Les villes de Bretagne au XVIIIe siècle
|1re partie. Les villes bretonnes
Chapitre III. Villes et communications
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Géographique :
FranceTexte intégral
1Il n'existe pas d'armature urbaine, de semis urbain sans qu'il y ait en même temps un ou plusieurs systèmes de relations entre les villes qui le constituent, entre les villes et leurs campagnes. En Bretagne, des voies terrestres, fluviales, maritimes souvent associées, dépendait la circulation des hommes, des marchandises, des nouvelles, des idées. À l'échelle de la Bretagne, la distance entre les villes, le temps mis à la parcourir, expliquent ici comme ailleurs l'importance des petites villes et des bourgs. À l'échelle du royaume, les facilités de communication de la Province avec le reste de la France constituaient une donnée primordiale. Enfin, à l'échelle monde, la situation de la Bretagne à la pointe occidentale de l'Europe, ses rivages sur la Manche et l'Atlantique fournissaient un atout sans égal.
Le réseau routier breton
Un réseau ancien réaménagé
- 1 J.-P. Leguay, ibid. 1981, p.3 et 4.
- 2 Vidal de La Blache, « Tableau géographique de la France », Histoire de France, 1903, t. I p. 333.
- 3 H. Fréville, L’intendance de Bretagne, 1953, t. I, p. 25.
2Le réseau routier breton ancien a hérité du réseau routier romain constitué de trois grands itinéraires à l'intérieur de la Bretagne : l'un par Corseul allait de Rennes vers Carhaix, Kérilien et le Léon, l'autre partait de Nantes, passait par Rieux, Vannes et atteignait Quimper ou Carhaix, enfin, la voie centrale reliait Rennes à Carhaix avec de multiples routes de desserte. Carhaix à l'ouest et Rennes à l'est constituaient les centres de ce système. Les voies intérieures se greffaient sur ces trois axes. Les axes côtiers apparurent par la suite1. Le relief le long du rivage, les vallées profondes opposaient des obstacles et repoussaient souvent loin du littoral les points de franchissement. Les chaussées, très souvent dégradées par la conjonction des sols, du climat humide et du trafic exigeaient des travaux incessants. Au-delà des qualités ou des défauts de son réseau routier, la Bretagne restait encore à la fin du xviie siècle relativement isolée des autres régions françaises, sorte de bout du monde expirant à demi noyé dans l'océan2. Les marais de Dol du côté de la Normandie, les solitudes boisées aux confins du Maine et de l'Anjou constituaient des obstacles difficiles. Selon Henri Fréville « peu de routes intérieures et en bon état » unissaient la Bretagne aux régions voisines à la fin du xviie siècle3.
- 4 J. Letaconnoux, « la construction des grands chemins et le personnel des Ponts et Chaussées au xvi (...)
3Or, au xviiie siècle, les besoins croissants des échanges, le passage de troupes de plus en plus fréquent, l'approvisionnement de Brest, nécessitaient un entretien permanent. Les dimensions de la province, la relative densité des voies de communication, demandaient des moyens en hommes et en argent mais aussi une direction capable de choisir les tracés primordiaux et de faire respecter ces choix. Les Grands Chemins ou routes royales desservant les villes les plus importantes dépendaient des États de Bretagne. Les routes secondaires, maillage de chemins reliant les villages entre eux et aux villes proches, indispensables à la circulation, apparaissent dans nos sources à l'occasion d'une supplique, d'un différent entre seigneurs et villageois chargés de les entretenir. de 1671 à 1720, il y aurait eu peu d'aménagements sur les grands axes mis à part la construction du pont du Pirmil à Nantes, ensuite les travaux augmentèrent avec une pointe au moment où le duc d'Aiguillon les fit accélérer. Ces deux phases correspondent à des injections de fonds allant d'une période creuse où les États ne disposaient que de 25 000 L par an (1671-1720), à une période plus faste où ils atteignirent et même dépassèrent 300 000 L4. Les communautés de villes et à l'occasion les péagistes complétaient les sommes accordées par les États de la Province.
- 5 La plupart des Arrêts se répètent et se complètent : 31 mars 1731, 25 mai 1731, 5 nov. 1737, 8 jan (...)
- 6 OGÉE, op. cit., 1843.
4Le 31 mars 1732, on retint un grand axe, le grand chemin de Saint-Jouan à Brest, un réseau autour de Rennes vers Saint-Malo, Nantes, Vannes et Angers. Le 19 décembre 1732, on ajouta le chemin menant de la Gravelle à Guingamp. D'autres décisions suivirent5 pour aménager un système de voies qui avait pendant longtemps donné satisfaction. Le règlement de 1757 fixa à 380 lieues (y compris y est-il précisé les routes d'Antrain à Dol, de Dol à Dinan et de Dinan à Châteauneuf) par an la longueur des routes en chantier. En 1770, on porta cette longueur à 850 voire à 870 lieues6.
- 7 Letaconnoux, « Le régime de la corvée en Bretagne au xviiie siècle », AB, 1906, t. 21, p. 144 et s (...)
- 8 AD. 35, C 4720.
- 9 AD. 35, C 4720. AN. H, 546. Arrêt du conseil du 18 janv. 1738 suivi d’une ordonnance de l’intendan (...)
- 10 AD. 35, C.4724, 22 mars 1786.
5L'ordonnance du duc d'Estrées et de l'intendant de la Tour réglementa en 1730 le travail des paysans et introduisait de fait la corvée. Ce système insupportable à ceux qui le subissaient, n'apporta pas toutes les satisfactions espérées7. Un corvoyeur ordinaire travaillait un quart ou un tiers de la journée d'un travailleur à gages et infiniment plus mal. La mauvaise volonté des paysans soumis à la corvée obligeait quelquefois à mettre chez eux des garnisons qui s'avéraient coûteuses (4 L par jour pour un cavalier de la maréchaussée) et souvent inefficaces. L'organisation de la corvée, le rôle des syndics, tout était à revoir. Les commissaires envisagèrent en conséquence d'employer d'autres systèmes (travailleurs appointés, adjudicataires) et de réserver la corvée à de rares cas en fixant avec précision le nombre d'heures de travail réel et les moyens qui obligeraient les convoyeurs à venir sur les chantiers. Les corvoyeurs selon le règlement du 14 décembre 1784, devaient 20 jours de travail par an, ils venaient de toutes les paroisses à deux lieues du chantier8, distance portée à quatre lieues pour les fournisseurs de harnois obligés dès lors à rester sur l'ouvrage plusieurs jours et à loger dans les villages voisins9. En 1757 déjà, leur charge dépendait de la distance qui les séparait du chantier : 6 t3 par an, si leur domicile se trouvait à une lieue et demi, 9 t3à partir d'une demi-lieue, 12 t3 à proximité. Parmi les cas exceptionnels envisagés, les commissaires pensaient aux villes à construire, ils avaient l'exemple de ce qui s'était fait à Brest pour édifier les défenses, à Rennes pour la reconstruction, ou encore à Lorient. Nous avons là un type de rapports ville campagne tout à fait particulier, mettant le travail des paysans au service des citadins, défendu en 1786 par les commissaires du diocèse de Saint-Malo10 et ressenti d'autant plus injuste par les paysans que les grands chemins servaient au commerce et procuraient aux principales villes de la province une communication aussi agréable qu'avantageuse.
Des aménagements prioritaires pour les Bretons
- 11 AD. 35, C.4768.
- 12 AD. 35, C 4723. La Rance y a 600 mètres de large. Le point d’accosta ge est de l’autre côté à Mont (...)
- 13 AD. 35, C. 4856.
- 14 AD. 35, C 4854. Extraits du R.C.V. de Dinan, 24 janvier 1774.
- 15 AD. 35, C 4856, 26 mars et 6 novembre 1776.
- 16 AD. 35, C 4856, Procès-verbal du 12 juin 1784.
6Les Bretons s'attachèrent à résoudre les problèmes que posaient certaines liaisons intérieures. La route commerciale de Saint-Malo vers la Basse Bretagne devait franchir des bras d'eau plus ou moins larges, plus ou moins encaissés qui coupaient la circulation d'est en ouest, rendaient obligatoires les transbordements et poussaient à construire des ponts. La liaison avec Dinard se faisait par bateaux rendant le passage par mauvais temps dangereux quoique au dire de certains, il n'y était « jamais rude [...] quand on veut croire ou utiliser les guide ». Les accidents arrivés là ne seraient dus « qu'à la faute de voituriers ivrognes11 ». Plus loin, la digue et le pont de Drouet construits « autrefois » pour entretenir le commerce avec l'ouest, avec les régions toilières, complètement ruinées et d'un usage périlleux surtout à marée haute, obligeaient de franchir l'Argue-non à Plancoët, au Guildo, ou passer plus au sud encore par la route de Dinan. Les difficultés de franchissement imposèrent de passer par Plancoët dont la traverse fut aménagée en 1781-1783 et en 1789. En 1772, une commission se rendit à la Jouvente (à 3 km à l'est de Pleurtuit sur la Rance) pour étudier l'établissement d'un bac « en état de passer en tout jour, toutes sortes de voitures et en particulier les chariots ordinaires des rouliers avec charge et chevaux12 ». Dinan fournissait une autre solution, les troupes entrant ou sortant de la province y passaient ordinairement mais la liaison de la ville avec le port par l'unique rue du Jerzual dont la pente atteignait 12 à 15 pouces par toise rebutait les charretiers qui préféraient emprunter la vieille route à un kilomètre en amont par Lehon. Cette route intéressait les commerçants, surtout en période de guerre et Quintin, Moncontour, Loudéac demandèrent à plusieurs reprises qu'elle fût bien entretenue. En 1767, ils s'adressèrent aux États pour obtenir la réparation du pont de Taillefer reconstruit en pierre sur le fonds des grands chemins13. Néanmoins, le passage par Dinan gardait ses partisans, car il permettait de raccourcir le trajet de la Mayenne à la Basse Bretagne, 34 lieues au lieu de 44 par Vitré, Rennes et Lamballe. Il en était de même pour la route de la Haute Normandie vers Brest par Saint-Hilaire, Saint-Aubin, Rennes et Broons pour arriver encore à Lamballe. La liaison Saint-Malo-Lorient d'un intérêt considérable pour le commerce faisait parcourir 52 lieues au lieu de 40 possibles. Enfin, les 42 pieds de large de la route Dinan à Fougères, route moyenne et non grande route, suffisaient si elle était bien entretenue. Tout concourrait à construire une voie de dégagement de la ville, accessible aux véhicules lourdement chargés de marchandises, de provisions diverses et aussi de matériel militaire. Dès 1774, les ingénieurs à la demande des États, prévirent de traverser Dinan en évitant le Jerzual14. Sous la pression des échevins en 177615, une commission des États se rendit sur place le 2 avril 1777. Elle aboutit à un devis présenté le 4 mai 1779, année où la nouvelle route franchissait l'enceinte, le passage par Lehon fut abandonné en 1781. L'arrivée par Lanvallay (actuelle D.27), exigeait une route droite et des travaux onéreux sur 1200 toises et les commissaires discutaient encore en 1784 de son aménagement16.
- 17 AD. 35, C 3159. Rapports des Commissions des États.
7La concentration des toiles à Quintin, Loudéac, Moncontour et Uzel, rendait indispensable le maintien de la circulation, même sur des routes en piteux état. Autour d'Uzel, on tentait systématiquement de réparer les ponts, dont en 1730 celui qui permettait le passage entre Uzel et Moncontour. Après sa destruction, le 29 juillet 1757, le pont d'Oust reliant la cité à Corlay, ne fut refait qu'en 1760, en arguant de raisons militaires. Les villes et les paroisses en relation avec Uzel (Corlay, Saint-Gilles-du-Vieux-Marché, Merléac, Saint-Mayeux) appuyèrent sa demande. Toutes faisaient état de leurs relations avec la cité toilière où elles apportaient les blés, les bestiaux indispensables à la ville au marché du mercredi. Elles y achetaient des toiles crues. Cette reconstruction fit examiner de plus près la liaison avec Quintin, pourquoi ne pas passer par la forêt de Lorge au lieu de faire un grand détour par le pont ou par Moncontour ? Les marchands se prononcèrent contre par crainte des voleurs de grand chemin. La requête du sénéchal de la ville de Moncontour amena la commission des grands chemins à étudier en 1758 une situation peu brillante depuis quelques années. Son « abord [...] inabordable » et la route vers Lamballe « si impraticable que les chevaux et charrettes ni [pouvaient] plus passer », obligèrent d'ouvrir les chantiers en 176017.
- 18 Entre Pontrieux et Lannion. Ogée, Atlas itinéraire de Bretagne, 1969, L. V
- 19 AD. 35, C 4723, 3159. PV. Chevalier, 30 juillet 1760.
- 20 AD. 35, C 4713.
8La liaison entre Tréguier et Guingamp posait une question plus locale que régionale. En 1757, il fallut choisir entre deux routes en concurrence : l'une venant de Guingamp passait par La Poterie, Pontrieux, Ploëzal et aboutissait à la Roche-Derrien puis de là, à Tréguier, l'autre par le Tronc Rouge18. Toutes les cités proches étaient concernées : Paimpol, Châtelaudren, Callac, Corlay, Pontrieux qui servait d'entrepôt au commerce de Guingamp19. L'aménagement prioritaire de l'axe par Pontrieux et le Trieux donnait un accès à la mer et favorisait le transport des denrées alimentaires, du pain, des légumes, des huîtres de Tréguier et de la Roche-Derrien à Guingamp. Les paroisses où se tenaient des foires souhaitaient cette solution. Par contre une vingtaine d'autres paroisses préféraient la voie directe pour transporter aux meilleures conditions grains et lins et pour ramener goémon et sable. Un mémoire présenté par les municipalités de Guingamp, Saint-Brieuc, Pontrieux, Paimpol auxquelles s'adjoignirent les commerçants et grossiers de fils de Morlaix, de Lannion et de Lanvollon, donnait le point de vue de toutes ces communautés qui rappelaient que la plupart des voituriers allant à Pontrieux demeuraient à la Poterie. Les marchands de fils partaient de Morlaix le dimanche matin et arrivaient le soir à Pontrieux pour l'ouverture du marché le lendemain matin. Les transports des fils de Pontrieux à Morlaix et à Rennes se faisaient tous les lundis, assurés par 25 à 30 voitures alors qu'il n'y en avait que cinq ou six pour Tréguier. Pour les marchands, Rennes grâce à ses quatre foires, était au milieu du siècle, le plus beau marché de fils de l'évêché après Morlaix. L'évêque de Tréguier soutint sa ville : « la seule ville épiscopale de la province à laquelle on n'ait pas songé à procurer une communication facile avec les villes voisines et la grande route20 ». Le commencement des travaux nous fournit la réponse des États : en 1764, chantiers sur la route de Guingamp à Tréguier par Pontrieux, puis en 1766, pavage de la Roche-Derrien, réparation en 1770, puis reconstruction en 1772 du pont de bois de la ville. Aux yeux des commissaires, la présence de la Poterie à trois-quarts de lieue de Guingamp, possédant « la seule Manufacture de l'évêché où se fabrique la vaisselle de terre », justifiait leur choix.
- 21 AD. 35, C.370. Un escarpement rocheux rendait l’accès de la ville difficile. Il fut décidé le 2 ma (...)
9Josselin carrefour important de routes, connaissait un trafic intense de toiles, de grains de l'évêché de Nantes, de marchandises diverses, de soldats avec leur équipement. Tout passait par le pont de la ville qui menaçait ruine. La communauté s'en plaignit et les commissaires proposèrent de construire un pont au gué de Bardin, à demi-lieue au-dessus de Josselin pour diminuer le trajet de Rennes à Lorient de quatre lieues (22 au lieu de 26) mais la ville perdait en partie son rôle de ville transit21.
- 22 Mairie de Hennebont, RCV. 1769. AD. 35, C.4807, 3935. G. Le Bouedec, Les approvisionnements de la (...)
- 23 AG. art.4, sect.2, § 3, 2e carton, 1772.
10Une enquête des États en 1769, fit ressortir que les « villes de Port-Louis et de Lorient tiraient toutes leurs provisions de Hennebont : bois, provisions, plus rouliers de la Compagnie des Indes passent par là. ». de Rennes, de Saint-Brieuc, de Tréguier arrivaient les toiles à voile, le chanvre, les toiles et les chaussures, de Vaublanc les métaux, de Pont-Péan le plomb tandis que les marchandises les plus diverses partaient de Lorient vers Brest ou Rennes22. En 1772, M. de la Rozière proposa pour des raisons militaires, l'ouverture d'une chaussée de 36 p de large de Rennes à Lorient par Vannes et Hennebont. Finalement le choix se porta sur un tracé plus occidental. Il rapprochait Rennes de Lorient en passant par Josselin, Locminé et Baud et aboutissait toujours à Hennebont23.
- 24 52 noyés dans le naufrage du bac, le 17 juin 1752.
11Malgré tous ces efforts, un certain nombre de points noirs subsistèrent. Le passage des estuaires restait un problème et obligeait à remonter assez haut à l'intérieur des terres, à Pont-Scorff, à Hennebont ou encore à Pont-Croix, sur la Goayen, à moins que les voyageurs ne préférassent emprunter un bac fort dangereux24. Antrain restait un parfait cul-de-sac alors que les routes de Paris à Brest et de Rennes à Coutances passaient à moins de 2 km. Auray souffrait de l'aménagement de la route qui profita à Josselin, à Pontivy et surtout à Vannes et à Hennebont.
Les liaisons difficiles de la Bretagne avec l'extérieur
- 25 AD. 35, C.3170. Mémoire du Marquis du Hallay, envoyé par Robien à la commission du commerce le 6 j (...)
12Au milieu du xviiie siècle, la sortie de la Bretagne vers le Cotentin se faisait en direction d'Avranches. Un chemin de terre tassée par les passages incessants, impraticable pendant les périodes de pluies malgré les apports de terre neuve comme en 1742, en fort piteux état en 1770, passait par Antrain et Tremblay. Les voyageurs évitaient ce tronçon en rejoignant Dol et de là Saint-Malo pour enfin gagner Rennes. Ils utilisaient quelquefois la route par Miniac et Dinan malgré ses inconvénients. Il fallait de toute nécessité établir une liaison convenable avec la Normandie pour faciliter le voyage des soldats et des marchands qui se rendaient aux foires, en particulier à celle de Guibray. Deux solutions s'offraient : soit transformer l'ancienne route, soit en tracer une nouvelle à partir de Rennes par Saint-Aubin d'Aubigné, Romazy, Tremblay, Antrain et, de là, vers Pontorson ce qui aurait l'avantage de sortir Antrain et le bourg de Romazy de leur isolement en Bretagne et de diminuer la distance de Rennes à la foire de Guibray (14 lieues au lieu de 26 par Miniac). Après bien des hésitations, faute de moyens, la commission des grands chemins se prononça certes pour l'ouverture d'un embranchement à Tremblay, mais garda l'ancienne direction en attendant des « temps plus heureux » pour ouvrir le chantier sur le tronçon de Rennes à Tremblay25. Ce retard gêna considérablement le trafic et le passage des troupes qui arrivaient en Bretagne par Saint-James.
- 26 Piganiol de la Force, Itinéraire de la France, 1740.
- 27 G. Arbellot, idem, 1973.
- 28 AD. 35, C 5148. Mémoires favorables à Vitré (20 avril 1769) et à Fou gères (3 mai 1769).
- 29 AD.35, C 5148. R. Cintré, « La réparation et la réfection des “Grands chemins”… », Le pays de Foug (...)
- 30 AD. 35, C 4723, 4827. Sur Ernée, M.-Ch. Gainié-Roger, Économie et Société…, maîtrise 1978, IARH.
- 31 AD. 35, C 5148. Obtenu par Berthelot.
13Piganiol de la Force reliait Dreux à Brest par Alençon, Ernée, Fougères, Saint-Jean, Saint-Aubin-du-Cormier et Rennes26 (actuelle nationale 12). La carte Perronet du milieu du siècle et le Guide de France (1810) de Hans Ottokar Reichard nous montrent une liaison plus méridionale par Laval27. Pour aller de Rennes et Paris, deux mémoires28 proposèrent en 1769, l'un de passer par Châteaubourg et Vitré, l'autre par Fougères. Les intérêts en jeu, considérables pour les deux cités, expliquent la longue polémique qui les opposa. La route le plus au nord par Fougères inquiétait depuis longtemps ses utilisateurs, des mares la coupaient entre Rennes et Liffré, son dessin la rendait dangereuse à Sainte-Anne, à Beaucé. Le passage de Saint-Aubin mal pavé obligea la poste à abandonner la ville comme relais au bénéfice de Saint-Jean-sur-Couesnon en 1776. Malgré les travaux ponctuels de 1712 et de 1714, cet axe devint impraticable en 1737, réparé en 1740, par les corvoyeurs de seize paroisses, il fallait encore en 1745, raboter la « montagne » de Gosné. Le trajet vers la Normandie au-delà de Fougères dut être refait en 1768 et en 1780. Enfin l'entrée de Fougères « très difficile » nécessitait de gros travaux29. La route de Vitré à Rennes plus courte (36 km contre 47) ne paraissait pas en meilleur état, surtout de Saint-Jean-sur-Vilaine à Rennes. Il fallait remettre en état toutes les traverses des bourgs et des villes. Tout ceci entraînait de fortes dépenses, moindres cependant que celles qu'il aurait fallu consentir en ouvrant la route du nord. Dans le Maine, les habitants d'Ernée avaient commencé leur route en 1769 et s'inquiétaient des réticences et des hésitations des États qui choisirent Vitré en 178030. En 1787, les rapports qu'ils reçurent indiquent de multiples chantiers en cours, dont celui du pavage des traversées de Saint-Jean et de Châteaubourg31. La route de Fougères ne fut pas pour autant négligée et connut quelques chantiers de réparations.
- 32 AD. 35, C 3159, 4554 et 4757.
- 33 AD. 35, C 3170.
14La sortie de la province par La Guerche, vers Craon et Angers, se trouvait en si mauvais état en 1760 que les marchands et les voitures ne pouvaient sans danger l'emprunter pendant les mois d'hiver32. La route suivait la rive droite de la Loire depuis Angers. Mal entretenue, son dessin demandait à être revu. Au hasard des urgences, des travaux avaient été entrepris ici ou là, par exemple en 1770 ou encore en 1774. La liaison avec Laval posait le plus de problèmes, le roi ordonna en 1775, d'ouvrir un embranchement qui d'Ancenis irait vers Craon. Les travaux concernaient les intendants de Bretagne et de la généralité de Tours, le duc de Chârost, baron d'Ancenis, et le comte de la Ferriau, seigneur de Saint-Mars. Les États de Bretagne durent prendre à leur compte la jonction entre la Chapelle-Glain et Pouancé, jusqu'à la limite de la province33. Si la coordination des travaux ne fut pas facile, l'obtention des fonds des uns et des autres le fut encore moins. Le franchissement de la Loire pour aller vers le sud de la Bretagne et de là, gagner la Vendée et les régions aquitaines se faisait à Nantes. Sur cette voie, nous avons seulement la trace de travaux d'entretien sur les routes de Machecoul de Nantes à Clisson ou vers les Sables-d'Olonne. Enfin, la naissance et le développement de Lorient rendaient l'axe Paris-Lorient essentiel au fonctionnement de la Compagnie.
- 34 AD. 44, C 530. Réparation des ponts Grenouillet et Saint-Antoine. Ogée, Dictionnaire…, 1845, t. I, (...)
- 35 AD. 35, C 4827.
15Les relations sud/nord, par Ancenis, Châteaubriant, La Guerche, Vitré, Fougères et Dol se faisaient très mal par des chemins dans un état déplorable, ce dont se plaignaient les marchands de ces villes. Châteaubriant, isolée au centre d'un territoire étendu dépendait de routes « sinueuses, encaissées, impraticables, permettant à peine d'exporter à grands frais le surplus d'une agriculture arriérée34 ». de Vitré à Fougères, la route passait au milieu des étangs et des marais, et les abords de Dol entraînaient d'incessantes réclamations. Quoique secondaires, ces routes connurent quelques travaux d'entretien des ponts, et les « recharges » indispensables. En 1787, les ingénieurs étudièrent l'ouverture de la route de Rennes à Angers par La Guerche35, mais cette voie nord-sud, peu fréquentée, resta dans un état assez critique.
Un réseau adapté aux multiples besoins mais inachevé
- 36 Colbert de Croissy, La Bretagne en 1665.
- 37 AD. 35, B 73 Registre secret. « Sur le développement d’un réseau militaire dans le Nord-Ouest de l (...)
- 38 A.D. 35, C 4724, Administration des grands chemins, 28 janvier 1783.
- 39 Il s’agit des conséquences de la politique du duc d’Aiguillon. H. Fréville, idem, 1953, t. II. p. (...)
- 40 Carte. BN. Fonds fr. 15387.
16La situation du réseau routier au cours du xviiie siècle sans être aussi catastrophique que d'aucuns ont bien voulu l'écrire, n'était pas été bonne non plus. Colbert de Croissy jugeait que les routes bretonnes permettaient de desservir correctement la province36. de fait le système combiné des voies permettait l'acheminement des hommes et des marchandises des campagnes vers les villes et de ville à ville. Ces liaisons, souvent par des chemins secondaires, correspondaient à des besoins limités, aux structures anciennes des échanges, entre un plat pays peu étendu et les marchés urbains ou ruraux, adapté aussi, nous l'avons vu, au commerce des produits bretons. Dès la fin du xviie siècle et tout au long du xviiie, l'aménagement du système routier breton correspondit à la fois au maintien du potentiel ancien et à son adaptation à des besoins nouveaux créés par le développement de grands ports atlantiques, par le rôle stratégique de la Bretagne. Le développement de Brest, celui ultérieur de Lorient, la desserte des grandes villes maritimes, Saint-Malo et Nantes, le passage des troupes modifièrent l'équilibre des liaisons anciennes et obligèrent des aménagements que le Parlement de Bretagne dénonça dans sa remontrance du 11 août 1764. Il s'en prit alors à l'arbitraire des corvées, à l'atteinte aux franchises bretonnes et à « la multiplicité des routes ouvertes pour ainsi dire ensemble et de la précipitation avec laquelle, on a voulu les perfectionner, même pendant la guerre ou dans un temps où vos peuples sont surchargés d'impôts37 ». Pourtant, un rapport sur l'administration des grands chemins présenté aux États en 178338, non seulement approuvait le nombre de lieues « ouvertes » en Bretagne depuis 175739, mais encore soulignait l'intérêt de perfectionner toutes les routes. L'expérience avait montré que si en période de paix, les axes est-ouest suffisaient pour les entrées et sorties annuelles des troupes, en période de presse, lors des guerres, des itinéraires secondaires déchargeaient les grands axes, ainsi des routes de Nantes à Saint-Malo par Rennes, Hédé, Saint-Pierre-de-Plesguen, Château-neuf et de Quimper à Brest par Locronan et Landaul40.
- 41 AD. 35, C 2273.
- 42 Nous retrouvons le même chiffre (800 000) en 1782.
- 43 AD. 35, C 4724. Observation générale (3 septembre 1770).
17En 1755, la guerre menaçant, le duc d'Aiguillon remarqua que les chemins « destinés au pourtour des côtes de Bretagne pour le service des batteries et des corps de garde pendant la guerre étaient impraticables [...], la plupart des riverains les ayant réunis à leurs champs et domaines par des clôtures41 ». En conséquence, Chocat fit réparer les ponts et les jetées de Locmalo, de l'île de Bréhat, de Corseul, les chemins autour de Paimbœuf, le pont de Becquerel sur la route d'Auray à Quiberon. On vit des ouvriers sur la voie d'Hennebont à Quimper et Landerneau, de Quimper à Audierne. En avril 1756, les ingénieurs ouvrirent encore la route de Pont-Scorff à Guidel et Ploemeur, et construisirent un pont provisionnel sur le Loch entre Hennebont et la rivière de Quimperlé. Ces travaux d'un intérêt économique restreint, profitèrent aux habitants. La guerre obligea, en 1756, l'ouverture d'un crédit supérieur à celui des années de paix : 800 000 L au lieu des 400 000 L de 1752 et 175442. de ce point de vue, le passage du duc marqua une rupture, mais on ne doit pas sous-estimer Chocat de Grandmaison, placé à la tête du service des ponts et chaussées à la demande des États. Appelé à Rennes par Gabriel pour s'occuper des problèmes de la reconstruction, sa tâche terminée, il s'apprêtait à repartir quand les États lui demandèrent d'inspecter les travaux en cours (en 1742, 80 lieues avaient été ouvertes), puis d'étudier le réseau routier. Il s'y attela avec des Commissaires des États de 1744 à 1746. En 1748, il contrôlait plus de 300 lieues, et en 1756, à la veille de l'intervention du duc d'Aiguillon, autour de 400 ramenées ensuite à 38543.
- 44 B. Lepetit, Chemins de terre et voies d’eau, 1984.
- 45 AD. 35, C 4724
- 46 M. Gautier, Chemins et véhicules de nos campagnes, 1971, p. 262. AD. 35, C 3935. J.-C. Perrot note (...)
- 47 Quatre chevaux au plus du 1er octobre au 1er avril, trois les autres mois.
- 48 AD. 35, C 3935. Respectivement 154 et 156. Les charges des charrettes passant par les barrières de (...)
18Bernard Lepetit remarquait la faiblesse générale des équipements sur les routes au début du xixe siècle mais concluait pour les départements bretons à une densité de desserte plus forte en Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Morbihan par rapport à la moyenne nationale et plus faible dans les Côtes-du-Nord et le Finistère. En 1820, la Bretagne avait moins de 8 % de ses routes pavées, mais près de 80 % empierrées en Loire-Atlantique, 80 à 87,5 % dans le Morbihan et l'Ille-et-Vilaine, et plus de 95 % dans le Finistère et les Côtes-du-Nord44. Les routes en empierrement ou en cailloutis correspondaient bien aux techniques de construction employées au xviiie siècle et satisfaisaient d'ailleurs assez bien la majorité des utilisateurs. Sur des routes mieux dessinées, plus larges, plus solides, mieux signalées (Monsieur de Bédée avait proposé dès 1720 de mettre en place à tous les carrefours des grands chemins des piliers munis de guidons et de signaux signalant les villes et les bourgs), bordées d'arbres, circulaient non seulement les milliers de lourds chariots dont les soldats comme les marchands avaient besoin, mais encore les voitures de voyageurs, des postes, la turgotine qui fit son apparition en Bretagne en 1776. Autant les chemins de campagne convenaient à une circulation à dos de bêtes, autant les routes royales devaient répondre à l'accélération et à l'augmentation du trafic. Il fallait des chaussées de cailloutage sauf « celles de pavés [qui] seront entretenues par la province ainsi que les ponts, sur lesquels, il ne se perçoit aucun droit sur le public ». Le pavé de chaque ville n'irait « que jusqu'à 50 toises au-delà des dernières maisons45 ». Les lourds convois finissaient par défoncer routes et chemins et forçaient souvent à dépaver les banlieues pour éviter les ruptures d'essieux et les accidents. Les chariots à quatre roues, tirés par six chevaux, dont la charge atteignait en moyenne 6 000 lp mais qui pouvaient porter davantage en augmentant le nombre des animaux de trait abîmaient moins les routes par la répartition du poids sur les deux essieux et les quatre roues, que les charrettes à deux roues aux charges moindres (3 500 lp) qui devinrent d'un emploi de plus en plus courant au cours du siècle46. L'ordonnance du 14 novembre 1724, limita le nombre des chevaux47. Elle eut peu d'effets en Bretagne, malgré les interventions de l'intendant, un arrêt du Parlement, il est vrai tardif, du 2 août 1766, et la déclaration du 31 août 1768. Mules et chevaux portaient grâce au bât, une charge de 250 à 300 lp. À Rennes, en 1782, 486 charrettes, 13 chariots et 927 bêtes de somme arrivèrent du nord par la barrière Saint-Martin. Le nombre de chariots en provenance de l'est augmentait : 29 chariots, 18 charrettes et seulement 17 bêtes. Voitures à deux et quatre roues s'équilibraient au Bourg l'Evêque48. Arrivaient ainsi, le sel de Guérande, la cire de Lamballe, le café de Lorient, les siamoises, la mercerie, les marchandises de Fougères, les cuirs, les poteries, les produits alimentaires, le papier, les morues, les sardines, le beurre, le fromage, le fil par la route de Saint-Malo et de Dinan. Le transport par animaux de bât, beaucoup plus souple, était moins exigeant en matière de revêtement. Les paysans passaient par les banquettes pour ne pas user les sabots des animaux sur les pierres et surtout les pavés. Les bêtes s'accommodaient bien des chemins de terre et le passage d'un grand chemin à un chemin de village ne leur posait pas ou peu de problèmes.
- 49 Théotiste Jamot Gohier, La poste aux chevaux dans la région malouine (1738-1820), Thèse, Rennes 2, (...)
- 50 H. See, Enquête sur les messageries en Bretagne en 1775.
- 51 De 1676 à 1736, le bureau de Rennes se trouvait place du Palais, puis de 1736 à 1739 rue des Dames (...)
19Il ne faut pas confondre en Bretagne, la Poste aux lettres et la Messagerie entreprise de transport public (coches puis diligences) avec la Poste aux chevaux sorte de « station service » où l'on changeait les chevaux des véhicules particuliers, berlines, cabriolets, chaises de poste et autres, des transports collectifs et des courriers et estafettes49. Depuis Charles IX, les voitures de transport en commun circulaient et en 1643, la messagerie royale relia la Bretagne à Paris50. Cette organisation connut des améliorations de 1760 à 1789, sous l'impulsion du duc d'Aiguillon, les postes aux chevaux réquisitionnés en temps de guerre servirent en principe de relais de transmission entre les troupes et les états-majors. Dès ce moment, les postes intérieures s'accrochèrent aux deux axes essentiels : 1°/ par Ploërmel, Pontivy, Rostrenen, Carhaix et Morlaix ; 2°/ au nord et au sud, par Moncontour, Loudéac, Pontivy, Baud et Hennebont. L'axe initial de liaison Rennes-Lorient se déplaça vers l'ouest passant désormais par Mordelles, Plélan, Campénéac, Ploërmel, Pléven et arrivait à Vannes : effet de la bataille menée pendant des années par les différentes collectivités sur les liaisons Rennes-Lorient. Néanmoins, un certain nombre de villes restaient à l'écart : en Basse-Bretagne, les villes du Léon, du Trégorrois, une partie de la Cornouaille (Douarnenez, Audierne, Pont-l'Abbé), en Haute Bretagne, toutes les villes des marches entre Vitré et Ancenis (Châteaugiron, Marcillé-Robert, La Guerche, Châteaubriant), enfin les cités au sud de la Loire. Par contre, le centre de la Bretagne, ce « désert » paraît bien desservi. La situation ne dépendait pas seulement du choix des tracés, l'organisation des transports, les conditions climatiques, le défaut d'entretien remettaient souvent en cause des décisions judicieuses. Ainsi, les voitures chargées des lettres de Vitré pour Rennes avaient des retards fréquents dus au manque de surveillance. Le transit de la correspondance par Rennes ou Nantes entraînait des délais supplémentaires51. Quant aux voyages hebdomadaires de Nantes à Laval, ils empruntaient des chemins de traverse en très mauvais état. Une partie du trafic échappait aux messageries, ainsi, les charretiers de Roscoff assuraient eux-mêmes le transport.
20En ce qui concerne les temps de transport, distinguons les nouvelles apportées par les courriers, les voyageurs et leurs effets, les marchandises, et aussi le type de véhicules. La distance temps dépend de deux paramètres : le type de marchandise et le moyen de transport. L'on doit admettre que la vitesse d'un piéton ou même d'un chariot ou d'une charrette n'a guère changé au cours du siècle, elle résultait de la saison, de l'état des routes, de la charge supportée. Par contre, les progrès des véhicules alliés à la construction de routes plus roulantes, raccourcirent le temps, rapprochant les Bretons de Paris et de Versailles. L'indicateur fidèle, de 1765 chiffre à 6,1/2 jours, le voyage des messageries de Paris à Angers, plus un 1,1/2 jour pour arriver à Nantes. En 1780, la diligence reliait la capitale à Angers et à Rennes en trois jours, Angers-Nantes par eau, mettait la ville bretonne à 5 journées. Le gain de temps en diligence Paris-Angers était de 54 %, celui de Paris-Rennes de 62 %, le voyage passait à 3 jours au lieu de 8.
- 52 G. Frèche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées…, 1974.
- 53 Coût comparatif : Rennes-Saint-Malo : un roulier prend 30 s en été 40 s en hiver pour 100 lp., de (...)
21Beaucoup d'auteurs soulignent avec raison les carences du système routier en Bretagne. Cette situation ne paraît pas exceptionnelle comparée aux autres régions du Royaume sur lesquelles nous possédons quelques renseignements. Nous constatons que Caen à la fin de l'Ancien Régime, ne possédait pas de liaisons régulières et surtout hebdomadaires vers Paris, à l'inverse de la capitale bretonne. La description des routes bretonnes ne diffère point de celles décrites par Georges Frèche52 pour la région toulousaine, au contraire « le désintérêt à peu près total manifesté par les autorités royales, provinciales ou municipales » qu'il remarque ne sort point des archives bretonnes53.
La navigation fluviale
Fleuves et rivières
- 54 A. Meynier, La formation du réseau hydrographique de la Vilaine, p. 153-184. Le Lannou, Géographie (...)
- 55 AM. Rennes, 83. AD. 35, C 4986, L. Schelen : « La navigabilité de la Vilai ne au xvie siècle » (Bi (...)
- 56 C. Nières, La Reconstruction…, de l’estuaire à Redon les voiliers remontaient à la voile, on les h (...)
- 57 AN. H 600, très beau plan du port livré en basse mer, le 27 fév.1742. (Copie Chocat de Grandmaison (...)
- 58 AD. 35, C 5037.
- 59 AM. Rennes, 231.
- 60 BN. 8306-8307.
- 61 de 1772 à 1782, 8513 bateaux avaient emprunté la Vilaine, ce qui faisait à 12 tx de charge moyenne (...)
- 62 AN. 520, AD. 35, C 4957. Les bateaux de Rennes à Messac avaient 52 p de long, 10 p de large et 2 d (...)
22L'utilisation des cours d'eau, le creusement de canaux constituaient une des solutions palliant les insuffisances routières. Très peu de fleuves et de rivières en Bretagne sont utilisables naturellement par les hommes et ceux dont le tracé et le débit pouvaient les intéresser demandaient des aménagements importants. La Vilaine coule entièrement dans le pays breton et constitue un axe nord-sud d'une grande importance malgré des conditions naturelles d'écoulement défectueuses en particulier de Messac jusqu'à Rennes54. La communauté de Rennes obtint de François 1er en août 1539 des lettres patentes l'autorisant à la rendre navigable de Rennes au gué Notre-Dame sous Messac. Fin xvie, à la suite d'échecs, elle se tourna vers des particuliers qui construisirent dix écluses en échange du monopole de la navigation pendant dix ans. L'accord royal de 1575, aboutit à la mise en état du fleuve en 1585. En 1599, la communauté demanda la propriété perpétuelle de la rivière qu'elle n'obtint qu'en 161455. Les transbordements successifs grevaient le prix du transport et ralentissaient le trafic. Seuls les navires d'une vingtaine de tonneaux remontaient l'embouchure jusqu'à Redon. Là, ils déchargeaient ou venaient prendre des marchandises transportées de Messac à cette ville par des barques plates d'un faible tonnage (5 tx.). Seules les marées de nouvelle et pleine lunes en gonflant les eaux laissaient naviguer des barques de 15 tx, mais seulement dix à quinze jours par mois lunaire. de Messac à Rennes, la circulation des navires ne pouvait avoir lieu pendant les longues semaines qui séparaient la Toussaint de Pâques56. Au-delà de Rennes vers Vitré, il n'existait aucun aménagement. En dehors de la Roche-Bernard au fond de l'estuaire, la Vilaine possédait trois ports dont deux de transbordement Redon et Messac57 améliorés au cours du xviiie siècle pour répondre aux besoins d'un trafic accru par les besoins de la reconstruction de Rennes. Dans cette ville, de nombreux bras du fleuve serpentaient dans la partie basse inondable et le lit principal n'autorisait pas une grande circulation. Les bateaux accostaient en aval au port Saint-Yves, petit emplacement au sud du cimetière de l'hôpital, à l'intérieur des remparts. En amont, les matériaux s'entassaient sur le Pré Pourri. Deux aménagements importants facilitèrent la tâche des transporteurs : le percement en 1738 de l'enceinte au bas de la rue des Francs Bourgeois58, l'agrandissement du port Saint-Yves et surtout, la construction du port de Viarmes en 1744 sur proposition de Mousseux en 1738. Les Rennais expliquaient volontiers le faible développement commercial de leur ville par la mauvaise qualité de cette artère nourricière59. Le xviiie siècle connut des projets ambitieux60, entraînant enquêtes, consultations, devis, voyages d'ingénieurs, recherches de financements, mais aucun n'aboutit, autant pour des raisons financières que pour des raisons économiques. Les ministres ne semblaient pas totalement convaincus de la nécessité de ces travaux onéreux pour un trafic qu'ils considéraient négligeable61. On continua d'entretenir les écluses en place depuis 1585. Trop éloignées les unes des autres selon Gabriel, elles avaient l'inconvénient de mal corriger la pente de la rivière62. Robe-lin appuyé par l'intendant et par le comte de Toulouse, voulait régulariser le débit des eaux dans leur traversée de Rennes. On construisit deux écluses en amont de la capitale à Joué et à Saint-Hélier. Les travaux de nettoyage du lit commencés en octobre 1723 durèrent jusqu'en septembre 1724. Rien ne fut entrepris en amont.
- 63 AD. 35, C 758. Leur entretien représentait une lourde charge dont Malestroit essaya de se débarras (...)
- 64 AD. 56, 129 E. 35 C 759. Lettre de Villeneuve à l’intendant (20 août 1785) protestant contre ce pr (...)
23Affluent de la rive droite de la Vilaine, l'Oust desservait la ville de Malestroit et se jetait en aval de Redon en un lieu qui servait de port, Aucfer. Au début du xviie siècle (1627), le roi accorda à Malestroit le droit de construire et d'entretenir les écluses de Rieux et de Beaumont63. Le transport par l'Oust revenant au quart du prix du transport par voie de terre, la ville proposa quand le moulin de Beaumont menaça ruine, non de le reconstruire mais de détruire les moulins pour rendre l'Oust « navigable ». Cela ne se fit point, sans doute à la suite de l'opposition du Comte de Blossac, seigneur du moulin. En 1787, les États décidèrent enfin de débloquer 34 000 L pour réparer sérieusement les deux écluses de Rieux et de Beaumont mais en 1789, leur état restait déplorable64.
- 65 Angle se trouve au confluent du Couesnon et de la Loysance au-dessus d’Antrain. Le Pas au boeuf ac (...)
24De Dinan à Saint-Malo, des gabares transportaient les marchandises les plus diverses, essentiellement des toiles et des bois dont une bonne partie servait au chauffage de la cité malouine. Les voyageurs utilisaient les « bateaux de Dinan » sorte de grandes gondoles. Les bateliers habitaient Saint-Servan et leur nombre avait été fixé à 45 en 1685. Leurs bateaux numérotés pouvaient transporter 12 à 14 personnes, il en coûtait 6 s par personne. Le voyage s'effectuait aller-retour avec un battement de six heures. Il existait un service Saint-Malo-Saint-Servan d'où l'on partait d'une cale située place du Naye près du Moulin Rouge. Les liaisons avec Saint-Malo se faisaient par le Sillon et les Talards. En dehors du flux et du reflux, ce long estuaire ne posait pas grands problèmes. Il n'en était pas de même du Couesnon en partie navigable seulement. D'après le Guide pittoresque de la France (1780), les Fougerais venaient chercher à l'Angle près d'Antrain le vin « qui arrivait par mer65 ». En 1784, la municipalité se plaignait que la rivière ne fut utilisable que peu de temps dans l'année. Pourtant du bois à destination de Saint-Malo arrivait par Angle, passait au Pas-au-Bœuf et de là vers Cancale et Saint-Servan. Le Couesnon coupé de barrages et de déversoirs (une quarantaine de moulins à blé, une dizaine à papier) avait besoin d'être régularisé et déjà en 1577, on projetait un canal. Le lit du fleuve changeant fréquemment, l'on tenta au xviiie siècle de le fixer. Cette région qui connut un vaste aménagement rural par l'assèchement des marais et la construction de digues, avait un trafic dont nous savons les objets échangés (bois, sel, vins ou cidre) sans pouvoir en apprécier le volume. Les marchands allant à Pontorson, Antrain par le Pas-au-Bœuf étaient moins nombreux que ceux passant par les digues, car les bateaux arrivant aux Quatre-Salines, devaient transborder leurs marchandises sur des barques plates. Quant aux autres fleuves, seule leur embouchure se trouvait utilisée sur toute sa longueur : l'Odet réunie au Steir à Quimper navigable à marée haute sur 17 km, le Trieux, le Scorff jusqu'à Pont-Scorff, la rivière de Châteaulin (l'Aulne) avec Port-Launay. La Loire navigable sur une longue partie de son cours permet de relier le complexe portuaire de Nantes à un arrière-pays qui dépasse largement les limites provinciales. Elle termine son cours en Bretagne après avoir accompli la plus grande partie du trajet. Elle a alors reçu ses affluents principaux et coule sur une largeur de 400 à 1 000 mètres d'Ingrandes à Couëron, Le Pellerin, soit dans un seul lit, soit en s'étalant en de nombreux bras. On connaît son régime avec ses crues énormes et ses très basses eaux (de 10 000 m3/s à 60). Le seul affluent important, l'Erdre, devient navigable après Joué. Mais le fleuve en s'ensablant posait de grands problèmes. En dehors de travaux, l'on se contentait d'édicter des règlements pour éviter le comblement des chenaux en interdisant dans les villes le déversement des ordures, en obligeant les propriétaires d'épaves à les enlever. On voulait aussi, en période sèche, empêcher les propriétaires des moulins de rançonner les navigants en fermant leurs retenues. Il fallut attendre la décennie qui précéda la Révolution pour que s'ouvrent sur la Vilaine d'immenses chantiers.
Echec des grands projets d'aménagement
- 66 Rosnevynen de Piré, Projet d’un port du Roi dans la Manche contiguë au port de Saint-Malo, approvi (...)
- 67 AD. 35, C 4947, 4951, 4955, 4957, 5036, 5037. En 1730, Abeille proposait un canal de jonction entr (...)
- 68 AL 930, Février 1791, État adopté en 1784.
- 69 Les régiments Penthièvre et Condé fournirent l’un 450 hommes et l’autre 400.
- 70 On adjugea la même année les réparations aux écluses de Macaire, la Molière, le Gailleu, la Bouexi (...)
- 71 AD. 35, C 4949, 4950.
- 72 A. Marteville, « Rivières et canaux », p. 25-33, Dictionnaire…, 1843.
25Le rôle stratégique de la Bretagne, l'importance de Brest et accessoirement de Lorient, conduisirent au cours du xviiie siècle à vouloir faire de la Vilaine un des maillons d'un système fluvial reliant Nantes à Brest et la Vilaine à la Rance. Depuis longtemps, les Bretons espéraient créer un réseau cohérent reliant Nantes à Saint-Malo, avec des raccordements à l'extérieur par la Mayenne. Ce vaste projet resta utopique, jusqu'à ce que l'État sachant la réalité de la menace pesant sur les liaisons maritimes en période de guerre, s'intéresse aux exemples étrangers, à la proposition des États de Bourgogne de creuser le canal du Charolais en 1778. Aussi autour des années 1780, les discussions reprirent et les États examinèrent le projet de Rosnevynen de Piré articulé en trois directions dont une concernait les relations fluviales de Rennes à l'Océan66. Les États délibérèrent les 29 et 30 janvier 1783, s'attachant surtout à la dernière partie du projet. Ils créèrent à cet effet la Commission Intermédiaire de la Navigation Intérieure de la Province et demandèrent au Roi qu'il leur accorde la pleine propriété de la navigation afin d'éviter le paiement de lods et ventes, rachats et indemnités diverses. Seuls les seigneurs riverains garderaient leurs droits de pêche. Ils sollicitèrent aussi l'autorisation d'emprunter 625 000 L pour 1783 et 1784. L'indemnisation des propriétaires se ferait selon la nature du fonds (du denier 20 au denier 30). Enfin, la ville de Rennes devait leur fournir la recette des écluses pendant dix ans afin qu'elle puisse être remboursée par une rente de même valeur. Le Roi donna son accord fin67 mars 1783 et choisit Coulomb, alors capitaine en premier au Corps Royal du Génie, membre de l'Académie des Sciences auquel furent adjoints M. de Chézy, inspecteur général des Ponts et Chaussées et Liard, ingénieur pour examiner les meilleures solutions pour obtenir un tirant d'eau de quatre pieds afin de laisser passer en toute saison des bateaux de 70 à 80 tx. Les États pressés accordèrent le droit de commencer à partir de Redon si la dépense n'excédait pas 2 ML. Le prix des ouvrages d'art fut fixé pour la totalité du projet à 4 516 216 L, celui des terrassements à 3 219 316 L, auxquels, il convient d'ajouter 937 874 L d'indemnités, 1 629 227 de cas imprévus, soit 10 302 634 L, somme considérable68. Sitôt les ingénieurs repartis, ils demandèrent au souverain de désigner les conducteurs responsables des travaux. L'ouverture des chantiers fixée au 15 juin 1784 se fit avec solennité. Soldats et paysans travaillèrent en particulier sur la première section prévue en commençant par Redon69. Commencées en 1785, les écluses de Cicé et de Fougères-Malon se trouvaient presque terminées fin 178670. L'on répara les autres entre 1787 et 1788, celles de la Bouëxière et de Pont-Réan, ainsi que de Messac en 178971. Seule cette partie fut terminée avant la Révolution et il fallut attendre le xixe siècle pour que la canalisation bretonne fût faite72.
- 73 Rosnevynen de Piré, Observations faites…, 22 décembre 1784. Vauban, Lallemand s’étaient déjà occup (...)
- 74 BN. V 16391, Observations concernant le commerce français en général, le projet d’une ville commer (...)
26Dans l'esprit des promoteurs, et en particulier de Piré, deux préoccupations majeures sous-tendaient les projets. La première d'ordre militaire, il fallait ravitailler les ports par l'intérieur pour échapper aux dangers maritimes. La seconde économique, la Bretagne surtout intérieure leur apparaissait « engourdie », en raison du mauvais état des grandes routes et surtout des chemins de traverses continuellement défoncés par les lourds charrois. Ils voulaient surtout développer l'axe Saint-Malo-Rennes-Redon dont ils espéraient l'essor depuis l'autorisation accordée à tous les ports du royaume de faire le commerce des îles. Redon aussi bien protégée que Nantes, en relations avec la Manche et l'intérieur pourrait ainsi sinon supplanter la cité de la Loire tout au moins la concurrencer, Rennes jouant alors le rôle d'entrepôt. de leur côté les Nantais voulaient profiter de la présence de Coulomb et de ses adjoints pour qu'ils étudient aux frais de la ville, la possibilité de joindre la Loire à la Vilaine par les marais de Pontchâteau ou par l'Erdre réunie à l' Isac. Les États le leur refusèrent. Piré proposait aussi de rendre l'Oust navigable, ainsi que la rivière de Carhaix73. On s'intéressait aussi aux ports de Bénodet et de Quimper afin de « pouvoir avec sûreté approvisionner Brest en faisant parvenir à Quimper par la rivière d'Odet toutes les munitions destinées pour la marine, d'où il est facile de les transporter par terre à Châteaulin ». Une solution consistait à rendre la rivière navigable en supprimant les « pêcheries qui obstruent dans cette partie, le chenal ». L'ingénieur Brie présenta un autre projet qui cherchait à installer en France « une ville commerçante de premier ordre ». L'auteur s'intéressait à Pornic qui « serait en temps de guerre, la meilleure rade auxiliaire et de refuge [...] autant inabordable à l'ennemi que celle de Brest », où pourraient aborder les convois marchands qui « tous viennent s'assembler vers Belle Ile ». Par la suite, Pornic pourrait être relié à Nantes par un canal74. Le projet n'eut pas de suite.
Les liaisons maritimes
- 75 Dans l’enquête sur les Messageries (H. Sée, op. cit.), l’on faisait remarquer que tout le commerce (...)
27La situation de la Bretagne la mettait au contact des circuits maritimes reliant le nord et le sud de l'Europe par la Manche et l'Atlantique et lui donnait une position géostratégique de première importance. En même temps, la mer constituait une voie de passage des plus empruntées pour assurer les liaisons entre les différentes parties de la province75.
Une situation favorable, des problèmes nombreux
28La nature semble avoir particulièrement favorisé cette province. Les 1 100 km de côtes (3500 avec les rias et les îles) présentent néanmoins des conditions d'atterrage fort différentes. Il y a une opposition marquée entre le littoral du nord et de l'ouest très découpé aux écueils très nombreux, où le vent souffle souvent avec violence entraînant de fortes tempêtes et le littoral sud aux conditions de navigation plus faciles. Le passage au large du Finistère constituait un des obstacles les plus redoutables. de plus, ces côtes subissent les attaques de la mer modifiant rentrants et saillants et les conséquences de l'alluvionnement fluvial tendant à combler les rias.
- 76 BN, nle acq. fr. 1491-1492, t. II. Étude sur les côtes de Bretagne, f°88, na 370-371, man. fr. 153 (...)
- 77 AD. 35, C 3911, État des bureaux des ports et havres divisés par principalités, 1732.
- 78 AD. 35, C 966, État des ports bretons, 1780
- 79 A. Letaconnoux, Le problème des subsistances, 1911.
29Les contemporains enquêtèrent à maintes reprises pour des raisons militaires sur les possibilités offertes par le littoral breton76. En dehors des 109 lieux d'atterrage relevés en 1703, il existait aux yeux des spécialistes quelque 50 à 60 ports et havres. L'état des bureaux des ports et havres, établi pour des raisons fiscales en 1732 concerne 58 localités « où il peut se faire des embarquements et des débarquements77 ». Un autre document très postérieur, relève 84 ports et havres dont 50 pour la seule Bretagne méridionale78. Letaconnoux de son côté passa en revue toutes les possibilités du littoral breton et en répertoria 13579.
30En réalité ces termes « ports et havres » couvraient des situations fort différentes. Sous l'ancien régime, le premier mot concernait les échouages et le second de petites baies plus ou moins enfoncées, d'ouverture étroite, rias et abers. Il s'agissait dans ce dernier cas de bassins naturels dans lesquels la plupart des ports bretons sont effectivement installés et où se développèrent des villes maritimes. Pour des raisons de commodité, j'utiliserai le mot port dans le sens retenu par les dictionnaires de marine :
- 80 Dictionnaire Gruss de Marine, 1978 article. Port, p. 244.
« Abri naturel ou artificiel aménagé sur une côte pour protéger les navires contre la tempête et installés de telle sorte que ces navires puissent, par tous les temps, y opérer leur chargement ou leur déchargement. La partie de la ville avoisinant les bassins et comprenant les divers docks à marchandises, les cales sèches et toutes les installations nécessaires aux opérations commerciales ou aux réparations des navires, s'appelle aussi le port80 ».
- 81 J. Daumenil et A. Allier, Histoire de Morlaix, 1879 p. 441.
- 82 AD. 35, C 4504. nd. La digue de Pen-Bron, promontoire artificiel « à l’extrémité de la langue de t (...)
- 83 AD. 35, C 430. Supplique des négociants et marchands de la ville de Redon 24 juillet 1765.
31La plupart de ces lieux n'autorisent qu'une activité maritime réduite à des navires de faible tirant d'eau, de petit tonnage embarquant des marchandises locales. Rares, les ports en Bretagne capables d'accueillir tous les types de navires et surtout de fournir refuge aux plus imposants. L'augmentation bien connue des tonnages et des dimensions des navires posa de sérieux problèmes à un certain nombre de ports établis depuis longtemps. Sans doute, existait-il, des mouillages qui, sans difficulté, auraient pu accueillir les plus gros navires (Aber Wrac'h, Aber Benoit ou encore Portsall), mais aucun n'avait donné naissance à une ville. de plus, alors que la profondeur d'un port à marée haute et à marée basse constitue une des données naturelles les plus importantes, beaucoup de ports bretons s'ensablaient et présentaient des conditions d'accueil de plus en plus difficiles. Béchameil de Nointel déplorait qu'à Couëron (à trois lieues de Nantes) n'abordait plus que « des petits bâtiments de quarante à cinquante tonneaux » où les plus grands vaisseaux allaient autrefois. Quatre bancs de sable, plus « une barre ou traverse qui [s'était] formée dans la rade du Bas Paimbœuf qui s'exhausse et a entraîné le naufrage de six navires ou un échouement depuis 1771 », encombraient le fleuve en aval. Une « chaîne de rochers » gênait la circulation devant Saint-Nazaire. D'autres ports connaissaient des difficultés semblables : Morlaix accessible seulement aux navires ne dépassant pas 200 tx, Audierne81, à l'ancienne jetée presque entièrement détruite en 1766. Des bancs de sable toujours renouvelés menaçaient le port du Croisic et les grandes tempêtes de 1712, de 1713 et de 1751 n'améliorèrent pas la situation d'un port très ensablé en 175582. Situation aussi préoccupante à Pont-L'Abbé dont le port en 1770 ne suffisait pas au trafic de la ville. La Roche-Bernard et Redon ne valaient guère mieux : le premier « ruiné par l'abondance des vases » et le second dangereux « de tout temps et particulièrement en hiver par la rapidité du courant83 ». Quant au petit port de Quimperlé, l'inondation de 1746, l'avait comblé de pierres et de vases.
- 84 AD. 35, C 1186 4 octobre 1754. Commission composée de La Sauvagère, Ma gin, Bavau, Villeminot et C (...)
- 85 Mairie de Hennebont, RCV. BB 13, 31 janv. 1720, 4 nov. 1730. A Nantes, AN. Fonds marine. D2 52. 17 (...)
- 86 AN. fonds mar. D2 52. Problème quasi général, par ex. à Dantzig il était interdit de jeter du lest (...)
- 87 AN. fonds mar. C4. 175. On distinguait à Saint-Malo le lest de pierre (12 s, le bateau) du lest de (...)
- 88 AN. fonds mar. C4. 170. Un maître de quai à Quimper, à Pont-L’Abbé, deux à Redon commis par l’Amir (...)
32Aux difficultés naturelles s'ajoutaient celles créées par les hommes. La digue de Pen-Bron facilitait le dépôt des sables lorsque soufflaient les vents du nord-ouest. En 1754, les ingénieurs des ponts et chaussées venus à Vannes, constatèrent l'envasement du port. Leur rapport incrimina la transformation en jardins des fossés de la ville : « les eaux des marées perdantes [n'avaient] plus l'action suffisante pour entraîner les vases que la mer en montant amène ». Vingt ans plus tard en 1774, le port restait envasé84. À Dinan, la cale construite sur la rive droite de la Rance en 1757 avait en débordant de 15 pieds sur le fleuve, empêché l'enlèvement des vases à chaque marée. En 1776, les négociants demandèrent qu'elle fût détruite et remplacée par des degrés. À Redon, la cale du quai d'Aiguillon rendit la navigation dangereuse en augmentant le courant. S'ajoutait comme à Morlaix85, l'habitude des habitants de jeter leurs ordures. Enfin, le délestage sauvage provoquait des exhaussements. Les navires qui arrivaient au port sur lest s'en défaisaient quelquefois irrégulièrement avant de charger les produits. Les navires en provenance de Bourgneuf ou du Croisic lestaient de sel, alors que les Hollandais et les autres avaient la mauvaise habitude de jeter leur lest à l'entrée du port « pour diminuer les frais de délestage86 ». Partout ailleurs les navires délestaient selon les règles ou les habitudes. Saint-Malo à part87, cette opération n'était pas soumise au paiement de droits. L'équipage des navires, ou des travailleurs spécialisés, déchargeaient pierres et sables aux endroits que leurs indiquaient les maîtres de quai ou les officiers de l'amirauté qui en faisaient fonction, voire des habitants de la ville nommés à cet effet par les communautés88. Dans la plupart des ports, on transportait le lest au-dessus des plus fortes marées, afin qu'il ne fût pas repris par les eaux. Quelquefois, il servait aux chantiers, à Quimper il fut utilisé « contre les quais afin de les remblayer ». À Pont-L'Abbé, à Hennebont, le lest de pierre allait sur la rive à l'emplacement du quai projeté tandis que l'on rejetait le sable dans une prairie.
- 89 A. Guilcher, Histoire de Brest, 1976, p. 14-18
- 90 AN. fonds mar., D2 50.
33L'accès de la rade de Brest à partir de l'Océan est facile avec un vent favorable. de vastes plateaux de rochers affleurent au nord et au sud (Molène et Sein) mais, entre eux, s'ouvre la large et profonde avenue de l'Iroise. Les quelques rochers existants facilement évités, le goulet franchi, la rade présente l'avantage d'une quasi absence de rochers en ses eaux. La Penfeld fournit un bon abri étroit et encaissé et possède en amont des eaux dessalées où on pouvait « conserver et faire s'affermir pendant des décennies les bois de construction des navires du Roi89 ». Brest disposait des criques de Troulan et de Pontaniou. Lorient possède le même type d'avantage. La rade constituée par les vallées du Blavet et du Scorff envahies par la mer, permet l'atterrage de gros navires. Louis XIII justifia en partie son choix par la grandeur, sûreté, facilité d'accès du havre de Blavet. Proche de la ville, le port de la Brèche avec un tirant d'eau de dix pieds pouvait recevoir barques de pêches et chaloupes de marchandises. Quelques-uns de ces ports combinaient un chenal insuffisant et une approche lointaine plus ou moins délicate. Le port de Dinan avait en amont pour limite, le vieux pont en pierre à cinq arches qui franchit la Rance. En aval, une courbe du fleuve retardait les navires et empêchait qu'ils puissent être déchargés et rechargés pendant le même flux de marée. Les Dinannais conscients de ces difficultés naturelles envisageaient sa suppression dès 1635, mais durent attendre 1829 ! Pour arriver à Vannes, cul-de-sac qui s'asséchait à basse mer et ne recevait que de petites barques, encore fallait-il franchir trois lieues, subir plusieurs courants et éviter nombre d'îlots. Encore Conleau se trouvait-il à une lieue de la ville. Que dire de Saint-Malo, aux rochers : « effrayants pour les marins qui ne connaissent pas l'entrée » et dont le port deux fois par 24 heures totalement à découvert, laissait les navires à sec sur la grève. En 1764, à Concarneau existait encore en 1764, à l'entrée du port, « une roche plate et longue [...] à fleur d'eau dans les basses marées » que plusieurs bâtiments avaient touchée90.
- 91 AN. H 520, 600. Mairie de Redon P. 23. Comptes et mémoires (1742-1782).
- 92 AD, 35, C.664. Lettres du maire à l’intendant (5 mai 1718), du sieur de Bois Billy au même, (3 jui (...)
- 93 AD. 35, C.4504. Port du Croisic, mémoire : 1 200 toises de digues.
34Enlever les sables, les vases, les pierres, obligeait depuis des siècles un travail de Sisyphe. Le xviiie siècle ne fit pas exception et les comptes nous donnent la mesure de l'effort. Les Redonnais se plaignaient depuis 20 ans des vases de vases qui encombraient le port91, quand ils obtinrent en 1738, l'ouverture des travaux mais en 1767, les vases avaient bâti un nouvel îlot ! Efforts tout aussi inlassables à Quimperlé tout au long du xviiie siècle où la situation préoccupante en 1699 ne semble être meilleure en 1766. Quimper, le port curé, il fallut dégager le chenal : « l'entrée, même la totalité de son port [étaient] encombrés par des sables et graviers » qui empêchaient les barques, même les moyennes, de monter pour être déchargées à proximité des magasins. Robelin proposa en septembre 1723, le curage et le nettoiement du port de Morlaix. En 1728, rien n'ayant été fait, Garengeau déclara absolument nécessaire de débarrasser le port des alluvions apportées par les deux petites rivières qui limitaient sa capacité aux navires de 40 tx au lieu des 300 tx nécessaires au développement du trafic. L'ingénieur envisageait de creuser le chenal de trois pieds, d'escarper deux rochers et enfin grâce aux pierres récupérées de construire en amont une écluse92. À Tréguier en 1750, à Saint-Brieuc en 1760, l'on entreprit des travaux de creusement. Au Légué, on régularisa le chenal au tracé encore amélioré en 1785. Au Croisic, après les avatars de la digue de Pen-Bron, les habitants proposèrent la construction de deux autres digues et l'approfondissement du chenal de cinq à six pieds pour empêcher l'arrivée des sables. Les chantiers terminés, les navires de 300 et 400 tx purent à nouveau entrer dans le port93. Après avoir profité de conditions favorables ou surmonté les obstacles, encore fallait-il trouver la place pour abriter, charger et décharger les marchandises, les matériaux, à Saint-Malo à l'espace sous les murs insuffisant, au Légué, port de Saint-Brieuc, « beaucoup trop petit à raison de l'augmentation du commerce ». Si, Brest, Port-Louis, Lorient, Morlaix et Auray, jouissaient de bonnes situations naturelles, tous les autres ports devaient résoudre des problèmes d'accès immédiat ou lointain, de place et cherchèrent des solutions dans des directions souvent complémentaires.
Des solutions diverses
- 94 AD. 35, C 4906 Mémoire des habitants de Paimboeuf 22 déc. 1768. Jusqu’en 1760 : « 0n n’avait jamai (...)
- 95 Pour Ogée, la gabarre de Nantes à de 50 à 120 tx. Expilly parle de 286 grandes barques et chaloupe (...)
- 96 M. Hérubel, idem, 1937 p.35. AG. art. 4, sect. 2, 3, 1°carton.
- 97 AN. fonds mar. C 170.
- 98 Idem, trois livres en plus pour Pornic et un tiers en plus du tarif de Paimboeuf pour Bourgneuf.
- 99 AD. 35, C.4906. Approuvé par les États le 11 oct. 1776. Coût estimé à 60 000 L au lieu des 6 000 L (...)
35Les activités portuaires de la plupart des villes maritimes reposaient depuis longtemps sur l'existence de un ou de plusieurs appendices. Nantes se trouvait à 56 Km à l'intérieur des terres, à un endroit où le fleuve est large mais peu profond, les navires de fort tonnage s'arrêtaient ou partaient trois lieues en aval. Couëron et surtout Paimbœuf constituaient des avant ports indispensables au trafic dès la fin du xviie siècle. Paimbœuf, petite bourgade, possédait quelques hôtels et cabarets « pour la commodité des gens94 ». Le trafic augmentant, les Nantais envisagèrent d'y entreprendre des travaux, quatre cales et un môle, aménagé en 1766 que les ingénieurs proposèrent en 1775 de reconstruire. L'ingénieur Perronet voulut en 1776, faire là « l'entrepôt de tout le commerce de Nantes », accessible aux navires d'au moins 200 tx. Ce projet aboutit partiellement en 1783-1785, par la construction d'un môle de 140 toises et d'une chaussée de débarquement de 45 toises. Pellerin et Paimbœuf devinrent des ports complémentaires. On déchargeait à Paimbœuf les bâtiments que l'on désarmait, radoubait, réarmait à Pellerin puis reconduisait à Paimbœuf. Une flottille de gabarres et de petits bâtiments de 80 à 120 tx, transportaient les marchandises à Nantes ou de Nantes à Paimbœuf95. En 1787, Samuel Ricard qui vit de grands vaisseaux et des navires de 60 et 80 tx monter jusqu'à la Fosse, jugeait le port de Nantes, posséder un véritable complexe portuaire avec des ports plus éloignés, satellites de la grande cité : Bourgneuf, le Croisic et Pouliguen. Là, écrivait-il, les négociants nantais faisaient leurs armements. Il ne parlait pas des autres ports sur le fleuve, en particulier de Saint-Nazaire sur lequel nous possédons peu de renseignements au xviiie siècle. Sur le site, un castrum existait autrefois avec derrière un village accolé. Un château aurait été construit en 577 et une église paroissiale élevée en 1405 (elle sera démolie en 1896)96. Le règlement de 1699 prévoyait d'installer à Nantes une centaine de pilotes lamaneurs logés à Saint-Nazaire et chargés de conduire les bateaux à Paimbœuf et de les en sortir. de là, les pilotes d'Indret les amenaient à Nantes ou les y reprenaient97. Les pilotes de Saint-Nazaire allaient aussi chercher les navires sous Belle-Île ou les autres îles et il leur arrivait de les prendre à Pornic et à Bourgneuf. Dans ces deux cas, les tarifs étaient plus élevés98. En 1775 M. Louault de la Ville Martin proposa, pour améliorer le service par mauvais temps, qu'on construisît un môle pour les chaloupes des pilotes côtiers. Bien qu'approuvé par les États en 1776, le projet échoua parce que trop cher. On préféra rétablir le môle de Paimbœuf et mieux signaler le passage99.
Le Légué en 1736
36(d'après le plan levé par Chocat de Grandmaison 1/10000)
37À Nantes, les travaux commencés en1644 et 1694, continuèrent mais n'empêchèrent pas le port au vin d'assécher en 1722. Aucune solution sérieuse n'avait été proposée ou retenue quand en 1753, Magin suggéra de réunir les eaux en un seul canal. Ce projet approuvé par les États en 1760 et justifié par Perronet en 1769, consistait à ramener le lit du chenal à 120-150 toises de large, de l'endiguer sur 370 toises, d'aménager les deux traverses de la ville, de les nettoyer et de permettre aux navires de fort tonnage de remonter jusqu'à la cité. Les résultats des chantiers de 1765 et 1769 furent loin de correspondre aux espérances puisque seuls les navires de 150 à 180 tx eurent accès aux quais et en 1789, la Loire s'écoulait en six bras.
- 100 AG. St-Malo, art.8, Vauban : « Réponse aux échevins », 1700.
- 101 AD. 35, 438-441.
- 102 L. BAZIN de Jessey, « Le port national de Montmarin… », SAF. p. 91 et suivantes.
38Les mauvaises conditions d'accostage à Saint-Malo, la petitesse du port expliquent pourquoi cette ville, devait s'appuyer sur tout un ensemble de ports complémentaires. Les Malouins avaient cinq rades à leur disposition : La Frenaye, Saint-Cast, La Conchée, la baie de Cancale et la rade sous le château de La Latte. Ces deux dernières offraient les plus grands avantages. Sous La Latte, les vaisseaux allaient d'ordinaire mouiller et attendre les vents favorables, quant à la baie de Cancale, les bâtiments de Granville y venaient souvent quoique le port « sèche en partie de toute marée, on peut entrer en cette baye de tous vents et en sortir de même ». Vauban portait un jugement sévère sur le port de Saint-Malo : « mauvais échouage où les vaisseaux souffrent beaucoup et sont brûlés par les premiers garnements à qui il en prendra l'envie100 ». Les Malouins songèrent à aménager la Rance. Déjà, le port de Solidor, un des plus commodes que l'on connut (on y construisait les grands navires et les frégates), avait permis à 15 vaisseaux de ligne de s'y réfugier et d'échapper au désastre après la bataille de la Hougue en 1692. Plus en amont, les pêcheurs et les caboteurs trouvaient un abri dans le havre de Dinard utilisé à moyenne marée par les vaisseaux de 300 tx. Tout ceci ne constituait pas un grand organisme. L'idée germa de construire un port royal, réunissant Saint-Malo et Saint-Servan. Vauban proposa en 1696 de mettre en place un grand bassin à flot pour remplacer le bassin d'échouage. Bien qu'approuvé par le conseil du roi le 22 avril 1697, ce projet et ses variantes se heurtèrent à l'opposition des habitants des deux cités. Garengeau reprit le projet en 1720, il pensait à l'extension du port vers Grand Bé, Rosnyvinen, comte de Piré, Bigot des Isles et Dudemaine Pineaux101 qui obtinrent l'appui des États de Bretagne défendirent l'idée mais se heurtèrent encore aux Malouins soutenus par les Cherbourgeois. Repris à nouveau en 1790 et 1791, le dessein eut un commencement d'exécution en 1836. Sur la Rance, l'initiative privée créa à Montmarin, un petit port que racheta Benjamin Dubois armateur à Saint-Servan. La marine royale y fit construire en 1787, cinq paquebots et six corvettes102.
- 103 AD. 35, C 3170. A Landerneau s’entassaient : « une infinité d’effets et de denrées pour les magasi (...)
- 104 A. Musset, « Le port du Légué », AG, 1927 p. 269.
- 105 AD. 35, C474. 26 janv. 1756. devis et estimation Chocat ; 12 juillet 1758, projet Magin et Frotin, (...)
- 106 AD. 22, C.3, 1773. Lettre du 24 juin 1785 de Bretagne.
- 107 AD. 35, C.3170. Demande de la communauté aux États.
39Les ports bretons les plus importants ne pouvaient soutenir leur commerce qu'en s'étalant largement dans l'espace et en « satellisant » les agglomérations maritimes proches. Auray, port excellent, ne recevait pas les navires de gros tonnages qui mouillaient à Conleau. Très enfoncées dans les terres, Saint-Pol-de-Léon avait Roscoff ; Guingamp, Pontrieux ; Saint-Brieuc, Binic et surtout le Légué ; Châteaulin, Launay ; Quimper, Bénodet où arrivaient des vins et des matériaux de construction ; Brest, Landerneau, « arrière-port » qui lui servait d'entrepôt103. La baie de Saint-Brieuc découvre largement à marée basse et la mer remonte jusqu'à 3 km à l'intérieur. D'une profondeur médiocre, un chenal sinueux de 1 500 m de long sur 25 de large relie le port à la mer104. Le Légué installé aux pieds de la ville en était le débouché parce que mieux placé pour jouer ce rôle que les autres ports de la baie, Erquy, Dahouet, Binic, Portrieux. Pendant la seconde moitié du xviiie siècle, les Briochins s'occupèrent de l'aménagement du port et de la liaison avec la ville. Il fallait transformer le chenal à la navigation trop difficile, construire des quais et des cales. À partir de 1756, devis et mémoires se succédèrent105, les travaux avancèrent, lentement au fur et à mesure des possibilités financières. Encore en 1776, l'ouvrage n'atteignait pas « son degré de perfection ». Cependant, quoique modestes les premiers travaux changèrent le port, avec la construction du quai d'Aiguillon entre 1758 et 1767, de deux cales et le curage du chenal. En 1773, les ingénieurs reprirent le projet de 1758 non totalement exécuté. Ils dessinèrent les pentes des cales assez douces pour y faire descendre les charrettes. En 1785, la communauté souligna le besoin : « de terminer le nouveau canal et de construire une cale côté ville106 ». La permanence des demandes, l'attention de l'intendant ont fourni des sources abondantes qui ne peuvent cacher la médiocrité du port et le caractère limité de son trafic. Lamballe cherchait un port pour assurer son commerce. Voulant échapper à l'attrait du Légué, elle porta son choix sur Dahouet, petit port au nord de la cité, au sud-est de l'actuel val André. de faibles dimensions, mais bien placé, il pouvait accueillir les navires de Saint-Brieuc, Binic et Portrieux empêchés par le vent de franchir le cap Fréhel, il permettait surtout aux Malouins de venir chercher les blés de Lamballe. Le port devait comprendre : un quai, une cale de construction et un chenal servant à fournir de l'eau à une écluse de chasse, il aurait une profondeur de 7 pieds. Les premiers travaux consistèrent en de simples aménagements. Quelques rochers sautèrent pour empêcher que les barques ne s'y brisent ainsi que cela c'était produit, on mit en place de quelques balises et de longues perches de signalement107.
- 108 AN. fonds mar. D2 50. Magin, 13 janv. 1764. ouvrages entreprendre à Concarneau. AD. 35, C 4713, RC (...)
- 109 AG. art.4, sect.2. 3 février 1712 ; AD. 35. 0.1175 ; AG. St.-Malo, art.8 cart.2. Arrêt du 24 avril (...)
- 110 AD. 35. 0.1175 ; AG. St.-Malo, art.8 cart.2. Arrêt du 24 avril 1717. Plans de réparations du 28 ma (...)
- 111 Cambry, Voyage…
40Chacun sait que le havre de Blavet attirait à lui tous les navires par mauvais temps, mais une fois la tempête passée, il leur était difficile de s'en aller « au havre de Blavet, bien fol est qui s'y met », seuls des pilotes pouvaient indiquer les chenaux utilisables. En 1690, le port possédait trois pilotes jurés de fort mauvaise réputation, « très ivrognes et très ignorants ». Deux pilotes entretenus vinrent les épauler. Les uns et les autres se heurtèrent à la rivalité de ceux de l'île de Groix et la répartition du travail se fit en fonction du vent. La plupart du temps, les maîtres de barque, les pêcheurs servaient de pilotes. À Quimper, à Audierne c'étaient ceux de Penmarc'h, de l'île Tudy, les pêcheurs de la baie s'occupaient de Port-Launay, Camaret, Daoulas, ceux de l'île Tudy et de Bénodet, de Pont-L'Abbé. Vannes utilisait les pêcheurs de Quiberon, de Locmariaquer, de Houat, de Hoëdic, de Belle-Île et Redon, ceux de Penestin, de Penerf, de Tréhiguier. Ces hommes habitués aux côtes qu'ils fréquentaient, utilisaient comme repères des rochers, des arbres remarquables, les clochers des églises des îles d'Yeu, de Batz et du Croisic, la cathédrale de Tréguier. On portait ces repères, ces amers, sur les cartes marines, dans le Neptune français de 1693. On songea à améliorer l'atterrissage par des feux et des balises pour éviter les roches dangereuses ou l'entrée des chenaux ; à Concarneau à l'entrée du port sur une roche plate, à Paimbœuf sur les rochers nommés les « movées » qui causaient de fréquents naufrages108. On décida en 1764, d'en installer sur le Trieux, ce fut fait en 1779, sur la rivière de Tréguier en 1781, sur la rivière de Morlaix en juillet 1776. Une note d'entretien confirme la présence d'un feu, le fanal Saint-Mathieu à l'île d'Ouessant109. Feux au cap Fréhel où Gille Martin Fremery architecte à Saint-Malo construisit en 1701 une tour ronde de 35 p 6 p° de haut et de 12 p de diamètre. En 1717, un arrêt ordonna d'allumer « tous les jours de chaque mois » de l'entrée de la nuit au début du jour. Tous les bâtiments arrivant à Saint-Malo, Cancale, Granville et Regneville devaient payer un droit de 2 s par tonneau, portés à 3 s en août 1732. Devant la protestation des ports normands, il fut réduit de moitié pour les bâtiments qui n'allaient pas à Saint-Malo et pour tous ceux qui se trouvaient dans l'escorte des bateaux de guerre. Les ouvrages du fanal furent terminés seulement en juillet 1721110. En 1734, on prévit un feu à l'île aux Moines où existaient deux mouillages avec deux sources et un seul habitant. Un mémoire proposa en 1754, la construction d'une tour à feu « pour prévenir d'un banc de rocher à l'ouest » au Croisic et pour faciliter la navigation des navires entrant à Nantes, Bourgneuf, le Pouliguen, Le Croisic, Mesquer et les îles. Alors que dans la baie de Morlaix 25 bâtiments s'abîmèrent de 1744 à 1775, il n'y en eut plus aucun après les travaux111.
- 112 AD. 35, C 4904.
- 113 AD. 35, C 1181. Construit de 1561 à 1764.
41Si le site de la grande majorité des ports bretons imposait l'aménagement des chenaux, les quelques ports de front de mer connaissaient les dangers redoutables des grandes marées et des tempêtes dont les hommes tentaient de se protéger en construisant ici ou là des môles. Il fallut réparer les digues d'Audierne et de Cancale à maintes reprises au xviiie siècle. Un nouveau môle « semblable à celui du Croisic112 » remplaça celui de Piriac construit autrefois en pierres sèches. Les États envisagèrent d'en bâtir un à Binic en 1758, mais en 1773 rien n'était encore fait113. À Concarneau où existaient deux digues anciennes, une nouvelle commencée en 1770 aux premiers rochers de la passe n'était pas terminée en 1775.
Port-Louis, Hennebont, Lorient : un complexe portuaire
- 114 H.F. Buffet, Vie et société à Port-Louis…, 1972 note qu’à la fin du règne de Louis XIV, « le Port- (...)
42À la fin du xviie siècle, à côté de Brest où l'État décida en 1667 d'installer un arsenal pour la flotte du Ponant, la ville de Port-Louis devait dans l'esprit de ses créateurs constituer une ville forte et un port de relâche important. Pourtant, ses installations portuaires restèrent pendant toute notre période extrêmement rudimentaires. Aux trois emplacements du nord répondait la côte sud beaucoup plus inhospitalière, très rocheuse. Pourtant, en période de mauvais temps ou devant une menace ennemie, il arriva que plus de 100 navires cherchent refuge à Port-Louis. La Pointe, port principal de la ville, avait un quai formé de pierres non maçonnées. En 1738, on établit une rampe formant une sorte de jetée devant la porte, puis sous Louis XVI, deux postes d'ancrage supplémentaires. Aucun des projets successifs tendant à donner un grand quai à La Pointe n'aboutit avant Louis Philippe. Le port de La Brèche accueillait depuis le xviiie siècle les barques qui profitaient d'un havre naturel favorable à l'établissement d'un bassin fermé d'une porte d'eau avec une herse que la municipalité voulut, en vain, remplacer par une porte à deux battants. Rien ne fut fait contre les délestages encombrant le Driasker114. Les nombreuses demandes de la communauté pour obtenir l'ouverture de chantiers n'aboutirent pas, l'essentiel des fonds allant aux ports plus menacés ou d'importance plus grande, et la sécurité du havre permettait aux grandes flottes qui s'y entassaient dans un grand désordre, d'attendre de pouvoir repartir la menace passée. Dans ces conditions, les médiocres équipements suffisaient aux mouvements limités de chargement et de déchargement, aux barques échouées dont les charrettes prenaient les marchandises, aux chaloupes sardinières, à celles assurant le chargement des bâtiments plus importants. Enfin, la présence de Lorient contribua au maintien de cette situation au cours du xviiie siècle. En principe, seuls les navires de la Compagnie pouvaient armer à Lorient et les autres navires de commerce devaient venir au Port-Louis mais, en 1711, en 1714, les Lorientais essayèrent de les attirer à eux alors que, après 1719, les navires de la Royale furent repliés à Port-Louis où deux postes d'ancrages leur furent réservés sous Louis XVI. À la concurrence entre ces deux ports, s'ajoutait celle de Hennebont qui disputait à Port-Louis une partie du trafic.
- 115 Lorsque fin 1664, la Compagnie des Indes eut besoin de deux ports, sur la Manche on choisit le Hav (...)
- 116 Mairie de Hennebont, BB.24 17 sept.1766.
43Port-Louis avait été conçu pour répondre à des préoccupations militaires, Lorient fut par contre à l'origine un organisme portuaire civil installé pour les besoins de la Compagnie des Indes Orientales115. Mais le destin liait les deux villes. La décision royale de juin 1666 avait fait de Port-Louis où devaient être établis les magasins, le siège océanique de la Compagnie des Indes. Quant aux chantiers, ils devaient trouver place dans les landes de Faouëdic, le long du Scorff et du Blavet. Dans cet ensemble, Lorient avait de fait, le rôle dominant et les édiles de Hennebont le reconnaissaient sans ambages116 : « La ville de Hennebont a été de tout temps commerçante mais que son commerce se trouve journellement diminué par la proximité de Lorient [...] Ces trois villes (Lorient, Port-Louis, Hennebont) ayant la même embouchure à la mer n'ont été regardées que comme un seul et même port ».
Echec de l'aménagement de la rade de Morlaix
- 117 AG. Morlaix, art.8, cart. 1, projet Garengeau (2 avril 1723). Il avait été accepté sous réserve du (...)
- 118 AG. art.8, cart.1, Mémoire Dumaine, « sur les avantages de faire un bassin dans la baie de Morlaix (...)
44À la fin du xviiie siècle, le port de Morlaix installé le long d'une vallée « juste assez large pour un beau canal avec deux quais et deux rangées de maisons », recevait, grâce à la profondeur de ses eaux, de gros vaisseaux marchands et même des frégates. Les voyageurs appréciaient les constructions en granit et les arbres, aimaient se promener le long des quais. Mais ce beau port où les navires de 500 tx remontaient jusqu'au cœur de la ville posait bien des problèmes d'adaptation. Le chenal s'envasait et obligeait à des curages et, dès 1677, la communauté envisagea de faire construire des écluses de chasse au-dessus de la ville pour le nettoyer une heure ou deux « avant le bas de l'eau ». À ce moment-là, les navires n'allaient pas jusqu'à Morlaix à marée basse. Ils s'entassaient dans la rade, où ils ne se trouvaient « en sûreté qu'à force de câbles, d'ancres et de monde pour veiller à tous les événements ». de plus, le déchargement lent, incommode des navires prenait beaucoup de temps. Les jours de bourrasques, de tempêtes, les barques ne venaient plus prendre les marchandises qui restaient quelquefois plusieurs jours exposées aux intempéries menaçant les toiles fabriquées dans un rayon de dix à douze lieues et apportées à Morlaix qui avait le privilège de les exporter. En 1723, Garengeau donna un premier projet de construction d'une écluse à Toul Mahot qu'approuvèrent Vauban, Frazier et Robelin. Il n'aboutit pas totalement et l'ingénieur améliora le programme en 1727, envisageant de faire un bassin du palus maran (en aval du Clos maran). L'ensemble des travaux concernait non seulement le chenal curé et débarrassé des rochers gênants, mais encore le quai de 420 t, l'écluse et la place avec une fontaine. Il ne s'agissait là que du port et de ses approches immédiates et les travaux réalisés entre 1727 et 1732. Garengeau en 1733, proposa d'allonger le quai de l'hôtel de ville vers un vieux moulin qui servirait d'écluse de chasse. Ces travaux ne concernaient pas la rade qui gardait ses avantages et ses défauts, Boisbilly appuyé par Robelin avant sa mort, décida de s'attaquer à ce problème et conçut un nouveau port sur la rivière Dourdu où la profondeur des eaux (25 p) avec un simple curage, permettrait d'accueillir 45 à 50 grands vaisseaux117. En construisant un bassin, ils resteraient toujours à flot. Ce projet très important comportait aussi la construction d'un grand et d'un petit canal, de deux écluses, de nombreux bâtiments (hangars, magasins, baraques, maisons). Trois corps de garde et deux fortes batteries assureraient la sécurité de l'ensemble sorte d'annexe de l'arsenal de Brest. La marine royale trouverait là un port de relâche, d'observation et d'intervention, sa présence gênerait les corsaires anglais qui s'embusquaient au débouché de la rade et les navires de commerce, s'y abriteraient des intempéries et des ennemis. Dès sa présentation, ce projet trouva d'ardents défenseurs qui l'améliorent encore en 1736 en prévoyant de creuser cinq â six formes où les vaisseaux entreraient et seraient armés et carénés « en moins de trois fois 24 heures ». Dumaine, Directeur des fortifications à Brest, présenta le dossier en soulignant que : « les travaux qu'on a dessein de faire à Cherbourg ne seront pas si utiles au commerce que ceux que l'on ferait à Morlaix [...] Les Anglais préféreraient le rétablissement de Dunkerque à son établissement ». L'ampleur des travaux empêcha leur réalisation qu'une enquête conduite en mai et juin 1737 avait encore jugé des plus souhaitables, « plus beau, plus utile et plus important que M. de Boisbilly ne l'avait annoncé118 ».
45Le xviiie siècle vit donc transformer, nettoyer, améliorer les principaux ports bretons et créer des ports supplémentaires. L'impression laissée par ces travaux, par les projets multiples vient en contrepoint de celle créée par l'évolution démographique bretonne. Nous avons ici une région qui s'équipe davantage, qui améliore les conditions naturelles d'atterrage en fonction des conditions techniques de la navigation à voile, qui améliore aussi l'ensemble de ses voies d'accès. Il sort de tout cela, au-delà des imperfections, des ratages, l'image d'une activité certaine et non celle d'une stagnation, voire d'une morosité. Rapprochée de l'amélioration réelle des grands chemins, de l'aménagement même tardif et partiel des voies fluviales, la circulation maritime offrait de grandes possibilités aux trafics malgré ses dangers. La synergie de l'ensemble renforçait les relations entre les villes et ouvrait la Bretagne vers l'extérieur.
Notes
1 J.-P. Leguay, ibid. 1981, p.3 et 4.
2 Vidal de La Blache, « Tableau géographique de la France », Histoire de France, 1903, t. I p. 333.
3 H. Fréville, L’intendance de Bretagne, 1953, t. I, p. 25.
4 J. Letaconnoux, « la construction des grands chemins et le personnel des Ponts et Chaussées au xviiie siècle » AB, t. XXIII, juillet 1908.
5 La plupart des Arrêts se répètent et se complètent : 31 mars 1731, 25 mai 1731, 5 nov. 1737, 8 janv. 1738. Complétés par les ordonnances : 20 nov. 1738, 4 août 1742, 16 juillet. 1743, 24 mai et 13 déc. 1745, 12 mai 1747, 16 et 23 mars 1750, 22 janv. 1752, 17 fév. 1752, 10 déc. 1752, 10 fév. 1753, 15 sept. 1753, 8 mars 1754, 5 nov. 1754.
6 OGÉE, op. cit., 1843.
7 Letaconnoux, « Le régime de la corvée en Bretagne au xviiie siècle », AB, 1906, t. 21, p. 144 et suiv. AD. 35, C 4724. Commission du diocèse de St-Malo, 22 mars 1786.
8 AD. 35, C 4720.
9 AD. 35, C 4720. AN. H, 546. Arrêt du conseil du 18 janv. 1738 suivi d’une ordonnance de l’intendant et du duc de Brancas du 20 novembre 1738. AD. 35, C 1773. Dispositions rejetées le 16 mars 1750.
10 AD. 35, C.4724, 22 mars 1786.
11 AD. 35, C.4768.
12 AD. 35, C 4723. La Rance y a 600 mètres de large. Le point d’accosta ge est de l’autre côté à Montmarin. Saint-Malo se trouve dix kilomètres au nord. Le bac est signalé sur la carte d’État major au 1/100 000, Saint-Malo, feuille E.8
13 AD. 35, C. 4856.
14 AD. 35, C 4854. Extraits du R.C.V. de Dinan, 24 janvier 1774.
15 AD. 35, C 4856, 26 mars et 6 novembre 1776.
16 AD. 35, C 4856, Procès-verbal du 12 juin 1784.
17 AD. 35, C 3159. Rapports des Commissions des États.
18 Entre Pontrieux et Lannion. Ogée, Atlas itinéraire de Bretagne, 1969, L. V
19 AD. 35, C 4723, 3159. PV. Chevalier, 30 juillet 1760.
20 AD. 35, C 4713.
21 AD. 35, C.370. Un escarpement rocheux rendait l’accès de la ville difficile. Il fut décidé le 2 mars 1769 de le supprimer.
22 Mairie de Hennebont, RCV. 1769. AD. 35, C.4807, 3935. G. Le Bouedec, Les approvisionnements de la Compagnie des Indes, thèse 3e cycle, Paris IV, 1981 dactylographiée.
23 AG. art.4, sect.2, § 3, 2e carton, 1772.
24 52 noyés dans le naufrage du bac, le 17 juin 1752.
25 AD. 35, C.3170. Mémoire du Marquis du Hallay, envoyé par Robien à la commission du commerce le 6 janvier 1775. Il s’agit de l’actuelle nationale 776 puis de la départementale D.40. La route Antrain-Avranches avait été réparée aussi en 1733.
26 Piganiol de la Force, Itinéraire de la France, 1740.
27 G. Arbellot, idem, 1973.
28 AD. 35, C 5148. Mémoires favorables à Vitré (20 avril 1769) et à Fou gères (3 mai 1769).
29 AD.35, C 5148. R. Cintré, « La réparation et la réfection des “Grands chemins”… », Le pays de Fougères, 1982, n° 38, p. 12 et suiv.
30 AD. 35, C 4723, 4827. Sur Ernée, M.-Ch. Gainié-Roger, Économie et Société…, maîtrise 1978, IARH.
31 AD. 35, C 5148. Obtenu par Berthelot.
32 AD. 35, C 3159, 4554 et 4757.
33 AD. 35, C 3170.
34 AD. 44, C 530. Réparation des ponts Grenouillet et Saint-Antoine. Ogée, Dictionnaire…, 1845, t. I, p. 169.
35 AD. 35, C 4827.
36 Colbert de Croissy, La Bretagne en 1665.
37 AD. 35, B 73 Registre secret. « Sur le développement d’un réseau militaire dans le Nord-Ouest de la France » B.R. Kroener, Actes du 101° Congés national des sociétés savantes, Bordeaux, 1979, Paris, 1980, p. 41-61.
38 A.D. 35, C 4724, Administration des grands chemins, 28 janvier 1783.
39 Il s’agit des conséquences de la politique du duc d’Aiguillon. H. Fréville, idem, 1953, t. II. p. 35-36, fait remarquer qu’il n’agit pas seul mais en collaboration étroite avec l’intendant, le subdélégué général et leurs bureaux.
40 Carte. BN. Fonds fr. 15387.
41 AD. 35, C 2273.
42 Nous retrouvons le même chiffre (800 000) en 1782.
43 AD. 35, C 4724. Observation générale (3 septembre 1770).
44 B. Lepetit, Chemins de terre et voies d’eau, 1984.
45 AD. 35, C 4724
46 M. Gautier, Chemins et véhicules de nos campagnes, 1971, p. 262. AD. 35, C 3935. J.-C. Perrot note que l’emploi des voitures à deux roues se développa en Normandie où on « lançait […] des charrettes de 9 000 à 10 000 livres pesant sur la trace des vieux chevaux de somme » (op. cit. 1975, p. 458).
47 Quatre chevaux au plus du 1er octobre au 1er avril, trois les autres mois.
48 AD. 35, C 3935. Respectivement 154 et 156. Les charges des charrettes passant par les barrières de Rennes étaient très inégales : de 1570 lp à 4600 lp. Celles des chariots, pouvaient atteindre 4000 lp (un chariot en provenance de Rouen chargé de draps espagnolettes).
49 Théotiste Jamot Gohier, La poste aux chevaux dans la région malouine (1738-1820), Thèse, Rennes 2, 1997. Le mot désigne aussi une unité de distance correspondant à deux lieues de poste, la lieue de poste en Bretagne était de 2400 toises.
50 H. See, Enquête sur les messageries en Bretagne en 1775.
51 De 1676 à 1736, le bureau de Rennes se trouvait place du Palais, puis de 1736 à 1739 rue des Dames, de 1739 à 1774, rue des Lauriers, de 1774 à 1776, rue Saint Melaine, 1776-1785, rue Beaumanoir, enfin rue de La Trinité ; à Nantes, de 1751 à 1787, 11 rue de Biard.
52 G. Frèche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées…, 1974.
53 Coût comparatif : Rennes-Saint-Malo : un roulier prend 30 s en été 40 s en hiver pour 100 lp., de Redon à Rennes 35 s et 25 s, de Rennes à trois lieues de Vitré 30s et 20 s. En demandant 6 L par eau, le négociant payait le tiers voire le quart du prix des rouliers.
54 A. Meynier, La formation du réseau hydrographique de la Vilaine, p. 153-184. Le Lannou, Géographie…, p. 86-87.
55 AM. Rennes, 83. AD. 35, C 4986, L. Schelen : « La navigabilité de la Vilai ne au xvie siècle » (Bib. d’Humanisme et Renaissance, t. VII). F. Bourdais, La Navigation intérieure en Bretagne depuis le Moyen Age jusqu’à nos jours.
56 C. Nières, La Reconstruction…, de l’estuaire à Redon les voiliers remontaient à la voile, on les halait pour doubler quelques coudes. Le jusant facilitait la descente. Le tirant d’eau passait de 2,40 m à marée basse à près de 4 m à marée haute. AD. 35, C 4855, commission de la navigation, rapport Coulomb capitaine du corps royal du Génie (1783).
57 AN. H 600, très beau plan du port livré en basse mer, le 27 fév.1742. (Copie Chocat de Grandmaison). H 520, carte en couleur de la Vilaine de Rennes à Messac. Encore au début du xviiie des roches gênaient l’approche des quais de Messac, le pont neuf, ainsi que l’écluse du nord, côté de Guipry menaçait ruine.
58 AD. 35, C 5037.
59 AM. Rennes, 231.
60 BN. 8306-8307.
61 de 1772 à 1782, 8513 bateaux avaient emprunté la Vilaine, ce qui faisait à 12 tx de charge moyenne : 102 156 tx. On estimait en 1780, qu’un trafic de 123 bateaux de 75 tx par an serait rentable.
62 AN. 520, AD. 35, C 4957. Les bateaux de Rennes à Messac avaient 52 p de long, 10 p de large et 2 de tirant d’eau. Ils pouvaient transporter 16 tx, soit 32 000 lp. En agrandissant les écluses on pouvait augmenter le tirant d’eau et permettre des charges de 80 tx.
63 AD. 35, C 758. Leur entretien représentait une lourde charge dont Malestroit essaya de se débarrasser au cours du xviiie siècle. Elles furent en réparation permanente à partir de 1758 (600 L de dépenses annuelles).
64 AD. 56, 129 E. 35 C 759. Lettre de Villeneuve à l’intendant (20 août 1785) protestant contre ce projet et rappelant que la ville avait obtenu des octrois pour l’entretien de ces écluses. L’intendant, le 24 août, donna ordre à un ingénieur de Rennes d’aller se rendre compte sur place. du prix de réparation. AD. 35, C 3894. 23 janvier 1787. Sur le fonds des grands chemins.
65 Angle se trouve au confluent du Couesnon et de la Loysance au-dessus d’Antrain. Le Pas au boeuf actuellement è l’intérieur des terres était alors sur le littoral.
66 Rosnevynen de Piré, Projet d’un port du Roi dans la Manche contiguë au port de Saint-Malo, approvisionné par les canaux intérieurs du Royaume, 42 p. Vatar 1783.
67 AD. 35, C 4947, 4951, 4955, 4957, 5036, 5037. En 1730, Abeille proposait un canal de jonction entre Manche et Océan.
68 AL 930, Février 1791, État adopté en 1784.
69 Les régiments Penthièvre et Condé fournirent l’un 450 hommes et l’autre 400.
70 On adjugea la même année les réparations aux écluses de Macaire, la Molière, le Gailleu, la Bouexière, Boël, Pont-Réan, Apigné et le Comte (adjudicataires Veron et l’Abbé).
71 AD. 35, C 4949, 4950.
72 A. Marteville, « Rivières et canaux », p. 25-33, Dictionnaire…, 1843.
73 Rosnevynen de Piré, Observations faites…, 22 décembre 1784. Vauban, Lallemand s’étaient déjà occupés de la liaison de l’Erdre au Don et cette possibilité vérifiée en 1724-1725 et en 1736.
74 BN. V 16391, Observations concernant le commerce français en général, le projet d’une ville commerçante du premier ordre, les péages et droits relatifs à la navigation adressées aux États du Royaume avec des mémoires et cartes touchant des ports et canaux en Bretagne. A.D. 35, C 4982 : Mémoire contenant de nouveaux développements sur le projet important relatif au Port de Pornic dans la baronnie de Retz en Bretagne et à un canal de navigation de Nantes à la mer par Pornic, Desprez, Paris, 1787 et 1789
75 Dans l’enquête sur les Messageries (H. Sée, op. cit.), l’on faisait remarquer que tout le commerce « excepté quelques marchandises » se faisait par mer, que les marchandises arrivaient par les ports de Lannion, de Tréguier, de Pontrieux et trois fois par an au moment des foires de Carhaix.
76 BN, nle acq. fr. 1491-1492, t. II. Étude sur les côtes de Bretagne, f°88, na 370-371, man. fr. 15383 (incomplet il s’arrête à la Vilaine. 1703, 109 lieux).
77 AD. 35, C 3911, État des bureaux des ports et havres divisés par principalités, 1732.
78 AD. 35, C 966, État des ports bretons, 1780
79 A. Letaconnoux, Le problème des subsistances, 1911.
80 Dictionnaire Gruss de Marine, 1978 article. Port, p. 244.
81 J. Daumenil et A. Allier, Histoire de Morlaix, 1879 p. 441.
82 AD. 35, C 4504. nd. La digue de Pen-Bron, promontoire artificiel « à l’extrémité de la langue de terre » fermant le golfe du Croisic, a été construite au début du xviiie siècle et non sous le duc d’Aiguillon (A Mar. D 50 Mémoire 8 août 1754).
83 AD. 35, C 430. Supplique des négociants et marchands de la ville de Redon 24 juillet 1765.
84 AD. 35, C 1186 4 octobre 1754. Commission composée de La Sauvagère, Ma gin, Bavau, Villeminot et Chocat de Grandmaison. Rapport du 21 Nov. 1754. C 3170, 1774. Pourtant G. Le Rouge, Nouveau voyage de France, 1771, p. 313, décrivait un port capable d’accueillir des bâtiments de 200 t le long de ses quais.
85 Mairie de Hennebont, RCV. BB 13, 31 janv. 1720, 4 nov. 1730. A Nantes, AN. Fonds marine. D2 52. 1785.
86 AN. fonds mar. D2 52. Problème quasi général, par ex. à Dantzig il était interdit de jeter du lest à moins de un mile de la ville. AN, fonds mar. D2 50.
87 AN. fonds mar. C4. 175. On distinguait à Saint-Malo le lest de pierre (12 s, le bateau) du lest de sable (5 s le tonneau).
88 AN. fonds mar. C4. 170. Un maître de quai à Quimper, à Pont-L’Abbé, deux à Redon commis par l’Amiral. À Vannes et Hennebont un marchand désigné par la communauté.
89 A. Guilcher, Histoire de Brest, 1976, p. 14-18
90 AN. fonds mar., D2 50.
91 AN. H 520, 600. Mairie de Redon P. 23. Comptes et mémoires (1742-1782).
92 AD, 35, C.664. Lettres du maire à l’intendant (5 mai 1718), du sieur de Bois Billy au même, (3 juin 1725).
93 AD. 35, C.4504. Port du Croisic, mémoire : 1 200 toises de digues.
94 AD. 35, C 4906 Mémoire des habitants de Paimboeuf 22 déc. 1768. Jusqu’en 1760 : « 0n n’avait jamais songé à faire la moindre commodité en ce port ». AN, Mar. D 52, 1786, Projet d’une machine…
95 Pour Ogée, la gabarre de Nantes à de 50 à 120 tx. Expilly parle de 286 grandes barques et chaloupes.
96 M. Hérubel, idem, 1937 p.35. AG. art. 4, sect. 2, 3, 1°carton.
97 AN. fonds mar. C 170.
98 Idem, trois livres en plus pour Pornic et un tiers en plus du tarif de Paimboeuf pour Bourgneuf.
99 AD. 35, C.4906. Approuvé par les États le 11 oct. 1776. Coût estimé à 60 000 L au lieu des 6 000 L prévues.
100 AG. St-Malo, art.8, Vauban : « Réponse aux échevins », 1700.
101 AD. 35, 438-441.
102 L. BAZIN de Jessey, « Le port national de Montmarin… », SAF. p. 91 et suivantes.
103 AD. 35, C 3170. A Landerneau s’entassaient : « une infinité d’effets et de denrées pour les magasins du Roi », en particulier les bois de construction. Le tout amené de Brest par une flottille de gabarres.
104 A. Musset, « Le port du Légué », AG, 1927 p. 269.
105 AD. 35, C474. 26 janv. 1756. devis et estimation Chocat ; 12 juillet 1758, projet Magin et Frotin, 1764, État des nouveaux ouvrages à faire ; 1786, étude de l’ingénieur Chaucerel (AD. 22. C.3), précédée du plan, devis et détail estimatif du 18 septembre 1785.
106 AD. 22, C.3, 1773. Lettre du 24 juin 1785 de Bretagne.
107 AD. 35, C.3170. Demande de la communauté aux États.
108 AN. fonds mar. D2 50. Magin, 13 janv. 1764. ouvrages entreprendre à Concarneau. AD. 35, C 4713, RCV.1781.
109 AG. art.4, sect.2. 3 février 1712 ; AD. 35. 0.1175 ; AG. St.-Malo, art.8 cart.2. Arrêt du 24 avril 1717. Plans de réparations du 28 mai (1 480 livres) ; AN. fonds mar. C 4.159. Mémoire sur la ville de Granville par M. Sicard (1731). C 4,175, AD, 35, C 1175. Renable de l’adjudicataire Antoine Thevenard.
110 AD. 35. 0.1175 ; AG. St.-Malo, art.8 cart.2. Arrêt du 24 avril 1717. Plans de réparations du 28 mai (1480 livres). AN. Fonds mar. C 4.159. Mémoire sur la ville de Granville par M. Sicard (1731), 175, AD, 35.1175. Renable de l’adjudicataire Antoine Thevenard.
111 Cambry, Voyage…
112 AD. 35, C 4904.
113 AD. 35, C 1181. Construit de 1561 à 1764.
114 H.F. Buffet, Vie et société à Port-Louis…, 1972 note qu’à la fin du règne de Louis XIV, « le Port-Louis resta le seul port de relâche » (p. 163). Le 14 juin 1706, 500 navires y firent escale, chiffre le plus important qu’il ait trouvé. En 1751, le nombre de 200 navires n’était pas exceptionnel. Encore sous la Monarchie de juillet quelque 1 500 navires y relâchaient tous les ans. Projeté sous Louis XIII, puis en 1672, 1762, 1782, le môle actuel fut construit sous Louis-Philippe selon les plans de l’ingénieur Laure.
115 Lorsque fin 1664, la Compagnie des Indes eut besoin de deux ports, sur la Manche on choisit le Havre (L.R. 30 oct.1664) ; sur l’océan on hésita entre Port-Louis et Bayonne. Après le rapport de Colbert de Terron qui pencha en Bretagne pour Paimboeuf, le roi décida de faire de Rochefort la deuxième base du Ponant après Brest et d’établir à Port-Louis la Cie des Indes.
116 Mairie de Hennebont, BB.24 17 sept.1766.
117 AG. Morlaix, art.8, cart. 1, projet Garengeau (2 avril 1723). Il avait été accepté sous réserve du financement (5 sept. 1723). Plan du 16 mars 1727 sans bassin, 1er juin 1727, bassin en aval du Clos maran. Estimation des travaux faite, décision A.C. 30 déc. 1727complété par l’arrêt du 8 avril 1732. Seul le bassin restait alors à faire. AN. fonds mar, D2 52. de Boisbilly, lieutenant général de l’amirauté de Morlaix, s’était occupé dès 1721 (lettre du 24 avril 1725) de faire construire une écluse.
118 AG. art.8, cart.1, Mémoire Dumaine, « sur les avantages de faire un bassin dans la baie de Morlaix » 25 nov. 1736. Ce qui serait une épargne considérable et éviterait que les vaisseaux restent quatre à six mois en rade. AN. fonds mar., D2 52.
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