clisson, Guérande, Hédé, Landerneau, le Croisic, le Faou, Macheco (...)
7En année normale, la majorité des subdélégations bretonnes produisaient plus de céréales qu'il n'en fallait, certaines avaient des excédents très importants, celles de Redon (500 à 600 %), d'Auray (400 %), de Vannes (300 %), venaient ensuite Quimper, Tréguier. Lannion s'appuyait sur une production suffisante en céréales (1/10 de froment en plus) et vendait le surplus à un prix convenable. Morlaix était dans la même situation (1/6 en plus), de même que Pontivy, Quimper (1/2 en plus), Redon (2/3 à 3/4), Saint-Brieuc (600 tx d'excédents). Tréguier exportait en bonne année 20 000 boisseaux de froment vers Brest et Bordeaux. Néanmoins, toutes ne couvraient pas leurs besoins14. Les diocèses de Saint-Malo et Nantes n'y arrivaient point. Les meilleures récoltes du comté nantais ne fournissaient pas plus de 4 mois de subsistance. La croissance de Brest fit que le pays alentour nourrissait à peine sa population en bonne année, surtout en froment et en seigle. Dès lors, rien d'étonnant à ce que les régions excédentaires fournissent en priorité celles qui en Bretagne se trouvaient plus mal loties et en année faste, d'autres provinces voire l'étranger. Vannes exportait les trois quarts de la récolte vers Nantes, Bordeaux, Marseille. Vitré comptait sur une récolte légèrement excédentaire pour vendre une partie (le blé noir) au Maine et en Anjou. Nantes importait des ports de la côte sud, ou de Touraine et d'Anjou, Saint-Malo des diocèses de Dol, Saint-Brieuc et Tréguier.
- 15 AD. 56, 2 E 1518. Nouveau règlement de Police…, 1719. A. Croix, op. cit. 1981 p. 815. Cinq qualité (...)
- 16 Dictionnaire universel, 1751 ou encore Dictionnaire portatif de cuisine, d’office et de distillati (...)
8Dans ce contexte, beaucoup de citadins avaient l'impression, quelquefois justifiée, de la précarité de leur approvisionnement. Il ne suffisait pas de produire encore fallait-il garder des réserves et bien distribuer, la crainte de la disette leur faisait suspecter les paysans des alentours de vouloir les affamer et ils surveillaient attentivement les exportations et la vente des grains. Les citadins mangeaient des pains de qualités différentes dont nous retrouvons quelquefois la composition. À Quimper, les boulangers en vendaient plusieurs sortes15. Les boulangers de l'évêché cuisaient le meilleur, le plus cher, le pain de « fine fleur ». Les Quimpérois estimaient le second, dit pain de ménage bourgeois « ordinaire », fait de farine de froment tamisée, composé de bluteau, moins fin que celui de l'évêché mais de bonne qualité. Ils le comparaient au pain fort apprécié, apporté deux fois par semaine par les forains des paroisses d'Elliant et de Plonéour. Ils achetaient aussi du pain de Rosporden de « fine fleur de grain » qui surpassait, à leurs yeux, celui de l'évêché. La clientèle du troisième pain, le « pain gris » fabriqué à partir de la seconde farine, tamisée ensuite de la fine fleur, était plus modeste. Partout existaient aussi des pains de méteil faits par moitié de seigle et de froment de seconde fleur, des pains de seigle achetés par une clientèle populaire. Pains de fine fleur, moussants, jaheuls, mesleards, de seigle, composaient les pains des villes, de prix, de qualité, de valeur nutritive différente. Les ruraux connaissaient aussi plusieurs pains : « On fait à la campagne de trois sortes : l'un pour le maître, l'autre pour les valets et servantes, le troisième pour les chiens16 ». Au-delà de ces pains vendus en boulangeries, la plus grande partie des pains mangés en ville provenaient de la cuisson d'une pâte fabriquée par les particuliers. Les livres de cuisine parlent d'un « pain de cuisson » ou de « ménage » cuit à la maison et pour les domestiques, d'un pain rond de méteil ou de seigle pur, nourrissant, rassasiant et « destiné à des gens robustes », ils soulignent les différences de taille et de poids des pains (les pains blancs étaient les plus petits), les variations des habitudes alimentaires dans l'espace et dans le temps décrites par Alain Croix au xviie siècle. Non seulement le poids du boisseau et sa valeur en décalitres variaient d'une ville à une autre, mais encore d'une céréale à une autre. Au-delà de la cuisson de pâtes différentes ici ou là, de l'apparition d'une céréale particulière (orge à Morlaix à la place du seigle), les règlements du xviiie siècle concernaient trois sortes de pains blancs, un de mesleards et un de seigle.
- 17 A. Croix, op. cit. p 388 établit un rapport moyen de 1/180 entre le prix de la livre de pain de se (...)
9Les deux règlements de Police de Landerneau et de Quimper faisaient dépendre le prix des pains du prix des céréales. Les variations prévues correspondaient à de fortes fluctuations des cours au cours de l'année et d'une année à l'autre. Le prix du boisseau de froment, mesure de Landerneau, passait de 2 à 15 L et le prix des quatre variétés de pains de 6, 5, 4 et 3 deniers à 4, 3, 2 s 9 d et 2 s 6 d. La fourchette des prix se resserrait avec leur augmentation (de 1 à 2 et 1 à 1,06). Le prix de la livre de pain de la meilleure qualité pouvait augmenter de huit fois, pour une variation du prix du froment de sept et demi, et celui de la dernière qualité de dix fois. La chute du prix du boisseau de seigle (mesure rase) de 12 à 2 L n'entraînait pas une chute équivalente du prix du pain de seigle qui passait de 2 s 8 d à 9 d. Les rapports respectifs étaient de six à un et de trois et demi à un. À Quimper, des tables permettaient de calculer le prix théorique du pain en fonction du prix des grain. Le règlement de 1719 prévoyait un changement du prix du boisseau de froment de 2 L 15 s à 21 L 15 s (de 1 à 7,9). Le prix du pain le meilleur allant de 9 à 30 d (1 à 3,3), celui du pain gris de 5 à 20 d (1 à 4). Les habitudes alimentaires, s'ajoutant au poids de la demande, à la capacité productrice des régions, venaient renforcer les différences du prix des pains d'une subdélégation à une autre, d'un marché à un autre. Le setier de froment de Morlaix était à 1 7 L 10 s quand celui de Saint-Brieuc grimpait à 23 L 15. Le prix moyen montait alors à 21L 4 s. Le seigle en moyenne à 17 L 8 s 11 d, descendait à 13 L à Lannion alors qu'il coûtait 22 L à Auray. Il y avait des villes chères et des villes bon marché, J. Meyer, en donne des exemples et les salaires qui ne connaissaient pas de semblables différences ne permettaient pas toujours d'acheter le pain indispensable17, et, la même année, les récoltes avaient des rendements différents. Ainsi en 1789, celles de la région de Montauban étaient inférieures de 1/3 à celles de 1788, avec pour effet une cherté: « on n'avait jamais vu le pain si cher dans le temps de la récolte », alors que celle de Nantes connaissait « un surplus considérable », mais la région ne fournissait que 4 mois de subsistance. À la différence habituelle entre régions, s'ajoutaient les conséquences d'aléas climatiques.
10L'augmentation des besoins des villes où les citadins mangeaient davantage de bon pain, la croissance de Brest, Lorient, Nantes, les besoins en nourriture des marins, entraînèrent des modifications profondes du marché des céréales en Bretagne. Les biscuits figuraient en bonne place parmi les aliments embarqués pour des voyages au long cours. Pour chaque homme d'un morutier malouin, partant vers Terre-Neuve, l'on comptait 3 q de biscuits aussi, en 1778, quand 3976 marins partirent de Saint-Malo, il leur fallut 11 928 q de biscuits. S'y ajoutèrent 198 800 Ip de beurre, autant de lard. Or, il ne s'agit là que de la pêche et d'un grand port, il faudrait aussi prendre en compte les autres armements, les approvisionnements des matelots, soldats, officiers de la marine royale dont les rations ne varièrent pas au cours du xviiie siècle ; les soldats consommaient des pains de munition à la composition et à la cuisson soigneusement réglementées. Leur fabrication, celle des biscuits créa une industrie alimentaire à Brest, à Lorient, à Saint-Malo, à Nantes. Ailleurs peut-être ? Quand l'ordre arriva à Brest, le 14 août 1758, de fabriquer pour septembre, 8 000 q de biscuits, il fallut faire travailler 35 fours pendant 34 jours.
- 18 A. Everitt, Perspectives, 1964, le rayon d’achat était beaucoup plus important pour les bovins (11 (...)
- 19 AD. 35, C 6196.
- 20 AD. 35, C 1690-1691.
- 21 AD. 35, C 1653 Lettre de l’intendant au contrôleur général (8 octobre 1774). Il accusait les décim (...)
- 22 Mairie de Pont-l’Abbé, aveux des barons du Pont (1732). Les anciennes foires se tenaient le 12 mar (...)
11La production céréalière bretonne soutenait d'abord un commerce local. Les échanges quotidiens se faisaient dans les marchés de grains où les paysans transportaient les excédents commercialisables de leurs récoltes. Depuis des siècles, les grains arrivaient en charrettes ou à dos de bêtes dans les marchés. Ces transports selon Alain Everitt se faisaient, en moyenne, dans un rayon de 5 miles anglais (6 km) et n'excédaient jamais les 10 miles18. Sans doute quand les paysans apportaient eux-mêmes les grains, mais les circuits d'achat et de vente des regrattiers, des blatiers dépassaient ces limites. Les marchands de Morlaix ramassaient les grains à 4 lieues à la ronde en année normale et ceux de Hennebont les redistribuaient à Pontivy et au Faouët à quelques 12 lieues. Il fallait donc un réseau dense de marchés aux grains. Or, en 1785, il y avait en Bretagne seulement 53 marchés autorisés où vendre et acheter les bleds dans des halles. Les commerçants de Rhuys s'approvisionnaient, en principe, à Vannes. Ceux de Blain et des bourgs de la subdélégation « qui boulangeaient du pain pour le vendre » allaient ordinairement chercher et acheter leurs grains à Launay et à Nozay. À l'inverse, Robien admirait l'étendue du commerce du marché de Lesneven. Croire que les échanges ne se faisaient que dans les marchés, que les marchands se pliaient aux règles, relèverait d'une grande naïveté. Ne pas tenir compte des règlements semblait un phénomène général et non lié à l'attitude de tel ou tel marchand retors ou indiscipliné. Seuls les vendeurs et les acheteurs de Quintin, de Redon, de Rennes et de Saint-Brieuc avaient la réputation d'obéir en majorité aux règlements et d'effectuer très peu d'achats en dehors du marché. Partout ailleurs, on n'en tenait peu ou pas compte ! Malgré un droit de ménage, « on n'a jamais pu obliger le public d'amener des grains » au marché d'Ancenis19. À Châteaubriant, la vente au marché se faisait sur échantillon, à Dol, les blés transportés directement dans les greniers échappaient aux contrôles. À Vannes, à Vitré, à Carhaix, à Landerneau à peine la moitié des transactions avaient lieu dans les halles. Les marchands de Guingamp, de Hennebont, de Josselin, de Lamballe, de Lannion, de la Roche-Bernard, du Croisic, de Montfort, de Morlaix et de Quimperlé s'adressaient directement aux producteurs malgré les interdictions maintes fois répétées. À Auray et à Ancenis « on [portait] à peine au marché ». Les négociants d'Hennebont achetaient « dans les campagnes chez les gentilshommes et recteurs, à des particuliers dont les revenus sont en bleds conservés dans des greniers20 ». Au Croisic, non seulement les grains se vendaient « à la main » mais en plus « au prix qui [se traitait] de gré à gré, la police étant sans exécution21 ». Pourtant, quand en 1780, les habitants d'Audierne perdirent leur marché au profit de Pont-Croix, ils ne cessèrent d'en réclamer le rétablissement. Les six foires de grains de Pont-l'Abbé ne suffisaient point et la ville en demanda six autres en 1732. Les fermiers y percevaient en moyenne 150 L ce qui correspond à la vente d'environ 1 000 tx, preuve qu'une partie des échanges leur échappait22. Au-delà des conditions juridiques, les aires d'approvisionnement variaient selon les régions et le chiffre de leur population. Les besoins de villes telles Saint-Malo, 14 000 habitants avec Saint-Servan ou Nantes qui en comptait trois fois plus, n'étaient pas à la même échelle, mais concernaient un grand nombre de petits ports exportateurs.
- 23 AD. 35. C 1672. Audierne et Pont-Croix s’approvisionnaient dans la région du Cap Sizun.
- 24 A Fresnel, M. Nedellec, Saint Malo et le petit cabotage. DES, 1970.
- 25 St-Cast, 2481 tx, Dahouet 2261 tx, Port-à-le-Duc 2150 tx, Erquy 1566 tx en 18 ans.
- 26 P. Jeulin L’Évolution du port de Nantes. 1929. J. Meyer, La noblesse, 1966, p. 479, Nantes exporta (...)
12De petits caboteurs assuraient le commerce des grains, commerce de ramassage, de concentration puis de distribution. de 1768 à 1776, dans l'amirauté de Saint-Brieuc, 82 allèrent à Saint-Malo, 23 à Brest, la guerre amena une inversion de 1777 à 1783, 27 et 58 et la paix vit à nouveau la prédominance des envois vers Saint-Malo, 30 contre 3. Tréguier, Saint-Brieuc, Quimper, Pont-l'Abbé, exportaient les grains de leurs régions. de 1716 à 1722, 4 433 tx de grains sortirent de ce port, le double des entrées de grains à Saint-Malo dans les périodes de grandes importations. Un peu plus de la moitié (53,15 %) vers Bordeaux (31,06 %) et le pays Basque (22,09 %). Le reste allait vers les pays de la Charente (19,82 %), vers Nantes (19,85 %) et les petits ports bretons (7,18 %). Parmi ces derniers, Audierne envoyait ses navires sur lest charger des blés23. Beaucoup de petites barques venaient chercher à Pont-l'Abbé du froment (49,67 %), puis de l'orge (20,77 %) pour la Charente, du seigle (6,42 %), de l'avoine enfin (14.09 %). Nous avons quelques indications pour l'année 1733. 42 navires enlevèrent alors 1612 tx de farine vers l'étranger. Les expéditions de cette petite cité dépendaient des récoltes d'un arrière-pays fertile et d'un excédent de récoltes, de même que celles de Hennebont qui vendait tous les ans 300 à 400 tx de froment, tout au moins jusqu'à ce que Lorient en grandissant, n'absorbe ces céréales. Hennebont resta un port exportateur de seigle, tout en gardant dans ses greniers deux ans en réserve, la ville pouvait en expédier 3 000 à 4 000 tx (mesure de Hennebont). Pontivy, ville du commerce du seigle, en vendait à Vannes et Landerneau. Lamballe possédait un marché, considéré comme un des plus importants de la Province. Il s'y traitait chaque fois, de 100 à 150 tx. Quant à Tréguier, il passait dans ce port en « bonne année », 4 000 boisseaux de froment, 3 000 de seigle et 9 000 de blé noir. Plus de 3 000 boisseaux transitèrent par Pontrieux et Paimpol. Les blés moulus à Saint-Malo et dans les moulins des environs servaient essentiellement aux besoins de la ville, soit à la nourriture des habitants, soit à celle des gens de mer embarqués, une partie infime allait aux îles en bonne période sous forme de biscuits vendus aussi à Granville. Les grains arrivaient de la plupart des ports du nord de la Bretagne, mais aussi des régions méridionales, riches en grains. Pour les deux seules années 1723-1724, nous pouvons recenser au moins 32 ports d'où partirent des grains vers la cité malouine. En même temps, des navires (1506 tx) vinrent de Tréguier, Lannion. Perros et Pontrieux24. La plupart des bâtiments ne dépassaient pas 20 tx et descendaient rarement au-dessous de 6 tx. Le commerce des blés de l'intérieur nous échappe en grande partie. Nous en avons quelque idée par les droits perçus sur les marchés. 20 ports situés entre Lézardrieux et Plancoët, en particulier Saint-Cast, Dahouet, Port-à-le-Duc et Erquy apparaissent dans nos sources comme des fournisseurs permanents25. Plévenon disparut en 1732, Perros en 1740, Lannion en 1741 ainsi que Portrieux. Tréguier exportait avec Paimpol du blé noir et de l'orge en petite quantité. L'avoine arrivait de Plancoët et le seigle de Saint-Brieuc. La part respective des ports changea. Dahouet, Erquy, Paimpol et Saint-Brieuc dont les exportations augmentèrent jusqu'en 1735-1740 virent celles-ci diminuer par la suite, à l'inverse de Port-à-le-Duc. Les arrivages de Tréguier, très irréguliers tendaient à la baisse entre la première moitié du siècle et la seconde. Pendant les mêmes périodes arrivaient quelques cargaisons des pays du Nord, des blés surtout, très peu de seigle (en 37 ans seulement trois cargaisons, deux à la fin du xviie siècle et une en 1721) et d'orge (une cargaison en 1768). Pour ce que nous en savons cela représentait peu de choses: 611 tx en quatorze cargaisons complètes et 461 tx en onze cargaisons incomplètes. Nantes redistribuait et exportait des grains du reste du royaume et de l'étranger vers ses clients habituels dès que les conditions le permettaient26: le nord de l'Europe, la Hollande, l'Espagne, les Îles où ils vendaient des farines en barils, mais aussi la Bretagne, Bordeaux, le Poitou, Libourne ainsi que le prouve le registre des acquits à caution de 1773. Nantes expédia cette année-là, du froment, de la farine, de l'avoine, du millet, du seigle, des fèves, des haricots, du riz (seul port exportateur). Le port de Nantes, grand exportateur de farine de Bretagne, reçut en 1714, 32 530 q de Haute Loire, du Poitou, de l'étranger, en 1752, 54 630 q, en 1774, 83 270 q, années exceptionnelles. Vannes, « lieu très propre pour le commerce des bleds », servait de débouché à l'évêché le plus excédentaire.
- 27 AD. 35, C 1690. À cette date le sac de toile contenant 200 lp coûtait 380 L. 6 d.
13Les villes jouaient donc un double rôle, elles absorbaient pour leurs propres besoins une partie des récoltes et redistribuaient le reste soit dans la province, soit vers l'extérieur, souvent, mais pas toujours, les deux à la fois et ce commerce les concernait toutes. Une enquête en 1733, concerne le coût d'exportation des grains suivant la distance27, soit de 8 L à 70 L par tonneau.
14Dans ce tableau, comme dans bien des rapports concernant les céréales bretonnes, Hennebont apparaît en premier et souvent les calculs se font par référence aux mesures de cette ville qui fut longtemps un centre d'expédition des blés bretons. Les prix s'entendent toutes céréales confondues. À Hennebont, le tonneau du froment de 3 200 lp coûtait 140 L, le transport l'augmentait de 12,7 % à 19,2 %. À Saint-Brieuc, le tonneau de 2800 lp se vendait 118 L 16 s (soit un peu plus cher la livre pesant), le transport augmentait ce prix de 13 % à 59 %. La quasi-totalité des ports bretons embarquait des grains (une centaine de ports sur les 136 dénombrés).
- 28 AD. 35, C 1710, contenant deux mémoires de Parmentier (1782). J. Meyer, La noblesse, p. 505-506.
- 29 M. Maurineau, Les faux semblants d’un démarrage économique, 1971.
15Marchands et négociants tiraient profit de ce commerce. Auray port sûr et facile exportait des grains provenant d'un arrière-pays riche en froment, en seigle de bonne qualité (le trafic portait sur 50 000 Ip de froment, 35 000 de seigle en année commune), des produits de l'élevage, quelques vaches et génisses, mais surtout 200 000 Ip de beurre salé vers l'Aunis, la Saintonge et la Guyenne. Ses habitants péchaient, un peu, la sardine et envoyaient quelques bâtiments à la morue (occupation qu'ils abandonnaient à la fin du xviiie siècle), ils faisaient venir du sel de Rhuys et de Quiberon. Mais cette ville comme toutes celles dont le commerce des produits de la terre constituait l'essentiel des échanges, ne connut pas de croissance démographique, bien au contraire. Il en fut de même de Hennebont qui fournissait à la Compagnie des Indes des froments et des seigles, du miel, des chanvres et surtout des bois, quelques produits industriels, du papier des ustensiles en étain, des clous, et par où transitaient des provisions, des goudrons, quelquefois des toiles en provenance de Saint-Brieuc, des boulets et des fers des forges. Malgré la richesse de ses marchands et négociants, la population décrut au cours du siècle, surtout à partir de 1772 quand la moyenne annuelle des décès devint plus forte que celle des baptêmes. Ces villes, au marché du travail limité, n'appelaient pas une immigration importante. La proximité de Lorient aggravait la situation en attirant une partie des Hennebontais. La vente des grains en dehors de la province, dépendait de règlements conjoncturels. La Bretagne aurait vendu à l'Espagne d'après Savary des Brûlons, 6 000 tx de froment et 9 000 tx de seigle, chiffres repris par Expilly et par le Dictionnaire du Commerce en 1765. Mais il ne s'agissait que des ventes de l'évéché de Vannes. Un état nous fournit les chiffres des exportations d'octobre 1732 à avril 1733: 22 435 tx quittèrent la province, 46 % vers l'étranger et 54 % vers le reste du royaume. En 1745, la Bretagne expédia 54 914 tx de grains, bien que ce fut une année de récolte moyenne, voire mauvaise dans quelques cantons, mais le danger de garder trop longtemps la récolte qui pouvait s'échauffer et pourrir rapidement, obligeait à vendre malgré le règlement de 1626 qui prévoyait que les boulangers devaient avoir en magasin assez de grains et de farine pour cuire pendant six mois28. Au bout du compte, le commerce des grains dépendait davantage alors du temps que de modifications radicales des techniques augmentant le rendement des terres qui n'eurent qu'une importance limitée29.
16L'état devait, le Roi aux yeux des sujets, s'occuper du commerce des grains pour qu'il y en ait toujours en quantité suffisante à des prix supportables. En Bretagne, de 1708 à 1721, il n'y eut pas de droits levés sur le commerce des blés d'une province à une autre, et dès 1715, les blés bretons purent être transportés hors du royaume sur simple déclaration. D'abondantes récoltes permirent d'étendre ces facilités aux fèves, pois et autres légumes secs. En 1721, à 1725, la situation se dégrada et conduisit à limiter le commerce, à rendre obligatoire la vente des céréales dans les halles pour la surveiller plus efficacement, à lutter contre la fraude. de meilleures moissons firent peu à peu abandonner ces mesures. L'on en revint à la liberté de 1728 à 1730 où il fallut recourir à de nouvelles restrictions. Pour attirer les grains étrangers on supprima les droits d'entrée. Selon l'état des récoltes, l'on passait d'un régime de plus ou moins grande liberté, de 1743 à 1746 puis en 1756, ou encore en 1773, à une surveillance, une limitation plus ou moins fortes en 1737, de 1738 à 1743, pour aboutir aux décisions contradictoires du règne de Louis XVI.
- 30 Arrêt du conseil du 3 octobre 1776. AD. 35, C 1502. Les ports ayant le droit d’envoyer des matière (...)
17Il fallait faire entrer et sortir les marchandises par un nombre de ports limité pour faciliter la surveillance. Le trafic des grains allait alors vers des villes privilégiées : Vannes, Hennebont, Auray, Quimper, Quimperlé. En 1721, seules Morlaix et Redon purent commercer des céréales. En 1732, cela concernait Audierne, Pont-Croix, la Roche-Bernard, Auray, Lannion, Tréguier, Dahouet, Pont-l'Abbé et Penerf, en 1755. Quimper, Hennebont, Vannes, Saint-Brieuc et Lannion. En 1759, seules Quimper, Pont-l'Abbé et Pont-Croix purent exporter de l'orge que l'on trouvait en quantité assez considérable en Cornouaille. En 1773, les sièges d'amirauté (Brest, Morlaix, Nantes, Quimper, Saint-Malo, Saint-Brieuc, et Vannes) plus Port-Launay, Lorient, Paimpol Bourgneuf et la Roche-Bernard, avaient le droit de charger pour l'extérieur. Tréguier protesta, faisant remarquer que Morlaix, Brest et Saint-Malo ne faisaient pas commerce des grains. Toute interdiction de sortie des grains, entraînait à Pont-l'Abbé de graves difficultés économiques. Une telle politique qui ne concernait pas que les grains30, entraînait une active contrebande et se heurtait à l'hostilité des autres ports. Elle permettait, théoriquement, d'approvisionner la province et surtout ses villes. Dans la pratique, la crainte de manquer conduisait les communautés à faire des provisions au risque d'inquiéter les populations. En 1788, la peur de voir partir les grains conduisit les habitants de Lamballe, de Pontrieux, de Paimpol, de la Roche-Derrien, de Tréguier, ainsi que ceux de la Poterie près de Guingamp, de Baud, des environs de Quimperlé ou encore de Hennebont, à se révolter.
18Les guerres en menaçant voire en coupant les voies d'approvisionnement ajoutaient aux difficultés d'arrivées par mer de Nantes, Brest et Saint-Malo, mais aussi de Bordeaux et la Guyenne. Quand, en 1708. D'Aguesseau proposa d'acheter les blés non à Dantzig, mais en Bretagne et au Poitou qui « abondent au moins en blés vieux », de les faire transporter par des bateaux hollandais munis de passeports de Brest à la grande cité girondine. Les protestations les plus diverses s'élevèrent et se multiplièrent. L'on avança la situation critique des villes, en particulier de Nantes qui ne pouvait subvenir à ses besoins. Aussi, quand on envisagea d'ajouter aux envois en Guyenne, un secours de 400 tx de grains à acheter en Bretagne et en Touraine pour les armées des Flandres et pour la place de Dunkerque, l'on craignit que tous les peuples se soulèvent pour empêcher l'« extraction » des blés. Le Contrôleur parvint quand même à ses fins puisque, en 1713, l'on retourna à Nantes les blés devenus inutiles en Picardie.
- 31 Règlement de police, doc. 11. AMR liasse 407 (dartres, ulcères). Hervé Grall, Les infractions…, 19 (...)
19Soucieuses d'assurer le ravitaillement de leurs villes et le pain des populations les plus pauvres, les communautés de ville se préoccupaient aussi de la qualité du pain. Un simple regard sur le registre de police de Rennes permet de découvrir l'attention portée à ce marché. La vente des grains se tenait trois fois par semaine à la halle aux grains que les commissaires visitaient quelquefois aidés par deux « minagers » voire des experts choisis parmi les marchands de grain et qui ne pouvaient se soustraire, sous peine d'amende. Il fallait déjouer les astuces des marchands qui présentaient des boisseaux inégaux en qualité. Les conditions du commerce interdisaient aux boulangers de Rennes de vendre le pain de boulanger à boulanger dans les paroisses avoisinantes et en dehors des heures et lieux prévus à cet effet. Ainsi, en 1772, on saisit 30 pains de 6 Ip, de la demoiselle Crublet, et Perrine Belou fut condamnée, le 13 janvier 1787 à 6 mois de prison. L'obligation de faire deux fournées par jour imposa de rappeler à l'ordre en 1766, 1772 et 1781, sept maîtres boulangers qui arguaient de la cherté des grains pour n'en faire qu'une. En 1781 et 1784, les meuniers ne livrèrent pas la farine par manque d'eau. Attitude dangereuse, les clients pensant souvent à des ententes pour hausser les prix, ne se contentaient pas toujours d'injures par ailleurs réprimées. À ces refus de mise en vente, s'ajoutaient les défauts de qualité, la vente au-delà du prix de la pancarte et la tentation de ne pas donner le bon poids. En 1751, sur 10 Boulangers visités, 9 n'avaient pas de balance et vendaient des pains auxquels il manquait plusieurs onces (1/16 de livre). Le dixième utilisait un poids d'une livre allégé d'une 1/2 once (environ 16 g). Enfin à plusieurs reprises des dépassements de prix furent constatés. Outre le fait que les meuniers ne vendaient pas toujours des farines de bonne qualité, les boulangers n'étaient pas exempts de reproches. Le 17 octobre 1766, 36 durent payer 20 s d'amende pour avoir laissé du sursas dans la farine et des saletés. Attitude répréhensible qu'aggravait le manque de propreté, l'usage d'eau croupie. La santé des boulangers préoccupait Jean Marie Guyot de la Hardrouyère docteur de Montpellier et Jean Michel Rapatel, professeur au collège royal de Médecine de Rennes quand ils examinèrent Jean Boyer et le déclarèrent inapte à exercer son métier à cause d'un « très grand ulcère à la jambe gauche [...] incurable et invétéré ». À la suite, un règlement de police interdit à tous ceux atteints de « maladies permanentes et humorales [...] et autres maux contagieux » de vendre et de préparer des comestibles31.
Le marché des boissons
- 32 R. Dion, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au xixe siècle, 1959, p. 455-457 A. (...)
20Les Bretons ne produisaient pas ou peu de vin, aimaient en boire et le faisaient venir d'ailleurs. Les citadins en consommaient davantage que les ruraux et d'après A. Croix, ceux des côtes plus que ceux de l'intérieur. Le vin constituait une « compensation calorique peu onéreuse » et permettait d'éviter l'ingestion d'eau souvent polluée32. Les navires emportaient des rations importantes d'eau de vie pour les équipages. À Nantes, la consommation était de 31 litres par personne, à Brest de 1,26 hl contre 8 l de bière et 8 l de cidre ce qui était très peu, mais une partie de la consommation échappait aux enquêteurs, à Hennebont, d'après Frédéric Toussaint, elle diminua de 1785 à 1788, passant de 133,47 l à 31,07 au profit des cidre et bière, de 70,07 à 103,6. Débitants et surtout marchands de vin en gros vivaient de ce marché. Ils s'approvisionnaient un peu partout. Fontaine, marchand de vin lorientais assez malheureux pour faire faillite, avait des créanciers à Nantes (4598 L), à Blaye (4609 L), à Bordeaux (1855 L), à Libourne (2301 L), et en Bourgogne (2261 L) et nous savons que les Rennais consommaient des vins espagnols, de Bourgogne, Chambertin, clos Vougeot, clos de nuit et, de Champagne.
- 33 P. Jeulin, op. cit., p 240 J. Meyer, La noblesse…, p. 773-774. En valeur le commerce des vins étai (...)
- 34 Le Bec, Le commerce des ports de Pont-l‘Abbé, IARH.
21Pendant longtemps, les Bretons se spécialisèrent dans le transport du vin gascon. Ils appréciaient le vin nouveau, le goût allait à ce vin clairet, peu alcoolisé, jusqu'à ce que l'on préférât au xviiie siècle un vin plus corsé. À Nantes, arrivaient par la Loire des rosés et des eaux-de-vie d'Anjou et de Touraine distribués par Orléans, des vinaigres aussi. Lors de la foire franche du 1er janvier à la Purification, les Nantais, mais aussi les Malouins, achetaient ces productions à des prix d'ailleurs assez bas, ils coûtaient deux tiers de moins que les vins de Bordeaux et un tiers de moins que ceux de Saintonge. Ce commerce devint à ce point florissant qu'il concurrença le blé. Les périodes de bonne vente étaient en avril (au départ de la grande pêche) et en novembre, décembre après les vendanges. Les Espagnols achetaient aux foires d'Ancenis des vins de Touraine, d'Anjou, d'Aunis, de Saintonge, les entreposaient à Nantes puis les transportaient vers les Pays-Bas. Béchameil de Nointel estimait ce trafic à 8000 tx. Ils vendaient aussi des vins de Madère aux Nantais. Le commerce des vins à Nantes portait sur de grandes quantités, de 1728 à 1779, 344 070 tx (1 376 280 barriques). Ce vieux commerce progressait encore puisqu'il y eut une augmentation des exportations de 6 % entre 1730-1739 et 1764-1774, alors que l'exportation des eaux-de-vie connaissait une baisse séculaire. Le trafic passa de 93 839 barriques en 1730/1739 à 29 604 en 1764/1774 (l'année 1773 manque). En admettant un ralentissement des ventes du vin et une régression de celle des eaux-de-vie, le niveau atteint restait très élevé. Paul Jeulin faisait remarquer le « peu de vin de l'extérieur à l'exception des vins doux ou de liqueurs provenant surtout d'Espagne », mais Jean Meyer note qu'en valeur, les Nantais vendirent de 1730 à 1740, pour un peu moins de 6.6 ML d'eau-de-vie contre 1.4 ML de vin33. Nantes faisait aussi venir des vins méditerranéens par Marseille. Moins traditionnel, le marché de Lorient sans concurrencer sérieusement celui de Nantes se développa pour répondre aux besoins d'une population nouvelle et diverse. Le vin allait essentiellement à l'avitaillement des navires de la Compagnie des Indes. Les avantages dont bénéficiait la Compagnie attiraient les réclamations de la Ferme. Il est vrai qu'une partie des vins se trouvait détournée et fournissait un trafic illicite. Les vins allaient aussi normalement aux armateurs privés, et les frères Delaye envoyaient des vins de qualité, des vins de Cahors, de Montferrand et aussi du Médoc, Saint-Emilion, du muscat en principale exportation vers l'Île de France. Tous ces vins arrivaient en grande partie à Lorient par Bordeaux, 215 navires, soit 25,8 % des entrées du moyen cabotage et 23,5 % du tonnage. Les arrivages de bateaux chargés uniquement de vin constituaient 85,7 % de ce commerce. Eaux-de-vie, farines, huile et résine complétaient la gamme des marchandises en provenance du port girondin. Les Lorientais armaient 21 bâtiments et les Bordelais 20, le reste des armements concernait une vingtaine de ports, dont Nantes (8 armements), Le Croisic, La Roche-Bernard. Les caboteurs partaient le plus souvent avec dans leurs cales des fûts vides ou des produits coloniaux et étrangers. Nous ne connaissons pas exactement la quantité de vin envoyée de Bordeaux à Saint-Malo, les navires qui assurèrent ce trafic en cargaison complète jaugeaient de 1681 à 1770, 20 395 tx. On sait qu'il en vint aussi en cargaison incomplète: au total 74 688 tx, ce qui représentait 66,76 % des arrivages en vin (89,01 % des cargaisons complètes). Dans la première moitié du siècle, l'importation augmenta en pourcentage, de 70 % en 1727, elle passa à 82 % en 1734 et atteint 90 % en 1740 : cargaisons de vins et non d'eaux-de-vie (0,17 % des importations en cargaisons complètes), un peu de vinaigre, seulement cinq bâtiments en 37 ans. de 1751 à 1770, 313 navires jaugeant 9862 tx arrivèrent de Bordeaux. Malgré son importance, ce commerce connut des difficultés et l'approvisionnement malouin baissa en quantité. La transformation du vignoble bordelais explique en partie ce déclin relatif. Il produisait moins de vins courants et plus de vins de qualité vendus plus chers ce qui réduisait la clientèle et poussa les marchands de vins bordelais à conseiller à Lumière, négociant à Rennes, de les couper avec des vins de qualité médiocre afin qu'ils puissent être vendus dans les cabarets. La modification du goût joua son rôle, la clientèle aisée se tournant vers des vins doux, madère et malaga, favorisant ainsi les vignobles de Porto et de Xeres. Mais, les importations en provenance de Malaga, Cadix et des îles Canaries portaient sur un nombre limité de bouteilles et connurent aussi quelques difficultés. Il ne vint pas plus de deux à trois tonneaux par an de vins portugais. Magon de la Blinaye négociant malouin passa neuf commandes en 1765 : 123 barriques de Bordeaux, 13 de vin d'Espagne, une d'eau-de-vie, destinées au marchand lui-même et à sa riche clientèle dont 16 barriques pour le seul Marquis de la Gervesais. Par la même occasion, il acheta à Bordeaux, 7 barriques de vin ordinaire pour l'Hôpital Général. Les autres ports bretons avaient tous un commerce de vin. Ceux du sud Finistère participaient davantage à des échanges intérieurs. Pont-L'Abbé s'approvisionnait à Nantes, à Bordeaux, puis redistribuait le vin dans les petits ports avoisinants. Les rares chiffres en notre possession (les entrées des vins de Nantes, et des « vins hors » rouges et blancs pour six années du début du siècle puis en 1745-1746) et les contradictions des sources, montrent un progrès dans l'importation des vins limité par la faible importance du marché à Pont-l'Abbé. En 1745-46, 26 navires y apportèrent 4079 tx de vins hors selon un des états, 540 selon l'autre34. Quimperlé, importait de même des « vins de provision » pour ses habitants et pour ceux du Faou, de Gourin, de Rostrenen et des environs. Sur la côte nord, le trafic de Roscoff échappe à toute statistique, ses habitants se spécialisant dans la contrebande avec Angleterre. Ogée se risqua et estima à 4 ML les échanges prohibés de thé, eaux-de-vie et vins. Ils se faisaient en petits barils de 60 à 75 hl, liés par des cordages, mouillés sur des cales et jetés à la mer à l'approche des côtes anglaises.
- 35 AD. 35, C 3928.
22En dehors des boissons exotiques dont la mode se développa au xviiie siècle : café, thé et chocolat, les Bretons produisaient et achetaient du cidre et de la bière. Nous ne possédons que quelques chiffres très insuffisants concernant la production locale des pommes à cidre, mais nous avons les traces d'arrivages de cidre de Normandie et en particulier du nord d'Avranches. Quant à la consommation de bière, elle entraîna l'établissement de quelques brasseries. À Nantes, il n'en restait plus qu'une en 1769, appartenant à Paul Paillet qui fabriquait une bière d'excellente qualité supportant bien le voyage aux Indes et en Amérique. Il devait faire face aux bières étrangères dont il supportait mal la concurrence. L'enquête menée par l'intendant en 1767, nous fait découvrir un brasseur et un distillateur à Hennebont, trois brasseurs à Morlaix ou encore 3 brasseries introduites à Quimper par des Irlandais entre 1750 et 176735. Trois cargaisons complètes de houblon, et cinq autres arrivages, arrivèrent surtout de Saint-Volvey sur Somme à Saint-Malo entre 1681 et 177, ce qui représente très peu. Outre le fait que la vente de boissons alcoolisées rapportait à ceux qui les débitaient, l'entrée des vins et boissons diverses assurait grâce aux octrois l'essentiel des recettes urbaines.
Les animaux
- 36 Expilly. op cit., p. 824. Foires de Folgoët, la Martyre, de Lanhouarneau (Léon), de Guingamp, de M (...)
23Pays d'herbe et de landes, la Bretagne possédait un élevage important capable de répondre aux besoins et de fournir au commerce. Plusieurs marchés en dépendaient, celui des animaux de selle ou de trait, de la viande, des produits laitiers (beurres et fromages), des laines et des cuirs. L'élevage du cheval, animal noble et indispensable aux civils comme aux armées, aux déplacements et aux travaux, connaissait en Bretagne des conditions naturelles favorables. Léon et Trégor fournissaient un animal endurant et estimé, attelé aux carrosses à moins qu'il ne serve à la remonte36. Les Normands venaient chercher à Morlaix des chevaux qu'ils revendaient ensuite. Le Bas Léon se spécialisait dans le cheval de selle que l'on trouvait aussi dans le val de Loire. La région de Saint-Brieuc élevait un cheval d'attelage apprécié. L'armée achetait le cheval le plus connu, le bidet, petit, nerveux, très robuste, particulièrement frugal. L'élevage du cheval estimé à 165 000 têtes en 1733, aurait augmenté pour atteindre 201 868 têtes en 1754.
24Le commerce des bovins alimentait les foires célèbres de Gourin, Carhaix, Lamballe, Fougères. Bovins, ovins, porcins fournissaient la viande consommée essentiellement dans les villes, le lard, la graisse embarqués sur les bateaux. Les gens du xviiie siècle appréciaient de plus en plus les beurres et les fromages dont les prix augmentèrent, comme augmenta celui des vaches laitières par rapport aux vaches à viande. Pendant longtemps le diocèse de Rennes exporta ses beurres. Celui de la Prévalaye particulièrement renommé fournissait à la région parisienne et à la Cour, mais concurrencé par le beurre de Normandie, ses ventes diminuèrent. Lannion ville exportatrice de beurre connut les mêmes problèmes. Les Bretons particulièrement préoccupés de l'utilisation de leur lait envisagèrent la fabrication de fromages « qui puissent soutenir la mer et les voyages » et qu'ils pourraient vendre aux armateurs pour l'approvisionnement des navires. À Saint-Malo, le beurre parvenait de Morlaix qui paraît en avoir eu le monopole mais aussi d'Irlande et d'Angleterre, il arrivait en barriques pour être consommé sur place.
- 37 H. Sée, « L’industrie et le commerce à Vitré de 1791 à l’an X, Mémoires et Documents, 10e série.
- 38 AN. F 12, 651. Rapport Libaut, inspecteur général des Manufactures à Morlaix.
- 39 Robien, Histoire…, Nous trouvons des parcheminiers (revendeurs non fabricants ?) à Ploërmel. Renne (...)
25Quelques villes se spécialisèrent en Bretagne dans la production et la vente des cuirs : Lamballe, Lannion, Fougères dont Saugrain en jugeait le commerce « considérable », seule industrie de la ville à en croire Béchameil de Nointel. La fabrication de chaussures à Vitré reposait sur une vieille tradition et dura jusqu'au xixe siècle37. Les Vitréens achetaient des peaux brutes « en poil » et les travaillaient dans de petits établissements. Ils vendaient des cuirs tannés « secs d'huile » et des cuirs corroyés qui se heurtaient à la concurrence des cuirs étrangers. Les tanneurs obligés d'acheter leurs peaux au comptant, dépendaient des marchands, à moins qu'ils ne travaillent à la commande (à 2 % de commission). Tanneurs et corroyeurs placés au milieu d'une chaîne, ne pouvaient se passer d'intermédiaires qui en amont, leurs procuraient les peaux achetées sur les marchés de Rennes, Nantes, Saint-Malo, Dinan, Guibray et Caen, voire de Paris. Ils leur fournissaient aussi les huiles de baleine ou de morue indispensables au travail du cuir. À Quimperlé, Jean-Jacques Ulrich Englier établit une manufacture en 1753 grâce à plusieurs ouvriers allemands qu'il fit venir. En 1766, il fabriquait des semelles et demanda que sa manufacture devienne royale, il déclarait alors en exporter 100 000 lp. Il existait à Guingamp38, 17 tanneries, 12 à Combourg en 1708. Lamballe se spécialisait dans la production plus délicate des parchemins39. À Nantes, les importations de cuirs étrangers à la province, du Royaume par la Loire, mais aussi d'Espagne, d'Angleterre et de Russie faisaient vivre les corroieries nantaises qui exportaient en partie vers le Portugal et l'Allemagne. La célébrité des Briochins reposait sur le travail du cuir des « sacochiers », des faiseurs d'aumônières et de bourses, dont certains s'établirent à Paris et formèrent la confrérie de Saint-Brieuc réorganisée en 1756 et 1774. Les nombreux moulins broyant fournissaient le tan, par exemple le long de l'Elorn, autour de Landivisiau. Dans bien d'autres cités, les registres de capitation nous montrent leur présence. Bourde de la Rogerie parle de 200 personnes travaillant dans les tanneries de Saint-Servan. Les contemporains soulignaient l'importance de cette production tout en la jugeant de qualité médiocre. Cette industrie connut au cours du siècle quelques vicissitudes liées aux droits levés sur son commerce et à la situation particulière des cuirs nantais favorisés un temps par les réglementations qui nuisaient au marché des cuirs bretons. Faute de sources précises, nous ne connaissons ni la quantité. ni la valeur de cette production à Nantes, sachant que son existence accroissait ses activités mais nous avons montré que les travailleurs du cuir se trouvaient partout présents en grand nombre dans les villes.
- 40 Gournay, Almanach…, art. « Landerneau », p. 280, « Morlaix » p. 411, Dictionnaire universel, 1751. (...)
- 41 Dictionnaire universel, art. « Cire »
- 42 AD. 35, C 3928. Ils achetaient, 900 000 lp de cire brute (quelquefois le double).
- 43 AD. 35, C 3928. Chocquené estimait que le commerce de la cire faisait entrer 700 000 l en Bretagne (...)
26Depuis longtemps les produits de la ruche fournissaient aux Bretons le miel et la cire. Le miel largement utilisé, de qualités très différentes, acheté par les particuliers et par les hôpitaux40 concurrençait le sucre de canne. Landerneau, Morlaix l'exportaient avec de la cire en barriques à Bordeaux, Bayonne ou la Hollande. La cire servait à fabriquer des cierges, des flambeaux et des bougies, les seuls luminaires d'alors avec le suif. Le marché des cires connut un grand essor au xviiie siècle, parce qu'elles ne coulaient pas à la chaleur comme les suifs. Aux marchés traditionnels espagnols s'ajoutaient ceux d'Amérique et en particulier des îles. Danycan de l'Epine chargea 149 q de cire blanche sur le Royal Jacques à destination de Lima. On la vendait en pains qui trouvaient d'autant plus preneurs qu'ils étaient gros. Les marchands forains achetaient les ruches et préparaient les pains de cire qu'ils vendaient aux marchands magasiniers dans les foires de Haute-Bretagne (en mars-avril) ou de Basse-Bretagne (en novembre/décembre). Les marchands-fabricants les achetaient à leur tour à ces derniers ou aux marchands forains41. Le marché de la cire bretonne connut des difficultés sérieuses que l'ancienneté du commerce, la réputation du produit, les réseaux de distributions assurés depuis longtemps ne purent régler. Les conditions de production, de fabrication et vente devenaient des gênes, la récolte de cire aboutissait à la mort des abeilles étouffées au soufre ou noyées. Ainsi, l'envoi de quelque 12 000 barriques de Morlaix en Hollande, entraîna la mort de plus de 48 000 ruches. de plus, les marchands la vendaient au poids du marc à 16 onces la livre, alors que les colonies utilisaient la livre de 14 onces. Enfin, la mésentente entre les marchands et les producteurs rendait toute solution difficile et précaire. Aussi constatons-nous un effondrement du marché breton. En 1720, Rennes vendait 300 000 Ip de cires brutes blanches, soit près de 50 % de la vente totale (350 000 dans les autres villes bretonnes). En 1764, il ne s'en vendait plus que 30 000 sur 159 000. Cette mévente poussa les Bretons non à améliorer les conditions de la récolte mais à fournir le produit brut à des marchands manceaux qui venaient l'acheter aux forains ou aux ciriers fabricants aux grandes foires de la cire de Rennes, de Vitré et de Fougères42, enlevant aux marchands bretons un marché appréciable. Les tentatives, du sieur Chocquené marchand cirier à Rennes en 1758, en 1764 et en 1769, qui proposait contre le privilège pendant six ans, de la vendre à 44 s seulement pour en exporter 15 000 Ip par an avec l'aide des États ne fut pas soutenue par ses collègues43.
Marchés permanents, marchés temporaires et foires
- 44 AD. 35, 1 F 1705, Au xixe siècle, la plupart des foires et des marchés restèrent aux mêmes endroit (...)
- 45 AD. 35, C 1576, 1577. Les subdélégués devaient enquêter à chaque nouvelle demande pour voir si l’é (...)
- 46 Dans cet évêché, 64 agglomérations ou lieux accueillaient 195 à 200 foires et 65 marchés ; 46 bour (...)
27La vente des produits agricoles, des animaux, des produits industriels se faisait quotidiennement dans les villes mais aussi à des moments forts où producteurs et marchands d'ailleurs se rencontraient lors des foires et des marchés dont la création dépendit pendant des siècles de privilèges accordés par le roi44. Ces manifestations commerciales périodiques permettaient aux marchands des rencontres assurées et rythmaient les paiements. En Bretagne, elles apparurent au xiie siècle sous la forme soit de marchés hebdomadaires qui dépassaient le simple ressort des châtellenies et des bourgades qui les accueillaient, soit de foires plus ou moins prestigieuses. En se développant, les pardons favorisèrent aussi les échanges et il existait à la fin du xviiie siècle 78 « assemblées » d'origine religieuse où le commerce avait ses droits. Comme les foires, elles avaient lieu à date fixe, mais sans privilèges et relevaient d'un système spontané d'échanges devenu coutumier. Très peu de villages possédaient une de ces formes de rencontre mais toutes les villes, et beaucoup de bourgs, avaient foires et marchés. Elles couvraient le sol breton d'une manière relativement homogène, la Haute-Bretagne, les pays de Loire en possédant davantage que la Basse-Bretagne ce que peut expliquer à la fois la présence de Saint-Malo, Rennes et Nantes. Le fait qu'il s'agit d'une région relais vers les foires de Basse-Bretagne, paraît être une raison supérieure. Le choix des jours de marché répondant à une sorte d'organisation tacite empêchant la concurrence à de courtes distances, apparaît quelquefois lors des demandes de création, cependant, l'examen attentif du calendrier montre l'absence d'un tel souci dans la majorité des cas. de la sorte, les paysans avaient, à distance égale, la possibilité de choisir le marché d'une ville ou d'une autre. Il en était de même pour les foires qui, en principe, auraient dû être éloignées de quatre lieues45. Les bovins en provenance de Basse-Bretagne, allant vers la Normandie, devaient passer par Rennes et par Fougères, points forts de ce commerce, les marchands étrangers à la province reculaient devant la longueur du voyage vers les pays éleveurs et préféraient attendre dans ces deux villes. Au milieu du xviiie siècle, les cinq foires de Rennes ne suffisaient plus, obligeant les marchands de Saint-Méen, Montfort et autres lieux à s'organiser et les Rennais souhaitèrent la création d'un marché à bestiaux à Liffré où les habitants du bourg et des paroisses voisines seraient forcés de se rendre46. de leur côté, les éleveurs de Saint-Aubin-du-Cormier se plaignaient de devoir aller à Vitré et demandèrent l'installation sur leur sol d'un marché que pourraient fréquenter les Normands et les Manceaux. À la veille de la Révolution, la recherche de la rentabilité par le gain de temps apparaît clairement dans la correspondance.
- 47 Mairie Hennebont. AM. RCV, 77 Es 14.
28Au-delà des réglementations très souvent tournées, nous l'avons vu pour la vente des grains, la pratique rendait foires et marchés complémentaires voire semblables. L'importance des marchés d'une ville dépendait des jours de la semaine, opposant petit et grand marché et variait tout au long de l'année. À Hennebont, le marché du jeudi suivant la Quasimodo se transformait en mini-foire attirant plus de marchands que les jours de foire47. Les acheteurs de céréales profitaient de leur présence en ville pour acquérir d'autres produits de la région, ils le faisaient d'autant plus qu'ils avaient effectué de longs déplacements. Les producteurs le savaient. Les marchands de Normandie ou de Haute-Bretagne qui fréquentaient les foires de Carhaix, venaient y chercher, outre les chevaux, les produits locaux et y apportaient des armes, des outils, des vêtements, des poteries, des livres qu'achetaient les habitants de la ville et des environs. Quatre foires se tenaient à Port-Louis, celle du lundi, avant la Toussaint voyait arriver les gens de Groix qui s'y procuraient des oies à engraisser. Quand le jour de foire tombait le jour du marché, l'on supprimait celui-ci afin d'utiliser au mieux toutes les installations de commerce, les halles en particulier.
- 48 Une seule maîtrise a abouti à des résultats satisfaisants. 0. Théon, Les foires et les marchés dan (...)
29Faute de données quantifiables, de séries majestueuses, examinons les implantations connues, les spécialisations avérées. Nous découvrons une hiérarchie allant des simples lieux de ramassage, à des marchés ou des foires d'importance régionale, interrégionale, nationale voire internationale. À cet égard, Guibray, hors de Bretagne, jouait un rôle particulier. La plupart des papiers des marchands de textile bretons en notre possession font état d'achats et de ventes en ce lieu. Ce système d'achat et de vente, même s'il est le signe d'une structure archaïque des relations entre marchands villageois et citadins, même s'il n'y eut pas de grandes créations au xviiie siècle, continuait à fonctionner malgré sa rigidité, à assurer le ramassage, la redistribution des marchandises, le paiement des transactions. Il dépendait d'un réseau de chemins autorisant de lents déplacements. Les foires et des marchés supposaient aussi un bon équipement hôtelier, des auberges où se retrouver. Il aurait été intéressant de connaître le volume et la valeur des marchandises échangées dont le montant des droits divers perçus par les seigneurs pourrait nous donner une idée si nous possédions leurs comptes48. Malheureusement, nous ne disposons que d'estimations incomplètes. Les enquêtes des subdélégués, nous fournissent seulement des renseignements vagues, des jugements de valeur souvent repris : « beaucoup de grains », « le commerce y est pas considérable », ou l'inverse. Néanmoins, les droits de mesurage nous procurent quelques chiffres concernant des villes du diocèse de Rennes. Les droits levés sur les trafics et perçus dans les ports, les déclarations nous permettent d'estimer les mouvements de marchandises, des grains et des toiles surtout. Deux enquêtes concernant le commerce des céréales en l'an XI et XII dans l'évêché de Rennes, nous montrent des différences considérables d'une ville à une autre et d'une année sur l'autre. Une partie des blés transportés à Rennes était envoyée vers Saint-Malo et Redon pour être réexpédiés. Ceux de Hédé étaient vendus à Saint-Malo et Rennes, ceux de Saint-Aubin à Vitré et Fougères.
30De leur côté, les baux d'octrois ne nous fournissent qu'une estimation globale du trafic. Sauf exception, ils ne nous apportent, aucune indication sur les produits qui entrent. Les exemples heureux de Nantes et de Rennes nous font regretter qu'il n'y eût pas davantage de contestations entre les municipalités et les fermiers. de toute façon, ils nous renseignent sur ce qui était vendu dans la ville, plus que sur ce qui se vendait les jours de foire ou de marché. Nous savons que Savary des Brûlons estimait que la part des produits de l'agriculture et de l'élevage constituait 14,94 % des exportations bretonnes en année commune à la fin du siècle, montant à quelque 2 474 000 livres, s'ajoutaient les vins, 0,84 %, 8 000 L.
La production et le commerce des textiles
31Depuis des siècles, la vente des textiles constituait une des branches commerciales les plus importantes de nombre de cités et une source d'enrichissement de leurs marchands. La recherche de produits concurrentiels, adaptés à des clientèles plus diversifiées avaient des conséquences sur leur production. En Bretagne, au début du xviiie siècle, ce marché connaissait de réelles difficultés malgré la variété des produits et l'ancienneté des circuits d'échanges. Elles étaient dues à la fois aux mauvaises adaptations, aux difficultés de changements et aux conséquences des modifications politiques et commerciales internationales.
Les produits lainiers
- 49 T.-J. Markovitch, L’industrie française, 1968, La croissance industrielle, 1976, voit dans l’indus (...)
- 50 Henri Sée, « La draperie au xviiie siècle », doc. Hayem. 9e série. AD. 35, C1 520, 3 167. Prime de (...)
- 51 T.-J. Markovitch, op. cit, « tableau général de synthèse », p. 404-495. Étudiant la conjoncture, i (...)
32Nous trouvons presque partout des ouvriers et des ouvrières filant, cardant, tissant, teignant la laine y compris dans les régions plus spécifiquement consacrées au lin et au chanvre49. Ils couvraient des besoins beaucoup plus familiaux que commerciaux. Liée à un élevage de qualité moyenne voire faible, l'industrie drapière se développa essentiellement en Haute-Bretagne dans une dizaine de villes aux productions diverses : Nantes, Malestroit, Châteaubriant, Fougères, Vitré, Dinan, Lamballe. Josselin, Vannes et Rennes. Ici, comme ailleurs, elle restait dispersée avec peut-être un glissement vers les grands centres. La mauvaise qualité des produits bretons orientait les acheteurs vers les autres régions, ainsi la Marine achetait à Tours ou en Hollande. Ni les flanelles de Vitré, ni les draps de Vannes et de Josselin ne supportaient la comparaison avec les fabrications étrangères. Le marché breton des produits lainiers ne suscitait pas d'effort général d'innovation. Les étamines et les flanelles de Fougères, destinées à l'usage du pays, restèrent de qualité moyenne, voire médiocre. À La Guercheles étoffes de couleur habillaient les gens du cru, les draps grossiers de Vannes, de Josselin de même. Rien que pour ces trois villes la production estimée à 150 000 L s'écoulait dans un marché local, au mieux régional. Les paysans apportaient aux marchés de petites pièces et faute d'une structure urbaine capable d'organiser, d'imposer, aucun progrès durable ne paraissait possible. Malgré une clientèle peu exigeante, la demande au cours du siècle se fit plus rare, la concurrence des productions étrangères plus forte et le nombre des métiers diminua. Quelques marchands conscients des imperfections de la production, demandèrent en 1770, l'autorisation de fournir eux-mêmes les matières à des ouvriers de leur choix. Requête inutile puisqu'ils s'adressaient au Parlement de Bretagne et à l'intendant, tous deux attachés à des formes réglementaires de production : « Quoiqu'on ne puisse trop donner de liberté au commerce et à la fabrication, cette liberté doit cependant être subordonnée aux règles établies ». En clair, le commerce devait rester entre les mains des négociants, et la fabrication entre celles des producteurs organisés en communautés, dont celles de Rennes et de Vitré puissantes et protégées. Ici, des travailleurs tentèrent et réussirent à tourner la réglementation en 1736. Une trentaine d'ouvriers agissant en maîtres marquèrent leurs productions sans appartenir à la communauté. Ils se heurtèrent à l'hostilité de la municipalité et du métier, la solution traîna jusqu'à un compromis accepté par tous en 1744. Sans en avoir subi les épreuves, ils reçurent leur lettre de maîtrise et intégrèrent le métier. Les manufactures étaient peu de chose. Celle de l'Hôpital général à Rennes fabriquait des bayettes pour l'exportation, fabrication pitoyable avec deux seuls métiers produisant 40 pièces par an, servis par des travailleurs de qualité médiocre, trop souvent des infirmes ou des enfants. Nous retrouvons ici, à une petite échelle tous les défauts des ateliers hospitaliers. En 1779, malgré quelques progrès, il n'y avait que six métiers à l'Hôpital général et seize au dépôt de mendicité. La seule tentative intéressante fut celle de Mac Auliffe en 1758. Cet irlandais d'abord passé par Nantes, associé à deux Rennais, aidé par les États qui lui accordèrent 10 000 L, produisait des pièces imitant les étoffes anglaises, des étamines, des molletons. Il instruisit ses quatre enfants, des ouvriers, des fileuses, mais son entreprise connut des déboires et resta d'autant plus modeste qu'elle se heurta à l'hostilité des communautés des sergers et des drapiers qui voulaient limiter sa production aux toiles étrangères. En 1779, les 13 métiers occupaient 52 ouvriers et ouvrières qui produisaient en moyenne 700 pièces par an valant 70 000 L50. Que dire alors de la manufacture de couverture de Quimperlé jamais bien florissante ou, quarante ans plus tard, de celle que tenta d'instaurer le maire de Lamballe, M. de Mainville. Tout ceci semble en contradiction avec ce qu'écrivait T.J. Markovitch: « l'industrie lainière de la Bretagne était prospère au début du règne de Louis XV ». de fait la valeur de la production passa de 1 200 000 L au début du siècle à 1 500 000 L à la fin, sans compter les couvertures, 27 500 L, mais pendant la même période, le nombre des pièces diminuait de 28 130 à 19 400, soit une baisse de 31.03 %, tandis que calculée en aune superficielle, la production croissait de 14.8 %. Le trend séculaire breton tourné vers la croissance, en aunage et en valeur s'expliquerait par un progrès des investissements, de la qualité liée à l'utilisation de laines de meilleure qualité51. Ces résultats méritent réflexion. La matière première bretonne ne permettait pas, au dire des producteurs et des marchands, d'être filée assez fine pour qu'on puisse la travailler à la manière des draps d'Elbeuf ou de Lodève mais son faible prix la destinait à une clientèle populaire importante. À Vitré, les habitants « étant indifféremment de tout métier sans distinction », cherchaient n'importe quel travail. La clientèle locale constituait le débouché essentiel. Les sergers travaillaient le fil et une grosse laine du pays pour faire des étamines débitées 12 à 20 s l'aune, les tisserands vendaient une grosse toile. Les fabricants ne se préoccupaient guère du marché international, ni même breton tant qu'ils trouvaient sur place l'écoulement de leurs produits. À l'inverse, une partie de la production de Fougères, d'Antrain et de Combourg se tournait vers un marché aisé en travaillant des laines de meilleure qualité et la région nantaise profita des débouchés nouveaux que lui fournissaient les Îles et la traite. En 1775, 80 604 draps partirent vers la Guinée, 285 378 en 1788, il s'agissait pour l'essentiel de couvertures. Savary des Brûlons estimait à 400 000 L les laines envoyées vers les Îles, soit 2,24 % du commerce total breton et 2,98 % de celui des textiles. La production lainière bretonne continuait à vivre en grande partie de ses marchés traditionnels, mais l'avènement de débouchés nouveaux, dans ce secteur comme dans les autres, la fit s'adapter aux nouveaux besoins.
- 52 A. Croix. op. cit, p. 834. AD, 35, C 1524. A.C. 30 mars 1700. Règlement pour maître et faiseur de (...)
33À un tout autre niveau, des milliers de personnes d'un bout à l'autre de la Bretagne vivaient de la bonneterie. La fourniture de bas constituait un département important de cette industrie malgré quelques difficultés liées à la concurrence de corps de métiers et aux règlements de fabrication. Les 11 métiers de Dinan produisant 30 à 40 douzaines de bas dit d'Étampes à deux fils, se virent interdire cette fabrication. Ailleurs, les bonnetiers qui voulaient avoir le monopole de la vente se heurtaient à la concurrence des marchands de drap et soie et Jean Picard de Nantes eut quelques difficultés avec eux en 1766. La perception des droits, le contrôle des métiers par les marchands entraînaient des conflits fréquents à Nantes où les consuls s'opposaient aux bonnetiers qui avaient établi un bureau de visite. La production de bas qu'ils fussent de laine ou d'autre matière, faisait vivre chichement ceux qui les tricotaient. À Vitré, célèbre par le travail de ses femmes, les registres de la capitation ne nous permettent pas de découvrir leur nombre. Nous savons qu'elles achetaient le fil à Rennes 12 à 24 s la livre et fabriquaient des gants qu'elles vendaient de 10 à 60 s la paire, des chaussettes à 40 s. Une ouvrière habile ne gagnait que 5 s par jour, les autres 3 s. Ce ne pouvait donc être pour elles qu'une activité d'appoint. Ceux qui les faisaient travailler touchaient 2 % de commission, les grossistes 10 % et les négociants 15 %52. Les Espagnols leur achetaient une partie de la production. Enfin la production de bas à Saint-Malo tournée vers un marché local apportait du travail aux pauvres et aux femmes de marins.
Lins et chanvres
Les chanvres et la marine
- 53 AD. 22, C 24, Lettre de l’inspecteur des manufactures à l’intendant (1776). Memain, Le matériel de (...)
- 54 AN. Marine. D 3124.
- 55 AD. 35, C, 1555, 1556. En 177, le quartier de Lannion fournit 187 763 Ip. à Brest. Le goudronnage (...)
34Les chanvres constituaient une matière première indispensable pour la marine. Leur qualité inégale avait conduit Colbert de Terron à proscrire les chanvres de Vannes, de Picardie, de la Garonne. Sa préférence plus financière que technique, allait aux chanvres d'Auvergne moins chers que ceux de Lannion. Par la suite, la Marine fit étudier les chanvres des différentes régions. Les meilleurs venaient de Bourgogne, du Berry. du Nivernais, du long de la Loire et de Tréguier: « La bonté des chanvres bretons les faisait pourtant estimer les plus forts et les meilleurs d'Europe », en particulier ceux des régions de Lannion, Guingamp, Tréguier, Paimpol, Les moins bons venaient d'Auvergne, de Picardie, de Vannes et de Saint-Malo53. La production de la province pouvait atteindre en année commune près de 3 000 000 Ip54. Avec les chanvres de Locronan, moins bien rouis que ceux des environs de Rennes, on fabriquait des voiles (les olonnes), ceux des environs de Tréguier allaient surtout vers les corderies. En 1733, la majeure partie du marché de Dinan, 2 000 Ip s'écoula à Brest. Bécherel avait aussi un commerce « considérable » et le garda au moins jusqu'en 1775. Mais, les besoins augmentant, les importations s'accroissaient. Du 1er janvier 1773 à juin 1779, les corderies de Lorient absorbèrent 6 192 456 Ip. Les chanvres étrangers couvraient ici seulement 9,78 % de ses besoins, tandis qu'à Saint-Malo, ils représentaient 97,37 % des importations. La guerre avec l'Angleterre explique la chute des arrivages à partir de 1777. Pendant cette période, Saint-Malo recevait des chanvres surtout de Lannion, de Tréguier et de Nantes, les deux premiers de ces ports au débouché de régions productrices, le dernier redistribuait des chanvres achetés ailleurs55. Nantes constituait un grand centre d'achat, aussi dès 1719, l'intendant interdit qu'il s'en transportât des évêchés de Saint-Brieuc et de Tréguier. Il y eut finalement un partage dans le commerce des chanvres. D'un côté les chanvres des évêchés de Tréguier et de Saint-Brieuc dont la qualité les destinait à la Marine, et de l'autre ceux des autres évêchés. Les villes de Brest, Morlaix, Cancale, Concarneau, Quimper, Lorient, Auray, Vannes, Nantes et Saint-Malo avaient besoin de chanvre, acheté soit par des fournisseurs qui le revendaient soit directement par les agents de la marine. La production dépendait des paysans producteurs soumis à la concurrence de chanvres étrangers et tenus à fournir en priorité la marine royale. Ils abandonnaient cette culture qu'ils jugeaient peu rentable malgré les efforts des États et des Intendants qui multipliaient les règlements. Le chanvre, matière première stratégique, indispensable à la marine ne pouvait être exporté tant que les besoins de l'État n'étaient pas satisfaits.
- 56 AB. Marine, 1 E 505, f°362. Elle fut remise en état de service fin 1751. 15 août et 21 juillet 175 (...)
35Des corderies, vastes et longs bâtiments que l'on trouvait dans les arsenaux de Brest et de Lorient, mais aussi dans des chantiers privés, travaillaient le chanvre. À la fin du xviiie siècle, la garniture en cordages, étais, balancines et manœuvres courantes d'un navire de 1 000 tx était de 2 100 q, soit 100 000 Ip par bâtiment, 10 000 Ip de rechange et le double en magasin dans son port d'attache. Brest posséda très tôt sa propre corderie dont la production ne cessa de baisser après la mort de Louis XIV. Le bâtiment non utilisé servit à enfermer les bagnards dans un premier temps. La reprise de la construction navale, fit repartir la production. En 1755, en juillet, les dix roues produisaient 120 000 mètres de fils par mois, trois semaines plus tard quinze roues en service dans la corderie haute et cinq dans la vieille corderie basse, portaient la production à 350 000 m de fils. Profitant de la demande, de Lalande Magon proposa 300 000 m supplémentaires à 31 L le millier56. Les corderies travaillaient à partir de fil caret en provenance de toutes les régions de chanvre mais Brest en fabriquait aussi. Le 13 novembre 1758, vingt roues pouvaient fournir dès la fin du mois, 500 000 Ip et avec des roues supplémentaires l'on espérait produire 1 M lp. Les travailleurs de Brest n'y suffirent d'ailleurs pas et l'on fit venir 24 cordiers de Saint-Malo. Quelques années plus tard, pour la construction du Le Bretagne, on proposa de faire passer des chanvres de Saint-Servan à la corderie de Lorient. En 1770, Joseph Torrec Bassemaison fils, négociant à Quimper, prit à bail pour six ans la fourniture de cordages à Lorient. Son marché concernait les besoins des navires de commerce mais il était entendu qu'il fournirait des cordages tels ceux « fabriqués à la corderie de Brest » si le Roi en avait besoin ; il demandait simplement d'être prévenu quatre mois à l'avance. À la veille de la guerre américaine, 370 fileuses travaillaient sur 29 roues à 12 ou 14 mollettes. Elles produisaient 12 950 Ip par jour, soit 4 622 000 Ip par an. Un vaisseau avait alors besoin de 200 000 Ip (en augmentation donc sur le début du siècle), plus 100 000 de réserve soit pour 50 vaisseaux 12 500 000 lp et il fallait les regréer à neuf tous les deux ans.
36Les cordages des manœuvres dormantes ne pouvaient se conserver sans goudrons et les filasses propres au calfatage de même. La Bretagne n'en produisait pas. Les Pays Scandinaves, gros fournisseurs, expédiaient un goudron « végétal ». Les brosses à goudron venaient de Hollande. Quant aux coques, on les protégeait par un mélange de soufre du royaume, de minium, de goudron végétal, d'huile de poisson qui composait la peinture blanche que l'on passait sur les coques au xviiie siècle.
Les toiles de chanvre
- 57 Les « olonnes » vendues à Quimper et fabriquées au xvie siècle équipaient une partie de la marine (...)
37Le chanvre tissé servait à fabriquer des toiles à voile. Les manufacturiers dominaient leur fabrication par les tisserands ruraux de Basse-Bretagne, des alentours de Rennes, particulièrement à Noyal-sur-Vilaine, et de Locronan. Les producteurs de poupées devaient les vendre directement dans les marchés. Les marchands de Châteaugiron fournissaient en fils blanchis les fabricants et les marchands rennais. Le circuit au xviiie siècle s'organisa d'une autre manière, les marchands fabricants de Châteaugiron qui se procuraient les fils blanchis dans quelques 45 paroisses avoisinantes préférèrent vendre sur place pour éviter les frais de transport et pour posséder des liquidités. Le résultat fut l'augmentation du nombre des métiers qui en quelques années passa de 8 à 80 (1751). Une fois la toile tissée, le fabricant l'apportait en rouleaux, c'est-à-dire non pliée, à Rennes. Les fabricants préféraient vendre à Châteaugiron, mais le règlement du 1er février 1724 n'y autorisa que la fabrication de toiles de moindre qualité. Il fut complété par celui du 4 décembre 1745 concernant les « toiles à voiles qui se fabriquent dans l'évêché de Rennes ». Le bureau de visite se trouvait dans cette ville où les ventes avaient lieu les mercredis et les samedis. La situation décrite pour la fabrique de Locronan vaut pour les autres57: « le commerce des toiles [de Locronan] se trouve pour ainsi dire dans une seule main et par conséquent le profit. Les ouvriers de cette fabrique, principalement ceux de la ville formant entre eux un troupeau d'esclaves qui ne travaillent que pour enrichir un fournisseur [...] sur les 150 qui y sont actuellement, il y a 130 fabricants qu'on peut dire être presque tous des misérables qui ne travaillent que pour le pain quand il n'y a pas de demande pour ces toiles, ou que l'acheteur qui est presque toujours unique, ne veut pas y mettre le prix ». En dehors de Rennes qui resta le centre des toiles à voiles, les lieux de vente et de production étaient nombreux, avec des bureaux de visite à Locronan. Morlaix et Malestroit. Les expéditions se faisaient de Locronan, Quimper, Châteaulin, Pont-Croix. Pouldavid, « et autres » Les qualifications des toiles traduisaient cette diversité : noyales, locronan, poullan (à deux fils). Non citées: La Guerche centre commercial des fabrications de quatorze paroisses, Vitré spécialisée dans les petites toiles à voiles, Dinan, Guingamp, le pays Nantais. Le règlement du 13 mars 1742, définissait les produits de Locronan qui devaient aller vers les ports de Haute-Bretagne pour y être transportés en Normandie, à La Rochelle, à Bordeaux, en Espagne et au Portugal. Un des débouchés parmi les plus importants de l'industrie toilière consistait à fournir la Marine qui utilisait pour les voilures des toiles diverses pour les voiles et pour les pavillons. Vaisseaux et frégates devaient être pourvus de voiles en « fils, fabriquées d'un chanvre de première qualité ». Les basses voiles et les huniers se faisaient en noyales, les perroquets en mélis, et les toiles légères en toiles écrues. La surface des toiles augmenta au cours du xviiie siècle passant de 2 500 m2 à 3 000 m2 à la veille de la Révolution.
- 58 Sous Gallois de la Tour la production n’atteignait plus que 150 000 à 200 000 livres AN. D 2124 6 (...)
- 59 AD. 35, C 4711-4716. Ils fournirent 19 646 pièces en 1788. On donnait souvent à Dinan, le nom de « (...)
38Les marchés navals privés absorbaient de leur côté une part non négligeable de la production. Tous ces acheteurs, en particulier ceux de la Royale étaient attentifs à la qualité. Les « laises » verticales, chacune de 60 cm de large étaient cousues ensemble, dans les arsenaux, des ateliers spécialisés s'en chargeaient. Béchameil de Nointel déjà, Gallois de la Tour et les États en 1775, s'inquiétaient de la qualité inégale des produits proposés dans des lieux de vente dispersés. Les produits trop nombreux de qualité trop variable, expliquent les tentatives de mise en ordre le 1743 et de 1745 qui n'aboutirent pas à grand-chose comme les États de 1775 le constatèrent. Le système ne portait pas en lui de grands moyens de changements. Les chanvres filés, tissés par les femmes, les domestiques, vendus aux marchands qui les achetaient au marché, revendus aux négociants qui tel Magon à Saint-Malo en faisaient le commerce, échappaient en partie à la réglementation. Les conditions de production empêchaient l'innovation et ni les exigences de la Marine ni d'ailleurs celles des marchés étrangers ne changèrent profondément les conditions de production bretonne, ce que la Marine déplorait en 1759. Jean-François le Boucher, négociant à Rennes fournit les toiles à voiles du Bretagne, il les tirait de sa manufacture mais il s'en procurait aussi auprès des fabricants des évêchés de Rennes et de Quimper. Spécialisé dans la fabrication des voiles « moyennes », il prétendait en être le seul producteur dans la province. Il achetait les toiles « inférieures » aux tisserands des campagnes des environs de Rennes et de Locronan. Le Boucher connaissait d'autant mieux les fabrications de Locronan qu'il avait été pendant de nombreuses années à la tête de la Manufacture royale de Brest. Une première manufacture y avait été établie, à l'intérieur du port de guerre en 1687. La seconde fut installée en 1746 à Arc'hantel (Recouvrance), Boucher en prit la direction, le 30 décembre 1750. Il commerça à produire avec 30 métiers en 1751 et acheta à Toulon, 16 000 lames d'aciers pour les équiper. La production aurait été de 70 000 à 80 000 aunes par an. Quatre ans plus tard, en 1755, il portait le nombre les métiers à 80. Il aurait produit de 1757 à 1759, 209 129 aunes, chiffre sans doute exagéré par le fabricant qui dut abandonner la manufacture en 1760. Ses détracteurs prétendaient que depuis 1751, il avait, au mieux, fait travailler sept à huit métiers et que la production de 35 métiers (et non de 80) aurait été de 120 000 aunes seulement les deux dernières années58. Boucher installé à Rennes, livra de 1770 à 1782, 519 252 aunes de toiles à voile à la marine et fit travailler 500 personnes jusqu'en 1792. Mais sa base productive restait les 3 000 tisserands qui dans un rayon de 20 km alimentaient ses ateliers de finition59. Travaillant pour un marché précis, il pouvait tenter d'imposer quelques normes simples mais ce type de concentration demeurait encore minoritaire et ne pouvait qu'enrayer en partie la crise de cette production.
- 60 AB fonds Langeron,. 2S10, (1785). AB. Marine, 1 E 506, 5 mars 1775. Chiffres qui posent problème p (...)
39Les chanvres servaient à tisser d'autres toiles. À Dinan, l'on filait, tissait aussi des « emballages », des « halles », toiles grossières utilisées dans les ports. 600 personnes travaillaient dans le textile en 1733, en 1749. Le tiers ou le quart des habitants fabriquaient des emballages pour une valeur tournant autour de 400 000 L. On produisait aussi ces toiles indispensables pour envelopper les balles à Rennes, à Fougères, à Combourg et à Vitré surtout. En 1763, une nouvelle manufacture démarra avec 130 métiers mais la plupart restaient inoccupés puisqu'il n'y avait que 50 tisserands réunis avec peine. Cette manufacture produisit en 1768, 26 347 aunes, et 22 145 en moyenne entre 1771 et 1773. Plus tard, Langeron estima que l'on pouvait y mettre 152 métiers qui produiraient 608 aunes par jour soit 201 800 aunes par an, ce qui représentait les besoins de quatorze vaisseaux. Pour 50 vaisseaux les besoins totaux de la Marine montaient à 750 000 aunes60 La production des toiles bretonnes ne suffisait pas et les constructeurs en faisaient venir d'autres régions françaises (par exemple 4 000 aunes de Laval en1755) ou de l'étranger, en 1759, de Hollande. Les activités maritimes de la Bretagne aussi bien civiles que militaire constituaient ainsi un marché certes fluctuant mais dont profitaient les marchands et quelques entrepreneurs.
Le lin, crées et bretagnes
40La culture du lin dépendait de l'importation de graines pour suppléer les graines locales qui s'épuisaient rapidement, entraînant en 1740, 1741 et en partie en 1742, une pénurie en lin. Dès lors, il fallut en acheter avec l'aide des États, à la Zélande, à Riga, Memel, Königsberg, Lübeck. Elles arrivaient à Roscoff (8 000 à 10 000 par an), à Pontrieux, à Tréguier et à Saint-Brieuc. La production des évêchés de Tréguier et de Saint-Brieuc couvrait à peu près les besoins. En 1781, le subdélégué constatant la chute de la production, en rendait le blé responsable. L'industrie linière reposa pendant des siècles sur une activité familiale et rurale et s'implanta peu dans les villes. Cette production manquait de régularité. Les règlements de 1676 et de 1700, mal appliqués, il régnait à Morlaix un « malentendu sur les laises » et l'inspecteur Callaud demanda un nouveau règlement. Il y en eut deux, l'un pour l'ensemble des productions de Basse-Bretagne, l'autre pour la Haute-Bretagne ». Deux grandes productions alimentaient le marché celle des bretagnes et celle des crées.
- 61 J. Tanguy, La production et le commerce des toiles… 1966. Ce travail reste la référence essentiell (...)
- 62 AD. 35. C 1539, ou R. de Hussels, Dictionnaire universel, 1771.
- 63 AD. 35, C 3923 Il y aurait 50 acheteurs principaux à Morlaix, 60 à Uzel et 30 à Quintin, A Young. (...)
- 64 BN. fr, 8037. AD. 35, C 1450 Il y avait dans la ville trois marchands de draps et soie, huit de dr (...)
41Les bretagnes : les très bons fils de Tréguier servaient à la fabrication des toiles de lin dans les régions proches de Moncontour et dans la vaste zone de la Bretagne méridionale. Ces premières régions linières bretonnes s'élargirent dans la seconde moitié du siècle pour répondre aux besoins jusqu'à concerner une zone d'une soixantaine de kilomètres de Saint-Brieuc à Pontivy, de 30 à 40 km de Corlay à Moncontour, s'étalant jusqu'à Josselin et étendant l'influence des marchands de Quintin, Uzel, Loudéac et Moncontour. Ces toiles fines de luxe ou de demi-luxe, se développèrent à partir du milieu du xviie siècle, pour être au premier rang au xviiie siècle. Tissées par des paysans ou des citadins, présentées en plusieurs longueurs, ces toiles arrivaient aux marchés de Quintin les mercredi et vendredi, d'Uzel, le mercredi, de Moncontour, le jeudi et de Loudéac le samedi. Elles y étaient marquées et achetées ensuite par des marchands qui les préparaient pour les vendre à l'étranger. Ils les coupaient à cinq aunes, les blanchissaient pour obtenir le blanc éclatant exigé des Espagnols, les lavaient, les battaient, les amidonnaient et les pliaient en balles. Quelque 3 250 métiers répartis entre 60 paroisses et trèves, les tissaient. Cette industrie prospérait au milieu du siècle bénéficiant des investissements des marchands qui y plaçaient les capitaux gagnés pendant les guerres dans les assurances. Elles approchaient la perfection, mais fournissaient des marchandises chères et le nombre des métiers diminua dans le siècle. Jean Tanguy a écrit l'histoire de ces toiles61 fines pour coiffes et manchettes ou plus grossières pour les chemises. Les mouchoirs faits de toiles à tamis en lin bleuâtre s'appelaient « quintes » ou « quintin62 ». Loudéac, concentrait la production de 1 050 métiers répartis en une soixantaine de paroisses, Uzel de même et Quintin autant que les deux autres réunies. Ces trois petites agglomérations exportaient l'essentiel de leur production par Saint-Malo et par Morlaix63. Pontivy, vendait ses toiles en Espagne, elles portaient son nom jusqu'au xviiie siècle, mais les toiles blanchies par ses marchands provenaient désormais de Loudéac. Caillaud l'expliquait en disant que la production de Pontivy même ne méritait pas d'attention car la meilleure part allait aux bourgeois et peu au commerce. La ville ne possédait que 12 tisserands et 22 métiers64.
- 65 AD. 35, C 3929. 6 000 balles de toiles blanchies à Quintin, Uzel et Loudéac au milieu du xviiie si (...)
Nombre de pièces produites par an65

42La production progressa jusqu'aux années quatre-vingt où elle atteignit son apogée. La perte du marché anglais toucha durement les bretagnes, les toiles de lin en général. Certes, les Anglais continuèrent à faire venir des toiles de lin (49 % des textiles en 1700, 65 % en 1753, 58 % en 1773), mais, ils les achetaient ailleurs et la France se retrouva à la portion congrue. Les marchands se tournèrent alors vers les Espagnols. L'ouverture, puis la fermeture du marché de la Mer du Sud provoquèrent, selon J. Tanguy, une flambée puis une chute des bretagnes. En 1740-1741, la crise continuait. La reprise eut son apogée en 1775. Le nombre de balles passa de 5300 en 1748 à 9200 en 1775. En valeur on atteignit alors 10 300 000 L. soit plus de la moitié de la valeur totale des toiles bretonnes (19,5 M L) et le double des crées (5 M L). La production tomba à nouveau quand éclata la guerre d'indépendance américaine. Les toiles bretagnes, plus fines que les crées convenaient davantage à la vieille clientèle espagnole américaine et la conquête réussie des marchés latino-américains pallia en partie les difficultés. Les crées, trop grossières pour les riches colons, se vendaient mal et les milieux populaires ne disposaient d'argent qu'après la vente de leurs récoltes, leur production constituait néanmoins un autre secteur important de l'industrie toilière bretonne.
- 66 Bas-Maine, 5ML, Haut Maine, 4ML (H See, « Le commerce des toiles au Bas-Maine. » Documents Hayem, (...)
43On fabriquait en Bretagne plusieurs sortes de crées dont les « gingas », toiles à carreaux, les « morlaix », toiles de ménages pour les draps de lit, les serviettes et les chemises. La plupart de ces toiles, de toutes qualités, n'avaient pas de longueur déterminée, sauf les rosconnes et les gratiennes qui se vendaient à l'aune. La recherche d'une certaine uniformité fut relativement précoce dès 1630 à Guingamp. Le 7 février 1736, le règlement pour les toiles appelées crées et enveloppes fixa cinq catégories, deux bureaux de visites devaient vérifier la conformité des toiles un à Morlaix l'autre à Landerneau où se rendraient les deux inspecteurs marchands. Les marchands y présenteraient leurs toiles à jour et heure fixes, le matin et l'après-midi, la vente avait lieu aux halles, en présence de l'inspecteur, ouverture et fermeture annoncées à son de cloche. Il ne pouvait y avoir de vente ni d'achat ailleurs que dans ces villes et dans les halles et les courtiers, les revendeurs, les regrattiers ne pouvaient acheter à ceux dont l'activité n'était pas le commerce : piqueurs, emballeurs, tisserands, ouvriers « ou à leurs femmes ». Même l'achat de toiles pour leur compte personnel se trouvait limité afin qu'ils ne « puissent revendre par pièces entières ». Tout ceci mettait en évidence les pratiques que l'on voulait combattre. Les crées alimentaient le marché espagnol, trouvaient un débouché aux Indes pour les larges et les Anglais allaient chercher en Espagne les communes, les gratiennes et les roscones. Une grande partie des toiles marquées à Morlaix avaient leur débouché dans le royaume. Caillaud prétendait que Landerneau était la seule ville où l'on tissait des crées et que chaque fabricant s'attachant à une seule sorte de finesse appelée « touche », ourdissait lui même les chaînes : « pour les remettre au fur et à mesure à ses ouvriers avec des bobines de trame bien pesées ». Ensuite l'on pliait à l'aune de Morlaix, ville où on les vendait et qui les redistribuait dans et hors le pays. L'inspecteur mettait en évidence la complémentarité des deux villes, l'une industrielle, l'autre commerçante. La production des crées, pour les périodes que nous connaissons, varia entre 25 et 30 % de la valeur totale des toiles bretonnes. Le marché n'en était donc pas négligeable quelque difficulté d'adaptation qu'il connut au début du xviiie siècle. Il paraît moins touché par la guerre d'indépendance américaine que celui des bretagnes qui accusèrent une chute de 21 % par rapport aux années soixante et de 52,63 % par rapport à 1775. Les crées perdirent seulement 16 % en valeur et 19,25 % en pièces produites. Au bout du compte, la production des toiles de lin bretonnes dépassait largement vers les années soixante celle du Maine. Elle oscillait entre 11 ML et 15 ML et même au-delà en 1775, 1776 et 177766.
Des marchés perturbés
44Le marché toilier breton rencontra plusieurs difficultés liées à la production des toiles, à l'évolution de la clientèle, aux relations internationales.
- 67 AD. 35, C 1541, 1543,1548. BN. Fonds fr. 8153, f°209. de la Tour constate une baisse des deux tier (...)
45Dinan connut une crise grave de ses productions textiles. En 1731, 800 métiers travaillaient dans et hors la cité, il n'y en avait plus que 90 en 1780, et 20 en 183067. Cette crise touchait les tissus dont nous venons de parler, mais aussi ces rudes chemises en toile de Pleudihen qui devaient avant d'être vendues être « essiliées » (c'est-à-dire portées) sur le dos d'un essilleur, personne préposée à ce « rodage ». On y fabriquait aussi des étoffes de laine sur trame de fil : berlingue, tirelaine, droguets teints en brun, noir, ou blancs.
- 68 2200 L la balle à prix constant. Les Hollandais achetaient aussi mais peu: 892 balles en 1752 anné (...)
- 69 Jean Delumeau, Le mouvement du port…1966. A. Girard, Le commerce français, 1932, situe au xve sièc (...)
- 70 A. Girard, op. cit., p. 357. Dès 1700, les toiles allemandes revenaient moins cher que les françai (...)
46Après l'Angleterre au xviie siècle, l'Espagne devint le pays de prédilection des toiles, en particulier des bretagnes dont elle absorba environ 300 000 balles en un demi-siècle, faisant entrer dans la province près de 360 M L68. À cet égard, Jean Delumeau souligne l'importance des relations entre Saint-Malo et Cadix à la fin du xviie siècle69. Nous sommes alors dans une phase d'expansion, de récupération des hauts niveaux atteints au xvie siècle, qui se termine dans les années 1680. Puis, les guerres qui marquèrent la fin du règne, la volonté espagnole d'assurer un commerce direct avec l'Amérique, la pression commerciale et militaire anglo-hollandaise firent que le commerce aux circuits anciens ne se réinstalla qu'entre 1713-1720. Les Malouins désormais n'envoyaient plus que 16 bateaux en moyenne par an en période de paix (dont onze pour Cadix, trois pour Bilbao et deux à San Sébastien). S'appuyant sur de longues habitudes, sur la présence de correspondants, de commissionnaires, ils y vendaient toujours des bretagnes et des crées, des canevas de Vitré, Fougères, Dinan, des olonnes de Locronan, des toiles de Laval. Éventail de produits correspondant à un marché quelquefois imprévisible au grand dam des négociants. Magon, entre autres, déplorait en 1766, l'attitude des maisons de Cadix: « Il est difficile de vous dire les qualités qu'il conviendrait de préférer, les maisons de Cadix variant beaucoup dans leur avis, les unes demandant du fin, les autres de l'entre fin. » En 1748, les Espagnols se plaignaient de la cherté des produits bretons et commencèrent à accueillir favorablement les toiles anglaises, contrefaçons des bretagnes et des noyales. de leur côté les fabricants de Hambourg vendaient des imitations à 18 et 20 % meilleur marché. Bientôt, les Silésiens devinrent les concurrents les plus dangereux, imitant les modes d'apprêt des bretagnes et même les emballages. On trouvait leurs toiles sur le marché ibérique sous la dénomination de « bretagnes contrefaites ». Sans doute ces produits étaient-ils de moins bonne qualité, mais leur aunage plus régulier et leur prix le faisaient oublier. Nous retrouvons cette pratique en Bretagne où un marchand se vantait auprès des États d'imiter la pliure des silésiennes, mais elle préoccupait les Bretons quand elle s'exerçait à leurs dépens. En 1756, la présence des contrefaites se fit sentir d'une manière inquiétante et, malgré les progrès réalisés, Magon constatait encore en 1767 une mévente due à ce que les acheteurs avaient trouvé ailleurs à meilleur compte70.
- 71 AD. 35, C 1547.
- 72 AD. 35, C 1548.
- 73 Huguette et Pierre Chaunu, Séville et l’atlantique, 1962 nous donnent le mécanisme de ce voyage. E (...)
- 74 AD. 35 C 3160.
47L'attitude du gouvernement espagnol ajoutait à ces difficultés en pratiquant une politique douanière contraire aux intérêts bretons. Le tarif décidé en 1604 ne faisait peser qu'un droit d'entrée de 2,5 %, Charles II le doubla (convenio d'Eminente) et jusqu'au 1er novembre 1779, les Bretons payèrent 1 s 9 d par aune d'étroite et 2 s 3 d par aune de large. Le tarif du 1er novembre multiplia ces sommes par quatre entraînant plaintes, protestations et interventions du gouvernement. Le tarif de 1783 améliora légèrement la situation en ramenant le tarif, selon la largeur et la qualité, à 6 s 3 d et à 12 s 9 d. Il en fut de même pour les crées. Cette politique espagnole qui s'expliquait par des difficultés économiques et budgétaires, n'arrangeait pas les Bretons. Leurs exportations tombèrent d'un tiers, les stocks s'accrurent et la production chuta en partie. La conjoncture aggrava la situation. En 1754, les Bretons vendirent en moins 8 473 pièces (1259 balles). La responsabilité en incombait à la politique commerciale de la maison Girarden à Cadix qui avait fait artificiellement augmenter les prix « pour se rendre maître du commerce », au moment où la banqueroute de 1753 qui touchait Séville et Cadix, entraînait une pénurie d'argent! Une autre crise due cette fois aux pluies continuelles de 1768 qui gênèrent les récoltes et les charrois, créa une baisse de la production et une hausse des prix71, au moment où le marché espagnol souffrait à nouveau d'une disette d'argent. La mévente toucha tous les produits toiliers et les riches négociants bretons différèrent leurs envois. Deux petites secousses l'avaient précédée, en 1765, de mauvais choix commerciaux avaient entraîné des pertes et en 1766, la faillite d'un négociant de Quintin avait occasionné la mévente des emballages ce qui ne s'était jamais produit et la ruine de trois commerçants de Cadix72. En 1777, le retard de la flotte du Mexique provoqua une chute considérable des importations, 14 612 pièces en moins73. Sur 107 452 pièces fabriquées cette année-là, seulement 5 434 purent être vendues (en année moyenne le marché espagnol en absorbait alors 20 046). Cela ne concernait que les bretagnes, pas les crées qui servaient à « l'habillement du peuple du Royaume qui en [consommait] plus ou moins suivant l'état d'aisance », différence fondamentale dans la pénétration du marché espagnol de ces deux produits. Les toiles à voile de Rennes, en hausse depuis cinq ans n'étaient pas encore concernées (800 pièces en plus), mais l'on notait déjà une baisse de la vente de moitié depuis trois mois et l'année 1778 vit une diminution de 47 719 pièces et de 1/5 des toiles à voile de Rennes. En 1779, marchands et négociants bretons qui avaient « tous leurs fonds en toile » se montraient fort inquiets de l'évolution du marché. Le prix des crées chuta de 95 L en 1768 à 90 L en 1769 pour atteindre 80 L. On estime la seule perte sur les toiles à 2 ML en 175174. Elles occupaient alors 5746 métiers répartis en 188 paroisses sans compter ceux des environs de Nantes, Clisson, Vitré, Fougères.
- 75 Pierre Goubert, Cent mille…, p. 151, souligne que dans toutes les régions de toiles de lin « la to (...)
48Les productions toilières bretonnes, en particulier les linières, connaissaient des difficultés qu'elles ne pouvaient surmonter qu'en s'adaptant aux marchés nouveaux. Or les conditions de production ôtaient toute souplesse malgré les pressions des marchands sur les producteurs paysans. Le système trouvait ici une de ses limites. À partir moment où les producteurs ne fournissaient plus de toiles concurrentielles, où les marchés traditionnels s'écroulaient, les tisserands ruraux, les paysans cultivant lin et chanvre avaient moins de possibilité d'accroître leurs revenus mais tant que produire des toiles ne constituait pas l'essentiel de leur activité, ils n'éprouvaient pas l'obligation de changer. Il est quand même à remarquer la situation plus pauvre, dans un pays de landes, des producteurs des bretagnes, moins bien placés que ceux des crées, et qui devaient davantage s'attacher à cette production, pourtant ils s'adaptaient mal. Certes, aidés par la conjoncture, marchands et des négociants dans le troisième tiers du siècle, obtinrent des résultats intéressants mais fragiles dans la mesure où fondamentalement l'organisation de l'industrie toilière bretonne resta pour l'essentiel archaïque. Les marchands continuaient (ils le firent jusqu'en 1840 où commença la mécanisation) d'aller chercher les toiles filées et tissées dans les fermes, sur les marchés et de les revendre aux négociants qui en faisaient le grand commerce75. Les marchands agirent dans plusieurs directions : unifier, diversifier, accroître la productivité, obtenir une réglementation douanière favorable
- 76 AD. 35 C 1533. Mémoire sur la nécessité de réduire à cinq aunes qui dit 250 pieds de longueur tout (...)
- 77 AD. 35, 1 F 1897.
49Unifier voulait dire fournir à la clientèle des marchandises qui correspondaient aux échantillons, dont la longueur des pièces, la largeur ne varieraient point d'une année sur l'autre, voire d'une balle à une autre. Colbert conscient du problème avait convoqué à Paris des négociants malouins et de ces entretiens sortirent les quelques articles concernant la Bretagne dans le règlement du 14 août 1676. Un bureau de contrôle vérifiait à Saint-Malo la conformité des toiles destinées au commerce espagnol. Mais ni ce bureau, confié à des commerçants, ni celui créé à Quintin en 1682, n'eurent une réelle influence sur la qualité des produits. Les « inspecteurs marchands » installés par Béchameil de Nointel paraissent avoir eu une action plus positive à Quintin qu'à Loudéac et Uzel. de Viarmes décidé à se faire obéir, nomma un commis par bureau et deux marchands fabricants par arrondissement. La visite des balles se faisait toujours à Saint-Malo, mais aussi à Morlaix, Landerneau, Nantes, puis à Vannes et Lorient, c'est-à-dire dans les ports exportateurs. En vain, en1756 le corps d'observation notait que la fabrication des toiles n'avait fait « aucun pas vers la perfection », qu'il fallait certes vérifier la conformité des produits vendus, mais agir aussi pour améliorer les techniques de production. Malgré ces défauts récurrents, les toiles jouissaient d'une réputation qui les faisait imiter sur le marché espagnol et les Malouins par l'intermédiaire de leur Consulat, tentèrent d'empêcher que les toiles de Laval pussent être vendues comme des bretagnes. Paradoxe, la renommée des bretagnes contrariait les efforts d'amélioration. Situation dénoncée en1776: « presque toutes en Espagne, elles y sont estimées et payées plus cher que les celles faites de Silésie. La confiance que les Espagnols ont dans la marque qui y est appliquée tant dans la fabrique qu'à Saint-Malo lui fait souvent négliger de vérifier si elles sont réellement dans les proportions ordinaires et de qualité correspondante ». La situation se compliquait dans la mesure où les fabricants achetaient dans les marchés de Quintin, Uzel et Loudéac des toiles de Laval « marquées comme si elles eussent été réellement des bretagnes ». Le gouvernement décida en 1780 que ces toiles seraient désormais vendues en balles ou coupons de 5 aunes de Saint-Malo, et les crées en balles de 50 aunes de long, cet arrêt obtenue avec peine, confirmé et précisé par les arrêts de 1786 et 178776, voulait résoudre le problème de l'aunage. Non seulement, la longueur des pièces variait de 4 à 7 aunes, mais encore les toiles rétrécissaient au blanchissage d'une manière inégale. Cependant ces défauts qui attiraient les récriminations des acheteurs, n'auraient selon Magon constitué que 0,4 % de ses achats en trois ans. Magon croyait impossible et préjudiciable d'appliquer les textes quoique « tout Cadix réclame cette juste régularité77 ». Diversifier? Les négociants en sentaient la nécessité devant l'élargissement de la clientèle et la montée de la concurrence. Boucher soulignait en 1770, l'évolution des goûts qui, « plus délicats », devenaient plus difficiles à satisfaire » dès lors, « plus nous varierons nos formes, plus la consommation en sera augmentée ». Mais comment produire davantage ? Comment obtenir une discipline de production de paysans qui s'adonnant prioritairement à la culture, abandonnaient le tissage si le prix des grains augmentait comme ce fut le cas en 1766 ? Pouvaient-ils accepter une réglementation, modifier leurs techniques routinières pour lutter contre une concurrence qu'ils ne connaissaient pas ? Les quelques essais entrepris ici ou là n'y changèrent pas grand-chose. On étudia, le système des deux navettes mis au point près de Morlaix, le sieur Tribert, inspecteur des manufactures de Morlaix et de Landerneau proposa aux États d'introduire en Bretagne la navette anglaise. On chercha de nouveaux procédés de filature, on voulut teindre pour imiter les toiles de Silésie « nommées sangalles » achetées en Espagne. Le problème concernait aussi l'industrie drapière et les marchands se désolaient que la manufacture d'Ancenis fût tombée alors que l'on aurait pu imiter celles du Maine. On songea aussi fabriquer près de Vannes, des tissus semblables à ceux de Lodève pour équiper la troupe. Seul un changement du mode de production pouvait correspondre aux besoins du marché.
- 78 Savary des Brûlons, op. cit.
50Réglementer le marché, empêcher la concurrence étrangère, intervenir auprès des États, en particulier de celui d'Espagne, ne gênait pas le roi, par contre revenir sur le doublement du droit de marque, sur l'impôt sur l'empois et sur diverses taxes y compris les droits levés à l'entrée de Rennes, le contrariait davantage. La légère amélioration des tarifs espagnols en 1782, ne suffit point ainsi que le démontrent les cahiers de doléances de Guingamp, de Loudéac et de Dinan. Les Guingampais demandèrent qu'un nouveau traité de commerce fut signé avec l'Espagne et les paroissiens de Saint-Nicolas en Loudéac que les quatre villes toilières de la province soient représentées aux États de la Province et que le Roi de France obtienne du Roi d'Espagne une réduction de 25 % sur les droits à Cadix. Les Dinannais quant à eux protestèrent contre l'introduction en France des textiles étrangers (et pas seulement des Îles) et contre la présence des toiles prussiennes sur le marché colonial. L'inquiétude générale concernant le commerce des toiles différait d'une ville à une autre selon la compréhension du phénomène par les uns ou par les autres. Ploërmel réclamait le retrait de l'arrêt du conseil du 30 août 1784 et revenait sur bien des revendications antérieures: modération des droits perçus en Espagne, de ceux perçus dans les bureaux de marque, suppression des droits sur l'amidon indispensable à l'apprêt des toiles. Il reste que les toiles fournissaient et de loin le poste le plus important des exportations bretonnes (81,63 %) des produits textiles, 73,28 % de la valeur totale. Les chanvres, les lins, les étoupes suivaient (1 %) avec 1 650 000 L78.
Des produits divers
- 79 AD. 35, C 1501, arrêt du conseil portant règlement sur les matières pouvant être employées à la fa (...)
51L'amidon provenait de matières premières végétales en particulier des céréales dont brasseries et amidonneries consommaient 16 % de la récolte. À Quintin l'on utilisait 10 Ip d'empois pour 300 aunes de toile. On ne pouvait employer que les « bleds défectueux, gâtés ou germés [...] hors d'état de faire un pain », de la sorte la fabrication d'amidon ne pouvait qu'être surveillée. En Bretagne, les années 1770-1780 virent se renforcer la réglementation pour empêcher l'utilisation de céréales panifiables et on limita le nombre des fabricants79. Les interventions de l'intendant à Pontivy, Brest, Lamballe, Saint-Brieuc se firent toujours dans la même perspective, contrôler une profession sur laquelle pesaient beaucoup de soupçons. Souvent dénoncés surtout en période de disette, ces gens exerçaient un métier que l'on croyait corrompre la santé, aussi pensait- on les installer hors des villes de même que les tueries et les cimetières.
52Le nombre important de tailleurs, tailleuses, couturiers, couturières, témoigne de l'habitude prise par les citadins les moins pauvres, de faire fabriquer leurs vêtements qui n'atteignaient pas tous la somptuosité des uniformes ou des habits des parlementaires. Entre cette riche minorité et les ménagères qui taillaient habits et chemises, il existait un vaste marché qui obligeait les marchands détaillants à posséder dans leurs boutiques un éventail de marchandises diverses répondant aux besoins et aux goûts d'une clientèle hétérogène. L'existence de forains venait compliquer leur tâche et les colporteurs les concurrençaient auprès de la clientèle rurale. Le bonnet d'origine ancienne se portait à |a campagne et dans les milieux populaires à la différence des tricornes à la mode dès le règne de Louis XIV et des grands chapeaux de garnis de plumes, fabriqués avec des peaux de castor ou avec d'autres matières. Les femmes connaissaient depuis le début du xviiie siècle, les grands chapeaux ornés de plumes ou de fleurs mais portaient aussi des tricornes. Rappelons les coiffes, les mortiers des magistrats. Dans ces conditions, il n'est pas étrange de rencontrer des chapeliers presque partout. À Rennes la manufacture de chapeaux d'Antheaume dépassait par son importance les simples artisans chapeliers. Inséparables des chapeliers, les perruquiers dépendaient aussi de la mode. Les hommes portèrent des perruques complètes tombant sur les épaules sous Louis XIV, des perruques poudrées à ailes de pigeon très à la mode sous Louis XV. La perruque resta en usage pendant toute notre période. Elle tendit à disparaître pour les hommes vers 1785 alors que pour les femmes leur existence se maintint un peu plus. Les perruquiers vivaient d'une clientèle aisée ou particulière. Mais des gens plus modestes en portaient comme le démontrent par exemple, les inventaires après décès d'aubergistes malouins.
53D'autres métiers liés au costume profitaient ou subissaient les évolutions de la mode : les gantiers dont les registres laissent peu de traces dans les registres de la capitation, 13 à Nantes, deux à Hennebont qui étaient en même temps pelletiers et chamoiseurs. Les épingliers par la qualité des produits qu'ils fournissaient se rapprochent des bijoutiers, des orfèvres et des horlogers, véritables artistes, au sommet de la hiérarchie artisanale. On ne les trouvait pas dans toutes les cités, ceux de Lorient se fournissaient en Suisse. Leur clientèle ne pouvait être que fortunée tout au moins pour les orfèvres qui fournissaient des chaînes de montre aux hommes, des croix aux formes diverses aux femmes, quelquefois des tours de ceinture. La vente des montres à bas prix élargissant le marché à des couches sociales plus larges.
- 80 AD. 35. C 474. Par exemple fourniture par une marchande de Brest de 273 paires de chaussures, 591 (...)
54Le monde du costume, des fournitures, faisait vivre des marchands de mode dont la présence est attestée à Nantes, à Rennes, à Brest, à Guingamp et fournissait des débouchés aux marchands d'étoffe, aux merciers. Il y avait une grande différence entre les marchands de drap et de soie que nous trouvons à Rennes, à Nantes, ailleurs encore, et les douze marchands, merciers, fripiers de Montauban qui vendaient en foire ou en boutique, ou encore ceux de Hédé qui faisaient commerce de grosses étoffes pour les artisans et gens des campagnes. La mode dans son évolution entraînait vente ou mévente des dentelles, des rubans, des mouchoirs, de la lingerie, poussait à l'utilisation de tel ou tel de tissu, conduisait les femmes à braver de fortes amendes voire à risquer la prison pour porter des indiennes qui s'imposent au xviiie siècle quoique concurrencée par la soie associée au coton (futaines, filoselle) et à la laine (popeline), au détriment des futaines surtout après 1750. Les femmes portaient le tablier, le cotillon de dessous, le fichu. Les bas noirs et blancs remplaçaient les verts et cramoisis de la fin du xviie siècle. La mode rococo qui se répandit en France puis en Europe, entre 1730 et 1789 voire 1794, donna par ses outrances, non seulement du travail aux secteurs traditionnels du vêtement et de la coiffure mais aussi à tous ceux qui fournissaient les ornements et les divers objets attachés à cette mode, les boutons, les boucles, les tabatières puis les boites. Bien entendu, la servitude aux goûts parisiens en général et de la cour en particulier, jouait fort inégalement d'une ville à une autre, d'un groupe social à un autre. Néanmoins, les va-et-vient de la noblesse, les voyages des grands personnages, l'arrivée des figurines de mode, des poupées par la poste tendaient à étendre ici aussi un goût universel, c'est-à-dire parisien et par la force des choses essentiellement citadin. Enfin, la présence de l'armée, des matelots de la royale, celle des ouvriers, plus tard des forçats créait un marché d'autant plus important que la fin du xviie siècle vit la mise en place de règlements concernant les uniformes des troupes. Non seulement il fallait habiller ces gens mais encore leur fournir leur équipement. Les petits commerçants de Brest et des environs, des fournisseurs lointains s'en occupaient procurant chapeaux, chemises blanches, bleues ou rouges, en coton, culottes, bas de laine ou de fils, capotes à l'espagnole, bonnets de laine double, sabots ou souliers, vestes et vareuses, mouchoirs, peignes, hamacs, baudriers, bandoulières simples ou bordées d'or etc. Des fournitures aussi diverses s'achetaient chez les commerçants bretons et en particulier brestois, ils provenaient de productions locales mais aussi de Normandie, de Caen, de Bordeaux, les toiles à matelas de Morlaix. Ce n'était pas un marché négligeable si l'on songe qu'il fallait 22 569 L 10 s. pour habiller les soldats d'un régiment à deux bataillons en 176880.
55La prééminence de l'industrie textile ne reposait pas, loin s'en fallait sur un seul type de production, même si certains produits avaient une importance plus grande. L'existence d'une production diversifiée présentait plus d'un intérêt pour les villes qui pouvaient compenser en partie ou totalement la perte d'un marché. À Dinan, les toiles grand brins, composées pour un quart de laine, trouvèrent preneurs sur les marchés américains pour faire des draps de lit (700 à 900, pièces par an), atténuant la crise qui frappait alors la ville. Bonne aubaine aussi la vente de 3 000 pièces de « languenaves », textiles de qualité qui allèrent vers la Navarre et la Biscaye. À Morlaix, tandis que les crées fournissaient l'étranger et les colonies, les morlaix ne quittaient guère les marchés de la province (les Bretons en faisaient des draps de lit, des serviettes, des chemises) et les fils blanchis trouvaient preneurs à Rouen et surtout à Lyon où ils servaient à faire des bas. Dans ces conditions, la diversité des produits envoyés à des clients eux-mêmes divers, pour couvrir des besoins différents, donnait une certaine souplesse à une industrie qui employait chanvre, laine et un peu de coton.
Coton et indiennes
- 81 AD. 35, C 2827, La première manufacture française de coton serait celle de Nantes en 1718. J. Meye (...)
56Le goût des indiennes amena le sieur Fery à demander en 1759, une aide aux États pour installer une manufacture de toiles peintes à Nantes, Jean Durobert fit de même pour une manufacture de velours de coton à Saint-Pol-de-Léon. Un essai malheureux eut lieu à Morlaix. À Rennes, Julien Joseph Pinczon du Sel des Monts créa une manufacture importante par sa dimension. Elle fonctionna de 1748 à 1762 et connut son apogée en 1754. Dans sa période de prospérité plus de 900 ouvriers travaillèrent sur 120 métiers. Installée à Salle Verte près le Mail, elle devint le 18 avril 1747 « manufacture royale des toileries de Rennes ». Pinczon expliqua qu'il voulait donner du travail aux Rennais « après l'espèce de famine de 1742 » et former des ouvriers81. Quand il connut des difficultés, il s'adressa aux États en se glorifiant d'avoir entraîné dans sa réussite non seulement Rennes, mais aussi « quantité de petits établissements » à Nantes, Dinan, et Quintin. Les États lui accordèrent 62 000 L de prêt en 1756 sur vingt ans, il fut ruiné par la guerre qui ferma les débouchés et empêcha l'arrivée des matières premières. La société fut dissoute le 1er avril 1759. À ce moment-là, il y avait en magasin 5434 pièces de tissus dont 3 381 pour la traite, 4 864 toiles imprimées et 429 pièces de toiles de coton pour l'impression, 474 hollandes et siamoises, 480 mouchoirs et 164 pièces de soieries. Pendant sa période d'activité, du Sel des Monts fournissait aux Nantais, en 1755-1756 à Stuykman, Derieux, Bourdorn père et fils, Girard, P. André, ainsi d'ailleurs qu'à des Lorientais. Le destin de l'industrie cotonnière nantaise fut fort différent. Les Nantais, utilisant la matière première importée, profitaient de la traite. Dès 1731, René Montaudouin, Germain Laurencie, Gabriel Michel, Nicolas Bertrand demandèrent à la Chambre de commerce une autorisation d'installation par exemption, d'une manufacture de cotonnade à Nantes pour produire des coutils et des basins. Bientôt la ville eut sept manufactures regroupant 5 000 ouvriers, sortant 120 000 pièces au moment où Paris en produisait 180 000. Nantes possédait en 1785, un peu plus de 8 % des fabriques françaises. À la veille de la Révolution, un état des marchands des toiles peintes imprimées, donne une idée de leur répartition et de leur importance. Nantes non compris, 208 marchands dans 19 villes ou bourgades déclarèrent 5065 pièces. Leur nombre pour Saint-Malo n'y est pas précisé alors que la ville possédait 39 marchands, seconde en importance après Rennes (50 marchands, 1296 pièces) et devant Quimper (25 et 1161), Vannes (18 et 1325), Auray (17 et 179) et Vitré (13 et 243). Ailleurs le nombre des marchands se trouvait inférieur à huit.
Le bois et les villes : consommation croissante
- 82 M. Duval, op, cit, 1957. Économie forestière et civilisation dans l’Ouest au xviiie siècle, 1959. (...)
- 83 P. Jeulin, L’évolution du port de Nantes, 1929, p. 259-260. de 900 mâts à 3462 en 1752. Le trafic (...)
- 84 AB. Marine, 1 E 505, Sur la Vilaine, les bois s’entassaient à Rieux, la Roche-Bernard et surtout R (...)
- 85 P. Dardel, Navires et marchandises, 1963. AB. Marine, 1 E 507, 15 janvier 1756. 1 E 143, le 12 Nov (...)
- 86 BN. Fonds fr. na 9411, 26 janvier 1764, mai 1764, 26 juin 1769.
57Les villes consommaient du bois, en achetaient et en vendaient. Les forêts bretonnes jouissaient d'une réputation prestigieuse justifiée et mythifiée par des récits légendaires. Mais au xviie siècle, les landes avaient progressé aux yeux d'Arthur Young et l'intendant de Molleville découvrait en 1788, des taillis à la place des forêts disparues. Cette situation inquiétait ruraux et citadins jugés responsables parce qu'ils se chauffaient davantage : « Vingt feux sont allumés pour une famille à laquelle deux aurait suffi il y a vingt ans ». L'implantation de cheminées de chauffage dans la plupart des pièces en était la cause et Josselin, Landerneau se plaignaient de manquer de combustible82. de plus, dans des villes plus grandes, aux bâtiments plus nombreux, les constructions nouvelles aux « charpentes immenses », multipliaient les portes, les fenêtres, les parquets, les lambris, les meubles les plus divers, et utilisaient « plus de bois qu'il n'en fallait pour dix maisons ». Les serres chaudes, les orangeries, les jardins d'hiver, ajoutaient leurs besoins. Les mines, les forges accéléraient ce processus et le commerce développait la tonnellerie. La rareté des grands arbres obligeait depuis le xvie siècle à limiter la portée des poutres et les lents progrès du bâti en pierre n'empêchaient point l'usage de bois, le chêne en particulier, pour les charpentes, les planchers, les escaliers et les huisseries. L'emploi de bois divers dont des bois exotiques pour l'ameublement qui se diversifiait créait un commerce en voie d'expansion. Quand Rennes brûla, la ville reconstruite en pierre, n'eût pas moins besoin de 1.826.792 p3 de bois, à raison 155500 p3 par an pendant 12 ans. Partout où les villes bâtissaient à Brest, à Lorient, ou s'agrandissaient, à Nantes, la demande de bois s'accroissait, obligeant des coupes nouvelles. Or les besoins du bâtiment en bois droits venaient s'ajouter à ceux de la marine en bois tors et en bois d'essences diverses. On estimait qu'il fallait 2 000 chênes longuement vieillis pour un vaisseau, mais outre le chêne qui entrait pour 64 % des bois de construction d'un navire, il fallait aussi, du buis, du châtaignier, du chêne vert, du frêne, du houx, du hêtre, du noyer, de l'orme, des résineux : pin maritime, pin sylvestre, pin prussien du sud de la Bretagne. Il n'en poussait cependant pas assez pour couvrir les besoins, en particulier ceux de la marine royale. Certes les bateaux de pêche, les petits caboteurs pouvaient et devaient se contenter de bois de qualité moindre, il n'en demeure pas moins que les forêts souffraient des coupes plus nombreuses et les constructeurs devaient importer des bois de l'étranger. Nantes, Saint- Malo, en faisaient venir de Suède, du Danemark, de Russie, pour les mâts, pour les planches83. Nantes était un des centres collecteurs grâce à des fournisseurs entreprenants. Les bois allaient soit à Redon soit, le plus souvent, à Port-Esclaye. Ces fournisseurs locaux alimentaient les autres chantiers navals bretons en particulier ceux de la Compagnie des Indes à Lorient. Parmi eux, les Arnoux qui travaillaient aussi à Redon84, s'associèrent à Bertrand Collet de Vannes, négociant à Hennebont pour fournir une partie des bois du Bretagne. Les forêts bretonnes s'épuisaient surtout les coupes proches des voies navigables, et le transport des bois devenait plus difficile et plus onéreux. Pour toutes ces raisons, les marchands de bois s'adressaient ailleurs, à Rouen qui fournissait du bois de Picardie, de la forêt d'Evreux en 175185. Les planches de chêne arrivaient du Nord. La Marine se tourna à plusieurs reprises vers les forêts d'Aspe, d'Ossau et de Bigorre notamment en 1765 quand Le duc de Choiseul décida que mâts et vergues, seraient désormais en bois pyrénéen86. Les résultats furent moins bons qu'espéré, en 1769 ordre fut donné de ne les utiliser que pour les mâts et vergues d'assemblages.
58Les contemporains rendaient aussi les forges et mines responsables de cette disette. Dès 1745, les échevins de Morlaix se plaignaient de la disette de bois autour de leur ville et en rendaient responsables les mines de Poullaouen et Carnoët. Tous les chiffres qui reportent le volume des coupes à une production donnée, sont discutables, mais ils soulignent des besoins créés par le développement de la métallurgie et expliquent les inquiétudes des intendants et en particulier de Molleville devant la rareté des bois et la montée de leurs prix qui passèrent de 1750 à 1770, de 2 L à 12 L le p3.
59La civilisation du xviiie siècle fut une civilisation où le bois tenait une grande place. Les capacités d'une région à répondre aux demandes diverses, l'évolution de son prix, comptaient pour les villes approvisionnées par ses marchands en bois à brûler, pour les constructions ou pour la marine, bois de la région ou en provenant selon les espèces ou les quantités, des autres provinces, de l'étranger, arrivant par les ports bretons tels que Tréguier, Le Légué pour les villes consommatrices.
- 87 Sous Louis XV, la production française était de 450 000 t. La mine d’Anzin en produisait 100 000 t (...)
60Le déficit en bois de la Bretagne, s'il entretenait les affaires de commerçants malouins et nantais, venait s'inscrire en négatif dans la balance commerciale de la province, qui perdait par leur surexploitation, une de ses richesses que l'usage réel du « charbon de terre » limité dans son emploi ne compensait pas. On recherchait le charbon de terre capable de remplacer le bois et occasion de nouvelles richesses. À Quimper, on croyait posséder un charbon de qualité supérieure à celui de l'Angleterre, à Rezé, l'on investit 18 000 L à 20 000 L en pure perte. Seules les mines de Nort et de Montrelais constituaient des exploitations convenables. La même famille possédait les mines de Nort depuis plusieurs dizaines d'années et déclarait en exploiter les veines « depuis des temps immémoriaux ». Elle obtint le privilège d'exploitation en 1754, renouvelé en 1783 ce qui gêna l'installation d'une mine, située au nord de la Loire entre Ingrandes et Ancenis appartenant au duc de Chaulnes. Cependant, la mise en service de la mine de Montrelais commença et la production atteint 20 000 t par an. Nantes au débouché de ces deux mines, la production arrivéait à la chaussée du moulin, en profita. Elle exporta 1 497 000 Ip en 1764 et 1 722 000 en 1774, compensant en partie les importations anciennes de charbon anglais ou du nord qui atteignirent 1,2 M Ip (600 t.), et même 3,282 M Ip. (1 641 t) en 175 2 87. La guerre anéantit pour un temps ce trafic, mais Nantes récupérait le débouché du charbon de Loire.
Notes
1 AD. 35. C-3180, 3251, 4623. La pancarte de 1512, en vigueur, fixait les droits sur les marchandises entrant et sortant de la Province. Elles existaient toujours en 1775 et les Malouins en demandèrent la suppression.
2 Ch. Carrière. Négociants marseillais, p. 303.
3 AD. 35, E p. 38, Besclin de la Bastays, 1786.
4 Pinczon du Sel des Monts, Considérations sur le commerce de la Bretagne, 1756.
5 Boucharat, A, t. 35, C 1597.
6 Gournay. Almanach général. 1788. R. Samuel, Traité général du commerce, 1781.
7 A. Rebillon, Histoire de Bretagne. 1957, E Durtelle de Saint-Sauveur, Histoire de Bretagne, 1935, p. 276-277.
8 R.-F. Le Men, La manufacture de faïence…, BSAF, T.111 (1875-1876) parlait « du peu d’aptitude industrielle du caractère breton… ».
9 Y. Brékilien, Histoire de la Bretagne, 1977, p. 299. Ouvrage collectif, 1981, p. 96 (dir. M. Veillard).
10 J. Meyer, « Le siècle de l’intendance (1688-1789 »), Histoire de Bretagne, 1971.
11 J.-Y. Nouailhat, Art et Histoire, Bretagne, 1979.
12 Y. Guin, Histoire de la Bretagne…, 1977 ; p. 28.
13 Ph. Ariès, Histoire des populations, 1971.
14 Ancenis, Antrain, Blain, Callac, Clisson, Guérande, Hédé, Landerneau, le Croisic, le Faou, Machecoul. Montfort, Nantes, Rhuys, Saint-Malo, Saint-Aubin-du-Cormier.
15 AD. 56, 2 E 1518. Nouveau règlement de Police…, 1719. A. Croix, op. cit. 1981 p. 815. Cinq qualités de pain y étaient vendues depuis le xvie siècle.
16 Dictionnaire universel, 1751 ou encore Dictionnaire portatif de cuisine, d’office et de distillation. 1767.
17 A. Croix, op. cit. p 388 établit un rapport moyen de 1/180 entre le prix de la livre de pain de seigle et le prix du seigle (de 1/160 à 1/120). Je trouve pour le froment 1/123 (mais avec des rapports extrêmes de 1/73 à 1/174) et pour le seigle de 1/120.
18 A. Everitt, Perspectives, 1964, le rayon d’achat était beaucoup plus important pour les bovins (11 miles), les moutons (40 à 70 miles) et les laines et tissus anglais (20 à 40 miles) ce qui explique qu’il y ait moins de marchés consacrés à ces ventes F. Braudel. Civilisation matérielle, 1979, t. 2, p. 15 et suiv. Le meilleur exemple urbain étudié J.-C. Perrot, Genèse d’une ville, 1975, ch. V. « Les aires de subsistances ». p. 177 et suiv.
19 AD. 35, C 6196.
20 AD. 35, C 1690-1691.
21 AD. 35, C 1653 Lettre de l’intendant au contrôleur général (8 octobre 1774). Il accusait les décimateurs d’être les plus désobéissants. Lettre du subdélégué à l’intendant. 10 juin 1766.
22 Mairie de Pont-l’Abbé, aveux des barons du Pont (1732). Les anciennes foires se tenaient le 12 mars (Saint.-Grégoire), le 19 mai (Saint-Yves), le 15 juin (St -Jean), le 20 juillet (Sainte-Marguerite), le 25 novembre (Sainte-Catherine), et le 29 décembre (aux Innocents). Les dates prévues pour les nouvelles : les 22 janvier, 16 février. 11 avril, 20 août. 18 septembre et 15 octobre.
23 AD. 35. C 1672. Audierne et Pont-Croix s’approvisionnaient dans la région du Cap Sizun.
24 A Fresnel, M. Nedellec, Saint Malo et le petit cabotage. DES, 1970.
25 St-Cast, 2481 tx, Dahouet 2261 tx, Port-à-le-Duc 2150 tx, Erquy 1566 tx en 18 ans.
26 P. Jeulin L’Évolution du port de Nantes. 1929. J. Meyer, La noblesse, 1966, p. 479, Nantes exporta de 1730 à 1740, 740 436 lp de céréales en grains et en farines.
27 AD. 35, C 1690. À cette date le sac de toile contenant 200 lp coûtait 380 L. 6 d.
28 AD. 35, C 1710, contenant deux mémoires de Parmentier (1782). J. Meyer, La noblesse, p. 505-506.
29 M. Maurineau, Les faux semblants d’un démarrage économique, 1971.
30 Arrêt du conseil du 3 octobre 1776. AD. 35, C 1502. Les ports ayant le droit d’envoyer des matières premières pour la fabrication du papier et de la colle : Nantes, St-Malo, Boulogne, Calais, Le Havre, Rouen, Caen. La Rochelle, Bordeaux, Agde, Cette, Toulon. Négociants et marchands de Binic et Portrieux protestèrent quand le commerce direct des îles et des colonies d’Amérique leur fut interdit au profit de Saint-Brieuc.
31 Règlement de police, doc. 11. AMR liasse 407 (dartres, ulcères). Hervé Grall, Les infractions…, 1983.
32 R. Dion, Histoire de la vigne et du vin en France des origines au xixe siècle, 1959, p. 455-457 A. Croix, op. cit, p. 841. La presqu’île de Rhuys avait des vignobles autour de Sarzeau. Elle donnait un blanc de mauvaise qualité, transformé souvent en eau-de-vie. Des vignes aussi près de Redon (AD. 35, C 1654).
33 P. Jeulin, op. cit., p 240 J. Meyer, La noblesse…, p. 773-774. En valeur le commerce des vins était supérieur à celui des grains (7,995 752 L contre 7,404 906 L), p. 479. Un tonneau vaut quatre barriques.
34 Le Bec, Le commerce des ports de Pont-l‘Abbé, IARH.
35 AD. 35, C 3928.
36 Expilly. op cit., p. 824. Foires de Folgoët, la Martyre, de Lanhouarneau (Léon), de Guingamp, de Morlaix, de Plestin (Trégor), de Pontivy. J. Charpy, op. cit.
37 H. Sée, « L’industrie et le commerce à Vitré de 1791 à l’an X, Mémoires et Documents, 10e série.
38 AN. F 12, 651. Rapport Libaut, inspecteur général des Manufactures à Morlaix.
39 Robien, Histoire…, Nous trouvons des parcheminiers (revendeurs non fabricants ?) à Ploërmel. Rennes et Vannes.
40 Gournay, Almanach…, art. « Landerneau », p. 280, « Morlaix » p. 411, Dictionnaire universel, 1751. On tirait des gâteaux trois miels : 1/le « miel vierge » coulant de lui-même et le « miel blanc » en pressant légèrement les gâteaux. Il contient un peu de cire. 2/Le second miel obtenu en pressant les gâteaux. 3/le moins estimé, provenant du pressurage de gâteaux utilisés, vieux, rompus préalablement, mis à chauffer doucement dans une chaudière Le miel blanc valait au moins le double du miel commun.
41 Dictionnaire universel, art. « Cire »
42 AD. 35, C 3928. Ils achetaient, 900 000 lp de cire brute (quelquefois le double).
43 AD. 35, C 3928. Chocquené estimait que le commerce de la cire faisait entrer 700 000 l en Bretagne. Château-Gontier et Le Mans assuraient un bon blanchiment.
44 AD. 35, 1 F 1705, Au xixe siècle, la plupart des foires et des marchés restèrent aux mêmes endroits. se tinrent les mêmes jours après la Révolution. Marteville en fournit la liste dans sa réédition du dictionnaire d’Ogée.
45 AD. 35, C 1576, 1577. Les subdélégués devaient enquêter à chaque nouvelle demande pour voir si l’érection d’une foire ou d’un marché ne porterait pas préjudice à celles qui existaient.
46 Dans cet évêché, 64 agglomérations ou lieux accueillaient 195 à 200 foires et 65 marchés ; 46 bourgs possédaient un marché hebdomadaire, 26 aucun.
47 Mairie Hennebont. AM. RCV, 77 Es 14.
48 Une seule maîtrise a abouti à des résultats satisfaisants. 0. Théon, Les foires et les marchés dans l’évêché de Rennes au xviiie siècle. 1984. maîtrise Rennes, IARH.
49 T.-J. Markovitch, L’industrie française, 1968, La croissance industrielle, 1976, voit dans l’industrie lainière une des industries phares de l’économie française, 15 à 20 % du produit marchand français, avec une croissance globale au xviiie siècle de 145 % (p. 647). BN, fr. 8037, f°392 r°, « copie de la lettre écrite à Mgr le contrôleur général par le Sr Lambert, inspecteur des manufactures à Nantes le 24 novembre 1708 ».
50 Henri Sée, « La draperie au xviiie siècle », doc. Hayem. 9e série. AD. 35, C1 520, 3 167. Prime de 1 s par aune d’étoffe de 20 à 40 s et 3 sols au dessus Le 4 septembre 1772, adressa une supplique aux États, accusant ses associés de lui avoir fait faire de mauvaises affaires et demandant de ne pas rembourser les 10 000 L.
51 T.-J. Markovitch, op. cit, « tableau général de synthèse », p. 404-495. Étudiant la conjoncture, il distingue huit phases, avec un trend séculaire orienté vers la croissance.
52 A. Croix. op. cit, p. 834. AD, 35, C 1524. A.C. 30 mars 1700. Règlement pour maître et faiseur de bas au métier du 16 juillet 1743, suspendu le 24 décembre 1754 pour ses difficultés d’application. À Nantes, Louis Guyon qui utilisait des pauvres pour des « bas et bonneterie au métier » dut cesser sa production.
53 AD. 22, C 24, Lettre de l’inspecteur des manufactures à l’intendant (1776). Memain, Le matériel de la Marine sous Louis XIV. 1937, p. 372. A. N. Marine, D 3/24.
54 AN. Marine. D 3124.
55 AD. 35, C, 1555, 1556. En 177, le quartier de Lannion fournit 187 763 Ip. à Brest. Le goudronnage ajoutait ¼ en plus du poids des chanvres.
56 AB. Marine, 1 E 505, f°362. Elle fut remise en état de service fin 1751. 15 août et 21 juillet 1755. AB. Marine, fonds Langeron 2 S 10, AD. 35, C 4713. AN. Marine. D 2/29.
57 Les « olonnes » vendues à Quimper et fabriquées au xvie siècle équipaient une partie de la marine européenne. En 1693, Brest acheta à Locronan 82 000 aunes et 16 000 à Rennes. M. Dilasser, Un pays de Cornouaille, Locronan, 1979. ch. VIII, J. Tanguy.
58 Sous Gallois de la Tour la production n’atteignait plus que 150 000 à 200 000 livres AN. D 2124 6 octobre 1759. Celles de la manufacture de Brest étaient de mauvaise qualité avant l’arrivée de Boucher. AN. Marine D2/24 ; P. Levot, op. cit. AB. Marine, 1 E 138.
59 AD. 35, C 4711-4716. Ils fournirent 19 646 pièces en 1788. On donnait souvent à Dinan, le nom de « Combourg » aux balles. Le Gouadec, op, cit. 1971, Lorient en acheta 28 balles en 1762, 26 en 1763.
60 AB fonds Langeron,. 2S10, (1785). AB. Marine, 1 E 506, 5 mars 1775. Chiffres qui posent problème puisqu’ils supposent de350 à 365 jours de travail.
61 J. Tanguy, La production et le commerce des toiles… 1966. Ce travail reste la référence essentielle.
62 AD. 35. C 1539, ou R. de Hussels, Dictionnaire universel, 1771.
63 AD. 35, C 3923 Il y aurait 50 acheteurs principaux à Morlaix, 60 à Uzel et 30 à Quintin, A Young. op. cit. p. 871 trouvait des marchands à Quintin, Loudéac. Uzel et Pontivy. Morlaix et Landerneau vendaient surtout des crées.
64 BN. fr, 8037. AD. 35, C 1450 Il y avait dans la ville trois marchands de draps et soie, huit de drap et coton, dix tisserands imposés.
65 AD. 35, C 3929. 6 000 balles de toiles blanchies à Quintin, Uzel et Loudéac au milieu du xviiie siècle dans 117 blanchisseries (respectivement : 12, 60 et 45).1400
66 Bas-Maine, 5ML, Haut Maine, 4ML (H See, « Le commerce des toiles au Bas-Maine. » Documents Hayem, p. 1-79.
67 AD. 35, C 1541, 1543,1548. BN. Fonds fr. 8153, f°209. de la Tour constate une baisse des deux tiers de la production des toiles à Dinan.
68 2200 L la balle à prix constant. Les Hollandais achetaient aussi mais peu: 892 balles en 1752 année la plus forte. À partir de 1760, leurs importations devinrent faibles et irrégulières. Les autres acheteurs : Anglais, Écossais (cf. Tanguy, op. cit., p. 119), les Flamands (A.N. F12-77). les Danois, les gens du Nord en prenaient peu. Les Portugais en écoulaient quelques centaines de balles par an. Ensemble ces débouchés n’étaient pas négligeables mais pesaient moins que le marché espagnol.
69 Jean Delumeau, Le mouvement du port…1966. A. Girard, Le commerce français, 1932, situe au xve siècle la première preuve d’un commerce avec l’Espagne.
70 A. Girard, op. cit., p. 357. Dès 1700, les toiles allemandes revenaient moins cher que les françaises et se vendaient mieux. Ils proposaient des « platilles de Hambourg » larges-étroites à cinq aunes AD. 35, C 1586, Mémoire des négociants : « nos manufactures […] vont être anéanties, on les contrefait à Hambourg… ».
71 AD. 35, C 1547.
72 AD. 35, C 1548.
73 Huguette et Pierre Chaunu, Séville et l’atlantique, 1962 nous donnent le mécanisme de ce voyage. En 1735, le système des Registres qui permettait de trafiquer directement avec l’Amérique remplaça temporairement celui des galions rétabli en 1756. Tout retard de la flotte entraînait une chute des prix.
74 AD. 35 C 3160.
75 Pierre Goubert, Cent mille…, p. 151, souligne que dans toutes les régions de toiles de lin « la totalité de la production peu s’en faut resta rurale, les villes se consacraient au blanchissage et au commerce. » Même opinion de Paul Bois qui oppose l’industrie de la laine surtout urbaine à celle de la toile. (Les paysans…, p 151).
76 AD. 35 C 1533. Mémoire sur la nécessité de réduire à cinq aunes qui dit 250 pieds de longueur toutes les pièces de toiles dites Bretagnes, qui passent à l’étranger. C 3929, Règlement pour la fabrication des toiles et voileries de la généralité de Bretagne (16 déc.1780 - 22 janvier 1781). L’aune de Saint-Malo de 6 pieds mesurait 1,949 m (aune de Paris 1,88 m).
AD 35 C 1532, 1533. 1548, 3929. L’arrêt du 20 juillet 1786 fixait l’aunage des toiles à voiles de l’évêché de Rennes : à partir du 1er septembre, la balle ne pouvait excéder 70 aunes, mesure de Bretagne (2,707 m l’aune) pour celles dites de l’évêché et 65 aunes de Paris, pour celles dites « échantillons » (Arrêt du conseil du 9 janvier 1787) AD. 35, C 3160. de 1736 à 1751 : 5 règlements, 263 articles, sans exécution, d’où la demande d’un seul clairement rédigé.
77 AD. 35, 1 F 1897.
78 Savary des Brûlons, op. cit.
79 AD. 35, C 1501, arrêt du conseil portant règlement sur les matières pouvant être employées à la fabrication de l’amidon, 20 mars 1772.
80 AD. 35. C 474. Par exemple fourniture par une marchande de Brest de 273 paires de chaussures, 591 culottes, 388 gilets de flanelle, 407 chemises de Bouracan. Brest. Fonds Langeron, 2 S1, Règlement du 25 avril 1768,1 E S 10, 1755. Achat en 1755. de 500 aunes de drap, de 300 de drap écarlate. Mlle Collet devait fournir 1 500 couvertures de laine de Rouen. 6 000 bonnets du Poitou et 3 000 aunes de toile normande. Pour équiper les bâtiments quittant Saint-Malo en 1674, il fallut 124 fusteaux, 186, paires de bas, 130 peaux, 30 culottes, 200 paires de souliers (coût : 2918 L. 6 s.), plus 125 chemises à 5 L.16 s. et 116 cravates à 4 s.2 d. (AD. 35, C 3240).
81 AD. 35, C 2827, La première manufacture française de coton serait celle de Nantes en 1718. J. Meyer, idem, p. 189 C 1525. Un gentilhomme manufacturier à Rennes au xviiie siècle. Pinczon du Sel des Monts originaire de Vitré né en 1712. En 1747, 20 métiers, 300 ouvriers ; 1754: 120 métiers. 879 ouvriers (dont 120 maîtres ouvriers, 150 fileurs. 553 fileuses) ; 1758 : 32 métiers. AN. F12 G 6. En 1748 il demandait l’autorisation -accordée- d’acheter des toiles à l’intérieur des cinq grosses fermes et de les y faire entrer une fois blanchies. J. Pinczon du Sel des Monts, Considération sur le commerce de Bretagne, 1758. AD. 35, C 3929 du même, Mémoire aux États.
82 M. Duval, op, cit, 1957. Économie forestière et civilisation dans l’Ouest au xviiie siècle, 1959. AD. 35, 5 B. État des forêts et des bois du Roi en Bretagne.
83 P. Jeulin, L’évolution du port de Nantes, 1929, p. 259-260. de 900 mâts à 3462 en 1752. Le trafic portait sur 100 000 planches en année commune. En 1747. il en vint 379 027, J. Delumeau, Le Mouvement, 1961.
84 AB. Marine, 1 E 505, Sur la Vilaine, les bois s’entassaient à Rieux, la Roche-Bernard et surtout Redon, plaque tournante des expéditions vers l’amont ou vers Nantes, Lorient et Brest.
85 P. Dardel, Navires et marchandises, 1963. AB. Marine, 1 E 507, 15 janvier 1756. 1 E 143, le 12 Nov. 1755, il y avait au Havre. 280 chênes en provenance de la forêt de Bonnetable. AD. 35, C 290.
86 BN. Fonds fr. na 9411, 26 janvier 1764, mai 1764, 26 juin 1769.
87 Sous Louis XV, la production française était de 450 000 t. La mine d’Anzin en produisait 100 000 t. par an. Y. Durand, Vivre au pays, 1984, p. 257 et suiv.
Table des illustrations
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Titre | Ceinture douanière |
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Titre | Commerce extérieur en France de 1716 à 1789 |
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Titre | Apprécis du boisseau de froment à Saint-BrieucAD 22, dépôt de Pont-Briand |
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Titre | Produits de la terre et de la merCf Skol Vreizh, A. Croix, C. Nières |
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Titre | Coût du transport (en livres) |
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Titre | Barriques vendues d’après les droits de mesurage en 1775 |
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Titre | Foires et marchés |
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Titre | Commerce des blés (en hectolitre) |
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Titre | Paroisses envoyant leur textiles aux commerçants de Rennes |
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Titre | Nombre de pièces produites par an65 |
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Titre | Nombre de pièces marquées |
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Titre | Prix des balles |
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© Presses universitaires de Rennes, 2004