Débat I
p. 83-90
Texte intégral
Alain Plantey
1Vous ne parlez pas de l’Afrique Noire ; il y avait aussi le trouble de l’Afrique Noire ; le tandem Senghor et Césaire qui était anarchique et agressif ; Senghor avait annoncé par son parti qu’il proposerait l’indépendance dans le courant de l’été 1958. Les « porteurs de pancartes », c’est en août 1958 – ce n’est pas très loin après. Nous étions au bord du clash et je dois dire que, là, nous avions fait des réunions juridiques sur les conditions dans lesquelles le Général devait régler le problème africain. Il fallait prévoir une constitution ; le Général a lui-même prévu qu’il réglerait les problèmes de la France et des États qui lui sont associés ; c’était quand même très difficile. Je voudrais donner un témoignage : j’étais en séance au Conseil d’État au mois de mai. Un mercredi, l’huissier est venu me dire : « Le secrétaire général vous demande. » Je vais chez Janot qui me dit : « Le général de Gaulle va revenir au pouvoir, Pompidou sera son directeur de cabinet, et il me demande de préparer une nouvelle constitution. Venez-vous avec moi ? » Je suis allé avec lui. C’est vous dire que c’était déjà prêt.
Pierre Lefranc
2Je vais reprendre ce qui a été dit au début de cette réunion. Je crois que, malgré le bel optimisme manifesté par notre président, le retour du Général n’était pas évident du tout. Les événements se sont produits, mais n’oubliez pas que notre action derrière de Gaulle avait douze ans d’existence. Il est parti en 1946, il est revenu en 1958 ; il a fallu donc, pendant toutes ces années, que sa présence continue et que son éloquence puisse s’exprimer. Donc les événements qui se sont produits à ce moment-là n’étaient pas inscrits dans le marbre, et d’ailleurs les circonstances ont été – vous vous en souvenez tous – extrêmement mouvantes. C’est pour cela qu’il me paraît très intéressant que l’on fasse une étude précise sur le comportement du Général pendant les quelques semaines qui ont commencé le 13 mai et qui se sont terminées le 1er juin.
3Le comportement du Général a été tout à fait extraordinaire ; vous savez qu’il a passé la moitié de son temps, pendant ces quelques jours, sur la route entre Paris et Colombey. Ce n’était pas un hasard de sa part ; c’était certainement une volonté de s’écarter du tourbillon qui sévissait à Paris et même à Alger. Je pense donc que le sujet de notre rencontre aujourd’hui, c’est le retour du Général. Cela dépasse largement le 13 mai ; c’est une journée qui a provoqué la suite, mais ça ne s’est pas arrêté là. Pendant les quinze jours qui ont suivi, il y a eu une extrême activité de tous les côtés, aussi bien à Alger qu’à Paris, aussi bien de la droite que de la gauche ; tout cela mériterait, je pense, une étude très approfondie. Je ne veux pas garder la parole trop longtemps, mais à propos des militaires, je voudrais dire un mot : j’ai fait une période volontaire militaire en Algérie à ce moment-là, et ce qui m’a frappé, c’est que les officiers étaient tous, ou presque, des anciens d’Indochine. Or, en Indochine, ils avaient subi un traumatisme très profond : ils avaient servi la France alors que la France ne les suivait pas, car à l’époque, la guerre d’Indochine n’était pas populaire en France et personne ne s’en occupait vraiment. Or ils avaient l’impression d’être trahis par la nation française car ils s’étaient sacrifiés ; il y avait eu beaucoup de morts, beaucoup de sacrifices, et on les remettait dans une situation qui ressemblait de près à celle de l’Indochine. Une partie de leurs réflexes pour la conservation de l’Algérie à la France, et une partie de leur action, ont certainement été inspirées par la blessure qu’ils avaient reçue au moment de la guerre d’Indochine.
Colonel Merrick
4J’étais dans l’Arme blindée cavalerie en Algérie au moment des événements et il se trouve que j’étais en permission en France le 13 mai, et que j’étais dans l’avion qui me ramenait à Alger au moment où le 13 Mai s’est déroulé. Je voudrais répondre à Monsieur Frémeaux. Vous avez dit : « Le contingent…, la quille…, etc. », ce n’est pas tout à fait vrai ! Il y avait contingent et contingent ; le contingent planqué à Alger, le riz-pain-sel, je ne dis pas, mais le contingent des unités de combat – vingt-huit mois de service, n’oubliez pas – devenait, bien encadré, des unités de soldats d’active. Ils se sont battus merveilleusement. J’ai eu sous mes ordres un aspirant, agrégé d’anglais à vingt ans, l’aspirant Bensimon, connu à la Sorbonne, qui a été un des meilleurs officiers, battant de loin les saint-cyriens. Il est donc inexact de dire que le contingent pensait à la quille, ce n’est pas vrai. Deuxièmement, l’action psychologique : vous n’avez pas cité Lacheroy – vous auriez dû le faire – il ne faut pas en gonfler l’importance. J’ai eu entre les mains ces documents et j’ai jeté un œil dessus, c’était tout à fait secondaire. L’important pour nous, c’était de battre le FLN, c’était de se battre dans les unités de secteur ; c’était notre travail quotidien : coups de main, embuscades… Enfin, vous avez évoqué « l’opposition qui pouvait exister entre les unités de secteur et les unités d’intervention (Légion et Paras) ». Il n’y avait pas vraiment d’opposition ; le travail était différent et nous critiquions quelquefois, nous, troupes de secteur, l’intervention de ces unités de paras et de légionnaires. Pourquoi ? Parce qu’avec bouclages et ratissages, ils détruisaient une partie de l’action psychologique – sans parler de Lacheroy – que nous essayions de faire vis-à-vis de la population locale pour la rallier. Nous nous battions contre le FLN, mais nous essayions aussi de rallier les populations en étant les meilleurs possible, en les soignant, etc.
Jacques Frémeaux
5La citation sur les hommes qui aspiraient à la libération, c’est le général Olié qui le dit dans son rapport, et il y en a plusieurs qui vont dans ce sens-là. Effectivement, personne ne nie que les soldats soient, pour la plupart, excellents et tout à fait motivés. Mais l’idée générale, quand même, c’est que ces gens font très bien leur travail quand ils sont là, puisque c’est leur devoir, et il le font avec beaucoup de courage et beaucoup de discipline, mais que, comme malgré tout, ce n’est pas leur vocation, lorsqu’ils quitteront, ils quitteront. Ils n’ont pas de désir particulier ; ils n’ont pas de vision particulière autre que la mission qu’on leur donne. C’est bien ce qui est dit. Je n’ai pas parlé de Lacheroy parce que ça n’était pas exactement le sujet, mais je crois que c’était surtout ça que je voulais dire : simplement que les rapports donnent cette idée. Il est bien évident que ce qu’ont pu vivre les individus ou des groupes, c’est assez différent. De même, l’opposition entre unités de secteur et unités de parachutistes : on sait qu’il y avait des appelés aussi dans les troupes parachutistes ; c’est donc vrai que les clivages ne sont pas toujours importants, mais malgré tout, cela revient suffisamment souvent pour que j’en aie tenu compte.
Jacques Dauer
6Je dois vous dire que les éléments d’extrême droite, je les connais bien. Jeune Nation, jusqu’au bout, jusqu’en mai 1958, nous avons réussi à les mettre de côté, contrairement à ce que l’on pense. Toutes les actions des activistes, fascistes, voire royalistes, nous avons réussi à les mettre de côté. J’avais organisé une affaire autour de jeunes, puis, ensuite, de vieux, avec des gens comme René Lucien qui est un industriel parisien et un Français Libre, etc. Ils avaient organisé aussi des rencontres mensuelles avec le général Navarre, le général Touzet du Vigier, le général Chassin, le général Cherrière. Ces généraux sont des braves types, mais ils ont besoin de parler ; alors quand on les voit tous les mois, ils arrivent à dire des choses… Quand je suis arrivé à Saint Etienne pour une réunion qui devait être organisée plus ou moins par le général Cherrière, je téléphone à Paris d’abord et on me dit : « Attention ! Les flics sont là ; ils arrêtent les gens de Cherrière ». Je suis parti à Lyon. Vous comprenez, il faut se rendre compte que nous savions – ce n’est pas Lefranc qui va me contredire – que le Général ne reviendrait jamais au pouvoir d’une manière non légale, et, même si quelques gaullistes ont voulu faire en sorte que nous sortions de la légalité, et bien, nous y sommes restés dans la légalité ! Je me souviens, à Arras, on sciait les fusils de chasse… Je leur ai dit : « Restez chez vous et gardez vos fusils de chasse, ça peut servir à autre chose ». J’arrive à Toulouse chez Delnomdedieu et Cathala ; on me dit :
7« On va attaquer la préfecture »
8– Qu’est-ce que vous allez en faire ?
9– Eh bien, je ne sais pas, mais on va l’attaquer et on va la prendre !
10– Restez chez vous ! »
11Pour moi, à Paris, comme il fallait mobiliser les jeunes étudiants – j’en avais cinquante, soixante, quatre-vingt peut-être, qui étaient logés dans des appartements différents – qu’est ce que j’ai fait avec ces étudiants ? Je leur ai dit : « Vous occuperez le ministère de l’Information et votre axe d’action, c’est de prendre le téléphone : téléphonez à qui vous voulez, à votre petite amie, mais surtout employez le téléphone et occupez les lignes ».
Jean Parayre
12Je voudrais donner le modeste témoignage d’un jeune lieutenant, dans le 72e Groupe d’artillerie qui était installé à l’est d’Alger : trois communes, Sidi Moussa, Oued Smar et Baraki. J’étais officier d’action psychologique. J’avais commandé préalablement une harka que j’avais créée ; donc je connaissais un peu le problème des musulmans et je voudrais rappeler un certain nombre de faits essentiels. Il y avait deux communautés ; pour reprendre les termes qui avaient été utilisés tout à l’heure, je dirais qu’il y avait une communauté musulmane de 9 millions d’habitants, et une communauté non musulmane d’environ 1 million d’habitants. Ces deux communautés étaient d’origines assez différentes ; par exemple, chez les non musulmans, il y avait la communauté juive, importante dans l’ouest, et peu importante dans l’est de l’Algérie ; vous aviez les Français venant directement de métropole ; vous aviez les colons, en particulier ceux qui étaient arrivés après 1870. Ces deux communautés étaient très difficiles à analyser. Le 12 mai 1958 au soir, j’étais officier de permanence de mon groupe d’artillerie. Mon colonel m’avait désigné pour remplacer un autre lieutenant. Je me demande si au niveau des chefs de corps, on n’était pas informé d’un mouvement le lendemain matin. Le 13 mai au matin, ce qui nous a surpris, c’est la soudaineté de l’événement. On ne s’attendait pas du tout à cette rupture. Presque immédiatement, nous avons décidé de constituer un comité de salut public, non pas pour accompagner un événement dont on ne savait pas grand chose, mais pour empêcher qu’il y ait, entre les deux communautés, musulmanes et non musulmanes, des affrontements parce que l’on craignait que les non musulmans prennent un certain pouvoir local. Je rappelle l’hostilité constante des non musulmans pour reconnaître l’existence des musulmans. Cela, je l’avais très bien compris.
Jean-François Sirinelli
13Je parlais tout à l’heure de ce dialogue avec les témoins, qui est toujours très précieux pour nous autres, historiens, et donc je remercie ces témoignages qui s’amorcent au fil de cette fin de matinée ; en même temps, nous, historiens, nous avons besoin parfois, de témoignages plus précis. Je vais prendre un exemple : Monsieur Dauer, c’était très précieux, ce que vous nous avez dit ; vous disiez : « Je téléphonais… » Il serait intéressant de revenir sur cet aspect. Vous téléphoniez à qui ? Vous voyez, pour nous, historiens, la nécessité de savoir qui sont les acteurs, quelle est la transmission et son effet ensuite… Donc, vous avez livré, tout à l’heure, un témoignage écrit que vous avez fait circuler ?
Jacques Dauer
14Dans les archives contemporaines, il y a tous les écrits depuis 1952.
Pierre-Hervé Gautier
15Je suis le filleul de Robert Abdesselam que peut-être, certains d’entre vous ont connu, qui a été député d’Alger, entre 1956 et 1958 ; il est décédé, mais il avait très bien organisé ses archives puisque j’ai remis six cents boîtes à Dominique Parcollet : une grande partie porte évidemment sur la situation de l’Algérie. Il a été acteur, témoin, et, pour l’anecdote, il a été un miraculé grâce à une balle qui n’est pas sortie du pistolet quand le FLN a voulu l’assassiner en 1960. Vous avez donc à votre disposition une quantité d’archives relativement importante d’un témoin et acteur de cette période de l’histoire de France. La biographie de Robert Abdesselam est en cours, sous la direction de Michel Dreyfus.
Jean-François Sirinelli
16Merci, Monsieur. Cela me permet, en tant qu’historien, de signaler qu’effectivement, dans ce dialogue que j’évoquais entre les témoins et les historiens, il y a un troisième élément qui est les archives, les sources. Un historien travaille sur des sources. Vous êtes ici dans les locaux de Sciences Po, avec, au premier étage, le Centre d’histoire de Sciences Po, qui a une centaine de fonds d’archives dont beaucoup ne portent pas sur l’Algérie, mais dont un certain nombre, notamment celui que vous venez d’évoquer – et je vous remercie chaleureusement, Monsieur, de l’avoir déposé – portent sur l’Algérie. Naturellement, ensuite, chacun de ces fonds obéit à des règles de constitution particulière, fixées par le dépositaire. Ces fonds existent et il était bon de les évoquer.
Dominique Parcollet
17Le service s’appelle « Archives d’histoire contemporaine » et il est abrité par le Centre d’histoire. Les archives de Monsieur Dauer et de Monsieur Abdesselam sont au Centre d’histoire de Sciences Po.
Général Faivre
18Je voudrais intervenir sur trois points. Le premier, c’est l’état d’esprit des militaires. Je suis d’accord avec mon camarade Merrick sur la disponibilité des appelés ; je ne sais s’ils attendaient la quille, mais ils étaient tout à fait disponibles sur le terrain. Pendant cinq ans, j’ai eu des appelés sous mes ordres en Algérie. Le 13 mai, je me trouvais à Saumur, au Cours des capitaines, au moment où le commandement a décidé d’arrêter ces cours qui nous étaient donnés dans cette école, et de nous appeler pour faire de la publicité dans les villages au profit du 13 Mai. Capitaines et sous-lieutenants, nous sommes allés dans les villages tout autour de Saumur pour prêcher, non pas pour un parti politique quelconque, mais pour parler de l’évolution de l’Algérie ; nous étions pour une Algérie démocratique où il y aurait égalité entre les deux communautés. Mon deuxième point, c’est la désillusion qui a été ressentie par les militaires à la suite du 13 Mai. Elle vient, à mon avis, de plusieurs causes ; la première, sans doute, c’est que, d’après les archives du général Ély que j’ai feuilletées, le ministre des Armées, Guillaumat, a reçu l’ordre d’écarter les gens du 13 Mai. Tous les officiers qui avaient pris une responsabilité dans le 13 Mai, ont été mutés dans la deuxième partie de l’année 1958 et le début de l’année 1959. D’autre part, on a ordonné aux officiers de sortir des comités de salut public ; si les comités de salut public se sont effondrés, c’est parce qu’effectivement, les officiers n’ont pas pu y demeurer, d’où, à mes yeux, cette désillusion. Ma troisième remarque concerne la participation des populations au 13 Mai. Je voudrais signaler que, lorsque Lagaillarde a pris le Gouvernement général, il était accompagné de trois musulmans qui étaient des Moghazni de Oued el Alleug. Il y a des photos : c’est eux qui vont faire l’assaut du Gouvernement général. Dernier point : faisant des recherches sur l’état d’esprit des Pieds-noirs au moment du 13 Mai, j’ai écrit au docteur Lefèvre ; il m’a envoyé une lettre très intéressante que je vous laisserai d’ailleurs, dans laquelle il dit : « Il faut noter une volonté sincère des participants et de la population, d’établir en une véritable nuit du 4 Août, une égalité civique parfaite entre Algériens de souche et Algériens d’origine européenne ». Ce mouvement est né spontanément au sein du CSP, d’un accord unanime, sans préméditation, et la population a suivi.
Raymond Krakovitch
19J’étais soldat du contingent en Algérie, en particulier dans les années 1960-1961, à la Sécurité militaire à Alger, rue des Généraux Morris, et mon témoignage a trait à l’époque du putsch de Challe et Salan, parce qu’à ce moment-là, tous les soldats du contingent de métropole ont été fidèles au général de Gaulle et absolument hostiles au putsch. Il n’y avait qu’un seul jeune parmi nous, qui était pied-noir et qui, lui, avait la position inverse. Ce qui est intéressant, c’est qu’au moment où le putsch s’est terminé, le 26 avril 1961, la hiérarchie nous a demandé, à tous les soldats du contingent, quel que soit leur grade ou leur absence de grade, de faire un témoignage écrit sur l’attitude de chacun de leurs officiers au cours du putsch. Un certain nombre d’officiers ont été appelés à Paris ; les chauffeurs du contingent ont été appelés à aller les chercher à leur domicile et les conduire immédiatement à l’aéroport, au lendemain de la fin du putsch. On était chargé de voter également sur ce pauvre camarade pied-noir qui était en poste avec nous à la Sécurité militaire, poste relativement privilégié, pour savoir si on le gardait ou pas, et la majorité, qui était gaulliste à ce moment-là, a été pour le virer du poste ; c’était donc une période assez extraordinaire par rapport aux traditions et à la hiérarchie militaire.
Jean-Paul Angelier
20Ancien professeur d’histoire ayant servi dans le contingent dans un 2e bureau sous les ordres du colonel Barnay qu’un certain nombre d’entre vous connaissent et qui a été un très grand soldat, je voudrais apporter des renseignements que je crois inédits, sur la situation militaire – je dis bien, militaire – en Algérie en mai 1958, issus des archives du général Salan. Le Bulletin mensuel de renseignements (BMR), une synthèse de deux mois et un mémoire très secret du général Salan qui, je pense, a été envoyé au général de Gaulle puisqu’il est daté du 15 juin 1958. Tous les renseignements que je relate dans le bulletin de l’association des Amis de Raoul Salan ne nient pas l’ampleur et la participation du mouvement de fraternisation franco musulman, mais on ajoute ceci qui est très intéressant : « les plus importants ont eu lieu dans des régions où l’OPA avait été impitoyablement démantelée par les forces de l’ordre », et on cite l’Oranie, l’Algérois, les endroits sûrs. Il y a donc des renseignements politiques ; je signale à Madame Rahal que par exemple, les 2e Bureaux qui sont très francs, signalent des réseaux féminins. Il y a le mouvement féminin patronné par le 13 Mai, mais il y a aussi des réseaux féminins patronnés par le FLN, ou organisés par le FLN. Dans les bastions montagneux, le FLN est encore cantonné et très important ; il y a encore vingt mille combattants, à l’intérieur de l’Algérie, et Salan précise qu’il y a eu six mille armes lourdes qui ont réussi à rentrer en Algérie entre la fin 1957 et la mi 1958. À ces vingt mille combattants armés, il faut ajouter quarante mille moussebilines (volontaires), qui ont des revolvers ou des fusils, et qui sont très actifs en terrorisme, et il y a l’OPA que l’on n’a jamais pu dénombrer. Il y a donc une Algérie militaire qui est très difficile, et cela peut expliquer la position très prudente du général Salan ; il y a les barrages, mais les barrages ne sont pas encore complètement actifs car il y a encore des gens qui passent au travers ; il y a encore des batailles : fin mai 1958, le colonel Jeanpierre se fait tuer ; et donc, cette Algérie militaire est tout à fait différente. Evidemment, Alger, Oran, étaient pacifiés, je le crois ; Alger avait été nettoyé après la bataille d’Alger, mais ailleurs, ce n’est pas encore la victoire ; les 2e bureaux le disent et le général Salan le dit aussi. Il espère, à partir des CSP, faire une espèce de parti de l’Algérie française ; c’est une idée que Challe va reprendre d’ailleurs en 1959, mais qui échouera évidemment, ou qui sera refusée.
21J’ai regardé un peu les BMR de la fin 1958, on voit une certaine lassitude dans l’opinion musulmane, on voit des gens qui attendent quelque chose ; ce quelque chose sera le referendum des élections législatives, mais Salan le dit lui-même, ailleurs : j’aurais préféré avoir toutes mes troupes pour nettoyer les rebelles fellaghas. C’est ce que va faire le général Challe, mais le plan était préparé pour le général Salan. Donc, ces documents qui sont des documents bruts montrent une Algérie militaire encore difficile et, si Salan a dit une fois : « Je ne pouvais pas envoyer plus de deux régiments de paras sur Paris », il savait pourquoi !
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